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Jours tranquilles à Paris
28 avril 2020

Laetitia Casta toute pimpante !

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27 avril 2020

François Bayrou

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27 avril 2020

Street Art

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27 avril 2020

Chronique - Confinement : peut-on séduire sans changer de slip ?

sedyire sans changer de slip

Par Maïa Mazaurette - Le Monde

Soigner son apparence ? Mais pour quoi faire, au juste ? L’idée est de se sentir bien dans son corps, pas de concourir pour un prix de beauté, explique la chroniqueuse de « La Matinale » Maïa Mazaurette.

LE SEXE SELON MAÏA

Six semaines de confinement, nous voici revenus à l’état de nature : 38 % des femmes laissent repousser leurs poils (selon une enquête Bic/OpinionWay publiée la semaine dernière), et certaines abandonnent le soutien-gorge. Pendant ce temps, les hommes réinventent la mode masculine grâce au fameux « jogging-costume-cravate ». Les partisans du verre à moitié plein y verront une reformulation créative des codes de la séduction. Les adeptes du verre à moitié vide commenceront à creuser la tombe de notre sex-appeal, et de la civilisation tout entière.

Lisez-vous cette chronique en pyjama ? Très bien : je l’écris moi-même en pyjama. Inutile de culpabiliser : nous en sommes toutes et tous au point où l’après-shampoing devient un objet de curiosité. Repasser ses chemises ? Séduire ? Mais pour quoi faire, au juste ? Ce n’est pas comme si le partenaire allait se déplacer à plus d’un kilomètre…

Le (défunt) potentiel érotique des Français (paix à son âme) a d’ailleurs fait l’objet d’une étude publiée mercredi par l’enquête Ifop/24matins.fr, dont il ressort qu’un tiers d’entre nous ne prennent pas ou plus de douche quotidiennement, et que 41 % des hommes confinés en solo ne changent pas de slip tous les jours. Evitons les moqueries faciles : ces derniers sont majoritairement célibataires, chômeurs, et âgés – des populations n’ayant pas forcément accès aux ressources de luxe que sont les machines à laver.

12 % des femmes se trouvent belles en ce moment

Cependant, l’absence d’enjeu érotique ne réussit pas à tout le monde… et notamment pas aux femmes, supposées être « naturellement » plus décoratives. On apprend ainsi que seules 12 % des femmes françaises se trouvent belles en ce moment. C’est dix points de moins qu’avant le confinement, et dix points de moins que chez les hommes (dont le degré de confiance semble littéralement inébranlable).

Comment expliquer cette petite forme (physique) ? Trois facteurs entrent en jeu. Tout d’abord l’absence de sorties publiques, qui limite le nombre d’interactions – et donc de compliments (or on sait comme en France le flirt et la séduction sont un sport). Le port du masque ne corrigera pas ce déficit, puisqu’il nous rendra uniformes. Deuxième explication : le couple en vase clos produit une habituation (on commence à faire tapisserie). Troisième justification : la flemme. Nous avons investi beaucoup d’efforts et refusé beaucoup de pizzas quatre-fromages, pendant des décennies, pour nous soumettre à des attentes esthétiques trop exigeantes… alors évidemment, maintenant que nous disposons d’une excuse pour lâcher prise, nous sautons sur l’occasion. Si cette contestation des normes de beauté perdurait après la pandémie, ce serait plutôt une bonne nouvelle (et pas seulement pour les pizzaïolos).

Ce lâcher-prise est-il compatible avec la sexualité ?

Attaquons maintenant les questions qui font mal (il y en a toujours, n’est-ce pas ?) : ce lâcher-prise est-il compatible avec la sexualité ? Avec le couple ? A priori, les circonstances se prêtent plutôt au cocooning le plus lascif, aux guêpières extravagantes et aux slips transparents, puisque, selon les derniers chiffres du Centre de recherches politiques de Sciences Po, 42 % des Français sont confinés à deux (19 % habitent en solo, 38 % à trois ou plus). Sur le papier, c’est formidable. Dans la réalité, nous avons tendance à nous désinvestir de la sphère du charnel.

