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Jours tranquilles à Paris
18 mai 2019

Taïwan légalise le mariage homosexuel, une première en Asie

Par Brice Pedroletti, Taipei, envoyé spécial, Harold Thibault

Ce vote intervient deux ans après que la Cour constitutionnelle de Taïwan a rendu un arrêt jugeant anticonstitutionnel l’absence de mariage gay.

En devenant le premier pays d’Asie à reconnaître le mariage entre personnes du même sexe, Taïwan a confirmé, vendredi 17 mai, son statut d’avant-poste progressiste dans la région. « Le 17 mai 2019, à Taïwan, l’amour l’a emporté. Nous avons fait un grand pas vers l’égalité réelle, et fait de Taïwan un pays meilleur », a écrit la présidente Tsai Ing-wen sur Twitter, après que le Parlement a adopté une loi autorisant le mariage pour tous.

L’île, où se tient chaque année à l’automne une importante Marche des fiertés LGBT, est devenue un phare de tolérance dans une région conservatrice, notamment sur la famille. Plus tôt en mai, le sultan de Brunei a dû renoncer à son projet d’imposer la lapidation pour les homosexuels, face au tollé international suscité par l’annonce.

Surtout, Taïwan se démarque par son ouverture face à Pékin, qui revendique sa souveraineté sur l’île mais s’illustre par sa répression de la libre expression et le renforcement du contrôle du Parti communiste (PCC) sur la société civile en Chine continentale.

« Une vraie démocratie » face à la Chine

Toute la matinée, des dizaines de milliers de militants avaient attendu sous une pluie battante que s’ouvre la session de vote dans une rue coupée à la circulation, où une estrade avait été installée, à quelques encablures du Yuan législatif, l’Assemblée taïwanaise.

Les prises de parole se sont succédé, appelant à « montrer que le pays est une vraie démocratie, par comparaison avec un certain pays en face », référence à la Chine, et à « combattre les préjugés ». En cadence, l’ensemble de la foule a plusieurs fois repris les slogans du mouvement : « Le vrai amour, ça ne connaît pas la discrimination. » « Nous voulons le mariage ! Nous voulons le mariage ! » La présentation de chacun des articles de loi a été diffusée en direct. Il a fallu attendre le vote du quatrième, vers 13 h 30, pour que les cris de victoire et les hourras emplissent les alentours du Parlement.

Le calendrier avait été imposé à la présidente Tsai Ing-wen par une décision de la Cour suprême à l’issue du recours d’un militant des droits des homosexuels, Chi Chia-wei, appuyé par des associations : le 24 mai 2017, la plus haute juridiction de l’île avait exigé, au nom du droit constitutionnel à l’égalité, que soit adoptée sous deux ans une législation permettant le mariage entre personnes de même sexe. A défaut, les mariages homosexuels auraient été reconnus devant les cours de justice.

Résistance de mouvements religieux conservateurs

Le temps pressait donc pour mettre cette avancée au compte de l’administration de Mme Tsai, qui a porté le texte au vote à une semaine de la date limite et à l’occasion de la Journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie.

En chemin, le gouvernement issu du Parti progressiste démocratique (DPP, gauche) s’est heurté à la résistance de mouvements religieux conservateurs, notamment chrétiens, qui s’étaient coalisés sous la bannière « Alliance pour le bonheur des générations futures ». Ils ont aussi multiplié les rassemblements et porté, en novembre 2018, des référendums d’initiative populaire afin « de restreindre à un homme et une femme la notion de mariage dans le code civil » ; malgré leur seule valeur consultative, ils ont compliqué la tâche du gouvernement.

L’administration soutient avoir tenu compte de cette opposition par un jeu d’équilibre dans le texte, qui permet que les couples de même sexe forment « des unions permanentes exclusives » et les fassent inscrire au « registre des mariages ». Le texte permet l’adoption de l’enfant du conjoint et donne aux couples de même sexe les droits dont jouissaient jusqu’alors les couples mariés hétérosexuels en matière d’imposition ou d’assurance.

« L’aboutissement de trente ans de lutte »

« Les articles 2 et 4 de la loi garantissent que les couples homosexuels puissent enregistrer leur union à l’administration des mariages en mairie, mais au nom d’une loi qui ne sera pas intégrée au code civil, qui ne mentionne pas le mariage des personnes de même sexe. Toutefois, les mêmes droits sont désormais reconnus aux couples homosexuels qu’aux couples hétérosexuels », explique « Benson », l’un des porte-parole de la Coalition pour l’égalité devant le mariage, l’organisation regroupant plusieurs des ONG qui réclamaient le mariage pour tous.

Depuis que le gouvernement a annoncé, en février, qu’il allait proposer au vote une loi, les associations promariage homosexuel ont négocié pour obtenir le maximum de droits – tout en encourageant les militants à accepter le « compromis » que constituait une loi séparée. « Certes, c’est un compromis, mais c’est l’aboutissement de trente ans de lutte », dit Jay Lin, un entrepreneur taïwanais qui dirige l’une des associations.

lgbt asie

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18 mai 2019

La voiture et les mythes qu’elle véhicule

Par Catherine Vincent

Produit industriel star du XXe siècle, la voiture a créé tout un écosystème autour d’elle, tant économique que social, jusqu’à induire une dépendance qui n’a cessé de s’auto-alimenter. Malgré les critiques dont elle fait l’objet, la « bagnole » a encore de beaux jours devant elle.

Pour ceux qui allaient devenir les « gilets jaunes », la hausse du prix des carburants fut la mesure de trop. La goutte qui fit déborder le réservoir.

De manière plus générale, il est rare que les annonces contraignantes concernant l’automobile – limitation de la vitesse à 80 km/h, multiplication des radars, augmentation du coût du contrôle technique – ne déclenchent pas l’ire des populations. Et pour cause : en dépit des critiques dont elle fait l’objet, la voiture individuelle continue d’occuper dans nos vies quotidiennes une place essentielle, voire vitale, dès lors qu’on n’habite pas au centre d’une grande ville.

Le nombre de kilomètres parcourus en moyenne par véhicule ne cesse d’augmenter (13 270 km en 2016), le nombre de voitures neuves vendues également (2,17 millions en 2018), et celles-ci sont de moins en moins remplies (1,6 passager par voiture en 2015, contre 1,8 en 1990). Une tendance plus marquée encore dans les territoires ruraux et périurbains, où ce moyen de transport est majoritairement utilisé pour rejoindre son lieu de travail. Non par choix, mais par nécessité.

