Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
reflexion
17 octobre 2019

Réflexion

IMG_1435

Publicité
17 octobre 2019

Chronique - « Pour l’image des Etats-Unis, il y aura un avant et un après octobre 2019 »

Par Sylvie Kauffmann, Editorialiste

En abandonnant les Kurdes en Syrie et en tentant de corrompre le président ukrainien, Donald Trump a mis fin à l’idéal américain de la guerre froide, celui du pays exemplaire, souligne Sylvie Kauffmann, éditorialiste au « Monde », dans sa chronique.

Ce fut l’un des grands moments de l’éloquence reaganienne. Le 11 janvier 1989, le président républicain s’adresse à ses concitoyens pour la dernière fois depuis la Maison Blanche, où il achève son second mandat.

Revenant sur huit ans passés à la tête des Etats-Unis, Ronald Reagan fait un poignant éloge de la liberté, rend un ultime hommage à la démocratie et termine par une référence qui lui est familière, celle de la « ville qui brille sur la colline ». Cette lumière, c’est celle qu’imaginait le pèlerin John Winthrop en 1630, dans sa quête de l’Amérique idéale, à bord de l’embarcation qui le dirigeait vers ses rivages.

« Dans mon esprit, dit Ronald Reagan, c’était une ville haute et fière, (…) grouillant de gens de toutes sortes qui vivaient en harmonie et en paix, une ville avec des ports libres bruissant de commerce et de créativité. Et si elle devait avoir des murs, ces murs avaient des portes, et les portes étaient ouvertes à tous ceux qui avaient la volonté et le cœur d’y venir. » Cette ville, conclut-il tandis que la caméra zoome sur son visage ému, elle est toujours là, brillant de tous ses feux. « Elle reste un phare, un aimant pour tous ceux qui cherchent la liberté, pour tous les pèlerins des endroits perdus qui cinglent dans les ténèbres, vers leur foyer. »

C’était il y a trente ans et l’Amérique faisait parfois sourire, dans cette apparente naïveté qui pouvait aussi dissimuler une certaine dose d’hypocrisie mais allez, c’était si joliment emballé ! Lorsque le communisme rendit l’âme, quelques mois plus tard, Ronald Reagan n’était plus aux commandes ; il voulut bien en prendre sa part cependant, tant il avait célébré les valeurs qui triomphaient de cette guerre froide.

L’abandon des Kurdes de Syrie

Trente ans plus tard, la ville sur la colline ne brille plus et le mot « valeurs » a disparu du vocabulaire de la Maison Blanche. Le président des Etats-Unis ne fait plus ni rêver ni même sourire, il tweete « Bullshit » en lettres capitales et claque les portes de la cité.

Ses opposants sont des « traîtres », les journalistes « corrompus » et « falsificateurs ». Depuis une semaine, il a accroché un autre exploit à son tableau : l’abandon des combattants kurdes dont il s’était servi en Syrie, les amenant à conclure avec l’agresseur un pacte aux conséquences dramatiques. Au passage, Donald Trump abandonne aussi ses alliés français et britanniques, avec lesquels il n’a pas coordonné le départ des troupes américaines. Il cède la place aux Russes, renforce Damas et redonne de l’air à l’organisation Etat islamique (EI).

En l’espace de quelques jours, le locataire de la Maison Blanche a réduit à zéro la valeur de la parole de Washington. Il a montré qu’un engagement dont dépend la vie de centaines de milliers de personnes peut être rayé d’un tweet. « Ils nous ont fait confiance et nous avons trahi cette confiance, a confié au New York Times un officier américain qui avait travaillé aux côtés des Kurdes dans le nord de la Syrie. C’est une tache sur la conscience américaine. »

LES ETATS-UNIS N’ONT PAS SEULEMENT TRAHI LES KURDES, ILS ABANDONNENT TOUTE PRÉTENTION À LA MORALE ET À L’EXEMPLARITÉ, QUI FUT LEUR MARQUE DE FABRIQUE

Quels que soient les efforts de rétropédalage ou les manœuvres de rattrapage d’autres structures du pouvoir américain, on aurait tort de sous-estimer l’impact de cette volte-face : pour l’image des Etats-Unis, il y aura un avant et un après octobre 2019.

