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Jours tranquilles à Paris
30 novembre 2019

Critiquant fermement les propos d’Emmanuel

Critiquant fermement les propos d’Emmanuel Macron, le Président turc lui a conseillé de vérifier sa «propre mort cérébrale». Après ces attaques, l'ambassadeur turc à Paris a été convoqué au ministère français des Affaires étrangères, a annoncé une source à l'Élysée.

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Le Président turc s’est adressé ce vendredi 29 novembre à son homologue français après ses critiques de l’offensive turque, en évoquant les propos de Macron sur la mort cérébrale de l’Otan. Recep Tayyip Erdogan a déclaré que c’est le chef de la République française qui est en «état de mort cérébrale», s’il se permet de tenir de tels propos contre l’Alliance.

«Je m’adresse au Président français Emmanuel Macron et je le dirai aussi à l’Otan. Tout d’abord, vérifiez votre propre mort cérébrale. Ces déclarations ne conviennent qu'à des personnes comme vous qui sont dans un état de mort cérébrale», a lancé Erdogan dans un discours diffusé à la télévision.

En poursuivant son discours accusatoire contre le Président français, Erdogan lui a également reproché le fait de ne pas être expérimenté dans la lutte contre le terrorisme, en en faisant une raison des manifestations des Gilets jaunes qui ont frappé la France.

«Croyez-moi, Macron est très inexpérimenté. Il ne sait pas comment lutter contre le terrorisme. C’est pour cela que les Gilets jaunes ont envahi la France», a martelé le Président turc.

Avant de poursuivre:

«Vous savez comment fanfaronner mais vous ne pouvez même pas payer ce que vous devez à l’Otan. Vous avez encore un côté amateur.»

Critique contre Macron

Il ne s’agit pas de la première critique du Président français par la Turquie. Peu avant, Ankara avait traité Macron de «parrain» du terrorisme en réaction aux critiques du Président français au sujet de l'opération en Syrie.

L'ambassadeur turc convoqué

L'ambassadeur de Turquie en France a été convoqué au ministère des Affaires étrangères suite à ces attaques de Recep Tayyip Erdogan, a fait savoir l'Élysée.

«Soyons clairs, ce n'est pas une déclaration, ce sont des insultes», a réagi la présidence française au sujet de ce qu'elle a qualifié de «dernier excès» en date de M. Erdogan.

«L'ambassadeur sera convoqué au ministère pour s'en expliquer», a-t-elle souligné, citée par l’AFP.

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La mort cérébrale de l’Otan évoquée par Macron

Auparavant, Emmanuel Macron avait déclaré, dans une interview accordée à The Economist, que l’Otan aujourd’hui se trouvait en état de mort cérébrale. Une phrase qui a provoqué une pluie de critiques contre le Président français.

Donald Trump avait exprimé, après une rencontre avec son homologue turc, sa déception suite aux propos d’Emmanuel Macron sur l’Otan. Erdogan avait alors qualifié ces critiques lancées par Macron d’«inacceptables».

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30 novembre 2019

Affaire Barbarin : Décision mise en délibéré au 30 janvier dans le cadre de son procès en appel

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PROCES Le ministère a demandé que le cardinal soit relaxé des faits de non-dénonciation d'agressions sexuelles sur mineurs

La Cour d’appel de Lyon a mis en délibéré au 30 janvier le jugement du procès en appel du cardinal Philippe Barbarin, qui conteste en appel sa condamnation à six mois de prison avec sursis pour ne pas avoir dénoncé les abus sexuels d’un prêtre du diocèse.

« Je suis soulagé, je m’en remets à la décision de la justice », a commenté le prélat à sa sortie de l’audience. L’avocat général Joël Sollier, représentant du ministère public, a demandé la relaxe, s’inscrivant ainsi dans la continuité de la position adoptée par le parquet jusque-là dans cette affaire. En première instance, le parquet n’avait d’ailleurs requis aucune condamnation dans le dossier.

#barbarin ces réquisitions étaient attendues. Pour rappel, le parquet avait refusé de poursuivre le cardinal pour non-dénonciation en classant les plaintes des victimes. Il aurait été surprenant que le ministère public aille a son encontre aujourd'hui

— Caroline Girardon (@CaroGirardon) November 29, 2019

« La peine ne peut être symbolique »

Appelant le tribunal à une « décision raisonnée et sereine », Joël Sollier a estimé que la justice ne pouvait « faire du symbolique son principe d’action, ni son but ultime ». Elle doit distinguer le « cas individuel » de l’archevêque de Lyon des « fautes » commises par l’Eglise face à la pédophilie de certains de ses prêtres, a-t-il ajouté.

« La peine ne peut être symbolique » a-t-il lancé à l’adresse des juges de la cour, les avertissant sur « la tentation d’enfermer leur décision dans la sphère symbolique ».

Se défendant de vouloir « remettre en cause la légitimité de la démarche des parties civiles », l’avocat général a tenu à souligner l'« opposition dans le choix des voies de droit utilisées dans le cadre de cette procédure ». « Le système juridique ne peut être soumis à de telles torsions pour servir une cause, si juste soit-elle », a-t-il conclu avant de demander la relaxe.

Le père Preynat devant la justice

Le 7 mars, le tribunal correctionnel avait condamné le prélat à six mois de prison avec sursis à l’issue du procès en première instance bien que la vice-procureure Charlotte Trabut n’avait demandé aucune condamnation.

Dans cette affaire, le parquet de Lyon avait ouvert, en février 2016, une enquête pour non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs visant l’archevêque et d’autres membres du diocèse, mis en cause par des victimes du père Bernard Preynat. Défroqué en juillet, celui-ci doit être jugé au pénal en janvier.

L’enquête avait été classée sans suite le 1er août 2016 par le procureur de la République. Les plaignants avaient alors lancé une procédure de citation directe pour faire comparaître l’archevêque et cinq autres prévenus devant le tribunal. Seul le cardinal Barbarin avait été condamné.

Deux « silences » qui posent question

Les juges l’avaient déclaré coupable par deux fois : en 2010, quand Preynat lui avait avoué ses agissements et qu’il n’avait rien dit, ce silence-là tombant sous le coup de la prescription dont le délai est de trois ans. Puis en 2014, quand une victime du prêtre, Alexandre Hezez, l’avait informé des agressions et que le cardinal n’avait pas prévenu la justice, par souci de « préserver l’institution à laquelle il appartient », avait jugé le tribunal en le condamnant.

Mais selon l’avocat général, « il est difficile d’estimer que le cardinal Barbarin avait la volonté ou la conscience d’entraver la justice » ; en l’absence de cet élément intentionnel, il considère que l’infraction n’est pas établie à cette époque et qu’elle est prescrite pour tout ce qui précède.

30 novembre 2019

La Samaritaine

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Après plus de 15 ans d’absence, c’est acté, la Samaritaine va réouvrir ses portes au grand public en avril 2020, comme annoncé par son propriétaire, LVMH, le 19 novembre dernier.

Cette nouvelle sonne la fin d’un (très) long feuilleton : on le rappelle, il aura fallu 5 ans aux propriétaires pour trouver un accord avec la mairie de Paris, 5 autres années pour obtenir un permis de construire et 5 ans à nouveau pour réaliser les immenses travaux de restructuration dont la facture s’élève à 750 millions d’euros.

Au delà d’une immense rénovation, la Samaritaine s’est offert une véritable métamorphose ! Sur les 70 000 mètres carrés de l’édifice Art Déco et Art Nouveau, le Grand Magasin en investira 20 000. Le reste de l’espace sera quant à lui alloué au Cheval Blanc, hôtel de luxe tout neuf, à des bureaux, des logements sociaux mais aussi une crèche !

Rendez-vous en 2020 !

30 novembre 2019

Clémentine Célarié

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30 novembre 2019

« “1984” d’Orwell illustre de façon prémonitoire ce qui se passe dans la Chine de Xi Jinping »

A l’image du sort réservé aux minorités musulmanes en Chine, l’Etat-parti veut tout savoir de tous. Alain Frachon, éditorialiste au « Monde », s’interroge : est-ce la préfiguration d’une tyrannie 2.0 ?Publié hier à 06h00, mis à jour hier à 07h47   Temps deLecture 4 min.

Chronique. Ce 20 novembre, l’éditorial du New York Times portait ce titre : « “1984” in China » ; « 1984 en Chine ». Pour comprendre ce qui se passe dans le pays de Xi Jinping, il faudrait relire un roman britannique de 1949 – Nineteen Eighty Four – signé George Orwell ? Pourquoi maintenant ? Parce que l’œuvre d’Orwell, pas seulement 1984, devrait être un antidote à l’un des périls de l’époque : les régressions multiformes de la liberté.

1984 (« Folio ») et La Ferme des animaux (1945, « Folio ») sont deux livres dans lesquels Orwell (1903-1950) soulève le capot de la mécanique totalitaire. Il s’appuie sur ce qu’il a connu : fascisme, nazisme et communisme soviétique. Il décrypte l’escamotage de la réalité, l’usage systématique du mensonge, la réécriture de l’histoire, la répression de toute dissidence et, surtout, la volonté de « contrôler les esprits ». Immenses succès, ces deux romans illustrent de façon prémonitoire ce qui se passe dans la Chine de Xi Jinping. 1984 est interdit en Chine.

Les informations du New York Times et celles du Monde ont confirmé et détaillé le sort réservé aux minorités musulmanes de Chine, ouïgoure et kazakhe, notamment. Des centaines de milliers de musulmans, peut-être plusieurs millions à ce jour, sont ou ont été internés dans des camps de rééducation idéologique. Ils sont visés pour ce qu’ils sont, musulmans, et soumis à un lavage de cerveau collectif, afin de ne plus l’être.

