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Jours tranquilles à Paris
russie
7 octobre 2016

Dix ans après, le meurtre d'Anna Politkovskaïa toujours irrésolu

Anna Politkovskaïa avait vu juste sur Poutine

Point de vue. Jean-François Bouthors, éditeur et écrivain, nous rappelle qu’il y a dix ans, jour pour jour, était assassinée la célèbre journaliste russe.

Anna Politkovskaïa. Le 7 octobre 2006, Anna Politkovskaïa était froidement assassinée dans la cage d’escalier de son immeuble, à Moscou. La journaliste connue pour ses livres et ses reportages sur la guerre de Tchétchénie, comme sur le délabrement et la criminalisation de la Russie, ne cessait d’alerter non seulement ses compatriotes, mais aussi l’opinion publique mondiale, sur la dérive autoritaire du régime russe. Elle y voyait une menace pour ses concitoyens, mais aussi pour les Européens et pour la paix dans le monde. Ce triste anniversaire coïncide, presque au jour près, à un discours de Vladimir Poutine devant la nouvelle Douma russe. Son parti, Russie unie, y dispose désormais de 343 sièges sur 450, les autres étant partagés entre des formations qui ne risquent pas de le contredire autrement que pour la forme. Son discours a été centré sur« l’accomplissement du droit historique de la Russie à être un pays fort ». Depuis son accession au pouvoir, en 2000, la politique de Vladimir Poutine est placée sous le signe de la force et de la militarisation. Pour le président russe, il n’y a d’avenir dans le monde que pour ceux qui savent se faire craindre. La recherche du compromis, la vertu de la négociation et le respect du droit ne sont pour lui que des accessoires de circonstance et non des valeurs fondamentales.

La tension au service d’un pouvoir fragile

Tout cela, Anna Politkovskaïa en avait discerné les lignes de forces, avec une lucidité étonnante. Elle avait vu monter la rhétorique du mensonge, le cynisme, l’affairisme, la construction d’un pouvoir absolu… Et elle avait montré vers où cela conduisait. Mais aujourd’hui, en Occident, beaucoup sont fascinés par « l’efficacité » de Poutine, lequel parie ouvertement sur les déchirements entre les Européens, sur la montée des populismes qu’il soutient sans hésiter, espérant voir s’effondrer le modèle démocratique que nous défendons encore. Or, s’il n’existe plus d’opposition politique en Russie, la base du régime ne cesse de s’affaiblir. Le triomphe de Russie unie aux dernières élections ne doit pas masquer une très forte abstention. Sur 110 millions d’inscrits, les pro-Poutine n’ont recueilli qu’un peu moins de 20 millions de voix, en perdant la bagatelle de 12 millions par rapport aux législatives précédentes. La population, qui souffre de la crise économique, se réfugie dans une sorte d’auto-anesthésie politique, puisqu’il n’y a plus de place pour l’opposition. Le président russe vient de resserrer les boulons autour de lui, car il sait que si d’aventure son pouvoir vacillait au sommet, il n’aurait pas, contrairement à Erdogan en Turquie, le peuple pour lui. Pour se maintenir, Poutine doit sans cesse manifester qu’il est indispensable. C’est pourquoi il maintient le pays dans un état de mobilisation permanente autour de la menace de l’ennemi et sur l’idée que la grandeur de la Russie mérite que les Russes se sacrifient pour elle. Mais c’est une pente dangereuse. On en voit le prix dans le martyre d’Alep, en Syrie, où la Russie s’est engagée militairement depuis un an, réduisant Bachar alAssad au rôle d’homme de paille. En Ukraine, rien n’est réglé. Moscou peut, au moment voulu, raviver l’incendie. Et tous les jours, les avions russes testent la vigilance de l’Otan, dont la Russie n’accepte toujours pas qu’elle protège les anciens « pays frères » ni les pays Baltes. Jusqu’à présent, Poutine s’est gardé d’aller trop loin, mais il ne cesse de faire monter la tension et de se rapprocher du point de rupture… ou de déflagration.

Voir mes précédents billets sur Anna Politkovskaïa

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31 juillet 2016

Donald Trump, le pantin de Poutine

Come to Daddy

Une photo publiée par michelgaubert™ (@michelgaubert) le 30 Juil. 2016 à 14h08 PDT

Si le président russe pouvait désigner un candidat pour saper les intérêts américains (et favoriser les siens), il ressemblerait beaucoup au milliardaire.

Vladimir Poutine a un plan pour détruire l’Occident, et ce plan ressemble beaucoup à Donald Trump. Durant ces dix dernières années, la Russie n’a cessé d’encourager les populistes de droite à travers l’Europe. Ainsi, elle n’a, par exemple, pas hésité à prêter de l’argent à Marine Le Pen en France afin de l’aider à financer sa campagne présidentielle. Le Premier ministre italien Silvio Berlusconi aurait aussi bénéficié de ces largesses, en profitant «personnellement et largement» d’accords énergétiques avec les Russes, comme l’a un jour dit un ambassadeur américain à Rome (Berlusconi a aussi partagé avec Poutine une bouteille de vin de Crimée vieille de 240 ans et a fait apparemment bon usage d'un lit offert par le président russe).

La méthode est claire: Poutine manœuvre en cachette au bénéfice d'hommes politiques opposés à l’Union européenne et qui veulent s’éloigner de l’Otan. Il a ainsi soutenu les partis Aube dorée en Grèce, Ataka en Bulgarie et Jobbik en Hongrie. Joe Biden a mis en garde contre ces manœuvres l’année dernière lors d’un discours donné à la Brookings Institution: «Le président Poutine considère ces forces politiques comme des outils très utiles à manipuler afin de créer dans le corps politique européen des fissures qu’il pourra ensuite exploiter.» Des fissures qui vont sans doute se multiplier après le Brexit (une campagne que de nombreux organes de propagande russes ont activement soutenue).