Difficile désintoxication

Selon les derniers résultats de l’Observatoire des mobilités émergentes, publiés en novembre 2018 par l’agence Chronos et l’Observatoire société et consommation (ObSoCo), 67 % des automobilistes français déclarent en effet « ne pas avoir la possibilité de choisir leur mode de déplacement ».

Mais ce chiffre global cache deux réalités bien distinctes : si ce « non-choix » concerne 32 % des ménages des grandes agglomérations, il bondit à 83 % dans les communes rurales isolées. Le fossé se creuse donc entre les habitants des grandes métropoles, auxquels sont proposés plusieurs modes de transport, et ceux des zones rurales et de grande banlieue, sans autre alternative que la voiture. Et ce, alors même que cette dernière grève le budget des ménages les plus modestes, que la crise écologique impose de réduire drastiquement les émissions polluantes qu’elle génère, et que les énergies fossiles menacent de manquer dans un futur proche.

Comment en est-on arrivé à cette absurdité ? A une telle dépendance individuelle et collective ? En 1973, dans L’Idéologie sociale de la bagnole, le philosophe André Gorz décrivait déjà les raisons pour lesquelles la désintoxication était si difficile, pour ne pas dire impossible. « L’automobilisme de masse matérialise un triomphe absolu de l’idéologie bourgeoise au niveau de la pratique quotidienne : il fonde et entretient en chacun la croyance illusoire que chaque individu peut prévaloir et s’avantager aux dépens de tous », affirmait-il.

Aujourd’hui, les mots ont changé, mais le constat demeure. « L’automobile est un objet passionnel, qui fait tellement partie de la vie des gens, de leur famille, de leur vécu, qu’on ne peut y toucher », estime Jean-Louis Loubet, historien et fin connaisseur de l’aventure automobile. « Devenue à la fois le symbole de l’économie nationale et de la liberté personnelle, la voiture participe du processus d’individualisation auquel on assiste depuis une cinquantaine d’années, renchérit Hervé Marchal, sociologue à l’université de Bourgogne. Elle donne à chacun, littéralement, la possibilité de “conduire” sa vie. »

Logiques sociales et économiques

Pour comprendre l’enchaînement qui a mené nos sociétés à ce système « tout automobile », il faut remonter à la fin du XIXe siècle – moment où émerge ce moyen de transport à nul autre pareil, à l’inventivité et aux potentialités extraordinaires.

C’est en Europe que naît la voiture, et c’est en France – où le réseau routier, encadré par l’Ecole des ponts et chaussées, est de haute qualité – que le plus long trajet en automobile est réalisé en 1895 : Paris-Bordeaux-Paris, avec un seul arrêt de vingt-deux minutes. Mais très vite, les Etats-Unis reprennent la main. En 1907, on ne compte plus que 608 habitants par voiture outre-Atlantique, contre 981 en France et 3 824 en Allemagne.

Un an plus tard, Henry Ford met au point la Ford T, dont la fabrication en grande série ouvre la voie à l’automobilisme de masse. Alors que la voiture, dans le Vieux Monde, restera réservée à l’élite jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, l’âge d’or de sa diffusion a lieu dès l’entre-deux guerres aux Etats-Unis : en 1927, on y recense une automobile pour cinq habitants, soit un taux d’équipement des ménages que la France connaîtra seulement à la fin des années 1960.

Mais quel que soit le moment où elle se produit, les ressorts de cette diffusion de masse s’appuient sur les mêmes logiques sociales et économiques. Des logiques que l’on peut décrypter en termes de profits, pour les acquéreurs comme pour les acteurs de l’industrie.

« Les premiers utilisateurs d’automobile appartenaient aux classes supérieures de la société, aristocratie, noblesse et haute bourgeoisie, rappellent les chercheurs Yoann Demoli et Pierre Lannoy, auteurs d’une récente Sociologie de l’automobile (La Découverte, 128 pages, 10 euros). L’acquisition d’une automobile, objet rare et cher, apparaît pour celles-ci comme le moyen d’exprimer certaines valeurs par lesquelles elles estiment se distinguer des autres groupes sociaux : maîtrise de soi, raffinement, libre arbitre, indépendance. »

A ce profit de « distinction » – auquel les classes moyennes rêvent d’accéder à leur tour – s’ajoute, à mesure que la voiture devient accessible au plus grand nombre, un profit d’« accomplissement » : ce moyen de transport offre des loisirs jusqu’alors interdits, permet de rompre l’isolement des communautés, rend possibles de nouvelles pratiques qui vont progressivement devenir la norme.

Tout est alors en place pour que changement technique et changement social s’alimentent réciproquement en faveur du « tout-automobile ». D’autant que ce dernier unit également les constructeurs de voitures et de routes, les producteurs de ciment, d’asphalte et d’acier, et les compagnies pétrolières autour d’un objectif commun, créant une vaste économie aux puissants intérêts.

« Objet parfaitement magique »

Dans La Dépendance automobile. Symptômes, analyses, diagnostic, traitement (Economica, 1999), l’urbaniste Gabriel Dupuy a analysé plus finement encore la dynamique évolutive de ce complexe « route-moteur ».

Avec la voiture, estime-t-il, s’est produit un « effet de club » comparable à celui qu’on observe dans le développement d’autres réseaux techniques, comme celui du téléphone. Plus le nombre de personnes qui en disposent est élevé, plus les services et les infrastructures qui lui sont liés (station-service, route goudronnée, caravane, etc.) augmentent à leur tour, procurant aux usagers des avantages croissants. Ainsi, constate-t-il, « l’entrée dans le système automobile se traduit, au-delà de l’utilité individuelle du bien acquis et employé, par une sorte de bonus d’origine collective ». La dépendance à l’automobile ne cesse ainsi de s’auto-alimenter et de s’amplifier.

