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Jours tranquilles à Paris
festival de cannes
28 mai 2017

Palme d'Or - Festival de Cannes

70e festival de Cannes : la palme d'or est attribuée à "The Square" du Suédois Ruben Östlund

Le jury du réalisateur espagnol Pedro Almodovar s'est coupé du monde, et la planète cinéma a retenu son souffle : le 70e festival de Cannes a annoncé, dimanche 28 mai, son palmarès. La Palme d'or a été attribuée à The Square du Suédois Ruben Östlund et le Grand prix du jury à 120 battements par minute du Français Robin Campillo.

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27 mai 2017

Cannes 2017. «Cher François Ozon...» lettre ouverte au réalisateur de «l'Amant double»

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Le réalisateur ferme le ban des quatre films français en lice pour la Palme d'or. Notre critique Pierre Vavasseur ne la lui accordera pas pour «l'Amant double».

Vous revoici donc aujourd'hui à Cannes, dans les plus jolies conditions puisque vous concourez en compétition officielle, invité à fermer le ban de la sélection française. Félicitations. Votre film, qui sort ce même jour sur les écrans, est une comédie non romantique avec des accents de thriller mental saupoudré de gore. Il est librement adapté d'un ouvrage de la romancière new-yorkaise Joyce Carol Oates qu'elle avait d'ailleurs signé sous pseudo. Avant vous, en 1988, le cinéaste américano-canadien David Cronenberg en avait tiré «Faux-semblants», avec Geneviève Bujold et Jeremy Irons. Vous avez choisi Marine Vacth, révélée par vos soins en 2013 dans «Jeune et Jolie», et un autre Jérémie en la personne de Jérémie Renier. Le thème est fort : il s'agit de la gémellité cannibale. Comment des jumeaux se font la guerre dès la conception. Puis, s'ils s'en sont sortis, se jalousent entre eux. Ça, c'est le fond du problème, et il est sanglant. Tout commence par une rencontre entre une jeune femme dépressive, Chloé, et son psy, Paul, qui en tombe amoureux. Ils s'installent ensemble. Mais par hasard, Chloé croit apercevoir Paul dans Paris. Il lui assure qu'il a passé la journée à l'hôpital en compagnie de ses patients.

Cher François, vous avez fait de si belles choses, si délicates, telles ce «Frantz», onze fois nommé lors des derniers César. Mais je déteste votre film. Plus j'y ai pensé et repensé, plus je m'en suis éloigné. Il m'est lentement apparu comme la représentation tordue que vous avez des femmes. Ce désir de les débarrasser de la grâce et de l'amour qu'elles sont en droit d'inspirer. Marine Vacth est l'une de nos plus belles et troublantes actrices. Déjà, dans «Jeune et Jolie», vous en faisiez un miroir froid de vos fantasmes. Une prostituée sans tendresse. Dépucelée sans amour. Je ne vous parle pas de morale, je vous parle d'image.

 Vous auriez préféré naître d'un homme.

«Une nouvelle amie», en 2014, avec Romain Duris réincarnant son épouse disparue, avait aussi cette brûlure dérangeante et glacée, étanche aux sentiments. Vous n'aimez pas la douceur, François. Vous profitez de votre art pour l'assassiner. En faisant semblant d'aimer les femmes, de leur rendre hommage, vous nous empapaoutez. Ce ne sont pour vous que de charmants papillons de nuit. Avec le recul, «Huit Femmes» est d'une acidité totale dissimulée derrière une affectation acidulée. Ce n'est pas un film sur la féminité, c'est un film en couleur.

Mais avec «l'Amant double», vous vous lâchez pour de bon. Séquence générique : les longs cheveux de Marine Vacth sont coupés avec application. La caméra y prend son plaisir. Votre actrice, qui a pour elle de renverser le monde, de le mener par le bout du nez, vous l'aimez pour une seule raison : son personnage est une proie, une victime, une soumise, une violée consentante. Elle ne peut jouir que dévastée. Vous montrez son vagin en gros plan chez la gynéco. On a le nez dedans.

