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Jours tranquilles à Paris

1 juillet 2020

Nipplemagazine

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1 juillet 2020

«La désintégration de Hongkong survient à un rythme infernal»

Par Anne-Sophie Labadie, correspondante à Hongkong

Avec le vote par le Parlement chinois de la loi sur la sécurité nationale, promulguée mardi soir, les prodémocratie ont commencé à prendre des mesures pour éviter d’être pris pour cible.

Pékin aura imposé en quelques semaines ce que les autorités hongkongaises n’ont pas réussi à faire avaler à la population en vingt-trois ans : une loi de sécurité nationale, et le tout sans que les 7,5 millions d’habitants, le Parlement ni le gouvernement local n’aient été consultés. Le régime communiste a agi seul, vite et sans transparence. Le Parlement national chinois a voté mardi un texte signant, selon l’opposition, la fin du statut spécial de l’ancienne colonie britannique. Il devait être inscrit dans la soirée dans l’annexe III de la loi fondamentale hongkongaise, sorte de mini-Constitution.

La loi, promulguée à 23 heures et immédiatement entrée en vigueur, précise que Pékin peut sanctionner tout acte de «séparatisme», de «subversion», de «terrorisme» et toute «collusion» avec des forces étrangères. Autant de termes vagues employés dans la propre loi de sécurité nationale chinoise révisée en 2015 et sur laquelle le régime s’appuie pour réprimer la dissidence.

La violation de la loi peut entraîner l’extradition vers la Chine et une peine de prison à vie. Ceux qui participent activement aux manifestations sont passibles d’une peine de trois à dix ans d’emprisonnement. Quant aux personnes ayant joué un rôle de premier plan dans les activités interdites, elles sont passibles de la prison à perpétuité. Le terrorisme y est pris dans une définition large, du lancer de cocktail Molotov aux actes de vandalisme dans les transports ou «tout ce qui met en danger la sûreté publique».

«Virus politique».

Pékin a fait valoir depuis fin mai (date de la session plénière du Parlement lors de laquelle le principe de la loi a été décidé) qu’il y avait urgence devant le «risque terroriste». Il fallait selon le régime central s’empresser d’éradiquer le «virus politique» afin de faire cesser les «émeutes» et de «restaurer la stabilité» dans le centre financier international. Les récriminations d’ONG, du G7, de l’Otan, de Washington et de l’Union européenne, inquiets pour l’avenir des libertés et l’Etat de droit pourtant garantis à Hongkong jusqu’en 2047, n’y ont rien fait, pas même les premières sanctions américaines.

«Le fait que les autorités chinoises ont voté cette loi sans que les Hongkongais puissent la voir dit beaucoup de leurs intentions, estime pour sa part Amnesty International dans un communiqué. Leur but est de gouverner Hongkong par la peur à partir de maintenant.» Et c’est ce qui s’est produit dès le vote de la loi mardi matin. Pour «maintenir entiers les effets d’intimidation et de dissuasion», selon les termes d’un élu hongkongais siégeant au Parlement chinois, le texte a été tenu secret jusque tard dans la soirée. Le temps nécessaire pour que certains arrachent à la va-vite des affiches prodémocratie de leurs devantures ou que des comptes Twitter, WhatsApp ou Telegram soient nettoyés de leurs contenus antirégime, voire détruits. «Effacez toute notre conversation sur WhatsApp», demande ainsi un militant de renom. «La désintégration de Hongkong survient à un rythme infernal», commente sur Twitter Wilson Leung, membre du groupe des avocats progressistes, prenant comme autre exemple «le célèbre restaurant Lung Café et l’annonce de son retrait du Cercle économique jaune» (réseau d’entraide prodémocratie). Dans la sphère politique, les mesures de précaution se sont aussi multipliées mardi. Joshua Wong, figure de la jeune garde prodémocratie mais qualifié de «sécessionniste» par la presse chinoise, a quitté son parti, Demosisto. La formation, partisane de l’autodétermination pour Hongkong et de l’avènement du suffrage universel, s’est autodissoute mardi. C’est également le cas du groupe indépendantiste Hongkong National Front, démantelé «pour diminuer les risques», explique via la messagerie cryptée Telegram l’un de ses meneurs, Baggio Leung. «Ces deux dernières années, le groupe a été surveillé par des médias pro-Pékin, des photos de nos membres et volontaires ont été prises et nous pensons que notre groupe sera l’une des cibles du Parti communiste chinois et de sa soi-disant loi», poursuit l’ex-député disqualifié en 2016 après avoir prêté serment drapé d’une banderole affirmant que «Hongkong n’est pas la Chine».

«Scélérats».

Comme lui, ils sont des centaines à ne pas pouvoir quitter le territoire hongkongais car leur passeport est confisqué dans l’attente d’un procès. Entre juin 2019 et mai 2020, la police a arrêté plus de 9 110 personnes. Certains ont déjà pris la fuite, comme le militant indépendantiste Wayne Chan qui a annoncé son exil dimanche. L’ancien chef de l’exécutif CY Leung a d’ores et déjà offert une récompense de 1 million de dollars hongkongais (114 700 euros) à ceux qui faciliteront l’arrestation de ces «scélérats».