Voiture-Oui-Oui

Une servitude volontaire que Roland Barthes résumait, en 1957, dans ses Mythologies, par les premières phrases de son chapitre sur la Citroën DS 19 : « Je crois que l’automobile est aujourd’hui l’équivalent assez exact des grandes cathédrales gothiques : je veux dire une grande création d’époque, conçue passionnément par des artistes inconnus, consommée dans son image, sinon dans son usage, par un peuple entier qui s’approprie en elle un objet parfaitement magique. »

« D’OBJET DE LUXE ET DE SOURCE DE PRIVILÈGE, LA BAGNOLE EST DEVENUE L’OBJET D’UN BESOIN VITAL. POUR L’INDUSTRIE CAPITALISTE, LA PARTIE EST DONC GAGNÉE : LE SUPERFLU EST DEVENU NÉCESSAIRE »

ANDRÉ GORZ, PHILOSOPHE

Peu importe, dès lors, que la circulation urbaine devienne infernale : il suffit, pour sauver la voiture, de supprimer les villes, ou du moins de les étaler sur des centaines de kilomètres et de banlieues autoroutières.

Les Etats-Unis furent les premiers à le comprendre, qui inspirèrent à Ivan Illich, précurseur de l’écologie politique, ce calcul saisissant dans son texte Energie et Equité (Marée noire, 1973) : « L’Américain moyen consacre plus de mille six cents heures par an à sa voiture. (…) S’il exerce une activité professionnelle, [il] dépense mille six cents heures chaque année pour parcourir dix mille kilomètres ; cela représente à peine 6 kilomètres à l’heure. Dans un pays dépourvu d’industrie de la circulation, les gens atteignent la même vitesse, mais ils vont où ils veulent à pied. » En 1973 toujours, André Gorz enfonce le clou : « D’objet de luxe et de source de privilège, la bagnole est ainsi devenue l’objet d’un besoin vital : il en faut une pour s’évader de l’enfer citadin de la bagnole. Pour l’industrie capitaliste, la partie est donc gagnée : le superflu est devenu nécessaire. » D’autant plus nécessaire, en ce début de XXIe siècle, que la « bagnole » a énormément gagné en confort et en technologie, devenant, pour nombre de ses usagers, un véritable petit « chez-soi »

Même si trafic et pollution génèrent chez eux une certaine dose de stress, les automobilistes ont en effet une manière très personnelle, et non dépourvue d’agréments, d’habiter leur voiture. Selon le sociologue Hervé Marchal, cet espace privatif constitue même un « support identitaire », autrement dit « un point d’appui quotidien permettant à l’individu urbanisé de mener son existence en supportant ce qu’il vit : lui-même, les autres et le monde ».

Pour mener à bien son ouvrage, Un sociologue au volant (2014), ce chercheur a réalisé de multiples entretiens avec des conducteurs réguliers en zone urbaine ou péri-urbaine. « Ce qui revient souvent dans leurs propos, c’est que la voiture est un endroit où l’on se sent exister, où l’on peut réfléchir, discuter avec soi-même, chanter à tue-tête sur ses musiques préférées… C’est un objet qui relève du privé et de l’intimité. » Un sas de liberté individuelle entre le travail et la famille, entre le dehors et le dedans, dans lequel on peut laisser libre cours à sa personnalité.

De l’émancipation à la contrainte

Crise économique et désastre écologique aidant, notre rapport à l’automobile pourrait bien, malgré tout, être en train de changer. « Si son usage ne se dément pas, sa symbolique s’est beaucoup érodée. D’une part parce que l’objet est devenu totalement banal, d’autre part parce que l’émancipation promise s’est partiellement transformée en somme de contraintes et de corvées – embouteillages, amendes, difficultés de stationnement », constate Philippe Moati, professeur agrégé d’économie à l’Université Paris-Diderot et coprésident de l’ObSoCo.

Il en veut pour preuve le succès des formules en LOA (location avec option d’achat), qui ont concerné, en 2017, 55 % des immatriculations de voitures particulières, selon la Fédération des constructeurs automobiles. Or, la plupart des personnes qui y ont recours n’en profitent pas pour devenir propriétaire de leur véhicule : au bout des quelques années du contrat, ils l’échangent contre un neuf. La voiture serait donc moins investie affectivement que naguère.

Elle n’en reste pas moins un objet à usage personnel : malgré une augmentation régulière du recours ponctuel aux voitures de transport avec chauffeur (VTC) ou à l’autopartage, l’automobile individuelle, selon une enquête menée en 2016 par l’ObSoCo, reste plébiscitée par près de 80 % des Français. Et les critiques auxquelles donne lieu ce moyen de transport, révèle cette étude, restent marginales dans les discours des personnes interrogées.

Si la première des critiques évoque sans surprise les dépenses occasionnées pour les ménages, la deuxième, plus nouvelle, concerne la pollution.

« Dans les représentations que nous nous faisons de la voiture, son impact environnemental a beaucoup progressé ces dernières années, confirme Philippe Moati. Les normes culturelles sont en train de bouger. Dans les grandes villes, on perçoit même, de la part de ceux qui en ont fait le deuil, une forme d’animosité vis-à-vis de l’automobile. »

L’historien Jean-Louis Loubet, auteur d’Une autre histoire de l’automobile (Presses universitaires de Rennes, 2017), n’en demeure pas moins convaincu que la voiture a encore de beaux jours devant elle. Et voit dans les « low cost » (telle la gamme Dacia de Renault, dont le succès ne se dément pas) « l’un des secteurs les plus porteurs de ce début de siècle, avant la transition, inévitable, vers de nouvelles énergies ». Car acheter du low cost, affirme-t-il, « ce n’est pas seulement payer son véhicule moins cher, c’est aussi une façon de vivre relativement décroissante, sans superflu ». Une façon d’avoir, en fin de compte, une voiture simplement utile.

17 mai 2019

Lutte contre l'homophobie

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15 mai 2019

SOS-Homophobie constate une hausse des témoignages de lesbiennes victimes de harcèlement et de violences

Par Solène Cordier

Le rapport annuel de l’association, présenté mardi, enregistre une augmentation de 42 % des cas de discrimination rapportés par des femmes homosexuelles.

