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Jours tranquilles à Paris

13 mars 2019

Le temps de sommeil moyen des Français passe en dessous de 7 heures par nuit

Par Pascale Santi

Les nuits des Français ont perdu entre une heure et une heure trente en 50 ans, selon le baromètre de Santé Publique France. L’omniprésence des smartphones et autres écrans, mais aussi le bruit, expliquent entre autres ce phénomène.

Les Français dorment de moins en moins. En moyenne, leurs nuits ont perdu entre une heure et une heure trente en 50 ans. Pour la première fois, leur temps de sommeil est passé en dessous de 7 heures par nuit, en incluant les jours de repos, selon le baromètre de Santé Publique France (SPF) publié dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) mardi 12 mars. Il était en moyenne de 6 heures 42 minutes en semaine en 2017, contre 7 heures et 9 minutes dans la précédente enquête de 2010 et aux alentours de 7 heures dans d’autres sondages de l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV). A l’instar de tous les pays, « cette étude confirme de manière pleine et entière la haute prévalence de l’insuffisance de sommeil dans la population générale française », indique le BEH. L’enquête a été menée par téléphone auprès de 12 637 personnes de 18 à 75 ans.

Sur toute la semaine, le temps de sommeil moyen est inférieur de 19 minutes au temps idéal. Celui-ci a été calculé à partir de la question suivante : « en moyenne, de combien de temps avez-vous besoin pour être en forme ? » La réponse donnait une valeur moyenne de 7 h 14 de sommeil quotidien. Un grand nombre de Français serait donc en manque de sommeil. L’heure de coucher est assez tardive (23 h 15 en moyenne), compte tenu d’une heure de lever assez précoce (6 h 48).

La proportion de courts ou petits dormeurs (moins de 6 heures) s’est accrue, à 35,9 %, les femmes étant plus concernées que les hommes. Cela signifie donc qu’un tiers de la population s’estime en dette de sommeil (quand la différence entre temps de sommeil idéal et temps de sommeil est supérieure à 60 minutes), dont un quart en dette de sommeil sévère (lorsque cette différence dépasse 90 minutes). Ainsi 47 % des femmes entre 45 et 54 ans sont en dette de sommeil.

Effets délétères sur la santé

Cette évolution est problématique : on sait que le manque de sommeil a des effets délétères sur la santé. « Cette dette de sommeil est une épidémie qui aggrave la plupart des maladies chroniques », pointe le docteur Joëlle Adrien, présidente de l’INSV. De nombreuses études épidémiologiques montrent que dormir moins de six heures par nuit est associé à un risque plus élevé d’obésité, de diabète de type 2, d’hypertension, de pathologies cardiaques. Il joue aussi sur la fonction immunitaire, en accentuant le risque d’infection.

Le sommeil joue aussi un rôle dans les phénomènes de concentration, d’apprentissage, de mémorisation… Des études ont ainsi montré qu’une dette de sommeil chez les collégiens était liée à des plus faibles volumes de matière grise, dans plusieurs régions cérébrales. La durée du sommeil s’est aussi sensiblement réduite chez les enfants et les adolescents. Une mauvaise qualité et/ou quantité de sommeil accentue le risque d’irritabilité, de symptômes dépressifs, note l’Inserm.

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De plus, le manque de sommeil est souvent corrélé avec plus d’accidents et un usage abusif d’alcool et de drogues. Ainsi les fumeurs quotidiens, peu ou fortement dépendants, étaient plus fréquemment courts dormeurs que les occasionnels et les non-fumeurs, note l’étude.

