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Jours tranquilles à Paris

1 avril 2020

Affaire Matzneff : trois mois après la parution du "Consentement", une autre victime sort du silence

matz

Dans un entretien accordé au "New York Times", Francesca Gee, 62 ans, revient sur les trois années passées auprès de l'écrivain.

Francesca Gee a dévoilé au New York Times avoir elle aussi entretenu une relation avec Gabriel Matzneff. A l\'époque, elle a 15 ans et l\'écrivain, 37.Francesca Gee a dévoilé au New York Times avoir elle aussi entretenu une relation avec Gabriel Matzneff. A l'époque, elle a 15 ans et l'écrivain, 37. 

Près de trois mois après la publication du Consentement de Vanessa Springora, une autre femme ayant eu, adolescente, une relation sous emprise avec l'écrivain pédophile Gabriel Matzneff est sortie du silence dans un entretien (traduit en français) au New York Times.

Francesca Gee, 62 ans, avait alors 15 ans et Gabriel Matzneff, 37. Comme Vanessa Springora avant elle, elle a rencontré Gabriel Matzneff pour la première fois en 1973, alors qu'elle était avec sa mère, et a vécu avec lui trois ans avec l'aval de ses parents.

"Justifier l'exploitation sexuelle des enfants"

De cette expérience qu'elle qualifie de "cataclysme", Francesca Gee tire en 2004 un manuscrit, refusé par tous les éditeurs sollicités et notamment par Grasset, éditeur du Consentement. Elle s'y confie sur les années passées aux côtés de l'écrivain et raconte comment il a utilisé, contre son gré, son image et ses lettres dans ses écrits, y compris dans son essai défendant la pédophilie, Les moins de seize ans. "Il n'a cessé de se servir de moi pour justifier l'exploitation sexuelle des enfants et des adolescents."

C'est le choc provoqué par la parution et le succès du Consentement qui conduit Francesca Gee à sortir du silence. "Elle a fait le travail, je n'ai plus à m'en préoccuper", a-t-elle d'abord pensé, avant de changer d'avis. "Une ou deux semaines plus tard, je me suis rendu compte que je faisais totalement partie de cette histoire". Ancienne journaliste, elle travaille actuellement sur un nouveau manuscrit après avoir passé des années à demander que des photos d'elle et ses anciennes lettres soient retirées des ouvrages de Matzneff.

Dans l'entretien accordé au New York Times, Francesca Gee évoque aussi l'ancienne ministre de la Santé Michèle Barzach (1986-1988), gynécologue de profession, affirmant l'avoir consultée une demi-douzaine de fois, toujours en compagnie de M. Matzneff, quand elle était mineure, notamment pour se faire prescrire la pilule.

"Le Consentement", un électrochoc

La publication en début d'année du roman autobiographique de Vanessa Springora a provoqué un électrochoc, mettant en lumière le sujet des violences sexuelles envers les mineurs et la complaisance dont Matzneff a bénéficié dans le milieu littéraire - en 2013, il avait obtenu le prix Renaudot essai.

L'écrivain de 83 ans, qui a longtemps revendiqué son attirance pour les "moins de 16 ans" et le tourisme sexuel en Asie, a affirmé fin janvier "regretter" ses pratiques pédophiles passées, tout en faisant valoir qu'"à l'époque", "jamais personne ne parlait de crime".

Visé par une enquête pour viols sur mineurs, il s'est réfugié en Italie quand le scandale a éclaté. Il doit être jugé en septembre 2021 pour apologie de la pédophilie.

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1 avril 2020

En Equateur, l'une des plus célèbres cascades a arrêté de couler

cascade equateur

La cascade San Rafael est l'une des plus belles de l'Equateur. Mais elle a complètement disparu en février, sans que cela puisse être réellement expliqué.

