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Jours tranquilles à Paris
1 décembre 2017

Abattre un missile nord-coréen ? Une option risquée pour les Etats-Unis

Par Harold Thibault - Le Monde

Washington a les moyens de frapper un engin en vol. Mais cette éventualité pose des problèmes légaux, stratégiques et techniques.

La multiplication des tirs de missiles nord-coréens – une vingtaine depuis le début de l’année dont trois de type intercontinental – est un défi aux injonctions américaines. Avec la nouvelle provocation de Pyongyang, mercredi 29 novembre, l’exaspération se fait ressentir. Un représentant républicain de Californie, Dana Rohrabacher, lançait ainsi en septembre :

« J’espère que la prochaine fois que les Nord-Coréens tireront un missile, particulièrement s’il survole notre allié le Japon, nous l’abattrons pour envoyer un message aux Nord-Coréens ainsi qu’aux peuples, comme le Japon, qui comptent sur nous. Tant que nous ne démontrons pas notre volonté d’employer la force, il n’y a aucune raison pour eux d’y croire. »

La doctrine américaine n’a pas fondamentalement changé pour l’heure. « La position actuelle est de s’attaquer à un missile s’il pose une menace », résume Ian Williams, chercheur au Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS) à Washington. C’est d’ailleurs ce qu’a souligné le secrétaire américain à la défense, James Mattis, lorsque la presse lui a demandé la raison pour laquelle les Etats-Unis n’ont jusqu’à présent pas intercepté les tirs de Pyongyang. « D’abord, ces missiles ne menacent aucun d’entre nous directement », avait répondu M. Mattis, le 19 septembre, ajoutant que si un de ces vecteurs constituait un danger pour les Etats-Unis ou le Japon, « cela susciterait une réponse différente de notre part ».

Une interception créerait un précédent

Mais un débat semble s’être installé, ou du moins le Pentagone veut-il en donner le sentiment, ce qui laisse planer le doute. Un responsable de l’administration Trump, sous couvert de l’anonymat, s’est demandé, interrogé par CNN, si le programme balistique nord-coréen n’était pas devenu une « menace inhérente ». Une qualification qui serait de nature à convaincre la défense américaine d’intercepter un missile, « même si sa trajectoire n’indique pas qu’il va frapper les Etats-Unis ou ses alliés ».

Au premier abord, l’idée de réaliser un geste fort en abattant un missile nord-coréen peut sembler tentante à l’armée américaine. « Ce serait un signal, le reste n’ayant pas marché, et cela démontrerait la capacité de nos systèmes à ceux qui sont sceptiques », relève M. Williams, du CSIS. Mais ce dernier ajoute que les arguments contre sont nombreux. A commencer par la question de la suite des opérations. Une interception créerait un précédent, mais que faire lors du tir suivant ? Les systèmes d’interception sont conçus comme un filet temporaire, pour faire face à une première frappe, le temps ensuite pour l’aviation de tenter de détruire les sites de tir clés, mais certainement pas comme des outils de blocage systématique.

La légalité d’une telle frappe au regard du droit international serait par ailleurs discutable. « Envoyer un missile dans l’océan, dans une zone où il n’y a rien autour, comme le fait la Corée du Nord, ne constitue pas un acte de guerre », souligne Joshua Pollack, chercheur à l’Institut Middlebury d’études internationales et rédacteur en chef de la Nonproliferation Review.

C’est le même raisonnement du côté du Japon, contraint au pacifisme par sa Constitution de 1947. Certains tirs atterrissent dans sa zone économique exclusive, la ligne des 200 milles nautiques depuis la côte à l’intérieur de laquelle un Etat est souverain en matière d’exploitation des ressources naturelles.

« Plus difficile qu’on l’imagine »

Le territoire de l’Archipel a été survolé à deux reprises cette année par les missiles nord-coréens mais à une altitude élevée (environ 550 km pour le tir du 15 septembre) indiquant, malgré le caractère anxiogène de l’opération, que le pays n’était pas la cible.

Mais dans un entretien au Financial Times en octobre, le ministre japonais de la défense, Itsunori Onodera, estimait :

« Que ce soit fait par le Japon ou un autre pays, je pense qu’abattre un missile balistique pourrait être interprété comme une action militaire. A moins que vous jugiez que c’est une attaque contre votre propre pays, il est difficile d’abattre de tels missiles. »

Les armées américaine et japonaise ont théoriquement la capacité technique d’abattre un tel missile mais c’est un jeu risqué – quelle serait la réaction de Pyongyang ? –, voire contre-productif. Il faudrait en effet, pour abattre un engin ne descendant pas vers le sol nippon ou américain, qu’un des navires dotés du système d’interception Aegis, des radars et batteries de missiles, s’approche dangereusement des côtes nord-coréennes et touche le missile en phase ascendante.

Quant à intercepter le missile en phase descendante, il faudrait pour cela qu’un bâtiment américain se positionne au large dans le Pacifique et non à proximité du Japon ou d’autres îles relevant des intérêts américains. « Cela reviendrait à soustraire des ressources employées à la protection de l’Archipel pour une zone du Pacifique où il n’y a que du poisson, résume M. Pollack. L’interception est bien plus difficile qu’on l’imagine. »

Enfin, le risque d’un échec ne peut être exclu. En juin, l’armée américaine avait procédé à un test d’interception avec un missile SM-3 depuis le destroyer USS John Paul Jones au large d’Hawaï. Le radar à bord avait bien identifié le missile cible, le SM-3 l’avait suivi mais n’était pas parvenu à l’atteindre. Une telle déconvenue face à un missile nord-coréen porterait un coup sévère à la crédibilité des sommations américaines.

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29 novembre 2017

Minorité rohingya : Le pape François ne prononce pas le mot Rohingya en Birmanie

Par Cécile Chambraud, Rangoun, Naypyidaw, envoyée spéciale - Le Monde

Le pontife a appelé au « respect des droits de tous ceux qui considèrent cette terre comme leur maison » sans mentionner le nom de la minorité musulmane persécutée.

Le pape François a choisi de donner une chance au gouvernement d’Aung San Suu Kyi afin de favoriser la transition politique en Birmanie. En ne prononçant pas le mot Rohingya devant les autorités du pays, mardi 28 novembre, le chef de l’Eglise catholique a évité de braquer les militaires, qui conservent un poids institutionnel très important – un quart des sièges au Parlement et les ministères de la défense, de l’intérieur et des frontières – après avoir dirigé le pays pendant cinquante ans.

