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Jours tranquilles à Paris
26 novembre 2019

Extrait d'un shooting. Photos : Jacques Snap

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26 novembre 2019

Portrait - « China Cables » : Tursunay Ziavdun, Ouïgoure, internée pendant onze mois

Par Brice Pedroletti

Une Ouïgoure raconte l’enfer vécu dans le camp où elle était enfermée pour avoir « séjourné à l’étranger ».

Tursunay Ziavdun est une Ouïgoure d’une quarantaine d’années, qui a passé onze mois dans un « centre d’éducation et de formation » chinois, à Künes (Xinyuan en chinois), dans l’ouest du Xinjiang. Elle fait partie des détenus libérés car ils avaient de la famille à l’étranger – dans son cas, au Kazakhstan, où vivait son mari, chinois d’ethnie kazakhe. C’est d’Almaty, au Kazakhstan, qu’elle s’est confiée au Monde lors de deux longs entretiens vidéo, mi-novembre.

Son parcours illustre le mélange souvent surréaliste d’arbitraire, de mensonge et d’intimidation qui a accompagné la politique d’internement en masse des Ouïgours et des Kazakhs. En 2016, Tursunay et son mari, installés depuis plusieurs années au Kazakhstan, décident de rentrer en Chine, car elle n’a pu obtenir la nationalité du Kazakhstan, et son visa expire. Ils ne se doutent de rien. Tursunay s’étonne toutefois qu’au téléphone, sa famille en Chine « ne semblait pas se réjouir que je rentre ».

Le couple, qui a dû rendre ses passeports chinois en arrivant en Chine – les passeports des Ouïgours sont systématiquement confisqués –, s’installe à Ghulja, la grande ville de l’ouest du Xinjiang. Au bout de quelques mois, Tursunay reçoit un appel lui demandant de participer à une « réunion » dans sa ville d’origine, Künes. Sur place, elle est emmenée par la police dans une ancienne école professionnelle technique de la ville. Elle apprend qu’elle doit y passer la nuit… et y restera vingt jours.

« On pouvait garder nos propres téléphones. On était une quinzaine par chambre, mais les portes n’étaient pas fermées à clé. Les conditions n’étaient pas trop dures », explique-t-elle. Ayant subi peu de temps avant une opération, elle doit être hospitalisée. L’hôpital la renvoie en centre, mais son mari, médecin, parvient toutefois à la faire sortir le jour même, pour des raisons de santé, en mai 2017.

Une vie dans la terreur

Le couple reprend sa vie à Ghulja. Son mari récupère son passeport et est autorisé à retourner au Kazakhstan, à condition que sa femme se porte garante de lui et qu’il revienne dans deux mois. Le couple estime que c’est la meilleure solution : « Si on restait en Chine, on allait se faire arrêter tous les deux, explique Tursunay. Je suis allée à Künes avec lui, j’ai signé. Il est parti au Kazakhstan. Je suis retournée à Ghulja. »

C’est à cette époque, raconte-elle, que les gens ont commencé à vivre dans la terreur des arrestations. « La seule chose qu’on disait quand on croisait une connaissance dans la rue, c’était : “Ah, tu es encore là !” Dans toutes les familles, il y avait quelqu’un d’arrêté. Et parfois, c’était des familles entières. » Les deux frères de Tursunay sont arrêtés l’un après l’autre, en février 2018 – pour avoir passé des appels téléphoniques à l’étranger.

Elle sait son tour proche : la police la harcèle depuis plusieurs mois, car son mari n’est pas revenu comme prévu. « Le 8 mars 2018, ils m’ont appelée en disant qu’ils avaient des choses à me dire. J’ai demandé : “Je dois aller à l’école, c’est ça ? – Oui, mais juste un peu, ne t’inquiète pas.” Ils disaient ça pour rassurer, car il y avait eu des suicides. J’ai dit, alors d’accord, je viens », raconte-t-elle.

« Elle pleurait de honte »

Elle se rend à Künes, puis est emmenée le lendemain dans le même camp, mais entièrement rénové : « Dès mon arrivée, j’ai compris que ce n’était plus du tout la même chose. La fouille était très approfondie, ils nous déshabillaient complètement et nous donnaient d’autres habits, sans boutons. J’avais pris les justificatifs de mon mauvais état de santé, en pensant qu’ils me laisseraient sortir. Quand j’ai tendu les documents, les gardes femmes m’ont crié dessus : “Ne fais pas de cinéma, tu crois qu’on aura pitié de toi ? Il y en a qui sont à moitié mortes ici et on ne les laisse pas sortir.” J’ai eu très peur », explique-t-elle.