Le narcissisme en chute libre, notamment, entrave notre libido. C’est ce qu’explique la célèbre sexothérapeute Esther Perel, au micro d’un podcast qui vient de se lancer, « Les Artichauts » : « Le désir est terriblement lié à la valorisation de soi, à l’autoestime, et à se sentir pas seulement aimé, mais aimable. » Avant d’ajouter : « Il n’y a rien qui tue le désir plus que l’autocritique. »

Alors, comment se trouver encore désirable, quand on manque (très légitimement) de motivation ?

Commençons par déblayer devant la porte de nos standards : vouloir être désirable ne constitue pas un signe de superficialité ou de stupidité (le cliché de la blonde décérébrée a vécu). Les travaux d’un sociologue comme Jean-François Amadieu démontrent que la désirabilité constitue un avantage social fort, permettant d’obtenir de meilleurs salaires, des amitiés fortes, et des antipasti gratuits. Vous avez le droit de vouloir vous sentir attirant/e, sans que la police de l’intelligence vous terrorise ou vous demande des comptes.

Inutile de se mettre la pression tous les jours : vous allez vous épuiser et/ou développer de la rancœur. Mieux vaut définir à l’avance (pas forcément de manière précise) quelles seront les journées « avec séduction », durant lesquelles les partenaires prendront du temps pour se consacrer l’un à l’autre. Ce temps ne sera d’ailleurs pas forcément dévolu à la sexualité, mais plutôt à l’intimité (n’ajoutez pas de pression sexuelle à la pression sanitaire, sinon vous courez au désastre).

Nous nous épuisons, aussi, parce que les codes de la séduction sont hypercadrés, toujours identiques, finalement assez ennuyeux. Le confinement pourrait ici jouer en votre faveur : dans le foyer, il n’y a pas de public. Quelles sont les tenues que vous n’osez jamais porter au restaurant (je pense à une robe « trop » spectaculaire, autant qu’à un pantalon troué aux fesses) ? Organisez des soirées thématiques ou même déguisées : les contraintes, comme souvent, permettent de casser la routine. Ces talons aiguilles, ce boxer fendu, sont-ils ridicules ? Parfait. Au pire, vous en rigolerez dans quelques semaines !

Restez réaliste : n’exigez pas des performances esthétiques extraordinaires de la part de vous-même ou de votre partenaire. L’idée est de se sentir bien dans son corps, pas de concourir pour un prix de beauté.

L’estime de soi n’est pas une question purement cosmétique. Si vous arrivez à vous sentir fier d’un accomplissement physique (trois pompes) ou intellectuel (lire Schopenhauer), alors vous aurez déjà beaucoup plus envie de faire l’amour.

Enfin, on peut utiliser le tremplin d’une relation extérieure pour se renarcissiser : c’est aussi en tombant amoureux, en ressentant l’urgence de sa libido, qu’on se sent à nouveau désirable. Le besoin de séduction se déplacera alors hors de la sphère domestique, sur un terrain intermédiaire entre le fantasme et la prise de risque. C’est déjà en train d’arriver : la plate-forme de rencontres extraconjugales Gleeden vient de sonder 12 000 de ses membres… et, en ce moment, seuls la moitié d’entre eux se connectent pour trouver un amant ou une maîtresse ! En revanche, 72 % cherchent à se confier, et 28 % veulent juste se changer les idées. Soyons réalistes, vous ne risquez pas de passer à l’acte en ce moment. Mais vous pouvez trouver, par le jeu, par le flirt, un souffle de nouveauté qui ne menace pas le couple et qui permet de reprendre confiance en soi.

Dernière recommandation : adaptez vos efforts à vos préférences et envies personnelles. Parmi vous, certains ont besoin de s’oublier, et c’est très bien (la séduction n’est pas obligatoire). D’autres voudront en faire des tonnes, et c’est très bien aussi (le bon goût peut attendre). D’autres encore préféreront jouer à se faire peur en séduisant des inconnus, et franchement, pourquoi pas ? La situation actuelle est suffisamment compliquée : choisissez ce qui vous fait vous sentir bien… et si votre stratégie implique de jeter vos slips et rasoirs par la fenêtre, franchement, tant mieux.

27 avril 2020

Keith Haring

keith velo

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27 avril 2020

Manfred Thierry Mugler

manfred thierry mugler

27 avril 2020

Opéra Garnier en mode confinement...

opera14

27 avril 2020

Coronavirus : Jeff Bezos, sujet incontournable en temps de crise

amazon

Enquête - Par Arnaud Leparmentier, New York, correspondant

La mise en confinement des économies avec son cortège de boutiques et centres commerciaux fermés a placé Amazon au centre du jeu. Avec à la clé des couacs. Mais l’occasion est belle pour son fondateur de tenter de restaurer son image.