La destruction de l’Europe est un objectif d’envergure. L’affaiblissement des États-Unis ne l’est pas moins. Il y a encore peu de temps, Poutine ne posait qu’un œil distrait sur les élections américaines. Puis est arrivé Donald Trump.

Donald Trump est le candidat rêvé du Kremlin, rien de moins. Il s’est réjoui de la sortie du Royaume-Uni de l’UE. Il dénonce l’Otan avec émotion. C’est aussi un grand admirateur de Vladimir Poutine. Sa dévotion pour le président russe a été dépeinte comme l’enthousiasme d’un bouffon pour son copain macho et costaud, mais ses déclarations se rapprochent davantage de la dévotion d’un esclave pour son maître. En 2007, il a encensé Poutine pour avoir «reconstruit la Russie». Un an plus tard, il a ajouté: «Il fait bien son travail. Bien mieux que notre Bush.» Lorsque Poutine a descendu l’exceptionnalisme américain dans un édito publié en 2013 dans le New York Times, Trump a qualifié cela de «chef d’oeuvre». En dépit de toutes les preuves du contraire, Trump nie que Poutine ait pu faire assassiner ses opposants: «En toute impartialité par rapport à Poutine, vous dites qu’il a tué des gens. Moi, je vous dis que je n’ai pas vu cela.» Et même si de tels meurtres avaient eu lieu, ils pourraient être pardonnés: «Au moins, c’est un leader.» Il faut dire que ce n’est pas n’importe quel vieux chef d’État: «Je vais vous dire, en matière de leadership, il mérite un A.»

Voici une version hautement abrégée des odes de Trump à Poutine. Pourquoi les Russes ne lui accorderaient-ils pas la même assistance discrète qu’ils ont royalement offerte à Le Pen, à Berlusconi et aux autres? À vrai dire, à en croire Michael Crowley, de Politico, la propagande russe a joué à plein pour Trump, notamment via son appareil Russia Today, utilisé pour descendre Hillary Clinton et louer le courage de la politique étrangère de Trump (un exemple de titre: «Trump lance le débat sur l’Otan: une institution “obsolète” et “piège”, qui pourrait mener à la Troisième Guerre mondiale”»). Les services de renseignements russes ont piraté les serveurs du Comité national démocrate pour dérober ses fichiers de recherche sur Trump et tout ce qu’ils pouvaient trouver d’autre. Ils ont également réussi à infiltrer les ordinateurs de la Clinton Foundation, comme l’a rapporté Bloomberg. Et même s’il s’agit d’une simple coïncidence, il s’avère que le cercle rapproché de Trump compte de nombreux conseillers et agents qui ont longtemps travaillé à défendre les intérêts du Kremlin.

Il ne faudrait pas surestimer les manœuvres de Poutine, qui n’auront aucun rôle déterminant sur les résultats de l’élection. Mais l’on peut tout de même penser à la campagne de Trump comme l’équivalent moral de la campagne de Henry Wallace en 1948, infiltrée par les communistes, mais en moins sincère et moins idéaliste. Une puissance étrangère souhaitant du mal aux États-Unis est venue se greffer à une campagne présidentielle majeure.

Sosie de Gorbatchev

L’intérêt de Donald Trump pour la Russie remonte à l’époque soviétique. Il existe même une extraordinaire vidéo de lui serrant la main de Mikhaïl Gorbatchev, qui date de 1988, à l’apogée de la perestroïka et des efforts du secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique pour charmer le public américain. Lors de ce voyage légendaire entre Washington et New York, Gorbatchev quitta l’espace confiné de sa limousine et du cordon de sécurité pour aller serrer la main du peuple américain. Donald Trump laissa entendre aux journalistes que le leader soviétique allait rejoindre la Trump Tower, étape clé de son trajet vers le capitalisme. Il s’agissait, à vrai dire, d’une invention destinée à se faire mousser que Trump en personne lança dans les tabloïds, mais cela faisait un mensonge convaincant. Une année auparavant, Trump s’était rendu en Russie à l’invitation des Soviétiques, qui voulaient qu’il construise des hôtels de luxe à Moscou et Leningrad afin de répondre au nouvel appétit du régime pour les entreprises occidentales. «L’idée de construire deux monuments en URSS excite son imagination», rapportait alors Newsweek.

Trump jubila sans doute en voyant les journaux rapporter l’histoire de la prochaine visite de Gorbatchev dans son quartier général comme s’il s’agissait d’un fait avéré, mais même lui ne s’attendait sans doute pas à ce que son histoire devienne réalité. Il fut sans doute estomaqué d’apprendre que Gorbatchev avait spontanément décidé de se rendre à la Trump Tower. Le magnat se rua au pied de l’immeuble pour présenter ses hommages. Sur la vidéo, on peut voir le crâne tacheté de Gorbatchev émerger de sa voiture. Trump et son escorte fendent la foule. «C’est un grand, grand honneur», déclare le magnat en serrant la main du leader soviétique.

L’une des grandes faiblesses de Trump est qu’il ne fait pas toujours très attention aux gens qui l’entourent, qu’il s’agisse de ses partenaires d’affaires, des personnages douteux qu’il retweete ou des dirigeants étrangers qui se présentent à sa porte. Il s’est avéré par la suite que ce Gorbatchev n’était pas vraiment le leader soviétique, mais un imitateur baptisé Ronald Knapp. Trump était en train de rendre ses hommages au vainqueur d’un concours de sosies.

