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Jours tranquilles à Paris
sexualite
6 juillet 2020

Les couleurs du sexe : les ambiguïtés du blanc

Par Maïa Mazaurette

Episode 1. Gris, pourpre, noir… Cet été, la chroniqueuse et illustratrice de « La Matinale » Maïa Mazaurette sort son nuancier chaque dimanche pour raconter la sexualité et prodiguer ses conseils. Aujourd’hui, zoom sur la zone blanche.

LE SEXE SELON MAÏA

Le blanc est-il une couleur ? La réponse dépend des experts à qui vous posez la question. Cette ambivalence se prolonge dans le monde du sexe : existe-t-il une sexualité blanche, alors même que cette teinte symbolise la virginité ?

Nous savons que le sexe n’est pas sale, mais peut-il pour autant être pur ? Nous voici plongés dans le vif du sujet : pour lancer cette série d’été consacrée au nuancier sexuel – nous nous promènerons de la zone grise au piment rouge, en passant par l’arc-en-ciel, le duo rose-bleu ou encore les teintes de la chair –, commençons donc par le blanc.

On ne surprendra personne en rappelant que dans la culture occidentale et notamment dans notre rapport au sacré, le blanc s’oppose à la souillure matérielle ou morale. Le mot lui-même vient du germanique blank, qui signifiait « brillant, clair, sans tache » ou « nu ».

Le blanc est également associé à la lumière, et se conçoit dans un double antagonisme au noir de la nuit (le quand de la sexualité) et au rouge de la luxure (le comment de la sexualité). Par extension, le blanc symbolise le bien, l’innocence, la chasteté (mais aussi la vieillesse, la peur, le froid, etc.).

Imaginaire de l’innocence

Faut-il en déduire qu’une sexualité blanche serait réservée aux oies blanches ? C’est plus compliqué que ça. Au départ, la symbolique s’exprime de la manière la plus prévisible qui soit : le blanc de la pureté donne sa teinte à la robe de mariée, supposément vierge. Cet imaginaire de l’innocence est régulièrement utilisé par les marques de sextoys pour rassurer les acheteuses : on trouve des lignes entières de vibromasseurs blancs, dont certains reprennent les codes visuels des iPhone et du monde médical. Le blanc est bon, le blanc est tech, le blanc est sérieux.

Là où les choses commencent à se corser, c’est quand ces associations d’idées contaminent les corps eux-mêmes : telle couleur de peau entraîne telles qualités morales, telle couleur de peau est considérée comme plus ou moins esthétique.

Alors que L’Oréal a retiré cette semaine les mots « clair » et « blanchiment » de ses produits cosmétiques, l’industrie de la beauté du sexe continue de proposer des blanchiments de la vulve, mais aussi du pénis, de l’anus et des tétons. L’argument est double : raccorder la couleur de la carnation (caucasienne) à la couleur de ces zones hautement sexualisées, mais aussi « nettoyer » symboliquement la zone.

C’est particulièrement le cas du blanchiment de l’anus, qui permet de désamorcer certains complexes : si c’est clair, c’est propre, et si c’est propre, alors on peut l’utiliser sexuellement. (Précisons qu’il existe à l’inverse des crèmes pigmentées qui « rajeunissent » le vagin à coups de gammes de rose, mais elles sont moins utilisées.)

Pour autant, limiter le blanc à la pureté serait un peu court : il est aussi la couleur du sperme (considéré comme une souillure), des pertes blanches (idem, même si elles servent à nettoyer le vagin de ses bactéries) et du lait maternel (or pour être mère, le plus souvent, on est passée par des rapports sexuels). Se dessinent, alors, les contours d’un blanc plus ambigu : rien n’est plus délicieux à saccager qu’une surface immaculée. Nous ne sommes plus très loin du fétichisme médical, ou de la salirophilie, qui n’aime rien tant que tacher les draps et souiller ses adeptes.

Consensus et consentement

Tout est dit ? Non, bien sûr que non. Car la sexualité elle-même comporte des pratiques blanches : on parle alors de sexualité « vanille ». Ce vocable, apparu dans les années 1960 mais popularisé dans le jargon sexuel depuis une vingtaine d’années, décrit les rapports conventionnels, conjugaux, consentis, sans fantaisie.

La vanille érotique serait au sexe ce que la vanille alimentaire est à la gastronomie : un parfum sans intérêt, mais largement apprécié par les personnes dénuées de bon goût et/ou d’imagination (snobisme, bonjour). Le mot comporte donc souvent une connotation méprisante – sauf chez ses défenseurs et défenseuses (dont votre humble servitrice dominicale fait partie).

Pourquoi tant de haine ? Parce que le sexe vanille a été conceptualisé en opposition aux sexualités « noires » du BDSM (bondage, domination, sado-masochisme) et au vaste champ chromatique du queer (c’est-à-dire littéralement, le bizarre). On y reviendra dans les prochains épisodes de cette série d’été.

Cette réputation d’ennui associée à la vanille déborde sur ce que nous appelons depuis le mouvement #metoo la zone blanche : celle du consensus et du consentement. Côté face, le licite rassure. Côté pile, si on s’en tient aux pratiques strictement permises par la religion et le code pénal, il ne reste que le missionnaire.

« 50 Nuances de Blanc » ?

Et pourtant ! On pourrait réhabiliter la zone blanche. Respecter radicalement ses partenaires n’entraîne pas nécessairement moins d’humour, moins de diversité et moins de pratiques exaltantes : si vous voulez mon avis, c’est même précisément l’inverse qui se passe. Avec la sexualité vanille, on peut se donner carte blanche !

Du « bon » côté de la zone grise, les possibles s’étendent à l’infini… A condition de renoncer à certains clichés (par exemple cette curieuse idée voulant qu’un bon amant soit forcément un « bad boy », alors que de nombreuses transgressions sexuelles sont justement dues à un manque de compétences, d’imagination et de savoirs). Qui sait, peut-être lira-t-on un jour un best-seller incroyablement érotique, appelé « 50 Nuances de Blanc » ?

En attendant, le blanc-vanille dispose d’un ultime tour dans son sac : il est intrinsèquement sexuel – jusqu’aux origines de notre langue, donc de notre système de représentation. Car étymologiquement, « vanille » vient du latin vagina, « la gaine », qui donnera « vagin »… seulement au XVIIe siècle. Pour une zone encore régulièrement qualifiée de trou noir, c’est un comble, non ?

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22 juin 2020

Chronique - La pénétration est-elle indépassable ?

Par Maïa Mazaurette

Alors qu’une majorité de femmes n’y trouvent pas leur compte en termes de plaisir, nous persistons à accorder à la pénétration vaginale une place centrale dans notre répertoire sexuel, constate Maïa Mazaurette, chroniqueuse de « La Matinale ».

LE SEXE SELON MAÏA

En avril 1924, la princesse Marie Bonaparte publiait un article intitulé « Considérations sur les causes anatomiques de la frigidité chez la femme ». Pour cette disciple de Freud, l’absence d’orgasmes « vaginaux » pouvait (devait ?) se corriger en rapprochant le clitoris de l’entrée du vagin. De préférence à coups de bistouri. Elle subira trois opérations chirurgicales successives… sans jamais connaître l’orgasme vaginal dont elle rêvait.

On se gardera de psychanalyser la psychanalyste, ou de moquer ses tentatives (il fallait un sacré courage pour tester cette théorie). Mais, un siècle après Marie Bonaparte, et depuis déjà des décennies, nous savons que les deux tiers des femmes n’atteignent pas l’orgasme par la seule grâce de la pénétration vaginale. Nous savons aussi que leur corps n’est pas dysfonctionnel : si le vagin était aussi sensible que le clitoris, l’accouchement serait encore plus douloureux. Les femmes refuseraient les grossesses, l’humanité disparaîtrait.

La pénétration vaginale est parfaite pour la reproduction. Elle n’est pas parfaite pour le plaisir des femmes. On pourrait se dire : « Intégrons d’autres pratiques dans notre répertoire, tout le monde sera content, cette diversité réglera notre problème de routine, on gagne sur tous les tableaux. »

Malheureusement, notre culture sexuelle est bonapartiste : elle s’acharne. Et elle produit en continu des stratégies permettant de contourner la réalité anatomique de la majorité des femmes… pour continuer à privilégier la pénétration. Petit tour d’horizon de notre créativité collective en la matière.

– La technique d’alignement coïtal (aussi appelée « broyage de maïs », ça ne s’invente pas). Dans sa version simple, il s’agit de modifier vos positions du Kama-sutra pour faire en sorte que la face dorsale du pénis frotte contre le clitoris… au détriment du confort des participants (personnellement, je n’ai aucune envie qu’on me broie quoi que ce soit, surtout à cet endroit). Dans sa version compliquée, cette technique nécessite un rapporteur, un compas et du papier millimétré, pour adopter des angles spécifiques. Cerise sur le gâteau coïtal : personne ne semble vraiment d’accord sur la manière de procéder, on peut donc trouver des schémas opposés les uns aux autres. Bon courage pour « broyer votre maïs » avec des manuels aussi confus.

– Les positions « magiques ». Si elles fonctionnaient, 100 % des hétérosexuelles auraient des orgasmes pendant la pénétration, et je serais occupée à boire une Margarita au lieu d’écrire cette chronique.

– Les cockrings vibrants. Non seulement la vibration a autant de chances d’engourdir le clitoris que de le faire décoller, mais, par nature, la pénétration consiste en des va-et-vient, ce qui signifie que le clitoris perd constamment le contact avec le sextoy. (Imaginez une masturbation qui s’interrompt chaque seconde.) L’idée, géniale sur le papier, est par ailleurs perturbée par des considérations bassement matérielles : l’objet doit rester de taille très raisonnable pour le confort de l’homme, mais, dans ce cas, premièrement, les moteurs manquent de puissance pour les femmes, deuxièmement, l’anneau en silicone a tendance à se casser. Les alternatives hors cockrings (papillons clitoridiens, bagues) se heurtent au même souci : soit c’est discret, soit c’est efficace.

