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Jours tranquilles à Paris
sexualite
10 février 2020

Sodomie

sodomie

Ah, la sodomie ! Nous voici en terrain familier, tout le monde connaît l’histoire. Sont sodomites les habitants de Sodome, détruite, selon la Bible, par le soufre et le feu. Qu’ont fait les Sodomites pour mériter ce châtiment ? Ils ont péché. De quelle nature était leur crime ? La référence à l’homosexualité n’est pas claire. Dans le livre d’Ezéchiel, il s’agit d’arrogance, d’insouciance ou de manque de générosité. On est loin des saunas gay ! Ce n’est qu’à partir du IIIe siècle avant notre ère qu’une lecture sexuelle commence à s’imposer. Mais même après, on s’emmêle les pinceaux. Ainsi, selon la monumentale Histoire des sexualités, dirigée par Sylvie Steinberg, qui paraîtra aux Presses universitaires de France (29 août, 517 p., 22 €), la sodomie au Moyen Age recouvre cinq fautes différentes : un acte accompli contre Dieu (le sodomite est un hérétique), un acte sexuel contre nature (comme faire l’amour la tête en bas, y compris avec le conjoint légitime), la pénétration anale, l’homosexualité elle-même, et les viols ou agressions sexuelles commis par des adultes sur des petits garçons.

A partir du XIVe siècle, la sodomie est si grave qu’on la considère comme équivalente à un pacte avec le diable. Elle disparaîtra du code pénal français seulement en 1791 ! Paris est-elle une nouvelle Sodome pour autant ? Pas vraiment. Selon la dernière enquête « Contexte de la sexualité en France », 45 % des hommes et 37 % des femmes ont déjà tenté l’aventure… sans l’adopter, puisque seules 12 % des femmes de 25-49 ans la pratiquent régulièrement. Ne parlons même pas du cas allemand, où la confusion des siècles passés a laissé sa trace, puisque sodomie y signifie… zoophilie. Comme quoi, de l’homme à la bête, il n’y a parfois presque Rhin.

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9 février 2020

LES FEMMES À LA CONQUÊTE DE LEUR JOUISSANCE DANS UN NUMÉRO SPÉCIAL CHEEK X LES INROCKS

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Masturbation, sexe anal, auto-exploration… Les femmes partent à la conquête de leur jouissance dans un hors-série exceptionnel réalisé par Cheek Magazine et Les Inrockuptibles.

Lorsqu’on évoque le plaisir féminin, je pense immédiatement à la masturbation. À cette expérience solitaire qui donne bien souvent le ton de l’aventure qui se joue plus tard à deux, à trois ou à plus encore. Je pense aussi à ma chambre d’adolescente, aux oreillers contre lesquels instinctivement je me frottais juste parce ça me faisait du bien. Cette pratique a un nom, que, du haut de ma dizaine d’années, j’ignorais totalement à l’époque: le humping. Je me souviens de cette montée de chaleur inédite qui, un jour, était partie de mon sexe et avait irradié mon bas-ventre. De ce débordement si intense, si fort, qu’il m’a toujours été si difficile de décrire avec des mots, qui se vit, il me semble, uniquement avec le corps et durant lequel plus rien n’existe, tout s’efface.

“Aujourd’hui, les temps ont changé, le clitoris a quitté la pénombre de nos culottes pour investir la rue, les réseaux sociaux et même les manuels scolaires.”

