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Jours tranquilles à Paris
31 mai 2020

Controverse - Peut-on lutter à la fois contre le Covid-19 et contre le réchauffement climatique ?

lutter

FINANCIAL TIMES (LONDRES)

Le confinement forcé par la pandémie de Covid-19 a eu deux conséquences : l’effondrement brutal de l’économie et une baisse significative des émissions de gaz à effet de serre. Est-ce le bon moment pour faire rimer investissement vert et croissance ?

OUI

Les deux vont de pair

Nous avons tiré plusieurs leçons de la pandémie, la première étant que des risques très élevés en matière d’incidence et de probabilité appellent une intervention rapide – et que tout retard coûte cher. Très tôt, les professionnels de santé nous ont mis en garde contre les effets dévastateurs du Covid-19. Pourtant, rares sont les États qui ont pris des décisions à la hauteur des risques encourus.

Des pays comme le Japon, la Corée du Sud, Singapour et le Costa Rica, qui ont immédiatement pris des mesures préventives, donnent l’impression de s’en tirer nettement mieux que ceux qui ont tardé à agir. Le vieil adage selon lequel il vaut mieux prévenir que guérir recueille une large adhésion dans le domaine sanitaire, et il s’applique tout autant au dérèglement climatique.

Les catastrophes naturelles coûtent cher

Nous en connaissons les risques depuis des années. [La banque] Morgan Stanley a calculé que les 16 catastrophes météorologiques et climatiques survenues en 2017 aux États-Unis avaient coûté 309 milliards de dollars [285 milliards d’euros].

Au cours des dix années qui viennent de s’écouler, les pertes, résultant des catastrophes naturelles, se montent à 3 000 milliards de dollars [2 700 milliards d’euros] à l’échelle mondiale. Or, les mesures engagées en faveur du climat restent insuffisantes. Comme Mark Carney, alors gouverneur de la Banque d’Angleterre, l’a prédit en 2015 :

Le jour où le dérèglement climatique aura une influence directe sur la stabilité financière, il sera sans doute déjà trop tard.”

Préoccupé par cette flambée des risques, Larry Fink, le directeur général du fonds d’investissement BlackRock, écrivait récemment : “Nous sommes à l’aube d’une refonte totale du secteur de la finance.” Reste à savoir si cette refonte interviendra à temps.

Des années à venir décisives

Malgré des efforts louables, nous n’avons pas fait baisser nos émissions de gaz à effet de serre dans les proportions recommandées par les scientifiques, ce qui fait de la décennie en cours la plus décisive de l’histoire. Les dix années à venir détermineront si nous avons ou non une chance d’éviter les répercussions cataclysmiques du dérèglement climatique, qui seraient sans commune mesure avec celles du Covid-19.

Si, d’ici à 2030, nous n’avons pas réduit ces émissions de moitié à l’échelle mondiale, nous ne pourrons plus éviter des “ruptures” qui feront voler en éclats l’économie mondiale et mettront nos vies en danger. Les coûts de l’inaction sont vertigineux – 600 000 milliards de dollars d’ici à la fin du siècle.

Le nœud du problème, c’est que les décisions financières qui vont découler de cette pandémie dans les douze mois à venir détermineront l’avenir de l’économie mondiale pour les dix années qui viennent, c’est-à-dire la période précise où il nous faudra réduire de moitié nos émissions.

Les plans de relance vont coûter plusieurs milliers de milliards de dollars et les États n’auront sans doute pas les moyens de mettre autant de ressources dans d’autres urgences planétaires avant plusieurs années. Nous ne pouvons pas éteindre le brasier de la pandémie et celui du climat juste derrière. Car, d’ici là, il n’y aura plus d’eau à pomper.

La pandémie de Covid-19 entre en concurrence avec l’urgence climatique, et nous devons associer les solutions aux deux crises dans une même politique qui soit cohérente. Après les mesures d’urgence dans les domaines de la santé, de la sécurité et de la protection sociale, des programmes de relance non exclusifs devront engager l’économie mondiale sur la voie d’une croissance durable et d’une résilience accrue.

Directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie, Fatih Birol estime qu’“il ne faut pas laisser la crise en cours mettre en péril la transition énergétique”. Les États doivent réaffecter les 400 milliards de dollars [370 milliards d’euros] de subventions aux énergies fossiles à la promotion de l’efficacité énergétique, des énergies propres et des infrastructures durables.