Au-delà de la sphère politique, la loi a fait tomber sur la région un effet glaçant. «Tout le monde, Hongkongais ou non, peut être visé», résume Kelvin Lam, élu local selon qui le principe «un pays, deux systèmes» est «mort et avec lui l’avenir de Hongkong». «Qui voudra investir dans un territoire où Pékin fait sa loi ? Les investisseurs et capitaux vont partir ailleurs petit à petit.»

Hongkong restera aussi quelque temps encore une monnaie d’échange entre la Chine et les puissances occidentales. Mardi soir, Londres a critiqué la manœuvre de Pékin, qui a «ignoré ses obligations internationales». Face à cette «étape grave et profondément inquiétante», le Royaume-Uni établira, une fois la loi consultée, les décisions à prendre en cas de «violation de la déclaration commune» sino-britannique.

1 juillet 2020

Elliott Erwitt

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L'ŒIL DE LA PHOTOGRAPHIE 1 JUILLET 2020

A. galerie et son propriétaire Arnaud Adida présentent chaque semaine sur un thème différent une exposition de ses photos à vendre !

Voici : Elliott Erwitt 

A. galerie

4, rue Léonce Reynaud

75116 Paris / France

www.a-galerie.fr

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1 juillet 2020

LA LOI DE SÉCURITÉ CHINOISE

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A Hongkong, la fin brutale d’une exception

Carrie Lam, la chef de l’exécutif de Hongkong (au centre), présente, lors d’une conférence de presse, une copie de la nouvelle loi de sécurité nationale, avec la secrétaire à la justice, Teresa Cheng (à gauche), et le ministre de la sécurité, John Lee, le 1er juillet. STR/AFP

Florence De Changy

La loi de sécurité imposée par Pékin prévoit des peines allant jusqu’à la prison à perpétuité pour les ennemis du régime et une surveillance étendue par ses agences, restreignant considérablement les libertés

HONGKONG - correspondance

C’est l’estocade finale. Pour beaucoup de Hongkongais qui se sont mobilisés depuis des années pour obtenir un peu plus de démocratie, la nouvelle loi de sécurité nationale imposée par l’Assemblée nationale populaire à Pékin, et promulguée à Hongkong un peu avant minuit mardi 30 juin par la chef de l’exécutif, Carrie Lam, marque la fin de Hongkong en tant que cité libre. « Pour les membres de la petite minorité qui menace la sécurité nationale, cette loi sera un glaive suspendu au-dessus de leur tête », a averti le gouvernement chinois.

La région administrative spéciale avait jusqu’à présent le privilège d’être la seule ville de Chine où les libertés individuelles étaient protégées. « Cette loi est faite pour terroriser, intimider, réduire Hongkong à néant, faire de Hongkong une ville dans laquelle il n’y aura plus de dissidence, plus de manifestations, plus d’opposition », déclare au Monde Claudia Mo, députée du camp prodémocratique.

Alors que Hongkong marque, ce 1er juillet, les vingt-trois ans de sa rétrocession à la Chine, ce texte va limiter considérablement, voire annihiler, les libertés civiles et politiques de n’importe quel citoyen en désaccord avec le système chinois ou avec le gouvernement. « Fondamentalement, Pékin va pouvoir arrêter n’importe qui, pour n’importe quel crime, puisque c’est Pékin qui a le pouvoir d’affirmer ce que vous avez fait de mal et en quoi c’est mal », affirme un grand juriste qui, comme la plupart des gens contactés mercredi matin, n’a accepté de parler qu’à la condition explicite de ne pas être cité, une nouveauté dans cette ville. Il affirme avoir conseillé à tous ses amis de ne pas accepter la moindre interview, car « même parler et donner son avis est désormais dangereux ».

Théoriquement, jusqu’en 2047, Hongkong devait pourtant « gérer ses propres affaires » avec un « haut degré d’autonomie », mais les nombreuses restrictions détaillées dans cette nouvelle loi précipitent la « continentalisation » de l’ancienne colonie britannique. Jusqu’au 30 juin 2020, Hongkong fondait son exception au sein de l’ensemble chinois sur un Etat de droit solide et crédible, hérité du système britannique de la common law (le droit coutumier), et respecté par le reste du monde. En plaçant sa loi au-dessus de celle de Hongkong, Pékin s’attaque au cœur même de cette spécificité. Et bien que les milieux d’affaires font pour le moment mine de regarder ailleurs, se persuadant que tout ira bien – la Bourse a fermé en hausse mardi –, la fragilisation du cadre juridique de Hongkong risque tôt ou tard de porter atteinte au centre financier international.

