Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
28 décembre 2017

Fallait pas l’inviter !

L'édito de Charles de Saint Sauveur - Le Parisien

To be or not to be ? Depuis Shakespeare, les Anglais sont poursuivis par cette question existentielle, qui ouvre le célèbre monologue d’Hamlet. Celui du prince Harry est d’ordre plus diplomatique, mais enquiquinante en diable : d’après le tabloïd The Sun, le gouvernement britannique commence à se faire un sang d’encre à l’idée que les futurs époux invitent Barack et Michelle Obama (avec qui Harry, qui vient de l’interviewer, s’entend visiblement très bien)... parce que cela fâcherait l’éruptif président américain. D’un de ses tweets ravageurs, Donald Trump serait tout à fait capable de gâcher la fête en envoyant promener son éternel allié anglais. Le camouflet serait d’autant plus mal vécu que le milliardaire n’a toujours pas rencontré la reine Elizabeth, icône planétaire à côté de laquelle tout dirigeant puissant rêve de figurer sur une photo officielle. Qu’Obama puisse lui souffler la vedette aurait tôt fait d’irriter le président républicain. Quelque part, on le comprend, puisqu’un mariage princier revêt une évidente dimension politique : on n’y invite pas que sa bande de potes ! En politique avisé, l’ancien président démocrate a prudemment botté en touche quand un journaliste lui a demandé s’il aimerait recevoir un carton d’invitation. Si Harry et Meghan Markle, sa fiancée américaine, osaient l’envoyer malgré les avertissements paniqués du gouvernement britannique, il ne leur resterait plus qu’à convier également les Trump. On imagine les tourments du plan de table, mais quel happening ! Quoi qu’il se passe, ce mariage sera the place to be... or not.

Publicité
26 décembre 2017

Alexeï Navalny interdit de concourir à la présidentielle russe

Par Benoît Vitkine

Le principal opposant à Vladimir Poutine, déclaré inéligible jusqu’en 2028 en raison d’une condamnation de justice, demande à ses partisans de boycotter le scrutin prévu le 18 mars 2018.

Il y a quelques semaines, Ella Pamfilova, présidente de la Commission électorale centrale russe (CEC), prévenait que seul un « miracle » pourrait permettre à Alexeï Navalny de participer à l’élection présidentielle du 18 mars 2018.

Les commentateurs n’auront guère eu le temps de gloser sur le caractère mystérieux de la formule – de quel genre de miracle pouvait donc parler Mme Pamfilova, dont l’institution est théoriquement chargée de l’application stricte de la loi ? Le miracle ne s’est pas produit. Lundi 25 décembre, cette même CEC a livré son verdict : à l’unanimité moins une abstention, elle a interdit à l’opposant de concourir lors du scrutin, en raison de ses condamnations passées en justice.

L’étude du dossier Navalny a été conduite avec une célérité exceptionnelle. Dimanche, l’avocat mobilisait des milliers de ses partisans dans plusieurs villes de Russie, et déposait, dans la foulée, son dossier de candidature. Dès le lendemain, il était convoqué par la CEC.

Cette démonstration de force, menée alors que des milliers de volontaires s’emploient depuis plusieurs mois à récolter les 300 000 signatures nécessaires à la candidature de l’opposant, n’aura pas suffi. M. Navalny, dont les enquêtes dévastatrices sur la corruption des élites ont assis la notoriété, n’est pas autorisé à défier Vladimir Poutine, président sortant qui brigue un quatrième mandat.

Vrai-faux suspense

La CEC avait à plusieurs reprises averti que l’opposant était inéligible jusqu’en 2028 en raison notamment d’une condamnation à cinq ans de prison avec sursis, en février, pour détournement de fonds dans une affaire remontant à 2009. M. Navalny a aussi été interpellé et détenu à trois reprises cette année pour avoir organisé des rassemblements non autorisés.

Mais cette décision était attendue, car elle met fin à des mois de vrai-faux suspense durant lesquels l’opposant a fait semblant de croire en ses chances de pouvoir participer au scrutin de 2018. Durant toute cette période, ses bureaux de campagne ont continué à tourner à plein régime et l’ancien blogueur, qui s’est fait connaître du grand public lors des manifestations de 2011 contre les fraudes présumées aux législatives, a sillonné la Russie de réunion publique en réunion publique.

Privé d’accès aux médias fédéraux, M. Navalny possède un art consommé de transformer chaque enceinte dans laquelle il apparaît – et jusqu’aux salles des tribunaux – en tribune.

Lundi, il a utilisé cette session publique de la CEC pour s’en prendre une nouvelle fois au cynisme du pouvoir. « Ce que je vous demande, ce n’est même pas de l’héroïsme, a-t-il dit aux membres de la Commission. Vous n’avez pas un pistolet braqué sur la tête. (…) Je vous demande simplement de faire votre travail de fonctionnaires et d’appliquer la loi, ce pour quoi vous êtes payés par vos concitoyens. » « Il est évident que ces affaires judiciaires ont été fabriquées », a-t-il encore plaidé, rappelant avoir fait condamner la Russie par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

« Il n’y aura que Poutine »

Dès la fin de la session, M. Navalny, a diffusé une vidéo enregistrée à l’avance pour appeler à une « grève des électeurs » : « Nous avons un plan clair et simple. (…) Nous annonçons un boycottage de l’élection. Le processus auquel on nous demande de participer n’est pas une vraie élection. Il n’y aura que Poutine et les candidats qu’il a personnellement sélectionnés », y dit-il, ajoutant qu’il allait faire appel de la décision de la CEC.