Situé en Amérique du Sud, l'Equateur est réputé pour ses paysages sauvages et sa faune abondante. On y trouve de hauts plateaux andins, les îles Galapagos, et la forêt amazonienne. C'est dans le parc national Cayambe-Coca que se trouve l'un des joyaux du pays : la cascade San Rafael. Mesurant 150 mètres de hauteur (elle est la plus haute d'Equateur), elle prend sa source dans la rivière Coca, entre les provinces de Napo et Sucumbíos. Mais quelque chose d'impensable s'est produit : depuis le 2 février 2020, la chute d'eau a disparu. Ou plus exactement, elle s'est déplacée. Un grand trou est apparu dans la rivière, juste devant la cascade d'origine. Du coup, l'eau continue de tomber, mais plus du tout au même endroit. C'est plusieurs mètres plus loin qu'une nouvelle chute d'eau s'est formée, divisée en trois parties.

Interrogé par le site Mongabay.com, Alfredo Carrasco, géologue et ancien secrétaire du Capital naturel au ministère, propose une hypothèse pour expliquer ce phénomène. La cascade San Rafael est située dans une zone d'activité sismique et volcanique près du volcan Reventador, l'un des plus actifs du pays. Cette activité volcanique, associée au phénomène d'érosion de l'eau, pourrait être la cause de la "disparition" de la chute d'eau d'origine. Le scientifique confie également son inquiétude : "le nouvel endroit où la rivière tombe en trois points distincts n'est pas une zone de sédiments consolidés. Ces nouvelles chutes provoquent un processus d’érosion régressive, déclenchant une rivière en amont, qui va changer la morphologie de la vallée".

Mais d'autres experts envisagent d'autres explications. Pour Emilio Cobo, coordinateur du programme pour l'eau en Amérique du Sud à l'Union internationale pour la conservation de la nature, la disparition de la cascade pourrait être la faute de l'homme. Comme il l'explique à Mongabay.com, le phénomène d'érosion pourrait avoir été provoqué par une centrale hydroélectrique, Coca Codo Sinclair. "Une cascade qui existe depuis des milliers d'années ne s'effondre pas, par coïncidence, quelques années après l'ouverture d'un projet hydroélectrique. Ce sont des processus qui sont dans des articles scientifiques et il y a suffisamment de preuves qu'un barrage peut provoquer des effets de ce type sur une rivière", a-t-il affirmé. De son côté, le ministère de l'environnement a annoncé qu'une enquête allait être menée afin de savoir ce qui s'est passé, et l'accès à San Rafael a été restreint.

1 avril 2020

Le Canard enchainé

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1 avril 2020

Paris : Christo va emballer l’Arc de Triomphe en 2020

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Pour l’Arc de Triomphe, 25 000 m2 de tissu recyclable et 7 000 m de corde vont être nécessaires à l’artiste. Il avait déjà emballé le Pont-Neuf en 1985.

35 ans après le Pont-Neuf, Christo va empaqueter l'Arc de Triomphe à Paris. L'artiste plasticien va l'emballer en 2020, ont annoncé mercredi le Centre des Monuments nationaux et le Centre Pompidou.

Cet emballage nécessitera 25 000 m2 de tissu recyclable de couleur argent bleuté et 7 000 mètres de corde rouge, sera visible pendant 14 jours, du 6 au 19 avril 2020 (en fait à l'automne à cause du coronavirus)

Parallèlement, le Centre Pompidou proposera du 18 mars au 15 juin 2020 une exposition retraçant la période parisienne du duo formé par Christo et Jeanne-Claude (décédée en 2009) et l'histoire du projet « Le Pont-Neuf empaqueté ».

« L'Arc de Triomphe empaqueté sera autofinancé par Christo grâce à la vente de ses études préparatoires, dessins, collages du projet ainsi que des maquettes, œuvres des années cinquante-soixante et des lithographies originales dédiées à d'autres sujets », indique le Centre des Monuments nationaux qui précise que l'œuvre éphémère ne bénéficiera d'aucun financement public.