Comment expliquer cette diminution du temps de sommeil ? Le travail de nuit constitue une des raisons identifiées. Le nombre de travailleurs de nuit est passé de 3,3 millions en 1990 à 4,3 millions en 2013. Ensuite, le temps de trajet entre domicile et travail augmente, tant dans les mégalopoles que dans les zones rurales de plus en plus éloignées des centres de vie active : certaines personnes conduisent deux à trois heures par jour, note l’étude. Autre constat : « les personnes les moins diplômées ou vivant dans des agglomérations de plus de 200 000 habitants courent plus de risques d’être des petits dormeurs. »

Ecrans, bruit, pollution lumineuse…

Sans surprise, la baisse du temps de sommeil s’explique aussi par le temps passé devant les écrans, et ce à tout âge. En moyenne 4 h 11 par jour pour les enfants de 6 à 17 ans, et 5 h 07 pour les adultes (hors contexte professionnel), selon l’étude de SPF de 2017. Smartphones, tablettes, ordinateurs, abondance de l’offre culturelle, à toute heure de la soirée, et même parfois la nuit, jouent sur le temps consacré au sommeil, et retardent souvent le moment où l’on tombe dans les bras de Morphée. La qualité, tout autant que la durée du sommeil, s’en ressentent : nombre d’adolescents laissent leur portable allumé la nuit et sont réveillés à plusieurs reprises par des notifications. Ce comportement parfois addictif nuit gravement au sommeil. Sans compter que la lumière bleue perturbe la sécrétion de mélatonine et a des effets sur le rythme circadien (le cycle veille-sommeil).

De plus, « face à une accélération des rythmes où chacun se veut présent au monde et connecté à tout moment, le sommeil peut apparaître comme un temps facultatif, et il est bien malmené dans la compétition quotidienne qu’il mène face aux loisirs et au travail », soulignent François Bourdillon, directeur général de SPF, et Damien Léger (Centre du sommeil et de la vigilance, Hôtel-Dieu à Paris) dans l’éditorial du BEH. Notamment chez les jeunes où le sommeil est souvent la variable d’ajustement pour gagner du temps.

A cela s’ajoute l’impact négatif du bruit : avions, deux roues en ville, terrasses de café. De plus, la pollution lumineuse comme le réchauffement climatique pèsent aussi sur le sommeil. En effet, la température influe sur la qualité de sommeil. Il est admis que la température idéale pour la nuit est d’un peu moins de 20 degrés.

Point positif, l’insomnie semble avoir baissé par rapport à une prévalence de 15 à 20 % lors des précédentes enquêtes. Mais cette baisse n’est pas significative chez les femmes, bien plus touchées que les hommes. Parmi les causes de l’insomnie figure le syndrome d’apnée du sommeil qui n’est pas forcément encore suffisamment détecté, notamment chez les enfants.

La sieste, préconisée

Des propositions de prévention pour enrailler cette dégradation du sommeil sont avancées. D’abord, plus d’information, notamment en direction des populations les plus touchées. Ensuite : soigner l’environnement de la chambre, avec notamment une literie de qualité, des conseils de bon sens trop peu souvent respectés. L’incitation à la sieste est également préconisée. D’ailleurs, plus d’un quart (27,4 %) des Français s’y adonnent au moins une fois par semaine, selon le baromètre santé. L’enquête montre que bien plus aimeraient y avoir recours, mais les conditions pratiques de mise en œuvre ne sont pas souvent réunies, dans le monde professionnel ou le monde scolaire. Or, « il est démontré que lorsqu’elle est bien faite (20 à 30 minutes), elle est efficace est préventive. Il est donc aisé de la proposer plus largement », prônent François Bourdillon et Damien Léger.

Autre mesure, promouvoir l’activité physique. Plusieurs études ont montré « qu’une activité physique modérée et régulière améliorait le sommeil lent profond et diminuait les symptômes d’insomnie ». Enfin, il est conseillé d’améliorer son alimentation, et d’éviter l’alcool.

L’INSV va consacrer le thème de la 19e journée du sommeil qui se tient le 22 mars à l’évolution des modes de vie, notamment l’organisation sociale (éclatement des familles, omniprésence des écrans, relationnel fondé sur les réseaux sociaux), professionnelle (horaires atypiques, travail de nuit)…

Dans ce contexte, les experts de santé publique sont formels. Trop souvent oublié des stratégies de santé publique, le sommeil doit être considéré comme une question essentielle pour la santé, au même titre que l’alimentation ou l’exercice physique. « Ce déclin du temps et de la qualité du sommeil ne doit pas être une fatalité », souligne l’éditorial du BEH.