Pourtant, il a clairement évoqué le sort dramatique de cette minorité musulmane. Dans un discours très engagé, devant les représentants politiques et de la société civile, il a appelé les dirigeants birmans à « construire un ordre social juste, réconcilié et inclusif » qui garantisse « le respect des droits de tous ceux qui considèrent cette terre comme leur maison ».

Cette formule englobe les Rohingya, installés souvent depuis des générations dans l’Etat Rakhine, dans l’ouest de la Birmanie, mais auxquels l’Etat birman ne reconnaît pas le statut de minorité nationale et refuse la nationalité.

Depuis août, quelque 600 000 de ces apatrides ont fui vers le Bangladesh voisin, chassés par les agissements de l’armée, accusée par les Nations unies (ONU) et les organisations humanitaires de se livrer à un « nettoyage ethnique » à coup d’exécutions sommaires, de viols et de déplacements forcés de populations. La plupart des Birmans considèrent les Rohingya comme des immigrés et les dénomment des « Bengalis ».

« Tapisserie de différents peuples »

Le chef de l’Eglise catholique est entré dans le vif du sujet dès les premières heures de sa présence sur le sol birman, lundi. A peine était-il arrivé à Rangoun, le chef des forces armées, le général Min Aung Hlaing, devançait le calendrier prévu et venait lui rendre visite à l’archevêché, où le pontife est logé. Le général, accompagné de trois adjoints, pouvait ainsi s’entretenir avec son hôte avant que celui-ci ne rencontre la prix Nobel de la paix et de facto cheffe du gouvernement, mardi.

De cette brève rencontre, le porte-parole du Vatican, Greg Burke, a simplement dit qu’il avait « été question de la grande responsabilité des autorités du pays dans ces moments de transition » d’une dictature militaire vers la démocratie. Sur sa page Facebook, le militaire a pour sa part affirmé qu’il n’y avait pas de persécution ethnique ou religieuse dans son pays.

Juste avant de céder la parole au pape, mardi, dans la capitale Naypyidaw, Aung San Suu Kyi a elle aussi évoqué la situation en Arakan (l’ancien nom de l’Etat Rakhine). Comme à son habitude, elle a évité toute critique de la répression sanglante de l’armée, mais elle a donné acte à son hôte de son soutien.

« Parmi les nombreux défis qu’affronte notre gouvernement, la situation dans le Rakhine a le plus fortement attiré l’attention du monde. Au moment où nous affrontons des problèmes anciens, économiques et politiques, qui ont érodé la confiance et la compréhension, l’harmonie et la coopération, entre les différentes communautés du Rakhine, le soutien de notre peuple et de nos bons amis qui veulent seulement nous voir réussir dans nos efforts a été inestimable. »

Relevant que la Birmanie est « une riche tapisserie de différents peuples, langues et religions », Aung San Suu Kyi a affirmé que le but de son gouvernement est « de mettre en évidence la beauté de notre diversité et d’en faire notre force, en protégeant les droits, forgeant la tolérance, assurant la sécurité pour tous ». Elle n’a pas précisé si les Rohigya étaient compris dans ce « tous ».

135 minorités ethniques

Parlant juste après elle, et devant une assemblée qui comprenait aussi des militaires, le pape François a pressé les autorités de respecter les droits de l’Homme, dans un pays aux 135 minorités ethniques officielles et aux nombreuses guérillas locales. « Le processus ardu de construction de la paix et de la réconciliation nationale ne peut avancer qu’à travers l’engagement pour la justice et le respect des droits humains », a-t-il affirmé.

« L’avenir du Myanmar doit être la paix, une paix fondée sur le respect de la dignité et des droits de tout membre de la société, sur le respect de tout groupe ethnique et de son identité, sur le respect de l’Etat de droit et d’un ordre démocratique qui permette à chaque individu et à tout groupe – aucun n’étant exclu – d’offrir sa contribution légitime au bien commun. »

Le pontife argentin, qui doit rencontrer mercredi le haut-clergé bouddhiste, a tenu le même discours à d’autres acteurs essentiels de cette transition politique, à savoir les représentants des différentes religions. Depuis 2011, une partie du clergé bouddhiste (88 % de la population appartient à cette tradition) a joué un rôle important dans la radicalisation anti-musulmane, qui s’est traduite par des violences dès 2012. Les autres confessions, notamment chrétiennes, sont le plus souvent présentes dans les minorités ethniques (30 % de la population), dont certaines sont de longue date en conflit avec le pouvoir central.

Mardi matin, à Rangoun, lors d’une rencontre interreligieuse, François a exhorté à l’acceptation des différences dans un pays aussi complexe. « L’unité n’est pas l’uniformité, a-t-il fait valoir. Nous sommes tous différents et chaque confession a ses richesses à offrir. Et on ne peut le faire que si on vit en paix. Et la paix se construit au cœur des différences. »

29 novembre 2017

Pyongyang affirme être un Etat nucléaire capable de frapper le continent américain

bombes

La Corée du Nord a testé mardi un nouveau type de missile balistique, brisant net la pause des essais observée depuis plus de deux mois. Le Conseil de sécurité de l’ONU se réunira en urgence mercredi.

La Corée du Nord a affirmé, mercredi 29 novembre, avoir réalisé son objectif, devenir un Etat nucléaire, après avoir testé avec succès un nouveau missile intercontinental qui met « la totalité du continent américain » à sa portée.

Ce tir – le premier depuis le 15 septembre – anéantit les espoirs d’une trêve qui aurait pu ouvrir la porte à une solution négociée à la crise suscitée par le programme nucléaire et balistique du régime nord-coréen.

« Le système d’armes de type ICBM Hwasong-15 est un missile intercontinental équipé d’une ogive lourde extra-large capable de frapper la totalité du continent américain », a affirmé l’agence officielle nord-coréenne KCNA. Le développement de cet armement protègera le pays de « la politique de chantage et de menace des impérialistes américains », a-t-elle ajouté.