– L’utilisation de sextoys clitoridiens. Cette option fonctionne, mais elle n’est pas toujours très pratique : les « bons » vibrateurs ou pulsateurs prennent de la place, et, plus les corps des amants sont proches, plus les vibrations sont « écrasées ». Il faut alors se concentrer sur quelques positions favorables, comme les petites cuillers, le missionnaire au bord du lit (plus confortable que la table de la cuisine) ou l’Andromaque inversée (mais ça fait mal aux cuisses). Si vous arrivez à tenir en levrette sur un seul bras, vous avez tout mon respect et je retourne illico faire des pompes.

– Les autres pénétrations. Bizarrement, certains individus ont tendance à confondre « expansion du répertoire sexuel » avec « sodomie & fellation » – des pratiques toujours pénétratives… mais encore moins susceptibles de donner des orgasmes aux femmes.

– La méthode Coué. Oups, pardon, je voulais écrire : le mythe de la fusion sexuelle. Cette idée voulant que la pénétration permette aux participants de ne « faire plus qu’un » est d’autant plus séduisante qu’elle joue sur notre fibre romantique autant que sur notre soif de justice (moi aussi, j’aimerais bien que le plaisir soit égalitaire).

Alors d’accord, certaines personnes ressentent cette fusion sexuelle… mais de manière exceptionnelle. Notre culture nous fait pourtant considérer l’explosion des limites physiques comme une norme, dont l’aboutissement s’incarne dans le sacro-saint orgasme simultané. En réalité, cet idéal se retourne contre les amants : si les femmes et les hommes sont censés ressentir la même chose au même moment, et que la pénétration vaginale favorise le plaisir masculin, alors les femmes vont avoir tendance à mentir à leur partenaire. Et, parfois, à se mentir à elles-mêmes.

Cet arsenal (de techniques, d’idées) est révélateur : l’idée que le pénis cesse d’être au centre du jeu sexuel, même pendant quelques minutes, produit des résistances considérables.

Si nous investissions cette même énergie, cette même créativité, dans l’élaboration de rapports sexuels différents, dans la stimulation de la libido et du clitoris des femmes, on n’aurait plus d’embêtements sexuels depuis longtemps. Seulement, comme l’écrit Martin Page dans son ouvrage Au-delà de la pénétration (éditions Monstrograf, janvier 2020, 160 pages, 12 euros) : « La pénétration vaginale est une pratique symptomatique du génie humain : ça marche mal, ce n’est pas la meilleure manière d’avoir du plaisir, et pourtant c’est la norme. »

Pourquoi un tel acharnement ? Déjà, parce que notre imaginaire de la sexualité « légitime » tourne encore aujourd’hui autour de la reproduction. Ensuite, parce qu’il est difficile de changer les normes quand elles sont anciennes, intériorisées… et que le sujet est tabou.

Enfin, parce que si certains hommes sont clairement égoïstes, alors certaines femmes acceptent cet égoïsme. Socialisées dans l’art de négocier, biberonnées au sacrifice amoureux, elles privilégient la solution qui favorise leur conjoint. (Quitte à ce qu’il en paie le prix plus tard, quand elles auront perdu tout intérêt pour le sexe.)

Notre problème, ce n’est pas que les stratégies pro-pénétration existent (certaines produisent des résultats intéressants), mais qu’elles prennent la place d’une redéfinition du rapport sexuel. Tant que la pénétration vaginale sera synonyme de « vrai sexe », notre répertoire restera limité et relativement inefficace. C’est aux pratiques de s’adapter à nos corps. Pas l’inverse. D’ici à la mise en œuvre de ce renversement, nous resterons les princesses Bonaparte des temps modernes.

16 juin 2020

Chronique - Le désir des femmes, entre flamme et flemme

Par Maïa Mazaurette

Nombre d’entre elles commencent à s’ennuyer au lit au bout d’un an de relation et font l’amour sans en avoir envie. La chroniqueuse de « La Matinale » Maïa Mazaurette explique comment il faudrait renoncer au stéréotype de la sexualité comme ciment du couple.

LE SEXE SELON MAÏA

Faites-vous partie de ces couples qui ont toujours envie de faire l’amour, même après trente ans de vie commune, exactement au même moment ? Si la réponse est oui, vous êtes certainement un personnage de cinéma (si vous êtes Daniel Craig dans James Bond, écrivez-moi). Selon la dernière enquête Ifop/Charles.co, publiée en avril, 62 % des femmes et 51 % des hommes ont parfois la libido dans les choux. Conséquence logique : 63 % des femmes et 44 % des hommes ont déjà fait l’amour sans en avoir envie.

Les femmes sont en effet les premières concernées par les rapports non désirés, un phénomène sur lequel le sociologue Jean-Claude Kaufmann s’est penché dans son dernier essai, Pas envie ce soir, publié la semaine dernière aux éditions Les Liens qui libèrent. La parole est donnée à ces « décrocheuses » du désir… et, bien sûr, aux hommes qui les accompagnent.

Pourquoi mettre les femmes en première ligne d’un problème qui parfois touche les hommes ? Parce que la dégringolade de la libido féminine est à la fois plus fréquente et plus brutale. Le sociologue est ici soutenu par la recherche académique, qui révèle que de nombreuses femmes commencent à s’ennuyer au lit au bout d’un an. Leur libido n’est pas plus faible (comme le démontrent les premiers mois d’une relation), mais elle est plus irrégulière (ce que nous considérons comme un désir « normal » est calqué sur une norme masculine).

Comment expliquer cette irrégularité, sans forcément tomber dans le discours tout-hormonal ? (Rappelons que les hommes aussi ont des hormones.) Jean-Claude Kaufmann propose plusieurs pistes.

Des hommes rétifs à se mettre en situation de séduction

Tout d’abord, il observe que la perte de désir accompagne souvent l’entrée dans la conjugalité et la routine, car culturellement, nous n’investissons pas le domestique de la même manière. Les hommes recherchent à la maison le réconfort… et le moindre effort. Chez les femmes, à l’inverse, le foyer rime avec des attentes élevées. Quand la logistique devient un enchaînement de gestes automatiques, dénués de surprise et de fantaisie, elles se retrouvent émotionnellement sur le carreau, ce qui inspire au sociologue une belle formule : « Les femmes sont des fondatrices, pas des gestionnaires. »

On ne s’étonnera donc pas que le désir féminin soit enflammé par les débuts de relation, forcément plus mouvementés. Cette propension à l’aventure a même pu faire dire à certains chercheurs que les femmes n’étaient pas faites pour la monogamie (et que si le patriarcat occidental favorise cette monogamie, c’est parce qu’elle garantit aux hommes un « minimum sexuel »).

Par ailleurs, la domesticité joue contre les femmes en général : après une double ou triple journée de travail, ces dernières ont besoin de repos plutôt que de sexe. D’autant que les modalités de la sexualité conjugale consistent souvent à continuer le travail de care (le soin à autrui) ! Kaufmann rappelle que moins les hommes contribuent aux tâches domestiques, plus les femmes sont nombreuses à déclarer que c’est eux qui ont envie. Leur tête est en effet trop remplie pour que leur corps soit disponible. Saupoudrez cette situation de grossesses, d’allaitement et de soins aux enfants, et l’imaginaire érotique n’a plus aucune place pour se construire.

Mais outre les conditions pratiques, ce sont aussi les conditions charnelles qui manquent. Le désir visuel des femmes est rarement stimulé. On observe même un paradoxe : les hommes auraient « trop » de désir et pourtant les femmes font des efforts pour se rendre attirantes, alors que les femmes « manqueraient » de désir… et pourtant une majorité d’hommes résistent toujours à l’idée de se mettre en situation de séduction, sauf de manière très homéopathique. On marche sur la tête !

Peu éduquées à dire non

Cette dissymétrie étant posée, reste à voir quelles conséquences pratiques elle entraîne. S’il suffisait de dire « pas ce soir » ou « reparlons-en dans quatre ans », il n’y aurait pas de problème. Mais la double révolution sexuelle et féministe enjoint aux femmes de désirer autant que les hommes, sous peine de passer pour des coincées. Et là, c’est la double peine : honteuses de ne pas ressentir le désir attendu, peu éduquées à dire non, menacées parfois, les femmes optent pour des signaux « faibles », relevant du refus autant que de l’indécision : gestes de recul, passivité, silence, bâillement, évitement… Pour Kaufmann, « le message que les femmes envoient est davantage celui d’un manque d’enthousiasme que d’un refus caractérisé. Il revient donc à l’homme de trancher pour savoir s’il doit ou non insister un peu. Nous sommes au plus près de la zone grise, où les repères se trouvent à tâtons ».

Ce brouillage produit des situations déconcertantes (les articles vous suggérant de « décrypter » le désir féminin, alors qu’il vaudrait mieux apprendre à décrypter le non-désir féminin), mais aussi des comportements dramatiques, qui peuvent aboutir au viol conjugal : le livre décrit des assauts perpétrés pendant le sommeil, des épouses qui ignorent qu’un mari peut violer, des hommes qui pensent sincèrement que leur envie est plus importante que la non-envie de leur partenaire, etc. La norme de la chambre partagée empire le problème, puisqu’elle rend le corps des femmes constamment disponible.

Ce qui nous amène au point suivant : face au risque d’incompréhension ou d’agression, pourquoi dire oui « quand même », pourquoi ne pas partir ? Les raisons sont multiples : par peur de décevoir ou d’être agressée, par habitude, pour échapper à la pression et aux reproches, parce qu’exprimer son non-consentement est compliqué à cause de sa culture ou de ses traumatismes… mais surtout parce que « c’est comme ça ».

Arriver à une égalité de satisfaction

Ce fatalisme (« les rapports sont le prix à payer pour rester en couple ») se fonde sur ce que Kaufmann qualifie de « mythe fondateur » contemporain : « Si le sexe va bien, alors le couple va bien. » Dans ce paradigme, le rapport sexuel fait office de rituel qui illustre le lien conjugal. Ce rituel serait surinvesti par les hommes mais progressivement désinvesti par les femmes – parce que ces dernières réactivent leur conjugalité par des rituels plus nombreux et complexes (comme la densification de l’univers domestique et familial).

