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Jours tranquilles à Paris

29 avril 2019

Entretien - Jean-Marie Delarue : « Au nom de la sécurité, toutes nos libertés sont menacées »

Par Louise Couvelaire

Le président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme estime, dans un entretien au « Monde », que les libertés fondamentales sont en « très mauvais état » en France.

Jean-Marie Delarue, 74 ans, nommé le 10 avril à la tête de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), a consacré sa vie à la défense des libertés fondamentales. Pour le conseiller d’Etat, ex-directeur des libertés publiques au ministère de l’intérieur (de 1997 à 2001) et ancien contrôleur général des lieux de privation de liberté (de 2008 à 2014), elles sont aujourd’hui en danger. Nommé pour un mandat de trois ans, le haut fonctionnaire, un temps président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, entend faire entendre sa voix.

Dans quel état sont les libertés fondamentales en France ?

En très mauvais état. En apparence, nous sommes un Etat de droit, et l’on s’en flatte assez, nous avons un corpus juridique étoffé, des juges chargés de protéger nos libertés… En apparence, rien de tout ça n’est menacé.

Dans la réalité, c’est autre chose. Au nom de la sécurité, toutes nos libertés le sont. On n’arrête pas de nous dire que « la sécurité est la première de nos libertés », selon une formule désormais consacrée. C’est faux ! La sécurité est éventuellement l’une des conditions de notre liberté. Cet aphorisme est une dangereuse illusion qui pousse depuis plusieurs décennies les gouvernements à grignoter nos libertés toujours davantage.

Depuis quand ?

Le point de départ est la loi Peyrefitte de 1981, qui portait un nom prémonitoire, « Sécurité et liberté ». La démocratie était-elle alors désarmée face au terrorisme ? Au point qu’il soit nécessaire de légiférer ? Personne ne se pose la question, alors que la réponse me paraît claire : nous n’avions pas besoin de nouvelles lois pour mettre en prison des terroristes. Et ça n’est pas plus le cas aujourd’hui.

Quelles sont les conséquences ?

Par ces lois nouvelles, on installe une distinction entre le français ordinaire, qui a tous les droits, et le français suspect, qui a droit à des procédures particulières, à des juges particuliers… Cette dernière catégorie ne cesse de s’élargir. D’abord les musulmans avec l’Etat d’urgence permanent, puis les « gilets jaunes » avec la loi dite anti-casseurs. Désormais, il suffit de se trouver dans les environs d’une manifestation pour devenir un français suspect faisant l’objet de mesures extraordinaires, comme des fouilles.

Il est par ailleurs très inquiétant de voir des gouvernements donner toujours raison à leur police. Les policiers sont des gens très estimables, mais comme tout le monde, ils peuvent faire des erreurs et avoir tort. La façon dont a été traité le journaliste Gaspard Glanz est de la même façon totalement anormale. Quarante-huit heures de garde à vue, ça n’était évidemment pas nécessaire, vingt-quatre heures auraient suffi.

Il faut faire attention : c’est à l’aune dont on traite ces personnes que se juge une société. La majorité des Français croit que cela ne les concerne pas et qu’il existe un rideau étanche, or ce n’est jamais le cas. La frontière est toujours beaucoup plus fragile qu’on l’imagine. Ce n’est pas parce que l’on croit que cela ne regarde que les musulmans, les « gilets jaunes » ou la presse qu’il ne faut pas s’en émouvoir.

Vous estimez que les Français ne s’en émeuvent pas assez ?

Non. Et c’est aussi ce qui m’inquiète beaucoup. Il y a trente ans, lorsque l’on touchait à une liberté fondamentale, des pétitions circulaient, des intellectuels s’indignaient, des citoyens se mobilisaient… Aujourd’hui, à l’exception de la déchéance de nationalité annoncée en novembre 2015 par François Hollande et de la rétention de sûreté voulue par Nicolas Sarkozy en 2008, on entend peu de protestations.