Quand bien même l’électorat d’Alexeï Navalny apparaissait limité, la victoire de Vladimir Poutine au scrutin du 18 mars paraît désormais encore plus certaine en l’absence de son opposant le plus déterminé. Le président sortant affrontera, comme à chaque élection, les candidats du Parti communiste et du LDPR ultranationaliste, ainsi que la jeune Xenia Sobtchak, qui se présente comme une alternative à un Navalny empêché.

« Poutine peut bien jouer les machos à la télévision, mais si tu as peur d’affronter ton seul vrai opposant, ton machisme ne vaut pas un sou », a commenté Ilia Iachine, l’un des associés de M. Navalny, qui annonçait dans la soirée sur Twitter une visite de la police au domicile de ses parents.

24 décembre 2017

Nouvelle salve de sanctions contre la Corée du Nord

Moins d’un mois après un tir de missile balistique intercontinental par Pyongyang, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté une réduction des exportations de pétrole.

Renforcer la pression. C’est le message qu’a envoyé, vendredi 22 décembre, le Conseil de sécurité de l’ONU en adoptant à l’unanimité de nouvelles sanctions économiques contre la Corée du Nord, moins d’un mois après un tir de missile balistique intercontinental par Pyongyang.

Les Etats-Unis, à l’initiative de ce projet, se sont dits satisfaits d’avoir pu compter sur le soutien de tous les membres du Conseil, dont la Chine et la Russie, principaux partenaires commerciaux de la Corée du Nord. Des changements de dernière minute dans la formulation ont permis de sécuriser le vote de Pékin et de Moscou. « L’unité dont a fait preuve le Conseil pour porter ces sanctions sans précédent reflète l’indignation internationale contre les actions du régime de Kim Jong-un », a déclaré l’ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley.

Ce nouveau volet de sanctions, le troisième depuis le début de l’année et le dixième depuis 2006, réduira les exportations de pétrole vers la Corée du Nord. Les livraisons de brut seront désormais limitées à 4 millions de barils par an, tandis qu’une baisse de 75 % de l’approvisionnement en produits pétroliers raffinés (diesel, kérosène) est annoncée.

La résolution impose également de ne plus accueillir les dizaines de milliers de travailleurs nord-coréens envoyés par le régime à l’étranger, une majorité vivant en Chine et en Russie. Ils seront contraints, selon le texte, de regagner leur pays d’ici à la fin de 2019. Par ailleurs, seize noms sont ajoutés à la liste des proches de Kim Jong-un visés par un gel d’avoirs et une interdiction de voyager.

Position américaine illisible

Cette fermeté est un signal clair adressé à Pyongyang, qui aurait pu interpréter l’inaction de l’ONU comme une carte blanche à de futures démonstrations de force. « La Russie, la Chine et les Etats-Unis ne veulent laisser aucun doute aux dirigeants nord-coréens sur le fait qu’ils vont continuer à leur mettre la pression à tous les niveaux », juge George Lopez, ancien expert au comité des sanctions sur la Corée du Nord.

Les Etats-Unis veulent que le Conseil de sécurité se dirige, en cas de nouveaux tirs de missiles ou d’essais nucléaires, vers une interdiction totale des livraisons pétrolières à la Corée du Nord. La Chine s’oppose à une telle mesure, dont le coût humanitaire pourrait s’avérer catastrophique.

En revanche, si Pyongyang décide d’une pause dans ses tirs de missiles et ses essais nucléaires, l’amorce d’un dialogue n’est pas à exclure, même si la position américaine sur le sujet est confuse. Mi-décembre, le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, avait affirmé, lors d’un forum à Washington, que les Etats-Unis étaient prêts à organiser une rencontre avec les Nord-Coréens « sans préconditions », avant d’être contredit par son président et d’ajouter lui-même que Pyongyang doit « gagner sa place » à la table des négociations.

De son côté, le président sud-coréen, Moon Jae-in, a proposé de reporter les exercices militaires organisés régulièrement avec les Etats-Unis pendant la durée des Jeux olympiques d’hiver 2018, qui se tiendront en février à Pyeongchang en Corée du Sud. Washington n’a pas donné suite pour l’heure.

Une baisse des tensions sur la péninsule pendant les JO pourrait constituer l’occasion d’un dialogue informel. « L’administration Trump manifeste peu d’intérêt pour ce type de rencontre, tempère toutefois M. Lopez. Elle n’est pas assez sophistiquée pour en comprendre l’utilité. »

Les nouvelles sanctions de l’ONU sont un « acte de guerre ». La Corée du Nord a qualifié ainsi, dimanche 24 décembre, les nouvelles sanctions votées vendredi par le Conseil de sécurité contre ses programmes nucléaire et balistique. « Nous rejetons totalement les dernières sanctions de l’ONU (…) comme une atteinte violente à la souveraineté de notre république et un acte de guerre qui détruit la paix et la stabilité de la péninsule coréenne et de la région », a déclaré le ministère des affaires étrangères nord-coréen dans un communiqué diffusé par l’agence officielle KCNA.