C’était la première fois que Trump faisait éhontément de la lèche au pouvoir russe dans l’espoir de faire des affaires. Ce ne fut pas la dernière. Les hôtels soviétiques susmentionnés ne donnèrent jamais rien, mais, au fil des ans, Trump ne cessa de revenir sur l’idée de construire en Russie. Les promoteurs immobiliers efficaces ont de véritables dons de voyance: ils peuvent concrétiser des images mentales de superbes structures et de quartiers animés là où le commun des mortels ne voit qu’un terrain vague. Trump eut l’audace d’imaginer construire des hôtels à Moscou à l’époque où c’était une entreprise des plus risquées. En 1996, une kalachnikov eut raison de l’hôtelier américain Paul Tatum, qui avait eu la témérité de se plaindre de la mafia tchétchène et de la culture d’affaires peu scrupuleuse à laquelle il était confronté. Pourtant, l’attrait de la Russie était bien là, aussi bien pour les finances que pour l’égo de Trump. Un article du Moscow Times décrivit Trump comme le plus grand constructeur de la ville depuis Staline. Pour tout dire, il prévit plus tard la construction d’un projet à l’emplacement même où Staline avait jadis espéré construire le Palais des Congrès soviétique.

À cinq reprises, Trump a essayé de réaliser des projets en Russie: hôtels, appartements, commerces à grande échelle. L’un d’eux devait devenir l’une des «plus belles résidences de Moscou», avec patinoire, «club privé» et spa. Un autre devait être «le plus grand hôtel du monde». Son style clinquant plaisait aux nouveaux riches russes et il le savait. «Le marché russe est attiré par moi», s’est-il vanté un jour. Il a déposé son nom comme une marque à Moscou et l’a même vendu à une marque d’alcool afin qu’elle puisse vendre la vodka Trump Super Premium. Des membres du gouvernement affirmèrent vouloir faire affaire avec Trump parce qu’ils le considéraient lui aussi «super premium». Au milieu des années 1990, l’ancien général devenu politicien Alexander Lebed lui déclara: «Si Trump va à Moscou, je pense que l’Amérique suivra.»

Trump n’a jamais réellement réussi à rassembler tous les éléments (les accords d’investissement) pour vraiment concrétiser ses projets. Pourtant, on peut considérer sa percée en Russie comme une véritable réussite; il a préparé son triomphe, même s’il n’a rien réalisé concrètement. Lors de chaque projet immobilier avorté, il a abondamment flatté l’élément clé de la réussite des contrats en Russie: les hommes politiques (face à une rangée de journalistes, il a dit à Lebed qu'il avait «lu beaucoup de choses magnifiques sur cet homme et son pays»). Ces flatteries encourageaient les dirigeants russes à continuer d’inviter Trump pour de gros accords potentiels. À chaque fois qu’il se rendait à Moscou pour une visite en haut lieu, il attirait l’attention de la presse et augmentait sa stature (après un de ces voyages, il s’était vanté d’avoir participé à une réunion où «presque tous les oligarques se trouvaient dans la pièce»).

Cette réputation a fini par attirer les investisseurs. Les Russes ont participé au financement de ses projets à Toronto et SoHo, ils se sont arraché les appartements de ses immeubles à travers le monde –au point qu’il en est venu à les cibler, en organisant des cocktails privés à Moscou pour recruter des acheteurs (parmi ses locataires se trouvait un mafieux russe, qui tenait un cercle de jeu illégal dans la Trump Tower et a accompagné Trump au concours de Miss Univers organisé à Moscou). Même pour la construction d’une tour au Panama, il s’est arrangé pour attirer les acheteurs russes, comme l’a rapporté le Washington Post. «Les Russes constituent une part assez disproportionnée de nos actifs, s’est un jour vanté le fils de Trump, Donald Jr. On voit beaucoup d’argent arriver de Russie.»

La nature même de la campagne de Donald Trump réside dans le floutage des lignes entre ses intérêts politiques et ses affaires –comme on a pu le voir très récemment en Écosse, lorsqu’il a déclaré que le vote en faveur du Brexit profiterait à ses terrains de golf. Comme l’a déclaré au New York Times un expert des finances de campagne, «historiquement, les candidats ont toujours mis de côté leurs affaires pour pouvoir faire campagne. Trump a fait tout le contraire, en faisant la promotion de ses entreprises tout en faisant campagne».

Ces motivations mercantiles sous-tendent aussi sans doute la manière dont Trump fait des courbettes à Poutine. Avoir un ami au Kremlin lui serait, à n’en pas douter, d’une grande aide pour lui permettre de réaliser son vieux rêve d’inscrire son nom dans le paysage moscovite –un rêve qui ne l’a pas quitté alors même qu’il organisait sa campagne présidentielle. «La Russie est l’un des meilleurs pays au monde pour les investissements, a-t-il déclaré un jour. Nous finirons bien par être présents à Moscou un beau jour.»

Piste de l'argent

S’il y a bien une information à retenir lorsque l’on parle de Trump, c’est son insolvabilité. Après sa faillite de 2004 et son long cortège de poursuites juridiques, les grandes banques ont décidé qu’il ne valait pas la peine que l’on se donne du mal pour lui. Mieux valait ne pas s’approcher du «roi de la dette» autoproclamé. Cela l’a poussé à rechercher des sources de financement moins conventionnelles. BuzzFeed a montré, par exemple, les efforts qu’il a déployés pour séduire Mouammar Kadhafi. Mais l’argent libyen ne s’est jamais matérialisé. C’étaient des capitaux russes qui approvisionnaient nombre de ses projets (projets qui lui permettaient de garder son image de grand constructeur alors même qu’il sortait d’une faillite).