Comme il y a eu, réalise-t-on aujourd’hui, un avant et un après août 2013, lorsque le président Barack Obama a renoncé à mettre à exécution sa menace de punir Bachar Al-Assad, dont le recours à l’arme chimique était avéré. C’était la première étape du renoncement américain – mais, au moins, celui-ci tentait-il de sauver les apparences, derrière un habillage de procédures démocratiques.

Donald Trump, lui, n’a que faire des apparences et des procédures démocratiques. Avec lui, les Etats-Unis n’ont pas seulement trahi les Kurdes, ils abandonnent toute prétention à la morale et à l’exemplarité, qui fut leur marque de fabrique pendant la guerre froide et l’après-guerre froide. Même lorsque Nixon et Kissinger fomentaient leurs basses œuvres contre Salvador Allende au Chili, ils le faisaient, officiellement, au nom de la défense du monde libre contre le communisme international. Donald Trump, lui, pratique le cynisme à l’état pur : America First. Seul compte pour lui son électorat.

Une politique reniée aussi en Ukraine

La Syrie n’est pas le seul écueil sur lequel s’abîme l’Amérique. En Ukraine, en essayant de corrompre Volodymyr Zelensky, un jeune président élu, précisément, pour vaincre le fléau de la corruption, Donald Trump a discrédité la démocratie américaine.

Pendant trente ans, les administrations américaines successives se sont vues comme le porte-drapeau, devant l’Union européenne, du soutien aux transitions démocratiques et à l’Etat de droit dans le monde post-communiste. Cette politique est aujourd’hui reniée. Que dire aujourd’hui aux militants démocrates ukrainiens qui s’engagent, parfois au péril de leur vie, pour bâtir un Etat de droit et éradiquer la corruption, lorsque le président des Etats-Unis se comporte avec leur propre président comme un vulgaire oligarque ?

Quel exemple offrent à la nouvelle génération de hauts fonctionnaires de ce jeune pays le sort de l’ambassadrice américaine Marie Yovanovitch, rappelée prématurément à Washington sous de fausses accusations, ou la démission de l’envoyé spécial pour l’Ukraine Kurt Volker qui, au lieu de favoriser les efforts de paix avec la Russie, servait d’entremetteur à Rudy Giuliani, avocat de Donald Trump, pour de sordides manœuvres de politique intérieure américaine ?

Lundi 14 octobre à Hongkong, des manifestants pro-démocratie se sont rassemblés pour demander l’aide des Etats-Unis, au bout de quatre mois de mobilisation sans faille. « Président Trump, aidez-nous à libérer Hongkong », implorait une banderole. Ce monde-là n’est plus, mais ils l’ignorent encore.

24 septembre 2019

"Le “temps de cerveau disponible” des responsables politiques est occupé non par le climat, mais par la peur de la récession"

Par Dipak Dasgupta, Economiste, Jean-Charles Hourcade, Economiste

Les économistes du climat Dipak Dasgupta et Jean-Charles Hourcade plaident, dans une tribune au « Monde », pour la création d’un fonds mondial de garantie publique des investissements dans les projets bas carbone, afin de débloquer l’épargne en faveur de la transition énergétique

Dans un contexte d’augmentation des investissements en énergies fossiles et de rejet de l’accord de Paris par les Etats-Unis, l’Australie et le Brésil, le sommet Action climat, qui se tient aux Nations unies (ONU) lundi 23 septembre, risque d’être décevant et de renforcer le camp des sceptiques.

Ce risque résulte du fait que le « temps de cerveau disponible » des responsables politiques est occupé non par le climat, mais par la peur de la récession. On ne peut le conjurer qu’en faisant des politiques climatiques une alternative crédible à la tentation de relancer les économies par une création monétaire généreuse, par des baisses d’impôt sur les profits des entreprises et par diverses formes de protectionnisme.

Succomber à cette tentation ne ferait que renforcer la combinaison délétère entre une épargne surabondante et un manque d’investissement productif. Elle est l’effet d’un impératif exportateur qui a fini par déprimer la demande finale par le biais de la pression sur les salaires, d’un sous-investissement en infrastructures, de la frilosité d’entreprises soumises à la « dictature » de la valeur de l’action, et d’un affaiblissement de la protection sociale qui pousse à épargner.