Plus tard vous récidivez : palpitation des lèvres et du désir. C'est 20 000 lieues sous la mère monstrueuse qu'elle est amenée à devenir. Reconnaissez-le, François. Vous n'aimez pas les femmes. Elles sont la transcription de vos peurs, voire de votre dégoût d'avoir été enfanté par l'une d'elles. Vous auriez préféré naître d'un homme. Et pourquoi ce plan sur le visage de Jacqueline Bisset qui, presque déformée par la focale et les insultes qu'elle profère, semble si laide... Vous voyez ? Si j'étais une femme, je serais accablée par ce que vous montrez de moi.

«L'Amant double», drame français de François Ozon, avec Marine Vacth, Jérémie Renier, Jacqueline Bisset, Myriam Boyer... 1 h 47. Sortie en salles vendredi 26 mai.

Le Parisien

26 mai 2017

L'amant double

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26 mai 2017

Paul Schmidt et Marine Vacth - Présentation ce soir au Festival de Cannes du film "L'amant double"

Count down 📽#lamantdouble #marinevacth #paulschmidt

Une publication partagée par Paul Schmidt (@paul1schmidt) le 26 Mai 2017 à 9h33 PDT

synopsis

Chloé, une jeune femme fragile, en proie à la dépression, suit une psychothérapie auprès de Paul, dont elle ne tarde pas à tomber amoureuse. Les mois passent et les jeunes gens s'installent ensemble. Mais Chloé découvre bientôt que son compagnon a totalement occulté une partie de son existence...

Critique lors de la sortie en salle le 26/05/2017

Par Pierre Murat (Télérama)

Chloé (Marine Vacth, toujours aussi belle, de plus en plus hitchcockienne) a mal. Au ventre, surtout. En fait, partout. Rien ne va. Elle qui devait se déployer comme un phénix s'est lentement repliée sur elle-même. Quelque chose la ronge de l'intérieur... Rien de tel qu'un psy, dit-on, pour vous aider à aller mieux, en vous fouillant le coeur et l'esprit. Celui qu'elle se choisit est blond, doux, attentif, équilibré. Enfin pas tant que ça, puisque Paul (Jérémie Renier) avoue vite, pour sa cliente, une attirance incompatible avec sa déonto­logie professionnelle, que la jeune femme, à chaque séance plus belle, accueille avec enthousiasme... Les voilà ensemble et heureux. Un jour, en sortant du musée où elle travaille comme gardienne, Chloé aperçoit son compagnon en conversation avec une autre — ce qu'il nie... Interdite, puis dévastée, Chloé découvre que Paul a un frère ­jumeau, caché et détesté, psy comme lui, et encore plus amoral. Dès la deuxième séance avec celle qu'il semble connaître déjà — comment est-ce possible ? —, Louis (toujours Jérémie Renier, mais plus brutal, plus féroce, plus fascinant) attire Chloé dans sa cham­bre, dans son lit, et la fait jouir. Mieux que tout le monde. Mieux que son frère... Partagée entre ses deux amants qui semblent n'en faire qu'un, Chloé se perd. Ses douleurs au ventre reviennent et deviennent insupportables...

François Ozon est l'un des rares cinéastes actuels — le seul, peut-être — à distiller, de film en film, l'idée déconcertante que ses images mentent. Qu'elles peuvent tromper, en tout cas. Au spectateur de sortir de la passivité que le cinéma exige le plus souvent pour les ­déchiffrer, les questionner. Avec Ozon, on a (presque) toujours deux films pour le prix d'un : celui qu'il exhibe, avec des tours de passe-passe visibles, comme pour rassurer ses détracteurs qui veulent ne voir en lui qu'un styliste super­ficiel. Et celui qu'il tisse en douce, qu'il dissimule comme dans un palimpseste, destiné aux « happy few » chers à Sten­dhal, pour qui l'apparence est un piège.