En ce qui concerne les migrants, les ONG ont été les seules à « sauver l’honneur de l’Europe en Méditerranée », comme l’a déclaré au Monde mi-avril le directeur de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra), Pascal Brice. C’est grave ! Comme si toutes ces lois successives avaient fini par tétaniser la protestation, comme si tout cela n’intéressait pas l’opinion.

Quel est le risque ?

Les droits de l’homme, ce n’est pas un machin qu’on met en avant de temps en temps comme une cerise sur le gâteau, ce n’est pas une décoration, ni un sapin de Noël qu’on installe une fois par an, c’est la base de tout. Il ne faut pas les poser comme des principes du passé, mais comme des principes d’avenir, comme le socle sur lequel construire de nouvelles libertés. Les droits de l’homme doivent s’appliquer à tous, en tout temps et en tout lieu. Or, on en est loin.

S’il n’y a pas de voix qui s’élèvent pour incarner ce que nous prétendons être, il n’y a aucune raison pour que la France résiste mieux que les autres pays à la tentation de renoncement à nos grandes libertés, à laquelle les gouvernements successifs ont déjà en partie cédé. Avec notre système de protection sociale, c’est pourtant ce qui nous différencie du reste du monde. Si nous abandonnons cela, nous nous renierons.

Quelle est votre feuille de route à la tête de la CNCDH ?

La CNCDH est une voix pour exprimer ces inquiétudes. C’est ce qui me motive. Sa voix ne porte pas assez, et c’est regrettable, c’est pourtant une voix indépendante, celle de la société civile. Les dangers les plus graves pour la dignité humaine se situent souvent dans les interstices que personne ne voie.

Notre rôle, à la CNCDH, est de voir où se cachent les indignités. On peut saisir les Nations unies, on peut témoigner devant le Conseil constitutionnel – ce que nous avons fait au sujet de la loi dite anti-casseurs. Par nos avis, nous essayons de faire réfléchir les pouvoirs publics. Il est d’ailleurs regrettable de voir que depuis quinze ans le gouvernement saisit rarement la CNCDH en amont lorsqu’il réfléchit à des projets de lois. Nous ne sommes pas des imprécateurs mais des lanceurs d’alerte.

Comment allez-vous travailler avec le Défenseur des droits, qui, lui, a une autorité constitutionnelle ?

Ce qui m’intéresse, c’est qu’on aille dans le même sens. Je vais rencontrer Jacques Toubon début mai. Chacun a son rôle. Le Défenseur des droits fait écho aux plaignants, la CNCDH à la société civile. Nous sommes complémentaires, pas concurrents.

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29 avril 2019

Milo Moiré

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28 avril 2019

Analyse En froid avec Trump, la Corée du Nord se tourne vers la Russie, l’ancien « pays frère »

Par Nicolas Ruisseau, Moscou, correspondance, Philippe Pons, Tokyo, correspondant

A Vladivostok, dans l’Extrême-Orient russe, Kim Jong-un devait retrouver, jeudi, Vladimir Poutine pour leur première rencontre officielle.

La première rencontre entre le président Vladimir Poutine et Kim Jong-un, qui devait avoir lieu à Vladivostok (Russie), jeudi 25 avril, a une signification particulière alors que les négociations entre les Etats-Unis et la République populaire démocratique de Corée (RPDC) sont dans l’impasse à la suite de l’échec du sommet d’Hanoï, en février, entre le dirigeant nord-coréen et Donald Trump.

Quels que soient ses résultats, cette rencontre pourrait donner à Kim Jong-un une nouvelle marge de manœuvre : « Il envoie le signal à Washington qu’il a d’autres interlocuteurs puissants et qu’il peut compter sur la Russie », estime Artiom Loukine, professeur de relations internationales à l’université d’Extrême-Orient de Vladivostok.

La Russie, de son côté, « entend montrer qu’elle a les moyens économiques et politiques pour peser sur les équilibres régionaux », analyse, pour sa part, Andreï Lankov, spécialiste de la RPDC à l’université Kookmin à Séoul.