Réduire les risques

Injecter des liquidités et baisser la fiscalité sur les profits sans corriger ces trois paramètres revient à faciliter le repli des épargnants vers l’immobilier et les produits spéculatifs et à encourager les stratégies de rachat de leurs actions par les entreprises, surtout en cas de turbulences créées par des jeux de mesures et contre-mesures protectionnistes. Cela revient à attendre la prochaine explosion des bulles spéculatives, qui retombera en définitive sur les comptes publics.

Or, les politiques climatiques ont tous les atouts pour éviter cette impasse : elles indiquent aux acteurs financiers où investir ; elles réaniment les marchés intérieurs dans des secteurs (énergie, transports, habitat) à grand pouvoir d’entraînement ; elles réduisent les fractures sociales ; elles amorcent des stratégies de développement endogènes et évitent ainsi les dangers de surenchères protectionnistes.

La clé est de réduire le risque des investissements bas carbone à travers des garanties d’Etat qui ne retombent sur le contribuable qu’en cas d’échec des projets et aggravent bien moins les déficits publics qu’une subvention. Cette clé peut libérer l’épargne des pays riches à démographie déclinante, alors que deux tiers des investissements doivent se faire dans des pays où l’épargne est soit insuffisante, soit placée en partie dans les pays riches pour des raisons de sécurité.

Pour ce faire, un groupe de pays du Nord devrait s’engager sur des montants de garanties publiques d’investissements bas carbone dans des pays du Sud, au sein d’une coalition réunie autour de règles communes :

N’aider que des projets conformes aux contributions nationales que les pays bénéficiaires ont déclaré à la convention climat ;

Faire sélectionner les projets par des autorités indépendantes selon des principes d’évaluation transparents ;

Calculer le montant des garanties sur la base d’une même valeur de la tonne d’émission évitée, valeur déterminée par l’objectif 2 °C et les bénéfices tirés de la réduction des émissions sur le plan du développement économique.

Mieux utiliser « l’argent des riches »

Les discussions sur une telle architecture peuvent s’ouvrir sans retard. Tout se jouera sur sa crédibilité, indispensable pour mobiliser des capitaux privés, encourager les coopérations entre banques de développement, renforcer le Fonds vert pour le climat et faire émerger des actifs bas carbone suffisamment sûrs pour être inclus à terme comme des réserves dans le calcul des ratios prudentiels des institutions financières. Une telle architecture pourrait alors aussi intégrer les producteurs d’énergies fossiles, puisqu’ils pourraient renoncer aux gisements non exploités pour réinvestir leurs rentes dans les équipements bas carbone.

Avec un effet levier de fonds publics sur le volume de projets similaire à celui du plan Juncker, 4 à 16 milliards d’euros par an de provisions de garanties pendant une première période de cinq ans (26 à 60 milliards en moyenne sur vingt ans) permettraient de combler le déficit de financement de la transition bas carbone dans les pays en développement, par le biais de l’apport de capitaux privés et les baisses de taux d’intérêt. Quant aux pays garants, ils amélioreraient leurs comptes publics par les revenus fiscaux de nos exportations dès que celles-ci atteindraient plus de 4 % de la valeur des projets (« A Climate Finance Initiative », Dipak Dasgupta, Jean-Charles Hourcade, Seyni Nafo, rapport au ministre de l’écologie et de la transition solidaire, avril 2019).

L’Europe pourrait s’unir autour d’une telle perspective et l’utiliser en interne comme relance budgétaire pour concrétiser les promesses de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, sur la neutralité carbone, ou celle de la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, d’intégrer « le changement climatique au sein des objectifs de la BCE ». L’Allemagne pourra la partager parce qu’une garantie n’est un pas un prêt et n’engendre pas mécaniquement une dette : elle est un engagement sous condition, et la création de liquidité à laquelle elle conduit est assise sur la création d’une richesse tangible.

Asservir ce que Keynes appelait « les esprits animaux de la finance » à la bataille pour le climat, c’est mieux utiliser « l’argent des riches » tant que le monde n’a pas retrouvé les voies d’un modèle de croissance inclusif pour faire reculer la récession qui menace, enclencher une réforme systémique d’une mondialisation en crise et, enfin, faire la preuve, contre les sceptiques, des gains réciproques de la coopération.