C'était le cas de 8 Femmes (2002), où le film no 1 — une grosse farce policière empruntée à un auteur boulevardier, Robert Thomas — écrasait volontai­rement le no 2 : la peinture sombre, presque désespérée, d'un huis clos peuplé de monstres dont les chansons, pourtant, révélaient, comme des bouffées de nostalgie, une humanité perdue. Récemment, dans Frantz, tout en s'attachant à raconter l'histoire prin­cipale — le parcours entrepris par une jeune femme (Paula Beer) vers une renaissance possible —, Ozon fignolait la secondaire : l'amitié ambiguë, même si imaginaire, d'Adrien (Pierre Niney) pour Frantz. Un geste tout juste ébauché, un regard prolongé une seconde de trop, et le cinéaste suggérait qu'au-delà du meurtre qu'il cherchait à expier à toute force, Adrien avait un autre secret — enfoui en lui et nié...

Inspiré d'un court roman de Joyce Carol Oates, L'Amant double est l'aboutissement de cette dualité permanente. Côté spectacle, des références cinéphiliques évidentes : des jumeaux sortis de Soeurs de sang, de Brian De Palma, des entrelacs d'escaliers vertigineux, comme chez Alfred Hitchcock, des secrets derrière la porte, comme chez Fritz Lang, des animaux inquiétants à la Jacques Tourneur, et une voisine étrange et envahissante comme la sorcière de Rosemary's Baby, de Roman Polanski. Emprunts assumés, magnifiés par une mise en scène volontairement voyante et sophistiquée, qui insuffle vite une douce mais suffocante sensation de malaise. La peur que l'on éprouve au début d'un cauchemar à peine amorcé, devant un danger présent, mais invisible. Tout se brouille, la réalité se dérobe, l'univers devient cotonneux, spongieux, visqueux presque...

Ce décor en trompe-l'oeil permet au cinéaste de s'infiltrer, comme un voyeur, comme un voleur, dans l'intimité de personnages que l'on croyait connaître par coeur. Et d'inventer. D'oser, si l'on ose dire. Le plan surprenant, quasiment surréaliste, d'un oeil sur un sexe de femme. Les moments oniriques où les expositions du musée que surveille Chloé semblent muer, se métamorphoser en menaces qui la guettent, la cernent, pour mieux se l'approprier. L'avaler. La dissoudre. Sans oublier la scène où, s'imaginant faire l'amour avec les jumeaux, Chloé s'aperçoit que les deux frères se désirent bien plus qu'ils ne la désirent, elle...

Une fois de plus, Ozon filme un parcours de femme. A l'opposé de celui, rassurant, entrepris par l'héroïne de Frantz, le périple de Chloé est cru, cruel, brutal. Jamais dans ses films précédents le cinéaste n'avait approché ses personnages avec une telle élégance froide, une telle précision clinique. Conforme, sans doute, à l'idée qu'il se fait de l'humanité souffrante : un monde de névrosés, cabossés et fragiles, séduisants et séducteurs, à jamais inguérissables... — Pierre Murat

26 mai 2017

François Ozon,

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Jérémie Renier et Marine Vacth partagent l’affiche de « l’Amant double ».

Il ferme le ban des quatre films français en lice pour la Palme d’or. Notre critique Pierre Vavasseur ne la lui accordera pas pour « l’Amant double ».

Vous revoici donc aujourd’hui à Cannes, dans les plus jolies conditions puisque vous concourez en compétition officielle, invité à fermer le ban de la sélection française. Félicitations. Votre film, qui sort ce même jour sur les écrans, est une comédie non romantique avec des accents de thriller mental saupoudré de gore. Il est librement adapté d’un ouvrage de la romancière new-yorkaise Joyce Carol Oates qu’elle avait d’ailleurs signé sous pseudo. Avant vous, en 1988, le cinéaste américano-canadien David Cronenberg en avait tiré « Faux-semblants », avec Geneviève Bujold et Jeremy Irons. Vous avez choisi Marine Vacth, révélée par vos soins en 2013 dans « Jeune et Jolie », et un autre Jérémie en la personne de Jérémie Renier. Le thème est fort : il s’agit de la gémellité cannibale. Comment des jumeaux se font la guerre dès la conception. Puis, s’ils s’en sont sortis, se jalousent entre eux. Ça, c’est le fond du problème, et il est sanglant. Tout commence par une rencontre entre une jeune femme dépressive, Chloé, et son psy, Paul, qui en tombe amoureux. Ils s’installent ensemble. Mais par hasard, Chloé croit apercevoir Paul dans Paris. Il lui assure qu’il a passé la journée à l’hôpital en compagnie de ses patients.