« Superviser et guider »

En six chapitres et soixante-six articles, le texte couvre quatre crimes, à savoir sécession, subversion, terrorisme et collusion avec une puissance étrangère. Ils sont passibles de la prison à perpétuité, même si des peines plus courtes sont prévues dans certaines circonstances « mineures ». L’article 33-3 précise par ailleurs que les peines seront allégées si l’accusé dénonce une autre personne.

Demander que des sanctions soient imposées sur Hongkong ou sur la Chine sera désormais considéré comme un crime de collusion avec un régime étranger. Or c’est exactement ce qu’ont fait, activement et publiquement, plusieurs membres de l’opposition depuis quelques mois en allant notamment à Washington, Londres et Berlin.

« Inciter à la haine des gouvernements », qu’il s’agisse du pouvoir central à Pékin ou du gouvernement local, relève du crime de subversion. La quasi-totalité des slogans entendus dans les manifestations de Hongkong pourraient donc désormais tomber sous le coup de cette loi, selon l’interprétation que les juges et les autorités voudront en faire.

Alors que la population n’avait pas été informée du contenu du texte jusqu’à son entrée en vigueur dans la nuit, la version finale a surpris par l’étendue de sa portée. La loi inclut même des crimes commis en dehors de Hongkong et vise par exemple le fait d’être favorable à l’indépendance de Taïwan. Alors que la crise de Hongkong a considérablement renforcé les aspirations des Taïwanais à ne pas être réunifiés avec la Chine continentale, la présidente de l’île, Tsai Ing-wen, a tweeté : « Le mépris de Pékin à l’égard des aspirations des Hongkongais prouve qu’“un pays, deux systèmes” n’est pas viable. Beaucoup de choses ont changé à Hongkong depuis [la rétrocession en] 1997, mais le soutien de Taïwan aux Hongkongais qui aspirent à la liberté et à la démocratie n’a jamais changé. » La loi, qui s’appliquera aussi aux étrangers, résidents permanents ou non, qui auraient commis un crime de sécurité nationale, prévoit un contrôle plus étroit des organisations non gouvernementales et des agences de presse et des journalistes étrangers. Selon le journal populaire d’opposition Apple Daily, la non-rétroactivité de la loi n’est pas clairement établie. En outre, n’importe quelle personne coupable d’un crime de sécurité nationale sera déclarée inéligible à vie.

Les procédures prévues par le texte sont tout aussi alarmantes, certains procès impliquant des questions de secret national ou d’ordre public devant avoir lieu à huis clos et sans jury dans certaines circonstances. Comme le redoutait la profession légale, il reviendra au chef de l’exécutif de nommer les juges qui présideront aux procès relevant de la sécurité nationale. La loi prévoit même la possibilité que certains cas soient jugés en Chine, notamment « quand la sécurité nationale de Chine fait face à une menace substantielle réelle, quand des forces étrangères sont impliquées ou quand le gouvernement de Hongkong ne peut pas faire appliquer la loi ».

De nouvelles agences verront le jour. Une « commission pour la protection de la sécurité nationale » sera composée d’officiels du gouvernement et d’un « conseiller » de Chine. Ses décisions seront sans appel et en aucun cas soumises à un recours judiciaire. La loi prévoit aussi que la police et le ministère de la justice de Hongkong forment de nouveaux services destinés à la sécurité nationale. Un autre bureau dont la fonction sera de préserver la sécurité nationale va prendre ses quartiers à Hongkong pour « superviser et guider » les autorités locales. Et si les inculpés auront droit à un avocat et à un « procès juste », ce sera « après un premier interrogatoire par le bureau ».

« Nous ne devons pas avoir peur »

Plusieurs figures du camp de l’opposition prodémocratie ont appelé coûte que coûte à manifester mercredi après-midi malgré l’interdiction de la police. C’est la première fois depuis un grand rassemblement d’un demi-million de personnes en 2003 que la police interdit cette marche. « Nous espérons que tous les Hongkongais descendent dans la rue pour s’opposer à la loi de sécurité nationale. Nous ne devons pas avoir peur. Si nous avons peur, nous perdrons nos droits et nos libertés inéluctablement », a déclaré l’un des leaders du front civil des droits de l’homme, organisateur habituel des plus grandes manifestations.

La police a fait usage d’un canon à eau pour disperser des manifestants, et trente personnes ont été arrêtées pour violation de cette nouvelle législation, rassemblement illégal, refus d’obtempérer et possession d’armes, selon les forces de l’ordre. Le premier homme arrêté au motif de ce nouveau texte portait un drapeau avec les caractères « Hong Kong Independence ».

Avec déjà près de 10 000 arrestations en un an de protestation, de nombreux cas documentés d’abus par la police sur les personnes arrêtées, et à présent la menace de cette loi, il est probable que la majorité des Hongkongais choisissent la prudence en restant chez eux.