Le sommet fait suite à plusieurs invitations du président Poutine, adressées au dirigeant nord-coréen. Sa tenue fut différée par les pourparlers entre Pyongyang et Washington. Le dernier sommet entre Moscou et Pyongyang remonte à 2011, lorsque Kim Jong-il, père du dirigeant actuel, a rencontré le président Dmitri Medvedev. En revanche, depuis 2018, Kim Jong-un a rencontré quatre fois le président chinois, Xi Jinping.

Travailleurs corvéables à merci

Les entretiens porteront sur une priorité pour la RPDC : la coopération économique. Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies (ONU), la Russie a voté, en 2017, comme la Chine, les sanctions internationales qui frappent Pyongyang. Depuis la suspension des essais nucléaires et balistiques nord-coréens, en 2018, Moscou demande que ces sanctions soient atténuées. Et, comme dans le cas de la Chine, leur application par la Russie est sujette à caution : le pétrole russe, transbordé d’un tanker à un autre en pleine mer, transite aussi apparemment par voie ferrée à travers la Chine du Nord-Est jusqu’aux provinces septentrionales nord-coréennes.

Un autre dossier épineux porte sur les travailleurs nord-coréens en Sibérie, également frappés par les sanctions onusiennes. Les Etats membres ont jusqu’à décembre pour s’y conformer. En Russie, ces Nord-Coréens sont au nombre de 10 000, travaillant dans des conditions « contraires aux normes internationales », selon l’ONG Human Rights Watch, dans les mines, les forêts et la construction. Corvéables à merci, ils représentent une source importante de devises pour Pyongyang, qui a expressément demandé à Moscou de continuer à les accueillir.

Les échanges entre les deux pays sont faibles, comparés à ceux que la RPDC entretient avec la Chine : les exportations nord-coréennes vers la Russie se chiffrent à moins de 2 millions de dollars (1,8 million d’euros) et les importations russes à 32 millions de dollars. Ce à quoi il faut ajouter les trafics divers qui passent par la courte frontière qui les sépare (une vingtaine de kilomètres) ou qui transitent en mer pour arriver au grand port nord-coréen de Chongjin.

Les grands projets de coopération passant par la Corée du Nord – un oléoduc reliant la Sibérie à la Corée du Sud, ou le rétablissement d’une voie ferrée le long de la côte orientale de la péninsule, afin de la connecter au Transsibérien – doivent attendre des jours meilleurs.

« Méfiance réciproque »

Autrefois « pays frères », la RPDC et la Russie soviétique ont eu des relations parfois orageuses, sous une cordialité de façade. Les troupes soviétiques ont libéré la partie nord de la péninsule coréenne en 1945, et ils ont mis au pouvoir un jeune Kim Il-sung, qui s’est vite révélé moins malléable que ne le pensait Moscou.

Jusqu’à l’effondrement de l’URSS, Pyongyang sut habilement se tailler une marge d’indépendance en jouant de la rivalité sino-soviétique. La chute du régime soviétique l’a non seulement privé de cette carte, mais elle s’est surtout traduite par une aide réduite et une flambée des prix des exportations russes fixées en fonction du marché et non plus selon des tarifs privilégiés : pris à la gorge, le pays, déjà mal en point, victime de catastrophes naturelles, devait connaître une période de famine lors de la seconde partie des années 1990. « Un passé qui a nourri une méfiance réciproque tenace des deux côtés », estime Andreï Lankov.

Il fallut attendre l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine pour que les relations commencent à se réchauffer. Entre-temps, Pékin avait profité du refroidissement et du désengagement russes pour accroître son influence sur Pyongyang et apparaître comme son principal allié.

Aujourd’hui, Kim Jong-un pourrait chercher à rééquilibrer les liens avec Pékin en se rapprochant de Moscou, et Vladimir Poutine à revenir en force dans le jeu géopolitique de l’Asie du Nord-Est. « L’impasse des négociations entre les Etats-Unis et la RPDC constitue une chance pour Poutine de passer du rôle d’observateur à celui d’acteur dans la crise coréenne et montrer que l’on peut aborder le dossier nord-coréen en dehors de la feuille de route américaine », explique Andreï Kortounov, directeur du groupe de réflexion Russian International Affairs Council, à Moscou.