Pyongyang doit encore démontrer qu’il maîtrise la technologie de rentrée des ogives dans l’atmosphère depuis l’espace. Mais les spécialistes estiment que la Corée du Nord est sur le point de développer une capacité de frappe intercontinentale opérationnelle

Réunion en urgence du Conseil de sécurité

Le tir a eu lieu à Pyongsong, dans le sud de la province de Pyongan, aux alentours de 18 h 17 GMT (19 h 17 à Paris). L’engin a survolé la mer du Japon, précise l’armée sud-coréenne, disant avoir elle-même procédé à un test de missile en réponse à cette « provocation ».

Mardi soir, le président américain, Donald Trump, a réagi à ce nouveau tir dans une déclaration forte mais, mais évasive, à la Corée du Nord, en promettant : « On va s’en occuper. » Quelques heures plus tard, la Maison Blanche a publié sur Twitter une image de M. Trump en conversation téléphonique avec le premier ministre japonais Shinzo Abe à propos du tir de missile.

Une réunion en urgence du Conseil de sécurité des Nations unies (ONU) sur la Corée du Nord, demandée par Washington, Tokyo et Séoul, se tiendra mercredi vers 21 h 30 GMT, a par ailleurs annoncé mardi la mission américaine auprès de l’ONU.

Plus haute altitude

Selon des analystes du Pentagone, il s’agit d’un missile balistique intercontinental, qui a parcouru un millier de kilomètres avant de retomber en mer. L’engin ne représentait une menace ni pour les Etats-Unis ni pour leurs alliés.

Toutefois le ministre américain de la défense, Jim Mattis, a dit que ce tir avait atteint la plus haute altitude de tous ceux effectués par Pyongyang et qu’il représentait « une menace partout dans le monde ». Il a ajouté que les militaires sud-coréens avaient tiré des missiles de précision en mer pour « s’assurer que la Corée du Nord comprend bien qu’elle peut être prise sous le feu de notre allié ».

D’après la chaîne de télévision japonaise NHK, qui cite le ministère japonais de la défense, le missile nord-coréen pourrait s’être abîmé dans la zone économique exclusive de l’Archipel.

Ce tir a eu lieu huit jours après la décision de Washington de réinscrire la Corée du Nord sur la liste noire des « Etats soutenant le terrorisme », un geste qualifié de grave provocation par Pyongyang.

Donald Trump était au Congrès au moment du tir, « et il a été informé de la situation en Corée du Nord tandis que le missile était encore en vol », a dit Sarah Sanders, la porte-parole de la Maison Blanche. Le Pentagone dit quant à lui avoir « détecté un probable tir de missile en Corée du Nord ». « Nous sommes en train d’évaluer la situation et fournirons plus de détails quand nous en aurons », ajoute-t-il.

Options diplomatiques sur la table

Dans la soirée, le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, a déclaré que les « options diplomatiques » pour résoudre la crise nucléaire avec la Corée du Nord restaient « sur la table, pour l’instant ». Dans une déclaration lue par sa porte-parole à Washington, il a appelé la communauté internationale à « prendre de nouvelles mesures » au-delà des sanctions déjà adoptées par le Conseil de sécurité de l’ONU, « y compris le droit d’interdire le trafic maritime transportant des biens vers et de la Corée du Nord ».

Le premier ministre japonais Shinzo Abe a qualifié le tir « d’acte violent » qui « ne peut pas être toléré ». Il a ajouté dans la soirée : « Nous ne céderons jamais à aucun acte de provocation. Nous renforcerons notre pression » sur Pyongyang.

En alerte

L’agence de presse japonaise Kyodo rapportait lundi soir que le gouvernement nippon était en alerte après avoir capté des signaux radio suggérant qu’un tir de missile pourrait avoir lieu dans les prochains jours. Séoul avait fait état, mardi, de signes d’activité sur une base de missiles nord-coréenne.

La Corée du Nord, qui avait procédé à des tirs deux ou trois fois par mois depuis avril, avait suspendu ses essais depuis le 15 septembre, après avoir envoyé une roquette qui était passée au-dessus de l’île de Hokkaido, dans le nord du Japon.

L’absence de test de missile depuis avait suscité l’espoir que le durcissement des sanctions de l’ONU portait ses fruits. D’autant que les Etats-Unis ont incité le reste de la communauté internationale à prendre des mesures unilatérales. Washington a notamment demandé à la Chine, principal soutien économique de Pyongyang, de lâcher définitivement son voisin. Donald Trump s’est montré confiant à cet égard après sa récente visite à Pékin, en dépit du scepticisme de nombre d’observateurs.

bombe

29 novembre 2017

Corée du Nord : et si Trump ripostait ? #cdanslair 29.11.2017

29 novembre 2017

Donald Trump demande à Pékin de faire pression sur la Corée du Nord

Le président américain menace Pyongyang « d’importantes sanctions supplémentaires » au lendemain d’un nouveau tir de missile nord-coréen.

Au lendemain d’un nouveau tir de missile nord-coréen, le président américain, Donald Trump, s’est entretenu mercredi 29 novembre avec le président chinois, Xi Jinping, « à propos des actions provocatrices de la Corée du Nord ».

Lors de cette conversation téléphonique avec M. Xi, M. Trump a appelé Pékin à « utiliser tous les leviers disponibles pour convaincre la Corée du Nord d’abandonner ses provocations et de retourner sur la voie de la dénucléarisation », a écrit la Maison Blanche dans un communiqué.

Les Etats-Unis appellent tous les pays à couper leurs relations diplomatiques et commerciales avec la Corée du Nord, a par ailleurs affirmé, mercredi, l’ambassadrice américaine aux Nations unies (ONU), Nikki Haley, en menaçant de « détruire complètement » le régime de Kim Jong-un « en cas de guerre ». « Le comportement de la Corée du Nord est de plus en plus intolérable », a lancé la diplomate, lors d’une réunion du Conseil de sécurité convoquée en urgence.

Dans un tweet, Donald Trump a aussi écrit que « d’importantes sanctions supplémentaires [seraient] imposées à la Corée du Nord aujourd’hui », sans toutefois préciser lesquelles.

« Je viens juste de parler avec le président chinois, Xi Jinping, à propos des actions provocatrices de la Corée du Nord. D’importantes sanctions supplémentaires seront imposées à Pyongyang aujourd’hui. Nous allons nous occuper de cette situation ! »

Mme Haley a évoqué la fin de la fourniture de pétrole par la Chine.