Des capitaux russes ont approvisionné nombre de projets de Trump

L’argent n’est pas venu directement. Cherchant des partenaires fortunés, il s’est tourné vers une jeune société baptisée Bayrock Group, qui concluait d’importants accords immobiliers en utilisant le nom de Trump. Son président était un ancien officiel soviétique baptisé Tevfik Arif, qui s’était bâti une petite fortune en gérant des hôtels de luxe en Turquie. Pour gérer les opérations de Bayrock, Arif embaucha Felix Satter, un marginal né en Union soviétique, mais ayant grandi à Brighton Beach.

Satter changea son nom en Sater, sans doute pour se distancier des activités criminelles qu’une simple recherche de nom aurait facilement mises au jour. Lorsqu’il était jeune, Sater avait fait de la prison pour avoir lacéré le visage d’un homme avec un verre à margarita cassé lors d’une bagarre dans un bar. Les fédéraux l’arrêtèrent également pour avoir travaillé dans une société de courtage, liée à quatre familles différentes de la Mafia, qui avait vendu pour 40 millions de dollars de titres frauduleux. Durant l’un des procès, il fut ensuite déclaré que le casier de Satter montrait qu’il n’hésitait pas «à utiliser des méthodes de gangster pour parvenir à ses fins». Dans un autre, on apprit qu’il avait agressé un investisseur de Trump en le menaçant de l’électrocuter par les testicules, de lui couper la jambe et de laisser son cadavre dans le coffre de sa voiture.

À quoi pensait donc Trump quand il s’est associé avec de tels partenaires? C’est une question qu’il a essayé de faire taire en diminuant l’importance de ses liens avec Bayrock et en minimisant les péchés de Sater («Il a eu des problèmes parce qu’il a participé à une bagarre dans un bar, ce que font beaucoup de gens», a dit Trump lors d’une déposition). Mais il ne s’est pas contenté de s’associer à Bayrock: la société est intrinsèquement liée à lui. Sater travaillait dans la Trump Tower et sa carte de visite le qualifiait de «conseiller principal de Donald Trump». Bayrock a préparé des contrats pour des projets faramineux au nom de Trump, gérés par Trump –deux à Fort Lauderdale, en Floride, un complexe à Phoenix, le Trump SoHo à New York. Plusieurs de ces projets ont démarré, mais ils n’étaient qu’un simple prélude. «M. Trump était particulièrement pris par les relations à l’étranger de M. Arif, a rapporté le New York Times, après que des acheteurs d’appartements dans le Trump SoHo l’ont poursuivi pour fraude. Dans une déposition, M. Trump a dit qu’ils avaient tous deux discuté “de nombreux contrats dans le monde entier” et que M. Arif avait amené de potentiels investisseurs russes dans le bureau de M. Trump afin qu’ils se rencontrent». Trump a décrit l’étendue de leurs ambitions: «Ça allait être le Trump International Hotel et le Tower Moscow, Kiev, Istanbul, etc., Pologne, Varsovie.»

Vu les individus en lien avec l’entreprise, Bayrock ne pouvait que finir au milieu d’un torrent de procès. Le directeur des finances de la société, Jody Kriss, l’a poursuivie pour fraude. Durant le procès, qui est toujours en cours, Kriss a donné une première source de financement pour les grands projets de Trump: «Mois après mois, durant deux ans, et en réalité dès que Bayrock manquait de liquidités, Bayrock Holdings revenait comme par magie avec un nouveau virement provenant de “quelque part”, juste assez gros pour maintenir l’entreprise à flot.» À en croire Kriss, ces importants paiements provenaient de sources installées en Russie et au Kazakhstan, qui espéraient cacher leur argent. Une autre source de financement de Bayrock était le fonds d’investissement islandais FL Group, désormais disparu, véritable aimant pour les investisseurs russes qui étaient «favorables» à Poutine, comme il a été dit durant le procès. (Le Daily Telegraph a rapporté que Bayrock falsifiait les investissements de FL en les qualifiant de prêts pour ne pas payer au minimum 20 millions de dollars de taxes.)

Ces projets étaient tout simplement trop ambitieux et trop importants par rapport à ses projets pour que Trump ignore les sources à la base du financement. Et c’est justement au moment où il est devenu extrêmement dépendant des investissements douteux russes qu’il a redoublé d’éloges pour Poutine. En 2007, il a dit à Larry King: «Regardez Poutine –ce qu’il fait en Russie– je veux dire, vous savez ce qui se passe là-bas. Je veux dire, ce type a fait –que vous l’aimiez ou pas– il fait du super bon boulot».

Des conseillers en lien avec le Kremlin

Bien que Poutine ne se soit pas sali les mains durant les élections américaines, les Russes ont su se faire une place à Washington –en employant des sociétés de luxe pour concevoir des stratégies, en finançant des think tanks, en construisant une petite coterie d’experts favorables aux points de vue sur le monde de leur leader. La campagne de Trump est le point culminant improbable de cet effort. Elle a été un véritable aimant pour les partisans de Poutine qui partagent les mêmes opinions. Partisans n’est peut-être pas le bon terme, puisqu’un grand nombre de ces conseillers ont bénéficié des procurations de l’État russe.

Commençons par le commencement. Le directeur de campagne de Trump est un vétéran de la communication appelé Paul Manafort, un mercenaire de par sa profession. C’est sa société de consulting à Washington qui a été la première à représenter les dictateurs du monde entier, quel que soit leur sinistre passé. (J’ai écrit un article sur sa spécialisation dans les dirigeants autoritaires il y a plusieurs semaines.) En avançant dans sa carrière, toutefois, Manafort s’est entièrement consacré aux clients proches du Kremlin. Sa grande réussite fut de relancer la carrière sur le déclin du très peu charismatique Viktor Ianoukovitch, élu à la présidence de l'Ukraine en 2010. Grâce au travail de Manafort, l’Ukraine est entrée dans la sphère d’influence de Poutine. Contrairement aux autres consultants américains qui ne cessaient de faire des allers-retours entre Kiev et les États-Unis, lui s’est installé sur place. Il est devenu un conseiller essentiel du président –et même son partenaire de tennis.