Dès 1962, Christo et Jeanne-Claude avaient signé un photomontage avec l'Arc de Triomphe empaqueté, vu depuis l'avenue Foch. « Près de 60 ans plus tard, ce projet sera concrétisé. Durant toute la période où l'œuvre sera visible, comme pendant la durée des travaux d'installation, l'espace sous l'Arc de Triomphe qui surplombe la dalle sacrée où brûle en permanence depuis 1923 la Flamme de la Nation devant la tombe du Soldat Inconnu sera entièrement préservé », souligne le Centre des Monuments nationaux.

« Associations, bénévoles et volontaires attachés aux valeurs de la République continueront à s'y relayer pour assurer la continuité du souvenir et de la mémoire et assurer les cérémonies quotidiennes du ravivage de la flamme et les hommages au Soldat inconnu dans la solennité requise », ajoute le CNM.

1 avril 2020

Monica Bellucci

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1 avril 2020

Musée de l'Orangerie

« Giorgio De Chirico. La peinture métaphysique »

Giorgio De Chirico (1888-1978) ayant été défendu à Paris par le galeriste Paul Guillaume (1891-1934), dont l’Orangerie conserve une partie de la collection, la présence du peintre en ce lieu est naturelle. Il ne s’agit pas d’une rétrospective, mais d’une exposition qui court de la formation de l’artiste à Munich à partir de 1908 jusqu’à la période dite « métaphysique » – la plus célèbre – et le séjour à Ferrare de 1915 à 1918. Il s’échappe alors de ses références symbolistes et antiques et fait apparaître des paysages et des arrangements d’objets à l’interprétation incertaine – et d’autant plus captivante. Ce sera l’occasion de revenir en détail sur les lectures philosophiques de l’artiste, inséparables de son œuvre visuelle. Guillaume Apollinaire fut le premier à percevoir qu’il avait une conception mentale de la peinture profondément singulière. Ph. D.

Musée de l’Orangerie, Jardin des Tuileries, place de la Concorde, Paris 1er. Du 1er avril au 13 juillet. Du mercredi au lundi de 9 heures à 18 heures.

1 avril 2020

Charlie Hebdo

charlie hebsdo

1 avril 2020

Enquête - Salles fermées : le cinéma français cherche la parade

salle cinema

Par Clarisse Fabre

Le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) modifie ses règles, le temps de la crise sanitaire, pour faciliter la sortie des films en vidéo à la demande.

Sauve qui peut les films : alors que les salles sont fermées depuis samedi 14 mars en raison de l’épidémie de Covid-19, l’ensemble de la filière cinéma est tout à la fois sonnée et foisonnante d’idées. Du côté des distributeurs, se pose la question de l’écoulement des films subitement privés du grand écran. En France, pays qui possède plus de 5 000 écrans sur son territoire (et quelque 2 200 établissements), le cinéma en salle est sacré et obéit à une règle, la « chronologie des médias » inscrite dans le marbre : elle prévoit une exclusivité pour la salle d’une durée de quatre mois, avant la sortie en vidéo à la demande (VoD), sur les chaînes de télévision, etc.

Que faire alors des œuvres qui étaient en cours d’exploitation le 14 mars ? Faut-il les mettre en sommeil et attendre que leur carrière reprenne lorsque les cinémas vont rouvrir ? Ce sera sans doute la solution choisie pour un certain nombre de films. Dans une tribune parue dans Le Film français, vendredi 27 mars, le président de la puissante Fédération nationale des cinémas français (FNCF), Richard Patry, a souligné « l’aspiration de nos adhérents [exploitants] à soutenir les films des distributeurs qui ont été à leurs côtés jusqu’au bout », et à les proposer « à nouveau à leurs spectateurs » dès la réouverture des salles. Reste que personne n’a la moindre idée de la date de reprise – la Chine, qui avait rouvert 600 salles le week-end du 21-22 mars, a annoncé à nouveau leur fermeture le 27 mars.