Emprisonnés sans procès pour « crime de la pensée », victimes d’un système de surveillance collective numérique sans précédent. Les portables des quelque 30 millions de Ouïgours sont mécaniquement et systématiquement espionnés. L’Etat-parti veut tout savoir de tous : préfiguration d’une tyrannie 2.0 imposée à l’ensemble des Chinois ?

A ce jour, le seul pays à majorité musulmane à avoir dénoncé le sort réservé aux Ouïgours est la Turquie. Les autres pays de l’aire arabo-islamique se taisent, marché et investissements chinois obligent. La Chine entend imposer sa conception des droits de l’homme à l’étranger. Pékin veut policer le discours sur la Chine hors de ses frontières et use de sa puissance économique à cette fin. Trop souvent galvaudé, l’adjectif « orwellien » colle à la réalité.

« La liberté de l’esprit »

Deux livres récents éclairent la puissance évocatrice et analytique de l’œuvre de cet Anglais dégingandé, fine moustache et vieille veste en tweed, cravate mal ficelée, maigre comme un chat sauvage et pauvre pour rester libre : Dans la tête d’Orwell, un inédit de Christopher Hitchens (1949-2011), préfacé et traduit par Bernard Cohen (Saint-Simon, 172 p., 19,80 euros), et Sur les traces de George Orwell, de notre confrère du Figaro Adrien Jaulmes (Equateurs, 154 p., 15 euros) – voir l’article d’Alain Beuve-Méry dans Le Monde du 2 novembre. Ecrivain à l’œuvre multiple, Orwell, rappellent ces deux livres, a payé de sa personne pour chacune des causes qu’il a défendues. Qu’il s’agisse d’être aux côtés des républicains espagnols, de partager la vie du prolétariat du Royaume-Uni ou des plus misérables des Parisiens.

Orwell a pourfendu tous les « ismes » de son époque. Chez lui, écrit Cohen, « tout converge vers une seule idée, la liberté de l’esprit », dont la préservation conditionne le maintien de la démocratie. Or, cette dernière régresse aujourd’hui. Le modèle autocratique est en vogue. Pour la première fois depuis 2000, le nombre de pays se dirigeant vers un style de gouvernement autocratique dépasse ceux qui vont vers la démocratie. L’Institut Montaigne cartographie Le Monde des nouveaux autoritaires (Editions de l’Observatoire, préface de Michel Duclos, 270 p., 19 euros). L’autocratie séduit jusque dans les rangs des démocraties occidentales. A la tête de la plus puissante d’entre elles, Donald Trump est béat d’admiration devant les tyrans de son temps.

La tentation autocrate

En France, la diplomatie au culot d’un Vladimir Poutine fait des adeptes : « lui, au moins, il en a ! » Au temps de la guerre froide, Orwell dénonçait déjà cette sorte « d’envie occidentale devant le total manque de scrupule soviétique » sur la scène internationale. La Chine vante l’efficacité économique de son modèle de gouvernement et en assure discrètement la promotion. Face à la complexité des questions à résoudre – croissance, climat, migrations, lutte contre les inégalités –, la démocratie libérale ne serait plus le bon modèle. On nous refait le, mauvais, coup des « libertés formelles » dites « bourgeoises », affaires secondaires comme chacun sait, opposées aux « réelles », les impératifs de la croissance ou la célébration nationaliste.

Au début de l’automne, intervenant lors du Monde Festival, le politologue Dominique Reynié observait : « Nous sommes dans un cycle historique où il est possible que la démocratie disparaisse. » Evoquant la Chine, le patron de la Fondation pour l’innovation politique s’interrogeait sur « un monde où la plus grande puissance serait un pays qui récuse formellement toutes les valeurs de la démocratie occidentale ».

Contre la tentation autocrate, la philosophe Cynthia Fleury réaffirmait, à cette même tribune, la force et la pertinence de la démocratie libérale. Elle est peut-être médiocre, laborieuse, grisailleuse, pagailleuse, mais, dit Fleury, c’est le régime qui « intègre en son sein la complexité et le contradictoire ». Ce qui laisse l’impression qu’elle est « toujours en crise », mais fait aussi son humanité. Cette vérité est au cœur des livres d’Orwell, puissants manuels de lutte contre tous les manichéismes. Plus nécessaires que jamais.

P.S. Sujet pas si éloigné, Arte diffuse le mardi 3 décembre Venezuela, l’ombre de Chavez, passionnant film de Laurence Debray pour comprendre cette tragédie : comment ruiner un pays en moins d’une génération (et sur Arte.tv du 26 novembre au 31 janvier 2020).

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30 novembre 2019

Quand Luc Besson se rêvait nabab du cinéma français

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Par Maroussia Dubreuil

Printemps 2000. Auréolé de ses succès populaires, le cinéaste monte EuropaCorp, un studio qui doit lui permettre de rivaliser avec les géants américains. Vingt ans plus tard, le petit empire est criblé de dettes tandis que dix mois de prison viennent d’être requis contre son fondateur pour licenciement abusif.

Ce jour de printemps 2000, Luc Besson rumine une mauvaise nouvelle. Dans le petit bureau de sa société de production, Leeloo, du nom de l’héroïne de son film Le Cinquième élément, sorti trois ans plus tôt, le réalisateur aux cheveux blond oxygéné est furieux : Nicolas Seydoux, président-directeur général de Gaumont, a refusé de lui laisser acquérir les 5 % de parts de son groupe. De quoi échauffer le champion du box-office, qui, à 40 ans, a rempli les caisses de la plus ancienne société cinématographique au monde, avec Le Grand Bleu (1988), Nikita (1990), Léon (1994) et Le Cinquième élément (1997). De quoi faire enrager celui qui s’est toujours voulu autant producteur que réalisateur, au point de fonder sa première boîte dès 1979.

C’est donc tout ouïe que, les jours suivants, il accueille la proposition de Michèle et Laurent Pétin, ses deux amis de longue date, dirigeants de la société de distribution ARP, avec qui il a produit les deux premiers volets des Taxi (1998 et 2000). Le couple envisage de fonder avec lui une société indépendante de production et de distribution. Leur plan ? ARP (alors 80 films à son actif et deux Palmes d’or : Adieu ma concubine, de Chen Kaige, en 1993, et Rosetta, des frères Dardenne, en 1999) se chargerait des films d’auteur et Luc Besson des films grand public. Du 50-50. « Pas la peine de sortir de Saint-Cyr pour avoir cette idée de mêler les genres, reconnaît Laurent Pétin. Elle vient du producteur Claude Berri avec qui j’ai travaillé pendant quinze ans. » A la table du restaurant Asia, avenue George-V, à Paris, Luc Besson fond en larmes : « On ne m’a jamais fait un cadeau pareil ! »

Très coûteuse Cité du cinéma

Mais, quelques semaines plus tard, il réajuste le deal en sa faveur et pose sur la table un nouveau schéma : 50 % pour lui, 40 % pour ARP et 10 % pour Pierre-Ange Le Pogam (à l’époque patron de la distribution chez Gaumont). « Je me souviens avoir comparé la situation à la scène d’Astérix et Obélix : mission Cléopâtre dans laquelle Obélix donne à ses amis deux mini-parts de gâteau et se garde la plus grosse, ironise Michèle Pétin. « Bah, quoi, j’ai coupé en trois ! », s’excusait Obélix ! » Ils se retirent. Mais Besson développe leur idée : mettre la main sur toute la chaîne transversale du cinéma pour prendre une marge un peu partout avant la remontée des recettes des films (production et distribution cinématographiques, mais aussi vidéo, musique, salles, vente des droits télé pour la France, vente des droits internationaux et jeux vidéo) en construisant une alternative au monopole hollywoodien : EuropaCorp.

C’est cette même entreprise qui aujourd’hui, après avoir produit un peu plus de la moitié des plus importants succès français au box-office mondial (Le Transporteur 3, la franchise des Taken et Lucy), connaît une perte de 109,9 millions d’euros sur l’exercice 2018-2019, la même qui n’est guère parvenue à faire marcher sa très coûteuse Cité du cinéma à Saint-Denis, surnommée « Hollywood-sur-Seine », ni à connaître le succès avec son grand œuvre intergalactique, Valérian et la Cité des mille planètes, en 2017. Placée sous procédure de sauvegarde par le tribunal de commerce de Bobigny, le 13 mai, pour une durée initiale de six mois, la société s’est vu, le 30 octobre, octroyer un délai supplémentaire d’un semestre pour restructurer sa dette.

Les déboires ne s’arrêtent pas là. Mercredi 27 novembre, le parquet du tribunal correctionnel de Bobigny a requis dix mois de prison et 30 000 euros d’amende contre le producteur et 50 000 euros d’amende contre EuropaCorp pour harcèlement moral à l’encontre de Sophie F. « Je devais retranscrire tous ses scénarios à partir de textos sur mon téléphone personnel. C’est quelqu’un qui ne me parlait pas, qui ne m’aimait pas. (…) J’étais devenue pour lui comme le Siri d’Apple, son esclave », a expliqué l’ancienne assistante de direction, durant l’audience à laquelle ne s’est pas présenté Luc Besson. Le cinéaste était convoqué pour licenciement abusif, début 2018, alors que Sophie F. était en arrêt maladie.

Aucun des efforts pour renflouer les caisses n’a fonctionné. EuropaCorp espérait gagner son salut avec Anna, variante moscovite de Nikita, réalisée par Luc Besson, mais la sortie du film, l’été dernier, a été ébranlée par les accusations d’agression sexuelle qui touchent son producteur-réalisateur. Alors que les deux premières plaintes pour viol déposées les 18 mai et 6 juillet 2018 par l’actrice belgo-néerlandaise Sand Van Roy, avec laquelle il a eu une liaison, ont été classées sans suite par le parquet de Paris, une enquête a été rouverte le 2 octobre, lorsque la jeune femme s’est portée partie civile.

