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Jours tranquilles à Paris
29 juin 2019

C'est la GAY PRIDE aujourd'hui à Paris...

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29 juin 2019

Gay Pride à Paris aujourd'hui

summer

temporary (19)

29 juin 2019

Entretien - Massimo Prearo : « Stonewall est à l’origine de la politique de la fierté LGBT comme projet militant »

gay 50 ans

Par Marie Slavicek

Pour le chercheur Massimo Prearo, les émeutes qui opposèrent les forces de l’ordre et les clients de ce bar gay new-yorkais, dont on célèbre le 50e anniversaire cette année, ont inscrit dans l’histoire des luttes LGBT la fierté comme discours cadre qui donne un sens politique à l’action collective.

Entretien. Le 28 juin 1969, à New York, une descente de police au Stonewall Inn, un bar gay de Greenwich Village, dégénère en émeutes. Pendant plusieurs nuits, des membres de la communauté homosexuelle affrontent les forces de l’ordre, donnant naissance au mythe fondateur du mouvement pour les droits des personnes LGBT (lesbiennes, gay, bi, trans). C’est cette date que commémorent, chaque année, les Marches des fiertés. Cinquante ans après, le politiste Massimo Prearo (université de Vérone), auteur du Moment politique de l’homosexualité. Mouvements, identités et communautés en France (éd. PUL, 2014), revient sur ce tournant majeur dans l’histoire des luttes LGBT.

Dans quel contexte ces émeutes débutent-elles ?
Il faut imaginer un contexte bien différent de celui que nous vivons aujourd’hui. Ces émeutes se déroulent dans le monde d’avant la libération sexuelle, avant que la « fierté » devienne un modèle social et politique pour les minorités sexuelles ; un monde où la présence publique des personnes LGBT et l’expression des identités, des genres et des sexualités « hors norme » étaient tout simplement interdites. Il suffit de penser, par exemple, qu’à l’époque, le code pénal de l’Etat de New York prévoyait que toute personne ne portant pas au moins trois vêtements conformes à son genre pouvait être arrêtée par la police.

C’était aussi avant que les sociabilités LGBT soient légalisées et s’organisent en un marché commercial ouvert et concurrentiel. Il existait bien sûr des clubs, des bars et des boîtes, mais il s’agissait de lieux fermés (on y accédait souvent par l’intermédiaire d’autres personnes), et très souvent interdits, et donc, comme dans le cas du Stonewall Inn, constamment dans le viseur des forces de l’ordre qui y faisaient régulièrement des descentes. On connaît une situation similaire en France où, jusqu’en 1981, la police tenait un fichier d’homosexuels établi à la suite de contrôles d’identité réalisés dans les lieux de drague.

Les événements de Stonewall s’inscrivent donc dans un contexte historique et politique fortement répressif, où l’Etat n’était pas le garant des droits des personnes mais un agent persécuteur, où il n’existait pas de loi contre l’homophobie et la transphobie, où la loi et les autorités comptaient parmi les ennemis principaux des minorités sexuelles.

On parle souvent du Stonewall comme d’un bar gay. Etait-il fréquenté par d’autres membres de la communauté LGBT ? Quel a été leur rôle dans ces événements ?
Comme c’est souvent le cas dans toute narration des origines, la narration de ces émeutes a pris la forme d’un récit mythologique qui a construit, dans le temps, l’événement Stonewall à l’image de ceux qui l’utilisent comme une référence pour servir de discours de mobilisation dans le présent. A l’occasion de films et documentaires récents, très discutés, d’autres narrations ont émergé. Elles ont permis de préciser que lorsque l’on parle du Stonewall Inn comme d’un « bar gay », on parle, en réalité, d’un bar fréquenté surtout par des gays latinos et afro-américains, des travestis et des personnes trans, bien plus que par des Blancs de la classe moyenne new-yorkaise, où par ailleurs les lesbiennes n’étaient pas du tout absentes.

Cette critique du mythe de Stonewall, au-delà de la reconstruction historique, interroge un aspect central de la mémoire minoritaire. Elle met en évidence la façon dont Stonewall a été avant tout le produit d’une narration monopolisée par ceux qui en ont fait un mythe fondateur, à savoir les hommes gays blancs des organisations LGBT dominantes, celles qui organisent les Marches des fiertés et qui ont utilisé Stonewall comme une référence historique politiquement significative. Cette opération mémorielle ne se limite pas à la commémoration, mais engage une réécriture de l’événement qui le transforme en symbole. Ce processus de mythologisation se révèle particulièrement mobilisateur pour les promoteurs des manifestations et les entrepreneurs des causes LGBT, mais cela produit aussi une réduction du fait historique à un simple mot d’ordre des festivités de la fierté.

Peut-on dire que les émeutes de Stonewall constituent « l’année zéro » du mouvement pour les droits des personnes LGBT ?
Ces émeutes ont très vite généré une vague contestataire qui a porté les minorités sexuelles à imaginer une action collective en matière de lutte et de combat politiques. Avant de devenir un mythe fondateur, Stonewall a été l’expérience d’une action de résistance contre la violence étatique, pour celles et ceux qui l’ont vécu directement, mais aussi pour celles et ceux qui, de loin, ont vécu l’impact libérateur de cette résistance.

L’après-Stonewall est marqué par la naissance, au tout début des années 1970, du Gay Liberation Front aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, puis du Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) en France et du Front unitaire homosexuel révolutionnaire italien (Fuori), pour ne citer que ces exemples. Autrement dit, l’après-Stonewall est marqué par la création de mouvements protestataires dont le mot d’ordre était la destruction de la société hétéro-patriarcale. Ces mouvements révolutionnaires n’étaient pas des mouvements de défense des droits, mais des instruments de lutte contre l’Etat, la police, la violence institutionnelle et la répression éducative.