On peut créer des millions d’emplois

Stéphane Hallegatte, économiste senior au sein du Groupe sur le changement climatique de la Banque mondiale, évoque d’autres investissements possibles, par exemple dans la régénération des sols dégradés, l’assainissement ou encore la mobilité douce. On pourrait ainsi créer des millions d’emplois à brève échéance, encourager l’innovation, appuyer la diversification de l’économie et réduire à la fois nos émissions de gaz carbonique et la pollution atmosphérique, en améliorant au passage la santé publique.

Jamais les conditions n’ont été plus favorables qu’aujourd’hui pour investir dans une reprise axée sur la résilience. Ces dix dernières années, les prix de l’électricité produite par l’éolien terrestre ont fondu de 70 % et ceux de l’électricité photovoltaïque de 89 % ; ceux des technologies de stockage de l’énergie suivent la même trajectoire.

Des investisseurs de premier plan visent le “zéro émission nette”, notamment une alliance de grands gestionnaires d’actifs à la tête de 4 600 milliards de dollars [4 200 milliards d’euros]. Un groupe réunissant de nombreux patrons et dirigeants politiques exhorte la Commission européenne à préparer un ambitieux plan de relance qui intégrerait la transition écologique et numérique. À l’heure de la reconstruction, ouvrons les yeux sur les risques et les possibilités qui se profilent à l’horizon. Repartons du bon pied et choisissons l’avenir que nous voulons.

Christiana Figueres – Ancienne secrétaire exécutive de la Convention des Nations unies sur les changements climatiques.

NON

Le coût serait trop élevé

Les défenseurs de l’environnement situent à 1,5 °C la limite “acceptable” pour l’augmentation d’origine anthropique des températures à l’horizon 2100. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) préconise pour 2030 l’introduction de taxes carbone dont le montant médian s’élèverait à 8 dollars par litre de pétrole en dollars de 2019, avant une nette augmentation au fil du siècle. L’instauration de taxes sur les autres sources d’énergie conventionnelle serait tout aussi néfaste pour l’économie – et ridicule d’un point de vue politique.

Les partisans de la lutte contre le changement climatique tentent d’éluder cette réalité en soutenant que les énergies de substitution sont compétitives et qu’une transition mondiale vers le renouvelable serait bonne pour la croissance, en favorisant l’investissement et la création de nouveaux emplois dans l’économie “verte”.

Manque de compétitivité

Seulement voilà : les énergies non conventionnelles ne sont pas compétitives. Sinon, pourquoi aurait-on tenté de les rendre viables à coups de taxes, de subsides et de parts de marché garanties ? Si l’augmentation des parts de marché du renouvelable a tiré les tarifs de l’électricité vers le haut en Europe et aux États-Unis, c’est à cause, notamment, de l’intermittence du vent et du soleil, de leur faible concentration énergétique et des limites théoriques de leur transformation en courant électrique.

L’argument qui veut que les investissements dans l’énergie verte soient bons pour la croissance ne tient pas compte des lourdes répercussions, sur d’autres secteurs, de la chute des investissements et de la hausse du prix de l’énergie. En privilégiant les énergies non conventionnelles, on réduit de manière non négligeable la valeur économique du capital humain et matériel (producteur et consommateur d’énergie) existant. Un tremblement de terre ne rapporte rien ; la même chose vaut pour des politiques qui sabordent la valeur de pans entiers de l’économie. Une énergie chère et une croissance en berne sont incompatibles avec la relance de l’emploi après la pandémie.

Maintenir une énergie bon marché

L’Agence internationale de l’énergie prédit que la récession provoquée par le Covid-19 réduira les émissions de gaz à effet de serre de 8 % cette année. Dans le cas où cette baisse se maintiendrait jusqu’à la fin du siècle, un modèle climatique financé par l’Agence américaine de protection de l’environnement prévoit que la réduction des températures serait légèrement supérieure à 0,1 °C en 2100.

En se fondant sur le même modèle, les effets d’une réduction beaucoup plus forte des gaz à effet de serre seraient d’un niveau que je juge insignifiant. Selon l’accord de Paris de 2015, auquel les parties signataires peuvent aisément se soustraire : 0,17 °C en 2100. Zéro émission de gaz à effet de serre dans tous les pays de l’OCDE : 0,3 °C. Une réduction de 30 % des émissions dans le monde entier : 0,6 °C. Autrement dit, aucun calcul plausible du ratio coûts-bénéfices ne justifierait de telles mesures.