L’épidémie de coronavirus est survenue, et Amazon était là. Plus puissante que jamais. Dans une Amérique confinée, l’entreprise fondée par Jeff Bezos a changé de nature. L’ancienne librairie Internet de Seattle est presque devenue un service public recentré sur la livraison de produits alimentaires et médicaux de première nécessité. C’est ainsi que le leader américain du commerce par le Net se présente. « Les employés d’Amazon travaillent 24 heures sur 24 pour livrer les produits de première nécessité, à la porte des gens qui en ont besoin », écrivait mi-avril Jeff Bezos, dans sa lettre aux actionnaires. Le propos n’est pas complètement faux, comme le reconnaît le New York Times, dans une enquête pourtant très critique. « Plus le monde se dégrade rapidement, plus l’entreprise est attrayante. L’arrivée du coronavirus, qui a fait du déplacement au supermarché un risque et un supplice, n’a fait qu’accélérer le processus ».

Dans un monde où tout s’écroule, où l’Etat fédéral et la Fed impriment les dollars sans compter pour sauver l’économie, Amazon affiche une santé insolente. Son action a touché mi-avril un plus haut historique de 2 461 dollars (2 282 euros), en hausse d’un tiers depuis le début de l’année. L’entreprise vaut 1 200 milliards de dollars, plus de cent fois ses bénéfices, et la fortune personnelle de son fondateur, qui détient 11,2 % des actions, atteint désormais 145 milliards de dollars. L’homme le plus riche du monde devance largement Bill Gates et Bernard Arnault qui tournent autour de 100 milliards, selon le magazine Forbes : en moins d’un an, Bezos a presque effacé l’accord douloureux de divorce conclu avec son ancienne épouse MacKenzie Bezos, qui avait amputé sa fortune de 38 milliards de dollars.

DANS UN PAYS QUI ADMIRE LES ENTREPRENEURS, BEZOS N’EST QUE LE HUITIÈME PATRON LE PLUS POPULAIRE DES ETATS-UNIS AVEC 26 % D’AVIS FAVORABLES SELON LA SOCIÉTÉ YOUGOV

Dans un pays qui admire les entrepreneurs, Bezos n’est que le huitième patron le plus populaire des Etats-Unis avec 26 % d’avis favorables selon la société YouGov (loin derrière les 58 % de Bill Gates). Sans doute parce qu’il a la réussite brutale des titans du XIXe siècle, John Davison Rockefeller dans le pétrole et Andrew Carnegie dans l’acier. Comme eux, parti de rien, Jeff Bezos a multiplié les coups de génie pour transformer en empire sa librairie Internet fondée en 1994.

Dans les années 2000, il ouvre sa plate-forme à tous les fabricants de la planète, pour devenir un supermarché mondial, et fidélise ses clients en leur promettant une livraison en deux jours au prix de 119 dollars par an. Puis, après la grande récession, il construit des entrepôts gigantesques dans la plupart des Etats américains, alliant robots et ouvriers, pour fournir tous les ménages américains. Mais comme Rockefeller et Carnegie, il a aussi maltraité ses salariés, combattu les syndicats, usé de sa position dominante et laminé ses fournisseurs, en pratiquant ce qui a été qualifié en interne de stratégie du léopard contre la gazelle : épuiser ses proies en commençant par les plus faibles. Dans un curieux aveu, semi-inconscient, Bezos avait rédigé au début de la décennie un mémo baptisé Amazon. love, dans lequel il décrivait ses valeurs et ce qui était « cool ». Un antiportrait des pratiques d’Amazon. Dix ans plus tard, il a une opportunité de changer son image. Sauveur ou profiteur de crise, l’Amérique frappée par le Covid-19 se déchire plus que jamais sur Amazon et son fondateur si controversé.