Emmanuel Macron s’est lui aussi exprimé sur la situation, déclarant, lors d’une interview à France 24 et à Radio France internationale, après avoir condamné le tir, « nous devons maintenant accroître les sanctions ». Le chef de l’Etat a ajouté qu’il comptait « notamment beaucoup sur la Chine et la Russie pour prendre les sanctions les plus difficiles et les plus efficaces sur la Corée » du Nord.

« Double moratoire »

Entre la Chine et les Etats-Unis, les négociations à propos de la stratégie à adopter face à la Corée du Nord restent vives. Pékin milite pour un « double moratoire » : le gel des exercices militaires conjoints entre Washington et Séoul contre le gel des programmes militaires nord-coréens. Mais les Etats-Unis rejettent cette possibilité. La Chine n’a pas manqué de saisir la balle au bond après ce dernier essai, réitérant sa proposition de compromis et appelant Washington et Pyongyang au dialogue.

Le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, a déclaré mercredi que son pays était devenu un Etat nucléaire à part entière après le test réussi d’un nouveau type de missile « capable de frapper la totalité du territoire américain ». Un sérieux camouflet pour Donald Trump, qui avait assuré que le développement de telles capacités « n’arriverait pas ».

Premier tir depuis septembre

Le missile tiré mardi – le premier depuis le 15 septembre – aurait été lancé depuis la région de Pyongsong, au nord de la capitale, dans la province de Pyongan du Sud, vers 2 h 48 (heure locale). Il aurait parcouru 960 km vers l’est et atteint une altitude de 4 500 km. Le vol aurait duré cinquante-trois minutes.

Dans un communiqué diffusé par l’agence de presse officielle KCNA, Pyongyang dit avoir tiré un missile balistique intercontinental (ICBM) Hwasong-15, plus performant que son prédécesseur, le Hwasong-14, et qui s’est abîmé en mer du Japon dans les eaux internationales. Dans un premier temps, la chaîne de télévision publique japonaise NHK avait évoqué une chute dans la zone économique exclusive nippone.

Le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, avait déclaré mardi que « la voie diplomatique rest[ait] viable et ouverte ». « Les Etats-Unis ont toujours la volonté de trouver une voie pacifique vers la dénucléarisation et la fin des actions belligérantes de la Corée du Nord », a-t-il ajouté dans un communiqué.

Washington a néanmoins réinscrit, le 20 novembre, la Corée du Nord sur la liste du département d’Etat des pays accusés de soutenir le terrorisme, suscitant la colère de Pyongyang. Aujourd’hui, Washington ne dispose plus guère d’options pour accroître la pression sur le régime de Kim Jong-un et doit donc plus que jamais s’en remettre à Pékin.

Le Conseil de sécurité de l’ONU, convoqué la veille par Tokyo, Séoul et Washington, doit se réunir mercredi pour discuter des essais balistiques de Pyongyang.

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27 novembre 2017

L’Arabie saoudite lance une coalition antiterroriste de pays musulmans

L’alliance, qui rassemble quarante pays musulmans à dominante sunnite, promet une lutte implacable contre les groupes extrémistes jusqu’à leur « disparition de la Terre ».

L’Arabie saoudite a lancé, dimanche 26 novembre, une coalition antiterroriste de quarante pays musulmans à dominante sunnite, en promettant une lutte implacable contre les groupes extrémistes jusqu’à leur « disparition de la Terre ».

L’homme fort du royaume saoudien, le prince héritier Mohammed Ben Salman, a accueilli à Riyad une réunion des ministres de la défense de pays d’Asie et d’Afrique – dont le Pakistan, la Turquie et le Nigeria –, marquant le lancement de cette coalition. Il a souhaité une « coordination forte, excellente et spéciale » entre ses membres contre les groupes extrémistes.

L’Iran, grand rival chiite de l’Arabie saoudite, la Syrie et l’Irak ne font pas partie de cette coalition. Quant au Qatar, qui figure sur une liste des pays membres publiée par l’agence officielle SPA, il n’a pas pris part à la réunion ; quatre pays arabes, dont l’Arabie saoudite, ont rompu avec le Qatar en juin, accusant l’émirat de soutenir les groupes extrémistes, ce que Doha dément.

Soutien à l’Egypte

« Notre réunion est très importante car ces dernières années les organisations [terroristes] agissaient dans nos pays sans qu’il y ait de coordination » pour les contrer, a dit le prince héritier saoudien.

« Cet état de fait prend fin aujourd’hui car plus de quarante pays envoient un signal très fort consistant à dire que nous allons travailler ensemble et que nous allons mettre ensemble nos capacités militaires, financières, politiques et de renseignement, a-t-il souligné. Cela se fera à partir d’aujourd’hui et chaque pays va y contribuer à hauteur de ses capacités. »

Mohammed Ben Salman a exprimé la solidarité des participants avec l’Egypte où un attentat contre une mosquée a fait 305 morts vendredi. « C’est un événement très douloureux qui vient nous rappeler les dangers du terrorisme et de l’extrémisme », a-t-il déclaré. « Nous allons nous tenir aux côtés de l’Egypte et de tous les pays du monde qui combattent le terrorisme et l’extrémisme », a poursuivi celui que l’on surnomme « MBS ».

« Coordonner les ressources »

« Plus que le meurtre d’innocents et la propagation de la haine, le terrorisme et l’extrémisme déforment l’image de notre religion », a encore souligné le jeune prince, âgé de 32 ans, qui se fait le champion d’un « islam modéré, tolérant et ouvert sur les autres religions ».

La coalition a pour commandant militaire le général pakistanais Raheel Sharif qui aura son quartier général à Riyad. S’exprimant à l’ouverture de la réunion, ce dernier a précisé qu’il aura pour mission de « mobiliser et coordonner les ressources, faciliter les échanges d’informations et aider les pays membres à bâtir leurs propres capacités en matière de lutte contre le terrorisme ».

L’Arabie saoudite est déjà membre d’une alliance conduite par les Etats-Unis et qui combat les djihadistes en Irak et en Syrie. Elle a inauguré un centre dédié à la lutte contre les groupes extrémistes lors de la visite dans le pays du président américain Donald Trump en mai.

23 novembre 2017

De retour à Beyrouth, Saad Hariri suspend sa démission

Par Benjamin Barthe, Beyrouth, correspondant - Le Monde

Le premier ministre libanais entend profiter de l’immense émotion suscitée par son rocambolesque séjour saoudien pour négocier un nouvel accord de gouvernement avec le Hezbollah, parti auquel il avait imputé sa démission.