Une énergie bon marché est nécessaire au développement économique des pays pauvres et à la reprise, après les effets dévastateurs du Covid-19 sur l’activité. L’opposition d’ordre idéologique aux énergies fossiles est une posture misanthrope qui considère l’homme de la rue, non comme un esprit créatif capable de résoudre des problèmes, mais comme une bouche à nourrir et une source de pollution.

Vus sous cet angle, la plupart des investissements dans l’humain – l’éducation, la santé, etc. – ne font qu’empirer les choses en augmentant la demande d’énergie.

“Les allégations d’urgence climatique ne sont pas étayées”

Beaucoup, dans les rangs de la gauche verte, ont salué la baisse des émissions de gaz à effet de serre résultant de la récession causée par le Covid-19 et ont exprimé, non pas le souhait d’une reprise de la croissance, mais la crainte d’une recrudescence des émissions.

Ils soutiennent que nous nous trouvons sous une épée de Damoclès climatique. Or, si les effets d’une augmentation de la concentration de gaz à effet de serre sont bien réels, ils n’en sont pas moins limités. Les allégations faisant état d’une “urgence climatique” ne sont nullement étayées et se fondent sur des modèles reposant sur des hypothèses peu plausibles.

En accordant la priorité aux politiques climatiques, on empêchera la plupart des gens d’améliorer leur situation, surtout après le séisme économique causé par le confinement. Sans compter que, si les pays s’appauvrissent, cela veut dire aussi qu’ils auront moins de ressources pour protéger l’environnement. La question n’est pas de savoir si les partisans de la croissance détestent la planète. Mais de savoir si les écologistes détestent l’humanité. Et la planète.

Benjamin Zycher – Chercheur invité de l’American Enterprise Institute, un think tank américain proche des néoconservateurs qui défend des positions climatosceptiques.

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31 mai 2020

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31 mai 2020

« Il cherchait un nouveau départ » : George Floyd, 46 ans, mort sous le genou d’un policier blanc

Originaire du Texas, celui dont la mort a provoqué des émeutes dans tout le pays cherchait à recommencer sa vie à Minneapolis, entre petits boulots et galères provoquées par le confinement.

Il avait quitté le Texas pour commencer une nouvelle vie à Minneapolis, dans le Minnesota, dans le nord des Etats-Unis. Mais George Floyd, cet Afro-Américain de 46 ans, décrit comme un homme généreux, qui a perdu son emploi pendant la crise due à la pandémie de Covid-19, est mort lundi 25 mai face contre terre, le cou sous le genou d’un policier blanc.

« Tout le monde aimait mon frère », a déclaré Philonese Floyd mardi, au lendemain de ce décès qui a provoqué des manifestations dans plusieurs villes et ravivé les appels à en finir avec un racisme « systémique » en Amérique. « C’[était] un doux géant », a-t-il affirmé à CNN. « Il ne [faisait] jamais de mal à personne. »

Le défunt avait d’abord trouvé du travail comme camionneur dans le Minnesota, puis comme agent de sécurité dans un restaurant, le Conga Latin Bistro, avant que le confinement porte un coup aux affaires. « Il nous faisait nous sentir en sécurité », a témoigné Luz Maria Gonzalez, une cliente régulière de l’établissement, auprès de la radio publique NPR. « En fin de soirée, il disait : “Hé Luz, je vais attendre avec toi jusqu’à ce que tu montes dans le taxi.” »

« Il disait vouloir toucher le monde »

D’autres ont évoqué les efforts que faisait George Floyd pour améliorer sa vie. « Je me souviens qu’il disait vouloir toucher le monde. Il voulait avoir un impact sur le monde », a raconté Jonathan Veal, un ami d’enfance, à la chaîne KPRC à Houston, où ils sont allés ensemble au lycée Jack-Yates. Du haut de ses deux mètres, George Floyd avait brillé dans le basket et le football américain, et s’était aussi essayé au hip-hop.

Mais comme l’explique le quotidien britannique The Guardian, sa vie a ensuite pris un autre tour. L’agence de presse américaine AP explique que lorsqu’il vivait au Texas, George Floyd a été inculpé de vol à main armé lors d’un cambriolage. C’était à Houston, en 2007. Il avait été finalement condamné à cinq ans de prison en 2009, dans le cadre d’un plea deal.