Cette vague rencontrée cette nuit-là par hasard, je n’ai cessé de la rechercher encore et encore, seule ou à deux, parce que je n’ai jamais trouvé de sensation aussi forte et délicieuse. Mais une chose gâchait cette merveilleuse découverte: la honte. Je ne le savais pas encore mais elle puisait son origine dans le tabou qui a toujours entouré le plaisir des femmes. Aujourd’hui, je suis persuadée que ce dernier, comme le dit si bien Emma Becker dans le premier article de ce numéro, “se passe difficilement du savoir, de la connaissance de sa propre anatomie, et trouve sa voie dans l’exploration de son propre corps”. Et il n’y a pas de limite à cette exploration, elle se mène et se poursuit à tout âge. Aujourd’hui, les temps ont changé, le clitoris a quitté la pénombre de nos culottes pour investir la rue, les réseaux sociaux et même les manuels scolaires. On parle enfin du plaisir féminin, on le décortique, on le revendique et on l’assume. Mais il y a encore du chemin à faire pour sortir des schémas sexuels dans lesquels nous avons baigné depuis toujours et qui ne font pas toujours la part belle -et orgasmique- aux femmes. C’est pour cette raison que nous avons décidé de consacrer ce hors-série à ce thème qui nous est si cher chez Cheek. Nous l’avons découpé en cinq parties, car quoi de mieux que les cinq sens pour parvenir à la jouissance? Alors regardez, sentez, touchez, écoutez et goûtez tout ce qui vous plaira, il n’y a pas de règles pour accéder au plaisir, prenez le chemin qui vous convient le mieux, soyez-en fières et laissez-nous vous guider ici dans la plus incroyable des quêtes.

Julia Tissier

Hors-série Plaisir féminin Cheek Magazine x Les Inrockuptibles, disponible en kiosques ou sur le site des Inrocks.

2 février 2020

Adorer ou humilier le pénis : des pratiques à tenter

Par Maïa Mazaurette - Le Monde

Ces deux jeux sexuels complémentaires, liés à un imaginaire de la domination et de la soumission, permettent de mettre des mots sur les obsessions ou les angoisses, explique Maïa Mazaurette, la chroniqueuse de « La Matinale ».

LE SEXE SELON MAÏA

Des vestiaires sportifs aux confidences amicales, le pénis constitue un sujet de conversation. Mais avez-vous déjà conversé avec un membre masculin ? Aussi étrange que l’idée puisse paraître, elle traverse deux pratiques sexuelles complémentaires : l’adoration et l’humiliation des pénis. La première consiste à dire tout le bien qu’on pense de cet organe, la seconde à lui passer un savon. Les deux sont liées à un imaginaire de domination et de soumission.

Commençons donc avec une description pratique de ces rituels – impossible de vous expliquer l’objectif si vous n’avez pas, au préalable, une idée détaillée des opérations. Comment parle-t-on à un pénis ? Ce dernier préfère-t-il l’écriture inclusive, comprend-il les émojis ?

Que vous optiez pour l’adoration ou pour l’humiliation, il est préférable de vous munir d’un dictionnaire des synonymes. Car tenir plusieurs minutes en improvisation, face à un pénis mutique, demande autant d’imagination que de vocabulaire. Plus l’organe est petit, plus les compétences sémantiques doivent être larges (nous sommes plus habitués aux comparaisons flatteuses avec des concombres qu’avec des radis ou des baby-carottes).

Passons maintenant au point crucial : le temps. Ne bâclez pas votre adoration ou votre humiliation ! Nous naviguons en effet dans un univers d’offrande, de patience et de passion. Le corps de l’homme, divinisé ou ridiculisé, doit retenir toutes les attentions. Utilisez les cinq sens. Préparez vos plus affectueuses et cinglantes métaphores. Dans le cas de l’humiliation, discutez des limites (cette pratique est consensuelle, sinon ça s’appelle de la violence verbale et psychologique).

« C’est un pic, un cap, une péninsule »

Prenez ensuite position. Si vous adorez le pénis, mettez-vous à genoux, car vous êtes indigne (pour l’instant) du porteur de pénis : en vous adressant seulement à son organe, vous vous réduisez vous-même à une portion congrue. A l’inverse, si vous humiliez, placez votre partenaire en position inférieure : allongé au sol, à genoux ou dans une position qui l’empêche de cacher son pathétique vermisseau – la mise en pleine lumière de ce qu’on aimerait tenir dans l’ombre fait partie de la (gentille) cruauté.

Maintenant que les acteurs sont en place, musique ! Rappelez-vous de parler au pénis directement, et éventuellement aux testicules (si vous parlez à la personne, alors nous sortons du sujet pour entrer dans la banalité des compliments ou des brimades).

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Dans le cas de l’adoration, commencez par une description admirative (« comme tu es beau, grand, fort ! »), enchaînez sur des anecdotes spécifiques (« tu sens tellement meilleur que mon ex »), offrez des remerciements (« jamais personne ne m’a fait jouir comme toi »), multipliez les métaphores (« c’est un pic, un cap, une péninsule »). Remarquez la délicatesse de la silhouette, le soyeux des poils, la fermeté de l’éventuelle érection, le caractère racé du parfum, la vigueur des pulsations.