Mis sur la touche, Luc Besson, qui dément les accusations, a mis à profit son temps libre pour suivre une psychothérapie et écrire ses Mémoires, Enfant terrible (XO Éditions), parues le 10 octobre dernier. Passée plutôt inaperçue, cette autobiographie revient sur sa jeunesse en manque d’amour et ses premiers pas dans le cinéma. Sur le plan financier, alors que des discussions sont en cours quant à l’avenir d’EuropaCorp, Luc Besson aurait refusé, en juillet, l’offre de reprise de Pathé et opté pour celle du fonds américain Vine Alternative Investments, selon Le Journal du dimanche du 14 juillet. Une issue amère pour celui qui, vingt ans plus tôt, s’était rêvé un destin de nabab.

Présider le jury du Festival de Cannes

En mai 2000, si aucune annonce n’a officialisé le grand projet de Luc Besson, la profession est sur le qui-vive. « Gaumont restait sur ses gardes, Pathé avait peur, Thomas Langmann [producteur et fils de Claude Berri] était impressionné, décrit Laurent Lufroy, affichiste attitré de Luc Besson depuis Le Grand Bleu. Inquiets ou subjugués, tous me posaient des questions, même des producteurs de majors américaines. » D’autant que Besson, dont les films sont souvent méprisés par la critique, se voit attribuer l’honneur de présider le jury du Festival de Cannes en cette année si symbolique. « Il nous emmène résolument vers l’avenir », justifiait alors Gilles Jacob, ancien délégué général du Festival. Pourtant, à la différence de ses prédécesseurs (Francis Ford Coppola, Martin Scorsese et David Cronenberg), ses films n’ont jamais concouru en Sélection officielle et Luc Besson garde un mauvais souvenir de la projection du Grand Bleu, en ouverture, douze ans plus tôt : « Grand blues sur la grande bleue : Luc Besson traite l’écran de cinéma comme la vitre d’un aquarium » avait écrit Libération.

Pour réussir sa quinzaine, le jeune président a pris le temps de réviser. « Avec mon mari, nous lui avons conseillé des films à visionner avant le Festival », se souvient Michèle Pétin. Heureux de découvrir des œuvres qu’il n’aurait pas vues ailleurs, « Président Camembert » (son surnom sur la Croisette, sans doute en raison de ses goûts culinaires) profitera également de son règne pour évoquer en filigrane son avenir : « J’ai envie de créer une maison des artistes où les jeunes et les moins jeunes pourraient se croiser », livre-t-il, le 5 mai, à la revue spécialisée Le Film français. De retour à Paris, après avoir donné la Palme d’or à Dancer in The Dark, la comédie musicale de Lars von Trier, il retrouve son look jeans-baskets pour lancer la production du premier film qui sortira, un an plus tard, sous le label Europa (Corp s’ajoutera par la suite) : Yamakasi.

Eviter un mauvais procès médiatique

Soit les aventures de sept jeunes de banlieue qui, super-héros du bitume, jouent à saute-mouton entre deux tours HLM. « Il voulait relancer la comédie d’action, qui avait été totalement abandonnée, commente un de ses anciens employés qui souhaite garder l’anonymat. En montrant des jeunes de quartier qui n’étaient pas des dealeurs ni des voleurs de Mobylette, il souhaitait aussi donner une visibilité à une jeunesse qui n’allait plus voir les films français. » Luc Besson fait appel à des acteurs inconnus et confie l’écriture et la réalisation de Yamakasi à un jeune homme de 29 ans, Julien Seri. Ce champion de kyokushinkai (un style de karaté) est aussi un réalisateur de publicité multiprimé. Le jeune sportif au crâne rasé est alors plein d’estime pour son mentor qui parle régulièrement au téléphone avec ceux qui comptent, tantôt le réalisateur David Fincher, tantôt le président Jacques Chirac. Mais leur collaboration va mal tourner.

Sur le tournage, Julien Seri dénonce une manière de faire « dont la rentabilité est le mot d’ordre », selon l’enquête détaillée de Geoffrey Le Guilcher, Luc Besson. L’homme qui voulait être aimé. La biographie non autorisée (Flammarion, 2016), et refuse de retourner des plans à la manière Besson (qui privilégie les scènes d’action). Il est renvoyé. L’affaire finira aux prud’hommes : Julien Seri touchera la fin de ses salaires non payés, soit 54 130 euros. Luc Besson passera un accord avec lui au sujet des droits d’exploitation pour s’éviter un mauvais procès médiatique.

Avant la sortie du film, le producteur doit rapidement trouver un logo signifiant pour le monde entier. « Je veux qu’il ait tous les attraits d’une major américaine et qu’on ait l’impression qu’il a toujours existé », demande-t-il à son affichiste, Laurent Lufroy. Ce dernier se penche d’abord sur les représentations de la princesse Europe dans la mythologie grecque avant de se raviser : « Columbia avait déjà sa femme ! » Et pourquoi pas une carte de l’Europe ? Mais cela fait près d’un siècle qu’Universal fait tourner son globe terrestre.

« Le dauphin, c’est son identité. Enfant, il m’offrait toujours des babioles en forme de dauphin. » Jacotte Perrier, ancienne amie de la famille Besson

Finalement, le sigle retenu par Luc Besson trouve son inspiration dans le dernier plan de Microcosmos. Le Peuple de l’herbe (1996), de Claude Nuridsany et Marie Pérennou, dans lequel un moustique naît dans un plan d’eau. « Comme je suis aussi fan des illustrations d’Alan Lee [concepteur visuel et directeur artistique de la trilogie du Seigneur des anneaux], j’ai remplacé le moustique par une fée qui sortait de l’eau », raconte Laurent Lufroy. « Et si quelque part on pouvait mettre des dauphins ? », réclame Luc Besson. « Le dauphin, c’est son identité. Enfant, il m’offrait toujours des babioles en forme de dauphin, sourit Jacotte Perrier, 72 ans, ancienne amie de la famille Besson. Comme ses parents étaient instructeurs de plongée au Club Med pendant l’été, il passait son temps dans l’eau avec un tuba. Luc était fier de sa mère et racontait souvent qu’elle était la seule à pouvoir nager au milieu d’un banc de dauphins. »

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EuropaCorp est officiellement créée le 27 novembre 2000 par Luc Besson et son associé Pierre-Ange Le Pogam, qui détient 8 % des parts. Pour chapeauter la trentaine d’employés (pour la plupart intermittents), les deux patrons constituent une petite équipe capable de monter des films, mais aussi de les placer auprès de gros distributeurs, quitte à les survendre (comme la comédie Wasabi à Universal, en 2001), de faire du placement de produits Audi ou Nokia. Le rythme de travail est soutenu : il faut produire beaucoup pour répartir le risque. " On travaillait dans une ambiance start-up où tout était possible, explique Olivier Doyen, ancien directeur marketing. Dès qu’une idée était bonne, on y allait. "

« En créant sa major, Luc Besson s’est rendu compte que les mauvais films faisaient plus d’argent que les bons », formule un ancien collaborateur. A la réalisation, Luc Besson engage le plus souvent des inconnus : un assistant, Patrick Alessandrin (15 août, 2001), un débutant, Chris Nahon (Le Baiser mortel du dragon, 2001), puis offre sa chance à un stagiaire, Louis Leterrier (Le Transporteur, 2002), qu’il prend soin d’entourer de ses plus fidèles techniciens : « Le machino répétait à Luc Besson tout ce que je disais, pointait quand j’allais aux chiottes ou quand j’allais déjeuner », s’émeut un ancien poulain, qui a mal vécu la surveillance du grand chef.

Dès sa première année, la société lance en production un long-métrage capable de rivaliser avec Hollywood : les aventures d’un chauffeur spécialisé dans les opérations violentes, tourné dans le sud de la France avec l’acteur britannique Jason Statham. Le Transporteur rapportera quarante millions d’euros. « Luc Besson appliquait la méthode américaine au budget français, explique William Pruss, premier assistant réalisateur sur plusieurs productions EuropaCorp. Son système s’inspire du studio américain Nu Image, fondé en 1992, qui arrive à faire des films d’action avec un budget serré, des réalisateurs débutants et le final cut pour le producteur. Mais il dépensait vingt à trente millions quand les Américains en dépensaient cinq fois plus. »

Si Luc Besson vise le marché américain et engage des acteurs anglophones, il refuse néanmoins d’y délocaliser ses productions, gardant un mauvais souvenir des conditions drastiques imposées par un syndicat américain de techniciens du cinéma sur le tournage de Léon à New York, en 1993. « Comme ce syndicat décide du nombre de techniciens par film, il a été obligé d’engager un cadreur alors qu’il cadrait lui-même. Le type a passé ses journées assis sur un cube », explique Thierry Arbogast, chef opérateur de Luc Besson depuis Nikita. Un autre marché va rapidement l’intéresser : la Chine. Aussi produit-il, dès 2001, Le Baiser mortel du dragon, avec Jet Li dans le rôle principal.

Entièrement dédié au développement de sa multinationale jusqu’en 2005 (année où il tourne Angel-A), Luc Besson ne réalise plus. « Il pouvait devenir un cadreur supplémentaire quand il estimait qu’un réalisateur avait besoin d’aide », nuance néanmoins William Pruss. EuropaCorp aurait-elle eu raison de son inspiration créatrice ? « Avant l’âge de 40 ans, il avait une compréhension incroyable du monde des ados, analyse un ancien employé qui reste anonyme. Le Grand Bleu, Nikita, Léon, Jeanne d’Arc, ce sont toutes des histoires d’ados qui ne veulent pas rentrer dans le monde des adultes. Mais, après 40 ans, il n’arrive plus à exprimer cela. » En réalité, Jeanne d’Arc (1999) aurait scellé la fin de sa première époque de cinéma motivée par ses amours et muses, Anne Parillaud, Maïwenn et, enfin, Milla Jovovich.