Cher François, vous avez fait de si belles choses, si délicates, telles ce « Franz », onze fois nommé lors des derniers César. Mais je déteste votre film. Plus j’y ai pensé et repensé, plus je m’en suis éloigné. Il m’est lentement apparu comme la représentation tordue que vous avez des femmes. Ce désir de les débarrasser de la grâce et de l’amour qu’elles sont en droit d’inspirer. Marine Vacth est l’une de nos plus belles et troublantes actrices. Déjà, dans « Jeune et Jolie », vous en faisiez un miroir froid de vos fantasmes. Une prostituée sans tendresse. Dépucelée sans amour. Je ne vous parle pas de morale, je vous parle d’image.

Vous n’aimez pas les femmes

« Une nouvelle amie », en 2014, avec Romain Duris réincarnant son épouse disparue, avait aussi cette brûlure dérangeante et glacée, étanche aux sentiments. Vous n’aimez pas la douceur, François. Vous profitez de votre art pour l’assassiner. En faisant semblant d’aimer les femmes, de leur rendre hommage, vous nous empapaoutez. Ce ne sont pour vous que de charmants papillons de nuit. Avec le recul, « Huit Femmes » est d’une acidité totale dissimulée derrière une affectation acidulée. Ce n’est pas un film sur la féminité, c’est un film en couleur.

Mais avec « l’Amant double », vous vous lâchez pour de bon. Séquence générique : les longs cheveux de Marine Vacth sont coupés avec application. La caméra y prend son plaisir. Votre actrice, qui a pour elle de renverser le monde, de le mener par le bout du nez, vous l’aimez pour une seule raison : son personnage est une proie, une victime, une soumise, une violée consentante. Elle ne peut jouir que dévastée. Vous montrez son vagin en gros plan chez la gynéco. On a le nez dedans.

Plus tard vous récidivez : palpitation des lèvres et du désir. C’est 20 000 lieues sous la mère monstrueuse qu’elle est amenée à devenir. Reconnaissez-le, François. Vous n’aimez pas les femmes. Elles sont la transcription de vos peurs, voire de votre dégoût d’avoir été enfanté par l’une d’elles. Vous auriez préféré naître d’un homme. Et pourquoi ce plan sur le visage de Jacqueline Bisset qui, presque déformée par la focale et les insultes qu’elle profère, semble si laide… Vous voyez ? Si j’étais une femme, je serais accablée par ce que vous montrez de moi.

Pierre Vavasseur À Cannes

« L’Amant double », drame français de François Ozon, avec Marine Vacth, Jérémie Renier, Jacqueline Bisset, Myriam Boyer… 1 h 47. Déjà en salles.

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25 mai 2017

Cannes 2017 : « Rodin », le geste puissant de l’artiste au travail

Par Mathieu Machere

Le biopic de Jacques Doillon s’ouvre en 1880, quand le sculpteur (Vincent Lindon) reçoit sa première commande d’Etat, et le suit à travers une série d’épisodes intimes et créatifs.

SÉLECTION OFFICIELLE – EN COMPÉTITION

Il fallait sans doute compter sur l’indépendance d’esprit d’un Jacques Doillon pour ne pas couronner le centenaire de la mort d’Auguste Rodin avec un biopic (film biographique) supplémentaire. La rencontre semblait presque aller de soi, entre le glorieux sculpteur et le cinéaste de l’intime, réputé pour modeler à l’écran des états souvent extrêmes du corps – qu’on pense à La Pirate (1984), avec ses personnages aux postures tiraillées par les passions, ou au plus récent Mes séances de lutte (2014), où Sara Forestier et James Thierrée s’affrontaient amoureusement dans la boue.

Doillon n’a donc aucunement tenté de compiler la destinée de son personnage comme une pièce montée récapitulative ou hagiographique, mais a prélevé une séquence bien particulière de sa vie d’homme et d’artiste.