« LA NUIT, DANS LE LIT, IL FALLAIT SORTIR LES BRAS DES COUVERTURES. ON NE DEVAIT DORMIR QUE D’UN SEUL CÔTÉ. ON FAISAIT NOS BESOINS DANS UN SEAU. »

Ce jour-là, elle voit une femme ouïgoure de plus de 70 ans, arrivée en même temps qu’elle, obligée d’ôter sa longue robe devant les gardes. « Ils l’ont laissée en collants. Puis ils ont arraché les boutons de son chandail, puis son foulard. Elle n’avait pas de cheveux. Elle essayait de cacher ses seins qui tombaient, on lui criait de baisser les bras. Elle pleurait de honte, je me suis mise à pleurer aussi. C’était des Chinois han, pour la plupart, qui criaient. Les autres, des Kazakhs, ne faisaient que suivre les ordres », dit-elle.

Tursunay est conduite dans une chambre fermée par une porte en fer avec des lits superposés. Elle décrit une routine et une discipline carcérales. « La nuit, dans le lit, il fallait sortir les bras des couvertures. On ne devait dormir que d’un seul côté. On faisait nos besoins dans un seau. Chaque nuit, on devait se relayer deux par deux pendant deux heures, debout dans la cellule, pour vérifier que tout était en ordre. Dans la journée, on avait trois minutes pour aller aux toilettes : les gardes étaient lourdement armés, si on y passait trop de temps, ils nous criaient dessus. » La première douche a lieu trois semaines plus tard : « On avait été mises toutes ensemble, comme des animaux. L’eau tombait froide du plafond. On avait peur d’attraper froid. »

« Personne n’allait venir nous sauver »

Désignée « étudiante de la classe 31 », Tursunay est plusieurs fois interrogée sur sa vie au Kazakhstan : va-t-elle prier ? Porte-t-elle le voile ? Sur les activités de son mari, qui avait ouvert une clinique, aussi. Argumenter, comprend-elle, ne mène à rien : « Ils nous disaient en permanence que la Chine était un pays très puissant, que personne n’allait venir nous sauver. Qu’ils allaient nous envoyer dans des prisons bien pires qu’ici. »

LE MOTIF DE CONDAMNATION QUI ÉCHOIT À TURSUNAY EST D’« AVOIR VOYAGÉ ET SÉJOURNÉ À L’ÉTRANGER ».

Elle suit également toutes sortes de cours – apprentissage du chinois, mais aussi droit, idéologie – dans des salles de classe fermées par des grilles et surveillées par un garde armé. A l’été 2018, les « étudiantes » défilent une à une dans une salle où officie un juge, qui annonce à chacune des condamnations, en présence de membres de leur famille convoqués pour l’occasion. « J’ai eu le minimum, deux ans, car je n’avais pas de famille proche que je pouvais convoquer. Tout le monde se retrouve ensuite avec un papier sur son lit qui dit la raison pour laquelle on a été condamné. »

Le motif qui échoit à Tursunay est d’« avoir voyagé et séjourné à l’étranger ». Elle a pourtant été libérée à la toute fin 2018, alors que le scandale des internements de Kazakhs en Chine ou de proches de citoyens du Kazakhstan prenait des proportions embarrassantes dans ce pays. Tous ont reçu une dernière instruction : « Ne jamais raconter ce qu’ils ont vécu. »

26 novembre 2019

Musée de la Monnaie - actuellement

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26 novembre 2019

Enquête - « China Cables » : révélations sur le fonctionnement des camps d’internement des Ouïgours

Par Harold Thibault, Brice Pedroletti

Des directives internes à l’Etat-Parti chinois obtenues par l’ICIJ et 17 médias, dont « Le Monde », jettent une lumière inédite sur la politique de répression systématique et de détention de masse menée par Pékin au Xinjiang.

Rétention arbitraire, conditions de détention extrêmes, autocritiques et lavage de cerveau… Une série de directives révélant le fonctionnement des camps d’internement des Ouïgours au Xinjiang et attribuées à l’Etat-Parti chinois, jettent une lumière inédite, car décrite de l’intérieur du régime, sur la politique de répression systématique et d’internement de masse menée par Pékin. Elles ont été obtenues par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) et sont dévoilées par dix-sept médias internationaux dont Le Monde.

Les « China Cables », sur lesquels ont également travaillé la BBC, le Guardian, la Süddeutsche Zeitung, El Pais ou encore les agences Associated Press et Kyodo, confirment le caractère hautement coercitif des camps d’enfermement de la population ouïgoure, mis en place depuis 2017, et ce en contradiction directe avec le discours public de la Chine sur ce qu’elle nomme « centres de formation et d’éducation ». Au moins un million de Ouïgours, sur une population totale de 11,5 millions, et d’autres membres de minorités musulmanes auraient été internés les trois dernières années, selon le décompte d’ONG repris par l’ONU.