Les réactions internationales ont été virulentes, notamment en provenance des Etats-Unis. « La loi draconienne sur la sécurité nationale expose ce qui fait le plus peur à Pékin : la liberté de penser et d’agir des Hongkongais », a tweeté le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo. Le seul appui à cette loi draconienne et liberticide est venu de Cuba, qui, au nom de 52 autres pays, a proposé une motion de soutien à cette loi lors de l’ouverture de la 44e session du Conseil des droits de l’homme des Nations unies à Genève. A Causeway Bay, quartier très commerçant de l’île de Hongkong, quelques militants prochinois qui étendent régulièrement des pancartes vantant « le rêve chinois » en agitant le drapeau rouge aux 5 étoiles jaunes étaient un peu plus nombreux que d’habitude, mercredi après-midi, alors que le reste de Hongkong était en deuil.

1 juillet 2020

Marisa Papen

marisa et oiseaux

marisa string plage

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1 juillet 2020

La Chine adopte une loi controversée sur la sécurité nationale à Hongkong

Le texte, dont le contenu n’a pas été révélé, a été adopté à l’unanimité selon la presse locale. Le Royaume-Uni, l’Union européenne et les Etats-Unis craignent qu’il ne serve d’instrument de répression des opposants politiques hongkongais.

Le Parlement chinois a adopté, mardi 30 juin, la loi controversée sur la sécurité nationale à Hongkong, ont annoncé des médias du territoire semi-autonome, faisant craindre une répression de toute opposition politique dans l’ex-colonie britannique. Le texte a été voté à Pékin, à l’unanimité, ont notamment affirmé, mardi matin, Now TV, RTHK et le South China Morning Post.

Cette loi, qui entend réprimer le « séparatisme », le « terrorisme », la « subversion » et la « collusion avec des forces extérieures et étrangères », vise à ramener la stabilité à Hongkong, après des manifestations monstres contre le pouvoir central en 2019. Les opposants redoutent qu’elle serve à museler toute dissidence et à enterrer la semi-autonomie et les libertés dont jouissent les habitants.

Ce texte, élaboré en seulement six semaines et dont le contenu n’est pas connu des près de 7,5 millions de Hongkongais, contourne le Conseil législatif local. Lors de sa conférence de presse hebdomadaire du mardi matin, la chef de l’exécutif local, Carrie Lam, a refusé de dire s’il a été effectivement adopté. « Je pense qu’en ce moment, il ne me revient pas de commenter les questions relatives à la loi sur la sécurité nationale », a déclaré Mme Lam.

Tensions attendues avec l’Europe et les Etats-Unis

Pour l’opposition pro-démocratie de Hongkong et pour plusieurs pays occidentaux dont les Etats-Unis, pour le G7 ou encore l’Union européenne (UE), cette loi est au contraire une attaque contre l’autonomie et les libertés du territoire. Washington a ainsi engagé, lundi, le retrait de privilèges commerciaux dont bénéficiait Hongkong en réponse au projet de loi sécuritaire préparé en Chine.

L’agence de presse officielle Chine Nouvelle devrait publier dans la journée des détails sur la loi sécuritaire, selon le South China Morning Post. Des représentants hongkongais doivent aussi se rendre à Pékin pour une réunion sur le sujet, a ajouté le journal. La loi entrera en application dès sa publication au Journal officiel de Hongkong, attendue sous peu.

1 juillet 2020

Décryptages - Kim Yo-jong, la « dame de fer » de Pyongyang

Kim Yo-jong

Par Philippe Pons

La sœur cadette de Kim Jong-un a mené l’offensive verbale contre la Corée du Sud dans un pays où les femmes, désormais forces vives de l’économie, pèsent d’un poids accru.

L’escalade fut aussi brutale que la désescalade soudaine. Après des attaques au vitriol du gouvernement sud-coréen puis le dynamitage du bureau de liaison intercoréen à Kaesong –ville nord-coréenne proche de la zone démilitarisée (DMZ) séparant les deux pays –, Kim Jong-un a renversé la vapeur en annonçant suspendre les actions militaires contre le Sud.

Le régime est coutumier de ces revirements tactiques qui permettent au dirigeant de donner l’image d’un homme imprévisible – et ainsi maître du jeu. Avec cette fois une particularité : l’offensive contre le Sud a été menée par Kim Yo-jong, sa sœur cadette, tandis que lui-même restait en retrait. Que signifie cette volte-face du régime ? Désaveu du dirigeant entamant l’autorité de sa plus proche collaboratrice ? L’hypothèse semble peu probable. D’une part, les actions militaires annoncées n’ont pas été annulées mais « suspendues » ; en outre, dans un système monolithique comme celui de la République populaire démocratique de Corée (RPDC), une divergence au sommet ne serait pas tolérée. L’hypothèse d’une répartition des tâches semble plus probable.

Rondement menée, l’offensive a eu des effets : « Le dynamitage du bureau de liaison intercoréen a contraint le ministre de l’unification du Sud à démissionner et Séoul à prendre des mesures pour stopper les envois par des réfugiés à travers la DMZ de ballons avec des messages dénonçant le régime. Aller plus loin aurait été contre-productif, estime Cheong Seong-chang, de l’Institut Sejong à Séoul. Kim Yo-jong s’est montrée capable de mobiliser des hauts cadres et d’organiser des manifestations de masse. C’est à son crédit. »

Une évolution du régime

Signataire de diatribes contre le Sud, ridiculisant le président Moon Jae-in et menaçant de « représailles », publiées début juin dans Rodong Sinmun (organe du parti du travail), Kim Yo-jong est passée du rôle de plus proche collaboratrice de son frère à celui de « dame de fer » du régime.