Il s’était acheté une stature de philanthrope

En février, M. Bezos semblait jouir de sa nouvelle vie privée. On avait vu le propriétaire du Washington Post, bête noire de Donald Trump, à Los Angeles, flanqué de sa nouvelle compagne Lauren Sanchez lors de la soirée des Oscars, à l’occasion du défilé de mode de Tom Ford, aux côtés de la papesse de la mode et patronne de Vogue, Anna Wintour, puis lors d’une soirée donnée par Vanity Fair. Le milliardaire défrayait aussi la chronique immobilière, en achetant à Beverly Hills la villa légendaire du magnat d’Hollywood Jack Warner au milliardaire David Geffen pour 165 millions de dollars, quelques mois après s’être offert un triplex de 80 millions de dollars sur la 5e avenue au cœur de Manhattan.

Il s’était acheté une stature de philanthrope, annonçant qu’il consacrait 10 milliards de dollars à la lutte contre le réchauffement climatique. Il pensait ainsi en avoir fini avec ses salariés qui l’avaient poussé en septembre 2019 à adopter enfin un plan de réduction de ses émissions carbone. Il devisait avec les puissants, envoyant à ses 1,396 million d’abonnés sur Twitter – M. Bezos, lui, ne suit le compte que d’une seule personne, son ex-épouse – le 28 février, une photo de sa rencontre avec Emmanuel Macron, en compagnie de Mme Sanchez, dans les salons de l’Elysée, pour discuter « climat et développement durable ».

En réalité, Jeff Bezos sait à ce moment qu’Amazon a changé de monde. La veille, la direction du groupe a appris qu’un de ses salariés revenu de Milan a contracté le Covid-19. Depuis des semaines. Amazon craignait d’avoir des ruptures d’approvisionnement venu de Chine, où sont fabriqués une grande partie de ses produits, et observait avec inquiétude la ville de Seattle, premier foyer d’infection sur le territoire des Etats-Unis. La direction suspend immédiatement les voyages, y compris à travers les Etats-Unis, ce qui fait d’elle la première à prendre cette décision. Ses entretiens de recrutement ne se déroulent plus que par vidéoconférence. Début mars, les salariés du siège désertent le centre-ville de Seattle et sont invités à passer au télétravail. Jeff Bezos prend les choses en main, anime des réunions quotidiennes en compagnie, notamment, de ses deux adjoints Jeff Wilke et Dave Clark. Pour résoudre la crise et penser le monde d’après.

Deuxième employeur américain

Le blog de l’entreprise fait le récit d’un patron mobilisé sur tous les fronts. Jeff Bezos rendant visite, masqué, à ses salariés dans des entrepôts de sa filiale alimentaire Whole Foods. Jeff Bezos généreux avec sa communauté, qui fait offrir quelque 1 200 ordinateurs aux écoles de Seattle. Jeff Bezos, politique, qui discute logistique avec le gouverneur de l’Etat de Washington, Jay Inslee. Jeff Bezos, au secours de la planète, en vidéoconférence avec le patron de l’OMS pour aider à éradiquer la pandémie. Tout cela n’est pas faux. Amazon apparaît largement comme un recours, alors que 22 millions d’Américains ont perdu leur emploi le premier mois de crise.

Dès la mi-mars, la firme a ouvert quelque 100 000 postes pour pouvoir répondre à la demande supplémentaire, puis 75 000 nouveaux emplois en avril. « L’institutrice de maternelle de Dallas, Darby Griffith, nous a rejoints après la fermeture de son école le 9 mars et elle nous aide à traiter nos stocks. Nous sommes heureux d’avoir Darby avec nous jusqu’à ce qu’elle retrouve sa classe », écrit Bezos, dont l’entreprise est désormais le deuxième employeur américain, derrière Walmart, avec 590 000 salariés directs. Le patron annonce aussi qu’il augmente de 2 dollars, à 17 dollars, le salaire horaire minimal et payera désormais les heures supplémentaires doubles (contre 1,5 fois jusqu’à présent). Accusée pendant des années par Bernie Sanders, le sénateur du Vermont, de verser des « salaires de misère », Amazon avait fini par s’aligner sur les exigences du candidat malheureux à l’investiture démocrate en fixant son salaire minimal à 15 dollars de l’heure, plus de deux fois le minimum fédéral.