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13 mars 2019

Mc Queen

mc queenAvec "McQueen", Ian Bonhôte et Peter Ettedgui signent un vibrant hommage à Alexander McQueen, génial créateur à l'âme tourmentée qui a fait de la mode un spectacle sans limite. Pour ne surtout pas rater ce documentaire événement en salles dès maintenant, Vogue Lovers vous offre vos places de cinéma.

Présenté en avant-première au festival du film de Tribeca en avril 2018, le documentaire tant attendu McQueen réalisé par Ian Bonhôte et Peter Ettedgui réussit le pari de saisir au vol cet électron libre autodidacte qu'était Alexander McQueen. Agrémenté d'images d'archives et de témoignages poignants de son entourage, McQueen ne laisse personne indemne en peignant le portrait de son incroyable ascension noircie par ses démons, venus de l'enfance. Une révélation choc encore jamais révélée qui dessine les contours de cette âme torturée qui a révolutionné la mode. 

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13 mars 2019

PLOUHARNEL : Les vestiges du Mur de l’atlantique

Le site du Bego compte près de 180 ouvrages bétonnés disséminés dans la dune de Plouharnel. Cette ligne défensive côtière a rempli une double mission pendant la seconde guerre mondiale : protéger la rade de Lorient et les U. Boat de l’amiral Dönitz et prévenir un éventuel débarquement des troupes alliées sur la façade atlantique.

Retenue dès 1940 pour accueillir cet important dispositif de défense, Plouharnel dispose de 1 400 hectares de dunes, déjà servitudes de tirs et vierges de toute habitation. Au printemps 1941, la construction du point d’appui démarre. On fait appel à la main-d’œuvre locale mais aussi étrangère, ouvriers volontaires, prisonniers de guerre, déportés… Deux années et 2000 personnes seront nécessaires à la réalisation de cette batterie considérée comme la plus importante et la plus puissante du Mur de l’atlantique. Un modèle de l’ingénierie militaire allemande ! Imaginez une armée de travailleurs qui se mettent à l'ouvrage. Une ferme installée sur la dune produit sur place la nourriture nécessaire, animaux et légumes. Le 13 mars 1944, le maréchal Rommel en inspection en Bretagne, visite la dune du Bego, fait ajouter des défenses sur la plage et renforce les champs de mines. La visite du « Renard du désert » sur la dune de Plouharnel démontre l'importance stratégique du site.

De cet ensemble militaire, il reste aujourd'hui la quasi-totalité des bunkers qui ont abrité 700 soldats allemands. Chaque emplacement compte une citerne de 50 m3, un abri pour groupe électrogène, des réserves de munitions, un abri pour 60 servants. Sur la dune, la tour d'observation de tir, un ouvrage qui culmine à 21 m, se voit de loin.

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Le 13 mars 1944, le maréchal Rommel en inspection en Bretagne, visite la dune du Bego, fait ajouter des défenses sur la plage et renforce les champs de mines. Il y a 75 ans !

13 mars 2019

Milo Moiré

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Photos : Peter Palm

13 mars 2019

Quand les luttes intestines brouillent la vue d’ensemble.... ça c'est bien vrai !

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12 mars 2019

Viktoria Modesta, amputée et star du Crazy Horse

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Avec sa prothèse et son style futuriste, Viktoria Modesta, chanteuse et performeuse britannique, sera bientôt la vedette du cabaret parisien.

Cape en plastique sur les épaules, chevelure noire sculpturale et magnifique prothèse en plastique translucide mise en avant, Viktoria Modesta prend la pose dans le petit salon rouge du Crazy Horse. Presque irréelle et si charnelle, la chanteuse, compositrice et modèle de 30 ans s’excuse de son retard. Arrivée la veille de Los Angeles, elle accuse le décalage horaire.