« L’expérience a été compliquée pour lui, car Milla Jovovich l’a quitté pendant le montage de Jeanne d’Arc. Après, il disait qu’il était fatigué, qu’il voulait lever le pied, confie Michèle Pétin. Il était raide dingue d’elle ! Quand ils étaient ensemble, c’est d’ailleurs la seule fois où je l’ai vu mince. Comme elle n’arrêtait pas de lui dire qu’il mangeait mal, il avait pris un coach sur le tournage de Jeanne d’Arc, qui lui apportait une assiette avec trois fraises pour le goûter. à chaque fois, je me disais que Luc allait l’emplâtrer, mais, non, il mangeait ses trois fraises. Et, quand elle fumait des pétards à table avec des copains, Luc ne disait rien alors qu’il déteste la drogue et qu’il emmerde tout le monde pour une cigarette. Cette rupture l’a anéanti. »

Enfermé dans son domaine

En 2000, désormais en couple avec une productrice, Virginie Silla, ancienne stagiaire de la Gaumont devenue sa collaboratrice (puis son épouse, en 2004, et la mère de trois de ses enfants, Thalia, Sateen et Mao), il se consacre à la production et s’enferme dans son domaine en Normandie, le château des Lettiers, acheté à l’origine pour Milla Jovovich qui voulait monter à cheval. « Quand elle l’a quitté, il s’est demandé comment ça pouvait lui coûter le moins cher possible, raconte Laurent Pétin. Je me souviens qu’il voulait virer une sublime allée de boules de buis de deux mètres de haut. Je lui ai dit de m’avertir du passage du jardinier, car j’étais partant pour les reprendre. « Ah bon ? Ça a de la valeur, ça ? », me lança-t-il. Comme ces buis valaient de l’argent, il les a gardés. C’est comme ça qu’il pense. »

Mais il n’est pas question de villégiature dans ce château, au parc traversé par des cerfs, que la Fédération des chasseurs de l’Orne voudrait voir abattus, ayant attaqué, début novembre, Luc Besson, au motif qu’ils abîmeraient les champs voisins. Dans la propriété se mêlent travail et vie privée. Le château devient le studio Digital Factory d’EuropaCorp : un lieu d’écriture et de postproduction destiné aux films EuropaCorp. « A son échelle, il fait avec son château normand comme Stanley Kubrick dans son manoir anglais ou George Lucas dans son ranch californien [qu’il a visité à 18 ans] : en reconstruisant une place forte personnelle, il se donne les moyens de sa liberté économique, tout en consolidant les digues qu’il juge nécessaires à sa solitude et à sa protection », formulait le critique Olivier Séguret, dans Libération, le 6 mars 2000, après une interview sur place.

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En Normandie, la mère de Luc Besson, Danièle Plane, « Dadou » pour les intimes, s’est occupé de la déco – baignoires en zinc, lits à baldaquin, une chambre s’appellerait « Gérard Philippe ». Sur le site résidentiel de deux cents hectares, le Moulinsart en brique rouge est réservé à l’usage personnel et familial du maître des lieux et, tout autour, des dépendances hébergent les employés. « Quand j’y suis allé pour répéter, j’avais l’impression que c’était une des planques de Mesrine parce que ce château est introuvable ! », plaisante Edouard Montoute, acteur récurrent de la série de films Taxi.

« Luc Besson avait une idée par jour, comme les ados. C’était toujours les mêmes sortes d’idées. Elles tenaient sur une page, mais il arrivait à en faire des scénarios. » Nathalie Chéron, amie d’enfance

« Luc a tellement manqué quand il était enfant qu’il est devenu très malin avec l’argent, sourit Jacotte Perrier. Avant que sa mère ne refasse sa vie avec François Guerre-Berthelot, un pilote de formule 2, elle menait une vie de bohème et n’avait pas un rond. Quand elle n’était pas monitrice de plongée, elle travaillait comme mannequin junior pour l’agence Catherine Harlé et habitait avec Luc, sous les toits, boulevard Sébastopol, à Paris. Quand le petit sortait de l’école, il traînait dans le parc en face, où il croisait les putes de la rue Saint-Denis qui lui donnaient à manger. Il a toujours eu un peu honte de cette vie-là. Depuis, il règle ses comptes en voulant prouver à la France qu’il existe. »

Les premières années d’EuropaCorp filent à toute allure et la start-up se meut en petit empire du cinéma. « Luc Besson avait une idée par jour, comme les ados, décrit Nathalie Chéron, amie d’enfance, devenue sa directrice de casting sur une dizaine de films. C’était toujours les mêmes sortes d’idées. Elles tenaient sur une page, mais il arrivait à en faire des scénarios. » Fort en pitch, il obtient facilement des financements, notamment auprès de Canal+. A peine cinq ans après la mue de Leeloo Productions en EuropaCorp, le siège de la rue Ampère, à Paris, dans le 17e arrondissement, déménage pour une adresse plus prestigieuse, un hôtel particulier surnommé « le petit Elysée », au 137, rue du Faubourg-Saint-Honoré, dans le chic 8e arrondissement.

Tous les ans, il descend à Cannes, pendant le Festival, où il invite les musiciens électros 2 Many DJ’s ou David Guetta à ambiancer ses fêtes. « En 2003, pour l’avant-première de Haute Tension, d’Alexandre Aja, il nous avait installés sur des transats avec des couvertures de survie devant un écran géant au bord de sa piscine, se souvient une invitée. On nous servait du champagne à la fraise pendant la projection. On était choyés ! »

Des collaborateurs fâchés

Dès la création d’EuropaCorp, il envisage de l’introduire en Bourse. « C’est son voisin dans le Midi, Achille Delahaye, un millionnaire de 35 ans, qui lui a mis cette idée en tête », retrace Laurent Pétin. Attiré par le monde de la finance, le producteur devient alors de plus en plus inaccessible au sein même de sa société. S’il peut toujours compter sur ses fidèles piliers, le chef opérateur Thierry Arbogast ou bien le directeur de production Bernard Grenet, les jeunes réalisateurs qu’il a formés sont partis parce qu’ils rêvaient d’Amérique ou parce qu’ils ne supportaient plus la pression.

D’autres collaborateurs, fâchés, ont tiré une croix sur lui. « Sa méthode, c’est celle du professeur sadique dans le film Whiplash [de Damien Chazelle, 2004] : il vous pousse dans vos retranchements, mais, si vous ruez dans les brancards, vous êtes puni, regrette la directrice de casting Nathalie Chéron. Moi, j’ai été punie après Valérian parce qu’il a décidé que j’avais fait courir le bruit qu’il couchait avec des mannequins sur le tournage… Comme si j’étais la seule à avoir travaillé sur ce plateau de 250 personnes ! »

Nombreux sont ceux qui parlent de lui avec amertume, encore étonnés par la personnalité mystérieuse de l’homme qui rêvait de bousculer le cinéma français. Et Nathalie Chéron d’ajouter : « Ce qui est très troublant chez lui, c’est qu’il a beau être un homme d’affaires redoutable pour monter des deals, diriger et embobiner des gens, quand il raconte une histoire ou des blagues, au fond, c’est un mec qui a 12 ans. » Le 6 juillet 2007, jour d’entrée en Bourse d’EuropaCorp, quand tous sabrent le champagne, Luc Besson n’entend pas les mises en garde de certains de ses collaborateurs essorés par les sept premières années de l’entreprise. Certains murmurent que c’est le début de la fin. Heureux comme un enfant parmi les adultes, Luc Besson, qui n’aime pas l’alcool, trinque avec un verre de jus d’orange.

30 novembre 2019

Alfred Hitchcock - Thanksgiving

30 novembre 2019

Reportage - A Hongkong, la jeunesse guidant le peuple

Par Florence de Changy, Hongkong, correspondance

Dans un territoire miné par les inégalités, les jeunes Hongkongais ressentaient un profond mal-être. En luttant ensemble pour préserver leurs libertés, ils ont découvert la fraternité. Une solidarité qui a gagné le reste de la population, comme le montrent les élections de district remportées par le camp anti-Pékin.

Vautrés entre un amas de caisses et quelques chaises dépareillées sur un trottoir du quartier populaire du port de pêche d’Aberdeen, au sud de l’île de Hongkong, un petit groupe d’hommes mûrs aux airs de caïds, en marcels, shorts et tongs, prend le frais par cette soirée encore chaude de novembre.

Ils regardent amusés « leurs jeunes » : masqués, habillés en noir de la tête aux pieds, des manifestants démontent méthodiquement les trottoirs, brique après brique. Des bâtons d’encens brûlent devant un petit temple taoïste. Plus loin, on entend résonner le son métallique de poubelles renversées pour renforcer les barricades de rue. Les taxis font demi-tour en soupirant, mais le quartier semble plutôt bienveillant.

Désordres

Ce n’est que « la troisième ou quatrième fois », selon les habitants, qu’Aberdeen participe aux désordres qui se sont répandus sur tout le territoire de Hongkong depuis le mois de juin. Après la mort du premier manifestant, le 8 novembre (dans des circonstances troubles qui alimentent le soupçon d’une bavure policière), le mouvement a appelé en ligne à des actions dans trente-cinq quartiers. La police antiémeutes est déjà sur place, mais elle hésite à s’engager dans cet étroit canyon d’immeubles…

Quand finalement la troupe s’élance, dans un bruit de bottes et de coups de matraque sur les boucliers, les jeunes détalent. Il ne reste que les « oncles » qui continuent de discuter en se grattant le ventre. Des fenêtres, obstruées par des barres chargées de linge, émanent quelques insultes anonymes, qui déclenchent autant de rires gras, et la « chute », tout aussi anonyme, de canettes vides non loin des policiers casqués.