Coup de théâtre dans la crise politique libanaise : mercredi 22 novembre, de retour au pays du cèdre, après une absence de deux semaines et demie, passées pour l’essentiel en Arabie saoudite, le premier ministre, Saad Hariri, a suspendu sa démission, annoncée avec fracas le 4 novembre depuis Riyad. Ce revirement, qui survient le jour de l’indépendance du Liban, a été salué par la plus grande partie de la classe politique libanaise, persuadée que la décision initiale du chef du gouvernement lui avait été dictée par les dirigeants saoudiens et que ceux-ci le retenaient dans le royaume contre son gré.

Sorti de ce pays samedi 18 novembre grâce à une intervention du président français, Emmanuel Macron, M. Hariri a passé trois jours en famille à Paris, avant de se rendre mardi au Caire, où il a rencontré le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, puis de regagner Beyrouth dans la soirée. Le premier ministre entend profiter de l’immense émotion suscitée par son rocambolesque séjour saoudien pour négocier un nouvel accord de gouvernement avec le parti auquel il avait imputé sa démission : le mouvement chiite Hezbollah, relais des ambitions iraniennes au Proche-Orient.

Demi-surprise

C’est en fin de matinée, après avoir assisté aux cérémonies de célébration de l’indépendance du Liban, que Saad Hariri a annoncé sa volte-face. Il a affirmé avoir accepté de geler sa démission à la demande du président, Michel Aoun, alors qu’il s’apprêtait à la lui remettre, pour donner une chance au dialogue. Ce demi-tour est une demi-surprise. Dans l’interview qu’il avait donnée à la télévision libanaise le 12 décembre, depuis sa villa de Riyad, le chef du parti du Futur, une formation à dominante sunnite, avait suggéré qu’il pourrait revenir sur sa décision si le Hezbollah se conformait au principe de « distanciation » adopté par la coalition gouvernementale. C’est-à-dire de non-ingérence dans les conflits de la région.

Le mouvement libanais combat aux côtés des forces pro-gouvernementales syriennes et a conseillé les milices chiites irakiennes dans la lutte contre l’organisation Etat islamique (EI), au grand dam de l’Arabie saoudite, qui voit dans ces interventions la marque de l’expansionnisme de son rival iranien. En outre, le royaume accuse la formation libanaise de soutenir les milices houthistes du Yémen, responsables d’un tir de missiles balistiques contre Riyad au début du mois.

Or lundi, dans sa dernière allocution télévisée en date, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, s’est dit ouvert au dialogue. Il a récusé toute implication au Yémen et annoncé que ses troupes quitteront la Syrie et l’Irak le jour où les autorités de Damas et de Bagdad déclareront victoire, ce qui ne devrait pas tarder dans le second cas. « Ce peut être interprété comme un signal envoyé à Saad Hariri », observe Walid Charara, membre du centre de recherches du Hezbollah.

Mobilisation internationale

La mobilisation internationale en sa faveur, en particulier celle de la France, a sûrement joué dans le coup de frein donné par le premier ministre. Dans l’entourage du président Aoun, on se félicite des démarches entreprises par Emmanuel Macron pour calmer le jeu, notamment des contacts avec le chef d’Etat égyptien, proche de Riyad. « Les Saoudiens se sont retrouvés isolés dans leur tentative de déstabilisation du Liban. C’est pour cela qu’ils cherchent une porte de sortie », assure Walid Charara

Selon des sources convergentes, le chef d’Etat et son premier ministre se seraient donnés un délai d’une quinzaine de jours pour mener des consultations tous azimuts, à l’échelle locale et internationale. L’objectif tacite du chef du camp sunnite libanais est d’aboutir à une redéfinition du pacte gouvernemental, de façon à limiter la marge d’autonomie du Hezbollah, force dominante jusque-là dans la coalition.

« J’aspire à un véritable partenariat avec toutes les forces politiques en vue de mettre les intérêts du Liban au-dessus de tout autre », a déclaré M. Hariri, en fin de matinée, à la sortie du palais présidentiel de Baabda. « Le Liban d’abord », a-t-il renchéri dans l’après-midi, devant des centaines de ses partisans, venus l’acclamer à la « Maison du centre », son domicile beyrouthin. Une manière de dénoncer le parti pris pro-iranien du Hezbollah. « Je resterai avec vous et nous continuerons à être une ligne de défense du Liban, de sa stabilité et de son arabité », a-t-il ajouté avant d’entonner l’hymne national.

Interrogée sur la période cruciale qui s’ouvre, Fadia Kiwan, professeure de sciences politiques à l’université Saint-Joseph, se veut prudemment optimiste. Selon elle, la conjoncture géopolitique actuelle est propice à une renégociation du consensus gouvernemental. « Le conflit syrien se termine, Da’ech [l’acronyme arabe de l’EI] est fini, un climat de fin de guerre s’installe doucement dans la région qui peut permettre un repositionnement des uns et des autres. Il faut profiter de ce moment. »

« Un grand théâtre de marionnettes »

Dans la foule massée sur le parvis de la « Maison du centre », derrière les vivats et les selfies de circonstance, l’humeur est nettement plus maussade. Parce qu’ils ne veulent pas relâcher la pression sur le Hezbollah, ou parce qu’ils ne croient pas en la possibilité d’un compromis, les militants de base, tout comme les cadres du parti du Futur, insistent sur le fait que leur leader « n’a pas changé d’avis ». Dans leur esprit, sa démission est davantage reportée que suspendue.