Parmi ces documents, classés secrets et dont plusieurs experts de la région du Xinjiang et linguistes, contactés par l’ICIJ attestent l’authenticité, figure une longue liste d’instructions administratives. En tête des directives, datées de 2017, figure le nom de Zhu Hailun, le numéro deux du Parti communiste de la région autonome ouïgoure du Xinjiang. Ce dernier dirige la Commission politique et légale, l’organe exécutif suprême en matière de sécurité pour la région.

Réponse à la menace terroriste

Les directives détaillent le fonctionnement des centres de rétention construits pour accueillir des centaines de milliers de membres des minorités musulmanes de la région du Xinjiang, dans l’extrême ouest chinois. Quatre autres circulaires, également à en-tête de M. Zhu, expliquent la mise en place d’une base de données de surveillance de la population, qui se veut exhaustive et qui fait remonter, chaque semaine, des dizaines de milliers de noms de personnes jugées « suspectes ». Ces personnes peuvent donc être interpellées, du seul fait qu’elles ont voyagé à l’étranger ou simplement utilisé une application de partage de fichiers.

Contacté par l’ICIJ et le Guardian, au nom de tous les médias partenaires, le gouvernement chinois a qualifié les documents de « pure invention » et de « fake news ». Il note que la région « était devenue un champ de bataille – des milliers d’incidents terroristes se sont produits au Xinjiang entre les années 1990 et 2016, et des milliers de personnes innocentes ont été tuées. Donc il y a une demande énorme chez les habitants du Xinjiang pour que le gouvernement prenne des mesures résolues pour régler le problème ».

Le communiqué souligne que « depuis que les mesures ont été prises ces trois dernières années, il n’y a pas eu un seul incident terroriste » et soutient que la liberté de religion est pleinement respectée. « Ces mesures ont été efficaces. Le Xinjiang est bien plus sûr. L’an dernier, le tourisme a progressé de 40 %, et le PIB local a augmenté de plus de 6 %. »

Ce réseau de « centres d’éducation et de formation », selon l’appellation officielle, constitue le cœur de la politique d’internement à grande échelle lancée en 2016 par la Chine. Ces camps sont la réponse du régime à la menace terroriste à laquelle il est alors confronté. Près d’une centaine de ces « centres », fraîchement construits et ayant donné lieu à des appels d’offres publics, ont été géolocalisés en 2018, les barbelés et miradors étant visibles sur Google Earth. La plupart sont gigantesques, d’une capacité pouvant aller jusqu’à 20 000 personnes.

« Changer une population entière »

Les « China Cables » donnent des détails sur les critères d’internement de la population qui est déterminé grâce à un système de fichage ultra-détaillé. La « plate-forme intégrée des opérations conjointes » selon son nom administratif, sert à trier et faire ressortir des noms de personnes « suspectes » – 24 412 sur une seule semaine, dans quatre préfectures du sud-ouest du Xinjiang en juin 2017, dont les deux tiers ont été placés en « centre de formation ». Pour le chercheur allemand et spécialiste reconnu de la question ouïgoure Adrian Zenz, le réseau des camps « est là pour endoctriner presque toute une minorité ethnique et changer une population entière ».

Adressée à toutes les villes et préfectures de la région, la première circulaire liste en 26 points les « instructions pour renforcer et standardiser le fonctionnement » de ces centres. Elle est typique des documents du Parti communiste, remplis de jargon, et confirme le caractère extrêmement coercitif de ces camps, qui constituent « une mesure stratégique, critique et de long terme » dans le combat contre le terrorisme. Leur fonctionnement est « hautement sensible » : il est ordonné de « renforcer chez le personnel la conscience de [les] garder secrets » et d’interdire d’y faire entrer tout matériel d’enregistrement vidéo, téléphones ou appareils photo.

La circulaire détaille les mesures de prévention des évasions par un fonctionnement typiquement carcéral. Il faut, préconise le document, « améliorer l’installation de postes de police à l’entrée principale », mettre en place des « enceintes parfaitement étanches ». Et aussi s’assurer du système de « double fermeture » des portes des dortoirs, des couloirs et des étages – un procédé qui dans le jargon carcéral chinois implique deux clés détenues par deux gardes différents.