« Il faut convaincre mon corps qu’il n’est pas cinq heures du matin », lâche-t-elle d’un sourire mutin. Son corps, pourtant, a l’habitude de lui obéir, elle qui l’a refaçonné pour « l’harmoniser avec [son] identité ». Il y a dix ans, la Britannique a décidé de subir une amputation volontaire de la jambe gauche, remplaçant ce membre déficient de naissance par une prothèse. Il s’agissait d’améliorer sa mobilité et l’image qu’elle avait d’elle-même.

Elle défend l’idée de « beauté altérée »

Depuis, elle s’est construit un personnage à l’univers propre. Dans le style gothico-futuriste, la voici « show girl bionique » avec cette prothèse dont elle décline formes et matière, un coup lumineuse, un coup en cristal Swarowski ou en métal poli… Très attentive à son image, elle défend depuis une dizaine d’années l’idée de « beauté altérée ».

Après Dita Von Teese, Clotilde Courau, Arielle Dombasle ou Pamela Anderson, c’est cette beauté, intrigante et fascinante que convie en invitée spéciale le Crazy Horse en juin prochain. Pas pour sa jambe en moins, mais bien parce « qu’elle a un truc en plus », insiste Andrée Deissenberg, directrice de la création du cabaret. « C’est la femme, son esthétique et la puissance de sa réflexion sur l’identité qu’on invite. Avec elle, c’est un regard vers le futur que l’on porte. »

Née en Lettonie, Viktoria passe en grande partie son enfance à l’hôpital, subissant des opérations à répétition. Sans succès. L’innocence de l’enfance la protège. « Les gamins n’ont pas nécessairement conscience d’être différents, j’ai grandi en ayant confiance en moi. Je n’allais pas à l’école, mais faisais d’autres choses… Pour moi tout était possible. » Elle chante, l’art l’attire.

À 12 ans, sa famille émigre à Londres. Nouvelle ville, nouvelle vie. La mode, la vie nocturne et surtout « ces gens libres d’être qui ils voulaient », elle s’y libère, côtoie l’underground, découvre l’artiste expérimental Matthew Barney et le couturier Alexander McQueen qui travaillent avec Aimée Mullins, actrice, mannequin et athlète amputée des deux jambes. Germe en elle l’idée que son corps ne correspond pas forcément à son identité.

« Il y a des gens nés pour être différents »

« Ce corps brisé m’entravait, j’ai décidé de me faire amputer de cette jambe trop courte. » Elle a 15 ans. Il en faut du courage. De la persévérance aussi. Cinq ans durant, les médecins refusent. Elle insiste. « C’était une question de vie ou de mort, le seul moyen de vivre libre plutôt que de subir », souffle-t-elle.

Un médecin accepte. Elle a 20 ans. Délestée, elle prend son envol, multiplie les projets, production musicale, photo, chanson, site Internet… « Je vivais enfin ma réalité. Les autres ne savent pas toujours ce qui est le mieux pour vous. » Sexy, elle joue le côté glamour futuriste. Son leitmotiv : « Être fun, montrer qu’on doit avoir confiance en son imagination, en soi, qu’il faut s’aimer. »

Reine des Neiges bionique de la parade des jeux paralympiques de 2012 à Londres, elle tourne en 2014 pour Channel 4 « Prototype », clip puissant dans lequel elle danse suspendue à des filins avec une pointe effilée au bout de la jambe - une séquence qu’elle pourrait reproduire sur la scène du Crazy. Sorte de rebelle, on la voit effrayer l’ordre établi avec sa prothèse assumée. « Il y a des gens nés pour être différents, pour prendre des risques », lit-on à la fin.

Consciente que « le business et le monde de la pop culture n’ont pas d’intérêt à changer les mentalités », elle s’oriente alors vers le milieu de l’art et de la performance. Tout en cultivant une image glamour sur papier glacé et Instagram, elle côtoie au sein du MIT Media Lab - laboratoire pluridisciplinaire et non conventionnel - artistes et scientifiques, esprits libres cherchant à inventer un meilleur futur…

Le coup de fil du cabaret parisien l’a surprise, mais elle a dit oui, aussitôt, avec l’idée de « conserver l’essence du Crazy Horse tout en portant la féminité dans le futur ». Trois tableaux seront spécialement créés, le spectacle sera adapté et l’esprit rétro-futuriste pourrait envahir la salle…

Est-elle une super héroïne ? « Je ne crois pas… Les superhéros viennent de notre imaginaire, je me suis échappée de mon imagination, je me suis pensée, c’est vrai. C’est au public de décider… Le job des superhéros est de vous faire sentir mieux, si je peux avoir cet effet sur quiconque, ce serait génial ».