Ce n’est qu’à la fin des années 1970 que l’on commence à parler de droits et à se mobiliser pour eux. Alors, dire que les émeutes de Stonewall constituent le moment fondateur des mouvements pour l’égalité des droits est problématique, non pas tant par respect de la vérité historique que pour une question politique. Car cela laisserait penser que l’égalité des droits est le fil rouge qui lie tous les mouvements LGBT. Or, l’univers politique LGBT est traversé par de multiples dimensions revendicatives et, surtout, par différents discours politiques, souvent en tension et en contradiction. Et cette tension était déjà présente dans les années 1970 entre les organisations qui soutenaient les raisons du combat en termes de droits et les groupes qui avaient une conception anti-institutionnelle du militantisme minoritaire.

Néanmoins, la revendication et le combat pour l’égalité des droits sont une dimension centrale de la cause LGBT…
Si la mobilisation pour l’égalité des droits, l’ouverture du mariage aux couples de même sexe et la reconnaissance de l’homoparentalité ont occupé une place centrale dans les discours publics et militants, on ne peut pas réduire la cause LGBT uniquement à cela. L’espace du militantisme LGBT a toujours été caractérisé par des multiples conceptions de ce que signifie faire mouvement : de la lutte contre le VIH/sida à l’entraide et la solidarité intracommunautaires, de l’engagement associatif sportif, culturel ou religieux à la lutte contre les discriminations, la cause LGBT est davantage un entrecroisement de projets militants qu’une plate-forme homogène de revendications.

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La trajectoire des mouvements LGBT n’est pas un long fleuve tranquille, mais une pluralité de politiques à géométrie et à géographie variables ; c’est une histoire de déplacement. Le thème de l’égalité des droits a été sans doute dominant pendant longtemps. Toutefois, notamment après l’adoption du mariage pour tous, on a vu émerger de nouvelles mobilisations fondées sur un discours politique critique plus transversal et plus large. L’expérience de la Pride de nuit qui se propose de repolitiser la Marche des fiertés est à ce propos significative. C’est d’ailleurs dans ce contexte que l’héritage contestataire de Stonewall a été revivifié.

Dans quelle mesure, alors, les émeutes de Stonewall continuent-elles d’influencer les mouvements LGBT contemporains ?
Cet événement a inscrit dans l’histoire et la mémoire des luttes LGBT la fierté comme discours cadre qui donne un sens politique à l’agir collectif. Si Stonewall a été à l’origine de quelque chose, ce n’est pas du mouvement des droits, mais plutôt de la politique de la fierté comme modèle d’action et comme projet militant. Les Marches des fiertés n’ont que récemment acquis cette dimension de célébration mémorielle de Stonewall. Paradoxalement, plus on s’éloigne de l’événement historique et plus on célèbre le passé, tandis que les premières Marches n’étaient pas vécues comme des moments commémoratifs. C’était des moments d’affirmation d’une présence publique.

La fierté comme discours de mobilisation – bien plus que la référence à une origine fondatrice – constitue le moteur qui encadre les projets militants LGBT, qu’ils soient plutôt axés autour de la revendication de droits et d’égalité ou plutôt construits sur une critique des inégalités et du néolibéralisme qui vend des droits en échange de nouvelles vies précaires, sans emploi, sans accès aux soins, exclues des universités, ou bloquées aux frontières.

29 juin 2019

Paris : 500 000 personnes attendues à la marche des fiertés LGBT

Le traditionnel défilé de la communauté homosexuelle partira à 14 heures ce samedi après-midi de Montparnasse. Arrivée prévue à République en fin d’après-midi.

Par Philippe Baverel

Quelque 500 000 personnes devraient participer ce samedi après-midi à la marche des fiertés LGBT (lesbienne, gay, bi et trans) organisée par la fédération d'associations Inter-LGBT. A la fois festif et politique, ce défilé toujours haut en couleurs, partira à 14 heures de la place du 18-Juin à Montparnasse (VIe et XVe), empruntera notamment le boulevard Saint-Michel, la place du Châtelet, le boulevard Sébastopol, Strasbourg Saint-Denis, le boulevard Saint-Martin pour arriver en fin d'après-midi à République, après 5,5 km demarche, où une pléiade de chanteurs et de DJ se relaieront sur le podium.

Filiation et PMA principales revendications

50 ans après les émeutes de Stonewall à New York qui marquèrent la naissance du mouvement de défense des droits des gays, les organisateurs de la marche, parrainée cette année par la chanteuse Marianne James, ont choisi pour mot d'ordre : « Filiation, PMA : marre des lois a minima ». Certes, le 12 juin, le Premier ministre, Edouard Philippe, a annoncé que le projet de loi de bioéthique qui sera présenté en juillet, inclura l'extension de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules -qui doivent aujourd'hui se rendre à l'étranger (en Belgique, en Espagne notamment) pour y avoir recours.

Mais selon Laurène Chesnel, déléguée Familles de l'Inter-LGBT, la future loi est « incomplète », notamment parce qu'elle oublie les intersexes et les personnes trans. Elle estime aussi qu'un « projet de loi propre aurait permis de mieux saisir la complexité du sujet ».

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Une minute de silence à 16 h 30

A 16 h 30, les marcheurs observeront trois minutes de silence, « en mémoire des personnes qui nous ont quittés, emportées par le sida ou par le combat pour l'égalité des droits », précise Clémence Zamora-Cruz, porte-parole de l'Inter-LGBT.

Un budget de 100 000€

Les participants sont invités à faire un don à l'octroi qui sera installé sur le pont au Change : les sommes ainsi recueillies (15 000 € l'an dernier) contribuent à financer l'organisation de cette énorme manifestation. « Mais cela ne suffit pas puisque le budget de la marche s'élève à 100 000 €, financé par la délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anit-LGBT (DILCRAH), la mairie de Paris, la région Ile-de-France et des partenaires privés », détaille Aurore Foursy, présidente de l'Inter-LGBT.

29 juin 2019

Origine du drapeau Gay

gay

Depuis plusieurs années, ce drapeau formé de 6 couleurs est l'emblème de la "communauté gay et lesbienne".

Ce drapeau aujourd'hui mondialement connu est né en 1978 à San Francisco...

Créé en 1978 à San Francisco par l'artiste Gilbert Baker, ce drapeau fût créé pour répondre aux besoins de la communauté Gay et Lesbienne, notamment pour les défilés.

Gilbert Baker s'inpire donc des symboles propres à la communauté hippie et au drapeau à 5 couleurs utilisé par les groupes de défense des Droits des Noirs.

