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Jours tranquilles à Paris

1 décembre 2019

Au Mac Val...

Le Mac Val présente l’exposition d’une artiste turque, née en 1981, Gözde Ilkin, résultat vibrant de sa résidence à Vitry-sur-Seine, une expérience de vie qui se retrouve tout entière dans un souffle aussi réjouissant qu’inquiétant, comme elle.

« Gözde Ilkin — Une résidence éco féministe », MAC VAL Musée d'art contemporain du Val-de-Marne jusqu'au 5 janvier 2020.

À travers, le patchwork, le tissage, la peinture, la broderie et le dessin, elle réalise des tentures immédiatement séduisantes dont la beauté organique, aussi bien des formes qu’elle y conçoit que d’une matière résistant avec souplesse aux volutes de vents portées sur leur passage par les visiteurs, jouent de l’accrochage pour s’imposer comme des figures à part entières dans l’espace. Les prolongeant même à travers un jeu de lumières qui projette leurs ombres et le découpage aléatoire du lieu qu’elles occupent, donnant toute sa force à cette présentation qui devient installation.

Les troncs humains, les membres et les végétaux se fondent dans la chair pour figurer des embrassades lascives, des danses fusionnelles où les corps se mêlent à leur environnement et se rejoignent dans des saynètes où chaque personnage, semble s’imprimer en l’autre. L’absence de visages accentue cette régression essentielle qui, dans sa mise en scène, refuse la hiérarchie, l’attention à l’un plus qu’à l’autre pour figurer un mouvement unitaire et unifié qui contrecarre toute possibilité de discrimination. Elle invente de la sorte sa propre façon de penser l’altérité, u autre comme condition d’arriver au même, à l’union créatrice et en phase avec son environnement. Une évidence narrative à l’œuvre dans ses travaux qui sonne comme un écho à l’expérience de l’ambivalence qui a nourri son projet de résidence à Vitry et, plus largement, sa pratique.

Gözde Ilkin, dans sa démarche, s’intéresse à ces courants qui irriguent ce qui fait de la vie une aventure collective, ce qui s’y dévoile. En cela, les plantes, qu’elle observe attentivement, constituent un indice décisif de cette intensité qui résiste et s’invente. Le jardin devient, dans sa création, la métaphore d’une culture (qu’elle est) humaine (qui la confronte), riche elle aussi d’une multitude de familles, de genres et de variétés qui la constituent et qu’elle a rencontrés lors de sa résidence à Vitry. Elle s’engouffre dans ces fissures qu’elle observe et analyse pour les souligner et, à terme, y apposer une nouvelle forme de vie, fruit de ces singularités qui viennent mélanger les images, souvenirs et expériences glanés pour en offrir des tentures superbes qui en magnifient les formes. C’est précisément dans ces brisures de l’ordre, dans sa capacité à agencer de nouveau des éléments qui en ont été exclus que Gözde Ilkin, dans sa rencontre avec Vitry, est parvenue à trouver un terrain commun, une prise avec un lieu qu’elle habite alors à sa façon.

Dans ces œuvres, on s’embrasse, on se marche dessus sans se voir, les visages s’effacent, les langues se retrouvent ailleurs, noyées sous des excroissances qui les dépassent. Comme une forme de vie autonome qui emmêle en son essence l’acte créateur et destructeur, à l’image de son titre « Comme les racines parlent, les fissures se creusent ». Cet effort positif de rencontre consiste ainsi en la mise en espace de luttes qui nous précèdent et nous survivent, qui émergent de nos sociétés humaines autant que du règne végétal, de cette nature loin d’être exempte de violence.

La destruction est, comme ailleurs, part ici de la création et se voit, avec une grâce et une intelligence plastiques passionnées, intégrée dans une perspective proprement inspirante et capable d’inventer sa propre langue de l’altérité.

Expo Vitry — MAC VAL jusqu’au 5 janvier

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1 décembre 2019

Von Issue 2 - Vonpirella from Ellen von Unwerth on Vimeo.

1 décembre 2019

Laetitia Casta

casta rodin

casta45

casta69

1 décembre 2019

5 décembre : le gouvernement se prépare à une grève durable

Le gouvernement se retrouve au grand complet ce dimanche à Matignon pour accorder ses violons avant le mouvement contre la réforme des retraites.

Dans la perspective d’un mouvement de grève qui promet d’être massif et potentiellement durable, l’exécutif veut établir une ligne de défense commune autour de cette réforme emblématique voulue par Emmanuel Macron.

