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Jours tranquilles à Paris
russie
10 septembre 2019

Mise au point russe...

russe

Réagissant aux propos tenus par le chef du Pentagone, qui avait exhorté la Russie à «se conduire comme un pays plus normal», les ministres russes des Affaires étrangères et de la Défense ont laissé entendre qu'ils n'avaient pas la même vision de la «normalité» que les Etats-Unis.

«Il nous a appelé à agir comme un pays normal, mais pas comme les Etats-Unis. Puisque dans ce cas-là, nous aurions dû [...] bombarder l'Irak ou encore la Libye, une violation flagrante du droit international», a déclaré Sergueï Lavrov lors d'une conférence de presse aux côtés de Jean-Yves Le Drian et Florence Parly.

Le ministre a ajouté que, suivant cette logique, Moscou aurait dû «octroyer des millions pour l'ingérence dans les affaires des autres pays, comme l'avait fait le Congrès».

Poursuivant son idée, il a estimé que la Russie aurait dû soutenir «un coup d'Etat anticonstitutionnel en Ukraine en février 2014, à l'instar des Etats-Unis et de leurs proches alliés, lorsque l'opposition ukrainienne, sous la pression des radicaux, des néonazis, avait foulé aux pieds un accord signé [le 21 février 2014, ndlr] par les pays-membres de l'UE». «Nous allons probablement rester quand même anormaux pour l'instant», a de son côté ajouté SergueïChoïgou, ministre de la Défense.

poutine66

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28 août 2019

Chronique « La Russie est devenue incontournable et Emmanuel Macron n’entend plus la contourner »

Par Sylvie Kauffmann

Qui a perdu la Russie ? Nous, les Occidentaux, a tranché M. Macron. Il veut bâtir pour l’Europe une nouvelle « architecture de confiance » avec Moscou. Il va lui falloir d’abord convaincre, estime l’éditorialiste au « Monde » Sylvie Kauffmann dans sa chronique.

Mardi 27 août, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, était en visite à Moscou pour parler Syrie avec Vladimir Poutine. Au même moment, à près de 3 000 km de là, le président Emmanuel Macron exposait avec force arguments sa nouvelle doctrine russe aux ambassadeurs français réunis à l’Elysée. Il faut, a-t-il martelé, « repenser notre lien avec la Russie ».

La coïncidence est fortuite mais les deux événements ne sont pas totalement étrangers. Moscou, relève un diplomate français rapportant les propos d’un ambassadeur arabe, « est la nouvelle Mecque » : tous les dirigeants du monde arabo-musulman y vont. Le pèlerinage n’est pas religieux, il est stratégique : Benyamin Nétanyahou, le premier ministre israélien, le fait aussi, d’ailleurs, à l’occasion. La Russie est devenue incontournable et Emmanuel Macron n’entend plus la contourner.

Axe majeur de sa diplomatie

A trois reprises en l’espace d’une semaine, il a expliqué en détail pourquoi remettre la Russie dans le jeu européen était devenu un axe majeur de sa diplomatie : en recevant le président Poutine dans sa résidence d’été de Brégançon, le 19 août, puis, deux jours plus tard, face à la presse présidentielle, et à nouveau mardi à l’Elysée. Le sujet a également été abordé avec ses collègues du G7 à Biarritz, qu’il a briefés, samedi, sur ses cinq heures de conversation avec le président russe.

Le tournant n’est pas tout à fait nouveau. En mai 2018, à Saint-Pétersbourg, M. Macron a déjà tenté de jeter les jalons de cette nouvelle approche, mais M. Poutine n’a pas été particulièrement réceptif. Fin août 2018, dans son discours annuel devant les ambassadeurs, le chef de l’Etat a avancé l’idée d’une « nouvelle architecture européenne de sécurité » qui engloberait la Russie – une idée floue, accueillie avec « défiance », accuse-t-il aujourd’hui, par ses propres diplomates.

Le 11 novembre, pour les cérémonies du centenaire de l’armistice de 1918, Vladimir Poutine a fait une fleur au président français, en acceptant de participer au très macronien Forum sur la paix sans y prendre la parole. Les « gilets jaunes » ont détourné M. Macron de la Russie pendant l’hiver, mais dès le printemps, il a confié à Jean-Pierre Chevènement une lettre à porter au Kremlin à M. Poutine pour l’inviter à venir le voir avant le G7. Et en juillet, la France a appuyé le retour de la Russie au Conseil de l’Europe.

Après Brégançon, la dynamique est en marche. M. Poutine devrait revenir pour la deuxième édition du Forum sur la paix, en novembre, et M. Macron ira à Moscou pour le 75e anniversaire de la victoire soviétique en mai. Et avant cela, si tout va bien, si les quelques gestes attendus de Moscou – un échange de prisonniers avec Kiev, par exemple – se produisent à brève échéance, ils se retrouveront fin septembre à Paris pour un sommet quadripartite sur l’Ukraine avec le nouveau président ukrainien, Volodymyr Zelensky, et la chancelière, Angela Merkel, censé relancer le processus de règlement du conflit dans le Donbass. Un déblocage de la crise ukrainienne est, en effet, la condition sine qua non de ce réchauffement.

Rejouer le « reset » de Barack Obama

Emmanuel Macron est-il entrain de rejouer le « reset » de Barack Obama, vaine tentative américaine de rapprochement avec la Russie en 2009 ? Il s’en défend : dix ans après, si M. Poutine est toujours là, les réalités géopolitiques, elles, ne sont plus les mêmes. Le monde traverse une phase de recomposition inédite.

Le président français lie sa stratégie russe à trois postulats. Premier postulat : le modèle Poutine d’expansion militaire et de conflictualité permanente, encouragé par « nos faiblesses », connaît un certain succès, mais il n’est pas durable. Faible économiquement et démographiquement, tôt ou tard, la Russie va devoir chercher des appuis ; inévitablement elle se tournera vers la Chine. Aux Européens d’empêcher cette alliance, qui leur serait néfaste.

