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Jours tranquilles à Paris
8 novembre 2019

« Termes radicaux » pour Merkel, « paroles en or » pour Moscou : les réactions aux déclarations de Macron sur l’OTAN

Le chef de l’Etat estime, dans un entretien à « The Economist » publié jeudi, que l’Alliance atlantique est dans un état de « mort cérébrale ».

Emmanuel Macron a estimé, jeudi 7 novembre, que l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) était en état de « mort cérébrale », dans un entretien à l’hebdomadaire anglais The Economist. Le président français l’explique par le désengagement américain vis-à-vis de ses alliés, notamment en Syrie, et de l’attitude de la Turquie, membre de l’Alliance atlantique – autre nom de l’OTAN. Un sommet de l’organisation aura lieu à Londres au début du mois de décembre.

Il faut « clarifier maintenant quelles sont les finalités stratégiques de l’OTAN », a affirmé le chef de l’Etat, en plaidant, comme depuis le début de son mandat, pour « muscler » l’Europe de la défense. « Vous n’avez aucune coordination de la décision stratégique des Etats-Unis avec les partenaires de l’OTAN et nous assistons à une agression menée par un autre partenaire de l’OTAN, la Turquie, dans une zone où nos intérêts sont en jeu, sans coordination, a-t-il souligné. Ce qui s’est passé est un énorme problème pour l’OTAN. »

Les « termes radicaux » de M. Macron

La chancelière Angela Merkel a rapidement commenté ces déclarations lors d’une conférence de presse à Berlin, jeudi, aux côtés du secrétaire général de l’Alliance, Jens Stoltenberg. « Je ne pense pas qu’un tel jugement intempestif soit nécessaire, même si nous avons des problèmes, même si nous devons nous ressaisir », a-t-elle déclaré. Les « termes radicaux » de M. Macron ne correspondent pas à « mon point de vue au sujet de la coopération au sein de l’OTAN », a ajouté la chancelière. M. Stoltenberg a, de son côté, estimé que l’OTAN restait « forte », relevant que les Etats-Unis et l’Europe « travaillaient ensemble plus que nous ne l’avons fait depuis des décennies ».

 

« Ce sont des paroles en or. Sincères et qui reflètent l’essentiel. Une définition précise de l’état actuel de l’OTAN », a écrit, de son côté, la porte-parole de la diplomatie russe Maria Zakharova sur sa page sur Facebook, commentant les propos sur l’OTAN de M. Macron. Le président français a, cependant, eu dans la même interview des mots sévères sur la Russie, dont le modèle n’est, selon lui, « pas soutenable ».

Enfin, le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, a jugé, lors d’une conférence de presse à Leipzig (Allemagne), que l’OTAN restait « historiquement un des partenariats stratégiques les plus importants ». Il en a profité pour rappeler l’exigence de Donald Trump aux pays membres de l’Alliance de mieux « partager le fardeau » de son financement – le président américain avait lui-même qualifié l’OTAN d’organisation « obsolète » en janvier 2017.

« L’Europe a oublié qu’elle était une communauté »

Dans ce long entretien accordé à The Economist, le président français s’inquiète également de la « fragilité extraordinaire de l’Europe », qui « disparaîtra » si elle ne « se pense pas comme puissance dans ce monde ». « Je ne crois pas dramatiser les choses, j’essaye d’être lucide », souligne Emmanuel Macron qui voit trois grands risques pour l’Europe : qu’elle ait « oublié qu’elle était une communauté », le « désalignement » de la politique américaine du projet européen, et l’émergence de la puissance chinoise « qui marginalise clairement l’Europe ».

« Depuis soixante-dix ans, on a réussi un petit miracle géopolitique, historique, civilisationnel : une équation politique sans hégémonie qui permet la paix. (…) Mais il y a aujourd’hui une série de phénomènes qui nous mettent dans une situation de bord du précipice », insiste M. Macron, qui voit aussi l’Union européenne « s’épuiser sur le Brexit ».

Le président français estime d’abord que « l’Europe a oublié qu’elle était une communauté, en se pensant progressivement comme un marché, avec une téléologie qui était l’expansion ». Selon le chef de l’Etat, il s’agit là d’une « faute profonde parce qu’elle a réduit la portée politique de son projet, à partir des années 1990 ».

Deuxième danger, pour Emmanuel Macron : les Etats-Unis qui restent « notre grand allié » mais « regardent ailleurs » vers « la Chine et le continent américain ». Ce basculement a été amorcé sous Barack Obama, estime le chef de l’Etat. « Mais pour la première fois, nous avons un président américain [Donald Trump] qui ne partage pas l’idée du projet européen, et la politique américaine se désaligne de ce projet », estime-t-il.

Enfin, le rééquilibrage du monde va de pair avec l’émergence – depuis quinze ans – d’une puissance chinoise qui crée un risque de bipolarisation et marginalise clairement l’Europe. Et à ce risque de « G2 » Etats-Unis/Chine, s’ajoute « le retour de puissances autoritaires, au voisinage de l’Europe, qui nous fragilisent également très profondément », ajoute M. Macron, citant la Turquie et la Russie. En conséquence, il estime que si les Européens n’ont « pas un réveil, une prise de conscience de cette situation et une décision de s’en saisir, le risque est grand, à terme, que géopolitiquement nous disparaissions, ou en tout cas que nous ne soyons plus les maîtres de notre destin. Je le crois très profondément ».

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7 novembre 2019

Avec la fin de la taxe d’habitation, incertitudes sur l’avenir de la redevance audiovisuelle

Par Sandrine Cassini, Audrey Tonnelier

La perception de la taxe qui finance l’audiovisuel public était couplée à la taxe d’habitation, appelée à disparaître progressivement d’ici 2023.