Vendredi déjà, plusieurs ministres se sont rencontrés à Matignon pour passer en revue les plans de continuité des services publics en cas de blocage du pays : organisation des transports, accueil dans les écoles et les hôpitaux, télétravail, etc.

Et dimanche 1er décembre, c’est l’ensemble du gouvernement qui est convié à Matignon pour préparer ce qui se présente comme une semaine noire. SNCF, RATP, Air France, contrôleurs aériens, EDF, poids lourds, raffineries, enseignants, étudiants, policiers, avocats, magistrats, éboueurs… la mobilisation contre le projet de fusion des 42 régimes de retraite existants en un système universel par points s’annonce importante, alors que la CGT, FO, la FSU et Solidaires ont appelé à une grève interprofessionnelle vendredi 5 décembre, et qui devrait débuter jeudi en soirée.

Le spectre de 1995

De quoi faire craindre à l’exécutif une répétition de 1995 lorsque le premier ministre Alain Juppé, sous la pression de la rue, avait dû reculer sur sa réforme des régimes spéciaux.

« Je pense qu’il y aura une mobilisation forte des organisations syndicales et un risque de blocage à la RATP et à la SNCF », concède le ministre de l’intérieur Christophe Castaner avant d’insister toutefois : « n’intériorisez pas le fait que l’on reculera sur les retraites, ce ne sera pas le cas car cette réforme est juste ».

« Nous n’échouerons pas, la réforme se fera », abonde le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin dans le Journal du dimanche, ajoutant qu’« on a du mal à comprendre pourquoi l’Etat verse chaque année 8 milliards d’euros » pour équilibrer les régimes spéciaux « sur nos impôts ».

A Matignon dimanche après-midi, il s’agira une nouvelle fois de « travailler à la mobilisation complète de l’Etat pour limiter au maximum l’impact de la grève pour les Français », selon l’entourage d’Edouard Philippe, missionné en première ligne par Emmanuel Macron sur ce dossier explosif.

Mais l’objet de la réunion est aussi de faire le point sur les discussions avec les syndicats et, selon un membre du gouvernement, de cultiver « une réflexion stratégique sur la suite » en se projetant au-delà du 5 décembre.

Plus de cent cinquante manifestations prévues jeudi

Le gouvernement craint surtout que la mobilisation s’étende au-delà de quelques catégories et vire à la crise sociale d’ampleur. Il envisage avec une certaine angoisse la journée d’action des « gilets jaunes » prévue le samedi 7 décembre, un an pile après le pic de violence de leur mouvement. Jeudi, plus de 150 manifestations sont prévues, dont une à Paris dans l’après-midi.

« Comme pour toute manifestation, on peut craindre que des casseurs et des gilets jaunes radicalisés s’en mêlent, souligne Christophe Castaner. Mais il faut aussi rappeler la responsabilité des organisations syndicales, elles ont un vrai savoir-faire. Elles se sont d’ailleurs engagées à mobiliser beaucoup de monde dans la gestion du service d’ordre. La préfecture de police prépare cela avec elles. »

Opposé à un front constitué par la CGT, FO et les cadres de la CFE-CGC, le gouvernement redoute que la contestation s’élargisse à la CFDT, dont le soutien à la réforme ne tient plus qu’à un fil, alors que sa fédération de cheminots a elle-même déposé un préavis de grève.

Accusé par l’opposition d’entretenir volontairement le flou sur ses intentions, l’exécutif a envoyé ces derniers jours des signaux à la fois d’ouverture et de fermeté. Intransigeant sur l’objectif. Mais ouvert à la discussion et soucieux d’un dialogue « sans brutalité », selon les mots d’Edouard Philippe.

Quitte à lâcher du lest sur des thèmes chers aux syndicats, comme les droits familiaux, la pénibilité ou les « garanties » attendues par les enseignants. Voire à décaler l’entrée en vigueur de la réforme au-delà de 2025. « Il y a plusieurs dates d’entrée possibles de la réforme. C’est une discussion que l’on doit avoir », souligne Gérald Darmanin, tout en ajoutant : « c’est certain » qu’il faudra travailler plus.