Deuxième postulat : le découplage transatlantique. Tout en restant « un allié très important », les Etats-Unis se sont détachés de l’Europe et ne sont plus en charge de sa pensée stratégique. En mettant fin cet été au traité avec Moscou sur la limitation des missiles à portée intermédiaire, l’un des derniers vestiges de la guerre froide, que Moscou avait allègrement violé, Washington a précipité les choses. Puisque cette architecture du contrôle des armements, « conçue dans une géopolitique qui n’est plus la nôtre », se défait, à nous de construire la nouvelle, en y associant la Russie qui, M. Macron en est convaincu, « est européenne ».

Troisième postulat : la nouvelle bipolarisation du monde est sino-américaine. Les Etats-Unis veulent à présent un dialogue avec la Chine sur le contrôle des armements ? Très bien. Mais « moi, dit M. Macron, je ne veux pas en être l’otage ». Il faut un nouveau cadre multilatéral. L’Europe n’était qu’un pion dans le système soviéto-américain. Le moment est venu pour elle de reprendre « le contrôle ». Alliée, mais pas « vassale ».

Emmanuel Macron aime contester les dogmes. Celui, par exemple, selon lequel la Russie s’est d’elle-même éloignée de l’Occident après l’effondrement de l’URSS. Qui a perdu la Russie ? Dans ce débat qui divise les experts depuis deux décennies, il a tranché : « Les Russes ont vécu l’expansion de l’OTAN et la stratégie de l’UE comme une forme d’agression. »

Ce président français adepte de la « diplomatie de l’audace » veut à présent que l’Europe gagne la Russie, après l’avoir perdue. Reste une question cruciale : Vladimir Poutine, qui depuis vingt ans, a forgé cet éloignement, peut-il être l’homme du rapprochement ? M. Macron se défend de toute naïveté, se situe dans « le temps long » et jure qu’il sait à qui il a affaire. Il va devoir en convaincre ses partenaires européens, au premier rang desquels les Baltes, les Roumains et, surtout, les Polonais. Eux aussi connaissent le temps long.

18 août 2019

Tatiana Kastouéva-Jean : « La position de la France à l’égard de la Russie est loin d’être confortable »

Par Tatiana Kastouéva-Jean, directrice du Centre Russie-NEI à l’Institut français des relations internationales (IFRI)

Dans une tribune au « Monde », la spécialiste de la Russie, chercheuse à l’IFRI, observe que la rencontre entre les présidents Macron et Poutine se déroule au moment où la popularité du maître du Kremlin connaît un déclin et où la grogne monte au sein de la société russe.

Depuis l’annexion de la Crimée en 2014, la politique russe de la France – tant de François Hollande que d’Emmanuel Macron – se résume par une double formule « dialogue et fermeté ». Paris s’attache à défendre fermement sa sécurité, la solidarité européenne et transatlantique, ainsi que les valeurs démocratiques et libérales, tout en maintenant le dialogue culturel, économique et politique avec Moscou.

Le dosage entre les deux n’a rien d’une science exacte et la balance penche tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, alors que le timing est souvent traître : ainsi, en juin 2018, le président Macron a maintenu sa visite à Saint-Pétersbourg en dépit de l’affaire Skripal (l’empoisonnement d’un agent double au Royaume-uni), renonçant en revanche à se rendre au stand russe du Salon du livre à Paris.

Depuis le début de l’été, la politique de la France penche fortement en faveur du dialogue. En juin, le premier ministre Edouard Philippe a reçu son homologue russe, Dmitri Medvedev, au Havre (Seine-Maritime). La Russie a réintégré l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) à la faveur de la présidence française. Quant à la reprise du format « 2+2 » (deux ministres des affaires étrangères et deux ministres de la défense), elle est annoncée pour septembre.

Enfin, Emmanuel Macron s’apprête à recevoir Vladimir Poutine à Brégançon (Var), le 19 août, quelques jours avant l’ouverture à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques) du sommet du G7, que la France préside cette année.

« Réenclencher une dynamique »

Cette flexion estivale de la politique française s’explique par plusieurs raisons. Dans le contexte du Brexit, de l’éclipse politique de l’Allemagne liée à la fin du mandat d’Angela Merkel et du tout récent renouvellement des instances européennes, la France apparaît actuellement seule en mesure de formuler des initiatives pertinentes à l’égard de la Russie.

Les présidences françaises du Conseil de l’Europe et du G7 font d’elle le leader du monde européen et occidental, légitime selon les propos du président de la République pour « réenclencher une dynamique » avec Moscou et reprendre « un dialogue stratégique » sans craindre les accusations de complicité avec le Kremlin.

Un autre élément important dans le raisonnement français est l’élection du président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, avec qui Emmanuel Macron a établi un bon rapport : le président français avait accueilli entre les deux tours les deux candidats à la présidentielle ukrainienne, alors que la chancelière allemande avait choisi de ne recevoir que le président sortant Petro Porochenko.

L’Elysée considère certainement que les élections parlementaires en Ukraine de juillet, qui ont donné la plénitude du pouvoir à Volodymyr Zelenski, sont une opportunité dont il faut profiter pour faire avancer le règlement du conflit à l’est de l’Ukraine, au cœur des blocages entre la Russie et l’Europe.

La Syrie et l’Iran – la France tente une médiation entre Washington et Téhéran – font partie d’autres sujets où le dialogue avec Moscou s’impose. Enfin, de nombreux dossiers bilatéraux préoccupent Paris, comme l’assignation à résidence après six mois de détention provisoire en Russie du banquier Philippe Delpal et l’action russe en République centrafricaine, qualifiée d’« antifrançaise » par le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian.

Sans naïveté, les autorités françaises fondent donc beaucoup d’espoirs dans ce rendez-vous au fort de Brégançon.

La Crimée n’est pas et ne sera pas rendue à l’Ukraine

En face, le maître du Kremlin appréciera certainement cette ouverture, qui lui permettra de réaffirmer une fois de plus ses positions et de montrer à quel point il compte pour l’Europe et l’Occident. Mais le risque est qu’il fasse une mauvaise lecture des dernières ouvertures françaises, comme celle qui a été faite de la réintégration de la Russie à l’APCE.

Cette dernière a été présentée dans la presse officielle russe comme une victoire symbolique sur l’Occident prêt à revenir sur ses principes au nom de la realpolitik – voire des considérations financières comme les cotisations russes au budget du Conseil de l’Europe – sans rien obtenir en retour.