Si Manafort était le seul lien avec le Kremlin de la campagne de Trump, sa présence pourrait ne rien signifier. Mais ce n’est pas un cas isolé. La majorité des experts ont ricané à l’idée que Trump puisse avoir un cercle de conseillers en politique étrangère étant donné que sa première liste de gourous, apparue soudainement en mars, comprenait des noms inconnus de la plupart des spécialistes politiques. Pourtant, la liste suggère certaines tendances.

L’un des conseillers supposés de Trump était un banquier d’investissement dénommé Carter Page. Durant un contrat à Moscou dans les années 2000, il a conseillé le géant russe du gaz Gazprom, contrôlé par l'Etat, et l’a aidé à attirer des investisseurs occidentaux (En mars, Page a confié à Bloomberg qu’il possédait toujours des parts de la société). Page a défendu la Russie avec joie. Il a même écrit une chronique comparant explicitement la politique réservée à la Russie par l’administration Obama à l’esclavage en Amérique du Sud. Son raisonnement: «De nombreux paragraphes de la stratégie de sécurité nationale sont extrêmement proches d’une publication de 1850, qui dispense des conseils aux propriétaires d’esclaves sur la manière de former l’“esclave idéal”.»

Sur la liste des conseillers figure aussi le lieutenant-général Michael Flynn, ancien chef de la Defense Intelligence Agency (Agence du renseignement de la défense). Dix-huit mois après avoir quitté le gouvernement, il s’est rendu à Moscou et s’est assis à deux chaises du président Poutine à l’occasion du gala célébrant le dixième anniversaire de Russia Today. Dans Politico, un responsable de l’administration d’Obama, sous le couvert de l’anonymat, a durement critiqué Flynn: «Voir des responsables du renseignement –actuels ou anciens– trouver refuge à Moscou n’est généralement pas à l’avantage des États-Unis.»

Plus récemment, Richard Burt, un responsable de l’administration Reagan, a commencé à conseiller Trump sur la politique étrangère. Ses critiques à l’encontre de l’Otan et ses appels à une plus grande coopération avec Poutine résultent d’un grand réalisme. Ses positions idéologiques s'accordent à ses intérêts financiers: il siège aux conseils de l’Alfa-Bank, la plus grande banque commerciale de Russie, et d’un fonds d’investissement ayant une forte position chez Gazprom.

Les conseillers de Trump détiennent des actions dans des sociétés dont la santé dépend de la santé de l’État russe –qui sont, en réalité, inextricablement liées à l’État. La campagne ne concerne pas uniquement un homme qui a une affinité esthétique pour Poutine et des intérêts commerciaux avec la Russie: ses sentiments sont renforcés et amplifiés par une organisation qui a de nombreux liens financiers avec le Kremlin.

Fuites de documents

Poutine s’occupe-t-il déjà de cette campagne? Avec la froideur qui le caractérise, il a montré qu’il était très intéressé. Il a qualifié Trump de «très talentueux». Ses conseillers sont encore plus enthousiastes. Vladimir Iakounine, l’ancien président de la société des chemins de fer russes, a dit de Trump qu'«il tente de régler certaines défaillances internes aux Américains». Le Kremlin ne semble pas chercher à cacher son aide. Peu après avoir découvert que les renseignements russes avaient piraté les serveurs de Clinton, des documents ont soudain fait surface sur Internet: un PDF du fichier de recherche sur l'opposition du Comité national démocrate et une multitude de tableaux, dont la liste des donateurs de la Clinton Foundation.

Les agences de renseignement étrangères essaient souvent de récupérer des informations sur les campagnes politiques américaines. Les hackers chinois se sont infiltrés dans les serveurs de Mitt Romney à la recherche de détails utiles. Mais les Russes ont fait tout un art de la publication de documents qu’ils ont volés pour mettre à mal leurs adversaires. Le locus classicus de cette méthode était un enregistrement d’un appel, loin d’être diplomatique, entre Toria Nuland, secrétaire d’État adjointe pour l’Europe et l’Eurasie, et Geoffrey Pyatt, l’ambassadeur américain à Kiev. Les Russes auraient mis l’enregistrement sur YouTube et posté le lien vers la vidéo sur Twitter, transformant la conversation en une affaire internationale. Bien qu’ils n’aient jamais revendiqué la fuite, rares sont ceux qui ont mis en doute l’affirmation de la Maison-Blanche selon laquelle la Russie en était la source.

En ce qui concerne les documents en possession des Russes et ce qu’ils pourraient en faire, nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses. Les documents qu’ils ont publiés jusqu’à maintenant sont relativement inoffensifs, mais cela pourrait n’être qu’un avant-goût de fuites prochaines –comme s’ils testaient leur diffusion et évaluaient les réactions aux fuites. La Clinton Foundation est, après tout, une cible très intéressante à atteindre –une organisation avec une approche de la collecte de fonds un peu limite sur le plan éthique, qui est déjà la principale cible des attaques de campagne de Trump. L’un des sites qui a posté les documents volés s’appelle Guccifer 2.0 et il affirme avec véhémence être l’œuvre d’un seul hacker, tout en affichant un avertissement disant qu’il n’a publié que quelques documents sur «les milliers [qu'il a] récupérés». Il n’est cependant pas le seul à posséder de nombreux documents compromettants. Julian Assange, qui a animé une émission sur Russia Today, a prévenu: «Nous possédons des e-mails en lien avec Hillary Clinton qui seront publiés prochainement.»