1 décembre 2019

Féminicides

feminicides

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1 décembre 2019

Dix conseils pour du slow sex sans stress

couple47

Par Maïa Mazaurette

Pour faire l’amour, on ressent le besoin d’être détendu, mais il faudrait avoir un rapport sexuel pour l’être. La solution ? Prendre son temps, oublier la course à l’orgasme…, nous explique notre chroniqueuse de La Matinale Maïa Mazaurette. Et si on essayait ?

LE SEXE SELON MAÏA

Le sexe, un antistress ? C’est une certitude. Déjà parce que cette activité libère des hormones associées à l’énergie et au bien-être (dopamine, ocytocine, endorphines, testostérone). Ensuite parce que ce déferlement hormonal améliore notre survie, et pas seulement en reproduisant l’espèce : renforcement du système cardio-vasculaire et du système immunitaire, aide à l’endormissement, effet antidouleur, retour de l’être aimé, cure contre la peste bubonique et les écrouelles (bon, presque).

Le petit hic dans cette histoire, c’est qu’on ressent souvent le besoin d’être détendu pour commencer un rapport sexuel, mais qu’il faudrait se livrer au rapport sexuel pour l’être. La traditionnelle question « qui fait l’homme, qui fait la femme ? » prend donc une tournure nettement plus métaphysique : qui fait l’œuf, qui fait la poule ?

Heureusement, les experts en sexe no stress sont là pour nous aider à nous détendre – avec, et par, les pratiques sexuelles. On essaie ? On décrispe ses chakras ? (Ne faites pas les malins : nous sommes dimanche, vous n’avez objectivement rien de mieux à faire.)

1. Le stress n’est pas notre ennemi

Enfin, pas à tous les coups. C’est Magali Croset-Calisto, sexologue et psychologue, auteure du tout récent ouvrage Moins de stress grâce au sexe (Albin Michel, 220 pages, 17,90 euros), qui nous le rappelle : le stress, quand il ne nous paralyse pas, constitue une ressource positive. La fameuse ocytocine, hormone du lien (ou du plaisir, ou de la confiance) est aussi une hormone du stress.

Nous pouvons donc commencer à résoudre notre équation : le stress est un problème pour la sexualité, mais aussi une solution. A condition qu’on ne panique pas, et qu’on se concentre sur autre chose que ses effets potentiellement négatifs (au rang desquels l’anorgasmie, les dysfonctions érectiles ou les douleurs génitales).

2. Prenons le temps

On ne le répétera jamais assez : les rapports expéditifs se révèlent rarement transcendants (voir notre chronique sur la question). Si vous n’avez pas le temps de faire l’amour aussi souvent que vous l’espérez, espacez les interactions, quitte à les programmer… mais privilégiez la qualité plutôt que la quantité. Sinon, vous en tirerez autant de satisfaction qu’après des coquillettes au jambon micro-ondables : ça calme sur le moment, mais paradoxalement, on reste sur sa faim.

Evidemment, en nos temps d’hyperconnexion, d’accélération, d’urgence, de saison 3 de The Crown sur Netlfix, ça n’est pas évident. Pour récupérer du temps de cerveau disponible, et idéalement du temps d’ennui, lancez immédiatement votre smartphone ou tablette par la fenêtre. Enfin, après avoir fini cette chronique.

3. Réapprenez à respirer

Un petit exercice de cohérence cardiaque, peut-être ? Pendant trois minutes, enchaînez des inspirations de cinq secondes, puis des expirations de cinq secondes. Selon Magali Croset-Calisto, cette mini-routine permettra de vous remettre en phase et d’éloigner les tensions qui polluent votre attention. Sur le papier, c’est un jeu d’enfant. Mais si vous disposez d’une capacité d’attention de deux secondes, l’application Oak devrait vous aider à vous concentrer (c’est celle que j’utilise… pendant mes deux secondes d’attention).

Si votre partenaire est dans le coin, vous pouvez aussi respirer ensemble, de manière synchrone ou alternée. Profitez-en pour (re) sentir l’autre, pour faire attention à son odeur. Le désir passe aussi par là.

4. Débranchez vos angoisses de performance

Votre pénis est suffisamment gros (inutile de résister à cette information, je fais ce boulot depuis quinze ans, je sais mieux que vous). Votre vie sexuelle est suffisamment grosse aussi : si vous faisiez l’amour deux fois plus souvent, avec deux fois plus de partenaires et deux fois plus de virtuosité, vous en voudriez quatre fois plus. Ou huit fois plus. Ce désir de réassurance n’a pas de fin. Mieux vaut apprendre à gérer sa vulnérabilité – et s’accepter comme on est (avec son micropénis le cas échéant).