Vous pouvez souffler, toucher, goûter, flatter, mais l’objectif n’est pas (ou pas tout de suite) la masturbation ou la fellation. La verbalisation doit primer : en fin de séance, vous pourrez inclure dans la conversation le porteur de pénis, à qui vous demanderez des conseils et autres directives (« comment puis-je honorer ce splendide concombre, ô mâle tout-puissant ? »).

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Dans le cas de l’humiliation, sans surprise, c’est l’inverse. Moquez-vous sans merci de la taille, la forme, la rigidité de l’organe, de son goût, son odeur, ses performances. N’hésitez pas à infantiliser (« mais dis-moi, il serait peut-être temps d’avoir sa puberté »), à utiliser les comparaisons les plus mesquines (« c’est quoi, ce machin, un gnocchi ? »), à sortir le double décimètre (« et bien, c’est pas brillant »), à déviriliser (« oh, un clitoris »), à ajouter des piques de frustration (« regarde-moi grimper aux rideaux avec ce godemichet »). Vous pouvez également cracher sur l’organe, menacer, pincer d’un air dégoûté, ou pour les braves, prodiguer quelques maltraitances (maîtrisées : on n’est pas des bêtes).

Etes-vous encore là ? J’entends comme un écho. Allô ? Merci à celles et ceux qui sont restés. Car grâce à votre infinie patience, nous allons pouvoir passer de la pratique à la théorie, avec la question à dix mille dollars de la semaine : pourquoi ?

Remarquons d’abord que ces jeux sexuels ne relèvent pas d’une marotte contemporaine, elle-même liée à l’effondrement de la civilisation occidentale : l’admiration du pénis traverse les rites de fertilité, sur tous les continents, depuis des millénaires. Elle orne la place de la Concorde, agrémente notre vocabulaire (« viens tâter de ma matraque »), définit notre idée de la virilité (un vrai gaillard doit « en avoir »).

Même chose pour l’humiliation : des vestiaires sportifs aux normes pornographiques en passant par les plaisanteries sur ceux qui ont « besoin de compenser » (les possesseurs de gros 4 × 4 soupçonnés d’avoir un engin inversement proportionnel à la taille de leur voiture), la société active et réactive constamment les complexes masculins. Or, à ce petit jeu, on perd à tous les coups : aucun pénis ne sera jamais assez gros, assez raide. D’autant que, pendant la pénétration, ils disparaissent ! Quant aux érections, forcément transitoires, elles restent relativement ou complètement incontrôlables (même les acteurs porno prennent du Viagra).

Processus consensuel, cadré, sécurisé

Et c’est précisément pour cette raison que les rites d’adoration et d’humiliation sont intéressants : ils permettent une explicitation et une stylisation d’obsessions qui ne se discutent pas (parce que, quand un homme essaie d’en discuter, il se voit immédiatement suspecté de posséder un format extra-small). En posant des mots sur cette angoisse, les amants se réapproprient de manière cathartique, ludique et volontiers humoristique, le contrôle exercé sur le corps des hommes.

Dans l’adoration, ces derniers se confrontent à leur plus grand désir : une acceptation inconditionnelle. Dans l’humiliation, ils évacuent leur plus grande peur : la mise au ban absolue – et qui ne se produira pas, puisque le processus est consensuel, cadré, sécurisé.

Par ailleurs, ces pratiques existent parce qu’elles réparent une injustice. Le pénis constitue rarement un objet de discours soutenu, et ce « no comment » devrait nous alarmer. Quand on relègue ce membre à l’obscène, on le rend invisible. Quand on le banalise, on disqualifie sa désirabilité. Quand on le juge « fondamentalement moche », on mobilise un imaginaire homophobe (pas question d’être assimilé à un homosexuel) et sexiste (pas question d’être assimilée à une nymphomane). A ce titre, le dégoût socialement affiché fonctionne comme un lancinant rappel à l’ordre hétéronormatif.