Plutôt qu’à se livrer au jeu de bascule entre Moscou et Pékin comme ses aïeux, Pyongyang veut surtout montrer à Washington qu’il ne dépend pas du seul allié chinois.

28 avril 2019

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28 avril 2019

Extrait d'un shooting

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27 avril 2019

«Grace de Monaco, princesse en Dior»

De toutes les têtes couronnées que l'on a pu voir en Dior depuis la création de la maison Dior, Grâce de Monaco occupe un statut particulier. Fidèle parmi les fidèles depuis la robe qu'elle porta le soir de sa rencontre avec le prince Rainier, elle recevait chaque saison les luxueux livres reliés qu'éditait Dior pour les clientes VVIP et choisissait ses modèles sur croquis, entre deux échantillons de tissu. Elle a tellement porté de Dior que lorsque le Rocher décide à la fin des années 80 de réaliser les inventaires des collections couture du palais, c'est à Marc Bohan qu'est confié l'exercice : la plupart des créations étaient de lui ! Ce sont 90 de ces modèles que l'on retrouve aujourd'hui au musée Christian Dior de Granville.

«Grace de Monaco, princesse en Dior», musée Christian Dior. Granville, du 27 avril au 17 novembre.

27 avril 2019

Extrait d'un shooting

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26 avril 2019

Roman Polanski poursuit l’Académie des Oscars en justice après son exclusion

Le réalisateur franco-polonais estime n’avoir pas eu la chance de « se faire entendre ».

L’académie des Oscars va devoir se défendre au tribunal de sa décision d’exclure, en 2018 dans le sillage du mouvement #metoo, le réalisateur franco-polonais Roman Polanski, qui a fui les Etats-Unis il y a quatre décennies après avoir plaidé coupable de détournement de mineure. Le cinéaste, 85 ans, a déposé un recours en justice à Los Angeles en Californie, jeudi 18 avril, selon l’assignation transmise par son avocat Harland Braun à l’Agence France-presse (AFP) samedi.

Le 3 mai 2018, l’Académie des arts et sciences du cinéma, qui remet les Oscars et compte plus de 7 000 membres, avait annoncé l’exclusion de M. Polanski en même temps que celle de l’acteur Bill Cosby, condamné pour agression sexuelle.

Pas de « préavis raisonnable »

La décision avait été transmise par courrier le jour même au réalisateur, « avec effet immédiat ». A l’époque, le Conseil des gouverneurs de l’Académie, composé de 54 membres, avait dit avoir suivi ses nouvelles normes de bonne conduite, adoptées au début du mouvement #metoo et après la chute du producteur Harvey Weinstein.

Mais M. Polanski estime, dans l’assignation rédigée par son conseil, que l’Académie aurait dû lui donner un « préavis raisonnable » avant toute mesure d’exclusion, et « une chance raisonnable de se faire entendre ». Il est précisé dans ce document que l’organisation hollywoodienne, qui regroupe les professionnels du septième art, s’est réunie le 26 janvier pour réexaminer et confirmer sa décision.

Soutenu par la victime

« Les procédures suivies pour expulser M. Polanski étaient équitables et raisonnables. L’Académie défend une décision appropriée », a répondu un porte-parole, vendredi, dans un communiqué transmis à Variety.

Roman Polanski avait plaidé coupable, en 1977, de détournement de mineure pour avoir eu des relations sexuelles illégales avec Samantha Geimer, alors âgée de 13 ans.

Ce seul chef d’accusation retenu était le résultat d’un accord à l’amiable avec le juge, après que Polanski a été inculpé initialement sur des charges plus graves, notamment viol d’une mineure sous l’emprise de stupéfiants.