Il créé donc un drapeau composé de 8 couleurs dont le choix était primordial. Chacune de ces couleurs ayant une signification représentant un aspect de la vie gay et lesbienne (le vert symbolisait l'homosexualité sous l'Angleterre Victorienne, le violet était un signe de reconnaissance dans les années 60 et le rose avait été utilisé par les allemands dans les camps de concentration).

Rose pour la sexualité

Rouge pour la vie

Orange pour la santé

Jaune pour le soleil

Vert pour la nature

Turquoise pour l'harmonie

Bleu pour l'art

Violet pour l'esprit

Ce drapeau sera utilisé en 1978 lors du défilé de la journée de liberté Gay et Lesbienne de San Francisco. C'est la seule année ou le drapeau sera composé de ces 8 couleurs.

Il faut rappeller que la couleur rose rappellait le triangle rose créé par les Nazis et utilisé dans les camps de concentration lors de la Seconde Guerre Mondiale pour différencier les homosexuels des autres. (Comme l'étoile jaune pour les juifs). Les personnes portant ce sigle étant encore plus maltraités que les autres.

En 1979, pour ce même défilé, Gilbert Baker demande à une compagnie de produire ce rainbow flag en série. Malheureusement, les couleurs rose et turquoise se seront pas disponible et ces couleurs seront donc supprimées du drapeau qui ne gardera plus que 6 couleurs. De plus, le bleu utilisé sera remplacé par un bleu royal.

Cette même année, le premier adjoint au maire ouvertement gay de San Fransisco fût assassiné. Le drapeau fût utilisé pour montrer l'unité des Gays suite à cette tragédie.

Cette fois, le rainbow flag mondialement connu aujourd'hui était né !

Rouge pour la vie

Orange pour le réconfort

Jaune pour le soleil

Vert pour la nature

Bleu pour l'Art

Violet pour la spiritualité

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28 juin 2019

Il y a 50 ans, le 28 juin 1969, des gays, des lesbiennes, des queens et des drags ripostèrent après un énième raid de la police

28 juin 2019

Enquête - Comment le numérique accélère nos vies

Par Laure Belo

Les technologies nourrissent et se repaissent de l’attrait de notre cerveau pour les gratifications immédiates. Tout va toujours plus vite. Avec quelles conséquences ? Enquête sur un hold-up attentionnel massif.

Pester car une application ne s’ouvre pas instantanément sur un smartphone (pour rappel, un ordinateur portable mettait plus de deux minutes à démarrer avec le système d’exploitation Windows 2000) ; renoncer à entrer dans un magasin car il y a trop d’attente aux caisses ; regarder un vieux film et se surprendre à penser que le rythme est trop lent, etc. Sommes-nous de plus en plus impatients ? Il suffit de poser la question autour de soi pour rallonger sans peine cette liste d’anecdotes prises dans la vie quotidienne.

Des sondages, souvent diligentés par des entreprises qui annoncent vouloir nous faire gagner du temps, l’affirment. Ainsi, 82 % des Français se disent « plus impatients qu’auparavant », selon une étude pour la banque en ligne – et sans guichet – ING. Une enquête, réalisée en 2018 pour la direction du site Lemonde.fr, a mesuré qu’après cinq secondes d’attente, sur dix lecteurs potentiels derrière l’écran, trois jetaient l’éponge. La nouvelle formule, lancée en novembre 2018, a répondu à ce besoin d’immédiateté : le temps de téléchargement du site est passé de 8 à 2 secondes et la fréquentation a bondi, gagnant « 24 % de pages vues par visite », explique Kevin Singer, responsable du pôle audience.

Un bref détour sur le site Thinkwithgoogle.com, rubrique « Test My Site » (en français « Penser avec Google », rubrique « Tester mon site ») permet de prendre le pouls de cette sidérante course mondiale à la rapidité numérique : il suffit d’y inscrire le nom d’un site pour connaître sa performance de vitesse… et le verdict de Google.

Le site Lemonde.fr, mesuré à 2 secondes, est ainsi considéré comme « lent ». Il est vrai que pour Google, qui propose, comme Facebook, des solutions techniques pour aller plus vite, un site ne mérite l’appellation « rapide » que si son temps de téléchargement avoisine celui d’un battement de cil, 0,1 seconde. Son slogan commercial va droit au but : « Un site mobile lent limite votre business. »

Performance économique

Le lien entre vitesse et performance économique n’est pas nouveau. En 1998, deux chercheuses américaines, Kathleen Eisenhardt et Shona Brown, publiaient un ouvrage, Competing on the Edge (Harvard Business Review Press), décrivant comment les entreprises les plus performantes s’imposaient à intervalles de temps réduits des changements drastiques – tels que 30 % de nouveaux produits chaque année.

Cette accélération est symbolisée, pour les entreprises cotées en Bourse, par les rapports d’activités à destination des marchés financiers : entre le début du XXe siècle et du XXIe siècle, ces demandes de preuves de résultats sont passées d’une périodicité annuelle, à semestrielle puis trimestrielle.

En quoi cet environnement a-t-il peu à peu modifié notre propre rapport au temps ? « L’impatience croissante des individus résulte d’une évolution sur plusieurs siècles liée au passage du temps cyclique des sociétés prémodernes, en relation avec les rythmes naturels, au temps linéaire des sociétés industrielles où la vitesse est placée au centre, analyse la sociologue italienne Carmen Leccardi. Cependant, la pression, ces dernières décennies, des marchés financiers sur la production et la performance, tout comme la simultanéité proposée par les outils numériques, a intensifié cette tendance, constate celle qui, depuis plus de trente ans, conduit des recherches sociologiques sur le temps. L’impatience est le résultat d’une vie sociale gérée par l’idée de vitesse. »

Elle poursuit : « Notre temps est de plus en plus fragmenté. Nous sommes impliqués dans une multitude de situations, endroits, actions, relations…, confrontés à des informations supplémentaires nous arrivant quotidiennement. Dans nos vies professionnelles et personnelles, nous bâtissons sans cesse de nouvelles hiérarchies et priorités avec une impression diffuse que notre vie est saturée et que le temps ne nous suffit pas. »

De fait, que ce soit pour s’informer, communiquer, consommer, etc., le nombre de stimuli cognitifs et sensoriels que nous recevons et émettons chaque jour ne cesse d’augmenter en fréquence et en intensité.