Dipak Dasgupta est membre du panel du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), ancien membre de la direction du comité d’investissement du Fonds vert, ancien conseiller principal climat au ministère indien des finances.

Jean-Charles Hourcade est directeur de recherche au Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (Cired), membre du panel du GIEC.

Les auteurs précisent que ces réflexions n’engagent pas le GIEC.

7 septembre 2019

« Pour les modernes, il faut faire tomber le dogme de l’artiste occidental, blanc, masculin, dominant »

Par Michel Guerrin

Les débats au Conseil international des musées révèlent une fracture entre ceux qui restent tournés vers les collections, et ceux qui veulent mettre au centre le débat sociétal et social, raconte dans sa chronique Michel Guerrin, rédacteur en chef au « Monde ».

Un musée, vous pensez savoir ce que c’est. Une institution qui conserve, expose, acquiert, étudie des œuvres et des objets divers pour le plaisir de l’œil et l’éducation de tous. C’est du reste la définition qui prévaut depuis une cinquantaine d’années, que les musées soient prestigieux ou non, européens ou asiatiques, dévolus à l’art, aux sciences, à l’histoire, etc. Eh bien, vous avez tout faux. Une nouvelle définition est débattue à Kyoto, au Japon, par des experts du monde entier. Elle sera soumise au vote le 7 septembre. Elle n’a plus rien à voir avec l’ancienne, au point de provoquer de sacrés remous.

L’affaire est sérieuse, car l’organisme qui préside aux débats n’a rien de fantaisiste. Il s’agit de l’ICOM (Conseil international des musées, en anglais), qui réunit pas moins de 45 000 professionnels issus de 20 000 musées dans 141 pays, et structurés en comités nationaux. Son pouvoir de décision est nul mais ses recommandations sont écoutées, elles donnent le « la » dans la vie des musées. Et disent l’état d’esprit dominant.

La nouvelle définition a été dévoilée par l’ICOM le 25 juillet. Les mots limpides de l’ancienne sont remplacés par un charabia vaporeux, évacuant au passage des mots familiers comme art, œuvre, institution, collection, éducation, conservation, recherche… Prenons la première phrase : « Les musées sont des lieux de démocratisation inclusifs et polyphoniques, dédiés au dialogue critique sur les passés et les futurs. » Puis : « Ils sont les dépositaires d’artefacts et de spécimens pour la société. » Leurs fonctions : « Ils sont participatifs et transparents, et travaillent en collaboration active avec et pour diverses communautés afin de collecter, préserver, étudier, interpréter, exposer, et améliorer les compréhensions du monde. » Leur objectif : « Contribuer à la dignité humaine et à la justice sociale, à l’égalité mondiale et au bien-être planétaire. »

Prisme communautaire et décolonialiste

Le nouveau texte est plus proche du manifeste emphatique et prophétique que d’une définition. Il est passionnant pour ce qu’il révèle : une bataille idéologique entre anciens et modernes. Les anciens, ce sont les musées dont l’action est tournée sur les collections. Les modernes veulent mettre au centre le public, le débat sociétal et social. Les mots « inclusif », « polyphonique » ou « participatif » signifient que les experts muséaux doivent partager le pouvoir avec le public, notamment les exclus et communautés minoritaires. Le musée traditionnel étant un lieu de domination à décoloniser, il faut faire tomber le dogme de l’artiste occidental, blanc, masculin, dominant, et rayer la primauté des arts sur les expressions vernaculaires.

Cette offensive ne vient pas de nulle part. Elle est dans l’air du temps. Elle est le prolongement de l’entrée en force, depuis des années, des cultural studies ou gender studies dans les universités américaines avant de gagner l’Europe : étudier les sciences humaines sous le prisme communautaire, des minorités et du décolonialisme. En conséquence le nouveau texte ne parle plus de collections mais de « collecte », ne parle plus d’œuvres ou de patrimoine mais de « spécimens » ou d’« artefacts », ne parle plus d’éducation (trop dirigiste et colonialiste) mais de l’« interprétation » des œuvres pour améliorer les « compréhensions du monde ».