Après avoir purgé sa peine, et faute de pouvoir y trouver un travail, il avait décidé de quitter Houston. Direction Minneapolis, où plusieurs de ses amis d’enfance étaient déjà partis et l’avaient poussé à le rejoindre. « Il cherchait un nouveau départ », explique Christopher Harris, l’un d’entre eux. « Il était content de son évolution. » Jonathan Veal a dit avoir échangé avec son ami pour la dernière fois en janvier, par SMS. Il y a « des petites choses que je dois régler pour mes petits », avait alors écrit George Floyd. « Ma foi est en train de revenir là où elle doit être. »

Le 25 mai, comme le montre une vidéo de plusieurs minutes devenue virale, George Floyd est mort après qu’un policier a pressé son genou sur son cou alors qu’il était à terre dans la rue, non armé et menotté. « S’il vous plaît, s’il vous plaît, je n’arrive pas à respirer », l’entend-on dire. La police le soupçonnait d’avoir utilisé un faux billet de 20 dollars (18 euros) pour acheter des cigarettes, prévenue par l’employé d’une épicerie qui avait appelé le numéro d’urgence 911. Le Washington Post a publié une chronologie (réalisée à partir de plusieurs documents vidéo) retraçant les dernières minutes de sa vie.

« Il faisait tout ce qu’il fallait, et ils me l’ont tué »

Pour Bridgett Floyd, la mort de son frère ainsi, aux mains de la police, « est à briser le cœur ». « C’est exactement ce qu’ils ont fait. Ils ont tué mon frère. Il criait à l’aide », a-t-elle déclaré à NBC News.

Quatre policiers ont été licenciés après la mort de George Floyd. Derek Chauvin, celui qui a maintenu son genou sur son cou, a été arrêté vendredi et inculpé d’homicide involontaire.

George Floyd « n’était rien de moins qu’un ange envoyé sur terre », a réagi sa petite amie, Courtney Ross, auprès de CBS News. « Et nous l’avons diabolisé, et nous l’avons tué », a-t-elle dit. George Floyd avait, selon les médias américains, deux enfants. Roxie Washington, la mère de sa fille de 6 ans à Houston, l’a décrit comme un père dévoué. « Parce qu’il était si grand, les gens pensaient qu’il cherchait la bagarre », a-t-elle déclaré, citée par le Houston Chronicle. « Mais c’était une personne aimante, et il aimait sa fille. »

L’un des amis de longue date de George Floyd, Stephen Jackson, est devenu une vedette de la NBA. Ce qui n’a pas changé leur amitié, assure le sportif. « On s’appelait “Twin” (jumeau) », a-t-il raconté, visiblement ému, dans une vidéo sur Instagram. « Il était en train de changer sa vie », déménageant au Minnesota pour le travail, afin de subvenir aux besoins de ses enfants, a-t-il expliqué. « Mon gars faisait tout ce qu’il fallait, et ils me l’ont tué. »

31 mai 2020

Fanny Müller

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31 mai 2020

Marisa Papen

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Marisa Papen photo (4)

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31 mai 2020

Télétravail : « Les gens commencent à se demander s’ils travaillent à la maison ou s’ils dorment au bureau »

Par Christophe Degryse, Chercheur à l’Institut syndical européen

Le chercheur Christophe Degryse pointe, dans une tribune au « Monde », les effets pernicieux, et notamment les conséquences sociales, de la prétendue « libération des contraintes » qu’apporterait le télétravail.

L’une des conséquences inattendues de l’épidémie de Covid-19 est un changement d’attitude assez radical des employeurs et de nombreux salariés à l’égard du télétravail. Entreprises technologiques et industries plus traditionnelles annoncent que le travail à distance sera désormais la nouvelle norme. Il n’est donc pas inutile de s’interroger sur les conséquences sociales que pourrait entraîner une telle évolution.

Si le télétravail est aujourd’hui présenté, parfois à raison, comme une opportunité pour se libérer de contraintes telles que les navettes quotidiennes, le temps perdu dans les embouteillages, voire la supervision tatillonne du supérieur hiérarchique, il convient aussi d’en souligner le prix. En s’installant dans la durée, les nouvelles pratiques de télétravail commencent à révéler quelques signes d’un impact social plus profond que celui attribué à un déplacement du lieu de fourniture du travail.

Parmi ces signes, ceux liés au bien-être au travail. Une récente enquête menée au Royaume-Uni révèle déjà une augmentation significative des plaintes musculosquelettiques, une activité physique en baisse, des horaires de travail trop longs et irréguliers, une perte de sommeil. Autres signes : le manque d’interactions sociales, le déséquilibre entre vie professionnelle et privée, le sentiment d’isolement… Comme le note Neil Greenberg, spécialiste de la santé mentale au travail, les gens commencent à se demander s’ils travaillent à la maison ou s’ils dorment au bureau.