C’est là qu’un engrenage désolant se met en place. Côté femmes, on culpabilise – d’autant que les premiers mois de la relation ont créé une norme de fréquence intenable sur la durée : si on se compare avec les tout débuts, on perd à tous les coups. Il « faut » donc se forcer. Mais le mille-feuille d’injonctions ne pousse pas qu’à feindre le désir : il faut aussi feindre le plaisir ! Car selon nos représentations : 1) un couple amoureux doit avoir envie ; 2) une femme libérée doit avoir envie… et 3) une femme libérée doit prendre du plaisir. Celles qui ne rentrent pas dans ce modèle se taisent, persuadées d’être seules au monde. Les plus motivées érotisent carrément leur manque de désir : l’homme insiste, la femme résiste, l’homme jouit, la femme accepte que ça fasse un peu mal, tout est formidable (pour l’utopie, on repassera).

Côté hommes, on se sent tout aussi coupable. Le devoir de performance conduit à redouter de décevoir l’autre : en n’en faisant pas assez, au début… ou en en faisant trop, par la suite. Quand le désir de la partenaire disparaît, les pires incertitudes réapparaissent : « Si elle n’a plus envie, c’est qu’elle n’est pas satisfaite, je suis un mauvais amant. »

Comment sortir de l’ornière ? Pour Jean-Claude Kaufmann, il est urgent de faire évoluer nos mythes de couple : quand une norme sociétale dominante est en contradiction flagrante avec les faits, les normes doivent changer, pas les gens !

Concrètement, il faudrait renoncer non seulement au stéréotype de la sexualité comme ciment du couple, mais aussi à l’idée d’un désir parfaitement égalitaire. Tant que nous resterons attachés à ce socle culturel, certaines femmes se sentiront obligées de se sacrifier, et certains hommes trouveront des excuses pour mettre leurs partenaires sous pression – alors même que d’autres protocoles pourraient permettre de mieux cohabiter.

Nous voilà placés face à un défi aussi ambitieux qu’indispensable : parce que la théorie doit s’effacer devant la pratique, notre culture sexuelle doit passer d’une égalité de désir à une égalité de satisfaction. Tout un programme.

14 juin 2020

Maquillage, accessoires… on refait sa déco intime

Par Maïa Mazaurette

Comme les autres parties du corps, rien ne prédestine les organes génitaux à rester si sages ! La chroniqueuse de « la Matinale » Maïa Mazaurette fait le plein d’idées excentriques ou nature.

LE SEXE SELON MAÏA

Souvenez-vous : il y a dix ans, le « vajazzle » entrait au (vaste) panthéon des tendances sexuelles de l’étrange. Pour les lectrices et lecteurs qui auraient raté le tsunami médiatique, il s’agissait de se coller des paillettes de strass sur le pubis (et plus si affinités), afin de transformer ce dernier en boule à facettes, en papillon, en message scintillant (« je t’aime, maman »), etc.

Anecdotique ? Pas si sûr ! Cette mode aussi chronophage que coûteuse concentrait toutes les injonctions faites aux femmes : non seulement le sexe devait être soigneusement surveillé (au cas où il se carapaterait, sait-on jamais), mais il fallait que ça brille.

Cependant. Avant de glousser sur les débordements du sexe à paillettes, déblayons devant notre propre salle de bains. En 2020, la déco intime reste d’actualité. Et elle reste genrée. Deux salles, deux ambiances : chez les femmes, on tire son inspiration du design scandinave, tandis que les hommes se rabattent plutôt sur le rustique-chic (je ne peux pas croire que je viens d’écrire cette phrase).

La plupart des femmes décorent en effet leur sexe « par le vide », à coups de nymphoplastie (réduction de la vulve), de blanchiment (pour unifier la couleur de la peau) et bien entendu d’épilation (plus ou moins intégrale). Pour rappel, les trois quarts des femmes s’épilent le maillot, dont 90 % des moins de 50 ans (Ifop/Elle, février 2019).

Côté pile, ces pratiques mettent les organes eux-mêmes en pleine lumière. Côté face, ils renforcent l’idée qu’un beau sexe féminin est aussi petit, lisse et uniforme que possible. Ce paradoxe révèle notre complexe relation au désir : se démarquer mais rester dans la norme, faire apparaître pour mieux faire disparaître (et inversement).

Pour les hommes, la mise en beauté du pénis et des testicules reste rare, soit que les démarches de séduction soient considérées comme non viriles, soit qu’elles paraissent ridicules car perdues d’avance (« de toute façon c’est moche »).

Cependant, rien ne prédestine nos sexes à rester si sages (pour les femmes) et si bruts de décoffrage (pour les hommes). Le marché de la décoration corporelle nous a habitués à plus d’excentricité ! Et même si les tabous entravent encore notre expression individuelle sous la ceinture, les options ne manquent pas.

Niveau débutant : teintures, perruques et bijoux érotiques

Les accessoires en forme d’organes génitaux sont prisés des fashionistas depuis une éternité, de la haute couture (chez Yves Saint-Laurent, les pénis se portent aux oreilles) jusque dans le militantisme (chez le Gang du clito, les clitoris se glissent autour du cou). Mais pourquoi ne pas faire « descendre » les bijoux au sexe, au lieu de faire « remonter » le sexe aux bijoux ?

Au rayon « made in France », nous avons Sylvie Monthulé, créatrice infatigable d’ornements délicats pour la vulve, de « cadres » pour le clitoris, de parures pour les seins, ou encore d’œufs pénétrants unisexes. Pas assez cru à votre goût ? Très bien. Pour les hommes et rien que les hommes, le créateur franco-britannique Julian Snelling propose depuis plus de quinze ans des œuvres souvent uniques, en bronze : plugs spectaculaires, cockrings et ballrings, bijoux pénétrants pour l’urètre, casques à pénis, etc. En cas de budget illimité (quelle chance), jetez également un œil du côté des créateurs d’art contemporain, comme Betony Vernon, exposée internationalement.

Si vous recherchez quelque chose de précis, adressez-vous soit à vos artisans locaux (qui seront ravis d’avoir du boulot), soit aux plates-formes pour artisans de type Etsy (dont l’offre en termes de cages de chasteté artistiques et de cotte de mailles pour pénis vaut son pesant de cacahuètes).

Si les bijoux vous laissent indifférents, pensez aussi aux teintures pour pubis (Minikini, Betty Beauty) qui couvrent les poils blancs et/ou vous permettent d’arborer une flamboyante forêt vierge bleue ou rose fluo. Vous pouvez également tenter la merkin, soit la perruque pubienne (vous passez un bon dimanche ?) : pour environ 50 euros, les toisons autoadhésives feront de vous un/e plagiste remarquable cet été à Juan-les-Pins.

Niveau intermédiaire : les tatouages

Selon Wikipédia, les humains s’encrent les parties génitales depuis le paléolithique : il ne s’agit donc pas d’une simple tendance. Bien sûr, se faire planter des aiguilles sous la peau de la vulve ou du pénis peut faire frissonner les âmes sensibles, mais 4 % des personnes tatouées ont pourtant choisi d’avoir un ou des tatouages intimes (Ifop/SNAT 2016). Parmi elles et eux, on trouve des passionnés, des esthètes, des curieux, des esclaves venus du monde du BDSM (« ce scrotum appartient à Maïa Mazaurette »), mais aussi des personnes venues se réapproprier une zone endommagée (comme lorsqu’on tatoue la poitrine après une mastectomie). Peur d’avoir mal ? Vous pourrez toujours vous rabattre sur les tatouages temporaires et les décalcomanies…

Niveau avancé : piercing, pearling et modifications

Comme le tatouage, nous parlons là de pratiques tribales, traditionnelles, remises au goût du jour. Je suis certaine que les plus douillets d’entre vous ont un avis parfaitement argumenté contre les modifications corporelles, mais, selon l’observatoire Cetelem/Harris Interactive, en 2018, 15 % des Français sont percés et 7 % aimeraient franchir le pas (ils sont respectivement 15 % et 16 % dans le cas du tatouage). Ces aventureux ne regrettent pas leur décision : presque quatre fois sur cinq, leur confiance et leur sensation d’attractivité ont augmenté.

Dans le cas du piercing, le pénis peut être percé au niveau du gland, du prépuce, du frein, de la base de la verge ou du scrotum. Les vulves peuvent être percées au niveau du clitoris ou des lèvres (rappel : le vagin est situé à l’intérieur). Le pubis et l’anus sont également concernés.

Outre l’intérêt esthétique, ces piercings sont souvent associés à un intérêt érotique, notamment ceux qui sont pratiqués sur le gland. C’est aussi le cas du pearling, qui consiste à poser des perles sous la peau (généralement la hampe du pénis), afin d’ajouter une sensation de texture à ses rapports sexuels.

Au-delà de ces classiques, certains adeptes de modifications corporelles utilisent le branding (la peau est brûlée), la scarification, ou encore l’élongation des organes génitaux (en utilisant des poids). Mais, bien sûr, l’imagination humaine est sans limites : on pourrait inclure dans cette catégorie la pose d’implants ou même la castration.

Mais à quoi bon ?

Lors du dernier sondage sur les Français et leur sexualité (Ifop/Charles, mars 2020), on a pu constater (à nouveau…) que la satisfaction sexuelle était corrélée à la satisfaction narcissique : ceux qui se trouvent beaux sont deux fois plus susceptibles d’être heureux au lit que ceux qui se trouvent laids. Notons que « se trouver séduisant/e » relève moins de la loterie génétique que de la méthode Coué : nous connaissons toutes et tous des personnes ravissantes qui se haïssent.

En l’occurrence, la décoration permet de reprendre un peu de contrôle sur une apparence dont les données essentielles nous échappent – tout en exprimant notre individualité, nos blessures, nos fantasmes peut-être. Décorer son sexe est loin d’être aussi frivole qu’on peut l’imaginer.

Même Rabelais

J’ai commencé cette chronique par un retour dans le passé proche. Laissez-moi maintenant vous transporter à la fin du XIVe siècle, lors de l’invention de la braguette : purement pratique au départ, elle devient peu à peu ornementale. Pour mettre en valeur le porteur (et le contenu) du pantalon, cette zone se pare et se rembourre, jusqu’à atteindre au XVIe siècle italien des proportions fantastiques, bien représentées dans la peinture d’époque (faute d’inspirer la mode du XXIe siècle).