Vandalisme politique

Il n’y a pas si longtemps, le policier hongkongais était l’archétype du rôle modèle, incarné par les plus grandes stars du cinéma local. Jeter un mégot de cigarettes ou écrire sur un mur pouvait coûter une amende sur-le-champ. Il a suffi de quelques mois pour que le policier devienne l’ennemi public numéro un aux yeux d’une partie importante de la population ; pour que l’inconduite et même le vandalisme se muent en affirmations politiques ; et que la jeunesse se dresse comme un seul homme, osant rêver de liberté. Ses nouveaux héros sont les yung mo pai, littéralement « le groupe courageux et armé », ceux qui osent se confronter aux forces de l’ordre.

Depuis l’échec du « mouvement des parapluies » de 2014 et les attaques récurrentes de Pékin sur les libertés civiles de l’ancienne colonie britannique, les jeunes Hongkongais semblaient pourtant avoir décidé de courber l’échine. Ils av

La « no hope generation », la « génération sans espoir », c’est ainsi que le professeur de sciences politiques à l’université chinoise de Hongkong (CUHK), Po-chung Chow, appelle ces jeunes qui n’ont pas connu la tutelle britannique (Hongkong est passée sous tutelle chinoise le 1er juillet 1997). Depuis 2014, ils ont compris que la Chine ne leur donnerait sans doute jamais la démocratie promise par la Basic Law (la loi fondamentale de Hongkong qui fait office de « mini-Constitution »). Ils rejettent désormais de manière viscérale le futur proposé par la « mère patrie ». D’autant qu’à la différence de la jeunesse chinoise, eux ne bénéficient guère de la prospérité économique.

Profond mal-être

Une double impasse, politique et socio-économique, à laquelle n’échappent pas les étudiants « qui représentent pourtant l’élite », s’alarme le professeur Chow. Ces jeunes sont les principaux artisans de la révolte qui secoue la région administrative spéciale depuis que les autorités ont tenté au printemps d’imposer une nouvelle loi d’extradition. Et ni la suspension du projet (dès le 15 juin), ni même son abandon (en octobre) n’ont permis d’apaiser leur colère. Car derrière cette retentissante aspiration à la liberté s’exprime aussi un profond mal-être.

« Si vous saviez à quel point nos conversations sont sinistres », nous confie avec un sourire triste « V », 27 ans, longue frange raide sur des lunettes rondes, qui préfère ne s’identifier que par l’initiale de son prénom. C’est elle qui a tourné le superbe clip du Glory to Hong Kong, un hymne vibrant composé pour le mouvement par un jeune compositeur partisan.

Cette nuit-là, elle retrouve « C », 29 ans, son coproducteur, et « S », 30 ans, le chef d’orchestre, dans un bar à nouilles aux néons tremblotant de Causeway Bay. « On parle principalement d’émigrer, oui, de quitter Hongkong. Et aussi de la difficulté à fonder une famille », ajoute « C ». Ils affirment tous les trois que leur vidéo (qui montre des musiciens et des choristes avec masques à gaz, gants, casques, etc.) a pour but premier de redonner du courage et de l’espoir aux jeunes.

« Franchement, l’inspiration nous vient de notre dépression et de notre tristesse collectives. Je suis convaincue que, depuis le 12 juin, la jeunesse de Hongkong est en PTSD [état de stress post-traumatique] », affirme « V », faisant référence au mercredi noir, au tout début du mouvement, quand la police a réprimé, avec une force qui a semblé totalement disproportionnée, les dizaines de milliers de manifestants, des jeunes pour la plupart. La violence de cette répression, trois jours seulement après la marche paisible du 9 juin qui avait réuni un million de personnes, a installé la défiance, voire la haine entre les deux camps.

Jonas Chan, 30 ans, qui a choisi un nom d’emprunt de peur d’être fiché par les autorités chinoises, a « mis un point d’honneur à démissionner le 9 juin ». Ce fut son premier acte de résistance face à un patron qui se vantait d’aller à des manifestations « bleues », pro-Chine et pro-police, alors qu’il ordonnait à ses employés de « rester neutres ».

Logements minuscules

Jonas était agent immobilier pour l’un des quatre groupes qui contrôlent, avec une cupidité sans limite, la majorité du marché résidentiel et commercial du territoire. En démissionnant, il a sacrifié son ambition d’atteindre le rang de manageur, dont il approchait pourtant. Un grade qui lui aurait permis d’emprunter, sur trente ans, de quoi acheter un petit logement.

Habiter chez soi est pour beaucoup un rêve inaccessible dans cette mégapole où le prix du mètre carré est environ trois fois supérieur à ce qui se pratique à Paris intra-muros. Quant aux loyers, ils comptent toujours parmi les plus chers du monde. La moitié de la population se considère donc chanceuse d’avoir accès aux logements subventionnés, peu importe leur surface minuscule : onze mètres carrés sont alloués par personne.

« LES GENS QUI MANIFESTENT SONT POUR LA PLUPART PAUVRES OU ISSUS DES CLASSES MOYENNES. LEUR LIBERTÉ EST CE QU’ILS ONT DE PLUS PRÉCIEUX. ILS NE LA CÉDERONT PAS À LA CHINE. » JONAS CHAN (NOM D’EMPRUNT), 30 ANS

Nombre de jeunes couples, qui continuent de vivre séparément chez leurs parents respectifs, y compris après le mariage, ne peuvent se retrouver que dans des « love hotels ». « Certains de mes amis mettent juste la télé plus fort et s’enferment dans leur chambre. Tout le monde comprend. Mais si on peut, c’est sûr qu’on est plus tranquille dehors », explique Jonas.

Jonas a eu une enfance particulièrement difficile. Né dans une famille démunie, il a grandi dans la partie nord des nouveaux territoires, limitrophe de la Chine continentale, moins développée et moins riche que le reste de la région administrative spéciale. Après avoir vu le film La Mélodie du bonheur (1965) sa mère s’était mis en tête d’avoir douze enfants. Son père, journaliste pour des médias chinois, déserta le domicile conjugal à l’arrivée du cinquième. Il n’a donc pas besoin qu’on lui explique l’immense écart de richesse qui prévaut à Hongkong, le plus fort de toutes les économies développées.

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« Les gens qui manifestent sont pour la plupart pauvres ou issus des classes moyennes. Leurs parents ne peuvent pas les aider à payer l’apport initial pour un appartement, même microscopique. Ils sont bien éduqués, mais ils savent qu’ils ne seront jamais assez riches pour s’acheter un logement. Ils n’ont pas grand-chose à perdre. Leur liberté est ce qu’ils ont de plus précieux. Ils ne la céderont pas à la Chine », estime le jeune Hongkongais.

Sentiment de liberté

Paradoxalement, c’est aussi « un nouveau sentiment de liberté » que leur a apporté le mouvement, observe le professeur Chow. Le chant Glory to Hong Kong en parle à chaque ligne et quand les jeunes l’entonnent ensemble, spontanément, dans un centre commercial ou dans un stade, ils vivent quelque chose de très nouveau pour eux. « C’est pour cela que j’ai baptisé ce mouvement « l’été de la liberté » », précise Monsieur Chow devant un gobelet de thé, sur l’une des terrasses du campus de la CUHK qui domine le Tolo Harbour, quelques jours avant que « Chinese U » devienne la première université à subir un assaut de la police, une semaine avant la PolyU (l’université polytechnique de Hongkong).

Comme beaucoup de Hongkongais, Jonas Chan a mis sa vie entre parenthèses et son confort en péril pour ce mouvement dans lequel il a choisi de se plonger corps et âme. Dix à douze heures par jour, il est sur Lihkg (prononcer « lindeng »), la plate-forme d’échanges du mouvement, et sur Telegram, la messagerie cryptée que les manifestants utilisent pour communiquer.

« A HONGKONG, LES CITOYENS SONT AVANT TOUT DES AGENTS ÉCONOMIQUES. CE MOUVEMENT LEUR A CONFÉRÉ UN RÔLE DIFFÉRENT ET FAIT DÉCOUVRIR LA FRATERNITÉ ET LA SOLIDARITÉ. » PO-CHUNG CHOW, PROFESSEUR DE SCIENCES POLITIQUES

« Nous sommes d’abord organisés de manière géographique, dans chaque district [le territoire de Hongkong est divisé en dix-huit districts]. Il y a aussi des sous-groupes en fonction de l’activité et de l’expertise, secouriste ou designer », explique Jason, un ancien policier qui a lui aussi rejoint le mouvement « à plein temps ». Sa vie a basculé un jour de 2014, quand, pendant une pause dans le mess des sous-officiers, ses collègues se sont enthousiasmés en voyant à la télévision des policiers matraquant la tête d’un jeune manifestant du « mouvement des parapluies ». « C’est totalement contraire à notre serment », rappelle-t-il.