Face à cette culture du silence, l’attention aux pénis se révèle subversive. Notamment pour les femmes. En adorant ou humiliant les pénis, ces dernières s’affranchissent de normes voulant que « dans la bouche d’une femme », certaines formules (donc certaines pensées) soient interdites. Au lieu de se conformer à l’idée qu’une « vraie » femme ne s’intéresse qu’à l’intelligence ou au prestige de ses partenaires (ben tiens), elles affirment leur droit de regard et leur capacité de jugement – qui sont autant de modalités d’exercice du pouvoir. Ce retour à la matérialité charnelle du corps, dans son expression la plus immédiate, produit donc un jouissif désordre.

Ce qui nous amène au dernier point : et les vulves, dans cette histoire ? Ne sont-elles pas tout aussi malmenées, invisibilisées, sous-exploitées ? Certes. Cependant, la valeur d’une femme ne repose pas intégralement sur l’apparence de ses organes génitaux externes : le sujet est moins sensible, les enjeux de pouvoir moins manifestes, le lien à la maternité plus perturbant. On peut adorer ou humilier les vulves, évidemment (ou les vagins, si on a un speculum). Mais se faire traiter de gnocchi ou de somptueux concombre reste pour l’instant, de manière écrasante, un privilège masculin.

29 janvier 2020

Vanille

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En France, le sexe conventionnel a beaucoup été qualifié de « à la papa ». C’était avant que les darons ne deviennent des objets sexuels convoités (du dadbod, avec sa petite bedaine, au DILF, le Dad I’d like to fuck) ! Heureusement, un nouveau mot est arrivé : vanille. Est vanille toute sexualité ne comportant aucune bizarrerie ni contrainte, type domination, douleur, fétichisme ou jeu de rôle.

Cette appellation tire son origine (contrôlée) de l’univers des crèmes glacées : la vanille est basique, ne demande pas de palais éduqué… mais parade au sommet des parfums préférés des Français avec 19 % d’adeptes, devant le chocolat (Harris Interactive, juillet).

Une personne peut être vanille, une pratique aussi. Dans les deux cas, l’expression est péjorative : c’est le goût de la masse, industriel, pour les personnes dénuées d’imagination et d’aventure… contrairement aux amateurs de curiosités et autres sex-gourous qui se vantent d’incarner le bon goût. D’ailleurs, à de rares exceptions près, seules les personnes non vanille utilisent le mot « vanille » – en connaître l’existence est une gourmandise d’initiés.

Le problème consiste alors à se mettre d’accord sur les conventions : si les donjons et autres rêves de cuir sont unanimement considérés comme non vanille, que dire des mots salaces ? Des griffures ? De la pénétration anale ? Où commence le royaume rhum-raisin ? Par chance, l’étymologie vient à notre rescousse : la vanille est issue du latin vagina, la « gaine », qui donnera vagin au XVIIe siècle. Sans surprise, le sexe à la papa est donc celui qui sert à faire les bébés.

27 janvier 2020

Vibro

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Les vibromasseurs, quel ennui ! Le Rabbit de Sex and the City a presque 20 ans, le Canard de Sonia Rykiel fête ses 15 ans, on ne rajeunit pas… Trop vu, le vibro ? Peut-être. Servi à toutes les sauces, en version chenille, dauphin, à usage interne, externe, pour les femmes ou les hommes… Un succès jamais démenti. Si le marché du sex-toy pesait 15 milliards de dollars en 2016 – avec des projections à 50 milliards en 2020, avis aux boursicoteurs ! –, 19 % des ventes sont des vibromasseurs. Les godemichés suivent à 16 %, les lubrifiants à 14 %. Totale domination, donc.

Rien qu’en France, 49 % des femmes ont déjà utilisé un sex-toy pour se masturber (IFOP/Dorcelstore.com, février 2017) ; c’est dire si le vibro semble installé, pépère, symbole siliconé de la massification du plaisir. Sauf que les mauvaises langues sont mal informées : pendant que les clichés perdurent, le marché évolue. Grâce à un remarquable bond ergonomique venu d’Allemagne, tout a changé. Une révolution copernicienne : jusqu’en 2014, le clitoris tournait autour du vibro. Cent trente ans après l’invention du percuteur vibrant par le très-saint docteur Joseph Mortimer Granville, c’est enfin l’inverse. Nous venons en effet de passer du convexe au concave : la vibration qui s’opérait sur une surface bombée (absurde, le bouton du clitoris étant lui-même bombé) s’opère désormais sur une surface creusée, qui épouse l’anatomie. Le Womanizer (c’est son petit nom) est copié sans vergogne depuis son apparition.