« Le Hezbollah n’a jamais honoré les accords de coalition, prétend Mouïn Merhedi, député du Akkar, un bastion sunnite à la pointe nord du Liban. Pour le contraindre, il faudrait des garanties internationales. Mais je n’y crois pas. L’Iran a un plan pour la région. Elle ne va pas se retenir de le mettre en œuvre pour les beaux yeux du Liban. »

L’autre inconnue de la nouvelle phase est la propension de l’Arabie saoudite à jouer le jeu du dialogue prôné par le duo Aoun-Hariri. Nul ne sait, pour l’instant, si le premier ministre a coordonné son changement de pied avec Riyad. « C’est possible que les Saoudiens aient été choqués et qu’ils cherchent à se venger, soupire Mohamed Al-Herez, un ingénieur chiite de Tripoli, qui a profité du congé de l’indépendance pour venir à Beyrouth manifester sa solidarité avec M. Hariri. Malheureusement, le Liban est un théâtre, un grand théâtre de marionnettes. »

18 novembre 2017

Le Premier ministre libanais démissionnaire Saad Hariri est arrivé en France

Le Premier ministre libanais démissionnaire Saad Hariri est arrivé en France, samedi 18 novembre, où il doit être reçu par le président Emmanuel Macron. Ancienne puissance mandataire du Liban, la France a joué les médiateurs et le président Macron a invité Saad Hariri et sa famille "pour quelques jours", afin de sortir de l'impasse, née de sa démission annoncée le 4 novembre depuis Ryad. Mais la crise reste entière deux semaines après cette démission choc, dans un contexte explosif entre l'Arabie saoudite et l'Iran.

18 novembre 2017

L’Arabie saoudite prise au piège de sa diplomatie boomerang

Par Benjamin Barthe, Beyrouth, correspondant - Le Monde

Riyad espérait que la démission de Saad Hariri remodèlerait en sa faveur l’échiquier politique libanais. Las, après le Yémen et le Qatar, c’est un nouvel échec.

Alors que l’arrivée de Saad Hariri à Paris clôt la première phase de la crise libanaise, le bilan pour la diplomatie saoudienne, à l’origine de cet accès de tension régionale, n’est pas franchement flatteur.

Que les dirigeants de Riyad aient contraint M. Hariri à démissionner avant de le retenir contre son gré dans le royaume, comme de nombreux témoignages et indices le suggèrent, ou bien qu’ils l’aient simplement persuadé de se retirer du pouvoir pour créer un électrochoc, comme leurs partisans le soutiennent, revient à peu près au même. « Le résultat est catastrophique, lâche Ali Mourad, professeur de droit public à l’Université arabe de Beyrouth. Les Saoudiens n’ont pas du tout anticipé la réaction de la société libanaise. »

La couronne saoudienne, emmenée par le prince héritier Mohamed Ben Salman, escomptait que le renoncement surprise du premier ministre sunnite libanais, annoncé depuis Riyad le 4 novembre, incite une partie de la classe politique locale à se dresser contre le Hezbollah, le mouvement chiite pro-Téhéran. C’était l’objectif implicite du réquisitoire prononcé par M. Hariri sur l’écran de la chaîne saoudienne Al-Arabiya, dans lequel il promettait de « couper les mains » de l’Iran.

Le royaume saoudien, engagé dans une course à la suprématie régionale contre le régime iranien, espérait que cette décision spectaculaire remodèle l’équation politique libanaise dans un sens plus favorable à ses intérêts. Or, ce qui se passe sur le terrain depuis deux semaines va dans la direction contraire.

« Amateurisme et impulsivité »

La grande majorité des Libanais a été scandalisée par la manœuvre saoudienne, perçue comme un diktat doublé d’un rapt. Du jour au lendemain, Saad Hariri, un homme politique sans charisme, est devenu le héros de la rue. Hormis quelques faucons pro-Riyad, la communauté sunnite, dont l’Arabie saoudite a sous-estimé le patriotisme, a préféré se solidariser avec son leader humilié plutôt que de tourner sa colère vers Haret Hreik, le quartier général du Hezbollah, dans la banlieue sud de Beyrouth.

« Les Saoudiens s’attendaient à ce que la démission de M. Hariri soit rapidement avalisée [pour passer] à la phase deux de leur offensive, la négociation d’un nouveau consensus gouvernemental, analyse Ali Mourad. Mais la résistance de la population et l’attitude du président Michel Aoun, qui a refusé d’accepter la démission du premier ministre, ont fait qu’ils sont restés bloqués à la phase une. »

Conséquence paradoxale : au lieu de braquer l’attention des observateurs sur le Hezbollah, ce parti-milice qui forme un Etat dans l’Etat et relaie les intérêts iraniens dans la région sans aucun égard pour ses partenaires de gouvernement, le coup de force saoudien a mis en lumière l’ingérence flagrante de Riyad dans les affaires libanaises. « D’un côté, on a la montée en puissance iranienne, professionnelle et cynique, et de l’autre, on a les gesticulations saoudiennes, pleines d’amateurisme et d’impulsivité », résume Karim Emile Bitar, professeur de relations internationales à l’université Saint-Joseph de Beyrouth.

Au Yémen, une guerre ingagnable

Ce n’est pas la première fois que Mohamed Ben Salman, dit « MBS », se prend les pieds dans ses initiatives diplomatiques. Depuis janvier 2015, date de son irruption sur la scène politique saoudienne et début de sa marche vers le trône, le fils du roi Salman, âgé de 32 ans, a déclenché au moins deux autres crises, dans lesquelles le royaume est désormais enlisé.

Il a d’abord envoyé l’aviation saoudienne, en mars 2015, à l’assaut des rebelles houthistes du Yémen, considérés à Riyad comme le cheval de Troie de l’Iran. Aveuglé par sa supériorité militaire, le royaume, à l’image de l’Egypte de Nasser dans les années 1960, s’est jeté dans une guerre ingagnable.

Outre qu’ils sapent son image, déjà peu reluisante, sur la scène internationale, les carnages à répétition de civils produits par ses bombardements ont rendu son discours anti-houthiste inaudible pour une grande partie des Yéménites. MBS s’est piégé lui-même dans un conflit asymétrique où il suffit à ses adversaires de résister au blitz saoudien et de tirer quelques missiles par-dessus la frontière pour tenir en échec la puissante Arabie.

La crise qatarie est un autre cas de diplomatie brouillonne et boomerang. En décrétant, en juin 2017, un embargo diplomatico-économique contre le petit émirat, accusé de conspirer pêle-mêle avec l’Iran, l’organisation Etat islamique (EI), les chiites saoudiens et le Hamas, le prince héritier espérait mettre son voisin rapidement à genoux. C’était sans compter le vaste réseau d’alliés et de clients dont Doha s’est doté ces vingt dernières années dans les milieux diplomatiques, militaires, culturels et sportifs occidentaux.