De plus, quand on sait qu’une vingtaine de nouveaux films devaient sortir chaque mercredi – les 18 mars, 25 mars, 1er avril, 8 avril, etc. –, la réouverture des cinémas s’annonce comme un embouteillage monstre, avec le risque que les films à faible potentiel se retrouvent, encore plus que d’habitude, noyés dans la masse. Il y a fort à parier que les exploitants, dans leur grande majorité, privilégieront les comédies familiales et autres blockbusters pour relancer l’économie du secteur.

Nouvelles règles provisoires

Les spectateurs étant confinés, la VoD avec paiement à l’acte pourrait présenter une alternative et une soupape pour le secteur. La télévision elle-même a déjà retrouvé des scores pharaoniques avec plus de 6 millions de téléspectateurs, le 27 mars, pour le cinquième épisode de Koh Lanta sur TF1. Au point que certains se demandent s’il ne faudrait pas sortir des films d’auteur à la télévision. Le temps de la crise sanitaire, le petit écran redeviendrait cinéphile… Toujours est-il que la profession semble prête à expérimenter de nouvelles règles, provisoires, sous le patronage du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).

Le CNC a déjà fait adopter, dans la loi d’urgence du mardi 24 mars, un article permettant de déroger, le temps de l’épidémie, et pour les seuls films qui étaient à l’affiche le 14 mars, à la « chronologie des médias ». Des distributeurs pourraient donc obtenir l’autorisation de sortir un film en VoD sans attendre le délai de quatre mois. Pour l’heure, à la date du dimanche 29 mars, le CNC a été saisi de cinq demandes seulement, et pour des films qui sont plutôt en fin d’exploitation. « D’autres œuvres qui avaient bien démarré leur carrière, comme La Bonne Epouse, de Martin Provost, ou De Gaulle, de Gabriel Le Bomin, auront une vie en salle toute tracée quand les cinémas rouvriront », indique-t-on au CNC.

« ON VA POUSSER DANS LE SENS D’UNE RÉFLEXION COLLECTIVE INTELLIGENTE ET D’UNE SOLIDARITÉ DE LA FILIÈRE », INDIQUE-T-ON AU CNC

La situation des films qui devaient sortir à partir du mercredi 18 mars est différente. Les distributeurs peuvent attendre la réouverture des salles pour tenter de caler une nouvelle date. Ou bien décider de sortir le film directement en VoD à l’acte, mais dans ce cas, ils doivent théoriquement rembourser au CNC les aides reçues au titre de la distribution d’un film au cinéma. Ce qui peut être fortement dissuasif…

C’est cette dernière règle que le CNC s’apprête à assouplir : mercredi 1er avril, son conseil d’administration devrait examiner une mesure visant à permettre la diffusion d’un film en première exploitation en VoD à l’acte, sans que les distributeurs soient tenus de restituer les aides financières au CNC. « Attention, ces nouvelles mesures seront caduques le jour de la réouverture des salles », prévient-on dans l’entourage du président du CNC, Dominique Boutonnat. Et d’ajouter : « On décidera au cas par cas. Un film à fort potentiel aura plutôt intérêt à sortir en salle. » Se dirige-t-on vers un dispositif à deux vitesses, les œuvres grand public attendant au chaud la réouverture des salles, les films plus confidentiels se risquant sur la Toile ? « On va pousser dans le sens d’une réflexion collective intelligente et d’une solidarité de la filière », indique-t-on encore au CNC.

Ecosystème de la filière

Certains distributeurs se sont déjà lancés, sans attendre le feu vert de la haute instance du cinéma. C’est le cas de Thomas Ordonneau, patron de la société de production et de distribution Shellac : le documentaire de Richard Copans, Monsieur Deligny, vagabond efficace, qui devait sortir le 18 mars, a été mis en ligne le 25 mars sur le site de Shellac et sur la plate-forme La Toile, un service de vidéo à la demande proposé aux exploitants. A partir du 8 avril, le film basculera sur UniversCiné et sur les autres plates-formes. « On est content d’avoir ouvert le bal. Et on sera heureux de retrouver les salles pour des séances débats avec le film de Richard Copans, quand ce sera le moment propice », explique Thomas Ordonneau.