Avec deux oncles et un cousin dans les rangs, il est lui-même issu d’une « famille de policiers », ce qui lui garantissait un certain confort (logement, retraite, etc.) et un salaire 20 à 30 % supérieur au marché, à qualifications égales. Mais, « à cause de [ses] valeurs occidentales », Jason a renoncé. Depuis deux semaines, il n’arrive plus à dormir. Le psychologue qu’il a consulté lui a conseillé d’éteindre ses écrans : téléphone, ordinateur et télévision. Impossible…

« A Hongkong, qui est un centre d’affaires, les citoyens sont avant tout des agents économiques. Ce mouvement leur a conféré un rôle différent et leur a fait découvrir des sentiments de fraternité et de solidarité nouveaux », souligne le professeur Chow. Jusqu’au printemps 2019, Jonas n’était qu’un « combattant du clavier » (keyboard fighter) : « Je faisais des commentaires politiques sur de nombreux forums en ligne. » Mais, depuis le mouvement, il a un rôle de terrain. Il a même emprunté de l’argent à un oncle pour louer une voiture et s’est mis à la disposition des manifestants pour les raccompagner chez eux après les manifestations. Il s’est fait plus d’amis en quelques semaines que pendant le reste de sa vie « d’avant », qu’il trouve aujourd’hui terriblement fade.

Equipes clandestines

« Franchement, je ne me reconnais pas. Avant ce mouvement, je n’avais aucun intérêt pour les autres. Pour rien au monde, je n’aurais été infirmier, par exemple. Maintenant, je regarde les Hongkongais comme des gens qui partagent les mêmes problèmes et qui se battent ensemble. Mes amis sont pareils », nous déclare-t-il, fin novembre, quelques jours après avoir fait partie des équipes clandestines chargées de récupérer dix-sept étudiants de l’université PolyU qui s’étaient enfuis par les égouts (mardi 26 novembre, quelques manifestants irréductibles étaient encore retranchés dans le campus, toujours assiégé par la police).

Ce mouvement a vite su se trouver des codes d’appartenance, à commencer par un look aussi pratique que photogénique, qui a évolué : leur panoplie, toujours en noir, a peu à peu intégré des masques respiratoires sophistiqués, des lunettes de natation ou de chantier, des casques… pour répondre aux nouvelles armes de la police.

Les manifestants ont également mis au point un langage des signes très efficace pour réclamer à distance de l’eau saline, des parapluies ou des masques. Les informations remontent ainsi à toute vitesse sur des centaines de mètres et se traduisent par des actions que tout le monde comprend en même temps. Cette fluidité qui fait leur force est directement inspirée d’une devise de Bruce Lee : « Sois comme l’eau, mon ami ». Difficile, à Hongkong, de trouver plus fédérateur que le génie des arts martiaux.

Absence de hiérarchie

Le « mouvement a aussi su tirer les leçons de l’échec du « mouvement des parapluies » ». En 2014, un conflit interne autour de « la grande estrade », qui symbolisait la voix des chefs du mouvement, avait semé la zizanie parmi les aspirants au changement. Ce « syndrome de la grande estrade » est pour beaucoup dans l’absence de hiérarchie de cette rébellion acéphale.

Un refus du leadership qui a aussi ses revers : lorsqu’un opposant a été aspergé d’un liquide inflammable et transformé en torche humaine d’un coup de briquet par un manifestant en colère, début novembre, personne ne s’en est vraiment ému. Nul besoin de dénoncer ou d’approuver, il faut avancer. Cette attitude permet paradoxalement au mouvement de gérer ses nombreuses contradictions, à commencer par son attachement à la liberté d’expression, mais sa tolérance zéro à l’égard des critiques ou des contradicteurs.

« QUAND VOUS VOYEZ UN COIFFEUR DE YAU MA TAI EN TRAIN DE PRÉPARER, LA NUIT, DES COCKTAILS MOLOTOV AVEC L’AIDE DES VOISINS, VOUS SAVEZ QU’IL SE PASSE QUELQUE CHOSE DE MAJEUR. » CHAN HO-TIN, FONDATEUR DU NATIONAL PARTY

« On n’est pas parfaits. Mais on apprend de nos erreurs et on ne cesse de s’autocorriger », nous déclare Andy Chan Ho-tin, fondateur du parti indépendantiste National Party, à présent interdit. Il ne faut pas se fier à sa chemise blanche, à sa raie sur le côté, à ses lunettes rectangulaires et à ses références à la Bible, Chan Ho-tin est l’un des plus radicaux de sa génération. Actuellement en liberté sous caution et soumis à un couvre-feu, il estime que le mouvement actuel est une prolongation de l’émeute dite « des boulettes de poisson ».

Beaucoup plus violente que le « mouvement des parapluies » de 2014, elle s’était déroulée dans le quartier de Mong Kok, en 2016. « A l’époque, nous avons été rejetés par la société pour notre approche violente face au gouvernement. Mais peu à peu, les Hongkongais comprennent que nous avions raison. Et, aujourd’hui, le manifestant moyen est au moins aussi radical que nous en 2016 ! » Il estime d’ailleurs que cette radicalisation est en cours de généralisation. « Cela va devenir comme en Irlande du Nord », prédit-il.

« Quand vous voyez un coiffeur de Yau Ma Tai [vieux quartier populaire du côté de Kowloon, la partie continentale du territoire] en train de préparer, la nuit, des cocktails Molotov dans ses bacs à shampooing, avec l’aide des voisins qui apportent qui des bouteilles en verre, qui du sucre, des briquets ou un bidon d’essence, vous savez qu’il se passe quelque chose de majeur à Hongkong », relève Chan Ho-tin.

Soutien populaire

En laissant exploser cette insolence insoupçonnée, la jeunesse de Hongkong a en effet emporté dans son élan une grande partie de la société, comme l’a montré le raz de marée en faveur des candidats de l’opposition aux élections locales, dimanche 24 novembre : ils ont raflé la majorité dans 17 des 18 conseils de district, avec un taux de participation record de 71 %. Ces résultats ont confirmé que, malgré ses excès et ses défauts, les Hongkongais soutenaient leur jeunesse et partageaient ses aspirations.

« Le mouvement est passé de la désobéissance civile à la désobéissance incivile », estime la philosophe Candice Delmas. Le sens aigu du civisme de la population, qui a notamment conservé de son héritage britannique l’amour et le respect des files d’attente au cordeau, atteint d’ailleurs un paroxysme de contradiction dans certains actes de vandalisme.

Ainsi, lors de la mise à sac du Parlement, le Legco (pour Legislative Council), le 1er juillet, alors que des graffitis avaient été peinturlurés partout et que les portraits de ses présidents avaient été lacérés, les manifestants qui s’étaient servis dans la cafétéria avaient laissé l’argent correspondant à leur snack dans un panier. « Casser est un acte politique. Mais nous ne sommes pas des voleurs », revendiquait la petite note d’explication.

« CE MOUVEMENT NOUS A DONNÉ DES FORCES INSOUPÇONNÉES, MAIS AUSSI PROUVÉ QU’IL N’Y AVAIT AUCUN ESPOIR DE COMPROMIS. ON A DE VRAIES RAISONS D’AVOIR PEUR ET ENCORE PLUS DE RESTER UNIS. » JONAS CHAN

De même, après avoir détruit l’énorme vitrine d’une banque de Central, le quartier d’affaires historique, mi-novembre, les manifestants ont placardé des « Excuses pour le dérangement », adressées aux employés de la banque… Ce qui n’empêche pas les quartiers les plus chics de la ville de voir leurs murs et leurs façades barbouillés de slogans et de graffitis comme jamais auparavant.

Qu quelques cols blancs, pendant une assemblée pacifique, mais illégale, se retroussent les manches de chemise pour placer un énorme palmier en pot au beau milieu d’une rue, afin d’empêcher l’éventuelle arrivée d’un camion de police, ne surprend plus grand monde… Autant dire que le mouvement a fait exploser les normes sociales hongkongaises.

Alors qu’il a pour le moment renoncé à chercher un emploi, Jonas est fatigué, frustré, mais plus déterminé que jamais. « Nous pouvons être fiers de ce mouvement et de la manière dont il a été mené jusqu’à présent. Il nous a donné des forces insoupçonnées, mais il nous a aussi prouvé qu’il n’y avait aucun espoir de compromis. Maintenant, on a de vraies raisons d’avoir peur. Et encore plus de raisons de rester unis. »

Cette solidarité, qui s’accompagne d’un nouveau sens des responsabilités vis-à-vis de son prochain, est pour beaucoup dans la longévité du mouvement. « Tous ceux qui se sont suicidés jusqu’à présent se sont excusés de nous laisser continuer le combat sans eux, confie « S », le chef d’orchestre. Nous n’avons pas le choix. Nous leur devons de continuer en leur nom. »

30 novembre 2019

Extrait d'un shooting. Dans une chambre d'hôtel. Photos : Jacques Snap

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30 novembre 2019

Abou Bakr Al-Baghdadi, rattrapé par tous ses ennemis

Par Marie Jégo , Gilles Paris et Madjid Zerrouky

L’assaut des forces spéciales américaines, dans la nuit du 26 au 27 octobre, à Baricha, au nord-ouest de la Syrie, contre le chef de l’organisation Etat islamique est l’aboutissement d’une longue traque et de la collecte de renseignements au cœur du groupe djihadiste.

Les nuits sont d’ordinaire plutôt calmes à Baricha, hameau adossé à la frontière turque, dans le nord-ouest de la Syrie. Parmi les millions de Syriens forcés de fuir la guerre, beaucoup y ont trouvé refuge dans des tentes de fortune campées au milieu des oliveraies, loin des bombardements de l’aviation russe qui ravagent le sud de la province d’Idlib. Le calme a été rompu, dans la nuit du samedi 26 au dimanche 27 octobre, par le vrombissement des hélicoptères, le sifflement des balles, des explosions et des aboiements de chiens.