1883-2014 : RIP le Rabbit, adieu le massacre des terminaisons nerveuses ! Nous entamons l’an III du vibro vraiment fait pour les femmes. On a failli attendre… Pire, on a failli s’ennuyer. Le Monde

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26 janvier 2020

Sexualités : au programme des années 2020

Par Maïa Mazaurette - Le Monde

Et maintenant, on fait quoi ? Si les « tendances sexe » n’existent pas, les évolutions culturelles, si, plaide la chroniqueuse de la Matinale Maïa Mazaurette, qui dresse sa liste des changements à venir.

LE SEXE SELON MAÏA

Quelles seront les prochaines « tendances sexe » ? Désolée, ma boule de cristal n’annonce aucune résurgence du missionnaire, aucun sursaut du côté de la lingerie masculine, aucune montée en grâce du testicule gauche, aucune ferveur « véganosexuelle ». Les tendances sexe n’existent pas. Mais les évolutions culturelles, les lames de fond, existent bel et bien.

On a d’ailleurs pu le constater lors de la décennie qui vient de s’écouler, et de manière spectaculaire. Tout a été remis en question : le sexe qu’on a, le sexe qu’on fait, le sexe qu’on (se) représente. Avec qui, comment, pourquoi, dans quelle position, selon quelles dynamiques de pouvoir. Des évidences millénaires ont été chamboulées : qu’est-ce qu’un homme ou une femme, qu’est-ce qu’un rapport sexuel ?

Ces questions ont médiatisé les théories du genre, les transidentités, l’asexualité, le « bizarre », le polyamour, le concept de zone grise, le slut-shaming (qui culpabilise les femmes sexuellement audacieuses), les violences sexuelles, mais aussi le rejet des normes de performance et d’acceptabilité corporelles (il n’y a plus de consensus concernant les poils, les tétons ou la vulve parfaite). Autant de nouveaux outils, et qui en appellent encore d’autres.

Il reste de nombreux champs à explorer. Tant mieux. D’autant que, grâce à ma boule de cristal, vous pouvez d’ores et déjà vous y préparer. Alors, que nous réservent les années 20 ?

1. La libération du corps masculin est en marche

En dix ans, le clitoris est passé de l’ombre au statut d’objet pop-culturel. Il est même marchandisé. Faudra-t-il attendre 2029 pour acheter des chaussettes « scrotum », ou décorer son sapin de Noël avec des petites prostates argentées ? L’avenir nous le dira, mais si j’étais vous, j’investirais en bourse, parce que les masculinités se retrouvent de plus en plus régulièrement sous les projecteurs.

Galvanisés par les publications et podcasts dédiés (Ivan Jablonka, Olivia Gazalé, Victoire Tuaillon, Thomas Messias, etc.), les hommes ne sauraient plus tarder à contester leur désastreuse image sexuelle - celle de créatures vaguement animales, agressives, constamment en demande, contraintes à la performance, quand elles ne sont pas réduites à de simples machines.

Maintenant que la dignité féminine avance sur tous les fronts, la question de la dignité masculine doit être posée. Elle sera accompagnée de réflexions portant sur le contrôle social du corps et des émotions des hommes, sur l’homophobie et, bien entendu, sur un potentiel de jouissance qui réduit leur corps au génital, le génital au pénis, et le pénis à ses capacités érectiles. Il est temps de rendre aux hommes leur intégrité.

2. Le « female gaze » va faire sa révolution

La libération du corps masculin entraînera naturellement son érotisation par les femmes hétérosexuelles. Mieux vaut tard que jamais ! Car depuis la théorisation, en 1975, du « male gaze » (regard masculin), que l’on doit à la critique de cinéma Laura Mulvey, le « female gaze » s’est essentiellement tourné vers des corps de femmes - souvent via des autoportraits. C’est bien. Mais ça ne suffit pas.