L’égo de Donald Trump se mêle à sa naïveté. Il est très sensible à la flatterie et sa confiance en lui excède ses capacités intellectuelles. Tout cela en fait une proie facile, particulièrement susceptible de se faire exploiter. C’est pour cette raison que des personnages suspects ont toujours tourné autour de lui. (Ne manquez pas de lire l’article très convaincant de David Cay Johnston sur les anciennes relations de Trump avec le crime organisé.) Il semblerait que le président russe l’ait également remarqué. Pour citer Trump à propos de Poutine: «Un type dit que je suis un génie et ils voudraient que je renonce à lui? Il est hors de question que je renonce à lui!»

En fin de compte, nous n’avons que des preuves circonstancielles concernant les tentatives russes d’influencer cette élection –une série d’éléments disparates et une ancienne histoire d’interférences dans un contexte similaire. Mais le modèle est troublant, tout comme le principe. Si Poutine voulait créer le candidat idéal pour servir ses desseins, sa création serait à l’image de Donald Trump. Le candidat républicain veut détruire les alliances militaires américaines en Europe, il salue la destruction de l’Union européenne, plaide pour la diminution des tensions avec la Russie plutôt qu’avec l’Ukraine et la Syrie, tant pour des questions de politique étrangère que pour servir ses propres intérêts financiers. Trump président signifierait l’affaiblissement du plus important concurrent géostratégique de Poutine. En alimentant la haine raciale, il laisserait en lambeaux le tissu social des États-Unis. Il affiche sa volonté de faire tomber les limites constitutionnelles du pouvoir exécutif. Dans son désir de renégocier les paiements de la dette, il ruinerait la totalité de la confiance et du crédit dont jouissent les États-Unis. Un blogueur partisan du Kremlin a résumé l’intérêt de son gouvernement dans cette élection avec un franc-parler étonnant: «Trump va détruire l’Amérique telle que nous la connaissons. Nous n’avons rien à perdre.» Article de Franklin Foer - SLATE

15 mai 2016

Eurovision: Les Russes ne digèrent pas leur défaite et dénoncent une victoire «politique» de l'Ukraine

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La victoire de l'Ukraine à l’Eurovision, avec une chanson qui évoque la déportation des Tatares de Crimée par Staline passe mal, sans surprise, auprès de la Russie. Plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer une victoire « politique » aux dépens du candidat russe.

« C’est la politique qui a battu l’art »

Dans « 1944 », la chanteuse Jamala, Tatare de Crimée, évoque la déportation de son peuple par les autorités soviétiques lors de la Seconde guerre mondiale. La Russie, qui a annexé la Crimée en mars 2014, y avait vu des sous-entendus « politiques » et avait protesté contre la participation ukrainienne. Grand favori des parieurs, le Russe Segueï Lazarev a finalement échoué à la troisième place.

« Ce n’est pas la chanteuse ukrainienne Jamala et sa chanson 1944 qui ont remporté l’Eurovision 2016, c’est la politique qui a battu l’art », a déclaré aux agences russes le sénateur Frantz Klintsevitch, qui a appelé au boycott par la Russie du prochain concours Eurovision, qui sera organisé en Ukraine.

Les Tatars de Crimée, une communauté musulmane autochtone, s’opposent aux autorités russes depuis l’annexion de cette presqu’île ukrainienne et subissent une forte pression de leur part. L’Ukraine accuse par ailleurs Moscou de soutenir militairement les séparatistes pro-russes de l’Est du pays.

Le candidat russe volé selon un tabloïd russe

Pour le président du comité des Affaires étrangères du Sénat, Konstantin Kossatchev, « c’est la géopolitique qui a pris le dessus ». Et, selon lui, cette victoire à l’Eurovision risque de donner des ailes aux dirigeants ukrainiens, et compromettre ainsi le difficile processus de paix dans l’Est de l’Ukraine. « Pour cette raison, l’Ukraine a perdu », a-t-il écrit sur sa page Facebook, ajoutant que « ce dont l’Ukraine a besoin, de manière vitale, c’est de paix. Mais c’est la guerre qui a gagné ».

Victoire de l’Ukraine, défaite de la Russie : le tabloïd à grande diffusion Komsomolskaïa Pravda publie sur son site un article intitulé « Comment le jury européen a volé la victoire de Lazarev », dans lequel il demande l’annulation des résultats en raison du contenu « politique » de la chanson de Jamala.

10 février 2016

Pussy Riot

Dénonciation osée     

Moscou (Russie) - Les Pussy Riot reviennent en force, avec un nouveau clip intitulé "Chaika", qui vise le Kremlin. Après leur performance punk dans une église orthodoxe il y a quatre ans, elles s'attaquent cette fois à la corruption et à la censure, omniprésentes dans le gouvernement de Poutine.

denonciation-osee

7 décembre 2015

Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine, ces jumeaux

poutine et le tuirc

Il y a un an, le président russe, Vladimir Poutine, et son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, étaient les meilleurs alliés du monde. D’une poignée de main cordiale, les deux hommes venaient de sceller, le 7 décembre 2014 à Ankara, leur nouvelle association dans l’énergie : un gazoduc prévu sous la mer Noire, puis jusqu’à la frontière turco-grecque. Le projet du South Stream, censé traverser l’Europe orientale pour contourner et punir l’Ukraine, était mort-né. L’ère était au « Turkish Stream », symbole de la nouvelle alliance russo-turque.

Armé de Gazprom, son sabre pour la politique étrangère, M. Poutine venait de montrer aux Européens que, dans un contexte de tension avec le reste du monde, la Russie pouvait se choisir d’autres partenaires. L’Union européenne n’avait qu’à bien se tenir.

Aujourd’hui, les deux alliés sont à couteaux tirés. De gazoduc, il n’est plus question depuis que l’aviation turque a abattu, le 24 novembre, un chasseur-bombardier russe près de la frontière syrienne. Deux hommes sont morts des suites de l’accrochage, l’un des pilotes du Su-24 ainsi qu’un militaire russe parti à sa recherche.