Un commando des forces spéciales de l’armée

Le théâtre des opérations se concentre autour d’une petite maison délimitée par un mur d’enceinte, à environ 300 mètres de Baricha. Les lieux sont isolés, sans témoin – sauf peut-être un berger, sommé de répondre quelques heures plus tard à des combattants fébriles d’Hayat Tahrir Al-Cham (HTS), le principal groupe djihadiste de la région et ennemi déclaré de l’EI. Aux miliciens venus « enquêter » après avoir investi Baricha et ses alentours, le berger raconte : « J’ai vu des soldats étrangers débarquer des hélicoptères. » Il pense que certains d’entre eux, qu’il a entendus parler dans sa langue natale, sont arabes. « Ils ont crié dans des haut-parleurs : “Abou Mohammed, rends-toi !” Puis ils ont tiré sur la maison, dit-il dans la vidéo mise en ligne par le groupe. Plus tard, ils sont repartis avec deux prisonniers. Ils m’ont aussi confié trois enfants, en me donnant l’ordre de m’

Aux Etats-Unis, c’est encore l’après-midi. Donald Trump a quitté, à bord de Marine One, l’hélicoptère présidentiel, Camp David où il a fêté la veille les dix ans de mariage de sa fille aînée, Ivanka, et de Jared Kushner. Il s’est rendu à son club de golf de Sterling, bordé par le Potomac, en Virginie. Le président golfe presque toujours le samedi. Revenu à 16 h 18 à la Maison Blanche, tiré à quatre épingles, il se dirige vingt minutes plus tard vers la situation room, la « salle de crise » située dans les sous-sols de l’aile ouest, pour assister en direct aux opérations.

Aussi évanescent qu’un « fantôme »

Dans un autre sous-sol, près de Baricha, Abou Bakr Al-Baghdadi est pris au piège. Dans la maison, cinq personnes sont tuées, parmi lesquelles quatre femmes et le fameux « Abou Mohammed », dont le berger avait entendu le nom et qui s’avérera être le propriétaire des lieux. Poursuivi par un chien, acculé dans un cul-de-sac, il actionne sa ceinture d’explosifs, tuant avec lui deux de ses jeunes enfants et provoquant un effondrement partiel du sous-sol. Le « calife » est mort. Deux hommes, dont on ignore l’identité, ont été capturés. Voilà ce que l’on sait du raid américain, d’après sa version officielle. Selon une hypothèse avancée par Hicham Al-Hachemi, chercheur irakien spécialiste de l’EI, le garde du corps personnel du chef de l’EI, Ghazouan Al-Raoui, et le responsable de la sécurité de l’organisation en Syrie, Abou Al-Yaman, étaient également présents. Ainsi qu’un certain Abou Saïd Al-Iraki, peut-être l’ultime compagnon de cavale, au bout de neuf années de traque durant laquelle le « calife » était devenu aussi évanescent qu’un fantôme.

Les soldats américains ont déblayé les décombres pour récupérer les restes des dépouilles. « Il ne restait pas grand-chose, mais ils ont ramené des morceaux de corps substantiels », dira Donald Trump. Un test ADN est pratiqué sur place pour le comparer à celui qui avait été prélevé dans le camp de prisonniers Bucca, à la suite de l’invasion américaine de 2003 : il s’agit bien d’Abou Bakr Al-Baghdadi, de son vrai nom Ibrahim Awad Ibrahim Ali Al-Badri, né le 28 juillet 1971, à Falloujah, dans la province irakienne d’Anbar.

Pour venir à bout du « cerveau » de l’internationale djihadiste, Washington a déployé des moyens considérables : une centaine de soldats d’élite, des drones armés, des munitions à profusion – missiles air-sol JASSM, GBU, missiles Hellfire… Huit hélicoptères ont décollé de deux bases situées dans l’Irak voisin – d’Erbil, au Kurdistan, et d’Al-Asad, dans la province d’Anbar –, sans compter les avions de combat qui ont mené six frappes, une fois la mission accomplie, sur la maison vide, afin qu’elle « ne devienne pas un sanctuaire, ni ne soit mémorable sous aucune forme ».

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Dans la foulée, les forces spéciales américaines ont mené une seconde opération. Quelques heures après l’élimination d’Al-Baghdadi, un raid vise Abou Hassan Al-Mouhajir, le porte-parole de l’EI. L’homme détenait un poste stratégique, incarnant la propagande du groupe et sa diffusion, quand le « calife » ne s’exprime que de façon exceptionnelle. Al-Mouhajir est tué par un missile Hellfire, alors qu’il circulait, dissimulé à l’intérieur d’un banal camion, dans le village d’Ayn Al-Bayda, au nord de la province d’Alep. Le maître est mort, la voix de son maître aussi. En 2017, il avait qualifié le président Trump d’« affreux idiot qui ne sait pas ce qu’est la Syrie, l’Irak et l’islam ».

Contrairement à Oussama Ben Laden, le chef d’Al-Qaida, friand d’apparitions et de déclarations médiatiques, Abou Bakr Al-Baghdadi a évolué dans l’ombre, se hissant dans la hiérarchie de la nébuleuse djihadiste, avant de rompre avec elle. Proclamé « calife de l’Etat islamique » par ses affidés, il apparaît pour la première fois en public le 4 juillet 2014, dans la grande mosquée Al-Nouri de Mossoul. Le prêche qu’il prononce ce jour-là marque le début de son règne. Vêtu d’une abaya et coiffé du turban noir, celui des descendants du Prophète, il déclare avoir été « désigné pour diriger les musulmans partout dans le monde ».

Une vie d’errance

Mossoul lui appartient. En quelques jours, ses hommes – 300 au total – se sont emparés de la deuxième ville d’Irak et des centaines de millions de dollars que recelaient les coffres de la Banque centrale. Neuf mois de combats acharnés, menés d’octobre 2016 à juillet 2017, par l’armée irakienne, les peshmergas kurdes, les milices chiites des Hachd Al-Chaabi et les forces de la coalition internationale seront nécessaires pour reconquérir ce bastion du « califat ».

Avec la perte de Mossoul commence pour Baghdadi une vie d’errance, d’une cache à l’autre, dans les zones désertiques ourlant la frontière entre l’Irak et la Syrie. L’accompagnent un cercle de fidèles qui rétrécit de jour en jour, ses femmes, ses enfants, ses esclaves. Parmi ces dernières, une adolescente yézidie, rare survivante de sa communauté exterminée par les combattants du « califat », a réussi à fuir en mai. Selon son témoignage, recueilli par l’agence Associated Press, le chef de l’EI avait déjà songé à partir pour Idlib, à la fin de 2017, avant de se raviser par prudence. Les fuyards se seraient ensuite cachés à Hajin, dans le sud-est de la Syrie, près de la frontière irakienne, puis à Dachicha, autre ville frontalière plus au nord. L’adolescente dit y avoir passé quatre mois chez Abou Abdoullah Al-Zoubai, beau-père d’Al-Baghdadi. Le « calife » lui rend fréquemment visite, la bat parfois, la viole systématiquement.

Image extraite d’une vidéo publiée par le ministère de la défense prise depuis un drone montrant les effets des munitions de précision détruisant la maison qui servit de dernier refuge au chef de l’EI, à Baricha, en Syrie, après le raid, le dimanche 27 octobre 2019. Département américain de la défense / AP

L’Irak, berceau de l’organisation, est devenu une terre brûlée pour l’EI. Services secrets irakiens et renseignements américains sont sur les traces du « calife », multipliant les coups de filet pour en démanteler les cellules. Début 2018, un prisonnier, Ismaïl Alwaan Al-Ithawi, va leur livrer des informations essentielles. L’homme était fiché par la CIA et les services irakiens comme l’un des cinq principaux collaborateurs d’Al-Baghdadi. Chargé des fatwas et de la sélection des cadres au sein de l’organisation, il avait l’oreille du « calife » et veillait à sa sécurité. En 2017, tandis que le « califat » vacille, il avait préféré prendre le large, direction le désert syrien, du côté de Deir ez-Zor.

Al-Ithawi parle et donne des détails sur les déplacements d’Al-Baghdadi. Il raconte ainsi que le chef a pour habitude de tenir ses réunions stratégiques dans des minibus bourrés de caisses de légumes

Il réapparaît en 2018, à Sakarya, localité turque située à 150 kilomètres à l’est d’Istanbul, où il semble couler des jours tranquilles sous une fausse identité, en compagnie de son épouse syrienne. Le 8 février 2018, l’intervention d’une unité antiterroriste de la police turque met fin à cette nouvelle existence sans histoire. Arrêté, il est remis huit jours plus tard aux autorités irakiennes qui n’ignorent rien de ce natif de Ramadi, dont la trajectoire ressemble beaucoup à celle d’Al-Baghdadi : titulaire d’un doctorat en sciences islamiques, l’homme est devenu membre de l’EI après son arrestation par les Américains et sa détention, en 2004, dans le Camp Bucca en Irak, où des milliers de combattants islamistes ont été emprisonnés, dont Al-Baghdadi.

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Al-Ithawi parle et donne des détails sur les déplacements d’Al-Baghdadi. Il raconte ainsi que le chef a pour habitude de tenir ses réunions stratégiques dans des minibus bourrés de caisses de légumes, sans cesse en mouvement sur les routes de Syrie, pour ne pas attirer l’attention. L’anecdote est imagée, mais l’information est capitale. Dans la clandestinité, le « calife » continue de diriger les opérations de son organisation. Al-Ithawi va surtout accepter de servir d’appât pour piéger des commandants de l’EI. Quatre « émirs » vont ainsi être capturés par les services irakiens, parmi lesquels le Syrien Saddam Al-Jamal, connu pour avoir orchestré l’exécution de 700 à 1 000 membres de la tribu des Chaitat au printemps 2014, dans la région syrienne de Deir ez-Zor, après que celle-ci s’est rebellée contre l’autorité.