Maintenant que nous avons rendu aux femmes leur clitoris, il va falloir leur rendre leur œil, afin qu’elles-mêmes puissent rendre aux hommes leur potentiel érotique. Ce qui signifie que ces derniers puissent se rendre désirables en s’appropriant les outils de production de la beauté (sport, vêtements, cosmétiques, tatouages, tout ce qui leur plaira), sans se faire rappeler à l’ordre par les homophobes et machos de service, sans se faire humilier ou menacer, et sans que soit délégitimé l’intérêt que leur plastique suscite.

Pour le moment, une femme témoignant de son admiration pour le corps d’un homme se voit culpabilisée, taxée de superficialité ou de nymphomanie. Mais ça va changer.

3. Le renoncement à un imaginaire de la violence

L’Europe a réussi à se détourner de l’esclavage, de la torture et de la peine de mort (même s’il y a des ratés). Elle prétend renoncer aux violences sur les enfants. Elle commence à se préoccuper des violences sur les animaux. Ce mouvement va imprégner notre imaginaire sexuel : dans une décennie ou dans un siècle, les fantasmes de viol, de contrainte, de domination ou de soumission auront très nettement reculé. Pas parce qu’ils sont intrinsèquement mauvais. Mais parce que les conditions de leur apparition auront reculé.

Pour le moment, la virilité est encore liée à l’agressivité, tandis que les femmes sont priées de s’accommoder d’un masochisme présenté comme « naturellement féminin » (on attend toujours la découverte de ce fameux gène du masochisme). Rendons-nous à l’évidence : on ne peut pas remettre en cause ce que Noémie Renard appelle « la culture du viol » – son essai éponyme (ed. Les petits matins), publié en 2018, est d’une clarté remarquable – si on persiste à se masturber dessus. Or comme il est plus facile de changer d’habitudes masturbatoires que de justifier les violences sexuelles, alors, nécessairement, une nouvelle érotique doit, et va, émerger.

4. Fin de partie pour la pornographie

Selon les derniers chiffres dont nous disposons, et qui concernent la Suisse, le X concerne les hommes et les femmes de manière diamétralement opposée : 85 % des hommes consomment au moins régulièrement, tandis que 85 % des femmes ne consomment pas ou quasiment pas. Il s’agit donc d’un raz-de-marée essentiellement masculin.

Nos inquiétudes sont, pour l’instant, concentrées sur les mineurs exposés. Elles devraient prochainement s’étendre aux majeurs tatoués et vaccinés, sans tomber dans le piège de la caricature. Non, la pornographie n’encourage pas le viol. Mais elle a des conséquences. Personne ne peut ingérer des kilomètres de séquences redoutablement similaires, plusieurs fois par semaine, pendant des années ou des décennies, sans que cela constitue une forme de lavage de cerveau.

Non seulement la prééminence du porno mainstream pose des problèmes de contenus (stylisés, caricaturaux, violents) et de production (absence de contrats et de protection intellectuelle), mais le média lui-même est tragiquement répétitif. Le tout-visuel, le faux amateur, la codification des scènes, les limites de la 2D vont créer les conditions d’un dépassement en tenaille, via 1) le ras-le-bol des spectateurs, à qui on ne pourra pas indéfiniment servir la même soupe, 2) l’émergence de la sex tech, qui proposera des alternatives plus enthousiasmantes (sextoys, applications, robots sexuels, chemsex, médicalisation, etc.).

5. Repose en paix, binarité !

Voilà un chantier bien entamé, qu’il convient d’achever en clouant gaiement le cercueil : après quelques millénaires passés à penser en diptyques (féminin/passif/négatif, masculin/actif/positif), l’humanité semble prête à déployer sa compréhension du monde sous forme de trajectoires, de spectres, de cercles, de courbes, et même en trois dimensions. Ouf ! On a failli attendre.

Sexuellement, le démantèlement des binarités va entraîner une montée en puissance des identités intersexes, des orientations sexuelles plurielles, du rôle actif des femmes au lit, ainsi qu’un partage plus égal des tâches sexuelles (on sortira de la division arbitraire voulant que les femmes produisent le désir, tandis que les hommes produisent le plaisir). Le simple consentement sera dépassé par la question de la force de proposition, qui chamboulera les hiérarchies sexuelles du passé. L’amant/e désirable ne sera plus « le plus balèze » ou « la plus belle », mais celui ou celle faisant preuve du plus de compétences, de tendresse, de communication et d’imagination.