Depuis, l’algarade russo-turque se lit comme un feuilleton. Les dirigeants turcs « vont le regretter », a tonné le maître du Kremlin, jeudi 3 décembre. « Il semble qu’Allah ait décidé de punir la clique au pouvoir en Turquie, en la privant de la raison et du bon sens », a-t-il expliqué, accusant, une fois de plus, le président turc et sa famille de complicité avec l’organisation Etat islamique (EI). Calomnie, rétorquait M. Erdogan le même jour, assurant détenir « les preuves » de l’implication des Russes dans le trafic de pétrole avec l’EI.

En résonance avec leur peuple

L’une des pièces à charge contre le dirigeant turc a été publiée par la presse russe. Il s’agit d’une photo de Bilal Erdogan, fils cadet du numéro un, qui prend la pose en compagnie de deux barbus. Coiffés de petits chapeaux musulmans et vêtus de kamis, ils sont présentés comme des suppôts du califat de l’EI. En fait, les deux djihadistes présumés sont les propriétaires d’un restaurant de kebabs à Aksaray, un quartier populeux d’Istanbul. Certes, Bilal Erdogan est, à 35 ans, un richissime armateur qui doit beaucoup à l’entregent de son père, mais son implication dans la contrebande de pétrole reste à prouver.

Une chose est sûre, son succès ressemble en tout point à celui de Katia Poutine (Tikhonova), milliardaire en dollars à l’âge de 29 ans. Sa fortune n’a pas été amassée à la sueur des compétitions de danse acrobatique qu’elle affectionne, mais grâce aux liens de proximité qu’elle entretient avec les oligarques amis de son père.

Le combat de coqs entre M. Poutine et M. Erdogan met aux prises deux adversaires en tout point semblables, deux autocrates populistes bercés par l’illusion d’un retour à la puissance perdue. Tous deux se sentent investis d’une mission restauratrice. L’un se lève le matin avec l’idée de ressusciter l’empire tsariste ou soviétique, l’autre se couche le soir en rêvant à la grandeur ottomane passée. Tous deux ont su, à un moment donné, entrer en résonance avec leur peuple. Le 26 mars 2000, les Russes, qui avaient voté pour l’accession de M. Poutine au Kremlin, n’avaient eu aucun mal à s’identifier à « Vova », le chenapan d’une « kommounalka » (appartement communautaire) du vieux Saint-Pétersbourg, qui, à 13 ans déjà, rêvait d’entrer au KGB (police politique et services secrets soviétiques) pour défendre le pays contre les ennemis. Le 14 mars 2003, bien des Turcs s’étaient laissé séduire par « Tayyip », l’ancien petit vendeur de thé de Kasimpasa, à Istanbul, devenu le premier ministre le plus charismatique du pays.

Des atours impériaux

Parfaits autocrates, ils musellent les médias indépendants, ne supportent pas la moindre critique envers leur personne, sapent les libertés fondamentales, font main basse sur les actifs de leurs opposants. Populistes roués, ils instrumentalisent la religion à des fins politiques, jouent sur les peurs ancestrales, excellent à la fabrication d’un « ennemi » imaginaire. Ni l’un ni l’autre n’envisagent de passer le flambeau. Après treize années passées au pouvoir, trois mandats en tant que premier ministre, un mandat présidentiel gagné en août 2014 avec 52 % des voix, M. Erdogan se voit en « hyperprésident », sans contre-pouvoir. Fort de sa majorité parlementaire retrouvée lors des législatives du 1er novembre, il n’a qu’une obsession, modifier la Constitution pour se tailler un costume présidentiel à la mesure de ses ambitions.

Installé au Kremlin depuis quinze ans, M. Poutine est étranger à la notion d’alternance. Depuis Lénine, seuls deux dirigeants soviétiques ont quitté le pouvoir de leur vivant : Khrouchtchev, limogé en 1964, et Mikhaïl Gorbatchev, contraint à la démission en 1991, parce que l’URSS venait de disparaître. Boris Eltsine, l’homme de la transition démocratique, a consenti, en 1999, à passer la main à M. Poutine, son successeur choisi sur « casting ». Un pacte a été scellé, à Poutine la couronne, à Eltsine l’immunité.

Parés de leurs atours impériaux – la toge de « Vladimir Monomaque » pour M. Poutine, l’armure de « Mehmet le Conquérant » pour M. Erdogan –, les deux présidents s’affrontent désormais sur le terrain syrien. En désaccord sur le futur de Bachar Al-Assad, Moscou et Ankara se disputent le contrôle de la région située au nord d’Alep, entre Marea et Jarabulus, dont les Turcs auraient tant voulu faire une « zone tampon », un sanctuaire pour les rebelles syriens qu’ils soutiennent. L’installation récente, juste après la destruction du bombardier russe, de missiles antiaériens S-400 russes dans le réduit alaouite vient de porter un sérieux coup d’arrêt au projet turc. Entre le tsar et le sultan, le duel ne fait que commencer. Article de Marie Jégo (Istanbul, correspondante). Journaliste au Monde

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3 décembre 2015

Poutine

Poutine promet à la Turquie de lui "faire regretter" la destruction de son avion

L'escalade continue entre la Russie et la Turquie, après la destruction d'un bombardier russe fin novembre. Vladimir Poutine promet à la Turquie et à sa "clique au pouvoir" de lui "faire regretter" la destruction de son avion fin novembre. Erdogan a lui affirmé avoir des preuves d'une implication de la Russie dans le trafic de pétrole de l'Etat islamique.