Erosion du modèle social

Parmi les coûts plus pernicieux de cette « libération des contraintes » figure le développement de la surveillance numérique. Si l’employeur accepte le travail à distance, c’est aussi parfois parce que les possibilités de contrôle de l’employé sont désormais infinies. Une simple visite sur le site Web de l’application Spyrix suffit à avoir un aperçu de ces possibilités : surveillance non détectable de l’activité du clavier, de l’utilisation des applications, captures d’écran, activation de la webcam… La nouvelle normalité du télétravail, ici plutôt dystopique, peut aussi être celle d’un capitalisme de surveillance.

Le développement dans la durée d’un télétravail massif pourrait de fait mener à l’érosion progressive des unités structurantes de notre modèle social. Revenons quelques siècles en arrière. L’industrie naissante, aux XVIIIe et XIXe siècles, suscite à l’époque elle aussi une transformation radicale des formes de travail. En s’industrialisant, les ateliers concentrent les travailleurs autour des nouvelles machines, faisant progressivement disparaître le travail à domicile. Cette nouvelle organisation du travail industriel emprunte les principes du théâtre classique du XVIIe siècle : unité de lieu, de temps et d’action. Le travail humain se « fixe » dans un lieu précis (l’atelier, plus tard l’usine, les bureaux), pour une durée déterminée (la journée de travail), dans le cadre d’une unité d’action (les travailleurs sont collectivement impliqués dans un seul processus de production).

AVEC LE TRAVAIL À DISTANCE S’ÉRODENT LE LIEU ET LES HORAIRES DE TRAVAIL, LES INTERACTIONS SOCIALES, VOIRE L’ESPRIT COLLECTIF

Ces trois unités vont progressivement structurer le modèle social des pays industrialisés : par l’amélioration des lieux de travail, notamment la prise en compte de la santé et de la sécurité, l’ergonomie, la prévention des maladies professionnelles, par l’encadrement du temps de travail (limitation des heures de travail hebdomadaires et congés payés) et par le développement d’un esprit collectif de travail, qui se reflète dans la culture d’entreprise, la négociation collective…

Ainsi, les unités de lieu, de temps et d’action du travail ont constitué ces « unités structurantes » du modèle social industriel. Or, c’est toute cette construction qui pourrait être mise en jeu. Avec le travail à distance s’érodent le lieu et les horaires de travail, les interactions sociales, voire l’esprit collectif. Les conséquences en seraient que toutes les protections liées à ces unités s’éroderaient elles aussi : comment appliquer les règles en matière de temps de travail à un personnel transformé en archipels de télétravailleurs dispersés ? Comment prévenir les risques psychosociaux liés à l’organisation ou au contenu du travail (stress, harcèlement moral, burn-out, suicide) ? Comment dans ces conditions créer du collectif et de la négociation collective ? Comment réduire les inégalités naissantes de conditions de travail : travailler chez soi, mais quel chez-soi ?

Réinventer des unités structurantes

Avant même la pandémie, l’économie de plate-forme avait préfiguré ces risques sociaux pour les travailleurs isolés, sans accès à un management caché derrière des algorithmes et des interfaces de programmation d’applications, privés des interactions avec les collègues, soumis à l’imprévisibilité des horaires de travail et à des rémunérations au lance-pierre.

Eviter que ceci devienne le lot de tous les travailleurs à distance nécessite de réinventer des unités structurantes pour un modèle social et numérique compatible. Cela pourrait passer par la mise en place de nouveaux « lieux de travail » virtuels permettant aux télétravailleurs de se réunir et de partager leurs expériences. Par de nouvelles « unités de temps » compatibles avec la vie privée, c’est-à-dire de nouvelles formes de limitation du temps de travail (par exemple, des plages horaires de déconnexion des serveurs de l’entreprise). Par une « unité d’action » à réinventer : formes virtuelles d’organisation de travail en équipe et d’organisation de la représentation collective.

Ces pistes sont très incomplètes et n’épuisent pas la question. Il faudrait encore traiter du rôle de l’inspection du travail dans ce nouveau contexte, des coûts des équipements individuels, de l’évaluation des performances, du management algorithmique, des politiques de formation, de l’exercice des droits syndicaux et des nouvelles formes d’action collective…

Christophe Degryse est chercheur à l’Institut syndical européen (European Trade Union Institute, ETUI).

31 mai 2020

En Autriche...

autriche

31 mai 2020

Twitter entreprend de modérer Donald Trump

trump et twitter

Par Corine Lesnes, San Francisco, correspondante Le Monde

Pour la première fois, le réseau social a réduit la visibilité d’un tweet présidentiel. Le locataire de la Maison Blanche menace de s’en prendre à l’impunité des plates-formes.