19 décembre 2017

Nouveau Renzi, rival de Merkel ou clone de Blair : les multiples visages de Macron à l’étranger

c'est pas gagné

Par Raphaëlle Bacqué, Philippe Bernard, Londres, correspondant, Cécile Ducourtieux, Bruxelles, bureau européen, Gilles Paris, Washington, correspondant, Laure Stephan, Beyrouth, correspondance, Jérôme Gautheret, Rome, correspondant, Charlotte Bozonnet, Isabelle Mandraud, Moscou, correspondante, Thomas Wieder, Berlin, correspondant - Le Monde

 =================

Alors que le président français s’implique fortement sur la scène internationale, son profil particulier, jeune et libéral, continue d’intriguer et de susciter des comparaisons.

Les voyageurs et expatriés en ont tous fait l’expérience : vient toujours un moment où votre interlocuteur, qu’il soit anglais, allemand, algérien ou américain, vous interroge : « Alors, Macron ? » Sa jeunesse séduit, sa femme intrigue, bien sûr, mais il suscite plus que de la simple curiosité : une envie de comparaison. Ainsi, le 6 décembre, la seule déambulation d’un chef d’Etat de 39 ans dans le centre d’Alger a paru presque subversive dans un pays dirigé par des octogénaires. « On ne le connaît pas, mais on est venu car il est jeune », expliquaient avec un sourire trois amies, d’une trentaine d’années, pressées contre les barrières de sécurité. Même en Europe, dont Angela Merkel est le visage dominant depuis dix ans, l’irruption d’un dirigeant de vingt-trois ans son cadet semble comme un signal supplémentaire de son possible affaiblissement. Il est jeune, donc. Bon communicant. Réformateur affiché. Suffisamment plastique pour rassurer, trop neuf aux responsabilités pour décevoir.

« Plus jeune que Kennedy, plus libéral que Blair, plus européen que Schröder », écrivait le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung entre les deux tours de la présidentielle. Dans l’éventail des dirigeants ayant marqué l’Occident, on cherche encore où le situer. « Est-il un nouveau Matteo Renzi ? », s’interrogent les Italiens, c’est-à-dire une chance pour l’Europe, comme l’appellent encore de leurs vœux les réformateurs de la Péninsule, ou l’enfant des élites mondialisés critiqué par la Ligue du Nord et le mouvement populiste 5 Etoiles ?

L’interrogation n’est pas moins forte au Royaume-Uni. « Le pays de la Révolution est redevenu un laboratoire social majeur », s’extasie Adam Plowright, auteur de la première biographie en anglais du président français, The French Exception : Emmanuel Macron – The Extraordinary Rise and Risk (« l’exception française : la percée et les risques extraordinaires d’Emmanuel Macron », Icon Books, non traduit). « La Grande-Bretagne, où les proeuropéens cherchent un sauveur, pourrait-elle produire son propre Macron ? », s’interroge le biographe britannique.

Les travaillistes doivent tirer « la leçon de la victoire d’Emmanuel Macron », confirme Chuka Umunna, figure de l’aile modérée du parti. Pour ce député de 39 ans, « un mouvement alliant recherche des vraies solutions aux problèmes des gens, solide leadership, et refus de céder aux nationalistes et aux racistes est le meilleur moyen de se débarrasser de notre gouvernement conservateur incompétent ». Lors d’un entretien, un député conservateur, figure de proue de la lutte contre le Brexit, confie au Monde son espoir d’une relève de génération chez les tories. Il nous faudrait des trentenaires « à la Macron », glisse-t-il en français. Simon Kuper, chroniqueur au Financial Times, a, lui, la méfiance des chats échaudés. Ce président si sûr de son charme, pense-t-il, a le même côté glaçant que Tony Blair, dont l’éternel sourire masquait un cynisme plus trivial. Cela s’est terminé avec la guerre en Irak, rappelle-t-il, que les Britanniques n’ont jamais pardonnée au séduisant chef du New Labour…

La Commission européenne sous le charme

Qui sait vraiment ce que cache ce charisme juvénile ? Un rival d’Angela Merkel, répondent les Allemands. La chancelière, avec sa solidité sans apprêt, a rencontré son contraire et peut-être son successeur dans le petit cercle des figures marquantes du Vieux Continent. « Aujourd’hui, il continue de fasciner dans les milieux intellectuels, universitaires et journalistiques, mais il commence aussi à pas mal agacer, dans la mesure où ses propositions sur l’Europe obligent l’Allemagne à sortir de son immobilité, analyse Claire Demesmay, responsable du programme franco-allemand à la DGAP, un think tank spécialisé dans l’étude des relations internationales à Berlin. En six mois, celui qui promettait de faire bouger la France est devenu celui qui oblige l’Allemagne à bouger et, vu d’Allemagne, c’est forcément plus dérangeant. » Dans les pourparlers qu’il s’apprête à engager avec les conservateurs de la CDU-CSU en vue de former un nouveau gouvernement en Allemagne, le Parti social-démocrate (SPD) a d’ailleurs décidé de profiter de la sympathie dont jouit M. Macron en Allemagne pour faire pression sur Angela Merkel et l’encourager à enfin répondre aux propositions du président français sur l’Europe. « L’Allemagne ne doit pas rester en retrait plus longtemps », a ainsi tweeté Martin Schulz, le président du SPD, le 6 décembre.