En France, c’est à Rabelais que revient la palme de la décoration intime – via cette description de l’intimité du petit Gargantua, qu’« un chascun jour ses gouvernantes ornoyent de beaulx boucquets, de beaulx rubans, de belles fleurs, de beaulx flocquars ».

31 mai 2020

Pour en finir avec le revenge porn

revenge porno

Par Maïa Mazaurette - Le Monde

Avec la pandémie de Covid-19, le cyberharcèlement à caractère sexuel a augmenté. Que vous soyez victime, proche de victime ou harceleur, la chroniqueuse de la Matinale Maïa Mazaurette rappelle ce qu’il faut savoir pour que cesse ce fléau.

LE SEXE SELON MAÏA

Cyberharcèlement, chantages à la webcam, comptes « fisha » sur lesquels des ados « affichent » d’autres ados, revenge porn (quand un individu se venge d’une personne en divulguant des contenus pornographiques, dans le but de l’humilier) : la sexualité en temps de pandémie, malheureusement, ne nous apporte pas que du réconfort. L’association E-Enfance rapporte ainsi un doublement des signalements depuis le début du confinement, et les profils des victimes font froid dans le dos :

- Les garçons (typiquement des collégiens de 14 ans) sont le plus souvent victimes d’escroqueries. Une séduisante demoiselle les aborde sur les réseaux sociaux, la discussion olé-olé se poursuit sur une plateforme vidéo, la masturbation du jeune homme est enregistrée. Sous peine de payer, les escrocs menacent d’envoyer la vidéo compromettante à tous les contacts de leur victime.

- Les filles (typiquement des lycéennes de 15 ans), se retrouvent associées à des contenus sexuels existants (revenge porn), ou même inexistants, auxquels on ajoute leurs identifiants (nom, prénom, numéro de portable, adresse). Les réseaux sociaux fonctionnent alors comme les murs des toilettes de l’école. La dénonciation est parfois liée à un lieu (quartier, département, cité, etc.) que l’auteur cherche à dénigrer, laissant entendre que toutes les filles de l’endroit sont des « putes ».)

Comme le démontre régulièrement l’actualité, ces formes de harcèlement touchent aussi les adultes. Selon l’enquête Zavamed de 2018, 19 % des hommes et 15 % des femmes en Europe ont vu certaines de leurs photos « fuiter ». Le phénomène traverse les genres, les âges, les classes sociales et les nationalités. Cette globalisation, qui a conduit l’Unicef à tirer la sonnette d’alarme, nous place toutes et tous en situation d’agir. Nous pouvons, collectivement, éviter ces drames dont les conséquences peuvent aller jusqu’au suicide.

Voici quelques rappels utiles.

Si vous êtes victime

L’idée d’être confronté(e) au problème vous semble improbable ? A voir ! N’importe qui peut se retrouver victime de revenge porn… y compris sans implication personnelle : une personne mal intentionnée peut prendre des photos dans un vestiaire, ou pendant votre sommeil. Elle peut aussi voler le téléphone de votre partenaire, ou le vôtre.

Il existe cependant une typologie de la victime « idéale ». Selon le rapport sur la santé des jeunes en Europe, publié en mai par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’âge critique se situe à 13 ans, avec les filles en première ligne. Les dynamiques de genre sont prévisibles : 12 % des garçons et 4 % des filles disent avoir harcelé quelqu’un, tandis que 12 % des garçons et 14 % des filles disent avoir été harcelés. Cette concentration par classe d’âge explique l’augmentation constatée depuis le début de la pandémie : les enfants, adolescents et jeunes adultes ne sont pas à l’école, leur temps d’écran et leur ennui a augmenté, l’effet d’entraînement fait le reste.

Comment se retrouve-t-on, à 13 ans, à envoyer des « nudes » ? C’est ce que décrivent deux chercheurs de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep), Yaëlle Amsellem-Mainguy et Arthur Vuattoux, dans Les Jeunes, la sexualité et Internet, à paraître le 9 juin (éd. François Bourin).

Selon eux, les années collège sont les plus risquées (au lycée, on a moins à prouver et on a davantage conscience des risques). Les garçons demandent avec une insistance extrême des « nudes », pour prouver aux autres garçons qu’ils ont des relations sexuelles et qu’ils font partie des « grands ». Les « nudes » permettent de faire grimper sa popularité tout en démontrant qu’on n’est pas gay (l’homophobie se porte bien dans les cours de récré).

Les filles doivent se prêter au jeu, sous peine de passer pour des coincées. Elles savent qu’elles seront jugées… mais les chantages affectifs (« tu ne me fais pas confiance ») l’emportent sur la raison. Petite recommandation : cette logique est brillamment illustrée dans le podcast « Mise à nudes », de Programme B, diffusé en mars.

Si vous êtes victime, commençons donc par rappeler que vous n’êtes coupable de rien. Vous avez le droit de prendre des photos de vous dans le plus simple appareil, vous avez le droit de les envoyer… sans consentir à leur diffusion. Légalement, votre implication n’est pas un élément qui joue contre vous.

Bien sûr, il peut paraître insurmontable de dénoncer une personne de son entourage – comme l’a démontré le mouvement #metoo, la culture française dégaine le mot « délation » plus vite que son ombre. Rappelons donc que « dénonciation » et « délation » veulent dire des choses différentes, et que quand quelqu’un menace votre intégrité, vous avez le droit d’être protégé(e).

Outre la possibilité de déposer une plainte, vous pouvez appeler le site NetEcoute.fr, qui propose un tchat et une ligne téléphonique (0800 200 000, service et appel gratuits).

Si vous êtes parent ou ami de victimes (ou de victimes potentielles)

La prévention est l’affaire de tout le monde : inutile de renvoyer la responsabilité à l’école, aux médias, à Google, aux copains ou à la police. Inutile de jouer le fatalisme en décrivant l’adolescence comme une jungle, la sexualité comme un champ de bataille et la cruauté comme un fait naturel. Inutile aussi de relativiser en évoquant un futur dans lequel cette situation sera banale (le futur fait une belle jambe aux victimes).

Pour faire de la prévention, commencez tôt et ratissez large. Evoquez les rapports de pouvoir : est-on en mesure de résister à la pression quand on est amoureuse, ou quand on joue sa crédibilité dans la cour de récré ? Embrayez ensuite sur les dynamiques de genre : des garçons qui se planquent derrière leurs « besoins » ont bien compris qu’ils pouvaient naturaliser leurs envies. Ils ont également intériorisé les discours sociaux (parentaux ?) voulant que les hommes ont besoin de voir, et que les femmes ont besoin de se montrer… Autant de stéréotypes à déconstruire (bon sang de bois, nous sommes en 2020).

Résistez à la tentation de n’éduquer que les filles. Certes, elles se retrouvent doublement à risque : elles font face à beaucoup plus de demandes de « nudes » et quand elles acceptent, elles sont jugées beaucoup plus sévèrement. Les garçons ont besoin de comprendre ces deux poids deux mesures, afin d’éviter de les reproduire : s’ils ont l’habitude d’envoyer des dick pics sans subir aucune conséquence, ils n’ont peut-être pas intégré les répercussions possibles pour leurs camarades.

Enfin, si la situation est déjà advenue, ne blâmez pas les victimes en remettant en question leur intelligence (le désir et l’amour sont des états modifiés de conscience). Abstenez-vous notamment d’entonner le petit air du « c’était prévisible ». Les victimes ont besoin d’une écoute et d’un soutien inconditionnel : il n’y a pas de « partage des responsabilités » qui tienne.

Si on vous a envoyé ce genre de photos ou de vidéos

Le revenge porn existe parce que des personnes partagent ces contenus… et parce que d’autres personnes les regardent, prétendent s’en émouvoir, jugent, moquent, repartagent, se permettent des commentaires déplacés, font des captures d’écran, etc. Ne pas être l’instigateur premier peut donner l’impression de n’être qu’un spectateur passif – alors même que seule la dynamique de groupe permet à ce fléau d’exister.

Si vous recevez ces contenus, mettez-vous immédiatement du côté des victimes en proposant de l’aide et de l’écoute… et faites en sorte que votre engagement soit connu (votre soutien privé lors d’un événement public est insuffisant). En parallèle, demandez la suppression des images, rappelez à l’envoyeur non seulement la loi (on en parle juste après) mais aussi les règles les plus élémentaires de la vie en société. Si vous ne faites rien, vous êtes complice.

Si vous êtes coupable

Premier rappel : le revenge porn est un délit. L’article 226-2-1 du code pénal instaure des peines de deux ans d’emprisonnement et de 60 000 euros d’amende. Même sévérité dans les cas de cyberharcèlement ! Les peines encourues dépendent de l’âge des différentes personnes concernées : un adulte harcelant un(e) mineur(e) de 15 ans risque trois ans de prison et 45 000 euros d’amende, un mineur au maximum 18 mois derrière les barreaux et 7 500 euros d’amende.

Pourquoi se rend-on coupable ? Selon Yaëlle Amsellem-Mainguy et Arthur Vuattoux, les contenus sont partagés par vengeance, par ennui, par désinvolture, mais aussi par volonté de contrôle (si un garçon menace de diffuser les photos d’une fille, cette dernière peut être forcée à en envoyer d’autres ou à accepter des rapports sexuels). Cette analyse dessine le portrait d’une personne ignorante au mieux, manquant d’empathie au pire.

Si vous vous êtes rendu coupable, commencez donc par là : pourquoi n’ai-je pas pensé à la souffrance de l’autre ? Comment se fait-il que je me fiche de cette souffrance ? Et bien sûr : comment me faire pardonner ?

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24 mai 2020

Covid-19 : cet été, sexualité rimera avec austérité

Par Maïa Mazaurette

Pandémie oblige, les aventures érotiques sont reportées à des jours meilleurs et la spontanéité en prend un coup. Transparence, prudence et romance s’annoncent comme les nouveaux piliers de la séduction, estime Maïa Mazaurette, chroniqueuse de « La Matinale ».

LE SEXE SELON MAÏA - MAÏA MAZAURETTE

L’été, saison de toutes les expérimentations érotiques ? Pas cette année ! Les rencontres comme la spontanéité sont reportées à un monde post-vaccination : non seulement la transmission du Covid-19 par la salive nous interdit de nous embrasser, mais en Chine, des chercheurs semblent avoir trouvé des traces de virus dans le sperme. Les optimistes noteront que ces menaces libèrent une autoroute pour les massages érotiques, mais en attendant, désolée : le cocktail des vacances sera l’Old Fashioned, pas le Sex on The Beach.