Obsession iranienne

Un réseau, dont MBS, estimant probablement suffisant d’avoir gagné Donald Trump à ses vues, a sous-estimé l’efficacité. Le rôle joué par James Mattis, le chef du Pentagone, et Rex Tillerson, le secrétaire d’Etat américain, est à cet égard instructif.

Familiers de la dynastie qatarie, qu’ils ont côtoyée à l’époque où ils dirigeaient respectivement respectivement le CentCom – le quartier général de l’armée américaine au Proche-Orient, implanté à Doha – et le géant pétrolier ExxonMobil, les deux hommes ont très vite remis la barre au centre après deux tweets anti-Qatar du président américain. Dans l’affaire Hariri, M. Tillerson a là aussi modéré les ardeurs saoudiennes, en rupture avec M. Trump, resté quasiment silencieux.

Alors que sur la scène intérieure, MBS avance ses pions sans coup férir, abattant l’un après l’autre les pôles de pouvoir susceptibles d’enrayer son ascension, en politique étrangère, peut-être à cause de son obsession iranienne, il pêche par précipitation et excès de confiance, donnant l’impression de mal lire les rapports de force.

Riyad mise désormais sur la réunion de la Ligue arabe, dimanche 19 novembre au Caire, pour reprendre la main. Le pouvoir saoudien veut profiter de cette plateforme pour dénoncer une nouvelle fois l’ingérence de l’Iran dans les affaires des pays arabes du Proche-Orient. Le langage qui sera employé dans le communiqué final et le nombre de pays qui choisiront de l’endosser donneront une idée des intentions de MBS et du soutien dont ce prince particulièrement aventureux dispose dans la région.

17 novembre 2017

LIBAN - Saad Hariri et ses arriérés français

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14/02/2011 - Saad Hariri, ancien premier ministre et leader du Courant du Futur, au BIEL lors de la commemoration de l'assassinat de Rafic Hariri. *** Local Caption *** 2011 BIEL Beyrouth Liban Proche Orient Rafic Hariri Saad Hariri assemblee coalition 14 mars commemoration conseil des ministres courant du futur homme politique libanais politique president public

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Le Premier ministre démissionnaire était à la tête de Saudi Oger, un groupe de BTP qui a longtemps fait affaire en Arabie Saoudite et doit encore 14 millions d’euros à des expatriés français. Un sujet qui reviendra sur la table lors de son arrivée à Paris.

 Saad Hariri et ses arriérés français

Saad Hariri a toujours porté un costume trop grand pour lui. Lorsque son père, Rafic Hariri, est tué dans un attentat en plein Beyrouth, le 14 février 2005, attribué au Hezbollah, Saad se retrouve brusquement propulsé sur le devant de la scène. Son père, milliardaire, Premier ministre du Liban à cinq reprises et milliardaire, a tout d’un self-made-man, contrairement à Saad.

Rafic Hariri, fils d’un ouvrier agricole, s’installe en Arabie Saoudite à l’âge de 18 ans, où il devient promoteur dans la construction pétrolière. En 1977, il fait appel à la compagnie française Oger pour relever un défi titanesque : construire en neuf mois un hôtel de luxe en Arabie Saoudite, le Massarah, pour le roi Khaled ben Abdelaziz al-Saoud. Deux années plus tard, Rafic Hariri rachète le fonds de commerce d’Oger. Naissent alors Oger International, installé en France, et Saudi Oger, en Arabie Saoudite. Le groupe devient vite un géant du BTP saoudien et l’un des principaux fournisseurs du gouvernement. La fortune acquise par Rafic Hariri en Arabie Saoudite lui permet de jouer un rôle considérable dans la reconstruction économique et politique du Liban après la guerre civile (1975-1990). En 1992, il devient Premier ministre. Deux ans plus tard, il confie à son fils Saad, alors âgé de 25 ans, la direction de Saudi Oger, même si c’est lui qui reste à la manœuvre.

C’est principalement parce que Saad vit alors à Riyad et qu’il dirige Saudi Oger qu’il sera plus tard choisi par son père pour lui succéder - avant son assassinat - bien qu’il ne soit pas l’aîné de la fratrie. Businessman gestionnaire, Saad n’est cependant pas préparé à prendre la tête de la communauté sunnite libanaise. «Les Saoudiens l’ont mis en garde, mais il a voulu reprendre le flambeau de son père. Autant ils avaient en grande estime Rafic, autant Saad leur a paru un choix par défaut, car il était considéré comme un homme sans aura ni grande intelligence», explique une source bien informée.

L’année 2005 coïncide aussi avec la mort du roi Fahd, protecteur de Rafic Hariri. Son successeur, le roi Abdallah, a surtout comme favorite la famille Ben Laden, qui possède un autre géant du BTP, la firme saoudienne du même nom. Mais Saudi Oger n’en demeure pas moins un client essentiel du gouvernement saoudien. Le business continue, donc. En 2009, Saad Hariri se présente aux législatives libanaises. «Les énormes flux financiers générés par les chantiers de Saudi Oger pour l’Etat saoudien ont permis de financer sa campagne électorale, ainsi que tous les amis de l’Arabie Saoudite au Liban», explique un fin connaisseur du royaume.

Dégringolade

Saad Hariri devient Premier ministre jusqu’en 2011. A partir de 2012, les commandes de Saudi Oger diminuent, mais les affaires continuent à tourner. Dans l’opacité la plus totale : comme dans la plupart des entreprises saoudiennes, l’argent du pétrole coule encore à flots et aucune comptabilité n’est tenue. La gestion de l’entreprise est peu contrôlée, la corruption généralisée. «Les surfacturations sont fréquentes. Un chantier qui coûte 100 millions de dollars est facturé deux à trois fois plus», raconte Bertrand, un ancien employé français de Saudi Oger. Les petits arrangements sont monnaie courante. Le géant du BTP produit lui-même des matériaux de construction mais effectue de nombreuses commandes à l’étranger pour enrichir des sous-traitants «amis». Le service des achats publics, en très grande majorité composé de Libanais, fonctionne en vase clos. Certains responsables français se servent aussi dans les caisses. L’un d’eux fête, au vu et au su de tous, son «premier million».