Le choix de La Toile n’est pas neutre : il s’agit de rester dans l’écosystème de la filière. Cette plate-forme dirigée par Joséphine Létang, ancienne exploitante, prévoit un partage des recettes avec les patrons de salles. Richard Patry, président de la FNCF et patron de Nord-Ouest Exploitation, est adhérent à La Toile. De même que Gautier Labrusse, qui dirige le cinéma Lux à Caen et préside le Groupement national des cinémas de recherche (GNCR), lequel regroupe les 150 salles Art & Essai les plus pointues – il a baptisé « Netflux » le service vidéo du Lux. Dans sa lettre mensuelle du GNCR, publiée le 25 mars, Gautier Labrusse exhorte le CNC à soutenir, « dans la mise en œuvre de ces mesures dérogatoires », des initiatives telles que La Toile, qui « nouent un lien entre le marché de la vidéo à la demande et l’exploitation cinématographique ».

Mais tous les professionnels ne sont prêts à faire le saut de la VoD. « La VoD ne peut pas venir compenser les recettes escomptées en salle », fait remarquer Etienne Ollagnier, cogérant du distributeur Jour2Fête. « On a investi énormément pour Un fils, de Mehdi M. Barsaoui, sorti le 11 mars, la semaine de la fermeture des cinémas. On espère entre 150 000 et 250 000 spectateurs et on a pris le parti de le ressortir en salle », dit-il. Le distributeur cite aussi l’exemple de Papicha, le film de Mounia Meddour, sorti en octobre 2019, qui a eu deux Césars. « Le film a fait 270 000 entrées. Puis il a basculé en VoD et a fait 13 000 vues. C’est un très bon score mais cela ne génère, pour le distributeur, que 1,70 euro par acte. »

Surtout, dit-il, ces bons résultats ont été rendus possibles par la sélection du film à Cannes en mai 2019, à Un certain regard. « La plupart de nos succès, ce sont des films qu’on a réussi à faire vivre à Cannes. Si le Festival n’a pas lieu, on ne sait pas comment on va sortir nos films », s’inquiète Etienne Ollagnier. L’édition 2020 du Festival sera-t-elle reportée, virtuelle, etc. ? A côté des expérimentations VoD, les professionnels du cinéma réfléchissent tout autant à des versions alternatives du festival cannois, un « Yes We Cannes » différent.

1 avril 2020

Serge Gainsbourg et Bambou

gainsbourg et bambou

1 avril 2020

Décryptages Coronavirus : comment la diplomatie française pense le jour d’après

Par Piotr Smola

Deux analyses transmises à l’Elysée, que « Le Monde » s’est procurées, s’interrogent sur les leçons de la crise sanitaire et sur la sortie possible.

Mission impossible. Comment réfléchir aux conséquences du coronavirus, pour la France et le reste du monde, lorsqu’on est accaparé par la gestion de crise au quotidien ? Ni l’Elysée ni le ministère des affaires étrangères n’en ont vraiment la possibilité. Le Quai d’Orsay est concentré sur le retour des Français encore bloqués à l’étranger. Cette tâche est donc dévolue au Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS). Celui-ci vient de produire deux notes très denses à l’attention du cabinet du ministre, Jean-Yves Le Drian, et du président de la République, remises en fin de semaine dernière, que Le Monde s’est procurées.

La première se penche sur ce que révèle le coronavirus. La seconde avance des réflexions sur la sortie de crise, sans deviner bien entendu quand elle aura lieu. Le CAPS regroupe à la fois des agents du ministère et des experts extérieurs. Dirigé depuis juillet 2019 par Manuel Lafont Rapnouil, son rôle est d’offrir de la matière aux dirigeants politiques, pour les aider à organiser et à vulgariser leurs actions.