Le film s’ouvre en 1880, quand Rodin (Vincent Lindon), âgé de 40 ans, reçoit sa première commande d’État pour réaliser La Porte de l’Enfer, inspirée de la Divine Comédie de Dante. On suit le sculpteur à travers une série d’épisodes intimes et créatifs, se situant à chaque instant à la croisée des chemins.

Dans son art d’abord, puisque Rodin prend sa reconnaissance tardive comme l’occasion d’aller plus loin et de déchaîner ses audaces. Dans sa vie amoureuse ensuite, puisque sa liaison houleuse avec Camille Claudel (Izïa Higelin) se consume et s’éteint, avant qu’il ne plonge dans les bras de ses nombreux modèles, ou ne revienne auprès de sa compagne Rose Beuret (Séverine Caneele). Le tournant décisif intervient avec sa conception d’un Monument à Balzac, bond en avant vers la modernité qui l’occupera pendant près de six ans, et ne suscitera que rejet et incompréhension.

Rapport ductile à la beauté des corps

Que le récit attaque d’emblée sur la question de la commande n’a évidemment rien d’anodin et constitue d’ailleurs en partie le sujet du film. Comment résister à l’officialité et à l’institutionnalisation ? La question se pose à deux niveaux, c’est-à-dire qu’elle concerne autant le personnage de Rodin, aux prises avec ses commanditaires, que le cinéaste Doillon, chargé de représenter un monstre sacré de la culture française.

La réponse est, encore une fois, commune au sculpteur et au cinéaste : on résiste par l’inachèvement (Rodin qui ne finit pas sa Femme cambrée, laissée à l’état de torse) et par la quête perpétuelle du mouvement insufflé à la matière inerte (la terre que le sculpteur façonne de ses grosses paluches).

Ce mouvement trouve son origine dans les relations de Rodin aux diverses femmes qui l’entourent. C’est sans doute la part la moins convaincante du film, tant elle ramène la créativité de l’artiste à la sève de désir qui bouillonne en lui. Analogie peut-être pertinente, mais un peu courte pour véritablement cerner le geste puissant et emporté de l’artiste.

Les plus beaux passages du film sont à chercher dans les sessions de travail de Rodin, et plus précisément dans les « arcs » constants qui s’établissent entre le regard de l’artiste et son geste de sculpture. Dans une scène splendide, il prend une série de croquis sans quitter un instant ses modèles des yeux, tout en leur soufflant différentes poses. Observer et créer se confondent alors dans un même circuit, n’étant autres que les deux facettes d’un même rapport ductile à la beauté des corps et à leur ineffable tressaillement.

Film français de Jacques Doillon. Avec Vincent Lindon, Izïa Higelin, Séverine Caneele, Bernard Verley (1 h 59). Sortie le 24 mai.

25 mai 2017

Cannes 2017 - Festival de Cannes

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Festival de Cannes

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22 mai 2017

Festival de Cannes 2017 - « Le Redoutable » : clichés de Godard en mai

Par Thomas Sotinel

Michel Hazanavicius filme l’amour et le désamour de Jean-Luc Godard et Anne Wiazemsky, en 1967-1968. Un joli objet pop, qui ne s’approche jamais tout à fait de son sujet.

SÉLECTION OFFICIELLE - EN COMPÉTITION

Des rires, aux bons endroits, quelques applaudissements, quelques sifflets : la projection de presse du Redoutable, samedi 20 mai, de Michel Hazanavicius, n’entrera pas dans la chronique des scandales cannois. Pourtant le film s’attaque, se moque de, pastiche, caricature et réimagine Jean-Luc Godard, sujet et objet avec lequel d’habitude, en pays cinéphile, on ne rigole pas.

Le Redoutable emprunte son titre au premier sous-marin nucléaire français, lancé en 1967. Un reportage radio qui relate sa première croisière, fournit au film son leitmotiv : « Ainsi va la vie à bord du Redoutable ». C’est une de ces phrases codées qu’on utilise à intervalle régulier entre amoureux, en l’occurrence Jean-Luc Godard et Anne Wiazemsky, dont le film raconte l’amour et le désamour, en 1967 et 1968.