Il faut encore s’assurer que les détenus, qualifiés d’« étudiants » car en phase de rééducation, « ne s’échappent pas durant les cours, le traitement médical, les visites familiales ». Tout « étudiant » qui quitte le centre pour une raison ou une autre « doit être accompagné par du personnel qui le contrôle et le surveille ». Au chapitre « prévention des troubles », les responsables des centres sont incités à « repérer et remédier à toute violation de comportement », et les officiers du renseignement, à s’assurer que « personne ne se ligue pour créer des problèmes ».

Une « surveillance vidéo complète des dortoirs et des classes sans aucun angle mort doit être assurée ». Le centre doit être subdivisé en une « zone très stricte », une « zone stricte » et une « zone normale ». Chaque détenu sera « affecté à l’une de ces zones après une sélection ».

La suite du document donne des consignes en matière de prévention des séismes, des incendies et des maladies – avec le souci d’éviter tout incident et toute « mort anormale ». Il est strictement interdit à la police de « pénétrer dans les zones d’études avec des armes ». Les contacts avec la famille sont encouragés « au téléphone une fois par semaine et par vidéo une fois par mois ».

Des témoins par dizaines

La plupart de ces instructions ont été corroborées par certains des détenus qui ont été libérés, ont gagné l’étranger et ont choisi de parler. Mais dans la réalité, les pratiques vont bien au-delà de ce qui est prescrit officiellement. Sayragul Sauytbay, une directrice d’école chinoise d’ethnie kazakhe, qui a été internée au motif que son mari et ses enfants étaient au Kazakhstan, a été choisie comme enseignante – une possibilité explicitement mentionnée dans la circulaire, qui préconise, en raison de la pénurie de professeurs, d’en choisir parmi les détenus.

Le centre dans lequel elle est restée quatre mois début 2018 ne permettait aucune visite des familles, ni aucun appel vocal ou vidéo : « Si des proches venaient s’enquérir à votre sujet, ils étaient eux aussi détenus. Et vous ne les voyiez pas. C’était la règle dans ce centre », explique-t-elle. Les policiers en armes étaient présents partout : ils venaient régulièrement chercher des étudiants dans sa classe pour les interroger.

Tursunay Ziavdun, une Ouïgoure libérée en décembre 2018 après onze mois d’internement dans un centre de formation et d’éducation de Künes (ouest du Xinjiang), explique que les détenus de la zone dite « très stricte » étaient en uniforme rouge, ceux de la « zone stricte » en jaune, et ceux de la zone « normale » en bleu : « Les uniformes rouges sont enchaînés quand ils sont emmenés dehors ou à des interrogatoires, chaque fois accompagnés par deux policiers en armes », explique-t-elle par vidéo depuis le Kazakhstan où elle a rejoint son mari.

Comme Sayragul Sauytbay, Mme Ziavdun confirme que les salles de classes, qui contenaient une quarantaine de personnes, étaient entourées d’une grille qui séparait le professeur des « étudiants » et que des gardes en armes veillaient. Elle pouvait toutefois parler par vidéo à ses proches une fois par mois.

Les détenus sont soumis à une « éducation idéologique », explique la circulaire. Ils doivent par ailleurs étudier le mandarin, les lois chinoises et acquérir certaines compétences professionnelles. Orinbek Koksebek, un Kazakh de Chine qui avait pris la nationalité du Kazakhstan et a été interné après être revenu en Chine, a raconté en 2018 au Monde avoir dû apprendre par cœur trois chansons communistes parce qu’il parlait très mal le chinois. Toute une partie des cours portaient sur la « pensée de Xi Jinping et le XIXe congrès », explique Sayragul Sauytbay.

Une chambre de torture

La circulaire mentionne l’importance de « la repentance et de l’aveu » des étudiants afin qu’ils comprennent « le caractère illégal, criminel et dangereux de leur comportement passé ». « Cela s’appelait l’autoréflexion. Il fallait penser à ce que l’on avait pu faire de mal, à nos fautes, en mettant les mains sur le mur, pendant deux heures. Puis, après, il fallait l’écrire et le donner au professeur. Personne n’était coupable de quoi que ce soit. Mais tout le monde était forcé de trouver quelque chose, des fautes qui n’avaient pas été commises. Et ils étaient punis », poursuit Mme Sauytbay. Les témoignages confirment que tout acte religieux est entièrement proscrit : une parole, une prière, peut envoyer en détention.

Le document secret mentionne des punitions pour ceux « qui ne comprennent pas, ont des attitudes négatives ou ont des velléités de résistance ». Ils doivent être soumis à des méthodes appropriées de type « tous contre un », pour s’assurer d’être « transformés par l’éducation ». Toute une rubrique porte également sur la discipline, le comportement et les manières, qui non seulement sont extrêmement strictes, mais donnent lieu à des évaluations, selon un système complexe de points.