LE RYTHME MOYEN DES « TUBES » AMÉRICAINS S’EST INTENSIFIÉ « DE PRESQUE 8 % ENTRE 1986 ET 2015, PASSANT DE 94 À 101 BATTEMENTS PAR MINUTE », D’APRÈS LE DOCTEUR EN THÉORIE MUSICALE HUBERT LÉVEILLÉ GAUVIN

Au cinéma, notre rétine s’est habituée depuis plus d’un siècle à de plus en plus de vitesse : la longueur moyenne d’un plan est passée d’environ 12 secondes en 1930 à 2,5 secondes en 2010, selon une étude universitaire présentée en 2010 par James Cutting, de l’université Cornell, menée sur 15 000 films.

Même tendance dans notre environnement sonore : le rythme moyen des « tubes » américains s’est intensifié « de presque 8 % entre 1986 et 2015, passant de 94 à 101 battements par minute », précise le docteur en théorie musicale Hubert Léveillé Gauvin, qui a étudié 303 titres du top 10 américain. Sur cet échantillon, la voix arrive désormais bien plus tôt, 5 secondes après le début d’un morceau, contre 23 secondes en 1986. « La voix vient plus vite car, en une minute, il faut que les gens aient compris d’emblée l’essence d’une chanson », commente le directeur artistique Julien Bescond qui produit Christine and the Queens et Charlotte Gainsbourg chez Because Music.

Stimulation à l’intensité croissante

Sur les plates-formes de streaming, telles que Deezer ou Spotify, « les gens écoutent beaucoup de morceaux et ont de moins en moins de temps ». Aux Etats-Unis, « la musique pop tend désormais vers un format de 2 minutes 30, alors qu’il y a encore quatre ans on éditait des morceaux à 3 minutes 30 pour la radio », explique le producteur.

La composition même des titres s’adapte : chaque partie d’un morceau (couplet, refrain, pont…) se veut « très différente pour tenir en haleine, il s’agit de créer des gimmicks, des impulsions toutes les 20 secondes environ ».

Même notre environnement olfactif participe de cette dynamique. « Aujourd’hui, un consommateur potentiel doit être accroché par un parfum en moins d’une demi-minute dans une grande chaîne de distribution, autrement il s’en détourne, alors que dans les années 1980 il prenait de 5 à 10 minutes pour se décider dans une boutique de proximité », explique Arnaud Guggenbuhl, directeur marketing fine fragrance chez Givaudan. « Pour répondre à cette impatience, nous travaillons sur l’excitation olfactive et l’impact des senteurs sucrées, fruitées, qui donnent envie beaucoup plus vite. Les plus grands succès mondiaux ont des notes de tête, celles qui se révèlent les premières, très travaillées pour être accrocheuses. »

Quant à la vie relationnelle, les arrivées successives du Web, des réseaux sociaux puis des smartphones, il y a respectivement une trentaine, une quinzaine et une dizaine d’années, ont bouleversé celle de tous ceux qui ont accès aux outils numériques.

Depuis décembre 1992, date du premier SMS, « Merry Christmas », envoyé sur un réseau téléphonique anglais, nos interactions sont exponentielles, encore plus rapides à travers les applications de messageries instantanées telles que WhatsApp, Facebook Messenger, WeChat : pour ne donner qu’un chiffre, en 60 secondes en 2019, 41,6 millions de messages s’y échangent en moyenne dans le monde, 40 % de plus qu’en 2017 selon Statista.

Les conséquences de cette stimulation à l’intensité croissante commencent à être documentées par des équipes scientifiques. L’étude « Accelerating Dynamics of Collective Attention », publiée le 15 avril dans Nature Communications, décrit une société où les individus « obtiennent beaucoup d’informations sur un sujet très rapidement, mais s’en désintéressent de plus en plus vite. Ils sont saturés plus tôt », explique Philipp Lorenz-Spreen de l’Institut de physique théorique à Berlin.

Pour arriver à cette conclusion, le scientifique et ses trois coauteurs, tous physiciens des systèmes complexes, ont analysé des séries d’informations reçues par les individus aux XIXe, XXe et XXIe siècles. Ainsi, sur un échantillon de 43 milliards de tweets émis entre 2013 et 2016, ils ont découvert qu’un sujet restait dans le classement des 50 premiers hashtags (mot-clé) les plus populaires de moins en moins longtemps : 17,5 heures en 2013, 11,9 heures en 2016.

Effet de mode

Même cycle d’intérêt puis de désintérêt en analysant la persistance des expressions « à la mode » en littérature. A l’aide des données de la bibliothèque numérique Google Books, les chercheurs ont mis en évidence que l’effet de mode d’un terme « accrocheur » issu d’un livre était de six mois en moyenne à la fin du XIXe siècle, contre un mois désormais.

« Notre hypothèse de départ est que toutes les informations que nous recevons se disputent notre attention », explique le physicien, féru du livre d’Hartmut Rosa Accélération. Une critique sociale du temps (La Découverte, 2010).

Le chercheur veut poursuivre ses travaux en étudiant « le rôle des plates-formes en ligne et de leurs algorithmes afin d’imaginer quelles pistes permettraient de recevoir moins d’informations et de meilleure qualité ». L’une des difficultés, poursuit-il « est d’obtenir de ces acteurs numériques des données autour de sujets qui concernent le bien commun ».

Le Monde a contacté une multitude de plates-formes, de YouTube à Spotify, de Uber à Deezer, pour tenter d’obtenir des données mesurant notre impatience : sommes-nous plus nombreux à utiliser l’avance rapide des vidéos, zapper un morceau de musique, utiliser la livraison en express ou renoncer à un Uber car il y a 5 minutes d’attente ?