En dix-huit ans de grande distribution, Céline avait certes entendu des remarques liées à sa sexualité. Quelques blagues salaces, des sourires entendus, mais guère plus. Pour cette quadragénaire, mère de deux enfants, qui assume depuis son adolescence son orientation homosexuelle, les vrais ennuis ont commencé en 2015, peu après son mariage et un changement de rayon : « Tous les jours, un de mes responsables et un autre collègue me lançaient des insultes, comme “lèche-moulasse”, “clitorine”... On me demandait qui faisait l’homme et qui faisait la femme. »

A plusieurs reprises, quand des jeunes filles sont embauchées dans son magasin, on les prévient : « Si tu bosses avec Céline, fais gaffe, elle aime les moules. » Le harcèlement dure plus de trois ans. Ses collègues, quand ils ne rient pas de concert, « plongent la tête dans les yaourts ». Céline, qui a un caractère bien trempé, ne se démonte pas et répond souvent en termes fleuris.

« N’empêche qu’au bout d’un moment, ça abîme. J’avais l’impression de ne plus être moi, mais une espèce de bête sexuelle, homosexuelle. C’est comme si j’étais dépossédée de mon identité. » Elle encaisse, en parle peu, même à la maison.

Augmentation « spectaculaire » des cas de lesbophobie

Céline fait partie des quelques centaines de femmes qui ont contacté SOS-Homophobie en 2018 et rapporté au final 365 cas de « lesbophobie », soit un par jour. Une proportion en hausse de 42 % par rapport à l’an dernier, relève l’association dans son rapport annuel, présenté mardi 14 mai. En 2018, l’association a reçu en tout 1 905 témoignages (+ 15 %), au sujet de 1 634 actes anti-LGBT (lesbienne, gay, bi et trans). Bien que plus des deux tiers concernent des hommes, le bond du nombre de cas de discriminations signalés par les femmes interroge. « Ces chiffres traduisent très vraisemblablement une prise de parole des femmes plus forte, conséquence des mouvements comme Metoo et Balance ton porc, même si beaucoup ne témoignent toujours pas », estime Véronique Godet, coprésidente de SOS-Homophobie.

De l’insulte à l’agression physique, tous les types de lesbophobie ont augmenté de manière « spectaculaire », relève le rapport. Les exemples cités parlent d’eux-mêmes, qu’il s’agisse de menaces : « Vous êtes gouines ? Car si c’est le cas on n’accepte pas ça ici. Ici c’est ma plage et c’est fait pour les familles. Il y a des enfants », dit l’un. Ou, dans la bouche d’un couple de sexagénaires : « Je n’ai rien contre les couples comme vous mais vous devriez avoir honte. » Sans oublier le « Sale gouine ! », lâché par une voisine, parmi d’autres insultes, devant la fille de 10 ans d’une dame vivant en couple lesbien. Femmes et homosexuelles, les lesbiennes sont aussi particulièrement la cible de menaces ou de violences d’ordre sexuel.

« Elles se retrouvent au croisement du sexisme et de l’homophobie, elles questionnent donc doublement une société qui repose, encore aujourd’hui, sur la domination masculine et l’hétéronormativité », analyse Joce Le Breton, membre de SOS-Homophobie et corédactrice du rapport cette année. Malgré la hausse constatée, leur dénonciation reste encore rare, la faute à « une forme d’autocensure très forte », relève la militante.

Dans les espaces publics, le rapport pointe que les actes anti-lesbiennes passent de 9 % à 13 %. Les agressions physiques qui s’y déroulent concernent, en proportion, autant les lesbiennes que les gays, respectivement 38 % et 36 % des agressions. Zoé, 35 ans, en couple depuis deux ans et demi, en a fait l’expérience. Un soir, elle se trouve dans un bar de La Rochelle avec sa compagne. L’ambiance est festive, les deux jeunes femmes dansent, s’embrassent. Quelques instants plus tard, alors qu’elle fait la queue devant les toilettes, elle est violemment frappée au visage par un homme à la stature imposante, sans qu’aucun échange ait précédé le coup.

Séquelles considérables

« Je suis tombée en arrière et j’ai perdu connaissance quelques instants. Très choquée, j’ai rejoint ma compagne en lui disant qu’on devait partir. » Ses séquelles sur les plans physique et psychologique sont considérables : « J’ai eu la mâchoire tuméfiée, et des douleurs récurrentes qui continuent de me faire souffrir. Un médecin a constaté une entorse cervicale, un œdème sur le bras causé par la chute et sur la mâchoire. Il m’a prescrit six jours d’ITT [incapacité totale de travail]. J’ai porté une minerve pendant deux mois. »

Plusieurs mois après son agression, malgré les somnifères et les anxiolytiques, elle souffre encore de problèmes de sommeil. Après avoir porté plainte dès le lendemain des faits, puis contacté une avocate, elle a de nouveau été convoquée par la commissaire, pour compléter sa déposition. « A chaque fois j’ai expliqué que c’était clairement une agression homophobe, parce que rien d’autre ne justifie la violence, mais on m’a opposé que comme il n’a rien dit, aucune preuve ne permet de l’affirmer. C’est très difficile. J’ai besoin de savoir pourquoi j’ai été frappée. Si ce n’est pas pour ça, pour quelle raison ? », interroge-t-elle.

Céline, elle, s’est finalement décidée en octobre 2018 à déposer deux plaintes, devant les prud’hommes et au pénal, contre son ancien employeur, qui l’a licenciée pour inaptitude après des années de tourments. « J’ai mis très longtemps à me dire que j’étais une victime, je ne voulais pas qu’on puisse penser que j’étais faible. Mais je fais ça pour que la honte change de camp. Si on n’est pas en sécurité au travail, au sein d’un grand groupe, on ne le sera pas dans la rue », explique-t-elle.

Lors de l’audience de conciliation qui a eu lieu il y a quelques semaines devant le conseil de prud’hommes, elle a pris la parole. « Je m’appelle Céline, pas “lèche-moulasse”, pas “clitorine”. Je suis une maman de deux enfants, et je viens témoigner devant vous pour toutes celles qui n’osent pas le faire. Quand je travaillais, et que j’entendais le bip de la pointeuse, c’est comme si on me mettait un triangle rose au bras. » Après avoir dit ça, elle a enfin pleuré.

15 mai 2019

Sexualité : la pénétration ne s’impose plus

sexe penetration

Par Maïa Mazaurette

Sans vouloir la bannir de nos pratiques, de plus en plus d’auteurs invitent à imaginer un « au-delà » et à s’intéresser à « tout le reste », analyse la chroniqueuse de la Matinale Maïa Mazaurette.