La révolution sexuelle obéit aux mêmes exigences que les autres révolutions. Elle est constamment à refaire, constamment soumise aux embardées de l’Histoire et à ses retours de balancier. Elle demande du soin, de la vigilance, de la patience, de l’humilité.

Peut-être n’êtes-vous pas d’accord avec certains de ses principes. Peut-être trouvez-vous qu’on en fait des tonnes. Mais justement. Parce que cette révolution aspire à la prolifération des choix, des discours et des scénarios… alors votre désaccord constitue, intrinsèquement, une preuve de son succès.

23 janvier 2020

Candaulisme

candaulisme

Pourquoi s’embêter avec l’infidélité quand on peut être candauliste ? Equivalent sexuel du socialisme utopique, le candaulisme célèbre le partage comme absolue jubilation. Ses adeptes n’aiment rien tant que voir leur compagne coucher avec d’autres. Le mot vient d’une légende antique : le roi Candaule épouse une femme si puissamment érotique qu’il décide de la faire « essayer » à l’un de ses officiers. Attention, spoiler : ça se termine mal. On retrouve pourtant les candaulistes triomphants au XVIIIe siècle, en Italie, où les nobles affublaient leur dame d’un chevalier très très servant (on recommande l’ouvrage de Roberto Bizzocchi : Les Sigisbées. Comment l’Italie inventa le mariage à trois, Alma Editeur, 2016).

Pendant que les jaloux enragent, l’idée fait son chemin. Sur Google Trends, on peut observer un effondrement de l’intérêt pour le libertinage, dont les requêtes ont été divisées par huit depuis 2004. Dans le même intervalle, le candaulisme partait de zéro pour doubler son concurrent en août 2010 (ne cherchez pas, il ne s’est rien passé) – au point qu’aujourd’hui le candaulisme est deux fois plus populaire que le libertinage. Les mêmes tendances sont visibles en langue anglaise. Selon les données du site PornHub, « cuckold » est la catégorie qui a le plus progressé en 2017 : + 72 % de trafic. Et un livre paru en juillet 2018, de l’expert Justin Lehmiller, avance que 58 % des hommes américains ont déjà fantasmé sur le candaulisme, pour un tiers des femmes (au féminin, le cuckold se dit cuckquean ou cuckqueen).

Simple tendance ou évolution sociétale ? Qu’une société de la transparence pousse la « fidélité » dans ses retranchements peut se comprendre. Qu’une société de l’attention lâche son mot-clé fétiche dans cinq minutes n’est pas non plus exclu. Quoi qu’il en soit, le candaulisme compte des adeptes aussi nombreux que prosélytes : « candaulisme » est le seul mot nous ayant été réclamé à répétition… par vous autres, lecteurs. Vous êtes exaucés.

22 janvier 2020

Sex on the beach

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Si le Sex on the Beach ne vous évoque qu’une boisson honnie des diabétiques et des diététiciens (vodka, schnaps à la pêche, orange, canneberge + aspirine, Citrate de bétaïne et Doliprane), vous ratez l’autre cocktail préféré des estivants : sable + parties génitales. Le sexe sur la plage constitue en effet « le » classique des fantasmes des Français : un quart d’entre nous auraient déjà essayé, et au moins les deux tiers se laisseraient tenter (quand 63 % des hommes et 49 % des femmes feraient l’amour dans la mer, préférant la piqûre des méduses à celle des coquillages). Comment expliquer ce succès, alors même que l’idée de se faire surprendre gêne 72 % d’entre nous (enquête Le Sexe 2.0, IFOP, avril 2013) ? Selon Opinion Way/Match.com en 2008, l’été est la période pendant laquelle 61 % des personnes en couple oublient les contraintes du quotidien (au point d’oublier que le sable gratte). Et 42 % en profitent pour se retrouver et briser la routine. Ajoutez à cela les clichés concernant la petite vertu des plagistes, et c’est parti : 41 % des hommes coucheraient volontiers avec une maître-nageuse, et 3 % prétendent l’avoir déjà fait (IFOP/« Quotidien », juin 2017).