En l’absence de toute possibilité de recours pour les détenus et leur famille, le système est d’une perversité extrême, un mélange de camp militaire et de prison secrète. A son arrivée en camp, Orinbek Koksebek a été enchaîné aux pieds pendant sept jours. Il a été envoyé à six reprises au cachot. Sayragul Sauytbay a décrit l’existence d’une « chambre noire », une salle de torture dans le camp où elle a travaillé. Mme Sauytbay a été battue sur le corps et la tête avec une matraque électrique en caoutchouc dur – puis privée de nourriture pendant deux jours.

La chambre de torture comportait la classique « chaise du tigre » chinoise – qui maintient le prisonnier avec une barre de fer au-dessus des cuisses – mais celle-ci envoyait des chocs électriques. Plusieurs types d’instruments étaient à portée de main : une sorte de baïonnette, un bâton muni d’un fil de fer à l’extrémité, un tabouret avec des pics. De nombreux détenus font par ailleurs état de viols de jeunes femmes par les gardes.

Une « formation professionnelle » pour les plus méritants

La circulaire établit également les conditions qui permettent à un « étudiant » de « compléter » son éducation : celle-ci doit durer « au moins un an » et ne s’applique qu’à ceux qui ont intégré la « zone normale ». Ensuite, plusieurs conditions simultanées doivent être réunies : le « problème » qui a donné lieu à l’« éducation » doit avoir été résorbé, les notes de « transformation idéologique », de « résultats scolaires », d’« obéissance » et de « discipline » répondre aux niveaux exigés.

Ces données sont ensuite « entrées dans la plate-forme intégrée des opérations conjointes » : « si celle-ci ne détecte pas de nouveau problème », alors le dossier est transmis aux bureaux de la formation et de l’éducation des divers échelons régionaux. « Ce sont des critères incroyablement stricts », note le chercheur Adrian Zenz, qui a été parmi les premiers à confirmer l’existence des centres d’éducation et leur caractère coercitif en épluchant les appels d’offres et les budgets officiels des localités du Xinjiang.

Tous les étudiants qui « complètent leur formation », précise le document chinois, sont alors orientés vers une « session intensive de renforcement des compétences » de trois à six mois. Les préfectures sont encouragées à mettre en place des centres permettant « le placement des étudiants ». Des dizaines d’entreprises de l’intérieur de la Chine reçoivent des subventions pour s’installer dans des parcs industriels et recruter cette main-d’œuvre locale forcée.

Environ 20 % de la population adulte ouïgoure et kazakhe

Aucune statistique ne permet de savoir quel pourcentage d’« étudiants » ont été transférés vers de la formation professionnelle, libérés, ou condamnés à des peines carcérales à purger sur place – ou en prison, ou sous d’autres formes de détention. Les données officielles chinoises montrent toutefois que les arrestations au Xinjiang ont été multipliées par huit rien qu’entre 2016 et 2017 – pour atteindre 21 % du total de l’ensemble de la Chine. « Plusieurs centaines de milliers de personnes ont été la cible de poursuites judiciaires ces deux dernières années et demie au Xinjiang », explique le chercheur Gene Bunin, créateur d’une base de données des victimes du Xinjiang, qui répertorie les cas connus de personnes disparues.

« On sait qu’il y a eu des libérations importantes des centres de formation et d’éducation. Le problème toutefois, c’est que ceux qui sont libérés et renvoyés chez eux sont loin d’être libres : ils sont sous des formes variées de contrôle, de résidence surveillée, se voient imposer des restrictions pour se déplacer de ville en ville. Beaucoup sont en piteux état psychologique et physique, ils vivent dans la peur d’être de nouveaux détenus », explique-t-il.

Dans un nouveau rapport rendu public ce dimanche 24 novembre et intitulé « Laver les cerveaux, purifier les cœurs », le chercheur Adrian Zenz en étudiant les documents administratifs de plusieurs localités du Xinjiang a identifié quels individus étaient classés comme « détenus pour rééducation », « arrêtés » ou « en train de purger une peine ». Il s’agit d’une majorité d’hommes (six fois plus que de femmes), âgés de 25 à 50 ans. Ce « qui confirme, écrit M. Zenz, que la campagne de rééducation et d’internement vise clairement les figures d’autorité, et non pas seulement la jeune génération censée avoir besoin de “formation”, comme le prétend Pékin ». Dans ses conclusions, M. Zenz incite à réévaluer le nombre de personnes qui ont été internées au Xinjiang à 1,8 million, soit environ 20 % de la population adulte ouïgoure et kazakhe.