La récolte auprès de ces acteurs a été nulle. Un refus qui n’étonne pas le sociologue Dominique Boullier, chercheur au Digital Humanities Institute de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), en Suisse : « Les plates-formes peuvent désormais comprendre intimement nos motivations, mais elles vont bloquer l’accès à ces données car elles veulent les monétiser, explique le chercheur. Le problème ne réside même plus dans l’accès à des données considérées comme personnelles : rien qu’en analysant nos microtraces numériques tels les taux d’abandon, elles obtiennent des statistiques massives que n’ont pas les chercheurs universitaires. »

Quel rôle a le numérique dans cette évolution de notre rapport au temps ? « Il est central », explique la chercheuse en intelligence artificielle (IA) Nozha Boujemaa, qui souligne que les services « tout gratuit » ont généralisé l’utilisation de l’IA pour maintenir l’attention des usagers sur les plates-formes. Au prix du respect de l’individu lui-même, stimulé de toute part, qui peut avoir tendance à vouloir « tout tout de suite », dit la chercheuse, et développer « une sorte d’accoutumance ».

« L’enfant doit être précoce »

Certaines statistiques sont déjà impressionnantes : 35 % des Américains possédant un smartphone le regardent moins de cinq minutes après leur réveil. Dans l’heure, c’est huit personnes sur dix. D’où l’essor, en contrepoint, de mouvements citoyens précurseurs prônant depuis plusieurs années une « slow life ».

« On assiste bien à une prise de conscience d’un nécessaire ralentissement, constate Dominique Boullier, mais aucune grande entreprise n’endosse pour l’instant cette tendance à long terme et ne prend en compte ce critère en termes de productivité. Le modèle économique reste basé sur la réactivité. »

« Nous vivons une période de changements profonds, résume la sociologue Carmen Leccardi. Poussés par l’activité, adultes, adolescents mais aussi enfants dorment de moins en moins dans les pays développés. » Le pédopsychiatre Patrice Huerre reconnaît observer « une tendance à l’impatience chez les enfants et adolescents qui part des parents eux-mêmes. Dès le début de la vie, le calendrier physiologique ou psychologique d’un enfant peut être bousculé au profit du calendrier des idéaux parentaux : leur enfant doit être précoce ou en avance ». En conséquence, poursuit-il, « l’enfant va être surstimulé, ce qui développe chez lui un sentiment que, pour exister, il faut s’exciter ».

« Toutes ces stimulations font que notre attention se divise. Tout comme, mathématiquement, le temps passé sur chaque chose. D’où cette impression d’accélération, il faut aller vite tout le temps, analyse le neuroscientifique Jean-Philippe Lachaux, directeur de recherche à l’Inserm. Notre cerveau recherche sans cesse le sentiment de gratification immédiate. Or, une information nouvelle, qu’elle soit positive ou négative, stimule cette gratification, c’est le circuit de la récompense. Résultat : on peut basculer facilement dans une dynamique où on essaye d’en avoir plus, le plus souvent possible. »

Pour Carmen Leccardi, « nous allons devoir bâtir de nouveaux équilibres entre temps humain, qui anthropologiquement est lié aux rythmes naturels, temps social, technologique et financier ». La difficulté, poursuit-elle « est de continuer à avoir du temps pour soi, pour s’asseoir, regarder le ciel, se promener, lire un livre ». Si vous avez lu cet article jusqu’à la fin, ce qui a dû prendre environ 9 minutes selon l’estimation de l’algorithme élaboré par Lemonde.fr affichée dès la première ligne, c’est plutôt bon signe !

26 juin 2019

Entretien - Oral bac de français 2019 : « On ne peut pas s’exprimer avec aisance si on n’a pas un minimum d’estime de soi »

Par Elodie Cherman

Exposer seul un sujet face à un jury est une épreuve que redoutent beaucoup de candidats. Sourire, respirer, faire attention à son regard... une professeure de théâtre donne ses conseils.

Les oraux du bac de français, pour les élèves de première, s’organisent à partir de cette semaine. Une épreuve redoutée par de nombreux jeunes, peu habitués à ce type d’exercice, pourtant amené à se développer dans le cadre du nouveau baccalauréat porté par le ministre de l’éducation nationale Jean-Michel Blanquer.

Autrice du Petit Manuel à l’usage de ceux pour qui l’oral est un cauchemar (éd. Le Livre de poche, 160 pages, 13,90 euros), la comédienne Valérie Guerlain – qui fut la voix off de l’émission « C’est pas sorcier » sur France 3 de 1993 à 2014 –, livre des conseils pour gagner en aisance à l’oral dans le cadre d’un examen.

Pourquoi autant de lycéens appréhendent de passer un oral ?

On demande aux jeunes et aux étudiants de faire des exposés, de présenter des soutenances de thèse et, plus tard, de se vendre devant des recruteurs, mais on ne leur donne aucun cours pour leur expliquer comment y arriver. On les laisse se débrouiller avec leur timidité, leur voix qu’on n’entend pas… Pas étonnant ensuite que beaucoup d’entre eux aient du mal à parler, à savoir qui ils sont, ce qu’ils veulent faire… Bref, à s’affirmer à l’oral. On ne peut pas s’exprimer avec aisance à l’oral si on n’a pas un minimum d’estime de soi.

Comment cultiver cette estime de soi, concrètement ?

L’estime de soi n’est pas innée. Elle s’acquiert avec le temps en travaillant. Il faut commencer par bannir de son vocabulaire ce que j’appelle « les mots chacals », tous ces messages négatifs que l’on a pu entendre dans l’enfance ou au cours de sa vie et que l’on finit, parfois sans s’en rendre compte, par s’approprier. Plus on se dit qu’on est nul et plus on risque de le devenir effectivement.

Pour favoriser l’estime de soi, il est également nécessaire de sortir de la procrastination. Car remettre à plus tard ce qu’on doit faire entache notre image de nous-mêmes.

La pratique du théâtre peut aider ?

Oui, énormément. Ça ne sert à rien de se répéter « je suis timide », comme si c’était une fatalité. Il faut chercher des solutions et passer à l’action. Au début, on peut réaliser des exercices tout simples comme le test du miroir : se regarder dans les yeux pendant une minute face à la glace sans lâcher le regard en se disant des mots gentils.