Petite-fille de Kim Il-sung (1912-1994), elle appartient à la « glorieuse lignée du mont Paektu » – volcan éteint à la frontière avec la Chine, berceau de la guérilla antijaponaise dont le régime tire sa légitimité. Fondé sur cette lignée et une personnalisation exacerbée du pouvoir, le système nord-coréen exclut tout « numéro deux » : lorsqu’un membre de la famille émerge aux côtés du dirigeant en place, c’est qu’il est appelé à devenir le successeur en titre.

POUR LA PREMIÈRE FOIS DE SON HISTOIRE, LA DYNASTIE EST MENACÉE

Les héritiers doivent démontrer leur détermination par des actions d’éclat : on prête ainsi à Kim Jong-il d’avoir été l’instigateur de l’attentat à Rangoun en 1983 visant le général président du Sud Chon Too-hwan – dont celui-ci réchappa – et à son fils Kim Jong-un d’être à l’origine du naufrage de la corvette sud-coréenne Cheonan, coulée en 2010 en mer Jaune. L’offensive contre la Corée du Sud est le premier « fait d’armes » de Kim Yo-jong. Voir pour autant en elle la future dirigeante suprême est, pour l’instant, hasardeux. Sa nouvelle stature n’en marque pas moins une évolution du régime.

La disparition (inexpliquée) de Kim Jong-un en avril pourrait avoir rappelé au cercle dirigeant qu’une incapacité temporaire ou définitive de celui-ci n’est pas à exclure et qu’il est nécessaire qu’une voix incarnant la « lignée du mont Peaktu » puisse continuer à se faire entendre.

Pour la première fois de son histoire, la dynastie est menacée. Le ou les enfants de Kim Jong-un sont en bas âge ; le fils que Kim Il-sung eut avec sa seconde épouse a passé sa vie en semi-exil comme ambassadeur en Europe du Nord et est hors jeu ; Kim Jong-nam, fils de Kim Jong-il né de sa première compagne en titre, a été assassiné en 2017 à l’aéroport de Kuala Lumpur. Quant au frère aîné de Kim Jong-un, Kim Jong-chol, il ne semble pas taillé pour le pouvoir. Reste Kim Yo-jong.

Un caractère trempé

Bien que la RPDC se soit montrée progressiste sur le plan des principes (en accordant dès 1945 aux Coréennes l’égalité des droits), aucune femme n’est jamais apparue au premier plan. Nombreuses dans les instances du parti, les secteurs de l’éducation et de la santé, elles figurent rarement au sommet des hiérarchies. Et encore moins dans le cercle dirigeant.

Les seules femmes mises en avant et vénérées sont les épouses des dirigeants en tant que mères des héritiers. C’est le cas de la mère de Kim Jong-il, Kim Jong-suk (combattante au côté de Kim Il-sung et disparue en 1949), ou de Ko Yong-hui (morte en 2004), mère de Kim Jong-un. La seule éminence grise fut Kim Kyong-hui, sœur de Kim Jong-il. Occupant des fonctions sans grande importance dans le parti, elle fut surtout la confidente et conseillère de son frère. Gérant la fortune de la famille, elle servit l’ambition de son mari Jang Song-taek, avant de le laisser exécuter pour corruption en 2013. Agée et malade, elle n’a plus aucun poids.

La RPDC hérite d’une culture patriarcale qui a priori dessert Kim Yo-jong. Mais, même sous une dictature, les sociétés évoluent. Depuis la catastrophique famine de la seconde moitié des années 1990, les femmes se sont progressivement dégagées du statut discriminatoire de souche confucéenne sous un vernis socialiste dont elles sont victimes.

Les Coréennes ont un caractère trempé dont attestent la littérature et l’histoire. Elles l’ont prouvé au cours de ces « années noires » : alors que les hommes « aboyaient à la Lune », elles devinrent la cheville ouvrière des marchés noirs et, par la suite, de l’effervescence mercantile. Elles représentent aujourd’hui les forces vives de l’économie hybride, de facto de marché, à laquelle le pays doit un embryonnaire redressement.

« Les transformations socio-économiques ont eu un impact profond sur la place de la femme dans la société », estime la sociologue sud-coréenne Kyungja Jung. Une autonomie chère payée pour beaucoup, plus exposées par leurs activités aux sévices et violences des agents du régime, mais qui a aussi permis l’apparition de chefs d’entreprise riches et puissantes.

Les trentenaires de l’élite témoins de ces évolutions socio-économiques sont sans doute plus ouverts que la vieille garde à l’accession de femmes aux hautes sphères du pouvoir. Il reste à Kim Yo-jong à convaincre les « durs » du bureau politique qu’elle est de leur trempe.