Samantha Geimer, qui a déjà expliqué avoir pardonné à M. Polanski, a déclaré qu’elle le soutenait dans sa démarche de réadmission. Le réalisateur a fui les Etats-Unis à la suite d’un changement de position du juge, qui risquait de le condamner à une peine plus lourde que prévue. Les procureurs américains cherchent toujours à le faire revenir dans le pays pour qu’il reçoive sa sentence.

26 avril 2019

Jean-Pierre Marielle est mort à 87 ans

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Par Véronique Cauhapé

Bon vivant, acteur truculent, qui a tourné dans de nombreuses comédies, comme « Week-end à Zuydcoote », le comédien s’est éteint mercredi des suites d’une longue maladie.

Le verbe traînant, l’air désabusé lui ont fourni une merveilleuse façade en trompe-l’œil dont il a peut-être usé avec un brin de malice. Pour tromper son monde et sans doute, aussi, pour avoir la paix, du moins avec les « cons » qu’il craignait comme la peste (« Ah oui, ça fout les jetons, les cons »). A l’inverse de cette allure de seigneur revenu de tout, Jean-Pierre Marielle, qui est mort mercredi 24 avril, a fait preuve, durant 87 ans, d’un appétit d’ogre.

« Agathe Marielle a la tristesse d’annoncer que son mari, l’acteur Jean-Pierre Marielle, s’est éteint le 24 avril, à 16 h 24, à l’hôpital des Quatre-Villes, à Saint-Cloud, des suites d’une longue maladie. Les obsèques se dérouleront dans la plus stricte intimité », a annoncé son épouse dans un communiqué.

Epicurien, inattendu, excessif, il a su garder toute sa vie le goût du jeu et de l’enfance, ne faisant rien comme tout le monde, capable de prendre de la confiture avec de l’omelette et de jouer des tours de gosse à ses vieux copains. « Il fait toujours comme il a envie. Avec lui, dans la vraie vie, on s’amuse. On n’est jamais monsieur et madame », disait la comédienne Agathe Natanson, sa quatrième épouse qu’il avait rencontrée en 1997 et avec laquelle il s’était marié en 2003 à Florence, en Italie.

Cette vie, commencée le 12 avril 1932 à Paris, l’avait conduit à devenir acteur sans qu’il puisse l’expliquer. Jean-Pierre Marielle ne croyait ni en la vocation ni au fait que jouer puisse s’apprendre. Il était devenu comédien par hasard, faire le pitre lui convenait. L’affaire s’arrêtait là. Difficile néanmoins de se satisfaire de ce revers de main auquel il avait recours dans chaque interview. Mieux vaut y voir l’illustration de l’ennui qu’il éprouvait à parler de lui et à théoriser sur son métier. Car « jouer », « faire l’acteur » l’a guidé dès l’adolescence, quand, au lycée de Dijon, il monte avec ses camarades des pièces de Tchekhov. C’est là qu’un professeur de littérature l’encourage à devenir comédien de théâtre.

« C’est comme les années à prunes »

Jean-Pierre Marielle n’a pas besoin de plus et part sur-le-champ pour Paris où il intègre le Conservatoire national d’art dramatique. Nous sommes au tout début des années 1950, et se retrouvera en ce saint des saints une sacrée bande de joyeux drilles, prêts à faire voler en éclats les carcans et les diktats.

Belmondo, Cremer, Marielle, Rich, Rochefort, Vernier, Beaune. Sept jeunes hommes venus d’horizons très différents qui s’unissent dans le vent frais de l’amitié. Le rire, les larmes, les déconvenues, les histoires d’amour les soudent pour une vie entière. « Il y a des années de groupe de comédiens, comme des années de peintres, de musiciens, c’est comme les années à prunes, comme le pinard. C’est comme ça », résumait Jean-Pierre Marielle, fidèle à sa ligne de conduite : ne pas chercher midi à quatorze heures.

Quelques rôles sur les planches et une poignée d’apparitions au cinéma le vouent d’abord aux seconds rôles, avant que des réalisateurs lui accordent leur confiance : Jean Girault (Faites sauter la banque, avec Louis de Funès, 1964), Henri Verneuil (Week-end à Zuydcoote, avec Jean-Paul Belmondo, 1964), Philippe de Broca (Le Diable par la queue, 1969).