Ses détracteurs, telle la militante antitrust Stacy Mitchell, notent qu’Amazon a agi ainsi en raison du plein-emploi, puis pour pallier l’absentéisme qui atteignait 30 % chez ses ouvriers, inquiets de la pandémie. Il n’empêche, les hausses de salaires vont coûter 500 millions de dollars à Amazon sur la période allant jusqu’à la fin avril et le groupe offre des emplois qui font pâlir d’envie certains. C’est le cas de Michelle Caruso-Cabrera, candidate à l’investiture démocrate dans le Queens : l’ancienne journaliste de NBC n’a pas digéré que l’aile gauche du parti, emmenée par la députée sortante Alexandria Ocasio-Cortez, ait refusé, début 2019, l’implantation du siège new-yorkais d’Amazon, sous prétexte qu’elle avait obtenu un rabais fiscal de 3 milliards de dollars.

Mi-mars, la star du e-commerce menace de dérailler

Les 25 000 emplois directs promis par Amazon auraient été bien utiles à sa circonscription qui a perdu le tiers de ses 350 000 emplois en raison de la pandémie. « Les restaurants et les hôtels ont dû fermer, mais un employeur de masse a gardé ses effectifs et embauche même des dizaines de milliers de personnes supplémentaires à travers le pays : Amazon », écrit Michelle Caruso-Cabrera, qui déplore le manque à gagner fiscal alors que la faillite s’annonce à New York.

« La ville et l’Etat de New York auraient reçu 27 milliards de recettes fiscales au lieu de 30. Lorsque les résidents comprendront que les subventions étaient simplement une réduction sur les impôts plutôt que des versements en liquide, ils auront le sentiment d’avoir été embobinés, trahis par Mme Ocasio-Cortez », accuse-t-elle, écrivant en post-scriptum : « Note pour Jeff Bezos : possible de revenir sur votre décision ? ». Jeff Bezos ne reviendra pas sur sa décision, et la gauche démocrate est loin d’être convaincue par Amazon. L’attitude de M. Bezos et des siens n’y est pas étrangère.

En premier lieu, la gestion de la crise a été plus délicate que ne le montrent les apparences. Mi-mars, la star du e-commerce menace de dérailler : la demande des consommateurs américains confinés explose, mais le distributeur peine à s’approvisionner en marchandises et souffre d’un absentéisme de 30 % dans ses entrepôts. Les fournisseurs sont priés de ne plus envoyer de biens non essentiels pour permettre à Amazon de se concentrer sur les biens de première nécessité. Une équipe est mise en place pour expliquer aux consommateurs que leurs commandes non prioritaires mettront longtemps à arriver : une révolution dans une entreprise qui a fait fortune sur la livraison en deux jours.

En dépit de ces efforts et de cette « obsession du consommateur », pour reprendre l’un des slogans historiques de Bezos, l’entreprise n’est pas complètement au rendez-vous. Le supermarché sur Internet, y compris Whole Foods, chaîne spécialisée dans l’alimentation, était soudain mal achalandé. A Manhattan, mi-mars, on ne pouvait pas commander de fruits ni de légumes, tandis qu’Amazon nous informait aimablement que 5 articles avaient été substitués au gré des disponibilités : une petite bouteille d’eau plate au lieu de l’eau gazeuse désirée, des nouilles vermicelles en remplacement des penne. Plus tard dans la semaine, il n’y avait plus de créneau de livraison disponible, et l’on s’est retourné sur Target pour les commandes de nécessité et un réseau de petits commerçants de bouche de Manhattan. Deux semaines après sa commande, un matériel médical n’avait toujours pas été expédié. Mais dans un monde où seul le numérique survit, Amazon, qui présentera ses résultats trimestriels le 30 avril, s’en sortira sans aucun doute.

C’EST DANS LE RAPPORT À SES SALARIÉS QUE L’ENTREPRISE A ÉTÉ LA PLUS CONTESTÉE

Mais c’est dans le rapport à ses salariés que l’entreprise a été la plus contestée. Début mars, Amazon explique à ses employés contaminés qu’ils ont droit à deux semaines de congés maladie. Mais la mesure n’empêchera pas le virus d’entrer dans une cinquantaine d’entrepôts en Amérique du Nord. Premièrement parce que la mesure est mal appliquée par les sous-traitants. Ainsi, le 16 mars, Jeysson Manrique, employé d’une entreprise de livraison, appelle, fiévreux, son chef. Lequel lui demande une photo du thermomètre. Le jeune homme n’en a pas et va donc travailler dans l’entrepôt Amazon du Queens, raconte le New York Times. Deux jours plus tard, son beau-père (qui vit avec lui et travaille chez Amazon) est diagnostiqué positif et les deux hommes mis en quarantaine, tandis que l’entrepôt est désinfecté. Trop tard, le virus est là.