« Bionic Show Girl », du 3 au 16 juin, au Crazy Horse (Paris 8e).

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http://www.viktoriamodesta.com/

12 mars 2019

Extrait d'un shooting

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12 mars 2019

Sainte Chapelle

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12 mars 2019

Critique - Une farce funèbre dans les coulisses du cinéma

Par Jacques Mandelbaum

« Convoi exceptionnel », le dix-neuvième long-métrage de Bertrand Blier suit la déambulation de deux oisifs dont les péripéties s’enchaînent au fil d’un scénario écrit au jour le jour.

L’AVIS DU « MONDE » – À VOIR

« Il est complètement fou ce mec. Mais moi, les dingues, je les soigne. J’m’en vais lui faire une ordonnance, et une sévère… Je vais lui montrer qui c’est Raoul. Aux quatre coins de Paris qu’on va le retrouver, éparpillé par petits bouts, façon puzzle. Moi, quand on m’en fait trop, je correctionne plus : je dynamite, je disperse, je ventile ! » On a cherché, mais on n’a rien trouvé de mieux que cette réplique allurée de Bernard Blier (Les Tontons flingueurs, Georges Lautner, 1963) pour convoquer un peu de l’esprit et de la manière du film, qui nous a laissés dans une agréable incertitude. Mettez en effet Bertrand à la place de Bernard, Convoi exceptionnel à la place de Raoul, et vous obtenez la méthode que le premier semble avoir employée pour tourner son dix-neuvième long-métrage, ou peut-être pour en finir avec lui.

Neuf ans après Le bruit des glaçons, qui faisait déjà tinter la coupe amère du cancer à nos oreilles, le tout frais octogénaire revient pour s’occuper expressément du convoi funéraire. Problème : il a oublié le chemin du cimetière, égaré la liste du cortège, perdu jusqu’au macchabée en route, de sorte que le tableau tourne sinon à l’exceptionnel, du moins au cadavre exquis. Qu’on en juge. Propos liminaire : les deux héros – le déclassé Taupin (Gérard Depardieu) qui pousse un chariot de supermarché et le bourgeois Foster (Christian Clavier) en manteau poil de chameau – s’aboient dessus on ne sait trop pourquoi, au milieu d’une chaussée encombrée par un embouteillage, manifestation motorisée de l’absurdité de la condition humaine. De fil en aiguille, la conversation prend un tour plus paisible, mais pas moins bizarre. « J’ai beaucoup merdé », confesse Taupin/Depardieu, à quoi Foster/Clavier répond, consultant une brochure qu’il sort de sa poche, que ce n’est pas le tout, mais qu’ils ont rendez-vous à la séquence dix-sept avec un type qui s’appelle Jérôme Leréveillé et qu’ils doivent l’assassiner.

Taupin, qui n’a, quant à lui, pas de scénario (une habitude de Gérard Depardieu), dit qu’il ne comprend rien à l’histoire et renâcle (une autre habitude de Depardieu). C’est pourtant lui qui, le moment venu, tordra le cou audit Leréveillé, lequel, curieusement, n’entend pas se laisser occire sans rien faire et leur brandit un flingue sous le nez.

Mise en abyme

Après, les événements s’enchaînent sans qu’on sache au juste le pourquoi du comment, au rythme de la livraison des pages d’un scénario que de jeunes gens apportent à tout bout de champ, et plus ou moins obligeamment, en petite voiture électrique de marque française. Dans un bureau avoisinant, en effet, une armée de graphomanes stipendiés pond au jour le jour les péripéties du film qu’on est train de voir, sous la férule d’une donzelle qui a tout de la maîtresse SM (Audrey Dana, rouge sang aux lèvres, talons aiguilles aux pieds). Mise en abyme du film en train de se faire, inspiration glissante et enchaînements à la six-quatre-deux, fragmentation narrative, tout ce tintouin heurte objectivement le récit. Lequel n’en coule pas moins avec une certaine fluidité, sur les ailes de l’imagination, de l’émotion, du saugrenu.