Toutes proportions gardées, nous voici revenus aux angoisses des années sida, quand certains refusaient même de serrer des mains. Le Covid-19 n’a d’ailleurs pas effacé le VIH de nos préoccupations : pour accompagner le déconfinement, l’association Aides vient de lancer une campagne #RetrouvonsNousProtegeonsNous. D’où un constat un peu déprimant : un vent de gravité souffle à nouveau sur le désir.

Or ce soudain retour de la gravité, en sexualité, constitue une rupture dans la promesse. Nous préférons considérer les aventures érotiques comme un territoire d’absolue légèreté : notre idéal d’une première nuit amoureuse, c’est qu’elle se passe sans accroc (pour ne pas dire : sans cerveau). Tout ce qui abîme cette fluidité est suspect, même quand les précautions sont nécessaires ou éthiques : on avait observé les mêmes réticences avec le préservatif (« qui ruine tout ») ou le consentement (« qui casse l’ambiance »).

La gravité fait mauvais ménage avec la sexualité : elle grignote les libidos les plus solides, atomise les érections, contraint au repli. Symboliquement, c’est encore pire : jusque dans notre langage, les galipettes et la bagatelle évoquent un monde de désinvolture. Qu’on grimpe aux rideaux ou qu’on s’envole au septième ciel, c’est l’apesanteur qui nous guide. Qu’on fusionne avec notre partenaire, et nous voici même débarrassés des limites de notre corps, flottant tels de purs esprits !

Ce retour de gravité est d’autant plus incontournable qu’il met dans le même panier les pratiques soft et les pratiques (considérées comme) hard : en 2020, le tendre baiser avec son amoureux devient potentiellement aussi dangereux qu’une pénétration vaginale avec un parfait inconnu. On peut mourir. On peut tuer. Repose en paix, insouciance !

Si la situation perdure, une génération entière pourrait bien tergiverser avant d’embrasser ou d’enlacer quelqu’un lors d’un premier, deuxième ou quarantième rendez-vous. Avec une conséquence logique : même si les moins frileux d’entre nous sont prêts à reprendre les rencontres « physiques », il y a fort à parier que la spontanéité des rapports va avoir du plomb dans l’aile. Cette évolution s’articulera alors autour de plusieurs axes : transparence, prudence, romance (mères co-parentes de sûreté).

1. Transparence : oubliez le flou artistique

Dans The Atlantic, la journaliste Ginny Hogan évoque ainsi la fin du « casual dating » – l’art typiquement américain du papillonnage, qui permet aux amants de faire connaissance sur la durée tout en gardant leurs options ouvertes. Aujourd’hui, plus question de rester le cul entre deux chaises ! On est soit célibataire, soit en couple – et entre ces deux mondes, les frontières restent étanches.

Pour accéder au couple, il faudra non seulement montrer patte blanche, mais peut-être faire des tests… comme quand on arrête le préservatif. En espérant que personne ne se mette à exiger la copie intégrale du dossier médical ! Prévoyons aussi une solide dose de patience, pas forcément désagréable. On peut trouver érotique de s’attendre, de faire monter la pression à distance – comme dans les romans de Jane Austen. Si faire connaissance plus longtemps constitue un sacerdoce, l’affaire est de toute manière mal engagée !

2. Prudence : après le « slow sex », la « slow séduction »

En revanche, il y a fort à parier que le ralentissement de nos vies sexuelles se double d’une grande prudence, donc de gros gestes barrières à l’entrée. Parmi les lecteurs et lectrices qui m’envoient des messages, plusieurs m’ont confié qu’ils auraient des rapports sexuels « seulement si ça en vaut la peine »… Et c’est bien normal : en ce moment, on a besoin d’être rassurés. Cette réassurance devrait entraîner une sélection drastique des partenaires, avec une prime aux prétendants, justement, les plus sérieux.

En corollaire, on peut prévoir une accentuation de la « privatisation de la rencontre » chère à la sociologue Marie Bergström, car les rencontres dans des lieux privés (au travail, chez des amis…) permettent de limiter les risques. Ce rétrécissement du nombre de partenaires potentiels produit moins de mixité sociale… mais on aurait tort de mettre sur le dos du Covid-19 une tendance déjà enclenchée il y a longtemps (les couples français sont très homogames, c’est-à-dire qu’ils se marient le plus souvent dans leur classe sociale).

3. Romance : « Love is in the air »

Cette sélection passera par un retour en grâce des sentiments : s’il paraît téméraire de tomber le masque pour un demi-orgasme alcoolisé, il demeure socialement acceptable de risquer sa santé pour le grand amour. Et les romantiques parmi nous, injustement méprisés hier (« arrête avec ton sentimentalisme béat, Jean-Patrick »), pourraient être les mieux armés face aux défis de l’été. Les représentations culturelles valident d’avance leur choix : pour prendre un risque vital, il faut de l’amour, parce que l’amour est plus fort que la mort (n’essayez pas de reproduire cette cascade à la maison).

Ce retour du romantisme est encore augmenté par la présence d’un élément narratif incroyablement propice à la cristallisation : l’obstacle. Citons encore une sociologue, en l’occurrence Eva Illouz, sur France Culture le 14 février 2019 : « On peut dire que l’idée de grand amour, c’est une idée de société où la relation entre les jeunes gens est très régulée. » Ici, la pandémie et les interdictions de déplacement font office de régulateurs.

Par ailleurs, le risque est lui-même lié à l’excitation sexuelle. Non seulement le désir favorise la mise en danger (Archives of Sexual Behavior, 2016), mais l’autre devient terriblement désirable justement parce qu’il incarne un danger (jurisprudence Twilight… ou Tristan et Iseult). La boucle est bouclée.

Le désir sexuel recouvre alors son potentiel de transgression, comme les données les plus récentes l’ont confirmé. Ainsi les personnes confinées loin de leur partenaire ont-elles volontiers « oublié » les règles du confinement (52 % de resquilleurs dans cette catégorie, contre 37 % chez les célibataires et 29 % chez les couples cohabitants, selon des chiffres récents Ifop/Charles.co).

Enfin, du côté des pratiques, à quoi s’attendre ? Le retour en grâce de l’amour avec un grand A devrait s’accompagner d’un retour du cool pour le baiser avec un grand B – réinvesti comme un espace fantasmatique interdit, donc hautement convoité. On s’arrêtera au b.a.-ba : à la lettre C, il y a le Covid…

20 mai 2020

Ressources en ligne : on déconfine les parties fines ?

sexe corona20

Par Maïa Mazaurette

L’horizon n’est pas dégagé pour les clubs libertins ou les fêtes échangistes. En attendant leur hypothétique reprise, Maïa Mazaurette, la chroniqueuse de « La Matinale », livre quelques conseils pour aborder le sexe de groupe virtuel.

LE SEXE SELON MAÏA

La sociabilité sexuelle peut-elle survivre aux lenteurs du déconfinement ? La question mérite d’être posée. Car après les théâtres et les restaurants, après les grands festivals, il faudra encore se préoccuper du sort des discothèques, des saunas gays, des fêtes échangistes, des clubs libertins – ces lieux où l’on se touche, où l’on s’embrasse, et dont le rapprochement physique constitue la raison d’être. Limiter ces rassemblements à 10 personnes au maximum ? Si chacune s’embrasse goulûment, on sera bien avancés.

Dans ces conditions, pourquoi ne pas retrouver de la fluidité sexuelle... en consommant directement en ligne ? En déportant nos ébats et orgies sur les plates-formes de vidéoconférence ?

Cette option suscite une grande curiosité. 28 % des Français ont déjà testé le sexe à distance (et 44 % des jeunes, selon l’IFOP/Charles.co) : ils constituent un considérable réservoir de participants potentiels. D’autant qu’après huit semaines en circuit fermé, les couples pourraient avoir envie de nouveauté, sans pour autant briser le lien spécial qui s’est tissé pendant le confinement.

Le sexe de groupe virtuel, pour qui et pour quoi ?

Précisons tout d’abord la proposition : les pratiques en groupe s’étendent du triolisme à l’orgie, en passant par la partie carrée (deux couples). Ces expériences remplaceront-elles une rencontre en chair, en os et en liquide ? Non. Mais elles comportent tout de même des avantages : moins de discrimination sur le physique, moins de discrimination envers les petites villes et les campagnes, moins d’efforts, moins de frais, moins de risques.

Comment ça marche ? Certaines orgies en ligne « professionnelles » (NSFW, Feeld, Killing Kittens, Virtual Purple) divisent l’écran en mini-vignettes – si vous utilisez un smartphone, vous ne verrez pas grand-chose. Notez bien que dans le noir en club, vous ne voyez pas grand-chose non plus... L’excitation se déplace alors vers deux paramètres : l’expérience collective et l’exhibitionnisme. Vous pouvez être vu, observé, désiré. Vous ne saurez pas exactement si c’est le cas, ni par combien de personnes. C’est au croisement de l’intime et du public que surgit le trouble.

Si vous préférez les joies du plein écran, je rappelle l’existence de la bonne vieille plate-forme Chatroulette, qui met en contact deux personnes dans le monde, au hasard... et sur laquelle encore aujourd’hui, on tombe sur des pénis en moins de trois secondes (je viens de tester : vraiment trois secondes).

2. Comment participer ?

Les soirées professionnelles demandent une obole (10 dollars, 20 dollars)... mais ça n’est pas forcément le cas de votre fête sexuelle de quartier. En France, les échangistes se retrouvent essentiellement sur Wyylde.

Une fois que vous aurez trouvé des compagnons de jeu, il faudra pro-té-ger votre identité. J’ai bien conscience de répéter constamment cet impératif, mais si 2020 aura prouvé une chose, c’est que la dystopie nous attend au coin de la rue. Ne vous filmez donc jamais entièrement, et cachez votre visage (dans l’ombre, derrière un élément de décor, derrière un masque ou un bandeau).