« When the looting starts, the shooting starts » (« Si les pillages commencent, les tirs commencent »). Employée par Donald Trump vendredi 29 mai à 1 h 53 du matin, alors que Minneapolis, dans le Minnesota, avait connu une troisième nuit de violences, la formule restera dans l’histoire des réseaux sociaux comme le premier tweet du président américain à avoir été réduit en visibilité par Twitter. Pour la première fois, Donald Trump a été soumis à une forme de modération.

Sans retirer le message, la plate-forme l’a placé derrière un avis expliquant qu’il avait enfreint son code de conduite relatif à la « glorification de la violence ». Venu d’un particulier, le tweet aurait été supprimé. Emanant du président des Etats-Unis, Twitter y a laissé accès, conformément à sa politique de prendre en compte la dimension « d’intérêt public » que présentent les messages des chefs d’Etat ou de gouvernement. Pour le consulter, il fallait cliquer de nouveau, et il était impossible de le retweeter ou d’y répondre.

Un affront pour le président candidat

Un peu plus tard, M. Trump a fait reposter le même message, cette fois sur le compte officiel de la Maison Blanche. Sans émouvoir Twitter, qui l’a également masqué. Un affront caractérisé pour le président-candidat, qui se sert du réseau social pour communiquer directement avec ses 80,6 millions d’abonnés en court-circuitant les médias, le Congrès et sa propre administration.

La formule employée par M. Trump n’était pas plus outrancière que certaines de celles qui depuis trois ans lui ont valu des accusations de racisme ou de proximité avec l’extrême droite suprémaciste ou conspirationniste. Le président faisait référence aux violentes manifestations qui agitent Minneapolis – et maintenant d’autres villes du pays – depuis la mort de George Floyd, un vigile noir au chômage, pressé de longues minutes face contre terre, suffoquant sous le genou d’un policier blanc. « Ces VOYOUS déshonorent la mémoire de George Floyd, accuse le tweet. Je viens de parler au gouverneur Tim Walz et je lui ai dit que l’armée est entièrement avec lui. A la moindre difficulté, nous prendrons le contrôle mais, si les pillages commencent, les tirs commencent ». « Thank you », conclut-il sans préciser qui exactement il remercie.

La formule qui fait rimer « lootings » (pillages) et « shootings » (tirs) est très connotée. Selon les archives du New York Times, elle avait été employée par le chef de la police de Miami Walter Headley en 1967 pour menacer les « voyous » qui manifestaient pour les droits civiques. L’officier ne cachait pas qu’il lui était « égal » de voir ses agents « être accusés de brutalité policière ». Dans le contexte de Minneapolis, elle a été vue comme une invitation à la répression.

Référence historique

Ce n’est pas la première fois que Trump soulève l’indignation par ses tweets incendiaires. Jusque-là, Twitter n’avait pas sévi. Cette fois, l’émotion suscitée par les images d’une scène qui a duré neuf minutes a été telle que la plate-forme a jugé bon de réagir. M. Trump s’est-il lui-même aperçu qu’il avait manqué de retenue ? Quatorze heures plus tard, il a tweeté que son message de la nuit était « dit comme un fait pas comme une déclaration », une logique que le New York Times a jugée « déroutante ». La Maison Blanche a fait savoir que le président n’était pas conscient de la référence historique.

Donald Trump a vu dans l’attitude de Twitter une justification supplémentaire à sévir contre les réseaux sociaux, une menace qu’il agite depuis plus d’un an. D’autant que, deux jours plus tôt, la plate-forme de Jack Dorsey s’était permis de relativiser deux autres de ses messages en les faisant suivre d’une petite ligne de couleur bleue : « Consultez les faits ». Cette fois, le chef de l’exécutif s’attaquait − une nouvelle fois − à la Californie, et à son gouverneur, Gavin Newsom, pour sa décision de généraliser l’accès au vote par correspondance, à moins de six mois d’une élection qui se tiendra, sauf miracle, en temps de pandémie. M. Trump ayant répercuté des accusations de fraude infondées, Twitter avait ajouté des éléments de fact-checking (vérification) dans le cadre de ses « efforts pour renforcer l’intégrité civique » dans les débats.