La Crimée n’est pas et ne sera pas rendue à l’Ukraine. Les marins ukrainiens arrêtés en novembre 2018 à la suite de l’incident dans le détroit de Kertch sont toujours en prison. Les passeports russes sont distribués dans les régions séparatistes du Donbass. Le retour à l’APCE n’a pas empêché le durcissement des répressions sur la société civile russe : les dernières images des actions policières contre les manifestants pacifiques à Moscou frappent par leur violence inédite pour l’époque Poutine.

Accablés par les constantes accusations d’ingérences par le Kremlin, les Européens font profil bas : les comptes Twitter de la plupart des ambassades européennes à Moscou brillent par l’absence de messages à teneur politique. Vladimir Poutine semble récolter les fruits de sa patience stratégique et de son intransigeance face à l’Europe.

Le timing est traître

Dans ce contexte, le risque est qu’à Brégançon Vladimir Poutine ne verra pas en Emmanuel Macron un nouveau de Gaulle, mais interprétera les ouvertures françaises comme un aveu de faiblesse et d’inconsistance de la politique russe de Paris – et plus largement de l’Europe.

La position française est loin d’être confortable. Le dialogue avec la Russie est urgent, tant les sujets bilatéraux et régionaux se sont accumulés. En même temps, les ouvertures de Paris contribuent à conforter Moscou dans sa posture sans concession et légitiment en creux sa politique extérieure, perçue depuis 2014 par la population russe comme le principal succès des présidences de Vladimir Poutine.

Une fois de plus, le timing est traître : le tapis rouge sera déroulé devant le président russe au moment où sa popularité connaît un déclin, la grogne monte au sein de la société civile et les élites craignent les incertitudes de l’après-2024, où – sauf changement de la Constitution – M. Poutine ne pourra plus briguer légalement un cinquième mandat.

11 août 2019

Des dizaines de milliers de personnes rassemblées à Moscou pour réclamer des élections libres

Par Benoît Vitkine, Moscou, correspondant

Ce rassemblement, le plus important depuis des années en Russie, avait été autorisé par les autorités.

Ni la pluie, ni les nombreux départs en vacances du mois d’août, ni surtout la répression des autorités n’ont eu raison de la contestation contre le pouvoir qui secoue Moscou depuis près d’un mois. Samedi 10 août, une nouvelle manifestation « pour des élections libres » a réuni le chiffre record de plusieurs dizaines de milliers de personnes dans le centre de la capitale russe.

Selon le comptage de l’ONG spécialisée « Compteur blanc », réputée pour son sérieux, ce sont même 49 900 personnes qui étaient présentes sur l’avenue Sakharov. Ce comptage était d’autant plus aisé que la manifestation avait été autorisée et que les protestataires devaient passer en rang par des portiques. La police assure de son côté avoir recensé 20 000 manifestants, soit le même chiffre que lors du rassemblement du 20 juillet, alors que l’avenue Sakharov était alors bien moins remplie.

Le centre de Moscou avait à nouveau été transformé en camp retranché, avec des cordons de forces antiémeutes positionnés dans chaque rue pour éviter que des participants au rassemblement ne se dispersent dans la ville.

In fine, de petits groupes ont de fait commencé à défiler en scandant des slogans hostiles au pouvoir, donnant lieu aux scènes désormais rituelles d’arrestations musclées. Dans la soirée, l’ONG OVD-Info recensait ainsi 146 interpellations.

Contre toute attente, ce rassemblement constitue donc le plus important depuis le début du mouvement, il y a un mois. La mobilisation dépasse également de loin ce qui avait été observé il y a un an lors des rassemblements contre la réforme des retraites, et elle est désormais comparable avec le mouvement de 2011-2012 contre les fraudes aux législatives et le retour de Vladimir Poutine au Kremlin. D’autres rassemblements se déroulaient également en province, où plusieurs dizaines d’arrestations ont eu lieu.

Rejet des candidats d’opposition

Ce mouvement de contestation a démarré après le rejet, pour des prétextes douteux, d’une soixantaine de candidats indépendants aux élections locales du 8 septembre. Ces candidats, issus du camp libéral ou alliés de l’opposant Alexeï Navalny, paraissaient en mesure de mettre en difficulté les représentants du pouvoir. A travers toute la Russie, ce sont des centaines de candidats d’opposition qui ont été bloqués de la même façon, accusés de falsifications ou refusés pour des vices de forme.

Malgré le caractère très local de ces scrutins de septembre, cette interdiction a choqué de nombreux Russes, qui y voient un déni de démocratie et un raidissement du pouvoir face à la moindre tentative de contester son monopole.

De nombreuses personnalités qui étaient restées jusqu’à présent silencieuses, notamment dans le monde de la musique, ont appelé ces derniers jours à se joindre au mouvement, contribuant à sa popularité.

A l’inverse, la mairie de Moscou organisait ce samedi, au pied levé, un festival de musique gratuit, espérant comme la semaine passée attirer la frange la plus jeune des éventuels manifestants. Près de la moitié des artistes annoncés se sont toutefois désistés, soit en appelant explicitement à manifester, soit en faisant part de problèmes « éthiques ».

Répression du mouvement et intimidation

Après avoir tergiversé face à cette crise, les autorités ont choisi il y a environ deux semaines la manière forte. Outre les violences policières constatées chaque samedi et les arrestations massives de manifestants pacifiques, pour la plupart rapidement relâchés, c’est dans l’arrière-salle des tribunaux que se jouent la répression du mouvement, et l’intimidation de ceux qui seraient tentés de le rejoindre.

Tous les candidats interdits, transformés en meneurs de facto de la contestation, sont ainsi emprisonnés, condamnés à des peines administratives allant jusqu’à trente jours de détention pour participation ou appel à des manifestations interdites. La dernière des candidates en liberté, Lioubov Sobol, qui a entamé une grève de la faim le 13 juillet, a été interpellée dans la matinée de samedi.

Quant à Alexeï Navalny, le dirigeant de l’opposition qui est aussi en prison pour trente jours, son « Fonds de lutte contre la corruption », dont les vidéos dévoilant les manigances des élites russes cumulent des dizaines de millions de vues sur YouTube, est dans le viseur de la justice, qui a déjà gelé les comptes de l’organisation.