Ensuite, mettez-vous dans l’ambiance : habillez-vous joliment, quitte à vous déshabiller au bout de trois minutes. Préparez une atmosphère appropriée à la maison. Choisissez une musique qui vous inspire. Certains participants vont jusqu’à mettre du parfum. Ces petits efforts permettent de compenser le côté « froid » des écrans : vous ne rangez pas votre chambre pour les autres, mais pour vous-même.

Une fois que la fête commence, pour éviter la cacophonie, les micros seront par défaut en mode « silence » . Mais vous pouvez toujours tchatter... si vous avez les mains libres.

Si vous tchattez, veillez à maintenir les basiques du consentement et de la politesse : dites bonjour, faites connaissance. N’envoyez pas de photos de pénis sans demander la permission (les clubs qui organisent des orgies en ligne l’écrivent expressément). Ne prenez pas de captures d’écran. Ne filmez pas : l’enregistrement pour une consommation personnelle ultérieure est à la fois contre-productif (le moment sera passé, et vous vous en voudrez d’avoir volé des contenus) et dangereux (vous pouvez vous faire capter votre bande passante, ou vous faire voler vos appareils par la suite).

Enfin, si vous participez en duo, préparez le terrain en discutant des détails avant, notamment en ce qui concerne les limites et la jalousie. Si vous n’aimez pas l’expérience, ne vous acharnez pas : déconnectez-vous.

3. En tant qu’organisateur

Envie de créer votre propre événement ? Très bien. Pour commencer, il va falloir trouver une plate-forme, sachant que la plupart d’entre elles refusent la nudité ou même l’emploi de mots vulgaires, sous peine de suspendre votre compte – ce qui peut poser problème pour télétravailler ensuite.

Les organisateurs contournent cette barrière en limitant la publicité concernant leurs événements. Les plates-formes ont en effet d’autres priorités que la surveillance de leurs clients : objectivement, si votre regroupement conserve des dimensions raisonnables, il n’y a aucune raison qu’il soit remarqué.

Etes-vous au bout de vos ennuis ? Pas si vos comptes sont partagés entre plusieurs écrans (vos enfants pourraient tomber sur votre orgie), et pas si des aléas de sécurité informatique conduisent au piratage de vos données ! Pensez donc, pour vos petites réunions, aux solutions WhatsApp et FaceTime, liées à votre numéro de téléphone, donc plus sécurisées.

Quand vous aurez sélectionné votre plate-forme, vous pourrez savoir combien de participants peuvent vous rejoindre. Moins il y en a, plus ils auront de « place » pour s’exprimer – mais moins ils pourront faire preuve de timidité. Le cocktail magique dépend donc de vos invités : sont-ils des libertins confirmés, des débutants, des extravertis ? Certains clubs (mais ça demande un sacré budget) font venir spécialement des performeurs : la sex-party en ligne est agrémentée de shows burlesques, de démonstrations de bondage, etc. Sans aller jusqu’à casser la tirelire, pourquoi ne pas demander à vos participants s’ils ou elles ont un talent particulier ?

Rappelez ensuite les règles énoncées plus haut : courtoisie, discrétion, bonne présentation, interdiction d’enregistrer, pas de dick pics sans permission. Si un(e) invité(e) vous semble susceptible de ne pas respecter ces règles, annulez sa présence. Il est préférable de bannir quelqu’un en amont que de ruiner l’ambiance sur le moment. En virtuel comme en réel, il sera plus difficile d’attirer des femmes : demandez quelles sont leurs préférences, adaptez-vous... et amusez-vous bien !

La distanciation orgiaque vous déprime ? Je compatis. La perspective d’un monde sans saunas ni clubs libertins a quelque chose de triste – et pourtant la disparition des sex-shops, des cinémas porno et des soirées décadentes avait commencé bien avant la pandémie. Ma consœur Emmanuelle Julien, du site Paris Derrière, en faisait le constat en mai 2019 : « Il y a sept ans, la capitale comptait 18 établissements [échangistes]. Aujourd’hui, il n’y en a plus que 10.» Trop hétéronormés, trop chers, un peu ringards, ces clubs subissaient depuis plusieurs années la concurrence des soirées privatisées, organisées par l’intermédiaire de sites Internet. Saupoudrez cette tendance à l’entre-soi d’une bonne dose de germophobie, et vous verrez apparaître les contours d’un véritable repli (ou du moins, d’un déplacement des expérimentations sexuelles vers d’autres modalités).

Si l’idée d’une sexualité privée de ces plaisirs interlopes vous désole, il faudra soutenir ces petites entreprises à leur réouverture. En donnant de votre personne !

sexe corona21

4 mai 2020

Chronique - Tricot sexy, recettes aphrodisiaques : vive les loisirs créatifs érotiques !

Par Maïa Mazaurette

Profitons de notre nouvelle fièvre pour les travaux manuels pour nous occuper de nos libidos : la chroniqueuse de « La Matinale » Maïa Mazaurette fourmille d’idées.

LE SEXE SELON MAÏA

A quoi pensez-vous quand vous entendez le mot « sexualité » ? Des pratiques, des positions, des spermatozoïdes, des migraines ? Ce qu’on appelle « le sexe » ne se limite pourtant ni au génital ni à la reproduction.

Prenons la subite passion des Français pour le bricolage, la cuisine et les loisirs créatifs : pourquoi ne pas faire d’une pierre deux coups – s’occuper les mains, tout en créant des conditions favorables à sa libido – et préparer ainsi son déconfinement érotique ?

En anglais, on parle de « do it yourself » (« faites-le vous-même »). Voici donc nos conseils « libido it yourself ».

1. Matériel : tentez les accessoires « maison ».

Pas de sextoys ? Pas de problème. Non seulement YouTube regorge de tutoriels pour se bricoler des vaginettes plus ou moins confortables (souvent très moches), mais vous pourrez anticiper d’éventuelles prochaines vagues de confinement en testant les kits de moulage en silicone pour le pénis, qui possèdent comme de juste des versions vulves. Ces ersatz vous permettront de profiter de l’anatomie de votre partenaire, mais sans ses ronflements.

Si vous devez utiliser des fruits, des légumes ou des brosses à dents électriques, par pitié, couvrez-les d’un préservatif (vos muqueuses vous remercieront) et évitez de submerger les urgences de votre hôpital en perdant vos « créations » dans votre corps (si les pénétrations anales profondes étaient sans risque, notre glorieuse civilisation n’aurait pas inventé les plugs). Même chose pour les jeux bondage à base de ceintures, cravates, bas et autres câbles : faites preuve de bon sens, ne testez pas de pratiques dangereuses – encore moins l’asphyxie érotique.

Le Sextoy Collective a listé (en anglais) 37 objets ou produits que vous possédez probablement à la maison, et qui peuvent être utilisés comme accessoires sexuels. Mes préférés : les bains de bouche mentholés pour injecter une dose de frisson dans les fellations, la masturbation du pénis avec un collier de perles… ou l’installation du rideau de douche sur le lit pour les fantasmes plus salissants (je ne vous fais pas de dessin).

2. Désir : le point de croix, c’est sexy.

Commençons par des considérations sanitaires : je ne suis pas persuadée qu’il faille recycler vos culottes affriolantes en masques – quoique le résultat se commercialise en ligne pour pas moins de 20 dollars (18 euros) –, sauf si vous projetez des soirées « sexy pandémie ».

Les lecteurs et lectrices aux doigts de fée pourront cependant consulter les patrons et conseils de couture du site Instructables.com, qui montre comment bricoler soi-même des sous-vêtements, corsets, et même des strings en crochet. Le blog Creative Fashion propose également des porte-jarretelles ou des tutoriels pour transformer vos vieilles culottes en délicieuses petites choses échancrées.

Et pour les hommes ? Tournez-vous vers les patrons pour caleçons et bikinis (admirez ce délicieux string panthère), largement disponibles, y compris en vidéo. Les vrais mâles velus, allergiques à la lingerie, pourront se rabattre sur les faux tatouages faits maison (le site Tattooers.net suggère plusieurs techniques). Car qui n’a jamais rêvé de se transformer pendant quelques heures en Booba ou M. Pokora (n’oubliez pas les chaînes en or qui brillent) ? Pour ceux d’entre vous qui ont hâte de s’admirer avec un papillon au creux des hanches, sachez que la solution la plus simple consiste à dessiner à l’eye-liner, puis à fixer avec de la laque pour cheveux.

3. Fantasmes : quand porno rime avec perso.

En toute franchise, je préférerais que vous ne tourniez pas de sextape maison, pour au moins quatre raisons : 1) votre partenaire peut les diffuser, 2) votre smartphone peut être volé ou perdu, 3) vous pouvez être victime d’intrusion informatique, 4) l’offre de vidéos pornographiques gonzo est déjà pléthorique.

Si vous ne voulez pas écouter mes conseils, les applications de montage vidéo sont légion, et vous pourrez vous former avec le MOOC ouvert de la prestigieuse Ecole des Gobelins.

Moins risqué et plus original : la toute nouvelle plate-forme Earousal.com permet aux internautes de mettre leurs talents en commun pour créer des podcasts érotiques collaboratifs. Comment ça marche ? Certains font des propositions, d’autres écrivent, d’autres enregistrent… et les œuvres finales sont mises à disposition de tout le monde.

J’en ai déjà parlé dans cette chronique, mais le récent essai de Flore Cherry consacré à l’Ecriture érotique (éditions La Musardine, 173 pages, 18 euros) propose des tonnes d’exercices pour trouver son style, augmenter son vocabulaire et enflammer son public – qu’on parle de sexting ou de la rédaction d’une confession sexuelle en douze tomes.

4. Calories : quand le sexe nous prend à l’estomac.

Petit point santé : la recherche a démontré que nous sommes plus réceptifs aux propositions romantiques quand nous avons mangé (Université de San Diego, 2015). Ce confinement n’est pas propice aux régimes ? Tant mieux.

Faut-il pour autant se ruer sur l’immense choix de recettes aphrodisiaques disponibles en ligne ? A priori, non : s’il existait des aliments miraculeux, les fabricants de Viagra feraient faillite. Cependant, symboliquement, il n’y a rien de mal à tenter le coup : le suprême d’huîtres au gingembre agrémenté d’une touche de chocolat noir peut produire un effet placebo. C’est déjà ça de pris.