La critique est violente. Vladimir Poutine s'en est pris jeudi à la Turquie, dirigée selon lui par "une clique" qui a perdu "raison et bon sens" en abattant récemment un avion russe. Cette critique en règle du président turc Recep Tayyip Erdogan intervient alors que le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov doit rencontrer à Belgrade son homologue turc Mevlüt Cavusoglu pour la toute première rencontre entre hauts responsables russes et turcs depuis la destruction le 24 novembre par l'aviation turque d'un bombardier russe près de la frontière syrienne.

"Nous n'oublierons jamais cette complicité avec les terroristes. Nous considèrerons toujours la trahison comme l'un des pires et des plus vils actes", a lancé Vladimir Poutine lors de son adresse annuelle devant les parlementaires, le gouvernement et les gouverneurs des régions de Russie. "Il semble qu'Allah ait décidé de punir la clique au pouvoir en Turquie en la privant de la raison et du bon sens", a-t-il poursuivi, provoquant les rires de l'assemblée.

Des mesures de représailles

Le président russe s'est défendu de "brandir les armes" dans cette crise tout en promettant de nouvelles mesures de représailles contre Ankara, déjà victime d'un embargo sur ses produits alimentaires et de sanctions visant ses entreprises et son secteur touristique. Le ministre russe de l'Energie Alexandre Novak a d'ailleurs annoncé dans la foulée que les négociations sur le projet de gazoduc TurkStream qui devait acheminer le gaz russe en Turquie avaient été "suspendues".

"Ce n'est pas la dernière fois que nous leur rappellerons ce qu'ils ont fait, ni la dernière fois qu'ils vont regretter ce qu'ils ont fait", a clamé Vladimir Poutine lors de son discours de politique générale où la crise avec la Turquie a éclipsé les questions économiques et sociales.

La classe politique turque "s'en met plein les poches"

Tout en faisant la distinction entre les dirigeants et le peuple turc, "bon, travailleur et talentueux", Vladimir Poutine a de nouveau accusé la classe politique du pays de "s'en mettre plein les poches" en protégeant le trafic de pétrole auquel se livre l'organisation État islamique (EI) en Syrie.

En dépit de ces virulents propos, un maigre espoir d'apaisement dans les relations entre les deux pays pourrait se concrétiser avec la rencontre jeudi entre Lavrov et Cavusoglu en marge d'une réunion ministérielle de l'OSCE dans la capitale serbe. Jusqu'à présent, les hauts responsables russes ont refusé tout contact avec leurs homologues turcs. Le président russe Vladimir Poutine, après avoir refusé de prendre les appels du président turc, l'a évité lors de la COP21 à Paris. Les autorités russes exigent sans succès des excuses officielles d'Ankara pour la destruction de leur avion qui provoqué la mort de deux militaires.

La Russie était déjà passée mercredi aux attaques personnelles accusant directement le président Recep Tayyip Erdogan et sa famille d'être impliqué dans la contrebande de pétrole de l'EI, l'une des principales sources de financement du groupe jihadiste. Erdogan n'avait pas tardé à réagir, menaçant de mesures de représailles si Moscou continuait à "propager des calomnies". Jeudi, il a affirme avoir des "preuves" de l'implication de la Russie dans le trafic de pétrole de l'EI. "Nous avons des preuves. Nous allons commencer à les révéler au monde", a-t-il dit lors d'une allocution devant des syndicalistes à Ankara, citant notamment le nom de l'homme d'affaires syrien George Haswani, "titulaire d'un passeport russe".

21 octobre 2015

Bachar Al-Assad a rencontré Vladimir Poutine à Moscou

Bachar Al-Assad a rencontré Vladimir Poutine à Moscou pour sa première visite à l'étranger depuis le début de la guerre civile en Syrie. Le président syrien, Bachar Al-Assad, a effectué une "visite de travail" à Moscou mardi 20 octobre, au cours de laquelle il a rencontré son homologue russe, Vladimir Poutine. "Hier soir, le président de la république arabe syrienne, Bachar Al-Assad, est venu en visite de travail à Moscou", a annoncé mercredi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

12 octobre 2015

François Hollande demain à Saint-Nazaire

Le président de la République visitera les chantiers navals STX, demain après-midi. Ce sera sa première visite à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) depuis son élection. Il observera une entreprise symbole d’une croissance retrouvée et dont le carnet de commande est plein jusqu’en 2020. Il verra aussi les navires Mistral , vendus à l’Égypte. La dernière visite présidentielle à Saint-Nazaire remonte à janvier 2011. Nicolas Sarkozy avait alors signé un accord de coopération avec la Russie.

29 septembre 2015

Margerie (Total) : les six inculpés russes remis en liberté

Après onze mois de détention provisoire, Vladimir Martynenko, chauffeur du chasse-neige qui a percuté le jet de l’ancien PDG de Total, le 20 octobre 2014 sur une piste de l’aéroport de Vnoukovo, près de Moscou, a été libéré. Il avait été incarcéré après l’accident qui a coûté la vie à Christophe de Margerie, au pilote, au copilote et à l’hôtesse de l’air du Falcon 50 .L’agence russe d’informations Rapsi confirme que les cinq autres suspects ont été aussi libérés, alors que le parquet demande un complément d’enquête. Le procès doit se dérouler en Russie à une date indéterminée.

Christophe de Margerie

17 septembre 2015

Bachar al-Assad demande de l’aide sur une télé russe

Invité de la chaîne de télévision russe Russia Today , hier, Bachar alAssad a déclaré qu’il fallait « l’aider à combattre le terrorisme en Syrie, pour endiguer le flot de réfugiés syriens qui se déverse sur l’Europe ». La veille, Vladimir Poutine avait rappelé son attachement au dirigeant syrien. Le président russe souhaite une « grande coalition internationale », avec des discussions de paix incluant Bachar al-Assad. Plan qu’il compte présenter à l’assemblée des Nations unies à New York, fin septembre.

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