LE SEXE SELON MAÏA

« Le but de la pénétration au fond n’est pas vraiment le plaisir des deux partenaires, mais en premier lieu celui de l’homme, puis éventuellement celui de la femme (d’ailleurs la pénétration cesse généralement quand l’homme a atteint son plaisir). C’est l’instauration d’une relation inégalitaire comme modèle. »

Contrairement à ce que pourront penser les paranoïaques post-metoo, le paragraphe ci-dessus ne provient pas d’une bible lesbo-féministe séparatiste. Un homme en est l’auteur : le romancier Martin Page, dans un remarquable essai paru récemment aux éditions Monstrograph. Le titre annonce la couleur : Au-delà de la pénétration. Le propos est ponctué de punchlines étourdissantes : « Si la sexualité était une question de plaisir, les femmes seraient moins pénétrées et les hommes le seraient davantage ».

Car admettons-le : en 2019, la pénétration constitue toujours l’alpha et l’omega de la pratique hétérosexuelle, hermétiquement divisée entre le « vrai sexe » (celui qui consiste à fourrer son pénis dans une personne) et le « reste » (préliminaires, masturbation, fantasmes, cunnlingus, BDSM, fist-fucking, sextoys, électro-stimulation, effleurements fétichistes, tartes aux pommes).

De manière plus surprenante, la pénétration définit également les rapports gays : « qui fait le bonhomme ? » (Sous-entendu : les gays passent leur temps à s’emboîter selon des hiérarchies coulées dans le marbre – une assomption contredite par les études sur leurs pratiques.) Même chose pour les rapports lesbiens : « mais comment elles font, du coup ? » (Sous-entendu : les lesbiennes ne se pénètrent jamais. Elles sont condamnées à jouer au Scrabble avec uniquement des W et des N jusqu’à la fin des temps.)

Une performance en demi-teinte pour les femmes

Prenons donc le taureau par les cornes (quitte à rester dans les métaphores oblongues et pénétratives). A une époque où même la procréation peut passer par des seringues, la pénétration doit-elle être remise en cause ?

Du côté du plaisir féminin hétérosexuel, toutes les études mettent en lumière le caractère relativement inefficace de cette pratique (vous retrouverez tous les chiffres dans la chronique consacrée à cette question, ainsi que des techniques clitoridiennes efficaces dans cette autre chronique). 50 % des femmes aimeraient donner plus de place aux autres formes de sensualité, comme les caresses (Ifop, 2019). La pénétration peut en outre exposer à des douleurs, des grossesses ou des infections.

Cette performance en demi-teinte constitue-t-elle un motif de relégation ? Non. Les femmes ne mettent pas le feu au Fouquet’s pour demander la fin de la pénétration. 74 % d’entre elles ont eu un orgasme lors de leur dernier rapport (Ifop, 2019). On peut aussi mentionner, en sa faveur, la logistique minimale d’une pénétration : voici un assemblage attendu, pas compliqué, vite expédié (5 minutes et 40 secondes en moyenne), parfois désinvesti (on peut compter les rainures du plafond), assurant la paix des ménages.

Du côté des hommes : eh bien sans surprise, ça fonctionne. 95 % jouissent à tous les coups ou presque (Archives of Sexual Behavior, février 2017). La mécanique pénétratoire est tellement bien rôdée qu’on peut poser la question qui fâche : la pénétration constitue-t-elle une forme augmentée de masturbation ? Et quitte à vraiment finir fâchés : quid des inconvénients ?

Des contrariétés même pour les hommes

Car même pour les hommes, la pénétration génère son lot de contrariétés : l’éjaculation rapide, les angoisses de performance ou de taille, la routine. Justement parce qu’elle est efficace, cette pratique peut réduire la sexualité à un seul organe au détriment d’une sensualité plus globale.

Le phallocentrisme n’est pas qu’une question politique, il déborde sur nos terminaisons nerveuses : quand on utilise toujours les mêmes circuits cérébraux, on devient paresseux. Comme l’explique Martin Page, le renouvellement du répertoire sexuel passe à la trappe – et avec lui, d’infinies richesses physiques et fantasmatiques : « J’ai l’impression que nous sommes prisonniers de conceptions naturalistes, de représentations, et même si on sait que certaines choses pourraient nous être incroyablement jouissives, nous les refusons. »

Culturellement, la pénétration implique encore d’autres paradoxes. Côté pile, nous sommes attachés au grandiose idéal de la fusion des corps (pure construction imaginaire, soit dit en passant : quitte à fusionner comme des rubans de Möbius, il serait beaucoup plus romantique d’imaginer deux partenaires se pénétrant mutuellement avec leurs doigts).

Ne crachons cependant pas dans le gaspacho : la pénétration asymétrique porte en effet une part de transcendance. Le philosophe Vincent Cespedes y consacre des lignes émouvantes : « Le phallus entre, c’est là sa fonction, sa jouissance, c’est cette capacité d’entrer et d’y trouver délectation. Entrer en quoi ? Entrer en l’autre. […] Nous retrouvons Hermès, le dieu des routes : il s’agit de se frayer un chemin vers l’altérité. » (Le texte complet est à savourer dans Eloge de l’Erection, ouvrage collectif supervisé par Barbara Polla, éditions La Muette, paru en 2016.)

« A force de pénétrer, on oublie tout le reste »

Côté face, nous pouvons difficilement ignorer que la pénétration est systématiquement associée à des hiérarchies gagnant/perdant, à un vocabulaire de la dégradation, à un folklore de la possession dénué de toute logique effective. Comme le note la journaliste Victoire Tuaillon dans une récente émission audio dédiée à la pénétration (podcast « Les Couilles sur la table », productions Binge Audio), « on utilise le verbe prendre pour un homme qui pénètre une femme, alors que si vous prenez un caillou, ce n’est pas le caillou qui vous prend. »

Ces tensions symboliques posent la question de la compatibilité entre une sexualité phallocentrée et les valeurs contemporaines d’égalité, de plaisir, d’excitation, de nouveauté, d’intensité, ou tout simplement d’amour. Pour Martin Page, « à force de pénétrer, à force de ne penser qu’à ça, on oublie tout le reste, on ne voit pas l’étendue du corps. Pénétrer c’est passer à côté et fuir. C’est penser qu’on fait l’amour alors qu’on s’en débarrasse. J’ai le sentiment qu’on pénètre pour cacher les sexes, ne pas les voir, comme si c’était une honte. C’est un aveuglement. […] Sans pénétration, tout le reste du corps est hypersensible et délicieusement hyperactif. Faire l’amour devrait être la rencontre des corps et leur conversation. »

Cette conversation est engagée – par la politique, la technologie, la recherche, l’art, les apéros entre amis. Elle flotte dans l’air du temps, non comme une injonction, encore moins comme une condamnation ou une interdiction, mais comme une délicieuse invitation. Le Manifeste Contra-Sexuel de Béatriz Preciado, l’Au-delà de la Pénétration de Martin Page, nous proposent, certes, d’entrevoir ce qui se tapit au-delà de la pénétration… mais aussi et surtout, de voir plus loin que le bout de notre nez.