Une révolution copernicienne ?

La note sur la pandémie souligne l’existence de scénarios apocalyptiques, qui servent parfois à des experts pour valoriser leur champ de compétence. Mais ils auraient un mérite : celui de « pointer les facteurs de vulnérabilité » de nos sociétés, où s’est installée à tort l’idée que les progrès scientifiques font reculer toutes les maladies. Or « la réalité montre qu’au contraire, de nouveaux virus et des bactéries plus résistantes continuent d’apparaître », soulignent les auteurs.

Plus largement, c’est tout le modèle de développement industriel et commercial de type libéral qui mériterait réflexion, des modes de consommation et de production au changement climatique, en passant par la santé animale. Toutefois, difficile de croire en la possibilité d’une révolution copernicienne. « Un recul violent et massif de la mondialisation est peu probable, note le CAPS, sauf pression forte des Etats, car les entreprises n’ont pas de raison de renoncer aux avantages des chaînes de production internationales, en termes de coûts, de compétitivité et de profitabilité. » En revanche, une « diversification » des chaînes de production, qu’évoquent d’ailleurs les conseillers d’Emmanuel Macron, est prévisible.

« Dynamique de fragmentation », « essor des égoïsmes nationaux », « chacun pour soi », « logique de puissances » : le multilatéralisme est en berne, dans ce monde angoissé devant la pandémie, où les Etats se replient sur eux-mêmes. Soulignant les louanges « frappantes » de la direction de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la gestion chinoise de la crise, le CAPS appelle de ses vœux une révision de « l’architecture sanitaire internationale », avec une meilleure participation des acteurs non-étatiques.

Mais la dimension politique occupe le plus les esprits des diplomates. L’Europe apparaît encore trop pétrifiée. La Commission est particulièrement visée. « L’Union européenne [UE], dont les nouvelles institutions s’étaient annoncées comme animées d’une logique “géopolitique”, a surtout manifesté une approche juridique et une incapacité à promouvoir une coordination étroite face aux réflexes des Etats », écrit-on.

La Chine, en revanche, se situe dans une logique agressive d’exportation de sa prétendue réussite contre la pandémie, alors que rien ne permet de valider ce succès dans le temps. Le CAPS note que « la Chine se sent suffisamment armée pour avoir engagé le débat sur le terrain de la concurrence des modèles − phénomène nouveau dans ce domaine quand la gouvernance sanitaire a longtemps été dominée (en termes de financement, de capacités médicales, d’assistance internationale, mais aussi de recherche et de résilience) par le Nord, et récemment par les Occidentaux ». Dans ce débat, notent les auteurs, les questions des droits humains et de transparence semblent négligées.

Mais les conséquences du coronavirus pourraient toucher tous les régimes, pas seulement nos démocraties. « D’ores et déjà, on peut envisager que la crise sanitaire ait des conséquences importantes sur la fragilité du pouvoir iranien, ouvre un nouveau front dans les relations transatlantiques, ou encore impacte la dynamique de la campagne électorale aux Etats-Unis (principale élection majeure de 2020) », conclut la note.

« Une compétition âpre »

La sortie de crise risque de prendre l’allure d’une « compétition âpre », prévient la deuxième note du CAPS. Elle mettra à l’épreuve nos « vulnérabilités ». Sur le plan politique, « au-delà de l’instabilité institutionnelle, la tendance des derniers mois à des fortes agitations sociales pourra trouver à se poursuivre sous l’effet conjugué de la crise sanitaire et des difficultés économiques », relève le Centre. Des « Etats fragiles » pourraient être « fortement contestés », par exemple « en Afrique subsaharienne ».