Cette enquête pour « blanchiment d’argent » est intervenue au lendemain d’une nouvelle investigation du Fonds sur la numéro deux de la mairie de Moscou, accusée d’avoir mis la main sur des biens immobiliers publics d’une valeur de 94 millions d’euros.

Enquête pénale pour « troubles massifs à l’ordre public »

Surtout, l’ouverture d’une enquête pénale pour « troubles massifs à l’ordre public » a permis des arrestations de simples manifestants ces derniers jours et des dizaines de perquisitions.

Treize personnes, qui semblent pour l’essentiel avoir été choisies de façon aléatoire, sont pour l’instant détenues pour ce motif et risquent jusqu’à quinze ans de prison. Parmi elles, un homme qui avait été filmé le 3 août en train de faire mine de relever la visière d’un policier antiémeute. Pour le reste, les juges ne présentent aucune preuve de la participation des personnes arrêtées à de quelconques actions violentes. Cette semaine, le parquet a aussi demandé le retrait de ses droits parentaux à un couple ayant manifesté avec son enfant.

« Les autorités savent se montrer flexibles tant que les demandes de la société civile ne concernent pas des sujets politiques », écrivait cette semaine Alexandre Baounov, du Centre Carnegie à Moscou :

« Mais pour Vladimir Poutine, les élections sont quasiment devenues des questions de sécurité nationale. (…) C’est le gouvernement lui-même qui a choisi l’escalade. Il a choisi de répondre par la violence à des manifestations pacifiques, comme si une révolution menaçait. Son message est : “Vous voulez la révolution ? Nous sommes prêts, battons-nous !” »

poutin annif

Cette stratégie montre toutefois ses limites. En témoigne la mobilisation massive de ce 10 août. De très localisé, l’enjeu est devenu national, et les manifestants de l’avenue Sakharov n’exigent désormais plus seulement le droit de voter pour le candidat de leur choix, mais aussi la libération des « prisonniers politiques » et le départ de Vladimir Poutine, au pouvoir depuis vingt ans.

31 juillet 2019

Russie: Paris demande à Moscou de libérer Navalny et les manifestants arrêtés

Samedi 27 juillet, plus d'un millier de participants à une manifestation interdite réclamant des "élections libres" ont été interpellés par les forces de l'ordre.

Le HuffPost avec AFP

moscou

Durant une manifestation interdite par les autorités, samedi 27 juillet à Moscou, des centaines d'opposants pacifistes ont été arrêtés par les forces de l'ordre russes.

RUSSIE - La France a appelé ce lundi 29 juillet au soir à la “libération rapide” du millier de manifestants arrêtés ce week-end à Moscou et d’Alexeï Navalny, exprimant “sa profonde préoccupation devant ces évolutions récentes”.

“Un nombre important d’arrestations et de détentions ont suivi les manifestations pacifiques de ces derniers jours à Moscou. L’état de santé d’Alexeï Navalny, incarcéré depuis le 23 juillet, s’est également brutalement dégradé. La France appelle à leur libération rapide et exprime sa profonde préoccupation devant ces évolutions récentes”, a indiqué le ministère français des Affaires étrangères dans un communiqué.

Un peu plus tôt ce lundi, Berlin avait déjà fait la même demande aux autorités russes. “Le gouvernement allemand attend la libération rapide des personnes arrêtées”, a dit lors d’un point presse une porte-parole d’Angela Merkel, Ulrike Demmer, rappelant Moscou à ses obligations en matière de respect des “libertés de rassemblement et d’expression”. L’Allemagne “a pris connaissance, avec une grande inquiétude, de la dureté disproportionnée de l’intervention policière”, a-t-elle ajouté. En revanche, aucune mention spécifique n’était faite de l’opposant Navalny.

L’opposant numéro un au Kremlin Alexeï Navalny est justement traité à l’hôpital pour un mal mystérieux avant d’être renvoyé vers la prison où il est incarcéré. Ce lundi, il n’a pas exclu la possibilité d’avoir été “empoisonné”, sur fond de répression du mouvement de contestation. Condamné la semaine dernière à 30 jours d’emprisonnement, il a été hospitalisé dimanche en raison d’une “grave réaction allergique”, selon les autorités, avant d’être renvoyé en cellule dans la journée de lundi.

Le comportement douteux des médecins de Navalny

“Je n’ai jamais eu d’allergie”, a rétorqué l’opposant dans un message diffusé sur son blog, dans lequel il explique ses symptômes. “Lors d’une promenade, mes compagnons de cellule ont remarqué que j’avais le cou rouge. (...) En une heure, je sens mon front et la peau autour des yeux qui me brûlent.”

“La nuit, je me réveillais du fait que mon visage, mes oreilles, mon cou me brûlaient et me piquaient”, poursuit-il. “L’idée m’est venue: peut-être m’ont-ils empoisonné?”, ajoute Alexeï Navalny, qui accompagne son message d’une photo le montrant à l’hôpital avec le visage boursouflé. Il affirme que les médecins se comportaient “comme s’ils avaient quelque chose à cacher”.

S’il dit douter de la version de l’allergie, Alexeï Navalny exclut d’avoir été empoisonné par les gardiens de la prison, selon lui “encore plus choqués” par son apparence. Mais il n’exclut pas que quelqu’un se soit introduit dans sa cellule lorsque les détenus ne s’y trouvaient pas et appelle à examiner les images de vidéosurveillance.

Les autorités russes déterminées à faire taire la contestation

L’entourage de ce blogueur anticorruption s’était immédiatement inquiété du mal “bizarre” d’Alexeï Navalny, intervenu au lendemain d’une manifestation marquée par près de 1.400 arrestations, du jamais-vu depuis le retour de Vladimir Poutine au Kremlin en 2012. Après avoir pu lui rendre visite dans l’établissement hospitalier moscovite où il avait été admis, son avocate Olga Mikhaïlova a assuré lundi aux journalistes que l’opposant avait été “empoisonné”.