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13 mai 2019

Mannequinat, le nouveau mode d’emploi

Par Elvire von Bardeleben

Des victimes de harcèlement qui sortent du silence, des réseaux sociaux tout-puissants, des chartes qui imposent de meilleures conditions de travail… le monde des mannequins est en pleine révolution. Les agences, jusqu’ici discrètes sur le sujet, racontent comment elles s’y adaptent.

« Les sujets ne doivent pas être laissés seuls avec un photographe, maquilleur, ou tout autre participant pendant un shooting. » « Tous les participants d’un shooting photo ou d’un tournage vidéo doivent se comporter de façon professionnelle et ne pas se livrer à des actes de harcèlement. » Voilà le genre d’injonctions que l’on trouve dans le guide Condé Nast pour lutter contre le harcèlement dans la mode. Il a été publié en janvier 2018, au moment où des photographes très influents accusés de harcèlement – parmi eux, Terry Richardson, Mario Testino, Bruce Weber – ont été mis au ban par des groupes de presse et des maisons de mode.

Quelques semaines auparavant, en septembre 2017, les groupes de luxe Kering et LVMH avaient ouvert la voie avec l’instauration d’une charte pour améliorer les conditions de travail et le bien-être des mannequins. La concomitance de ces événements n’est pas le fait du hasard : Instagram, qui s’est imposé vers 2015 comme le nouvel outil de communication de la mode, a bouleversé les rapports de force, donnant aux mannequins l’occasion de s’exprimer publiquement et, le cas échéant, de dénoncer certains agissements.

Et les agences dans tout ça ? On les a peu entendues, alors qu’elles sont pourtant au cœur du fonctionnement. Comment perçoivent-elles la situation ? Comment leur collaboration avec les mannequins a-t-elle évolué ? Réponse avec trois d’entre elles.

« On s’est toujours occupé des mannequins, c’est normal. Quand une fille étrangère arrive à Paris, on lui loue un logement, on lui trouve un rendez-vous chez le médecin, on lui fait un book de photos… », affirme Nathalie Cros-Coitton. Pour la présidente de la Fédération française des agences de mannequins et de l’agence Women, la compétition entre les agences est telle que « si on ne traitait pas bien nos mannequins, ils iraient directement voir la concurrence. Donc, au-delà de l’éthique, il y a des raisons économiques à agir ainsi ».

Un espace à l’abri des regards

Pour certains directeurs d’agence, le tourbillon de ces dernières années n’a pas changé leur manière de travailler ; ils estiment que leurs agences ont toujours été irréprochables. Chez Elite, le président, Vick Mihaci, pense aussi que « les chartes n’ont rien changé à [leur] manière de faire ». Il rappelle qu’en droit du travail, la France reste un Etat précurseur, le premier au monde à avoir exigé des certificats médicaux, fréquemment contrôlés par l’inspection du travail ; c’est aussi un des seuls pays où les mannequins ont un statut de salarié et non d’indépendant. Selon lui, les dysfonctionnements dont les mannequins ont pu se plaindre sur Instagram viennent plutôt des marques et de la course à la nouveauté à laquelle elles se livrent.

« Elles ne laissent plus aux mannequins le temps de se développer, elles peuvent les lâcher après une saison », déplore-t-il. Il évoque aussi la pression exercée sur les designers : « La créativité, on ne peut pas en avoir tous les jours, et quand il faut faire huit collections par an, il y a saturation. C’est du travail de dernière minute, et l’organisation devient très compliquée. » Et ce sont les modèles qui en font les frais. Toutes les agences ont leur lot d’anecdotes sur telle fille, appelée la veille d’un défilé pour faire un essayage à minuit, puis rappelée à 2 heures du matin, et de nouveau à 4 heures… pour finalement ne pas être choisie pour le show.

« Ces dernières années, les mannequins étaient devenus un cintre, il n’y avait plus de respect de la personne. Les chartes ont permis aux marques de rectifier le tir », résume Lena Bodet, de l’agence Elite. « Avant, pour les défilés, les mannequins se changeaient là où ils pouvaient, peu importait qu’il fasse trop chaud ou trop froid, que ce soit plein de monde. Ça n’avait pas d’importance : c’était du bétail, résume Cyril Brulé, le directeur de l’agence Viva. Avec la charte, toutes les maisons ou presque se sont mises sur les rails. » Aux défilés, les mannequins ont désormais un espace à l’abri des regards pour se changer, un buffet conséquent où se restaurer, et même parfois un psychologue à disposition. Quant aux inévitables essayages, ils durent désormais moins longtemps : « A quelques exceptions près, maintenant, à 23 heures ou minuit, c’est fini, tout le monde est au lit ! », affirme Patrick Simon, d’Elite.

« Longtemps, dans les grands groupes, la direction a été complètement déconnectée de la réalité. L’équipe dirigeante allait féliciter le designer dans les coulisses après le défilé, mais ne se disait pas : “Tiens, il y a des mannequins à moitié nus, mais aussi des journalistes, des photographes” », explique Cyril Brulé. Il a indirectement participé à la naissance de la charte LVMH Kering en alertant Antoine Arnault et François Pinault des dérives qu’il observait. Lors des séances de travail qui s’ensuivent, « les groupes ont découvert un laisser-aller qui durait depuis des années ». Cyril Brulé prend l’exemple d’un mannequin homme qui a raconté devant un auditoire médusé qu’il s’était retrouvé dans les coulisses d’un défilé en string avec un type qui prenait des photos des fesses de tous les modèles.