Pour les plus motivés d’entre vous (la sexperte ne répond plus de rien), voici deux options plus discutables : les cocktails sexués (comme les fameux Sex on the Beach ou Screaming Orgasm) ou la cuisine à base de semence masculine (pour des flans renversés vraiment renversants). Bon appétit.

5. Education : des ressources pour (ré)apprendre la sexualité.

Une semaine avant le déconfinement, pourquoi ne pas réviser les classiques du plaisir féminin ? Le timing s’y prête, puisque le site Climax vient de ressortir sa première saison de tutoriels vidéo consacrés au clitoris (pour les femmes qui veulent apprendre à se masturber… et leurs partenaires ayant besoin d’une remise à niveau). Si vous n’aimez pas les indications explicites, OhMyGodYes offre une formation similaire, mais sans gros plans.

La chaire Unesco Santé sexuelle et droits humains propose sur sa chaîne YouTube des dizaines de vidéos présentées par des experts en sexualité. Leurs programmes sont actuellement dévolus au confinement : au moment où j’écris ces lignes, vous avez la bagatelle de quinze heures de conversation à rattraper.

Toujours sur YouTube, la chaîne du collectif Erosticratie (qui organise chaque année le festival Erosphère) nous emmène chaque soir à la découverte d’un fantasme, d’une lecture, d’un objet ou d’un souvenir érotique.

Enfin, petit bonus (et recommandation personnelle) ! Le site de la galerie Saatchi, à Londres, propose pas moins de 24 000 œuvres érotiques pour vous inspirer (ou pour acheter, si le mécénat vous intéresse). Une excellente occasion de rappeler que sexualité et créativité font excellent ménage depuis les Vénus du paléolithique… et jusque dans nos travaux contemporains d’aiguille, de pinceau ou de spatule.

27 avril 2020

Chronique - Confinement : peut-on séduire sans changer de slip ?

sedyire sans changer de slip

Par Maïa Mazaurette - Le Monde

Soigner son apparence ? Mais pour quoi faire, au juste ? L’idée est de se sentir bien dans son corps, pas de concourir pour un prix de beauté, explique la chroniqueuse de « La Matinale » Maïa Mazaurette.

LE SEXE SELON MAÏA

Six semaines de confinement, nous voici revenus à l’état de nature : 38 % des femmes laissent repousser leurs poils (selon une enquête Bic/OpinionWay publiée la semaine dernière), et certaines abandonnent le soutien-gorge. Pendant ce temps, les hommes réinventent la mode masculine grâce au fameux « jogging-costume-cravate ». Les partisans du verre à moitié plein y verront une reformulation créative des codes de la séduction. Les adeptes du verre à moitié vide commenceront à creuser la tombe de notre sex-appeal, et de la civilisation tout entière.

Lisez-vous cette chronique en pyjama ? Très bien : je l’écris moi-même en pyjama. Inutile de culpabiliser : nous en sommes toutes et tous au point où l’après-shampoing devient un objet de curiosité. Repasser ses chemises ? Séduire ? Mais pour quoi faire, au juste ? Ce n’est pas comme si le partenaire allait se déplacer à plus d’un kilomètre…

Le (défunt) potentiel érotique des Français (paix à son âme) a d’ailleurs fait l’objet d’une étude publiée mercredi par l’enquête Ifop/24matins.fr, dont il ressort qu’un tiers d’entre nous ne prennent pas ou plus de douche quotidiennement, et que 41 % des hommes confinés en solo ne changent pas de slip tous les jours. Evitons les moqueries faciles : ces derniers sont majoritairement célibataires, chômeurs, et âgés – des populations n’ayant pas forcément accès aux ressources de luxe que sont les machines à laver.

12 % des femmes se trouvent belles en ce moment

Cependant, l’absence d’enjeu érotique ne réussit pas à tout le monde… et notamment pas aux femmes, supposées être « naturellement » plus décoratives. On apprend ainsi que seules 12 % des femmes françaises se trouvent belles en ce moment. C’est dix points de moins qu’avant le confinement, et dix points de moins que chez les hommes (dont le degré de confiance semble littéralement inébranlable).

Comment expliquer cette petite forme (physique) ? Trois facteurs entrent en jeu. Tout d’abord l’absence de sorties publiques, qui limite le nombre d’interactions – et donc de compliments (or on sait comme en France le flirt et la séduction sont un sport). Le port du masque ne corrigera pas ce déficit, puisqu’il nous rendra uniformes. Deuxième explication : le couple en vase clos produit une habituation (on commence à faire tapisserie). Troisième justification : la flemme. Nous avons investi beaucoup d’efforts et refusé beaucoup de pizzas quatre-fromages, pendant des décennies, pour nous soumettre à des attentes esthétiques trop exigeantes… alors évidemment, maintenant que nous disposons d’une excuse pour lâcher prise, nous sautons sur l’occasion. Si cette contestation des normes de beauté perdurait après la pandémie, ce serait plutôt une bonne nouvelle (et pas seulement pour les pizzaïolos).

Ce lâcher-prise est-il compatible avec la sexualité ?

Attaquons maintenant les questions qui font mal (il y en a toujours, n’est-ce pas ?) : ce lâcher-prise est-il compatible avec la sexualité ? Avec le couple ? A priori, les circonstances se prêtent plutôt au cocooning le plus lascif, aux guêpières extravagantes et aux slips transparents, puisque, selon les derniers chiffres du Centre de recherches politiques de Sciences Po, 42 % des Français sont confinés à deux (19 % habitent en solo, 38 % à trois ou plus). Sur le papier, c’est formidable. Dans la réalité, nous avons tendance à nous désinvestir de la sphère du charnel.

Le narcissisme en chute libre, notamment, entrave notre libido. C’est ce qu’explique la célèbre sexothérapeute Esther Perel, au micro d’un podcast qui vient de se lancer, « Les Artichauts » : « Le désir est terriblement lié à la valorisation de soi, à l’autoestime, et à se sentir pas seulement aimé, mais aimable. » Avant d’ajouter : « Il n’y a rien qui tue le désir plus que l’autocritique. »

Alors, comment se trouver encore désirable, quand on manque (très légitimement) de motivation ?

Commençons par déblayer devant la porte de nos standards : vouloir être désirable ne constitue pas un signe de superficialité ou de stupidité (le cliché de la blonde décérébrée a vécu). Les travaux d’un sociologue comme Jean-François Amadieu démontrent que la désirabilité constitue un avantage social fort, permettant d’obtenir de meilleurs salaires, des amitiés fortes, et des antipasti gratuits. Vous avez le droit de vouloir vous sentir attirant/e, sans que la police de l’intelligence vous terrorise ou vous demande des comptes.

Inutile de se mettre la pression tous les jours : vous allez vous épuiser et/ou développer de la rancœur. Mieux vaut définir à l’avance (pas forcément de manière précise) quelles seront les journées « avec séduction », durant lesquelles les partenaires prendront du temps pour se consacrer l’un à l’autre. Ce temps ne sera d’ailleurs pas forcément dévolu à la sexualité, mais plutôt à l’intimité (n’ajoutez pas de pression sexuelle à la pression sanitaire, sinon vous courez au désastre).

Nous nous épuisons, aussi, parce que les codes de la séduction sont hypercadrés, toujours identiques, finalement assez ennuyeux. Le confinement pourrait ici jouer en votre faveur : dans le foyer, il n’y a pas de public. Quelles sont les tenues que vous n’osez jamais porter au restaurant (je pense à une robe « trop » spectaculaire, autant qu’à un pantalon troué aux fesses) ? Organisez des soirées thématiques ou même déguisées : les contraintes, comme souvent, permettent de casser la routine. Ces talons aiguilles, ce boxer fendu, sont-ils ridicules ? Parfait. Au pire, vous en rigolerez dans quelques semaines !

Restez réaliste : n’exigez pas des performances esthétiques extraordinaires de la part de vous-même ou de votre partenaire. L’idée est de se sentir bien dans son corps, pas de concourir pour un prix de beauté.

L’estime de soi n’est pas une question purement cosmétique. Si vous arrivez à vous sentir fier d’un accomplissement physique (trois pompes) ou intellectuel (lire Schopenhauer), alors vous aurez déjà beaucoup plus envie de faire l’amour.

Enfin, on peut utiliser le tremplin d’une relation extérieure pour se renarcissiser : c’est aussi en tombant amoureux, en ressentant l’urgence de sa libido, qu’on se sent à nouveau désirable. Le besoin de séduction se déplacera alors hors de la sphère domestique, sur un terrain intermédiaire entre le fantasme et la prise de risque. C’est déjà en train d’arriver : la plate-forme de rencontres extraconjugales Gleeden vient de sonder 12 000 de ses membres… et, en ce moment, seuls la moitié d’entre eux se connectent pour trouver un amant ou une maîtresse ! En revanche, 72 % cherchent à se confier, et 28 % veulent juste se changer les idées. Soyons réalistes, vous ne risquez pas de passer à l’acte en ce moment. Mais vous pouvez trouver, par le jeu, par le flirt, un souffle de nouveauté qui ne menace pas le couple et qui permet de reprendre confiance en soi.

Dernière recommandation : adaptez vos efforts à vos préférences et envies personnelles. Parmi vous, certains ont besoin de s’oublier, et c’est très bien (la séduction n’est pas obligatoire). D’autres voudront en faire des tonnes, et c’est très bien aussi (le bon goût peut attendre). D’autres encore préféreront jouer à se faire peur en séduisant des inconnus, et franchement, pourquoi pas ? La situation actuelle est suffisamment compliquée : choisissez ce qui vous fait vous sentir bien… et si votre stratégie implique de jeter vos slips et rasoirs par la fenêtre, franchement, tant mieux.

22 avril 2020

Chronique - Loin des yeux, loin du sexe ? Pas forcément

Par Maïa Mazaurette

Etre confiné en solo ne signifie pas renoncer à toute intimité avec ses partenaires. Maïa Mazaurette, chroniqueuse de « La Matinale », livre dix conseils pour optimiser sa télésexualité.