Mais pour se reconnecter avec la personne que l’on est, rien de tel que le théâtre. On se confronte à des situations nouvelles, on traverse plein d’émotions, on endosse des costumes de gens qui ne nous ressemblent pas forcément et, peu à peu, on se découvre, on s’apprivoise.

Comment enseigner aux jeunes les techniques d’élocution qui leur font parfois défaut ?

L’objectif n’est pas d’en faire des pros de l’éloquence, qui est le degré au-dessus, mais simplement de leur permettre d’ouvrir la bouche devant un public et d’être compris.

L’oral est un tout. Un élève aura beau maîtriser parfaitement son sujet, s’il bafouille, s’il a le regard fuyant, il perdra forcément des points. Il est donc important de travailler son articulation, sa diction. Avec un professeur ou même tout seul. On peut faire des exercices de vocalises, à raison de cinq minutes par jour, et aussi s’entraîner à répéter des phrases comme « Je veux et j’exige d’exquises excuses » en faisant la liaison, en exagérant l’articulation et en maîtrisant sa respiration.

Vous recommandez d’utiliser la respiration ventrale. Qu’apporte-t-elle à l’oral ?

Spontanément, quand on respire, on gonfle les poumons à l’inspiration et à l’expiration, on souffle par le nez. C’est alors le haut du corps qui travaille, c’est-à-dire la zone où se trouve le cœur, siège de nos émotions.

Descendre la respiration au niveau du ventre comme le font les comédiens et les chanteurs permet à la fois de se recentrer, de se reconcentrer et de maîtriser ses émotions. Au début, il est plus facile de la pratiquer allongé mais, avec l’entraînement, on arrive à la mettre en place aussi debout.

Pour aider les élèves à se concentrer avant l’oral, vous les invitez à se créer une « bulle écologique ». De quoi s’agit-il ?

L’idée est de s’offrir un sas de décompression avant d’entrer dans la salle d’examens pour ne pas se laisser distraire par quoi que ce soit autour. On écarte les bras de chaque côté, on ferme ses oreilles, on respire tranquillement avec le ventre, on pense à toutes les choses que l’on a déjà été capable d’accomplir et on ne projette que du positif, ce qu’on appelle la visualisation. En se répétant que ça va bien se passer, qu’on va réussir, on occupe intelligemment son cerveau. On lui évite de ressasser des pensées négatives, ce qui libère de la place pour autre chose.

Dans vos cours, vous obligez vos élèves à sourire. Pourquoi est-ce si important quand on s’exprime à l’oral ?

Les jeunes ont perdu l’habitude de sourire. Cela fait pourtant partie du respect que l’on doit aux autres, au même titre que de dire bonjour. Comment voulez-vous que votre interlocuteur vous écoute si vous lui faites une tête d’enterrement ?

Vous vous apprêtez à passer un oral important, certes, mais vous ne jouez pas votre vie ! Alors souriez ! Vous vous ferez aussi du bien à vous-mêmes. Vos muscles se détendront, votre esprit s’apaisera. Bref, vous serez beaucoup mieux armé pour répondre aux questions de l’examinateur.

En 2021, les élèves de terminale passeront un « grand oral » qui comptera pour 15 % dans la note finale. Cela vous semble-t-il une bonne idée ?

Oui, à condition qu’on les prépare ! Je souhaiterais que le ministère de l’éducation nationale forme tous les enseignants aux techniques de l’oral et qu’il intègre cette matière en tant que telle dans les programmes de la sixième à la terminale, à raison d’une heure par semaine.

 

C’est en donnant l’opportunité aux élèves de faire de l’improvisation, d’apprendre la respiration ventrale, de travailler sur la confiance en eux qu’on leur donnera de la visibilité sur leur avenir.

25 juin 2019

Sexualité : pour en finir avec la norme actif/passif

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Par Maïa Mazaurette

Non, il n’y a pas de passifs et d’actifs pendant une pénétration sexuelle, insiste la chroniqueuse de « La Matinale » Maïa Mazaurette, qui nous invite à être pleinement partenaires.

LE SEXE SELON MAÏA

Actifs, passifs : comment se fait-il que notre vocabulaire sexuel ressemble à celui de la finance ? Comment se fait-il que « recevoir » implique une passivité, alors même qu’à l’école, on demande aux apprenants de recevoir activement le savoir dispensé par leurs professeurs ? « Faisons l’amour », synonyme de « je vais te faire l’amour »… c’est bizarre, non ?

Bon. Au risque de démolir quelques millénaires de vision phallocentrée de la sexualité : pénétrer un/e partenaire n’est pas une position plus active que recevoir dans son corps un pénis (ou un doigt, ou un sextoy, ou une banane plantain).

En l’occurrence, la « réceptivité » ne manque pas de complexité. Selon sa sensibilité, on peut percevoir la pénétration comme celle d’un organe de 13 cm, ou d’une personne d’1,83 m. Qu’est-ce qui entre en nous, précisément ? Des corps caverneux recouverts d’une membrane de latex, des sentiments, de la routine, une possible grossesse ? Perçoit-on la pénétration comme quelque chose qui va « rester » (« la semence est un déchet qui souille à tout jamais ses destinataires »), ou comme un état purement transitoire (« si on appelle ça des va-et-vient, c’est que ça s’en va ») ?

La personne réceptrice reconnaît et gère ses signes d’excitation et de lubrification (le plus souvent, c’est elle qui s’occupe du lubrifiant). Si cette personne est une femme, elle est généralement en charge de la contraception. Pendant la phase d’intromission, il/elle maîtrise ses muscles vaginaux ou rectaux. Pendant la pénétration, il/elle peut modifier sa position pour limiter ou augmenter la profondeur des mouvements, il/elle utilise des techniques pour faciliter le plaisir (en se masturbant, en alignant son clitoris sur la base du pénis, etc.). Avec un périnée fonctionnel, on peut accélérer ou décélérer les orgasmes.

Cette personne « passive » maîtrise ses fantasmes, sa concentration, son éventuelle simulation. Elle verbalise, suggère et communique. Elle participe aux baisers, caresses, stimulations des zones érogènes primaires ou secondaires, sur son corps ou le corps de ses partenaires… oh, et bien sûr, il/elle règle le niveau de vibration de son sextoy !