Deuxième problème, au début, Amazon ne payait les congés maladie qu’en cas de quarantaine ou de test Covid positif. « Des employés ont continué d’aller travailler après qu’ils ont présenté les symptômes mais avant d’avoir le retour positif de leurs tests lorsqu’ils deviennent éligibles au congé maladie payé », accuse le New York Times. La pingrerie d’Amazon (11,6 milliards de profits en 2019) suscite un tollé, et elle est accusée de ne même pas respecter la loi fédérale s’imposant aux PME.

Le 23 mars, quinze procureurs emmenés par celle du Massachusetts, Maura Healey, mettent en demeure Jeff Bezos : « En limitant le congé maladie uniquement aux employés diagnostiqués positifs au Covid-19 ou placés en quarantaine, les entreprises [Amazon et Whole Foods] font courir un risque signifiant d’exposition au virus aux autres employés, à leurs clients et au public en général », reprochent la procureure Healey et ses collègues. « Il a fallu la lettre des quinze procureurs pour qu’Amazon bouge », s’afflige Emily Cunningham, qui était jusqu’à Pâques salariée d’Amazon.

Le 2 avril, l’entreprise, qui juge ces critiques « non fondées », annonce sur son blog DayOne avoir adopté 130 mesures nouvelles pour protéger les salariés. Gants, masques, tests de température par centaines de milliers chaque jour… Lentement, l’entreprise se met en ordre de bataille. Mais tout ne se fait pas en un jour. Dans une lettre à ses employés, en mars, M. Bezos reconnaissait que les masques allaient pour l’instant en priorité au personnel médical. Et ceux qui ont sonné l’alarme ont été combattus. Sans merci. C’est le cas d’Emily Cunningham et Maren Costa, deux militantes pro-climat de Seattle, licenciées le Vendredi saint pour avoir voulu organiser une réunion d’information avec des ouvriers des entrepôts par un mail donnant accès au texte d’une pétition.

C’est aussi le cas de Chris Smalls, employé du centre de tri de Staten Island, à New York, où avait eu lieu une tentative de syndicalisation en 2019. Apprenant qu’un de ses collègues salariés avait été testé positif, M. Smalls a demandé l’arrêt de l’entrepôt pour sa désinfection. La direction l’a refusé et l’a mis en quarantaine payée. Le salarié a organisé dans la foulée, le 30 mars, une petite manifestation qui lui a valu d’être licencié, pour avoir brisé son confinement. « Agir m’a coûté mon job », a déploré M. Smalls sur Bloomberg TV. Les Démocrates se sont saisis de l’affaire : la procureure de New York, Letitia James, a dénoncé un licenciement « immoral et insensé », tandis que le maire, Bill de Blasio, a demandé à la Commission des droits humains de la ville « d’enquêter immédiatement sur Amazon ».

La polémique n’a pas gêné M. Bezos outre mesure

La polémique n’a pas gêné M. Bezos outre mesure. Dans un mémo, l’avocat de la firme, David Zapolsky, s’est réjoui cyniquement d’avoir pour figure de proue Chris Smalls lors d’une réunion en présence de Bezos : « Il n’est pas intelligent ou clair, et tant que la presse voudra se concentrer sur “nous contre eux”, nous serons dans une meilleure position que d’avoir à expliquer pour la xième fois comment nous essayons de protéger les travailleurs », écrit Me Zapolsky, qui a proposé de discréditer le mouvement en accusant M. Smalls d’avoir eu une attitude dangereuse, voire illégale. L’homme s’est entre-temps excusé et Amazon tient sa ligne.

« Nous n’avons pas licencié M. Smalls pour avoir organisé une manifestation de 15 personnes, nous l’avons licencié pour avoir mis en danger la sécurité et la santé des autres », nous déclare Amazon, ajoutant qu’il avait reçu « de nombreux avertissements pour avoir violé les règles de distanciation ». Même propos sur Mmes Cunningham et Costa. « Nous défendons le droit de chaque salarié à critiquer les conditions de travail fournies par leur employeur, mais cela ne donne pas une immunité contre les règles internes. Nous avons licencié ces salariées pour violation répétées des règles internes. » Il y a un côté Otto von Bismarck chez Bezos, adoptant in fine des mesures progressistes pour mieux combattre les catholiques et les socialistes.