5. Oubliez la course à l’orgasme

C’est sans doute le message le plus important des spécialistes : laissez tomber le vocabulaire de pulsion, de décharge ou d’excitation. Arrêtez de vous donner pour objectif de jouir et faire jouir, avec feuille de route militaire, tambours et trompettes.

Contre-intuitif ? C’est sûr : on nous a toujours répété que la tension sexuelle était l’alpha et l’oméga de nos interactions érotiques. Les adeptes de cette vision du sexe pensent que sans tension, le rapport sexuel sera ennuyeux. Pour ma part, je pense que ces personnes vont attraper un ulcère de l’estomac. Pourquoi ne pas remplacer la tension par la tendresse, au moins de temps en temps ?

Dans l’essai Le Slow Sex (Marabout poche, 2017), le couple Anne et Jean-François Descombes dénonce ainsi une sexualité conventionnelle qui consiste à « passer plus de temps à faire qu’à ressentir ». Pour ces animateurs en Gestalt, aquabalancing et eutonie (par pitié, ne me demandez pas ce que ces disciplines recouvrent), l’abandon de l’orgasme à tout prix « libère de la tension de ce qui devrait être. Spontanément, nous réduisons la quantité d’efforts physiques mis en jeu, nous en faisons moins. Nous pouvons accueillir ce que nous vivons, nous ouvrir à notre partenaire et nous abandonner à l’évidence des corps ».

6. Ne considérez pas la libido comme un indicateur infaillible

La présence ou l’absence de désir sont souvent prioritaires dans notre initiative sexuelle. Mais dans le slow sex, on cherche avant tout un moment d’intimité partagée, des retrouvailles, voire une consolation. La motivation peut donc dépasser la simple réponse à ses envies (pulsion interne) ou des partenaires (pulsion externe).

L’excitation est une composante facultative : les bienfaits qu’on retirera de l’interaction sexuelle sont suffisants pour se mettre au lit. Il suffit de les anticiper (selon l’effet bien connu des amateurs de vacances à la mer : « d’abord elle est froide, mais elle est bonne quand on est dedans »).

7. Détendez-vous (bon sang de bois bandé)

Alors que l’injonction est fréquente de se muscler le vagin, de se fortifier le périnée, de se bétonner les abdos et de se cristalliser le fessier, détendez-vous. Laissez venir. Ce n’est pas grave si votre érection est molle ou inexistante, parce que votre objectif est de vous déstresser. De toute façon, rien qu’en utilisant des mouvements lents, rien qu’en faisant retomber la pression, le corps devrait tout naturellement se réveiller et révéler sa capacité d’accueil (pour les hommes comme pour les femmes).

8. Boostez votre attention

Avez-vous encore pensé à la liste de courses pendant l’amour ? Inutile de battre votre coulpe (gardez ça pour la soirée BDSM de vendredi prochain) : décrocher de temps en temps, c’est banal. Utilisez les techniques de pleine conscience pour revenir dans votre peau, ici et maintenant (en respirant, en scannant votre corps de bas en haut, etc.).

Si vous êtes perturbé(e) émotionnellement ou carrément en crise, Anne et Jean-François Descombes recommandent de bouger, courir, se défouler ailleurs avant de recourir au sexe : sinon, votre partenaire pourrait se sentir instrumentalisé(e), ce qui pourrait générer d’autres tensions. D’abord le footing, ensuite le sexe.

9. Expérimentez différents types de contact

Notamment le toucher, et précisément le toucher sans intention. Le couple Descombes parle de rapport « passionnément immobile ». Magali Croset-Calisto propose de se bander mutuellement les yeux, afin de mieux se focaliser sur ses sensations.

Les modalités de contact elles-mêmes pourront comporter la pénétration profonde, mais aussi la pénétration sans érection (ça viendra, ou ça ne viendra pas, de toute façon l’objectif est ailleurs) : l’intensité de la présence est plus importante que l’intensité de l’érection. Ne privilégiez pas la friction énergique ou les va-et-vient : vous avez le droit de vous poser tout simplement l’un avec l’autre, avec ou sans pénétration, pour ressentir la chaleur et la texture des corps. Profitez du voyage plutôt que de la seule destination.