Ces compétences sont nombreuses, cruciales… et complètement zappées par l’imaginaire collectif. On les reconnaît seulement dans le cas de pratiques perçues comme extrêmes : la gorge profonde et le fist-fucking. Même dans le cas d’une pratique statistiquement douloureuse comme la sodomie hétérosexuelle (72 % des femmes ont mal, selon le Journal of Sex Medicine en 2015), on persiste à mettre l’homme aux responsabilités… tandis qu’aux femmes, on conseille de « se détendre » (avec des conseils pareils, on n’a pas besoin d’ennemis).

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« Lâcher prise », conseil couteau suisse

En l’occurrence, recevoir une sodomie exige au moins autant de connaissances que la dispenser – sans même parler de l’importance de l’auto-exploration et de l’expérience. Outre la combinaison avec une stimulation clitoridienne (ça excite, ça distrait), la musculature entre en jeu. Le sphincter anal externe peut se contrôler : outre se détendre et se crisper, nous pouvons pousser pour faciliter une pénétration (le lien avec la défécation nous empêche d’en parler avec simplicité – pourtant, de même que nos mains peuvent jouer du piano et arroser un ficus, la zone anale est multitâche).

(Soit dit en passant, ce conseil consistant à « lâcher prise » fait office de couteau suisse pour disqualifier les problèmes des femmes. Qu’on parle de rapports vaginaux, de charge mentale ou d’anorgasmie : quand on vous demande de penser « moins », mieux vaut y réfléchir à deux fois.)

Bien sûr, pénétrer avec un pénis demande également des compétences (obtenir et maintenir une érection, percevoir quelle intensité et quelle profondeur sont souhaitables, poser un préservatif, se retirer avec élégance, etc.). Mais posséder un pénis ou une banane plantain ne demande pas plus de savoirs, ces organes ne sont pas plus complexes, la responsabilité sexuelle ne vous échoit pas naturellement (quoique dans le cas de la banane plantain, des savoirs sur la cuisine créole puissent se révéler utiles).

Prétendre que certaines personnes seraient passives n’est qu’un moyen (grossier) de s’arroger le droit à disposer de leur corps. Nous sommes en 2019. Ça n’est pas acceptable.

Il est plus que temps d’établir une cohérence entre nos actions, notre vocabulaire et notre système de représentations : le simple fait que nous parlions de « partenaires » implique une coopération. Tant mieux, parce que c’est exactement de cette manière que nous pourrons proposer une alternative aux rapports de domination qui constituent le socle de notre culture sexuelle (toute pénétration ne constitue pas une domination : c’est un pénis, pas un marteau, encore moins une férule papale).

Si la coopération remplaçait le schéma pénétrant/pénétré, dominant/dominé, actif/passif, deux des frustrations les plus couramment répandues chez les hommes s’effaceraient : les partenaires inertes qualifiées d’« étoiles de mer », et le sentiment de devoir systématiquement prendre l’initiative (sentiment justifié puisque effectivement, 44 % des femmes ne prennent que rarement, ou jamais, l’initiative des rapports sexuels – selon les chiffres de l’Ipsos en 2014).

En outre, en disposant d’un système mental leur permettant de développer leurs compétences, les personnes « réceptrices » amélioreraient leur expérience du sexe. Car si les prétendues passives (et prétendus passifs) se voyaient reconnaître le contrôle qu’elles/ils exercent sur leur réceptivité sexuelle, alors elles/ils auraient les moyens de rendre les rapports moins douloureux. Et ce n’est pas une mince affaire, quand on sait que 30 % des femmes ont eu mal pendant leur dernier rapport vaginal (Journal of Sex Medicine, 2015).

« Partage de compétences »

Bien sûr, les problèmes médicaux existent, les partenaires brutaux existent. Il n’est pas question d’accabler les personnes en souffrance à coups de résilience bon marché (« il suffit de traverser la rue pour trouver un job, et de maîtriser son périnée pour supporter un amant bourrin »). Mais quoi qu’en disent les partisans de l’omerta sexuelle, la transmission de connaissances et le sentiment d’avoir prise sur son environnement ne peuvent pas faire de mal (jamais).

Et surtout, psychologiquement, ce « partage de compétences » change tout. En tant que femme, l’assignation à la passivité est incompatible avec mon caractère, ma dignité, et évidemment, ma libido. A quoi bon s’investir dans sa vie sexuelle, si c’est pour être reléguée au second rôle ? Si notre vocabulaire me coupe de ma créativité, de mon émancipation, de ma participation ? (Les étoiles de mer épanouies ont toute ma bienveillance, mais personnellement, je préfère me percevoir comme un barracuda ou un grand requin blanc.)

Soyons donc clairs comme de l’eau de mer. Il n’existe que deux situations où une personne peut être qualifiée de passive : quand cette personne est inconsciente, ou quand elle est morte. Vous remarquerez que dans un cas comme dans l’autre, la qualification de « partenaire » devient aberrante. La passivité n’est pas une question d’anatomie : tout partenariat étant par définition actif, la passivité sexuelle n’existe pas.

20 juin 2019

A Evreux, le tout premier « service national universel » cherche son identité

Par Violaine Morin, Evreux, envoyée spéciale

Deux mille jeunes volontaires de 15 à 16 ans, issus de treize départements, viennent d’entamer le « séjour de cohésion » du service national universel. Ils réaliseront, dans un deuxième temps, une « mission d’intérêt général ».

Il est 7 h 30, ce lundi 17 juin à Evreux lorsque les 136 jeunes « appelés » du service national universel (SNU) lèvent les couleurs pour la première fois, sur le campus verdoyant du lycée Aristide-Briand, où ils passeront les douze prochains jours.

Cette cérémonie, largement inspirée des pratiques militaires, semble plonger les jeunes, âgés de 15 à 16 ans, dans une grande émotion. A part quelques-uns qui sortent des rangs, le teint légèrement verdâtre : il ne sera pas dit que l’on n’a pas fait les choses à la loyale, en réveillant tout le monde à 5 h 50 pour lever les couleurs avant le petit-déjeuner. L’esprit « service », tout universel qu’il soit, est bien là.