Le besoin d’expertise scientifique actuel n’est pas définitif. Le populisme « peut tout autant trouver de quoi se nourrir avec la crise en cours, que ce soit dans les démocraties occidentales ou ailleurs dans le monde : peurs, demande d’autorité, mystique des frontières, doutes sur l’expertise, mise en cause de l’incurie des élites… » Il faudra contrer, par des résultats et non pas seulement de la rhétorique, « le “narratif” chinois ([qui) est problématique autant pour ses valeurs sous-jacentes que pour son agenda caché ». Or une « redistribution des cartes » est à l’œuvre : « Si elle ne peut prétendre à un leadership similaire à celui que les Etats-Unis auraient assumé il y a encore quelques années, la Chine occupe d’ores et déjà le terrain en se rendant indispensable, voire centrale. »

Autre défi, celui des « vides de puissance » qui pourraient apparaître dans les grands conflits, notamment au Moyen-Orient et dans le Sahel, susceptibles de s’approfondir. Ces « vides » pourraient aussi créer des « effets d’aubaine », dans lesquels la Chine et la Russie ont déjà commencé à s’engouffrer : « Prédation diplomatique (nouvelles alliances), mais aussi économique (rachat d’entreprises fragilisées), technologique (diffusion anticipée de technologies ou d’applications nouvelles), politique (informations manipulées et narratifs triomphants), etc. »

L’Europe, elle, se trouve devant un test existentiel. Ses institutions ont su se mettre « progressivement en ordre de bataille », note le CAPS, mais demeurent marquées par leurs « biais habituels (marché intérieur, frontières, approche juridique, interprétation limitative de leurs compétences) ». Or L’UE « ne devrait plus être comme avant », acceptant une « approche moins comptable ». Au-delà, « c’est la question des groupes pionniers et de l’intégration flexible qui va être posée par la crise », avertit le Centre.

En attendant « la bascule de l’épidémie dans l’hémisphère Sud au moment de l’hiver austral », il faudra ériger en priorité l’aide humanitaire à destination des pays fragiles. Il conviendra aussi de coordonner, en particulier au sein de l’UE, la fin d’une quarantaine généralisée, en adoptant des mesures plus ciblées de confinement.

S’entendre sur le diagnostic

Sur le plan économique, le conservatisme menace : « Le risque est réel que les efforts de stimulation de la croissance ne soit l’occasion pour “l’ancienne économie” de se remettre au centre du jeu, au détriment de celle − plus innovante et verte notamment − que l’on essaie de développer. » Le seul retour à la normale qui est souhaitable concerne les « nombreuses mesures et innovations attentatoires aux droits fondamentaux », qui ont été prises dans la lutte contre le coronavirus, dans le monde entier. Le numérique est un domaine où la confrontation des modèles sera sensible : « Données anonymisées ou pas, durée de la rétention des données, maintien du secret médical, etc. »

Pour que la sortie de crise s’opère sur des bases saines, il faudra s’entendre sur le diagnostic, les faits. Le CAPS suggère que soit créée une commission d’experts indépendants, vis-à-vis des Etats comme des institutions internationales, pour effectuer un retour sur expérience.

De même, l’OMS doit se voir confier une mission de réflexion sur la prévention et la réaction rapide à ce genre de crise sanitaire, mais aussi « sur l’organisation de la recherche, la responsabilité de l’industrie pharmaceutique, etc. ». Une expertise est aussi attendue sur le risque des maladies infectieuses émergentes et son lien avec l’action de l’homme, à l’instar du travail du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

Mais ces aspirations rationnelles et éclairées se heurtent à la réalité d’un monde éclaté, au choc des puissances, aux égoïsmes nationaux, à la propagation orchestrée des mensonges. « Les Etats démocratiques ont un message particulier à faire entendre, et des intérêts et des valeurs à défendre, conclut la note, pour éviter que l’après-crise ne soit qu’un replâtrage du modèle précédent ou ne permette l’emprise de la Chine sur la mondialisation et la gouvernance mondiale. »

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