Furieux, M. Trump a sorti le 28 mai un décret des cartons où ses services le conservaient depuis un an, selon le site spécialisé Protocol. L’executive order sur la « prévention de la censure en ligne » s’en prend particulièrement à la section 230c de la loi de 1996 sur la décence dans les communications, le fondement du modus operandi des réseaux sociaux. Cet article exonère les plates-formes de quasiment toute responsabilité sur le contenu publié. Il leur permet d’autre part de retirer des contenus sans crainte d’être poursuivies pour autant que leur « bonne foi » soit établie. C’est cette idée de bonne foi que M. Trump demande à la FCC, le régulateur des télécommunications, de revisiter pour remédier à ce qu’il voit comme un parti pris anti-républicain.

Un tournant majeur dans le débat

L’intervention de Twitter pour modérer le président américain a été vue comme un tournant majeur dans le débat sur la réticence des réseaux sociaux à modérer les contenus postés. « Ce lien en bleu qui aura changé la direction de l’Internet », a commenté le jeune patron de la Silicon Valley Aaron Levie, en référence à la correction ajoutée au tweet présidentiel. Quelques-uns ont regretté que le geste de Twitter arrive bien tard alors que M. Trump use et abuse de contre-vérités sur son compte. Les plus radicaux ont interpellé Jack Dorsey : « Virez-le ! »

Suspendre le compte @RealDonaldTrump est un rêve caressé depuis longtemps par les progressistes. La sénatrice Kamala Harris, alors en campagne, l’avait réclamé en octobre, estimant qu’il « met la démocratie en danger ». M. Trump avait alors laissé entendre que son impeachment déclencherait une « guerre civile ». A l’extrême, rien n’interdirait à Twitter de supprimer le compte. Comme toutes les compagnies privées, elle n’est pas tenue au respect du 1er amendement sur la liberté d’expression.

Le sort de la section 230 a peu de chances d’être réglé avant l’élection du 3 novembre. A signaler que cette provision est remise en cause aussi à gauche. Le 16 décembre, dans une interview au New York Times, Joe Biden avait attaqué avec virulence cette provision qui avait permis, selon lui, que soient publiées impunément des publicités mensongères l’accusant de pressions sur l’Ukraine pour protéger son fils. L’ancien vice-président aussi voulait lui aussi « révoquer » la section 230. Dans son cas, l’ennemi n’était pas Twitter mais Facebook...

31 mai 2020

Fin de la limite des 100 km le 2 juin...

100km

31 mai 2020

Donald Trump fait le choix de la guerre froide avec Pékin

trump chaos

Par Gilles Paris, Washington, correspondant, avec Jean-Pierre Stroobants à Bruxelles

Le président américain va lancer le processus de révocation des exemptions accordées à Hongkong. Il a également annoncé vendredi que les Etats-Unis mettaient fin à leur relation avec l’OMS.

Entre la Chine et les Etats-Unis, l’heure est désormais à la guerre froide. Donald Trump l’a acté, vendredi 29 mai, en multipliant les gestes de défiance vis-à-vis de Pékin. Le président des Etats-Unis va ainsi lancer le processus de révocation des exemptions accordées à Hongkong du fait de la remise en cause de son statut spécial par les autorités chinoises.

« Cette décision aura un impact sur l’ensemble des accords que nous avons avec Hongkong », a assuré Donald Trump, qui a qualifié de « tragédie pour le peuple de Hongkong, pour la Chine, et pour le monde entier » les atteintes contre l’autonomie concédée en 1997 par les autorités chinoises, lors de la rétrocession du territoire à la Chine par la couronne britannique. Cette autonomie devait s’étendre pendant un demi-siècle. Pékin « n’a pas tenu sa parole », a assuré le président après le feu vert donné à une loi de sécurité nationale par le parlement chinois. « La Chine a remplacé sa formule promise d’un pays, deux systèmes, par un pays, un système », a-t-il ajouté.

Liens coupés avec l’OMS

Victime collatérale de ces tensions sans précédent entre les deux pays, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) n’a pu que mesurer l’ampleur des dégâts vendredi. Donald Trump a en effet mis à exécution ses menaces de couper les liens avec l’agence onusienne du fait de liens jugés trop étroits avec Pékin. « Nous avions détaillé les réformes qu’ils devaient faire et nous nous sommes adressés directement à eux, mais ils ont refusé d’agir », s’est justifié le président, qui avait adressé un ultimatum à l’organisation. Il a assuré que les sommes versées auparavant par le pays, qui est premier contributeur de l’OMS, seraient réaffectées à d’autres organisations, sans préciser lesquelles.