Cette rivalité potentielle n’a pas échappé aux Britanniques. « Le règne d’Angela Merkel touche à sa fin, alors qu’Emmanuel Macron est en pleine ascension. Ses réformes favorables à l’économie de marché sont en cours et ses grands plans pour l’Union européenne [UE] plaisent aux dirigeants européens. S’il réussit, la France pourrait remplacer l’Allemagne comme puissance dominante, et un Français pourrait redevenir roi de l’Europe », résume une vidéo louangeuse du Telegraph, inattendue de la part d’un quotidien britannique ultraconservateur et europhobe.

Bruxelles ne pouvait donc pas résister à ce jeune président faisant jouer, le soir même de son élection, l’Hymne à la joie de Beethoven, symbole musical de l’Europe. La commission Juncker est tombée sous le charme d’un dirigeant qui, pour la première fois depuis des années, plaçait l’Europe et ses institutions au cœur de son programme de réformes. L’UE l’a accueilli avec d’autant plus d’enthousiasme qu’elle a désespérément besoin d’un leader pour incarner un projet communautaire menacé par les populistes.

« MAKE OUR PLANET GREAT AGAIN », LE TWEET DE MACRON DÉTOURNANT LE SLOGAN DU PRÉSIDENT AMÉRICAIN POUR RÉPONDRE À SA DÉCISION DE RETIRER LES ETATS-UNIS DE L’ACCORD SUR LE CLIMAT, S’ÉTAIT DÉJÀ TAILLÉ UN CERTAIN SUCCÈS AUPRÈS DES ANTI-TRUMP

Cela faisait bien longtemps qu’un dirigeant français n’avait suscité un tel intérêt. François Hollande avait été quasi ignoré à l’étranger. Hormis pendant l’épisode de sa séparation d’avec Valérie Trierweiler, il n’avait pas accroché la lumière. Les débuts de Nicolas Sarkozy, en 2007, avaient été regardés avec une curiosité bienveillante et son activisme avait suscité de l’intérêt. Mais son impopularité grandissante en France avait vite douché les jugements favorables hors des frontières.

Avec le leader d’En marche !, c’est autre chose… L’ambassade de France à Washington est formelle : à l’exception de la chaîne conservatrice Fox News, tous les grands networks américains ont déposé des demandes d’entretien, alors qu’aucune visite n’est prévue pour l’instant aux Etats-Unis. Emmanuel Macron s’est pourtant déjà exprimé (en anglais) sur CNN en septembre, puis dans les colonnes du magazine Time en novembre. Mais si, en Europe, on l’imagine en nouveau Renzi, en rival de Merkel ou en clone de Blair, il passe, dans certains milieux américains, pour l’antithèse de Donald Trump. « Make our planet great again », son tweet détournant le slogan du président américain pour répondre à sa décision de retirer les Etats-Unis de l’accord sur le climat, s’était déjà taillé un certain succès auprès des anti-Trump.

Début décembre, une table ronde consacrée à la présidence française à la Brookings Institution, think tank plutôt proche des démocrates, a fait le plein. « Les Américains qui s’intéressent aux affaires du monde mettent en Emmanuel Macron ce qui leur tient à cœur. Les libéraux [au sens anglo-saxon] attachés au multilatéralisme qui constituent l’élite washingtonienne le considèrent comme l’opposé de Donald Trump. Les conservateurs sont attentifs à sa volonté de réformer une France jugée paralysée », détaille Célia Belin, actuellement rattachée à ce cercle de réflexion de Washington.

« Besoin d’un pays modérateur »

En Russie, où l’on cultive avec soin la nostalgie de De Gaulle ou de Chirac pour avoir su dire « non » aux Etats-Unis, aucun président français n’a pu réellement s’accorder avec Vladimir Poutine. Emmanuel Macron n’a cependant pas encore entamé son crédit. « Poutine est prêt à l’accepter comme interlocuteur numéro un ; c’est du moins l’objectif qu’il a affiché lors de leur rencontre à Versailles, observe le politologue Andreï Kolesnikov, car Macron est au même niveau : il a montré sa force, mais cela ne veut pas dire que leur coopération sera couronnée de succès. La relation est en train de se créer et, à ce stade, cela peut durer encore longtemps. » Le rôle du président français au sein de l’Europe, sa volonté de bousculer quelques dogmes – « le plan Perestroïka de Macron pour l’Union européenne », a écrit le quotidien Nezavissimaïa Gazeta – sont suivis avec autant d’intérêt que de scepticisme. « Macron veut surtout être populaire, suspecte le vice-président de la Douma, Piotr Tolstoï. Il cherche à être en phase avec son opinion publique qui ne comprend rien à la Russie. »

Depuis leur première rencontre, le 29 mai à Versailles, au cours de laquelle le Français avait fort bien accueilli son aîné Vladimir Poutine tout en lui assénant quelques vérités, notamment sur les médias russes pro-pouvoir, les deux dirigeants, il est vrai, n’ont guère été en contact. Leur dernier échange téléphonique remonte au 2 novembre. « A la demande de la partie française », Vladimir Poutine avait alors informé son homologue des résultats de sa visite en Iran. Les relations franco-russes sont aujourd’hui très dépendantes de la situation au Proche-Orient, en particulier en Syrie. Or, c’est justement sur ce dossier que le dialogue avec François Hollande s’était dégradé.