Le scénario est adapté des deux livres de souvenirs d’Anne Wiazemsky – Une année studieuse et Un an après. S’il ne s’agissait que de cela, d’une comédie sentimentale, Le Redoutable serait un film plutôt réussi. Louis Garrel et Stacey Martin vont aussi bien ensemble que leurs modèles, et Michel Hazanavicius les filme tantôt comme Truffaut filmait Jean-Pierre Léaud et Claude Jade dans Domicile Conjugal, tantôt comme Piccoli et Bardot dans Le Mépris.

Insoluble contradiction

Les références accumulées dans la phrase précédente ne sont pas seulement, pour une fois, le signe de la pédanterie du critique. Elles sont aussi le symptôme de l’insoluble contradiction, pour reprendre un terme en vogue à l’époque, qui finit par défaire le projet de Michel Hazanavicius.

Depuis ses débuts, le réalisateur s’est servi du cinéma existant pour fabriquer d’autres films : les classiques hollywoodiens doublés et remontés de La Classe américaine, les nanars français parodiés dans OSS 117, le cinéma muet tardif pastiché avec amour dans The Artist.

Or Le Redoutable a pour personnage central l’un des plus grands inventeurs du cinéma moderne. Cette quête jamais assouvie de nouvelles façons de faire du cinéma n’a jamais séparé le propos de la forme, le vocabulaire de la syntaxe.

Au moment où Hazanavicius s’empare de ce personnage (et l’auteur du Redoutable ne prétend pas faire œuvre d’historien), Godard est en phase de réinvention, ce qui pèse sur son couple (après tout, Anne Wiazemsky est comédienne et la perspective d’un cinéma sans personnages, sans récit, sans acteurs ne lui offre pas un avenir radieux) et lui fait tourner le dos à ceux et celles qui avaient fait un bout de chemin avec lui. C’est une affaire sérieuse, qu’il n’est pas interdit de traiter sur le mode comique, encore faut-il trouver la juste distance, le juste regard sur le moment que l’on tente de saisir.

De Mai 68, Hazanavicius ne retient que les moments de ridicule

Le Redoutable est un film à grand spectacle quand il met en scène les manifestations de Mai 68. Cette ampleur – du cadre, de la figuration – est pourtant démentie par la dynamique des séquences de combat de rue qui ne sont que déroutes cocasses des contestataires.

De toute évidence, Michel Hazanavicius ne prend pas au sérieux le fond de l’affaire. De l’intervention de Godard (et Truffaut, et Malle, et Resnais…) à Cannes, il ne retient que la déception (fictive) de Michel Cournot (Grégory Gadebois, ce qui pour un collègue de feu Michel, devenu par la suite critique de théâtre au Monde, est assez déconcertant).

Cournot se plaint de n’avoir pu « faire naître » son film à Cannes, comme Hazanavicius y vit naître The Artist (et y mourir The Search). Des débats de ce mois-là, l’auteur d’OSS 117, Rio ne répond plus ne retient que les formules les plus creuses, les moments de ridicule. Des expériences de cinéma autogéré que la prise de pouvoir de plèbe aux dépens des vrais artistes.

Si l’on refoule cet aspect du Redoutable, cette tentative de portrait de l’artiste en période de mue, qui ne s’approche jamais tout à fait de son sujet, si l’on oublie l’état-civil du personnage à l’écran, celui avec les lunettes noires et le léger accent, le film est un joli objet pop.

Parmi les emprunts à Godard, il y a une palette aussi stricte que celle de Pierrot le fou, sauf qu’elle est ici bleu blanc rouge (on se gardera de toute exégèse). Mais il y a aussi des inventions charmantes comme cette scène de ménage polyphonique faite de propos anodins sur la bande-son pendant que les sous-titres livrent un bulletin de santé inquiétant quant à l’état du couple Godard-Wiazemsky. L’emballage d’époque est impeccable, et mieux vaut ne pas en défaire les nœuds.

Film français de Michel Hazanavicius. Avec Louis Garrel, Stacey Martin, Bérénice Béjo, Micha Lescot, Grégory Gadebois (1 h 47). Sortie en salles le 13 septembre.

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