Ces films mènent Jean-Pierre Marielle vers une notoriété qui se bâtit dans les années 1970, avec des comédies comme Sex-Shop, de Claude Berri, La Valise, de Georges Lautner, Comment réussir quand on est con et pleurnichard, de Michel Audiard, Calmos, de Bertrand Blier, Cause toujours… tu m’intéresses, d’Edouard Molinaro. Des personnages qu’il incarne avec ce même mélange d’humour, de candeur et de cynisme, et qui font de lui un des acteurs les plus truculents du cinéma gaulois.

Face à la critique, l’acteur n’est pas homme à se démonter, ni à se renier. Lui dont la jeunesse s’était nourrie de John Ford, Ingmar Bergman et Orson Welles, assumait chacun de ses choix. « Ça ne me gêne pas de faire des navets, j’espère en faire encore quelques-uns », avait-il dit en janvier 2011 lors d’une rencontre à la Fnac pour la sortie de son livre Le grand n’importe quoi (Calmann Lévy). Le gênaient en revanche « les nuls qui se prennent pour des génies ». Ceux-là étaient bannis de son répertoire. Si Jean-Pierre Marielle se définissait comme « un cabotin », il ne l’était pas au point de se frotter aux prétentieux.

« Je suis décalé, pas calé »

Il ne les considérait pas comme tels, les cinéastes qui, au moment où il se lasse des personnages un peu extravagants, lui apportent des rôles dramatiques. Il les a même aimés, au même titre que les longs-métrages qu’ils ont réalisés, les Joël Séria (Les Galettes de Pont-Aven), Bertrand Tavernier (Que la fête commence en 1974 et Coup de torchon, en 1981), Claude Berri (Uranus), Laurent Heynemann (Les Mois d’avril sont meurtriers), Claude Sautet (Quelques jours avec moi), Alain Corneau (Tous les matins du monde)…

Mais il n’en faisait pas plus de cas que des autres, ne se vantait pas outre mesure d’en avoir été. Aux journalistes qui lui demandaient quel avait été son plus beau rôle, il bottait en touche. « Je ne sais pas, j’ai fait trop de choses différentes », soulignait-il, n’omettant pas dans « ces choses », les dizaines de films tournés pour la télévision.

C’est surtout sur le théâtre et ses auteurs qu’il aimait s’attarder, se plaisant à exprimer le plaisir inouï qu’il éprouvait à se mettre à leur service. « Le théâtre est toujours une émotion très présente en moi. Entendre les trois coups, le rideau qui se lève et le murmure de la salle, puis on se lance. Comme les écrivains, le prix Goncourt, on attend toujours le rôle qui va faire de vous quelque chose que vous n’imaginez pas, même dans vos plus chers désirs ».

Jean-Pierre Marielle s’est plu à lire et dire les mots de Molière, Ionesco, Pinter, Pirandello, Anouilh, Tchekhov, Claudel… La quarantaine de pièces dans lesquelles il a joué sous la direction de grands metteurs en scène a su maintenir intacte sa joie de partager, avec le public, les œuvres et les écrivains qu’ils chérissaient.

Lecteur gourmand, fou de jazz, amoureux de l’art, Jean-Pierre Marielle disait cependant de lui-même qu’il n’était calé en rien : « Je suis décalé, pas calé. Il n’y a rien de mieux que d’être décalé. » De même que si Paris était sa ville, il n’en demeurait pas moins un paysan, un garçon dont l’enfance passée à Précy-le-Sec, dans l’Yonne, entre un père industriel et une mère couturière, avait laissé des traces qu’il prenait soin de cultiver et d’user comme un remède. Son penchant pour la contemplation, sa passion pour les plats du terroir – intarissable sur le petit salé aux lentilles, la potée, le haddock… – et les bons vins lui venaient de là. Ils ont été son meilleur rempart à la vaine agitation du monde.

26 avril 2019

Milo Moiré

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