Au départ, l’œuvre coquine en trois tomes de E. L. James, Cinquante nuances de Grey, bousculait le sexe vanille dans les chaumières. Deux années après, le phénomène est mondial et une horde de fans acharnées attendent l’adaptation sur grand écran du roman à l’eau de rose corsée. Faut-il aller voir Cinquante nuances de Grey ? Peut-on continuer d’ignorer le phénomène ? Décryptage et critique façon douce et dure, comme les traitements qu’inflige Mr. Grey à Anastasia Steele, en trois questions essentielles.
Par Bethsabée Krivoshey
Y a-t-il de l’alchimie entre Dakota Johnson et Jamie Dornan ?
Depuis quelques mois, de nombreuses rumeurs ont circulé sur les conditions de tournage, et surtout les supposés rapports entre les acteurs qui interprètent Christian Grey et Anastasia Steele, respectivement le beau Britannique Jamie Dornan (qui nous a définitivement conquis depuis son rôle de serial killer dans la série The Fall) et Dakota Johnson, fille de et petite-fille de, puisque sa mère est Melanie Griffith et sa grand-mère l'actrice Tippi Hedren. Autant l’admettre : le volte-face du premier acteur pressenti pour le rôle, Charlie Hunnam, entachait déjà l’aura du film à base de gossip et autre messes basses de plateau. Charlie Hunnam abandonne le projet ? C’est que Dakota Johnson a le charisme d’une huître et le tournage du film est un panier à crabes. Des scènes de sexe ont dû être retournées ? Probablement à cause du manque d’alchimie criant entre les acteurs. Même si Hunnam a expliqué avoir simplement refusé le rôle car le tournage débutait six jours après Sons of Anarchy et qu’il n’envisageait pas sa carrière comme un enchaînement de films éreintants, Cinquante nuances de Grey sur grand écran s’annonçait malgré tout houleux. Il faut croire que Jamie Dornan, finalement convainquant avec ses pectoraux et son physique de mignon, laissait a priori la pression revenir à celle qui devait interpréter l’héroïne du livre, étudiante pucelle initiée au SM et aux affres de l’amour, la jouvencelle Dakota.
Niveau d’alchimie : 50%. À la décharge de la pauvre Dakota Johnson, beaucoup plus convaincante qu’elle n’y paraît, l’excitation d’Ana Steele se borne en général à se mordre les lèvres de façon récurrente, comme dans le livre (vous avez dit cliché ?), de souffler fort quand elle est très excitée et de baisser les yeux devant son Dominant, qu’elle n’a même pas le droit de toucher. Soit les pires mimiques scéniques de Bella, aka Kristen Stewart dans Twilight, légèrement mieux interprétées par Johnson – qui l’eut cru ? Jamie Dornan, lui, peut donc onduler à loisir sur sa proie comme un alpha qui se veut irrésistible, jouant des obliques de son corps ultra bien gaulé tout en roulant complètement à l’improviste des pelles intenses dans les ascenseurs, en tenant fermement soit les mains, soit les cheveux, de sa dulcinée rougissante.
C’est qu’il faut bien pousser la pucelle à signer le contrat de 32 pages de supplices corporels qu’il lui prépare, et force est de constater que ça fait son petit effet et sur Steele, et sur les femmes de l’audience. Enfin, si n’est pas Mr & Mrs Smith qui veut, le charisme et l’alchimie des acteurs dans le film est bien moins catastrophique que le laissaient présager leurs séances photo promotionelles, ou encore l’article excité de Jezebel, tentant de prouver, photos et gifs du tournage à l’appui, que Johnson et Dornan se haïssent.
Les scènes de sexe sont-elles vraiment osées ?