10. Alignez votre sexualité et vos valeurs personnelles

Si on fait tomber toutes les obligations, cela vaut autant pour celles du « bon goût » sexuel (toujours plus de transgression, toujours plus de rigidité, sinon on s’ennuie et nos testicules vont tomber en poussière !) que pour celles recommandées par les spécialistes de la détente sexuelle. Vous avez le droit d’être stressé, tendu, obsédé par le chronomètre (ça va, cet ulcère ?). Vous avez le droit aussi de vous contenter d’un orgasme obtenu en trois secondes douche comprise. Parce qu’en slow sex ou en sexe no stress, même les conseils tiennent de l’injonction molle : prenez-les avec des pincettes, manipulez-les avec la délicatesse qui vous caractérise.

Si certaines recommandations ne marchent pas, si certaines vous paraissent trop ésotériques, laissez tomber : le comble serait de faire du sexe hors performance… une autre forme de performance.

1 décembre 2019

Extrait d'un shooting. Photos : Jacques Snap

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1 décembre 2019

Coca Cola

cocacola

1 décembre 2019

Caroline Vreeland

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1 décembre 2019

A la SNCF, les cheminots en première ligne de la mobilisation du 5 décembre

La grève s’annonce très suivie dans l’entreprise ferroviaire. Au menu des contestations, la réforme des retraites, mais aussi l’inquiétude face aux réorganisations successives.

Ils ne sont pas à l’origine de la grève du 5 décembre (lancée par l’UNSA-RATP) pour la défense des régimes spéciaux de retraite, mais seront en première ligne du fait de leur impact sur la mobilité française. Eux, ce sont les cheminots : 210 000 agents qui font rouler 11 400 trains par jour, transportent 3,7 millions de voyageurs quotidiennement. Leur capacité de blocage du pays est à nulle autre pareille.

Ils devraient se mobiliser en nombre selon les anticipations de la direction, du moins dans les premiers jours, puisque les 5, 6, 7 et 8 décembre les réservations grandes lignes ont été gelées, que plus de 100 TGV ont été déjà supprimés et que les circulations de trains de fret sont neutralisées sur cette période (ce qui laisse supposer qu’il faut s’attendre à une forte mobilisation dans les postes d’aiguillages). Le taux de grévistes précis sera connu dans l’après-midi du mardi 3 décembre.

Une grève pour les retraites donc… Pas si simple. Quand on interroge Emmanuel (tous les agents qui ont témoigné ont souhaité conserver l’anonymat), la quarantaine, conducteur de la ligne R du Transilien sur l’axe Montargis-Paris, sur les raisons pour lesquelles il arrêtera le travail, il évoque surtout les réformes successives ayant touché la SNCF, parlant d’un « moment particulier qui vient parachever une réorganisation du ferroviaire qui conduit à une mise en danger du service public ».

« Cette réforme, c’est du vol »

« On nous inflige des procédures stupides et contradictoires, poursuit-il. L’autre jour, un collègue venu de Nevers est arrivé plus d’une demi-heure en retard à Paris car il s’est retrouvé coincé par de nouvelles règles concernant les trains prioritaires l’obligeant à rester derrière moi. Auparavant, les aiguilleurs l’auraient fait passer devant et les retards auraient été minimisés. Mes collègues guichetiers à la gare de Montargis voient leur travail parasité par tout un tas de tâches qu’on leur ajoute en permanence. Il y a une colère contre cette perte de sens. Au dépôt de Montargis, nous sommes 38 conducteurs et les 38 seront en grève. »

Même situation pour Emmanuelle, 46 ans, dont vingt-trois comme cheminote, agent à la gare de Paris-Magenta sur la ligne E du RER : ce dont elle parle d’abord n’est pas sa perspective de départ à la retraite, passée, au fil des réformes successives, de l’an 2028 (55 ans) lorsqu’elle est embauchée à 2035 (62 ans) aujourd’hui. Ce qui la mine, c’est plutôt le sentiment d’abandon (« les escaliers sales, les gares sans personnel après 23 heures ») et la précarisation qu’elle voit s’installer autour d’elle.