1 juillet 2020

Bronzage...

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1 juillet 2020

Russie - Après le Covid-19, Poutine désacralisé  ?

NEZAVISSIMAÏA GAZETA (MOSCOU)

Le 1er juillet a lieu le référendum fédéral sur la réforme constitutionnelle ouvrant la voie à de possibles nouveaux mandats présidentiels pour Vladimir Poutine après 2024. Le célèbre publiciste Alexandre Tsypko, docteur en philosophie et professeur à l’Académie des sciences de Russie, veut croire que la pandémie a fait chuter le souverain de son Olympe.

Vladimir Poutine a un destin extraordinaire. Un parmi d’autres à l’été 1999, il est devenu quinze ans plus tard le père de la nation, que beaucoup de personnalités politiques ne dissocient plus de l’avenir du pays. Et le projet de loi présenté le 10 mars 2020 à la Douma a été la matérialisation du miracle russe du XXIe siècle : remettre les compteurs de Poutine à zéro après vingt ans au pouvoir, afin qu’il puisse continuer à décider de l’avenir du pays.

Le véritable maître de nos existences – le hasard – fatigué de l’arrogance des humains, a décidé, en nous accablant de cette pandémie, de remettre les compteurs de notre vie à zéro, y compris le baromètre de sacralisation de Poutine par le “peuple profond” de Russie [Concept introduit au début de 2019 par Vladislav Sourkov, l’un des idéologues du Kremlin, ndlr].

Il est apparu que lorsque la peur de la mort prend l’ascendant sur les esprits, le mysticisme qui se cache derrière la sacralisation du pouvoir de Poutine disparaît totalement. Sous nos yeux, la destinée de notre pays et celle du dauphin de Boris Eltsine miraculeusement devenu notre “tout”, se séparent.

C’est la différence entre la réaction populaire à un malheur à visage humain et sa réaction face à un malheur sans visage comme la pandémie actuelle. Habituellement, un malheur incarné, à l’exemple d’une menace militaire extérieure, tend à resserrer les liens entre le pouvoir et le peuple. Un malheur tel que le coronavirus, au contraire, creuse le fossé entre eux.

C’est ce qui se produit actuellement en Russie, malgré l’implication active de Poutine dans l’organisation du dépistage des malades et leur prise en charge. Les gens regardent différemment le monde et ceux qui les gouvernent lorsque la vie de chacun est menacée par le coronavirus. Et ce qu’ils voient, c’est que ceux qui nous gouvernent sont tout aussi mortels que nous autres. Malgré leur arrogance, ils ont le contrôle sur bien peu de choses en ce monde.

Dès 1993, Boris Eltsine avait rendu possible le retour de l’autocratie

On comprend maintenant que l’avenir de la Russie dépend en grande partie de l’impact qu’aura cette désacralisation de Poutine par la pandémie. Que pour démanteler l’autoritarisme poutinien comme le souhaite l’opposition libérale, il faut impérativement mettre fin à la sacralisation du pouvoir si profondément ancrée en Russie.

N’oublions pas que si l’autoritarisme soviétique a pris fin en 1991, dès 1993, l’équipe de Boris Eltsine avait reconstitué tout l’appareil politique nécessaire à un retour à l’autocratie russe traditionnelle. Cela n’aurait pas eu lieu sans cette manie du “peuple profond” de s’émerveiller devant le pouvoir despotique et de le regarder toujours d’en bas. Cette année-là, Eltsine a fait la démonstration de sa toute-puissance en donnant l’ordre à l’armée de tirer sur le Parlement élu.

Le 10 mars 2020, étaient encore à l’œuvre la croyance que personne d’autre que Poutine ne saurait préserver la vie actuelle, et l’enthousiasme face à sa capacité d’entreprendre des actions insensées comme, par exemple, utiliser l’armée, en temps de paix, pour annexer un territoire étranger.

Les particularités de la relation mystique à Poutine

Pour comprendre le cheminement de cette relation mystique à Poutine, pour comprendre pourquoi malgré la lassitude manifeste à le voir sur les écrans de télévision les Russes étaient encore prêts début mars à vivre à jamais dans l’autocratie poutinienne, il faut analyser les particularités de cet engouement pour Poutine.

Depuis le début, le rapport sacré à Poutine a été induit par une sorte de fascination particulière – pour son caractère secret, impénétrable, sa capacité à superviser les événements avec calme, assurance, depuis les hauteurs de son pouvoir.

En août 1999 [alors que Poutine est seulement nommé Premier ministre par Boris Eltsine], j’écrivais dans la Nezavissimaïa Gazeta que Poutine deviendrait proche du peuple justement par sa froideur, sa dureté, sa promesse de mettre derrière les barreaux ceux qui “déstabiliseraient la situation politique dans le pays”. Mais à l’époque je n’imaginais pas que cette autocratie poutinienne élue par les urnes se muerait en pouvoir à vie.