Les salariées licenciées estiment qu’elles sont à l’origine du mouvement de M. Bezos sur le climat. « La situation s’est améliorée car les gens ont mis la pression sur Amazon », assure Mme Cunningham. Et elles veulent poursuivre leur combat, estimant que la crise Covid-19 est une répétition de la manière dont seront traités les plus faibles lors du réchauffement. Avec sa collègue d’infortune Maren Costa, Emily Cunningham a coorganisé ce vendredi une grève de protestation sur Internet. La participation (quelques centaines) semble dérisoire pour une entreprise de 600 000 salariés, si on la compare aux 48 000 salariés de General Motors qui firent grève pendant quarante jours dans cinquante usines à l’automne 2019. « C’est la plus grande révolte de travailleurs contre Amazon dans l’histoire américaine », rétorque Stacy Mitchell, militante du Maine, qui combat depuis des années ce qu’elle estime être un abus de position dominante d’Amazon.

Il continue de préparer l’avenir de son entreprise

La lutte pour le climat est pour l’instant mise en sourdine, tout comme les accusations d’abus de monopole. Bezos a endossé le beau rôle pour lutter contre les prix exorbitants. « Nous avons retiré 500 000 références de produits pour prix abusifs en raison du Covid-19 et suspendu plus de 6 000 comptes de vendeurs pour avoir violé notre politique de prix équitable », écrit Bezos à ses actionnaires. Pour Stacy Mitchell, qui entend continuer son combat antitrust, « la crise a rendu Amazon plus fort, mais c’est aussi plus visible. C’est une sorte de service public du commerce, qui joue un rôle d’infrastructure essentielle, mais elle n’a pas de supervision. Personne ne conteste le commerce électronique mais il faut une régulation pour être certain que la concurrence est équitable », accuse-t-elle, tout en reconnaissant. « Cela n’arrivera pas demain. »

Bezos, lui, continue de préparer l’avenir de son entreprise. Il avait profité de la récession pour implanter ses centres de tri dans tout le pays alors éprouvé par la grande crise financière de 2008. Il s’annonce comme un des gagnants incontestés de 2020, alors qu’il a investi, en 2019, 36 milliards de dollars en recherche et développement, plus de la moitié de la recherche faite en France. Dans sa lettre aux actionnaires, M. Bezos cite Dr. Seuss, nom de plume de Theodor Seuss Geisel, auteur pour enfants : « Quand quelque chose de mauvais survient, vous avez trois choix : vous pouvez le laisser vous définir, le laisser vous détruire ou le laisser vous renforcer. » Et d’ajouter : « Je suis très optimiste sur laquelle de ces civilisations nous allons choisir. »

27 avril 2020

En pays nantais, 70 % des brins de muguet vont faner dans les champs

muguet cadeau

Par Yan Gauchard, Nantes, correspondant Le Monde

Les producteurs de clochettes blanches sont touchés de plein fouet par le confinement. La grande distribution a révisé à la baisse ses commandes et les fleuristes, hors services de livraisons, sont fermés.

Peut-on caresser l’espoir de grappiller un « brin de bonheur » en ce printemps 2020 ? Question existentielle s’il en est, exacerbée en ces temps de coronavirus du côté des producteurs de muguet. Les voici plongés en pleine crise, du fait de la situation sanitaire. Dans les champs, la saison s’annonçait pourtant idyllique. « Le muguet est magnifique, souligne Eric Harrouet, à la tête de l’entreprise Lilyval, qui produit chaque année 170 000 pots et près de 2 millions de brins sur les terres de Saint-Julien-de-Concelles, à 13 km de Nantes (Loire-Atlantique). Il est long, ferme et il a du pied, à savoir une belle épaisseur de tige. »

En temps ordinaire, la filière table bon an mal an sur un chiffre d’affaires oscillant entre 20 et 30 millions d’euros. Dans les Pays-de-la-Loire, une quinzaine de producteurs indépendants, établis pour l’essentiel en Loire-Atlantique, assurent la production de 60 millions de brins, couvrant 80 % du marché national. Mais le confinement a mis à mal les circuits de vente. La grande distribution, qui écoule traditionnellement 50 % des clochettes blanches, a réduit la voilure. « Les grandes et moyennes surfaces ont diminué leurs commandes de plus de 30% », indique Patrick Verron, conseiller en cultures légumières et muguet au sein du comité départemental du développement maraîcher de Loire-Atlantique.