La situation dérape pour Saudi Oger lorsque les cours du pétrole chutent à la mi-2014. L’entreprise, engagée dans d’énormes chantiers immobiliers, travaille à crédit depuis de nombreuses années. Elle obtient régulièrement des acomptes à la commande pour débuter ses chantiers. Des avances de plus en plus importantes mais qui servent davantage à achever des travaux en cours qu’à en lancer les nouveaux. Un cercle vicieux s’enclenche. «Saudi Oger a même réclamé aux clients jusqu’à 90 % d’acomptes pour des chantiers, alors que pas une pierre du projet n’avait été posée», affirme Emmanuel, un ancien salarié. «Des dizaines de millions de rials ont été dilapidés pour construire gratuitement des villas à des princes saoudiens», raconte un autre employé, qui ne souhaite pas citer de noms.

A la mort du roi Abdallah, en janvier 2015, c’est le clan du roi Salmane qui prend le pouvoir. Mohammed ben Salmane («MBS»), le prince héritier, écarte peu à peu ses rivaux et commence à «nettoyer» les finances du royaume, en vue de son accession au trône. Au cours de l’année 2015, le baril du brut perd 40 % de sa valeur. La chute des cours de l’or noir (qui représente près de 90 % des recettes de l’Etat) entraîne une diminution du budget par deux. MBS décide donc de «fermer le robinet», en gelant 50 milliards d’euros de contrats engagés par le gouvernement saoudien, attribués à des grands groupes comme Saudi Oger. C’est le début de la dégringolade pour l’entreprise : ses dettes auprès des banques libanaises mais surtout saoudiennes, s’élèvent à près de 4,5 milliards.

A partir de l’été 2015, Saad Hariri ne peut plus payer ses fournisseurs ni la majorité des salaires de ses employés (soit au moins 600 millions de dollars, environ 510 millions d’euros). De son côté, le gouvernement saoudien doit rembourser à Saudi Oger environ 7 milliards de dollars pour des chantiers achevés mais non rémunérés. L’arrêt du versement des salaires, qui va se prolonger pendant près d’un an, est un drame pour les 40 000 employés de la firme. L’écrasante majorité sont des ouvriers originaires d’Asie du Sud-Est. «On en a retrouvé pendus et on a assisté à une famine sur les "bases vie", où logeaient les ouvriers. Ils mangeaient les ordures dans les bennes, à la sortie des supermarchés. Il y a eu aussi une vague massive de divorces», se souvient Nader, un ancien salarié du groupe.

Le Chat et la souris

Les 240 expatriés français recrutés par Oger International ne sont pas non plus rétribués. «Une partie des salariés français a été incapable de payer les loyers, l’école pour les enfants. Certains ont dû s’endetter et ont été forcés de rester en Arabie Saoudite car il est impossible de quitter le pays sans avoir soldé ses comptes», s’insurge Caroline Wassermann, avocate de la plupart des anciens expatriés français avec son collègue Jean-Luc Tissot. Dans le même temps, Saudi Oger construit une luxueuse villa à Marrakech pour Saad Hariri, aujourd’hui en cours de finition. Elle vient s’ajouter aux nombreuses résidences du Premier ministre à Riyad, à Djedda, à Paris ou en Suisse. Le magazine Forbes a estimé en 2016 sa fortune à 1,1 milliard de dollars.

Après plusieurs mois de salaires impayés, les expatriés font appel à l’ambassade de France à Riyad. C’est l’ambassadeur lui-même, Bertrand Besancenot, qui prend les choses en main. Commence alors un jeu du chat et de la souris avec Saad Hariri pour obtenir le versement des arriérés. Le premier courrier envoyé par l’ambassade date de novembre 2015. Première réponse le 14 décembre du cabinet de Saad Hariri : «J’ai à cœur la nécessité de protéger ces emplois par ailleurs trop souvent mal considérés. Toutes les instructions ont été données dans ce sens et je m’y emploie personnellement.» Mais pas un kopeck n’est versé.

Nouveau courrier de l’ambassade en février 2016, suivi d’une réponse de Hariri, qui affirme avoir provoqué une «réunion extraordinaire» à Paris pour «prendre une décision sur la crise». Toujours rien. Dans un courrier daté de mars, l’ambassade use d’un langage moins diplomatique : «Certaines familles sont dans un état désespéré et ont besoin d’une aide d’urgence.» Hariri fait toujours le mort. Pourtant, quinze jours plus tard, lors d’un passage à Paris, il reçoit la décoration de commandeur de la Légion d’honneur des mains de François Hollande, qui négocie en parallèle le dossier des arriérés. «Cela a été une gifle pour les employés français», dénonce Wassermann.

En juin 2016, «MBS» passe deux jours en France. La question est placée en tête de l’ordre du jour par Jean-Marc Ayrault, mais le prince héritier feint de découvrir le problème. Son action est cependant efficace : il ordonne le versement des salaires non payés jusqu’en juillet 2016. Les salariés français reçoivent les premiers versements début septembre. A ce jour, ils sont les seuls à avoir perçu leurs arriérés. Mais toutes les sommes n’ont pas été réglées, et d’autres salariés français ont continué à travailler pour Saudi Oger dans l’espoir que l’activité de la boîte allait repartir. Peine perdue, car la société, criblée de dettes, finit par faire faillite en juillet 2017.

Dans une interview accordée au Monde début septembre, Saad Hariri s’engage devant le président Macron à verser les indemnités restantes aux salariés français. Encore du bluff. 75 anciens employés recrutés par Oger International et ayant travaillé pour Saudi Oger ont saisi le conseil des prud’hommes de Bobigny, représentés par le cabinet Wassermann. Ils réclament le versement des arriérés de salaires, les congés payés, les indemnités de contrat… Au total, les salariés de Saudi Oger rentrés en France et ceux restés en Arabie Saoudite demandent 14 725 191 euros, selon l’avocat Jean-Luc Tissot. Un problème de compétence judiciaire se pose. La plupart des clients ont été embauchés en France avec un contrat de Saudi Oger présenté par Oger International, installé à Saint-Ouen, mais ces contrats étant à durée déterminée, ils ont été renouvelés sur place. La partie adverse estime que le contentieux doit être réglé par les tribunaux saoudiens pour les derniers contrats. «Nous espérons que le règlement du conflit sera politique, et que Saad Hariri ne sera pas accueilli en France tant que cette question n’aura pas été réglée. Ce serait un scandale», dénonce l’avocate. Son cabinet a d’ores et déjà pris rendez-vous le 23 novembre à l’Elysée.

Thomas Abgrall - Libération

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