Que la section ICOM des Etats-Unis soit en faveur du texte n’est pas une surprise tant le prisme communautaire et décolonialiste est central dans leurs musées. Ce n’est pas une surprise, non plus, que derrière le texte on trouve les pays d’Europe du Nord et notamment sa tête pensante, la Danoise Jette Sandahl, qui a créé le Musée de la femme du Danemark et le Musée des cultures du monde à Göteborg, en Suède. Cette dernière est très claire : en août, elle a dit que l’ancienne définition « ne parle pas le langage du XXIe siècle » et qu’elle doit être « historicisée, contextualisée, dénaturalisée et décolonialisée ».

Camp contre camp

Ces trublions sont si radicaux que la fronde enfle depuis la divulgation du nouveau texte. Elle est partie de France, rejointe depuis par vingt-sept pays. On y trouve la plupart des Etats d’Europe, dont la Russie, mais aussi le Canada, l’Argentine, l’Iran ou Israël. Depuis, c’est camp contre camp et les coups pleuvent. Les frondeurs jugent la définition trop politique, non opérationnelle, étroite, culpabilisante, clivante – si vous êtes contre, vous êtes réactionnaire et néocolonialiste. Même le Canada est contre, alors que ce pays, depuis des années, met en avant le rôle social des musées.

C’est le principal reproche. Pourquoi une telle définition restrictive alors que les musées sont si différents ? Pourquoi ne pas conserver l’ancienne définition et y ajouter des mots sur l’ouverture aux questions sociales et sociétales que personne ne conteste ? Au lieu de quoi, ce texte exclut les grands musées du monde, le Louvre en tête (des collections prestigieuses, un public de touristes), et n’explique pas comment imposer une musique « polyphonique » dans les milliers de petits musées de villes moyennes, dont la vie est déjà dure avec des collections pointues, des élus sur le dos, des moyens modestes et un public clairsemé.

Nous verrons comment se positionneront, le 7 septembre, les délégués d’Afrique, du monde arabo-musulman et d’Asie. Si le texte passe, il n’empêchera pas le Louvre de dormir. Mais le vote dira un rapport de forces mondial et annonce un futur tendu. L’ICOM peut exploser, tant les tensions sont vives. Elles surviennent alors que d’autres questions, cruciales, se posent aux musées : la surfréquentation de certains et le vide pour la majorité, leur financement toujours plus fragile, le modèle de l’entreprise qui gagne, les experts minorés au profit de communicants, etc. Merveilleuse ICOM, qui s’assoit sur la réalité et s’invente une discorde propre à se saborder.

3 septembre 2019

Réflexion

reflexion22

Publicité
9 juillet 2019

« Nous ne pouvons que nous résigner » : les parents de Vincent Lambert ne déposeront plus de recours

vincent lambert

Par François Béguin

Le médecin de ce patient tétraplégique en état végétatif a engagé, le 2 juillet, un nouvel arrêt des traitements après une décision de la Cour de cassation.

Aucun recours ne viendra plus interrompre le processus de fin de vie de Vincent Lambert. Après six années de bataille judiciaire, Pierre et Viviane Lambert, ses parents, ont annoncé, lundi 8 juillet, dans une lettre ouverte, qu’ils ne tenteraient plus rien pour s’opposer à la décision d’arrêt des traitements de cet ancien infirmier âgé de 42 ans, en état végétatif irréversible depuis un accident de la circulation en 2008.

« La mort de Vincent est désormais inéluctable » et « si nous ne l’acceptons pas, nous ne pouvons que nous résigner dans la douleur, l’incompréhension, mais aussi dans l’espérance », écrivent-ils. « Cette fois c’est terminé (…) Il n’y a plus rien à faire sinon prier et accompagner notre cher Vincent, dans la dignité et le recueillement », font-ils valoir dans un texte aussi signé par Anne Lambert, la sœur de Vincent, et par David Philippon, son demi-frère.

Me Jérôme Triomphe et Me Jean Paillot, leurs avocats, ont de leur côté affirmé dans un communiqué que la mort de Vincent Lambert était désormais « médicalement irréversible ». La nutrition et l’hydratation artificielles qui maintiennent en vie ce patient ont de nouveau été interrompues, le 2 juillet, pour la troisième fois en six ans.