« IL SERA DIT UN JOUR QUE [LE PRÉSIDENT FRANÇAIS] A JOUÉ UN RÔLE HISTORIQUE »

SAAD HARIRI, PREMIER MINISTRE LIBANAIS

La médiation du président français au Liban a été observée avec attention. Le 4 novembre, Riyad avait forcé le premier ministre libanais, Saad Hariri, à démissionner, croyant ainsi contrer le Hezbollah, allié de Téhéran, et endiguer l’influence iranienne au pays du Cèdre. Beyrouth avait plongé dans la peur d’un nouveau conflit. En conviant Hariri à Paris, le 18 novembre, Macron a obligé les Etats-Unis à réagir tout en apaisant la tension.

« Il sera dit un jour que [le président français] a joué un rôle historique », a affirmé Saad Hariri à Paris Match. « La France fait son retour dans la région par la porte libanaise », considère Michel de Chadarevian, un proche du président libanais Michel Aoun. Avant la présidentielle, les prises de position d’Emmanuel Macron sur la région, spécialement sur la Syrie, étaient tâtonnantes. Désormais, on observe avec soin ses déclarations sur Bachar Al-Assad, qui compte alliés et ennemis au Liban. « La politique américaine au Proche-Orient est erratique. On a besoin d’un pays modérateur, comme la France, qui reste en même temps ferme sur certains principes », estime Ayman Mehanna, défenseur de la liberté d’expression. Il avait conseillé ponctuellement l’équipe Macron durant la campagne.

En Afrique, où les relations avec la France sont si ambivalentes depuis cinquante ans, Emmanuel Macron s’est plutôt bien sorti de ses voyages au Burkina Faso et en Algérie. La France a accepté de donner à ce pays une copie des archives coloniales et annoncé son intention de restituer les crânes de résistants algériens conservés au Musée de l’homme, à Paris, une décision très attendue en Algérie, sans rien céder sur sa politique restrictive des visas. « J’ai été apostrophé ce matin par trop de jeunes qui me demandaient des visas. Mais le visa, ce n’est pas un projet de vie », a affirmé Emmanuel Macron, en faisant mine d’ignorer le chômage, le système éducatif défaillant, l’atmosphère de fin de règne qui entravent l’ambition de la jeunesse dans ce pays. Comme si la philosophie très macronienne du « quand on veut, on peut » n’avait pas de frontière.

10 décembre 2017

Macron reçoit Nétanyahou ce dimanche à Paris

Le premier ministre israélien sera reçu à l'Elysée pour un «déjeuner de travail». Le président français est le premier chef d'État a le recevoir depuis la reconnaissance unilatérale de Jérusalem comme capitale d'Israël par Donald Trump.

Le rendez-vous était prévu depuis plusieurs semaines. Dimanche, à 14 heures, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou sera reçu à l'Elysée par Emmanuel Macron pour un «déjeuner de travail». Une visite qui tombe à point nommé, alors que Jérusalem est au centre des attentions, depuis que Donald Trump a décidé de reconnaître unilatéralement la ville trois fois sainte comme capitale de l'État hébreu.

C'est la seconde visite en France du premier ministre israélien. Il avait déjà été invité à Paris en juillet dernier pour commémorer la rafle du Vel d'Hiv. Cette fois, Nétanyahou est attendu en début d'après-midi au Palais pour un déjeuner de travail. Les deux responsables politiques feront ensuite une déclaration commune à 15h45.

Cette rencontre a été annoncée le 19 novembre, alors que les deux dirigeants avaient échangé par téléphone à propos de la crise au Liban. Mais la situation à Beyrouth devrait être éclipsée par la recrudescence des violences depuis la décision de Donald Trump de reconnaître Jérusalem capitale d'Israël. Samedi encore, au moins deux Palestiniens ont été tués dans la bande de Gaza par des raids israéliens à la suite de tirs de roquettes. Des affrontements entre jeunes Palestiniens et forces de l'ordre israéliennes ont également eu lieu en Cisjordanie. Selon le Croissant-Rouge, 171 Palestiniens ont été blessés en Cisjordanie et 60 dans la bande de Gaza pendant la journée de samedi par des tirs ou des coups des forces de sécurité ou intoxiqués par inhalation de gaz lacrymogène.

La Ligue arabe a demandé à Washington de revenir sur sa décision quand le Fatah a appelé à poursuivre les manifestations.