Cette affaire intervient à un moment où les autorités semblent déterminées à tuer dans l’œuf toute contestation liée aux élections locales du 8 septembre, auxquelles la plupart des figures de l’opposition moscovite ont été empêchées de participer. Les Etats-Unis et l’Union européenne ont condamné les très nombreuses arrestations d’opposants lors de la manifestation de samedi, dénonçant l’usage “disproportionné de la force” contre les manifestants. Berlin a appelé à “la libération rapide des personnes arrêtées”.

Mercredi, trois jours avant ce rassemblement, Alexeï Navalny avait été renvoyé en prison pour des infractions aux “règles des manifestations”. Quant aux opposants dont la candidature avait été rejetée, parmi lesquels se trouvent plusieurs alliés d’Alexeï Navalny, ils avaient tous été la cible de perquisitions et convoqués la semaine dernière par la police.

L’opposition dénonce depuis plusieurs semaines le rejet des candidatures indépendantes en vue des élections locales, qui s’annoncent difficiles pour les candidats soutenant le pouvoir dans un contexte de grogne sociale. Les candidats indépendants étaient censés obtenir les signatures d’au moins 3% des membres du corps électoral dans la circonscription où ils se présentaient. Mais la commission électorale a rejeté la candidature de toutes les figures de l’opposition ayant franchi cet obstacle, arguant d’irrégularités dans la collecte de leurs signatures.

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29 juillet 2019

Macron recevra Poutine à Brégançon en août, signe d’un nouveau rapprochement franco-russe

Par Marc Semo

Le président français a annoncé samedi qu’il recevrait le président russe au fort de Brégançon, le 19 août, soit quelques jours avant le sommet du G7, fin août à Biarritz.

Le lieu fait sens autant que la date. Emmanuel Macron recevra le président russe, Vladimir Poutine, au fort de Brégançon, le 19 août, cinq jours avant l’ouverture à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques) du sommet du G7, réunissant les chefs d’Etat ou de gouvernement des principales puissances économiques démocratiques.

« Le fort de Brégançon permet de pouvoir s’isoler pour travailler, d’avoir les équipements pour recevoir tous les appels internationaux, de recevoir des dirigeants étrangers, ce que je ferai avec Vladimir Poutine dans quelques semaines », a déclaré le président de la République, samedi 27 juillet, en marge d’un déplacement à Bormes-les-Mimosas (Var).

Recevoir son homologue russe à Brégançon, c’est insister sur le caractère personnel qu’il veut donner à la relation avec l’homme fort du Kremlin. Le voir juste avant la réunion du G7 (Etats-Unis, France, Royaume-uni, Allemagne, Japon, Italie, Canada), dont la Russie a été exclue en 2014 après l’annexion de la Crimée, c’est souligner la volonté de Paris, qui préside cette instance, de remettre la Russie dans le jeu, sans pour autant encore la réintégrer.

Evoquant déjà lors du G20 d’Osaka (Japon) fin juin, après un long entretien avec Vladimir Poutine, son désir d’une telle rencontre bilatérale, le président français assurait vouloir « explorer toutes les formes de coopération sur les grands sujets de déstabilisation ou de conflit, sans naïveté, mais sans que la porte ne soit fermée ».

Alors que la diplomatie française se pose en médiatrice dans la crise sur le nucléaire iranien, pour tenter de sauver l’accord de juillet 2015 après le retrait américain, et faire baisser les tensions dans le Golfe, la relation avec Moscou est essentielle. Paris voudrait lancer un signal fort en marge du sommet du G7.

Mais les ambitions du président dans la relation avec la Russie vont au-delà. « Nous voulons sortir de l’effet d’alignement et marquer un décalage. C’est la vocation de la diplomatie française, d’où les initiatives que nous prenons comme dans la crise iranienne », explique une source élyséenne, n’hésitant pas à parler « d’un certain retour gaullien », même si le contexte est très différent.

« Réenclencher une dynamique »

Les signes d’un réchauffement des relations franco-russes ont été nombreux ces deux derniers mois. Le premier ministre russe, Dmitri Medvedev, s’était rendu au Havre le 24 juin, où il a rencontré Edouard Philippe. Il s’agissait de la première visite d’un haut responsable russe depuis la venue à Versailles de Vladimir Poutine en mai 2017.

La France a, en outre, soutenu la réintégration de la Russie au Conseil de l’Europe, saluée par la presse du régime comme une « victoire » de Moscou. Dans une interview à la RTS (Radio-Télévision suisse), le 11 juin, Emmanuel Macron avait déclaré vouloir « réenclencher une dynamique » avec la Russie et reprendre « un dialogue stratégique ». Il reconnaissait toutefois que la Russie avait encore « des efforts à faire ». En premier lieu sur l’Ukraine, et la mise en œuvre des accords de Minsk, parrainés par Paris et Berlin en février 2015, instaurant un fragile cessez-le-feu entre Kiev et les rebelles. « Sans cela, pas de reformation du G8 », insiste l’Elysée.

Emmanuel Macron n’en a pas moins de bonnes cartes en main. Ses relations avec Vladimir Poutine ont été pour le moins fluctuantes. Lors de leur première rencontre à Versailles, le président français, nouvellement élu, critiqua ouvertement les atteintes aux droits de l’homme et les tentatives de déstabilisation menées par les médias proches du Kremlin en France.

En juin, à Osaka, Emmanuel Macron affirma haut et fort son soutien aux « valeurs libérales » remises en cause par son homologue russe. Le président français incarne toutefois aujourd’hui le visage de l’Europe face à une Angela Merkel affaiblie et en fin de mandat. « A Paris, comme à Moscou, il y a une prise de conscience que l’on ne peut rester comme ça, et qu’il faut faire quelque chose », note un diplomate tout en rappelant « les risques d’instrumentalisation par le Kremlin » d’un rapprochement avec Paris. Ce d’autant plus que Moscou ne connaît que le rapport de force.

28 juillet 2019

Plus de 1 000 arrestations lors d’une manifestation à Moscou : les réactions indignées se multiplient

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Plus de mille personnes demandant la tenue d’élections libres dans la capitale ont été arrêtées samedi par la police.

Une semaine après avoir laissé plus de 20 000 personnes manifester dans le centre de Moscou, les autorités russes ont haussé le ton face à la contestation qui touche la capitale, samedi 27 juillet, en arrêtant plus d’un millier de manifestants.