Avant de renoncer, lundi, les parents avaient de nouveau tout tenté pour enrayer le processus de fin de vie. Ils avaient saisi en urgence dès le 2 juillet le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ; un recours qui avait été rejeté dès le lendemain, la décision d’arrêt des traitements ayant été validée par le Conseil d’Etat et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

Plainte pour tentative d’homicide volontaire

Le 28 juin, la Cour de Cassation avait pour sa part estimé que le juge judiciaire n’était pas compétent et elle n’avait pas ordonné de renvoi devant une autre juridiction, confirmant que le recours engagé devant le Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies n’était pas suspensif.

Pierre et Viviane Lambert avaient par ailleurs déposé une plainte pour tentative d’homicide volontaire, le 5 juillet contre le docteur Vincent Sanchez, chef du service de soins palliatifs et de l’unité de patients cérébrolésés du CHU de Reims (Marne), où est hospitalisé Vincent Lambert. Selon France Info, le praticien aurait été entendu par la police judiciaire au cours du week-end, dans le cadre d’une audition libre.

Se préparant à veiller son oncle une partie de la nuit, François Lambert, le neveu de Vincent Lambert, décrivait lundi soir au Monde un processus d’arrêt des traitements « extrêmement violent », avec « un corps qui lutte pour rester en vie, comme tous les corps le feraient ».

Après avoir annulé un rassemblement lundi après-midi place Saint-Pierre, à Paris, le comité de soutien des parents de Vincent Lambert a appelé à une « veillée » mercredi 10 juillet devant l’église Saint-Sulpice.

18 juin 2019

Réflexion

reflexion

reflexion23

11 juin 2019

Réflexion

amour

29 avril 2019

Entretien - Jean-Marie Delarue : « Au nom de la sécurité, toutes nos libertés sont menacées »

Par Louise Couvelaire

Le président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme estime, dans un entretien au « Monde », que les libertés fondamentales sont en « très mauvais état » en France.

Jean-Marie Delarue, 74 ans, nommé le 10 avril à la tête de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), a consacré sa vie à la défense des libertés fondamentales. Pour le conseiller d’Etat, ex-directeur des libertés publiques au ministère de l’intérieur (de 1997 à 2001) et ancien contrôleur général des lieux de privation de liberté (de 2008 à 2014), elles sont aujourd’hui en danger. Nommé pour un mandat de trois ans, le haut fonctionnaire, un temps président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, entend faire entendre sa voix.

Dans quel état sont les libertés fondamentales en France ?

En très mauvais état. En apparence, nous sommes un Etat de droit, et l’on s’en flatte assez, nous avons un corpus juridique étoffé, des juges chargés de protéger nos libertés… En apparence, rien de tout ça n’est menacé.

Dans la réalité, c’est autre chose. Au nom de la sécurité, toutes nos libertés le sont. On n’arrête pas de nous dire que « la sécurité est la première de nos libertés », selon une formule désormais consacrée. C’est faux ! La sécurité est éventuellement l’une des conditions de notre liberté. Cet aphorisme est une dangereuse illusion qui pousse depuis plusieurs décennies les gouvernements à grignoter nos libertés toujours davantage.

Depuis quand ?

Le point de départ est la loi Peyrefitte de 1981, qui portait un nom prémonitoire, « Sécurité et liberté ». La démocratie était-elle alors désarmée face au terrorisme ? Au point qu’il soit nécessaire de légiférer ? Personne ne se pose la question, alors que la réponse me paraît claire : nous n’avions pas besoin de nouvelles lois pour mettre en prison des terroristes. Et ça n’est pas plus le cas aujourd’hui.

Quelles sont les conséquences ?

Par ces lois nouvelles, on installe une distinction entre le français ordinaire, qui a tous les droits, et le français suspect, qui a droit à des procédures particulières, à des juges particuliers… Cette dernière catégorie ne cesse de s’élargir. D’abord les musulmans avec l’Etat d’urgence permanent, puis les « gilets jaunes » avec la loi dite anti-casseurs. Désormais, il suffit de se trouver dans les environs d’une manifestation pour devenir un français suspect faisant l’objet de mesures extraordinaires, comme des fouilles.