Le président des Etats-Unis s’est inspiré en outre des suggestions des tenants d’une ligne dure contre la Chine, à commencer par le sénateur républicain de l’Arkansas, Tom Cotton, pour sanctuariser « la recherche universitaire vitale » pour les Etats-Unis, en décidant de suspendre l’entrée de « certains ressortissants de la Chine que nous avons identifiés comme potentiels risques à la sécurité ». Tom Cotton estime que certains étudiants se livrent en fait à des activités d’espionnage. La moitié des 370 000 étudiants chinois présents aux Etats-Unis suivent des études scientifiques.

Enfin, Donald Trump a demandé à son administration d’examiner « les pratiques des entreprises chinoises cotées sur les marchés financiers des Etats-Unis afin de protéger les investisseurs américains ». « Les sociétés d’investissement ne devraient pas soumettre leurs clients aux risques cachés et inutiles présentés par des entreprises chinoises qui ne jouent pas selon les mêmes règles. Les Américains ont droit à un traitement équitable et transparent », a encore souligné le président.

Revirement brutal

La détermination de Donald Trump tranche avec la mansuétude dont il a longtemps fait preuve à l’égard de Pékin. En privilégiant la conclusion d’un accord commercial dans la perspective de l’élection présidentielle, le président des Etats-Unis a été conduit à relativiser l’enjeu de Hongkong en 2019. De même, il a longtemps porté crédit à son homologue, Xi Jinping, pour sa gestion du coronavirus avant d’effectuer un revirement brutal lorsque la maladie a commencé à ravager les Etats-Unis. Contrairement à son vice-président, Mike Pence, qui avait prononcé un discours particulièrement virulent en octobre 2018 contre la Chine, Donald Trump, pourtant prompt à dénoncer « le communisme » et « le socialisme », ne s’est jamais attaqué directement à la nature autoritaire du régime chinois.

Le président des Etats-Unis sait que ce durcissement américain va rencontrer un large écho, au Congrès comme au sein de l’opinion publique. La Chambre des représentants a ainsi voté le 27 mai une proposition de loi visant à sanctionner des responsables chinois accusés de « l’internement de masse » des musulmans ouïgours. Le texte a été adopté à une écrasante majorité de 413 voix pour et seulement une contre. Le Sénat avait déjà approuvé à l’unanimité le texte quelques jours plus tôt. Ce texte attend désormais un paraphe présidentiel qui envenimerait encore davantage des relations entre les deux premières puissances mondiales.

Les décisions annoncées par Donald Trump ne font cependant pas toutes l’unanimité. Celle de couper la contribution américaine à l’OMS est ainsi critiquée par les élus démocrates qui considèrent qu’elle va donner les coudées encore plus franches à Pékin. La présidente démocrate de la Chambre, Nancy Pelosi (Californie), a déploré « un acte de stupidité extraordinaire ». Sa légalité est également contestée s’agissant de fonds votés par le Congrès.

Image négative de la Chine

L’image de la Chine n’a cessé de se dégrader chez les Américains au cours des deux dernières années. Une enquête du Pew Research Center publié en avril a montré que 66 % des Américains en ont une image négative (contre 26 % d’avis contraires). Il s’agit du pire résultat depuis les débuts de ce baromètre, en 2005. En 2017, les avis défavorables ne l’emportaient que de très peu sur les positifs (47 % contre 44 %).

Cette mauvaise image est majoritaire chez les républicains (72 %) comme chez les démocrates (62 %). Elle s’impose dans toutes les classes d’âge, y compris chez les jeunes. Compte tenu de ce terreau propice, il est très probable que les deux principaux candidats à l’élection présidentielle de novembre rivalisent pour le titre de meilleur opposant à Pékin.

Fidèle à l’attitude adoptée depuis son arrivée à la Maison Blanche, Donald Trump a choisi de s’engager dans cette guerre froide avec Pékin sans chercher à se concerter avec ses alliés européens. Le haut représentant européen, Josep Borrell, a admis vendredi que la pression chinoise sur Hongkong pose problème. « Notre relation avec la Chine est fondée sur le respect et la confiance mutuels mais cette décision les remet en cause », a-t-il assuré.

Particulièrement prudent, l’ancien ministre espagnol a présenté la Chine comme « une alliée, une rivale, une compétitrice, une actrice systémique » et il n’est pas question à ce stade d’adopter des sanctions réclamées pour l’instant que par la Suède. Il a ajouté que ces tensions ne remettent pas en cause la tenue du prochain sommet entre l’Union européenne et la Chine prévu par visioconférence à la fin juin, et d’un autre, en septembre, à Leipzig.

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