La police avait été déployée dans des proportions rarement observées pour empêcher la tenue d’un rassemblement non autorisé en faveur d’« élections libres », sans parvenir à empêcher une foule compacte de plusieurs centaines de personnes de se retrouver devant la mairie, sur la rue Tverskaïa. Après de premières arrestations, les forces de l’ordre ont rapidement dispersé les manifestants pacifiques dans les rues adjacentes.

Plusieurs défilés improvisés se sont alors formés, réunissant, selon les chiffres du ministère de l’intérieur, plus de 3 500 personnes. Aux cris de « Liberté » ou « C’est notre ville », la foule a refusé de se disperser, se contentant de reculer face aux charges des forces antiémeutes. Fait rare en Russie, où le moindre geste de résistance peut avoir des conséquences lourdes, des heurts isolés ont opposé les manifestants aux policiers. Ceux-ci ont largement fait usage de leurs matraques sur des protestataires pacifiques, parfois simplement assis sur des bancs.

En fin de soirée, plus de mille arrestations ont été annoncées par la police (1 074 personnes selon les autorités, 1 373 selon l’ONG spécialisée OVD-Info, qui a recensé 77 cas de personnes battues), soit un chiffre rarement atteint qui comprend de nombreux passants ou encore des retraités participant à cette mobilisation qui aura donc duré presque toute une journée.

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Le calme n’est revenu que dans la soirée quand les derniers manifestants, rassemblés sur une place du centre-ville, se sont dispersés ou se sont laissé arrêter sans résister.

L’ambassade des Etats-Unis en Russie a dénoncé l’usage « disproportionné de la force policière ». L’Union européenne a elle aussi fustigé cette vague d’arrestations. « Ces détentions et le recours disproportionné à la force contre des manifestants pacifiques (…) portent une fois de plus gravement atteinte aux libertés fondamentales d’expression, d’association et de réunion », selon un communiqué dimanche citant la porte-parole de la cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini.

L’ONG Amnesty International a dénoncé samedi soir un « recours à la force excessif » de la police russe, appelant à une « libération immédiate des protestataires pacifiques ».

Des candidats interdits de scrutin

Cette nouvelle manifestation, dont l’ampleur semble avoir pris de court les autorités, concernait ce qui s’est imposé comme le feuilleton politique de l’été en Russie, à savoir les élections à venir pour le Parlement de la ville de Moscou. Mi-juillet, au terme d’une procédure de vérification opaque, la commission électorale de Moscou a exclu de ce scrutin pourtant mineur une soixantaine de candidats, dont la quasi-totalité des opposants indépendants, pour des vices de forme ou des irrégularités.

Malgré les nombreux éléments apportés par ces candidats montrant la régularité de leur dossier, y compris des témoignages de citoyens certifiant avoir bel et bien déposé des signatures de soutien jugées fausses par la mairie, les procédures d’appel ont été expédiées en quelques heures ces derniers jours. A travers tout le pays, ce sont des centaines de candidats qui ont été interdits de s’enregistrer à ce scrutin du 8 septembre, dont l’opposition, qui ne peut participer aux élections plus importantes, a fait une cible prioritaire.

Cette réaction brutale des autorités montre la volonté du pouvoir russe d’en finir avec un dossier qui lui empoisonne la vie depuis le début de l’été. Toute la semaine, les autorités ont tenté, en coulisses, de décapiter le mouvement et de décourager la mobilisation. L’armée avait été jusqu’à annoncer déployer aux abords de la manifestation des inspecteurs chargés de vérifier les exemptions de service militaire des jeunes hommes présents.

Plusieurs jours durant, les candidats refusés ont été la cible de différentes manœuvres d’intimidation, une dizaine d’entre eux ainsi que certains de leurs proches ayant fait l’objet de perquisitions mercredi dans la nuit, ce qui est contraire aux règles de la police. D’autres ont été convoqués à des interrogatoires ou font l’objet de poursuites pour « entrave au travail de la commission électorale » lors d’un précédent rassemblement pacifique.

Les services de sécurité (FSB) ont par ailleurs annoncé se joindre à l’enquête pour vérifier d’éventuels contacts entre les opposants et des « structures étrangères ».

moscou22

Inconfort des autorités

Samedi matin, d’autres perquisitions et interpellations avaient été menées de façon préventive, avant le début du rassemblement, particulièrement chez des partisans du dirigeant de l’opposition Alexeï Navalny.

M. Navalny lui-même, plutôt en retrait dans le dossier, a de son côté été condamné jeudi à trente jours de prison. L’une de ses adjointes, la juriste Lioubov Sobol, elle-même candidate, a déclaré débuter une grève de la faim dans les locaux de la Commission électorale locale.

Dès l’origine, le dossier des élections locales moscovites s’est imposé comme une épine dans le pied du Kremlin. Signe de l’inconfort des autorités, aucun candidat ne s’est enregistré sous l’étiquette du parti au pouvoir, Russie unie, devenue un repoussoir. Formellement indépendants, les candidats de la mairie ont bénéficié d’un soutien en sous-main.

De l’avis des observateurs, le pouvoir comptait tenir l’opposition à l’écart grâce à la nouvelle règle sur les signatures, qui exige que les candidats indépendants récoltent le soutien de 3 % des électeurs de la circonscription dans laquelle ils entendent se présenter. La réussite des candidats indépendants à réunir ces signatures a pris de court la mairie, qui n’a ensuite pas su comment gérer efficacement le dossier.

Selon le site d’information Meduza, les tergiversations du maire, Sergueï Sobianine, ont duré jusqu’à la semaine passée, avant que le Kremlin décide de prendre le relais et de tenter de clore le dossier par la manière forte. Entre-temps, une manifestation avait été autorisée le 20 juillet, qui a rassemblé plus de 20 000 personnes, soit la mobilisation politique la plus importante depuis le mouvement de protestations de 2011-2012 contre les fraudes aux élections et le retour de Vladimir Poutine à la présidence.

Un recul démocratique inédit

Reste que la décision de tenir ces élections dans la capitale à huis clos, sans préserver une compétition même de façade, émeut une partie des Russes. Nombre d’observateurs y voient un recul démocratique inédit, mais aussi un geste de faiblesse du pouvoir.