À Paris, plusieurs centaines de personnes ont manifesté samedi contre la décision de Donald Trump. Ils étaient environ 400 place de la République à l'invitation des associations EuroPalestine et France Palestine Solidarité, d'après l'AFP. «Ce n'est pas Trump qui décide du droit international (...) Il n'y a pas de peuple élu!», a lancé Olivia Zemor d'EuroPalestine devant un public brandissant des drapeaux palestiniens.

À Lyon également, 300 personnes se sont rassemblées en bord de Rhône, en scandant «Palestine vivra, Palestine vaincra». «La décision de Donald Trump met le feu à la poudrière», a déclaré à l'AFP Jérôme Faynel président du Collectif 69 Palestine et organisateur du rassemblement lyonnais. «Il faut maintenant que l'Europe prenne l'initiative. Et la rencontre dimanche entre Emmanuel Macron et Benjamin Nétanyahou pourrait être une bonne occasion d'élever la voix», a-t-il ajouté.

Si pour Nétanyahou, mercredi a été un «jour historique», Emmanuel Macron a de son côté qualifié de «regrettable» la décision du président américain. Vendredi, au micro de France Inter, Jean-Yves le Drian a également déclaré que cette initiative était «contraire au droit international». «Nous la désapprouvons, et nous souhaitons vraiment que malgré tout cela le calme règne», a ajouté le ministre des affaires étrangères. Mais il a aussi affirmé que la France «ne pouvait agir seule» pour résoudre la crise.

Publicité
8 décembre 2017

Chronique : « Trump a dégradé la démocratie américaine comme jamais et éreinté son image »

donald

Par Alain Frachon, éditorialiste au Monde

Dans sa chronique, Alain Frachon, éditorialiste au « Monde » observe que ce président qui donne aux riches, cultive et exploite dans le même temps le désarroi des laissés-pour-compte face à l’immigration, à l’islamisme, à l’étranger.

On s’est habitué. On n’y prête plus attention. On clique, on tourne la page, on change de chaîne. On a banalisé Donald Trump. On oublie que cette personne qui trouve le temps de fouiller les sites de l’extrême droite raciste, qui scanne à plaisir les publications numériques des théoriciens du complot et autres suprémacistes blancs, est le président des Etats-Unis.

Il est à la tête de la plus puissante des démocraties de la planète. Il est responsable de l’image de la démocratie. Et c’est lui, le 45e président américain, qui s’attache ainsi à sélectionner soigneusement des vidéos bidon sur lesdits sites, puis à les diffuser aux 43 millions de fidèles de son fil Twitter !

La presse interroge les porte-parole de la Maison Blanche : comment Trump est-il tombé sur ces montages vidéo destinés à discréditer les musulmans du monde entier ? Réponse : le président fait lui-même ses recherches. Ces derniers jours ont pourtant été chargés. Ils ont vu la semaine du 27 novembre au 3 décembre s’achever sur le vote par le Sénat de la plus grosse baisse d’impôts que les Etats-Unis ont connue depuis le milieu des années 1980. Apparemment, les deux événements n’ont rien à voir. Pourtant, ces journées-là représentent la quintessence du trumpisme.

Commençons par l’insulte faite au Royaume-Uni et aux musulmans. Patouillant dans le fumier des sites de l’ultra-droite raciste, Donald Trump sélectionne trois vidéos de Britain First – groupuscule britannique surveillé de près par Scotland Yard et spécialisé dans les provocations anti-islamiques.

Visions hallucinées

On imagine la scène : le successeur d’Abraham Lincoln cliquant sur trois montages racistes – ils sont censés montrer des musulmans agressant des non-musulmans – puis assurant leur diffusion. Il s’agissait de faux et d’images éditées hors de leur contexte.

Londres a protesté, Trump ne s’est pas excusé. Sa porte-parole, Sarah Huckabee Sanders, a défendu le président : il a voulu attirer l’attention sur la violence islamiste. Cela l’autorise à détourner des images. Elle n’a pas précisé d’où le président avait opéré : de ses appartements privés, du bureau Ovale de la Maison Blanche ? Peu importe. Trump est dans son univers : mentir, manipuler, monter une communauté contre l’autre, diviser.

Dans son édition d’octobre, le mensuel Vanity Fair cherche à comprendre. Il interroge cinq historiens. A qui peut-on comparer Trump ?

La Maison Blanche a déjà connu quelques scènes exotiques – du républicain Richard Nixon sombrant dans le cognac lors du scandale du Watergate, au démocrate Bill Clinton baissant son pantalon devant une stagiaire. Mais des menteurs compulsifs obsédés par leur propre personne, des egos dérangés passant de l’auto-adulation à l’auto-commisération, des hommes en proie à des visions hallucinées – Trump a vu des « milliers de musulmans » massés sur le pont de Brooklyn pour applaudir les attentats du 11 septembre 2001, des titulaires d’un QI incertain mais convaincus de leur supériorité intellectuelle, non, il n’y en a pas eu, disent les historiens.

Une réforme fiscale de nature religieuse

Les élus républicains ont pris la responsabilité historique de soutenir cet homme. A la sauvette, les 52 sénateurs du « Grand Old Party » lui ont donné, le 2 décembre, sa première victoire : le vote – qui sera confirmé par la majorité républicaine à la Chambre – de la réforme de la fiscalité. Il organise un énorme transfert de richesse au profit des entreprises et des plus riches des Américains. Il abaisse le taux de l’impôt sur les sociétés (de 35 % à 22 % ou 20 %) afin, notamment, de lutter contrer la délocalisation fiscale. L’Etat compensera la baisse de ses revenus en taillant dans les dépenses sociales.