« Il y a de plus en plus de monde pour travailler dans les gares mais de moins en moins de cheminots, dit-elle. Vous avez les gestionnaires de flux, ces personnes qui facilitent les montées et descentes de voyageurs aux heures de pointe, payés par un prestataire extérieur 700 à 800 euros par mois sans perspectives à la SNCF. Vous avez ces intérimaires pas formés, ignorant tout du ferroviaire, parfois des gens qui n’avaient jamais pris le train, qu’on nous envoie pour remplacer un collègue malade. L’intérim, c’est désormais 20 % des effectifs. »

La question salariale est aussi prégnante. Surtout pour les femmes seules comme Torya, l’air juvénile avec son bonnet à pompon vissé sur la tête. Mère de trois enfants (18, 12 et 5 ans), elle est agent d’aiguillage en Seine-Saint-Denis sur un poste non informatisé et où l’on actionne encore de gros leviers pour faire bouger les appareils de voie. « Mon salaire c’est 2 300 euros, dont 900 euros de prime, explique la cheminote. Mais dernièrement, je ne l’ai pas touchée parce que j’étais arrêtée, épuisée par l’horaire en 3/8. » Emmanuel, le conducteur, touche aussi une prime de traction qui saute s’il ne conduit pas, faisant reculer sa rémunération de 3 200 à 2 200 euros.

Il ne faudrait pas croire pour autant que les retraites ne sont pas un sujet brûlant. « Cette réforme, c’est du vol ; ces gens nous volent, fulmine Torya. Vu ce que je touche et vu ce que la réforme va me faire perdre, je vais me battre jusqu’au bout. » « J’ai fait mes calculs : ma retraite pourrait passer de 1 600 à 1 300 euros par mois, détaille Emmanuelle, qui touche aujourd’hui 2 000 euros mensuels primes comprises. A comparer avec le coût de l’Ehpad de ma grand-mère : 2 400 euros par mois… »

« Conflit larvé sur les salaires »

Côté encadrement aussi, chacun s’attend à un niveau de débrayage record. Selon nos informations, la direction de la SNCF prévoit que le taux de grévistes chez les cadres dépassera le niveau historiquement haut atteint en avril 2018, au début de la longue grève contre la réforme ferroviaire, soit 17 %.

« Les encadrants de proximité et les agents de maîtrise sont en conflit larvé avec leur hiérarchie, en particulier sur des questions salariales », confirme Emmanuel. Ce dernier ne s’attend pas à ce que les cadres de la traction prennent le relais des grévistes pour conduire les trains. « Mais, ajoute-t-il amèrement, il existe maintenant, en Ile-de-France, un pool d’une centaine de conducteurs détachés, payés 1 500 euros de plus que nous, et qui acceptent pour ce prix-là de remplacer les grévistes. »

A la tête de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, le nouveau président depuis environ un mois du groupe SNCF, a pris, semble-t-il, conscience de la profondeur du malaise. « Les réorganisations il y en a beaucoup. Ça va vite, ça va peut-être trop vite, a-t-il déclaré vendredi 29 novembre dans une vidéo adressée aux cheminots. Ma décision est de faire une pause pendant tout le premier semestre de l’année prochaine pour évaluer l’intérêt des réorganisations sur le terrain et leur impact social. »

Eric Béziat

Réformes des retraites : séminaire gouvernemental à Matignon dimanche. Edouard Philippe recevra l’ensemble du gouvernement, dimanche, à Matignon. Au menu de ce séminaire, « non pas la question de la mobilisation du 5 décembre, mais le projet de réforme des retraites dans son ensemble », a indiqué l’entourage du premier ministre. Deux jours plus tôt, le 29 novembre, M. Philippe a déjà reçu neuf de ses ministres, cette fois pour préparer spécifiquement la journée de mobilisation du 5 décembre. « Le premier ministre respecte le droit de grève mais veut s’assurer de la mobilisation complète du gouvernement pour ces jours d’action sociale », a précisé avant cette réunion de travail à l’AFP l’entourage du chef du gouvernement. Dans un entretien au Journal du dimanche, Gérald Darmanin, le ministre de l’action et des comptes publics, défend la réforme des retraites. Les régimes spéciaux, dont le gouvernement prévoit la disparition au profit d’un régime universel par points, « ont eu sans doute leur intérêt dans le passé mais ils ne se justifient plus », estime-t-il, avançant que « la réforme se fera ». « Si l’objectif de la grève est de nous faire renoncer, ce sera difficile de trouver un compromis », avertit-il. En revanche, « s’il s’agit de préciser certains points, d’intégrer des revendications légitimes ou de mettre en place des calendriers de transition adaptés, le premier ministre a dit que sa porte était ouverte », rappelle M. Darmanin, soulignant que « toutes les réformes des retraites ont suscité de fortes contestations ».

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