Ces derniers mois, plusieurs candidats pro-Poutine ont été désavoués lors d’élections régionales au profit des communistes et nationalistes, qui jouent le rôle d’une opposition acceptable, et chaque scrutin s’apparente de plus en plus à un mauvais moment à passer.

Plus grave, ce refus de laisser les candidats indépendants tenter de contester le monopole du pouvoir laisse entrevoir une radicalisation des deux côtés. « Il ne pourra désormais plus y avoir de leaders de l’opposition prêts à adopter une position conciliante vis-à-vis du pouvoir, à se mettre d’accord avec lui », écrivait jeudi matin, après une nouvelle nuit de perquisitions, le vieux routier de l’opposition libérale Leonid Gozman.

Comme en écho, un responsable de l’opposition, Dmitri Goudkov, vu précisément comme l’un de ces membres de la jeune garde prêts au compromis avec le pouvoir, écrivait de son côté : « Sous Poutine, les élections et les commissions électorales sont mortes comme institutions. La dernière possibilité qui restait de participer de manière légale à la vie politique a disparu. »

Benoît Vitkine (Moscou, correspondant)

14 septembre 2018

Manœuvres Vostok 2018

17 juillet 2018

Vladimir Poutine domine la rencontre d’Helsinki face à Donald Trump

Lors d’une conférence de presse commune, lundi en fin d’après-midi, le président russe a surtout énuméré une longue liste de sujets sur lesquels il attendait une amélioration sensible des relations.

Par Isabelle Mandraud (Helsinki, envoyée spéciale) et Gilles Paris (Helsinki, envoyé spécial) - Le Monde

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Donald Trump et Vladimir Poutine à Helsinki, le 16 juillet.

Une relation sur un pied d’égalité, c’est ce que Vladimir Poutine semble avoir récolté de ses entretiens avec Donald Trump, lundi 16 juillet, à Helsinki, au terme d’une tournée de ce dernier en Europe, marquée par des échanges sans précédent avec les alliés des Etats-Unis. Au cours d’une conférence de presse commune, très amicale, tenue par les deux présidents en fin d’après-midi, M. Poutine a qualifié les pourparlers avec son homologue de « très réussis et très utiles ».

M. Trump, qui avait exprimé au début de la rencontre son désir de parvenir à « une relation extraordinaire » avec la Russie, a abondé en ce sens, au point de consacrer une partie de son intervention à une critique brutale de son opposition démocrate et des médias, jugés uniformément hostiles au rapprochement qu’il appelait de ses vœux. Ses félicitations adressées à son interlocuteur à propos de l’organisation de la Coupe du monde, qui s’est achevée la veille, ont été payées en retour par un exemplaire du ballon officiel de la compétition remis par Vladimir Poutine, que le président des Etats-Unis a promis de confier à son fils Barron, grand amateur de ce sport.

Précis, le président de la fédération russe a surtout énuméré, au cours de cet exercice commun, une longue liste de sujets sur lesquels il attendait une amélioration sensible des relations entre deux superpuissances nucléaires, voire entre deux puissances dans le domaine de l’énergie, comme il l’a aussi rappelé, insistant, à sa manière, sur cette notion d’égalité. Il a plaidé à chaque fois pour une coopération approfondie dans la lutte contre le terrorisme, le contrôle des armes nucléaires, la situation en Syrie ou en Crimée.

« Chasse aux sorcières »

Vladimir Poutine a été le premier à aborder le sujet sans doute le plus délicat entre les deux capitales : les interférences imputées à la Russie pendant la présidentielle américaine de 2016. Il les a niées froidement avant de proposer, également sur ce point, une collaboration entre la Russie et les Etats-Unis. Interrogé à ce sujet, Donald Trump a donné l’impression d’abonder dans son sens en dénonçant « un désastre » pour son pays. Il a préféré longuement s’étendre sur les zones d’ombre qui, selon lui, continuent d’entourer l’enquête aux dépens des démocrates, s’interrogeant comme il l’avait fait au cours de la campagne sur des courriers électroniques de son adversaire démocrate Hillary Clinton.

Quelques heures auparavant, Donald Trump affichait déjà une volonté de nouer un dialogue, qui le poussait à pointer du doigt tout ce qui pourrait faire obstacle à celle-ci. Il a ainsi dénoncé avec virulence, sur son compte Twitter, la « chasse aux sorcières truquée » que constitue, selon lui, l’enquête du procureur spécial Robert Mueller.

Quatre jours après l’inculpation de douze membres du renseignement russe par le procureur spécial, le président des Etats-Unis a estimé que cette enquête était en partie responsable de la détérioration des relations avec Moscou. « Elles n’ont jamais été pires », a-t-il assuré, ajoutant que « des années de bêtise et de stupidité américaines » y avaient également contribué. Le ministère des affaires étrangères russe a aussitôt partagé ce message agrémenté du commentaire « nous sommes d’accord ». La veille, M. Trump avait déjà insisté sur le fait que ces interférences étaient survenues sous « l’administration Obama », mise en cause pour sa passivité supposée.

Depuis l’annonce de ces inculpations, la Maison Blanche s’est abstenue de toute forme de critique visant la Russie. Un souci d’apaisement à la veille de la rencontre de lundi, qui a tranché avec l’agressivité déployée par le président américain à l’égard de ses alliés depuis le début de sa tournée en Europe, le 10 juillet. Celle-ci devait s’achever après les entretiens avec le président de la fédération russe.

« L’Union européenne est un ennemi »

Donald Trump est d’ailleurs revenu à la charge dimanche contre l’Union européenne. « Je pense que nous avons beaucoup d’ennemis. Je pense que l’Union européenne est un ennemi, avec ce qu’ils nous font sur le commerce. Bien sûr, on ne penserait pas à l’Union européenne, mais c’est un ennemi », a-t-il assuré à la chaîne CBS.

Au cours du même entretien, il a ajouté que « la Russie [était] un ennemi par certains aspects », un qualificatif également utilisé à propos de la Chine, présentée comme un « ennemi économique ».

La bonne volonté mise en scène lundi a fait l’économie de détails sur la Syrie, même si Vladimir Poutine a mentionné la priorité d’une stabilisation du sud du pays, qui bénéficierait, selon lui, à tous les pays frontaliers. A propos de la Crimée, le président russe a évoqué les accords de Minsk, tout en invitant son homologue à user également de son influence auprès du gouvernement ukrainien.