Ce vote est de nature religieuse. Il obéit à un article de foi républicain : toute baisse d’impôt est dictée par Dieu. Surtout quand elle soulage les riches parce qu’ils redistribueront, sous forme d’investissements et de hausses des salaires, l’argent ainsi récupéré.

Cela s’appelle la théorie du ruissellement. Elle ne s’est jamais avérée et les économistes la rangent sous l’étiquette de « l’économie vaudoue ». Outre que la réforme se traduira par une hausse substantielle de la dette américaine, elle va manifestement à l’encontre des intérêts d’une partie de l’électorat trumpiste.

Trump s’est fait élire sous la bannière de la révolte sociale. Il est le défenseur des laissés-pour-compte de la mondialisation. Il s’affiche comme le porte-parole des « petits Blancs », privés de leur emploi, de leur dignité, de leur santé, par l’accélération libre-échangiste et technologique de ces trente dernières années.

Concilier populisme et politique économique

Seulement voilà, Trump est l’élu d’un parti républicain qui s’est donné pour tâche de démolir l’Etat social rooseveltien, qui démonise l’impôt, l’assurance-santé et l’expansionnisme de l’Etat fédéral. Richissime promoteur immobilier, Trump s’est volontiers converti au catéchisme républicain. Mais il doit en permanence résoudre cette contradiction : concilier son populisme avec sa politique économique.

C’est là qu’intervient son activisme quotidien sur Twitter. Trump sait qu’une partie de la révolte sociale est d’origine culturelle. Contre l’élitisme libertaire du Parti démocrate, les républicains ont su gagner une partie de l’électorat populaire.

Trump entretient cette tradition. Il cultive, et exploite, le désarroi de l’opinion face à l’immigration, à l’islamisme, à l’étranger – déployant ce discours victimaire d’une Amérique malmenée par tous les maux de l’époque.

Pour le moment, ça marche. Les historiens peuvent dire, avec raison, que cet homme a dégradé la démocratie américaine comme jamais et éreinté son image dans le monde entier. Il reste cette réalité : le noyau dur électoral du trumpisme tient bon, régulièrement revitalisé par les tweets du patron.

7 décembre 2017

Au pouvoir depuis 1999, Vladimir Poutine annonce être candidat à un quatrième mandat de président russe en mars 2018

Ce n'est pas vraiment une surprise : le président russe Vladimir Poutine sera candidat à sa réelection, lors du scrutin présidentiel organisé en mars 2018. Il l'a officialisé mercredi 6 novembre. S'il était élu, il entamerait son quatrième mandat de chef de l'Etat, un poste qu'il occupe depuis le 31 décembre 1999, et qu'il n'a quitté que quatre ans entre 2008 et 2012. Il était alors devenu Premier ministre pour échapper à la limite de deux mandats consécutifs.

7 décembre 2017

Jérusalem : le Conseil de sécurité de l'ONU se réunira en urgence vendredi matin après la décision de Donald Trump

Le Conseil de sécurité de l'ONU se réunira en urgence vendredi matin après la décision de Donald Trump de reconnaître "officiellement Jérusalem comme capitale d'Israël", a annoncé la présidence japonaise de l'instance, dans la nuit du mercredi 6 décembre au jeudi 7 décembre

6 décembre 2017

Donald Trump reconnaît officiellement "Jérusalem comme la capitale d'Israël",

trump

Donald Trump reconnaît officiellement "Jérusalem comme la capitale d'Israël", une décision qui aura des "conséquences dangereuses" selon les Palestiniens

"Le moment est venu de reconnaître officiellement Jérusalem comme la capitale d'Israël", a déclaré Donald Trump, mercredi 6 décembre, depuis la Maison Blanche, à Washington (Etats-Unis). Une décision qui aura des "conséquences dangereuses", avait mis en garde l'Autorité palestinienne à la veille de cette officialisation.

Des Palestiniens brûlent un portrait du président américain Donald Trump lors d'une manifestation à Bethléem, en Cisjordanie, le 6 décembre. Les mises en garde, au Proche-Orient comme en Europe, n'auront servi à rien. Donald Trump l'a annoncé, mardi 5 décembre, à plusieurs dirigeants de la région : il compte toucher au symbole politique et religieux, hautement inflammable, que représente Jérusalem, en reconnaissant cette ville comme la capitale d'Israël. -- Photo : Mahmoud Illean / AP (@ap.images) -- Lire notre article : http://lemde.fr/2zRL0Lk -- #Trump #Israel #Capitale #Jerusalem #Annonce



415 Likes, 8 Comments - Le Monde (@lemondefr) on Instagram: "Des Palestiniens brûlent un portrait du président américain Donald Trump lors d'une manifestation à..."

 

5 décembre 2017

Turquie : ouverture de grands procès contre des centaines d’universitaires

Par Marie Jégo, Istanbul, correspondante - Le Monde

Des enseignants sont poursuivis pour « terrorisme » pour avoir signé une pétition favorable à la reprise de pourparlers de paix entre le gouvernement et les Kurdes.