« Un paquet de nerfs » accroché à sa ceinture explosive

Un autre témoin de la cavale d’Al-Baghdadi est son beau-frère et lieutenant, Mohammed Ali Sajid. Arrêté par les services irakiens en juillet, celui-ci va les conduire à de gros poissons de l’EI, provoquant des éliminations en cascade : Abou Abdoullah Al-Zoubai, le beau-père ; Ayoub Al-Zawi Abou Sabah, un « courrier » chargé de transmettre les ordres de la direction aux cellules et aux « katibas » de l’organisation ; les « émirs » de Mossoul et de la province irakienne de Salaheddin… Et finalement les mener jusqu’à la dernière planque irakienne connue du « calife », où le beau-frère avait lui aussi séjourné avec, probablement, son porte-parole Al-Mouhajir.

L’Irak affectionne les confessions télévisées des « terroristes » qu’il capture. Cette fois, l’« entretien » est donné à Al-Arabiya, une chaîne à forte audience dans la région. Le détenu, vêtu du costume jaune canari des prisonniers irakiens, décrit un Baghdadi agité et paranoïaque, « un paquet de nerfs » accroché à sa ceinture explosive, de jour comme de nuit. Souffrant de diabète, il doit constamment surveiller son taux de glycémie et s’injecter de l’insuline. Le stress n’arrange rien. Malgré les prières et les lectures du Coran, « son état de santé ne lui permettait plus de pratiquer le ramadan et il a invité son entourage à l’imiter », rapporte le beau-frère.

Idlib est tout sauf l’endroit idéal pour se cacher, mais ce dernier fief de la rébellion syrienne est a priori une terre hostile pour les Américains

Après diverses mésaventures, dont le vol d’une liasse de 15 000 dollars par un berger, le groupe finit dans une fosse de six mètres sur huit, creusée dans le désert rocailleux de la province d’Anbar. Le « calife » ne s’aventure plus dehors sans que ses proches n’aient au préalable scruté le ciel à la recherche d’un éventuel drone. Traqué et malade, Al-Baghdadi craint plus que tout d’être trahi. A son beau-frère, il confie alors que ses walis, les gouverneurs qu’il a nommés dans les provinces du « califat », ont tous retourné leur veste. « Tout n’est que trahison », lui dit-il. Ses craintes étaient fondées. Tout au long de son ascension, lui-même a pratiqué la trahison et les retournements d’alliances, multipliant ainsi le nombre de ses ennemis.

Lorsqu’elles inspecteront les lieux indiqués par Mohammed Ali Sajid, les forces irakiennes découvriront une kalachnikov à canon court, identique à celle que l’on aperçoit dans la seconde et dernière vidéo – diffusée en avril 2019 – du chef de l’EI. La cache est bel et bien authentique, mais elle est vide. Ses occupants l’ont quittée pour une destination a priori improbable : Idlib.

Idlib. Pourquoi Baghdadi est-il allé dans cette province, contrôlée par Hayat Tahrir Al-Cham (HTS), un groupe de djihadistes syriens hostiles à l’EI ? Pourquoi avoir choisi un village tout près de la frontière turque, quand Ankara garde l’œil affûté sur ce qui s’y passe ? L’examen des documents électroniques – une dizaine de téléphones portables, d’ordinateurs, de clés USB – et les papiers saisis par les forces spéciales américaines dans l’antre du chef de l’EI permettront peut-être un jour de reconstituer le puzzle.

Un « espion » animé par la soif de vengeance

Al-Baghdadi vit reclus dans la maison d’Abou Mohammed Al-Halabi dit « Salam Hadj Dib », un émir de l’EI originaire d’Alep, qui l’a précédé à Baricha. Discret, l’homme passe aux yeux de ses voisins pour un vendeur de vêtements, un déplacé syrien comme il y en a tant par ici. Aux yeux des combattants de HTS, c’est une autre affaire. Dans cette province syrienne, tout finit par se savoir et, si le groupe n’a jamais communiqué officiellement sur la question, l’un de ses membres – un Européen – assure que la « police » de HTS recherchait « des émirs [de l’EI] ». La semaine précédant l’assaut américain, elle avait même multiplié les ratissages dans la région.

Idlib est tout sauf l’endroit idéal pour se cacher, mais ce dernier fief de la rébellion syrienne est a priori une terre hostile pour les Américains, même si elle n’est pas non plus terra incognita. Plusieurs années durant, de 2013 à 2017, des groupes rebelles, armés et entraînés par la CIA, y ont opéré. Et l’agence américaine y a mené plusieurs raids pour éliminer des figures historiques du réseau Al-Qaida, à l’instar d’Abou Kheir Al-Masri, gendre d’Oussama Ben Laden, tué au début de 2017. Mais ce qu’Al-Baghdadi ignore, c’est que la CIA a été avertie de sa présence par un faisceau de renseignements humains, et qu’un réseau de surveillance par satellite et par drones a été installé au-dessus de la province, qui restera actif jusqu’à l’opération.

L’un des derniers maillons qui aurait guidé les Américains jusqu’à la maison de Baricha serait un cadre de l’organisation, chargé des déplacements du chef et familier de sa nouvelle planque. Un « espion » animé par la soif de vengeance, résumera Mazloum Abdi, le commandant des Forces démocratiques syriennes (FDS), une force arabo-kurde alliée au Pentagone dans la région : « Il était sous pression (…). Ses proches ont été soumis à des traitements sévères de la part de l’EI (…). Il voulait se venger de l’organisation et d’Al-Baghdadi lui-même. » Prévenus peu avant l’assaut, dans un souci de déconfliction, les Russes ont laissé passer les hélicoptères américains. « Ils ont été OK », a commenté Donald Trump. Officiellement, les Turcs auraient été informés de la cible, après coup seulement. Le samedi, en quelques heures, les forces des opérations spéciales ont accompli leur mission.

Il est 17 h 05 à Washington. La photographe de la Maison Blanche, Shealah Craighead, immortalise l’instant. Le cliché montre cinq hommes, la mine austère : de part et d’autre du président des Etats-Unis sont assis le conseiller à la sécurité nationale, Robert O’Brien, le vice-président, Mike Pence, le ministre de la défense, Mark Esper, et le chef d’état-major, Mark Milley. La directrice de la CIA, Gina Haspel, suit l’assaut à distance au quartier général de l’agence, à Langley, en Virginie.

La photo ne peut pas ne pas évoquer celle qui fut prise en 2011, montrant Barack Obama, alors président, et son équipe assistant en direct à la mise à mort au Pakistan de l’ennemi numéro un de l’Amérique, Oussama Ben Laden, le chef d’Al-Qaida. Et pour ceux qui l’auraient oublié, Trump risque la comparaison, avec un coup de pied de l’âne à son prédécesseur à la Maison Blanche : « Baghdadi, tout le monde le connaissait parce qu’il avait fabriqué ce monstre depuis longtemps, alors que personne n’avait jamais entendu parler d’Oussama Ben Laden avant le World Trade Center ! »

Ressorti transporté de la « situation room » , Donald Trump s’est exclamé : « C’était comme regarder un film ! », se félicitant qu’aucun soldat américain n’ait péri dans l’opération

« Nous avons enfin exercé la justice contre l’homme qui a décapité trois Américains [James Foley, Steven Sotloff et Peter Kassing] et [tué] une humanitaire », déclare Robert O’Brien. Il précise que l’opération a été nommée d’après cette dernière, Kayla Mueller, américaine de 24 ans kidnappée par l’EI dans les environs d’Alep, en août 2013, et morte en février 2015 près de Rakka, dans des circonstances non élucidées. Des compagnes de captivité, qui ont eu la chance d’en réchapper vivantes, avaient donné au New York Times un récit épouvantable des conditions de sa détention. Esclave sexuelle des djihadistes, elle aurait été l’une des épouses forcées du « calife » en personne, torturée et violée sans pitié. La mort d’Al-Baghdadi est désormais associée à son nom. « Le général Milley a baptisé cette opération “Kayla Mueller”, insiste O’Brien. C’est quelque chose que les gens doivent savoir. »

Ressorti transporté de la situation room, Donald Trump s’est exclamé : « C’était comme regarder un film ! », se félicitant qu’aucun soldat américain n’ait péri dans l’opération. Il a lui aussi évoqué les « Américains innocents » tués par l’organisation Etat islamique dont il a ainsi résumé l’existence : « Baghdadi et sa bande de losers n’avaient pas la moindre idée de ce dans quoi ils s’étaient embarqués. Dans certains cas, ils étaient comme des chiots apeurés. Dans d’autres, c’étaient des tueurs sanguinaires. Ils ont tué de nombreuses personnes. »

Il s’est aussi attardé sur les derniers instants d’Al-Baghdadi : « Il criait, il pleurait, il gémissait… » Des détails que ne confirmera pas Mark Esper qui, interviewé un peu plus tard sur la chaîne ABC, se contentera d’expliquer que « le plan était d’arrêter Al-Baghdadi, mais [que] si son arrestation était impossible, il était bien sûr question de le neutraliser ». « Les forces américaines lui ont demandé de se rendre, a-t-il ajouté. Mais il a refusé et il a fait exploser sa ceinture. »

Pour Donald Trump, le moment de l’opération est idéal. Elle lui donne l’occasion de détourner l’attention après l’annonce de son retrait du nord-est de la Syrie, véritable trahison pour les Kurdes, lâchés face à la soldatesque syrienne pro-turque qui pille, tue et rançonne dans les régions qu’elle conquiert.

Dans le brouillard de cette nouvelle guerre, les cellules clandestines de l’EI, qui a nommé un nouveau « calife », Abou Ibrahim Al-Hachimi Al-Qourachi, dont l’identité réelle reste inconnue, s’activent de nouveau sur les territoires de leur « califat » déchu.

 

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