25 novembre 2019

Milo Moiré

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25 novembre 2019

La une de Libération ce lundi 25 novembre 2019

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25 novembre 2019

Marcus Leatherdale : Out Of The Shadows

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Throckmorton Fine Art présente une exposition spéciale de portraits et de photographies du photographe Marcus Leatherdale dans sa galerie de New York.

Tiré de son nouveau livre, Marcus Leatherdale : Out Of The Shadows – Photographs New York City 1980-1992, (ACC Art Books), l’exposition présente des dizaines de portraits en noir et blanc et de photographies de célébrités et de personnages ayant peuplé le centre-ville, souvent chaotique et bruyant, de la  Scène artistique des années 1980.

Le fondateur de la galerie, Spencer Throckmorton, a déclaré: «Leatherdale avait à peine vingt ans et essayait de se débrouiller quand il a commencé à faire des images spontanées des célèbres personnalités en train de faire la fête dans les clubs du centre-ville populaires à l’époque. Il dit ne pas s’être rendu compte qu’il était en train d’archiver une époque bruyante qui allait bientôt disparaître: il photographiait simplement ses amis.

Leatherdale a déclaré: «La fin des années 70 au début des années 80 était ma période préférée à New York. J’étais au bon endroit au bon moment et je ne pense pas que j’ai ressenti cela depuis. Peu importait que je sois fauché; Je sentais qu’il devait en être ainsi. J’ai rencontré tout le monde par l’intermédiaire de Robert Mapplethorpe, Marcia Resnick et Larissa, et je suis allé au Studio 54 au moins deux fois par semaine jusqu’à l’ouverture du Mudd Club. J’étais le petit nouveau en ville et j’avais un ange gardien à New York.

Carol Squiers, critique et conservatrice du ICP, a écrit dans le catalogue des œuvres de Leatherdale dans la London Regional Art Gallery: «Marcus Leatherdale est un documentariste du monde cosmopolite du néant. Ses sujets sont des créatures parfaitement visuelles qui se définissent dans une large mesure par leur apparence. Pour Leatherdale, la façade sociale soigneusement fabriquée est donc un portrait du «véritable moi intérieur». Il n’ya plus le prétexte de la révélation photographique du caractère individuel; ces visages défient cette tentative de pénétration. En effet, dans leur austérité autonome, les sujets de Leatherdale sont des citoyens contemporains par excellence. Leurs regards fixes et stables sont prêts à relever le défi. La posture, l’accoutrement et la représentation sont devenus une vision du monde virtuelle, et Leatherdale documente ce phénomène avec une précision compréhensive et gracieuse. ”

Dans l’introduction du livre, Claudia Summers, ancienne compagne et égérie de Leatherdale, se souvient de la première rencontre avec Marcus à San Francisco, alors qu’ils vivaient tous les deux la scène punk insulaire. Marcus étudiait à la San Francisco Art Institute.

Lorsque Claudia a déménagé à New York au printemps 1978, Marcus a été le premier visage familier qu’elle a vu le premier jour. Ils sont vite devenus inséparables.La ville de New York était en faillite, sale et désordonnée à l’époque, après avoir été abandonnée par les politiciens provoqués par l’appel du président Ford à «dégager». Ils partageaient un loft situé au 281 Grand Street dans un quartier peuplé de travestis, d’asiles de nuit, de prostituées et de radio cassettes.

Claudia dit, alors que Marcus avait été directeur de studio et amant Robert Mapplethorpe à ses débuts à New York, il avait ensuite photographié les célébrités connus et moins connus de Downtown qui avaient fait le trajet jusqu’à leur loft / studio. Parmi les personnalités qu’il a photographiées figurent Kathy Acker, Lydia Lynch, Amos Poe, John Kelly, Bernard-Zette, Joey Arias, Leigh Bowery, Patti Ramelli, Scott Covert, Alice Himmelstein, Cookie Mueller, Ethyl Eichelberger, Dianne Brill, Lisa Lyon, Mae Alexander, International Chrysis et Divine, ainsi que des noms de visage audacieux, notamment Madonna, Debbie Harry et Andy Warhol.