Comme l’ont montré les propos de Vladimir Poutine, la partie russe est attachée à trouver un terrain d’entente sur les armes, où les contentieux se sont accumulés. C’est l’un des sujets que le président russe a le plus travaillés avec son état-major avant de quitter Moscou. Les deux délégations devaient notamment aborder la question du renouvellement du New Start, un traité de réduction des armes nucléaires signé en 2010 par les deux pays, qui limite à 1 550 le nombre de têtes nucléaires chacun. Ce traité expire en 2021, mais il peut être prolongé pour une période de cinq ans. Autre sujet sur la table : le traité sur les forces nucléaires dissuasives à portée intermédiaire, signé en 1987.

« Bienvenue en terre de liberté de la presse »

A Helsinki, une campagne de presse a précédé l’arrivée des deux dirigeants. Dans toute la ville, les panneaux publicitaires, à l’initiative du principal quotidien finlandais, Helsingin Sanomat, affichaient le même message en anglais et en russe, « Bienvenue, Monsieur le président, en terre de liberté de la presse ». Impossible pour les cortèges présidentiels de ne pas les voir.

Dimanche, plus d’un millier de personnes ont manifesté contre les deux présidents, fédérés autour d’une même banderole, « Make Human Rights Great Again » – pastiche du slogan de campagne de Donald Trump « Make America Great Again ». Un autre petit cortège a défilé lundi dans la capitale finlandaise à bonne distance du périmètre sécurisé établi autour du palais de la présidence.

Des Ukrainiens et des Russes venus de Saint-Pétersbourg ont fait cause commune dimanche pour exiger la libération du cinéaste ukrainien Oleg Sentsov, condamné à vingt ans de colonie pénitentiaire en Russie pour « terrorisme » et aujourd’hui en grève de la faim depuis plus de soixante jours. Le Pen Club américain n’a pas été en reste, avec une grande banderole portant cette même revendication.

Lors de ce rassemblement festif et coloré, animé au cœur de la capitale finlandaise par un concert, beaucoup de pancartes « Non aux dictateurs » ont été brandies, les participants ne faisant pas de différence entre les deux dirigeants. Un « Non à la séparation des familles » a visé la politique migratoire de Donald Trump, pendant qu’un « Troll factory no » a fait allusion aux interférences reprochées à des pirates informatiques russes dans les élections occidentales.

17 juillet 2018

La « faiblesse » de Trump face à Poutine scandalise jusque dans les rangs républicains

Le président américain a refusé, lundi en Finlande, de condamner la Russie pour son ingérence dans l’élection qui l’a porté au pouvoir en novembre 2016.

Les réactions n’ont pas tardé à fuser, dans la classe politique américaine, après les propos tenus par Donald Trump lors du sommet d’Helsinki, lundi 16 juillet. Le président des Etats-Unis a obstinément refusé de condamner Moscou pour l’ingérence dans la campagne présidentielle américaine de 2016. Il a opté pour un ton résolument conciliant avec son homologue russe, Vladimir Poutine.

Le chef de l’opposition démocrate au Sénat américain, Chuck Schumer (Etat de New York), a accusé le président américain de s’être montré « irréfléchi, dangereux et faible » face à Vladimir Poutine. « La Maison Blanche est maintenant confrontée à une seule, sinistre question : qu’est-ce qui peut bien pousser Donald Trump à mettre les intérêts de la Russie au-dessus de ceux des Etats-Unis, a-t-il écrit sur Twitter après la conférence de presse commune des deux dirigeants dans la capitale finlandaise. Des millions d’Américains vont continuer à se demander si la seule explication possible à ce comportement dangereux est la possibilité que le président Poutine possède des informations nuisibles sur le président Trump. »

A Helsinki, le locataire de la Maison Blanche s’en est pris, aux côtés de l’homme fort du Kremlin, à l’enquête du procureur spécial Robert Mueller sur l’ingérence russe dans la présidentielle qui l’a porté au pouvoir, et il a semblé mettre sur le même plan les accusations du renseignement américain en ce sens et les dénégations de Vladimir Poutine.

« Erreur tragique »

« Dans toute l’histoire de notre pays, les Américains n’avaient jamais vu un président des Etats-Unis soutenir un adversaire de l’Amérique comme Donald Trump vient de soutenir le président Poutine », a déploré Chuck Schumer. Et d’estimer : « Pour le président des Etats-Unis, être du côté du président Poutine contre les forces de l’ordre américaines, les responsables américains de la défense et les agences américaines du renseignement est irréfléchi, dangereux et faible. »

La conférence de presse commune de Donald Trump et Vladimir Poutine a été « un des pires moments de l’histoire de la présidence américaine », a renchéri le sénateur républicain John McCain (Arizona). « Il est clair que le sommet d’Helsinki est une erreur tragique », a ajouté dans un communiqué l’élu de 81 ans.

Le chef de file des républicains au Congrès des Etats-Unis, Paul Ryan, a quant à lui appelé Donald Trump à « réaliser que la Russie n’est pas notre alliée ». « Il n’y a pas moralement d’équivalence entre les Etats-Unis et la Russie, [un pays] qui demeure hostile à nos idéaux et à nos valeurs fondamentales », a-t-il dit.

Trump tente d’éteindre l’incendie

Le directeur du renseignement américain, Dan Coats, a lui aussi réagi, défendant les évaluations « claires » de ses services sur une ingérence russe dans la présidentielle de 2016 et sur les « efforts en cours » de Moscou pour « saper » la démocratie américaine.

Tentant d’éteindre l’incendie, Donald Trump a réagi sur Twitter, disant avoir une « immense confiance » dans le renseignement américain : « Comme je l’ai dit aujourd’hui et à plusieurs reprises auparavant, j’ai une IMMENSE confiance dans MES agents du renseignement. Toutefois, je dois aussi reconnaître qu’afin de construire un avenir meilleur, nous ne pouvons pas nous tourner exclusivement vers le passé – [la Russie et les Etats-Unis] étant les deux plus grandes puissances nucléaires mondiales, nous devons nous entendre ! »

Donald J. Trump

 

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