La chute des photographes accusés de harcèlement a aussi changé le climat sur les shootings, qui sont devenus plus tendus. Les photographes, les maquilleurs ou les coiffeurs prennent plus de précautions, veillent à ne pas rester seuls avec un mannequin. « Si un photographe veut demander à une fille d’ouvrir un peu plus sa blouse pour la photo, il préfère que ça soit une femme qui le fasse à sa place », observe Nathalie Cros-Coitton, qui nuance : « Ça n’empêche, des prédateurs, il y en aura toujours. Et la plupart du temps, ils n’agissent pas sur le lieu de travail, mais après. »

Toutes les agences interrogées affirment ne pas avoir été confrontées à des cas de harcèlement ou d’agression. Bien sûr, toutes étaient au courant de la réputation de certains photographes, mais elles avancent l’argument de n’avoir jamais rencontré de mannequins prêts à déposer une plainte. « Des filles me disaient : “Je veux le job, même si ce photographe est relou, je peux le gérer” », explique Cyril Brulé, qui admet avoir déjà démissionné d’une agence qui ne réagissait pas lorsque des modèles dénonçaient des pratiques coupables. « Les agences et les marques ont pris conscience qu’il est de notre responsabilité de ne pas travailler avec des gens pourris ou qui cautionnent ce système. »

Chaperon obligatoire

Le mannequinat est un des rares milieux où il existe une vraie mixité sociale, où l’on croise à la fois de riches héritier(ère)s et des réfugié(e)s fuyant la misère de leur pays. Mais tous n’ont pas les mêmes armes pour se défendre. « Un mannequin issu d’un milieu aisé, épaulé par sa famille, qui n’a pas une forte contrainte à gagner de l’argent, est plus à même de gérer la pression ou le harcèlement. Une gamine qui vient d’un milieu défavorisé va plutôt penser “Je ne vais rien dire, sinon on va me renvoyer chez moi” », observe Cyril Brulé.

Pour prévenir la trop grande vulnérabilité des mannequins, les chartes LVMH et Kering ont d’ailleurs modifié l’âge légal pour travailler : les moins de 16 ans ne sont plus acceptés, et le travail de ceux entre 16 ans et 18 ans complexifié par la présence obligatoire d’un chaperon. Avant, on pouvait voir des adolescents sur les podiums. « Mais à cet âge-là, on ne tient pas la pression ! Comment une fille de 15 ans qui débarque à Paris sans maîtriser la langue ni connaître personne saurait-elle se comporter sur un shooting avec 100 personnes autour d’elle ? Surtout que, aujourd’hui, un mannequin doit non seulement être beau, mais aussi être sympathique, en forme, avoir une bonne personnalité et un super Instagram », s’agace Cyril Brulé.

La question de l’âge est aussi très liée à celle du poids. « Pourquoi on recrute des adolescents ? Parce qu’ils ont des corps qui conviennent parfaitement aux vêtements conçus par les designers », regrette Patrick Simon. Le danger étant que lorsque le corps de l’adolescent se transforme en corps d’adulte, le mannequin se voit délaissé par la marque qui l’employait et commence alors à s’affamer pour continuer de plaire. « Les chartes ont eu beaucoup d’effets positifs, mais rien n’a changé sur la question du poids, déplore Cyril Brulé. Les mannequins qui ne travaillent pas se rendent bien compte que c’est souvent une question de poids. Une fois qu’ils ont perdu 10 kilos, ça marche mieux pour eux. Régulièrement, on entend encore les marques nous dire : “Elle a trop de poitrine ou de fesses.” »

L’engouement pour la maigreur est tenace, mais les espoirs sont permis : à une époque, les mannequins noirs ou asiatiques avaient du mal à travailler, faute de demande. Aujourd’hui, ils sont de plus en plus nombreux. Et lors de la dernière fashion week de février 2019, 38,8 % des mannequins n’étaient pas blancs : c’est deux fois plus qu’en 2014.

13 mai 2019

This is not sexual !

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12 mai 2019

Du «sang» coule sur les marches du Trocadéro à Paris

Du «sang» coule sur les marches du Trocadéro à Paris pour symboliser celui des espèces animales disparues à cause des activités humaines. C'est l'action «coup de poing» menée ce dimanche par les militants écologistes d'Extinction Rebellion pour alerter sur la crise environnementale.

Des membres du mouvement Extinction Rebellion ont déversé, dimanche 12 mai, du faux sang sur les marches du Trocadéro, à Paris, pour alerter contre le déclin accéléré de la biodiversité. Vêtus de noir, les militants, de jeunes gens pour la plupart, s’étaient munis de 300 litres de liquide rouge – mélange de colorant alimentaire et de maïzena –, déversant leurs bidons sous les yeux de nombreux touristes et des policiers présents dans le secteur.

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Porteurs de grandes banderoles vertes « Extinction Rebellion » et d’un calicot noir « Stop à la 6e extinction de masse », ils se sont recueillis plusieurs minutes en silence avant de commencer à nettoyer les marches.

 « Chirac reviens »

A Bordeaux, six personnes se revendiquant du même mouvement ont été placées en garde en vue dimanche pour avoir participé à l’accrochage dans la nuit d’une grande banderole « Chirac reviens » sur des échafaudages de la chambre de commerce et d’industrie, place de la Bourse, haut lieu touristique. Selon un organisateur, ce message visait d’abord à « interloquer les gens ».

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Selon la police, les six personnes ont été interpellées sur place pour « mise en danger délibérée de la vie d’autrui », à savoir celle des passants sous l’échafaudage et des policiers et pompiers intervenus sur les lieux. La banderole a été retirée par les pompiers vers 9 heures, dimanche.

Le mouvement Extinction Rebellion France s’est structuré ces derniers mois, sur le modèle de celui né à l’automne 2018 en Grande-Bretagne et qui prône la désobéissance civile non violente pour contraindre gouvernants et responsables à répondre à la crise climatique et écologique.

11 mai 2019

Gilets Jaunes

11 mai 2019

Le projet de la Mairie de Paris pour mettre fin au grand bazar des trottinettes

trotinette

Par Denis Cosnard

Une charte encadrant leur usage va être signée lundi par les opérateurs. Ces derniers devront, notamment, respecter les emplacements définis par la Mairie.