Une impression de force extraordinaire

Poutine n’a jamais eu de charisme au sens strict. En revanche, jusqu’à récemment encore, son visage dégageait une force extraordinaire, la volonté de soumettre à son pouvoir non seulement nous autres mortels, mais la vie elle-même. Cette sacralité n’avait rien en commun avec celle des tsars en tant que monarques de droit divin.

Lorsque [en avril 2018] il dissertait sur ceux qui méritent ou non d’aller au paradis après une catastrophe nucléaire, Poutine se plaçait même au-dessus de Dieu. C’est précisément pour cela qu’en 2014, avec son projet de “printemps russe”, il a placé la Russie et le monde entier devant l’abîme, ouvert la voie à une Troisième Guerre mondiale.

L’ancienne conscience militaro-défensive soviétique

La mobilisation “pour une Crimée russe” contre de supposés ennemis de la souveraineté nationale a fait renaître l’ancienne conscience militaro-défensive soviétique. La Russie post-Crimée est en fait très semblable à l’URSS dans sa façon de légitimer son pouvoir.

Le Parti communiste défendait l’URSS contre le “fléau impérialiste mondial”, tandis que le pouvoir poutinien se veut le garant de la “souveraineté originelle de la Russie”. La sacralisation du pouvoir de Poutine dans la Russie post-Crimée, transformée en forteresse assiégée, a fusionné avec la sacralisation de la souveraineté étatique.

Cela a inévitablement entraîné la réhabilitation de Staline et de ses victoires. Là commence la dérive par rapport à la vérité, au caractère dramatique de l’histoire soviétique, au coût humain terrifiant de la méthode soviétique pour préserver la souveraineté étatique russe.

Plus il y a de mysticisme et de messianisme dans le récit officiel de l’histoire soviétique, plus les gens perdent le sens des réalités, de la valeur de la vie humaine, la conscience de l’implication de chacun dans nos catastrophes russes.

De ce fait, même la sacralisation des plus incontestables succès de l’histoire soviétique mène à la déshumanisation de la conscience populaire, à la perte de l’inspiration chrétienne de la pensée russe, du bon sens, de la capacité à estimer objectivement sa propre valeur et la situation de son propre pays, ainsi que ses perspectives réelles.

Une Russie post-Crimée affaiblie par les sanctions

Dans ces circonstances, et pour des raisons qui dépassent le champ politique, toute analyse des échecs de notre pouvoir actuel est rendue impossible. Nos dirigeants sont en train de perdre les fondements du bon sens : capacité à douter, réalisme, capacité à anticiper les conséquences de leurs décisions.

Les victoires tactiques du pouvoir, toujours temporaires, mènent en réalité à la défaite de la Russie à l’échelle de l’histoire mondiale. Nul besoin d’être un génie pour voir que la Russie d’avant 2014, en tant que membre de droit du G8, avait bien plus de chances de se développer, de progresser, que la Russie post-Crimée, affaiblie par les sanctions et perçue dans le monde entier comme une menace.

Ce qui est tragique, c’est que la renaissance de l’autocratie russe au XXIe siècle ait réanimé la pensée rétrograde de puissance territoriale oubliée depuis le XIXe. Nous assistons à ce que redoutait Ivan Iline, “lorsque la fierté nationale se transforme en arrogance obtuse et en vulgaire autosatisfaction, en mégalomanie”.

Une propagande qui apparaît comme inappropriée et inhumaine

Le mensonge règne en maître à la télévision publique pour préserver la foi dans l’infaillibilité de notre dirigeant. Mais la pandémie, la menace de destruction des fondations de la civilisation contemporaine tue tout ce sur quoi s’édifie la sacralisation du pouvoir de Poutine : notre propagande destinée à attiser la haine de l’Occident apparaît comme inappropriée et inhumaine.

La sacralisation de Poutine, de mon point de vue, est semblable à celle appliquée aux leaders bolcheviques, Lénine et Staline, dont le “peuple profond” attendait des accomplissements insensés. Or, nous ne devrions pas prendre exemple sur les bolcheviques et leur prétention à refaire le monde en contestant l’essence même de l’existence humaine, le fait que la réalité existante est prioritaire par apport à ce qui se trame dans les esprits révolutionnaires.

Philosophie bolchéviste et messianisme russe

Quel est le fond de la doctrine poutinienne en matière de politique étrangère ? Ce n’est pas simplement ce que les libéraux appellent un syndrome impérialiste, mais une philosophie bolcheviste visant à créer de toutes pièces ce qui n’a jamais été ou ce qui n’est plus. L’empire soviétique s’est écroulé pour une série de raisons objectives, or aujourd’hui, oubliant tout de ces raisons, nous nous échinons à vouloir reconstruire ce que nous appelons le monde russe.

En matière de politique étrangère, nous prenons nos désirs pour des réalités : la conviction défendue par Poutine selon laquelle les Ukrainiens et les Russes appartiendraient à une même nation divisée en constitue l’exemple le plus criant.