Des centaines d’universitaires ont été appelés à comparaître mardi 5 décembre devant des tribunaux à travers toute la Turquie pour répondre d’accusations de « terrorisme ». Les premières audiences de ces procès ont débuté à Istanbul, où d’éminents professeurs des universités de Galatasaray, de Marmara et d’Istanbul, sont jugés. D’autres procès débuteront plus tard.

Leur crime ? Avoir signé une pétition favorable à la reprise du processus de paix dans le sud-est du pays, à majorité kurde, ce qui fait d’eux de présumés suppôts du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), en guerre contre l’Etat turc depuis 1984. Ils risquent jusqu’à sept ans et demi de prison.

En janvier 2016, alors que les hostilités entre le PKK et les forces régulières d’Ankara faisaient rage à nouveau dans les régions kurdes du sud-est du pays, 1 128 enseignants rattachés à différentes universités du pays choisirent d’apposer leur signature sous un texte qui dénonçait « les violations des droits de l’homme », réclamait « la levée des couvre-feux » dans les villes assiégées par les forces spéciales, et demandaient l’accès des lieux à des « observateurs nationaux et internationaux », ainsi que la reprise des pourparlers de paix entre le gouvernement turc et la rébellion kurde.

« Propagande en faveur du PKK »

Aux yeux des autorités, ce geste équivaut à un acte de « propagande en faveur du PKK ». Les universitaires « savaient ce qu’ils faisaient » en le signant, dit l’acte d’accusation émis contre eux. Pourtant, le droit à la libre expression est mentionné dans l’article 26 de la Constitution du pays.

Dès 2016, des mesures administratives — limogeages, non-renouvellements de contrat — ont été prises à l’encontre de 885 d’entre eux. Quatre signataires, assez audacieux pour confirmer publiquement leur attachement à l’esprit de la pétition, furent jetés en prison. Remis en liberté provisoire depuis, ils sont toujours en jugement. Sur les 1 128 signataires, moins de 500 sont restés en Turquie, les autres sont partis à l’étranger pendant qu’il en était encore temps.

Pour Aysen Uysal, professeure de sciences politiques à l’université du 9-Septembre, à Izmir, et signataire de la pétition, plus question de voyager. Le 28 juin, elle et onze de ses collègues, tous signataires, ont reçu une lettre du recteur leur signifiant leur mise à pied. Enseignante depuis douze ans dans cette université, Aysen Uysal était loin de s’attendre à pareil traitement. « Avant cela, mes relations avec la direction de l’université étaient tout à fait normales. J’étais même plutôt bien vue, entre autres pour avoir permis de nombreux échanges d’étudiants dans le cadre du programme Erasmus. »

Son passeport a été annulé, elle ne peut plus quitter la Turquie. « J’avais des colloques à l’étranger, un cours à donner en Suisse, un jury de thèse à Aix-en-Provence le 6 février 2018, mais il m’est impossible de m’y rendre », déplore la jeune enseignante, parfaitement francophone. Sa mise à l’écart a été brutale. « Je travaillais normalement, je corrigeais des copies, je dirigeais des thèses, quand j’ai reçu cette lettre. Je n’en suis pas revenue. La porte de mon bureau a été verrouillée, mon accès au campus a été bloqué. »

Passeports confisqués

Depuis leur limogeage, les universitaires sont devenus des parias. Mis au ban de la société, ils ne peuvent ni espérer trouver du travail en Turquie ni refaire leur vie ailleurs, leur passeport ayant été confisqué. Les collègues qui ne sont pas concernés par ces mesures fuient les signataires de la pétition. « Visiblement, ils ont peur et préfèrent se tenir à distance de crainte de perdre leur statut », explique Aysen Uysal.

En fin de semaine dernière, elle n’avait toujours pas reçu sa convocation au tribunal. « Ce côté imprévisible est une autre forme de répression. La seule certitude est que l’état d’urgence [imposé après le coup d’Etat raté du 15 juillet 2016 et régulièrement reconduit depuis] est la porte ouverte à tous les abus, il n’y a plus de droits. » Avec ses collègues, elle a quand même déposé un recours auprès d’un tribunal administratif pour contester leur mise à pied.

Seule consolation, un élan de solidarité existe entre les enseignants signataires de la pétition. « Ceux qui travaillent aident les autres, le syndicat Egitim-Sen [gauche] organise une caisse de secours, ce qui permet aux plus démunis de survivre et à nous tous d’espérer que, un beau jour, ce cauchemar prendra fin. »

Par ailleurs, un tribunal d’Ankara a condamné, vendredi 1er décembre, Nuriye Gülmen, une universitaire en grève de la faim depuis mars pour contester son limogeage, à six ans et trois mois de prison pour appartenance au DHKP-C, un groupuscule d’extrême gauche classé « terroriste » par Ankara. La cour a ordonné sa remise en liberté conditionnelle dans l’attente de son jugement en appel. Le juge a en revanche abandonné les charges contre Semih Özakça, un autre enseignant jugé dans la même affaire.

Publicité
Publicité