LE SEXE SELON MAÏA

Confinement, semaine 5 ! Si votre couple commence à ressembler à la cohabitation de deux ficus, gardez le moral : au moins, vous avez de la compagnie. En effet, selon l’enquête Ifop/Consolab publiée la semaine dernière, 27 % des Français sont confinés en solitaire. Cette catégorie regroupe des célibataires, des couples non cohabitants (4 % des unions selon l’Insee en 2013, 12 % selon l’Ifop en 2014) et des personnes confinées hors du domicile conjugal.

Ces âmes esseulées ont-elles abandonné toute vie sexuelle ? Pas nécessairement : certains (re) découvrent les joies du sexe à distance, d’autres (ré) investissent les plaisirs en solo. Aux rangs des « télé-amants » s’ajoutent les infidèles, les polyamoureux, les libertins… Pour tous ceux-là, voici nos conseils.

1) Ne vous laissez pas distancer par le consentement

Petit rappel de base : le sexe n’est jamais un dû, qu’on le pratique en contact rapproché ou par hologrammes à 10 000 kilomètres de distance. A ceux qui douteraient que le sexe connecté soit du « vrai » sexe, exhumons une information passée relativement inaperçue : la France a prononcé le 13 janvier dernier sa première condamnation pour complicité d’agression sexuelle à distance.

Rien n’empêche en effet d’imposer des chantages et pressions sexuelles par messagerie, de forcer à des masturbations par téléphone, d’exiger des strip-teases par Skype… donc d’utiliser le « virtuel » pour infliger des blessures bien réelles. La sexualité ne devient pas magiquement « soft » sous prétexte que les protagonistes sont séparés, comme vous le diraient les dominatrices professionnelles, qui télé-terrorisent leurs soumis depuis l’invention du parchemin.

Le consentement reste donc un incontournable point de départ, surtout pour les novices. Il n’existe en effet aucun consensus culturel concernant les rapports à distance : pour certains, passer les galipettes en mode Wi-Fi sera naturel et excitant ; pour d’autres, au contraire, le rapport désincarné passera pour ridicule, inintéressant ou carrément choquant. Face à ces préférences très intimes, personne n’a raison ou tort. Une chose est sûre : pas question d’exiger des vidéoconférences érotiques sous prétexte que « c’est normal » ou que « c’est la moindre des choses ». Il n’y a rien de normal dans la situation actuelle.

2. Le sexe à distance n’est pas forcément un pis-aller

Selon l’enquête Ifop/Marianne de juillet 2014, 86 % des personnes en couple non cohabitant sont satisfaites de leur vie sexuelle (45 % de « très satisfaits »), contre 79 % des personnes en couple sous le même toit. Le sexe à distance promet donc, à ses adeptes, de jouissives perspectives ! En revanche, la satisfaction dégringole chez les célibataires, puisque 52 % d’entre eux seulement sont contents de leur sort (ce qui nous laisse quand même plus de la moitié des célibataires heureux, un score très appréciable).

3. Comment se préparer aux rapports à distance ?

Profitez de vos soirées solitaires pour travailler vos nudes et dick pics : faites attention au cadre (le panier de linge sale en arrière-plan a terrassé les libidos les plus triomphantes), trouvez une lumière avantageuse (plutôt de côté, pour faire ressortir les volumes du corps), jouez sur le contraste entre zones d’ombre et surfaces éclairées (si le résultat ressemble à une masse grise pixellisée, recommencez), utilisez le retardateur pour dégotter des angles originaux (le smartphone tenu à bout de bras, ça finit par lasser). N’oubliez pas de séparer la tête et le sexe, pour préserver votre vie privée.

Côté sexting, inutile de prétendre que le confinement n’existe pas. Transformez plutôt le virus en accroche : parlez de ce que vous feriez si vous étiez ensemble – ou projetez-vous dans le futur, en concoctant le scénario de vos retrouvailles sexuelles. Discutez de vos fantasmes par le menu… ou par application interposée, si vous êtes timide (sur FantasyMatch, UnderCovers, Kindu, Mojo). L’exercice de prospective peut aussi prendre la forme d’un cadavre exquis : vous faites une première proposition, l’autre enchaîne, et ainsi de suite. Faute d’avoir les va-et-vient, vous aurez les allers-retours !

Pour les plus créatifs, pourquoi ne pas vous lancer des défis ? Taquinez votre partenaire par emojis, en alexandrins, en argot du XIXe siècle… et n’oubliez pas les jerk-off instructions (instructions de masturbation) : suggérez à votre partenaire des gestes précis, des accessoires, des rythmes, comme si vous étiez maître (sse) d’orchestre.

4) Surmontez votre trac

Vous avez la trouille de « monter sur scène » ? C’est normal. Le sexe à distance rebat les cartes, nous fait sortir de nos habitudes, nous fait prendre conscience de nos attitudes, nous confronte avec le brouillage de notre image privée. Le défi est encore plus compliqué pour les femmes, censées constamment contrôler leur apparence – et dont la silhouette, réduite à deux dimensions dans le coin du smartphone, peut facilement déconcentrer. Pour éviter les écueils du narcissisme (« pas mal, ce rouge à lèvres ») autant que le piège des complexes (« je déteste mon profil gauche »), supprimez le retour de la caméra frontale.

5) Faut-il vraiment faire l’amour sur Skype, Zoom ou Messenger ?

C’est une simple option, pas une obligation ! D’autant que le cyberharcèlement augmente depuis quelques semaines : de quoi inviter à la réflexion avant de se lancer dans une grande production son et lumière. Si vous pensez que les scandales de sextapes n’arrivent qu’aux autres, ou que votre partenaire personnel « ne ferait jamais un truc pareil », désolée de jouer les rabat-joie : 100 % des victimes de revenge porn ont pensé précisément la même chose. Vous n’avez aucune idée de ce qui passera par la tête de votre partenaire dans deux semaines ou deux décennies. Et vous n’avez aucun moyen de savoir si l’autre enregistre à votre insu, pour « consommer plus tard » ou garder des souvenirs.

Etes-vous condamné(e) à penser à des hackers ukrainiens pendant votre show spécial interdit aux moins de 18 ans ? Pas si vous suivez ces deux recommandations : 1) portez des masques de carnaval, des loups, des bandeaux, voire des cagoules (le folklore érotique vous y encourage – en revanche, gardez vos masques chirurgicaux pour des usages vraiment nécessaires) ; 2) laissez tomber la vidéo et contentez-vous de la voix. Pourquoi se priver du plaisir des yeux ? Pour échapper à l’auto-scrutation, et parce que l’audio laisse plus de place au mystère et à l’imagination. Petite précaution, grands résultats !

6) Quid des sextoys connectés ?

Point sémantique : les teledildonics sont une catégorie de sextoys pouvant être contrôlés à distance par télécommande ou application partagée (le partenaire contrôle la puissance, la vitesse, le type de stimulation… et le bouton on/off). Certains accessoires fonctionnent même en duo.

Les marques les plus connues s’appellent WeVibe (plutôt orienté couple) et Lovense (très utilisé par les professionnelles des shows par webcam). Petit hic : la sécurité informatique des sextoys connectés est exactement aussi hasardeuse que celle des sites pornographiques ou des applis de rencontre. Si vous consommez des contenus problématiques ou que vous télé-stimulez une amante, faites attention. Au passage : quand avez-vous fait le ménage dans votre historique de recherche pour la dernière fois ? C’est bien ce que je pensais.

7) Lancez ensemble des projets érotiques

Celles et ceux d’entre vous que les acrobaties par webcam rendent perplexes pourront toujours se rabattre sur la culture : consommez à distance des œuvres érotiques, chacun depuis son canapé. En échangeant vos recommandations, vous développerez une conversation en pointillé concernant vos fantasmes, dont vous ferez bon usage après le 11 mai (en croisant les doigts)

Autre possibilité : pourquoi ne pas créer ensemble votre propre chef-d’œuvre ? Les participants au forum GoneWild Audio sur Reddit élaborent ainsi du porno audio collaboratif : ça donne envie d’écrire des histoires à quatre mains ou de se lancer dans la conception de votre propre jeu de rôle, non ?

8) Comment trouver un nouveau, ou une nouvelle, partenaire ?

Happn, Bumble, Meetic, Tinder, OkCupid : les applis et sites de rencontres constatent une augmentation du nombre de connexions en ce moment (pour les adeptes d’exotisme, Tinder a rendu gratuite sa fonctionnalité « Passeport », qui permet de draguer n’importe où dans le monde). C’est peut-être l’occasion de vous lancer… sauf si vous préférez envoyer, à l’ancienne, des emails amoureux.

Ne pas pouvoir « transformer l’essai » sera probablement frustrant, mais voyons le verre à moitié plein (cabernet franc pour moi, merci) : faute de passer à l’acte tout de suite, vous vous rencontrerez avec tellement d’informations dans votre besace que vous pourrez vous émanciper des premières nuits archi-classiques et parfois ennuyeuses. Après plusieurs semaines d’attente et de confessions, ça pourrait bien faire des étincelles ! Enfin, pour le point romantique : ce délai avant consommation vous permet de cristalliser, de fantasmer… donc de profiter de ce fameux meilleur moment où on monte les escaliers (du désir).

9) Mais si on n’a vraiment, vraiment pas de partenaire ?

Les lectures et podcasts érotiques sont faits pour vous : Coxxx pour les hommes, Voxxx pour les femmes, mais aussi CtrlX et Le Verrou. Les voix chaleureuses accompagneront vos plaisirs solitaires. Sinon, pensez à la littérature ou aux fanfictions érotiques !

10) Pourquoi ne pas tout simplement se rabattre sur le porno ?

Tant qu’elle est produite et diffusée dans des conditions décentes, la pornographie constitue une alternative manifestement très appréciée des internautes (+ 20 % ces dernières semaines). Seulement, outre sa tendance à rétrécir notre imaginaire à quelques mots-clés, le X n’est pas toujours éthique. Tentez plutôt le porno féministe, kink ou queer (comme ErikaLust.com, BellaFrench.com, PinkLabel.tv, Kink.com).

En conclusion ! Ne nous voilons pas la face (sauf au moment d’allumer notre caméra) : la situation n’est pas idéale. Mais vous avez les moyens de contrebalancer les aléas de la distance physique par un rapprochement émotionnel, par l’enthousiasme… et par une bonne connexion Wi-Fi.

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