Alors, l’été sera chaud ? Pas forcément. Pour obtenir des résultats cohérents face à l’immensité du champ sexuel des possibles, les sondeurs proposent aux sondés des listes préétablies de fantasmes. Ils ont donc tendance à privilégier les plus communs. Dans cette perspective, le sexe à la plage a tout pour plaire : romance insipide, exhibitionnisme soft, zéro tabou, zéro logistique. Bref, un splendide exemple d’imaginaire sans ambition. La plage est le fantasme des personnes qui n’ont aucune culture érotique : elle est le cubi de rosé de la sexualité. Vivement la rentrée !

plage

plage

19 janvier 2020

Gode-ceinture

ceinture gode

Les femmes sont des hommes comme les autres… surtout quand elles s’approprient l’attribut masculin par excellence : le pénis. A ce titre, le gode-ceinture trouble les genres, et depuis longtemps. Le godemichou apparaît dans la langue française en 1611, et pourrait tirer son nom du latin médiéval gaude mihi (« réjouis-moi », tout un programme). Autant dire qu’on n’a pas attendu les ABCD de l’égalité ou le féminisme de la deuxième vague pour mettre les genres cul par-dessus tête.

Grâce au gode-ceinture, non seulement les femmes pénètrent (ce qu’elles pouvaient déjà faire avec leurs doigts ou leurs mains ou leurs rouleaux à pâtisserie), mais les hommes eux-mêmes peuvent se rajouter un ou plusieurs pénis de substitution, qui ne se positionneront pas forcément sur le pubis. Le corps se réinvente, multiplie son potentiel, se moque de la nature. Forcément, pour les tenants de la stricte anatomie, ça fait peur.

Le nom de gode-ceinture évoque les châtiments, la pornographie, les ceintures de chasteté, le cuir… à mille lieues des versions actuelles d’une prothèse ludique. De fait, on devrait plutôt parler de gode-harnais (avec des sangles pour stabiliser) ou de gode-culotte (décliné dans des versions archi-féminines avec dentelles, froufrous et embouts fantaisie). On remarquera au passage qu’il n’est ni rare ni innocent que notre culture persiste à utiliser des mots dramatisants pour disqualifier ou tenir à distance des pratiques qui dérangent. En somme, face à la transgression potentielle de qui porte la culotte, on se débrouille pour faire ceinture. Le Monde. 

18 janvier 2020

Frot

frot

Qu’est-ce que le « vrai » sexe ? Encore aujourd’hui, nous établissons une différence artificielle entre les pratiques sans ou avec pénétration (les premières étant supposément moins « graves » que les secondes). Un système de pensée pratique, mais qui restreint ou rend invisibles des territoires entiers de l’érotisme. Ainsi, quand on pense au sexe entre hommes, c’est toujours la sodomie qui vient à l’esprit. Au risque d’oublier la masturbation partagée, le coït intercrural (entre les cuisses), mais aussi le frot, qui consiste à frotter les pénis l’un contre l’autre (attention à ne pas confondre avec le frottage, qui désigne n’importe quel frottement sensuel).

Le frein et la couronne constituant les parties les plus sensibles de la verge, on comprend l’intérêt : le frot est agréable, à peu près safe, et, cerise sur le popol, complètement égalitaire (pas de symbolique de domination, pas d’angoisses identitaires de type « qui fait la femme ? »).

Le frot n’est par ailleurs pas strictement réservé aux humains. Chez les bonobos mâles ou certaines baleines, on parle de « combat » de pénis. Lequel peut constituer, chez des espèces de vers hermaphrodites, une stratégie de reproduction ! Selon Wikipédia, « les individus se battent, utilisant des pénis blancs et pointus similaires à des dagues… Chacun des deux partenaires essaye de percer la peau de l’autre avec son pénis. L’un d’entre eux inséminera l’autre. La bataille peut durer une heure ».

Effrayant ? Pas plus que la pratique bien humaine consistant à considérer son pénis comme une arme (#masculinitétoxique). Pour rappel, quand vous parlez de votre sémillant « braquemard », il s’agit d’un couteau court et large, destiné à hacher et désherber. Faites le frot, pas la guerre ? Le Monde

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