“Marcus est devenu encore plus connu quand il a commencé à photographier le mensuel“ Hidden Identities ”pour le magazine Details, des célébrités pour Interview, et quand Issey Miyake a demandé à Marcus de contribuer à Body Works, un livre qui commencerait à briser les frontières entre mode et art. . Artforum a publié la robe lie de vin de Marcus dans Body Works sur la couverture de février 1982, le premier vêtement ayant jamais fait la une du magazine d’art. »

Leatherdale a déclaré: «Cela a commencé une nuit à la discothèque Underground lors d’un événement Dada en 1983. J’ai pris la gogo cage  et commencé à faire des portraits non identifiables. C’était comme un photomaton et tout le monde faisait la queue. À l’époque, on ne voyait pas de portraits de personnages célèbres se cachant devant l’appareil photo. L’idée était que votre style personnel était suffisant pour être reconnaissable. Vous n’aviez pas besoin de voir le visage d’une personne pour savoir qui elle était.

«Marcus a fréquemment photographié les mêmes personnes plus d’une fois. Pour lui, en cliquant sur le déclencheur, ajuster le f-stop était une loyauté et une reconnaissance personnelles. C’était de la cupidité artistique. C’était une danse de confiance mutuelle. Je dis que les photographies sont par essence memento mori; l’oeil de la caméra s’est arrêtée à un moment déjà passé avant que le souffle ne soit expiré; un moment déjà mort.

«Bientôt, la mort a commencé à tisser nos vies, notre communauté. Marcus était brisé de voir ses amis mourir du sida. Comment était-il possible de supporter une telle douleur, de subir une telle perte? La réponse simple est l’amour et la rage. Chaque mort, de ceux que nous aimions, de ceux que nous connaissions à peine, de ceux qui étaient complètement étrangers, continue de vivre dans nos corps de sang, d’os et de cœur. ”

Dans une conversation avec Michelle Caswell publiée par Asia Society, Leatherdale, un Canadien, parle de ses amis qu’il s’est fait dans la scène artistique d’avant le SIDA à New York, alors qu’il était un enfant impressionnable ne sachant pas vraiment quoi faire de sa vie. Il a fait son entrée sur la scène des clubs des célébrités. Leatherdale a présenté ses premières expositions au Club 57 et à la Danceteria mais ne savait toujours pas que ses photographies allaient constituer une sorte d’étude anthropologique d’une tribu urbaine en voie de disparition – la scène nocturne avant-gardiste du centre-ville, dans des clubs comme Area, la Pyramide et le Mudd Club.

«J’évitais tout cela d’une certaine manière», explique Leatherdale. «Ces photos sont dans mon placard depuis longtemps. J’ai tout dépoussiéré et je l’ai fait ressortir. C’était un passé triste. C’est doux-amer. Beaucoup de personnes dans les portraits ont disparu. Vous ne pouvez pas revenir en arrière. Vous bâtissez une telle armure et une telle résistance. ”

Out of the Shadows rappelle de façon poignante que le faste et le glamour des années 80 étaient à bien des égards un écran de fumée pour une ombre jetant un voile sur la terre, un dernier hurray qui ressemble à Berlin, à l’époque de Weimar. «Le nombre de monuments auxquels j’ai assisté à ce moment-là ne doit pas être répété. Je me sentais comme le seul homme debout. Cela se produit souvent lorsque je regarde des photographies », révèle Leatherdale.

Son travail a paru dans The New Yorker, Vanity Fair, Details and Interview et a été exposé dans des galeries et des musées du monde entier.

MARCUS LEATHERDALE – Photographs New York City 1980-1992

Nov 7, 2019 – Jan 25, 2020

Throckmorton Fine Art

145 East 57th Street Third Floor

New York, NY 10022

www.throckmorton-nyc.com

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25 novembre 2019

A Hongkong, les électeurs infligent un brutal désaveu au gouvernement local et à Pékin

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Par Florence de Changy, Hongkong, correspondance

Avec un taux de participation record de 71 % (contre 47 % en 2015), l’opposition a raflé la majorité des sièges dans 17 des 18 conseils de district, démontrant le soutien de la population au mouvement de protestation en cours.

Les élections pour les conseillers des dix-huit districts de Hongkong, qui ont eu lieu dimanche 24 novembre, ont rendu un jugement sans appel de défiance et de désapprobation au gouvernement dirigé par Carrie Lam. Avec un taux de participation record (71 % contre 47 % lors du même scrutin en 2015), l’opposition a raflé la majorité des sièges dans 17 des 18 conseils de district, ce qui lui confère automatiquement 117 voix de plus (sur 1 200) au comité qui élit le chef de l’exécutif.

C’est la première fois que les Hongkongais se servent de ces élections, généralement négligées en raison de leur faible impact politique, comme d’un référendum d’expression populaire. La chef de l’exécutif, Carrie Lam, officiellement soutenue par Pékin, est tenue responsable de la crise actuelle, qui a démarré au printemps autour d’un projet de loi d’extradition, mais qui s’est aggravée de mois en mois, malgré la suspension (mi-juin), puis l’abandon (en septembre) de ce texte.