Livre oblige, Cinquante nuances de Grey offrait un catalogue de détails croustillants quand il s’agissait des parties fines entre Anastasia et Christian, et aucun orifice n’était laissé pour compte dans la description des plaisirs et douleurs que la jeune fille subissait avec passion. Pour un film américain nunuche et tout public, qui raconte malgré tout l’histoire d’amour entre un millionnaire torturé et une oie blanche étudiante en littérature anglaise, on peut dire que l’adaptation de Sam Taylor-Johnson ose. Déjà, premier étonnement : on voit des poils. Et pas seulement les poils pubiens de Grey qui dépassent tant il porte des jeans taille basse (peut-être que le corps de Jamie Dornan mérite un paragraphe complet, après tout), mais bien ceux de la brune Anastasia, simple tonsure brune loin de l’esthétique porn des années 2000. Et comme le milieu du SM se veut plus libre, coquin et moins hygiéniste que le porno à l’américaine, Grey s’attarde à respirer la culotte d’Ana (oh) tandis que l’excellent directeur de la photographie du film, Seamus McGarvey (Anna Karenine, The Hours) nous fait apercevoir en contre-jour les cuisses duveteuses de la jeune fille et la réalisatrice filme une séance de fessée dans toute sa splendeur (ou son humiliation). Mais passons aux choses sérieuses : l’initiatique scène de dépucelage d’Ana a la part belle et les coups de reins, comme les préliminaires, sont plutôt convaincants ; le film fait honneur à la pratique du cunnilingus (sans les détails de La vie d’Adèle…) et à la nudité (Johnson montre ses seins dès la première scène d’intimité, chose que Sarah Jessica Parker n’aura su faire en six saisons de Sex and The City, sans pour autant devenir une Maria Schneider). Enfin, pour ce qui est des scènes de sadomasochisme, Cinquante nuances de Grey a voulu rester tout public tout en s’attaquant à un sujet sulfureux : le montage rapide, ne montrant que des détails et prises de vues clichés (des poignets liés, les joues encore et toujours rouges de Johnson, la jouissance symbolisée par sa tête à la renverse), surfe sur le SM sans faire mal aux yeux. Soit.
Niveau de sexy : 30%. Il faut dire que malgré tout cela, le film ne parvient pas à créer de scènes vraiment cul-te, aussi troublante ou dérangeante (et excitante) que la fessée de The Secretary, la fellation de Brown Bunny, ou la fameuse scène de beurre du Dernier Tango à Paris. Sam Taylor-Johnson a réussi l’exploit de réaliser un film qui parle à 80% de sexe sans franchement nous exciter ; pas d’ambiance sulfureuse à L’Amant, mais plutôt toujours les mêmes tétons qui durcissent, dos qui se cambre et lèvres qui se mordent, à répétition. De l’initiation à la fornication pour grands débutants, en somme.
Finalement, le film est-il aussi chiant que le livre ?
L’adaptation de Cinquante nuances de Grey de E. L. James par Taylor-Johnson fut houleuse, ni l’auteur ni la cinéaste ne s’en cachent. Du contrôle exercé par l’écrivain à l’adaptation cinématographique, ces « batailles saines et créatives », selon Taylor-Johnson, n’auront su empêcher le film d’être aussi attendu que le livre. Entendons-nous bien : personne, ou presque, n’ignore désormais le pitch du livre. Et c’est bien là le problème : Sam Taylor-Johnson s’adresse à ce public d'adeptes convaincus, sans même s’attarder à essayer de charmer les autres, les moins fans, les sceptiques. Dans cette rom-com qui se veut légèrement plus piquante, malgré plus de deux heures de film, les personnages sont à peine esquissés, le mystère se traduit par des phrases typiques comme « méfie-toi de moi » et on n’échappe à aucun cliché, du petit-déj pancakes à la scène du bain, en passant par une escapade en hélico, une en avion et d’autres surprises de psychopathes que Grey s’autorise. Bref, le film suit de très près le livre (sauf pour la « déesse intérieure » d’Ana, pas mentionnée dans le film, et heureusement), et c’est bien ça qui signe sa perte pour nous, les moins fans et les plus sceptiques.
Niveau d’audace dans l’adaptation : 10%. À part une esthétique impeccable, millions de dollars obligent, dans laquelle évoluent les personnages, et de minimes changements, comme le nom de code « rouge » qui remplace le « stop » des sessions SM du livre, l’apport artistique est quasi-nul. La fin est exactement la même, et la suite sur grand écran, soit deux autres volets, vient d'être confirmée. Et si Anastasia s’avère moins nunuche dans le film que dans le livre, légèrement plus étonnante et comique que dans la version d’E. L. James, les dialogues et actions ont malgré tout besoin d’une constante et très présente bande son pour être un peu boostés.
Et c’est sans doute ce que l'on retiendra le plus du film : sa bande-originale de seize titres, de I Put a Spell on You chanté par Annie Lennox à Beyoncé remixée par elle-même, le tout coordonné par Danny Elfman, le compositeur attitré de Tim Burton.
Cinquante nuances de Grey de Sam Taylor-Johnson, avec Jamie Dornan et Dakota Johnson, sortie en salles le 11 février 2015.
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