J’aimerais insister sur un point qui reste d’actualité et permet vraiment de comprendre la nature de ce rapport sacré à la figure de Poutine. Curieusement et paradoxalement, c’est le messianisme russe, la croyance en la prédestination de la Russie et en une civilisation russe spécifique, qui a constitué le terreau intellectuel de la victoire de l’idéologie marxiste dans la Russie soviétique.

Les idéaux du “monde russe”

Sous Staline, la conviction du caractère unique du monde russe s’est fondue avec la croyance dans la victoire du communisme. Or, aujourd’hui nous observons le même phénomène : la politique étrangère de Poutine, à l’exemple de sa volonté de “contraindre l’Ukraine à s’allier avec la Russie par la force”, prend sa source dans la réanimation de cette idée russe particulière. Le bolchevisme fondait son autoritarisme sur le messianisme communiste, tandis que Poutine revient au messianisme russe historique, aux idéaux du “monde russe”.

Tout ce qui touche à la “pensée russe” sert sans nul doute les intérêts du pouvoir dans la mesure où cela anesthésie le bon sens et tout instinct de survie. La pandémie, l’horreur et la peur qu’elle suscite nous sont utiles en ce qu’elles réveillent cet instinct, poussent les humains à percevoir ce qui menace réellement leur existence.

Or dès que l’instinct de conservation revient, il chasse tout fondement psychologique au mysticisme, dont la sacralisation du pouvoir fait partie. C’est pourquoi je pense que cette pandémie va faire sauter les verrous psychologiques de ce lien mystique du peuple à Poutine.

Poutine a voulu deux fois accomplir l’impossible

Il ne faut pas oublier que durant les vingt années de son règne, Poutine a, par deux fois, voulu accomplir l’impossible dans deux domaines distincts. Au début des années 2000, il s’est jeté dans la bataille pour surmonter la pauvreté des années 1990, prenant des mesures qui ont réellement amélioré le quotidien des Russes.

Sa décision d’obliger les oligarques à payer à l’État une rente sur les matières premières exploitées par eux est l’exemple le plus marquant de l’accomplissement de quelque chose qui était jugé impossible dans les années 1990. Ce fut une réelle victoire pour Poutine dans l’amélioration des conditions de vie de la population, une mesure qui a subjugué les Russes et stimulé la sacralisation du président à cette époque.

Le second exploit de Poutine, le “printemps russe” de 2014, n’a rien apporté de réel ou de tangible. Comment s’extasier devant une guerre civile dans le Donbass, des morts, et l’inévitable montée du ressentiment contre les Russes en Ukraine, transformée de fait en tête de pont de l’Otan ? Devant le fait que le premier article de la Constitution ukrainienne annonce sa détermination à intégrer l’Otan et l’Union européenne ?

À compter de 2014, les conditions de vie de la population sont sacrifiées

La tragédie de Poutine comme personne et comme dirigeant de la Russie est là : si dans les années 2000 sa popularité se nourrissait d’avancées réelles, à compter des Jeux olympiques d’hiver organisés dans la ville subtropicale de Sotchi il a privilégié l’impossible, visant à faire impression à l’étranger, pour un effet très éphémère et sans réel bénéfice pour la Russie.

Mais ce qui m’a surtout poussé à m’opposer à la politique étrangère de Poutine à partir de 2014, c’est qu’il a commencé à sacrifier les conditions de vie de la population. Le mérite de cette pandémie est là : elle a contraint Poutine, et toutes les autorités de notre pays, à ouvrir les yeux sur la pauvreté qui règne en Russie, où 70 % de la population n’ont aucune économie et survivent d’un salaire à l’autre.

Je veux croire qu’après cette pandémie il ne restera plus grand-chose de la sacralisation du pouvoir poutinien, car toute l’armature de la déification de Poutine aura été détruite. La militarisation insidieuse des consciences, la mystification de l’histoire soviétique, les tentatives de remplacer les valeurs réelles de l’humain par des fables sur la puissance de la Russie… tout cela est incompatible avec la situation politique, morale et psychologique causée par la pandémie.

Le respect de la “ligne rouge”

Vouloir réduire le destin de la Russie à la capacité de mourir pour restaurer sa prétendue grandeur paraît désormais grotesque.

Depuis que la pandémie a pris le contrôle de nos vies, les vieilles méthodes triomphalistes de Poutine n’ont plus leur place. Du haut de sa sacralité, il est redescendu sur terre, son visage s’est animé, laissant apparaître l’inquiétude, voire un certain désarroi. La pandémie a révélé que tout ce que Poutine planifiait n’est pas réalisable, que la vie est suffisamment imprévisible pour contrecarrer les plans du pouvoir.

Et qu’il est interdit même à ceux qui voudraient accomplir l’impossible d’ignorer la ligne rouge que tout homme, s’il veut rester un homme, ne saurait franchir.

Alexandre Tsipko

Source : Nezavissimaïa Gazeta

MOSCOU http://www.ng.ru

1 juillet 2020

Extrait d'un shooting - Photos ; Jacques Snap

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