A la croisée des deux oisifs affairés passeront une boulangère impavide, une femme en vison mais en mal d’histoire à vivre, un type en Jaguar qui devrait être son mari mais fait long feu, une chanson de femme fatale belle à pleurer, un commissaire qui ne sert à rien, une autre femme qui, lui disant qu’elle ne l’a jamais aimé, finit froidement Foster par le verbe, bien qu’il soit déjà mort. Tout cela est filmé, selon toute vraisemblance, dans une ville belge désertée qui fait décor, scène de l’épure de la lutte de l’acteur avec les mots. Une ultime bifurcation narrative, en épingle à cheveux, relancera les dés, allant jusqu’à intervertir les rôles par facétie philosophique. Pourquoi pas. Taupin, devenu richissime, ramasse sur le pavé Foster, clodo divaguant sur le bitume des histoires de femmes démoniaques, de soutien-gorge affriolant et de captation de biens.

Il le ramène en sa demeure, où il attend tranquille que la vieille qu’il a épousée à dessein de s’en défaire – et qui le « colle comme un poulpe » – finisse par lâcher la rampe. On tente de suivre en se disant que l’aléa a du moins le mérite d’introduire à une de ces scènes impromptues et gracieuses dont Gérard Depardieu a le secret. Soit une scène de cuisine dans laquelle il se lance à l’intention de son hôte ébaubi dans une description fleurie d’une recette de poulet des Landes à la cocotte. Irrésistible. En attendant, Blier aura fait passer le miroir de son film sur une histoire du cinéma qui lui tient à cœur. Le Corniaud (Gérard Oury, 1965) dans la scène inaugurale d’engueulade. Quai des Orfèvres (Henri-Georges Clouzot, 1947) à travers la chanson qu’interprète magnifiquement Farida Rahouadj à la suite de Suzy Delair (Danse avec moi). Les Valseuses (Bertrand Blier, 1974) avec le fameux chariot de supermarché que continue de pousser Depardieu. Amarcord (Federico Fellini, 1973), quand se penche une matrone superlative à sa fenêtre.

Un miroir aux alouettes

Mais ce miroir est naturellement un miroir aux alouettes où Blier fait briller ses souvenirs, et les nôtres, au tourniquet du temps qui passe et de la fin présumée de toutes choses en ce bas monde. On se résume. Convoi exceptionnel est une balade plus ou moins gravement malade qui commence comme du Gérard Oury, se poursuit comme du Samuel Beckett, se termine comme du John Cassavetes. On ne saurait dire, tout à fait franchement, si elle est réussie ou ratée, et, à la limite, un tel jugement est hors de propos. L’important est qu’elle nous emporte dans cet étrange mouvement désœuvré, nous touche comme par inadvertance.

On dira sans doute que l’allure générale est connue et reconnue. La provoc saignante, l’errance récréative, la bifurcation absurde, la farce ténébreuse, sont familières de l’auteur des Valseuses (1974), de Buffet froid (1979) ou de Tenue de soirée (1986). Il s’ajoute toutefois, dans Convoi exceptionnel, une forme de déconvenue, un tâtonnement plus ou moins assumé, un laisser-aller au petit bonheur qui ne sont pas ordinaires à cet auteur adepte, sous ses dehors corsaires, du strict contrôle des péripéties et d’une propension à la surécriture. L’attrait de ce film consiste en ce qu’enfin cette balade ne mène nulle part.

Film français de Bertrand Blier. Avec Gérard Depardieu, Christian Clavier, Farida Rahouadj, Audrey Dana, Alex Lutz (1 h 22).

12 mars 2019

Blacktapeproject

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