Il est par ailleurs très inquiétant de voir des gouvernements donner toujours raison à leur police. Les policiers sont des gens très estimables, mais comme tout le monde, ils peuvent faire des erreurs et avoir tort. La façon dont a été traité le journaliste Gaspard Glanz est de la même façon totalement anormale. Quarante-huit heures de garde à vue, ça n’était évidemment pas nécessaire, vingt-quatre heures auraient suffi.

Il faut faire attention : c’est à l’aune dont on traite ces personnes que se juge une société. La majorité des Français croit que cela ne les concerne pas et qu’il existe un rideau étanche, or ce n’est jamais le cas. La frontière est toujours beaucoup plus fragile qu’on l’imagine. Ce n’est pas parce que l’on croit que cela ne regarde que les musulmans, les « gilets jaunes » ou la presse qu’il ne faut pas s’en émouvoir.

Vous estimez que les Français ne s’en émeuvent pas assez ?

Non. Et c’est aussi ce qui m’inquiète beaucoup. Il y a trente ans, lorsque l’on touchait à une liberté fondamentale, des pétitions circulaient, des intellectuels s’indignaient, des citoyens se mobilisaient… Aujourd’hui, à l’exception de la déchéance de nationalité annoncée en novembre 2015 par François Hollande et de la rétention de sûreté voulue par Nicolas Sarkozy en 2008, on entend peu de protestations.

En ce qui concerne les migrants, les ONG ont été les seules à « sauver l’honneur de l’Europe en Méditerranée », comme l’a déclaré au Monde mi-avril le directeur de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra), Pascal Brice. C’est grave ! Comme si toutes ces lois successives avaient fini par tétaniser la protestation, comme si tout cela n’intéressait pas l’opinion.

Quel est le risque ?

Les droits de l’homme, ce n’est pas un machin qu’on met en avant de temps en temps comme une cerise sur le gâteau, ce n’est pas une décoration, ni un sapin de Noël qu’on installe une fois par an, c’est la base de tout. Il ne faut pas les poser comme des principes du passé, mais comme des principes d’avenir, comme le socle sur lequel construire de nouvelles libertés. Les droits de l’homme doivent s’appliquer à tous, en tout temps et en tout lieu. Or, on en est loin.

S’il n’y a pas de voix qui s’élèvent pour incarner ce que nous prétendons être, il n’y a aucune raison pour que la France résiste mieux que les autres pays à la tentation de renoncement à nos grandes libertés, à laquelle les gouvernements successifs ont déjà en partie cédé. Avec notre système de protection sociale, c’est pourtant ce qui nous différencie du reste du monde. Si nous abandonnons cela, nous nous renierons.

Quelle est votre feuille de route à la tête de la CNCDH ?

La CNCDH est une voix pour exprimer ces inquiétudes. C’est ce qui me motive. Sa voix ne porte pas assez, et c’est regrettable, c’est pourtant une voix indépendante, celle de la société civile. Les dangers les plus graves pour la dignité humaine se situent souvent dans les interstices que personne ne voie.

Notre rôle, à la CNCDH, est de voir où se cachent les indignités. On peut saisir les Nations unies, on peut témoigner devant le Conseil constitutionnel – ce que nous avons fait au sujet de la loi dite anti-casseurs. Par nos avis, nous essayons de faire réfléchir les pouvoirs publics. Il est d’ailleurs regrettable de voir que depuis quinze ans le gouvernement saisit rarement la CNCDH en amont lorsqu’il réfléchit à des projets de lois. Nous ne sommes pas des imprécateurs mais des lanceurs d’alerte.

Comment allez-vous travailler avec le Défenseur des droits, qui, lui, a une autorité constitutionnelle ?

Ce qui m’intéresse, c’est qu’on aille dans le même sens. Je vais rencontrer Jacques Toubon début mai. Chacun a son rôle. Le Défenseur des droits fait écho aux plaignants, la CNCDH à la société civile. Nous sommes complémentaires, pas concurrents.

4 avril 2019

Ne pas confondre lieux de mémoire et lieux de tourisme !!! un peu de respect !

Publicité
<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 20 30 40 50 > >>
Publicité