Soutien massif aux « cinq demandes » des manifestants

Ainsi, malgré l’aggravation de la situation politique et économique, et la radicalisation des modes opératoires des manifestants, les Hongkongais ont choisi de condamner l’immobilisme du gouvernement et la brutalité policière. Ils ont apporté un soutien massif aux « cinq demandes » des manifestants parmi lesquelles la plus urgente est la mise en place d’une commission d’enquête indépendante dans la brutalité policière et la plus importante est la demande du suffrage universel pour les élections législatives et l’élection du chef de l’exécutif.

« Les Hongkongais n’ont pas voté pour résoudre les problèmes de toilettes publiques ou de sangliers qui défoncent les poubelles. Ils ont voté pour redire haut et fort leur attachement à leurs libertés fondamentales et leur soutien collectif aux manifestants qui sont montés au front depuis six mois pour les défendre », estime le financier militant Ed Chin.

L’obtention de 117 voix de plus au comité électoral pour le chef de l’exécutif va considérablement augmenter l’influence de l’opposition dans le choix du prochain leader de Hongkong. « Sur les 1 200 voix, elle en a déjà 350. En en gagnant 117 de plus avec les conseillers de district, elle s’approche de la majorité. Cette nouvelle configuration va faire de Li Ka-shing [le plus influent milliardaire hongkongais] le décideur lors des prochaines élections. Or, Pékin s’est fâché avec lui », observe le professeur de droit Benny Tai, condamné au printemps à seize mois de prison pour son rôle dans le mouvement des parapluies en 2014, mais actuellement en liberté provisoire.

C’est la première fois que l’opposition, qui a longtemps pris le parti de laisser le camp pro-Pékin gagner ces élections, avait réussi à proposer des prétendants pour chacun des 452 sièges en lice. Et à l’exception notoire de Joshua Wong, leader emblématique de la contestation étudiante, tous les candidats ont eu le droit de se présenter. Parmi les victoires ou défaites symboliques, le député le plus controversé du camp pro-Pékin, Junius Ho, a perdu son mandat de conseiller de district, de même que le député modéré du camp pro-Pékin, Michael Tien. La chef de file du DAB, le plus grand parti pro-Pékin au sein du Parlement, Starry Lee, a sauvé son siège de justesse.

Forte présence policière, nombre limité d’incidents

Les rumeurs selon lesquelles le gouvernement risquait d’interrompre les élections à 10 h 30 ont incité les électeurs à aller voter le plus tôt possible. Avant même l’ouverture des bureaux de vote à 7 h 30 dimanche matin, des queues s’étaient formées. Les élections se sont finalement bien déroulées, avec une forte présence policière mais un nombre limité d’incidents.

La radio publique RTHK et plusieurs médias locaux ont toutefois reporté diverses irrégularités. Notamment des électeurs qui se sont vu expliquer en arrivant au bureau de vote qu’ils avaient déjà voté. En outre, le « front uni » pro-Pékin a la réputation d’offrir des sorties et des petits cadeaux aux personnes âgées hébergées dans les hospices et d’organiser leur participation aux élections en leur indiquant pour qui voter.

Pendant que les Hongkongais se rendaient aux urnes, quelques manifestants irréductibles (les estimations de leur nombre varient d’une poignée à une vingtaine) étaient encore assiégés par la police au sein de l’Université polytechnique de Hongkong (PolyU). Selon les visiteurs du site qui ont pu en rencontrer quelques-uns, leur état de santé s’est dégradé, tout comme leur condition psychologique. Mais ils ne veulent toujours pas se rendre à la police.

Le siège de PolyU, qui a commencé il y a plus de huit jours, est l’un des plus violents épisodes du mouvement de révolte actuel. Elu conseiller de district dimanche, Jimmy Sham Tsz-kit, le délégué du Front civil des droits de l’homme (qui organise la plupart des grandes marches de Hongkong), a proposé que l’ensemble des conseillers prodémocratie réclament, ensemble, que la police laisse sortir librement tous les derniers occupants.

Parmi les très nombreux jeunes élus, le leader étudiant du mouvement des parapluies, Lester Shum, a appelé les Hongkongais à continuer le combat, estimant : « La bataille est encore loin d’être gagnée. » Les Hongkongais ont parlé, ils attendent à présent la réaction de leur gouvernement. Carrie Lam a simplement déclaré, lundi, qu’elle « écoutera humblement les opinions des citoyens et y réfléchira de manière sérieuse ».

25 novembre 2019

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