La majorité des professionnels a fait le choix de restreindre la récolte aux commandes engrangées. Ce qui fait que de nombreux plants sont laissés dans les champs, et vont faner sur place. « 70 % à 80 % des brins n’ont pas été cueillis, affirme M. Perron. La plupart des producteurs n’ont pas pris le risque d’aller cueillir des brins qu’ils n’étaient pas sûrs de vendre. »

« 70 % à 80 % des brins n’ont pas été cueillis »

Conséquence : le volant de saisonniers, mobilisés durant la dizaine de jours que dure la campagne de muguet, a fondu comme neige au sommeil : « Il y a dû avoir 1 500 recrutements au maximum contre 6 500 à 7 000 en temps normal », précise M. Verron.

« C’est une catastrophe, lâche, laconique, Jean-François Vinet, l’un des principaux acteurs du secteur. Mais c’est la vie, il n’y a rien à faire. Je n’ai pas de mort du Covid autour de moi, alors de quel droit vais-je me plaindre ? »

M. Harrouet, lui, a fait le choix de ramasser l’ensemble de sa production, qui pèse « 20 % de son chiffre d’affaires ». Il n’a pour l’heure vendu « que 20 % » de la cueillette. Pour tenter de sauver la saison, le maraîcher a créé un site internet (unbrindesolidarite.fr) afin de proposer à ses clients d’envoyer du muguet aux hôpitaux, moyennant le reversement de 10 % des recettes à la Fondation de France pour soutenir la recherche médicale.

La prolongation du confinement a également été vécue comme « un coup de massue » au sein de Bigot fleurs, près du Mans. Avec près de 4 millions de brins récoltés, le muguet représente « la plus grosse semaine de l’année, relève Jean-Philippe Bigot, président du groupe familial. Là, on va tourner à 50 %. » L’entreprise sarthoise, qui emploie 150 salariés à l’année et recrute 500 saisonniers au moment du muguet, était déjà éprouvée par la crise : « Dès la première semaine de confinement [celle du 16 mars], le chiffre d’affaires a plongé de près de 80 % et on a mis 2,5 millions de tulipes à la méthanisation, note M. Bigot. On a un peu relevé la tête mais on continue d’enregistrer 50 % de perte. »

Désolation

Le chef d’entreprise, qui confie avoir passé quelques nuits blanches, « se débat pour sauver les meubles ». Et a engagé des discussions avec ses partenaires bancaires « pour trouver une solution pour sortir de l’ornière ». Un soupir, et cette confidence nimbée de désolation qui tombe : « A 62 ans, en tant que patron, je n’aurais jamais imaginé être obligé de négocier un prêt pour financer des pertes dont je ne suis pas responsable. La logique veut que l’on emprunte de l’argent pour un projet de développement, pas pour rester au-dessus de la ligne de flottaison. C’est du jamais-vu. »

Interrogé le 21 avril sur Europe 1, le ministre de l’agriculture, Didier Guillaume, a promis un plan au niveau européen. Mais pour l’heure, aucune mesure concrète n’est sur la table. « On va dresser un état des lieux précis pour mesurer la gravité de la situation », confie M. Perron, qui note : « Il n’y a pas de séance de rattrapage pour le muguet. Et on peut redouter un bouleversement de la chaîne de distribution. Qui peut dire si dans un an, il y aura le même nombre de grossistes et de fleuristes qu’avant. On peut craindre pas mal de dépôts de bilan. »

Au bout de la chaîne, le Parti communiste français fait également grise mine, tirant un trait sur les recettes enregistrées grâce à la vente de clochettes à la faveur des rassemblements du 1er mai. A l’instar d’autres fédérations, le Parti communiste de Loire-Atlantique va proposer à ses militants un muguet virtuel, qui a « valeur de souscription pour faire entrer un peu d’argent dans les caisses qui en ont bien besoin » selon le mot d’Aymeric Seassau, secrétaire départemental du PCF en Loire-Atlantique.

27 avril 2020

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