Le grand bazar des trottinettes à Paris, Emmanuel Grégoire, le bras droit d’Anne Hidalgo, est le premier à s’en agacer. Jeudi 9 mai, le premier adjoint de la maire de Paris s’est emparé d’un véhicule rouge et noir qu’il jugeait mal stationné, juste devant l’hôtel de ville, et a invité son propriétaire, la société Dott, à venir le récupérer dans son bureau. « Un sagouin de vos services fait n’importe quoi en déposant de façon anarchique ses trottinettes, s’est énervé l’élu sur Twitter. Avec de tels comportements, nous ne pourrons que finir par demander l’interdiction. » La start-up fondée par deux Français s’est platement excusée.

Faut-il interdire les trottinettes électriques qui ont envahi la ville depuis un an ? A ce stade, la Mairie de Paris préfère encadrer leur usage. Tel est l’objet de la « charte de bonne conduite » que la Mairie propose de signer, lundi 13 mai, à la douzaine d’opérateurs déjà présents à Paris : Dott, mais aussi Lime, Bird, Voi, Bolt, Jump, Flash, etc. Ces sociétés devront en particulier cesser de poser leurs trottinettes n’importe où, et respecter les emplacements qui seront définis par la Ville de Paris.

Vingt mille trottinettes dans les rues de la capitale

Anne Hidalgo et son équipe espèrent ainsi mettre fin à la pagaille actuelle, tout en permettant à ceux qui le souhaitent d’utiliser ce mode de déplacement en plein essor. Bien sûr, l’apparition en un an de 15 000 à 20 000 trottinettes dans les rues de la capitale a provoqué des accidents, parfois graves, et fait pester les piétons, obligés de slalomer entre les engins laissés n’importe où. « Mais ces équipements servent aussi d’alternative à la voiture ou au métro, plaide Aymeric Weyland, un des créateurs du Salon spécialisé Autonomy. Ils peuvent donc être utiles pour réduire les embouteillages, la congestion des transports en commun, et donc la pollution. »

Après avoir assisté à l’arrivée d’une série d’opérateurs sans vraiment réagir, en espérant que la future loi sur les mobilités réglerait les problèmes, la Mairie de Paris commence à fixer des règles du jeu. En avril, devant le mécontentement grandissant des piétons, elle a rappelé qu’il était interdit de rouler sur les trottoirs en trottinette électrique, et annoncé des sanctions. Les contrevenants s’exposent désormais à un procès-verbal de 135 euros.

Stationnement gênant : 35 euros d’amende

Le stationnement gênant est également verbalisé 35 euros, et les trottinettes en cause peuvent être envoyées en fourrière. Cela a déjà été le cas d’une centaine d’entre elles. « En pratique, comme on nous prévient avec retard et qu’il faut verser 10 euros de plus par jour, on paye souvent 100 euros ou davantage pour récupérer nos appareils », constate, amer, un exploitant.

La Mairie de Paris a aussi fait valider par les élus la création d’une taxe. Les entreprises devront bientôt acquitter 50 à 60 euros par trottinette placée en libre-service, au titre de leur stationnement sur le domaine public. Emmanuel Grégoire espère que cela incitera les exploitants à ne pas inonder Paris, dans cette période où tous cherchent à s’imposer sur ce marché émergent.

D’ici à la fin 2019, 2 500 places de stationnement

La « charte de bonne conduite » marque une étape supplémentaire. Les opérateurs devront maintenant garer leurs engins à des endroits sélectionnés, qui ne gênent pas les piétons, par exemple entre deux arbres. Environ 2 500 places devraient être disponibles d’ici à la fin 2019, espère la Ville de Paris.

Les signataires de la charte devront « mettre leurs trottinettes » dans ces emplacements « dûment spécifiés et répertoriés ». Ils s’engagent aussi « à faire en sorte que les usagers stationnent leur trottinette, une fois la course terminée, dans ces emplacements ». Si ce n’est pas le cas, « la Mairie de Paris se réserve le droit de verbaliser et de mettre les véhicules gênants en fourrière », indique le texte.

La charte demande aussi à Lime, Bird, etc., de sensibiliser leurs clients. Les opérateurs devront « inciter les usagers au port du casque » et « communiquer sur l’importance de faire attention aux piétons ». Ils devront également obtenir de la part de chaque utilisateur une attestation sur l’honneur indiquant qu’il est majeur et a souscrit une assurance.

Le texte prévoit également un dispositif pour que les trottinettes endommagées ou mal garées n’encombrent pas durablement les rues. Dès qu’un problème de ce type aura été signalé, par exemple grâce à l’application Dans Ma Rue, l’opérateur devra intervenir et récupérer l’engin.

Par ailleurs, les signataires du document acceptent de transmettre à la Mairie de Paris, en temps réel, une série de données sensibles, telles que le nombre de trottinettes en service, leur usage, la répartition des lieux de stationnement, les projets de déploiement, etc.

L’Etat s’apprête lui aussi à durcir la réglementation

Cette charte suffira-t-elle à calmer le jeu ? Certains en doutent. « C’est un premier pas, absolument indispensable pour le succès même de notre secteur, commente Stéphane MacMillan, le patron de Flash en France. Mais il manque un élément crucial, le volet social. Alors que tous nos employés sont en contrat à durée indéterminée, certains de nos concurrents travaillent uniquement avec des autoentrepreneurs, en exploitant la misère humaine. Cela devrait être pris en compte dans la charte. »

A ses yeux, plutôt que de laisser plus de dix concurrents en liberté presque totale, la ville devrait en sélectionner quelques-uns, à l’issue d’un appel à projet. C’est ce que fait la ville de Marseille. Un point de vue partagé par Marie-Claire Carrère-Gée, une des candidates à l’investiture Les Républicains pour les futures municipales.

En tout état de cause, l’Etat s’apprête lui aussi à durcir la réglementation. Un décret, annoncé pour septembre, prévoit de faire enfin entrer les trottinettes dans le cadre du code de la route. Les utilisateurs devront être âgés d’au moins 8 ans, et les moins 12 ans être équipés d’un casque. Il sera interdit de porter des écouteurs. Les utilisateurs devront circuler sur les pistes cyclables lorsqu’il y en a. A défaut, ils pourront emprunter les routes, sous réserve de ne pas dépasser 25 kilomètres par heure.

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