Pourtant, à la fin de cette journée de juin, les « appelés » du SNU, répartis en trois « compagnies » d’environ 50 jeunes, auront réalisé, pêle-mêle, les activités suivantes : jouer au foot, au relais ou à la « balle assise », somnoler en écoutant un exposé sur l’histoire du système judiciaire, inventer des cris de guerre pour sa « maisonnée »… Et les nombreux journalistes venus voir l’ouverture de la phase pilote du SNU n’auront pas manqué de se demander où ils ont bien pu tomber. A l’école ? Au service militaire ? En colonie de vacances ?

Le SNU, qui concerne 2 000 volontaires cette année et devrait, à terme, couvrir une classe d’âge entière (environ 800 000 jeunes), veut précisément mélanger ces trois cultures que sont l’école, l’armée et l’éducation populaire. Le recrutement des cadres s’est fait en ce sens : les tuteurs des « maisonnées » sont des jeunes diplômés du brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (BAFA), apportant clairement les codes de la « colo » à la vie du centre.

« Recréer de la cohésion et de l’engagement »

Les « chefs de compagnie » et leurs adjoints, eux, ont été recrutés avec un souci manifeste d’équilibre : certains sont réservistes – l’un d’entre eux réussit même un doublé, à la fois gendarme réserviste et professeur d’histoire – et une bonne partie sont issus de l’éducation populaire. Dans l’équipe de direction, on trouve une enseignante d’anglais et un ancien colonel de l’armée de l’air.

Les militaires et les animateurs en éducation populaire sauront-ils s’entendre ? Apparemment, oui. « Peut-être qu’il y avait quelques préjugés au départ, admet Stanislas, animateur professionnel de 26 ans. « Mais, si nous n’avons pas les mêmes outils, nous avons les mêmes objectifs : recréer de la cohésion et de l’engagement. »

Les 2 000 appelés du SNU « première version » devront réaliser, à l’issue de ce séjour de cohésion, une « mission d’intérêt général » de douze jours (ou 84 heures réparties sur l’année à venir), auprès d’un « corps en uniforme » (pompiers, gendarmerie), d’un service public ou d’une association.

Les jeunes volontaires – plutôt ravis de leur sort, malgré la grosse fatigue du premier matin – devront aussi trouver leur compte dans cet alliage inédit qui n’est ni tout à fait l’école, ni tout à fait un service volontaire (certains en ont déjà réalisé chez les pompiers), ni vraiment une colo. Sur ce point, les préférences divergent. Il y a les appelés aux métiers de la défense et de la sécurité, comme Alisée, qui avait imaginé quelque chose de « plus strict ». Il y a les grands sportifs comme Sixtine, qui rêvait d’un « parcours du combattant, où on rampe dans la boue et tout ! » Une image qui fait rêver certains mais pourrait en angoisser d’autres…

Que l’on se rassure, il n’en sera rien, assure Florence Desjardins, directrice adjointe chargée de la pédagogie du centre d’Evreux : « C’est un service universel : il doit être accessible et inclusif. Des parcours de ce type, très durs physiquement, ne sont pas du tout au programme. »

« Rencontrer des jeunes issus d’autres territoires »

Les futurs pompiers ou gendarmes auront leur part de découvertes : une journée sur la « sécurité intérieure » est prévue, en partenariat avec la police, la gendarmerie et les sapeurs-pompiers. Mais il y en aura aussi pour ceux, comme Sacha, qui attendent avec plus d’impatience la partie culturelle du programme. Invités en Normandie, les appelés d’Evreux visiteront les plages du débarquement et le mémorial de Caen, puis la maison de Claude Monet à Giverny (Eure), avant d’assister à une pièce de théâtre.

« On vient surtout pour rencontrer de nouvelles personnes, qu’on n’aurait pas forcément croisé autrement », ajoute Sacha. Cette envie sera sur toutes les bouches, y compris lors de la visite du secrétaire d’Etat à la jeunesse, Gabriel Attal, qui porte le projet du SNU. « Dans leur grande majorité, les appelés disent vouloir rencontrer des jeunes issus d’autres territoires, a-t-il constaté, lundi après-midi, devant la presse. Il y a une envie très forte de sortir d’une jeunesse qui fonctionne trop souvent en silo. » Et de glisser que, bien entendu, les jeunes pourront petit-déjeuner avant le lever des couleurs plutôt qu’après.

Les organisateurs de la phase pilote du SNU répéteront à de nombreuses reprises qu’il s’agit d’un « test », qu’il faudra « évaluer les résultats »… Une mission de recherche a d’ailleurs été confiée à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep). Serait-ce cher payé pour un test ? Le SNU coûte 2 000 euros par participant, selon les chiffres avancés par le secrétariat d’Etat à la jeunesse. Soit 4 millions d’euros pour cette session, et 80 pour la suivante, qui devrait concerner 40 000 volontaires…

Un atelier « symboles républicains »

A terme, le service « vraiment universel », qui sera obligatoire pour tous les jeunes d’une même tranche d’âge, devrait coûter 1,7 milliard d’euros. Une somme qui serait mieux employée ailleurs, selon ses détracteurs, comme Régis Juanico, député (PS puis Génération.s) de la Loire fermement opposé à ce projet « redondant avec le service civique » et dont il craint qu’il ne siphonne les financements déjà exsangues.

Le SNU empiète en outre sur d’autres enjeux : « On nous dit qu’il doit recréer de la mixité sociale, mais ça, c’est la mission de l’école, et c’est sur cela qu’il faudrait mettre le paquet ! », tonne encore le député.

Pendant ce temps, à l’atelier « symboles républicains » qui réunit un groupe de garçons assis en rond sur la pelouse, l’un d’entre eux tente de répondre à la question « Pourquoi avons-nous besoin d’un SNU ? » « Pour retrouver quelque chose qu’on a perdu », risque-t-il timidement. « Et qu’est-ce qu’on a perdu ? », encourage l’animateur. « Bah, la fraternité. » L’avenir dira si cette recette l’emporte sur toutes les autres.

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