C’est un serpent de mer qui risque fort de redevenir d’actualité. Alors qu’un rapport émanant du ministère de la culture et de Bercy doit être remis dans les prochains jours sur la réforme de la contribution à l’audiovisuel public, le devenir de la redevance audiovisuelle semble plus incertain que jamais. Le ministre de la culture Franck Riester a pourtant assuré à plusieurs reprises que cette taxe – mal comprise par les Français, qui souvent ne savent pas qu’elle finance France Télévisions, Radio France, Arte ou France Médias Monde (France 24, RFI…) – serait pérennisée.

Mais sa réforme prend l’allure d’un casse-tête. Aujourd’hui, sa perception auprès de 28 millions de foyers est couplée à celle de la taxe d’habitation : les deux impôts figurent sur un même avis envoyé chaque année à l’automne, et payable avant la mi-novembre. Ce mode de collecte avait été choisi afin de réduire le coût de perception, tout en étant sûr de toucher un maximum de foyers.

Mais la taxe d’habitation, supprimée par tiers depuis 2018, doit disparaître totalement l’an prochain pour 80 % des Français, et d’ici 2023 pour les 20 % les plus aisés. Comment, dès lors, préserver la perception de la redevance, sans faire exploser son coût ? Parmi les pistes de réflexion, le gouvernement songe à adosser cette taxe à l’impôt sur le revenu. Problème : moins de la moitié des foyers fiscaux y est assujettie. En outre, au sein d’un même foyer, les individus – des concubins, des colocataires etc. – peuvent déclarer séparément leurs revenus. Le rapport, qui devait à l’origine être rendu le 30 juin, doit proposer des pistes évitant cette double taxation, et tous les effets de bords qui pourraient naître de la réforme.

Enfin, le gouvernement ne profiterait-il pas de cette réforme pour modifier le mode de calcul de la redevance, en fixant par exemple son montant – aujourd’hui de 139 euros par an, et de 138 l’an prochain – en fonction de la taille du foyer fiscal (célibataire ou avec enfants) ? Politiquement explosive, cette piste, évoquée par Le Figaro du 6 novembre, a été démentie par Edouard Philippe mercredi soir. « On n’a aucun projet de moduler le paiement de la redevance en fonction de la composition de la famille », a indiqué le premier ministre sur BFM-TV.

Pour concocter cette réforme, Bercy et le ministère de la culture regardent ce qui se fait à l’étranger. En Allemagne, chaque foyer est taxé, peu importe qu’il possède un téléviseur ou pas. Une source d’inspiration pour tous ceux – plusieurs rapports du Sénat ont plaidé en ce sens – qui militent depuis longtemps pour l’élargissement de cet impôt au-delà des propriétaires de téléviseurs, alors que le petit écran perd du terrain face aux tablettes et autres smartphones. En Suède, l’impôt est proportionnel aux revenus, et en Italie, il est associé à la facture d’électricité.

La question inquiète les dirigeants de l’audiovisuel public

Une chose est sûre, la question inquiète les dirigeants de l’audiovisuel public, au-delà du débat technique. En effet, le financement de la télévision et de la radio publiques n’est pas sanctuarisé dans le projet de loi audiovisuel, qui doit être présenté en conseil des ministres en novembre, et débattu au parlement début 2020.

« L’indépendance de l’audiovisuel public repose notamment sur la certitude d’avoir une taxe affectée. Si demain, ces recettes sont reversées au budget de l’Etat, il pourra facilement décider de moins financer un média qui lui déplaît », souligne l’un des patrons du public, rappelant que le texte est censé mettre à jour la loi de 1986 sur les médias, et doit donc être robuste dans le temps, sans se soucier des couleurs politiques qui pourraient être au pouvoir. Le gouvernement a garanti à la télé et la radio publiques une trajectoire budgétaire jusqu’à 2022. Mais après ?

Fin mars, au moment du grand débat, le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, avait jeté un pavé dans la mare, en suggérant de supprimer purement et simplement la redevance, qui a rapporté 3,2 milliards d’euros nets en 2018. « Cela coûte cher d’adresser un impôt seul qui rapporte à peu près 120 euros (…) Je l’ai proposé au président de la République et au premier ministre », avait indiqué l’ancien membre du parti Les Républicains. Finalement, le chef de l’Etat avait choisi de baisser plutôt l’impôt sur le revenu. Mais mi-mai, le Premier ministre Edouard Philippe avait précisé que « compte tenu de la suppression à terme de la taxe d’habitation, il faudra qu’on se pose la question du financement de l’audiovisuel et peut-être de la redevance » une fois la première totalement supprimée.

L’année précédente, Bercy avait même envisagé d’amputer le budget de France Télévisions de 800 millions d’euros. De quoi donner des sueurs froides à l’audiovisuel public.

6 novembre 2019

Assistants parlementaires du MoDem : François Bayrou convoqué en vue de sa mise en examen

Par Gérard Davet, Fabrice Lhomme

Les juges soupçonnent le parti centriste d’avoir utilisé des crédits européens pour rémunérer des assistants parlementaires d’eurodéputés.

L’affaire des emplois « fictifs » du MoDem sort brutalement de sa léthargie judiciaire. Les principales figures du parti centriste, Sylvie Goulard, Marielle De Sarnez et François Bayrou ont été convoquées « aux fins de mise en examen » respectivement les 2, 5 et 6 décembre. L’ouverture d’une procédure judiciaire avait entraîné, en juin 2017, la démission de M. Bayrou du poste de garde des sceaux, de même que celle de la ministre des affaires européennes, Marielle de Sarnez, et de sa collègue des armées, Sylvie Goulard. Ouverte le 19 juillet 2017 pour « abus de confiance et recel, escroquerie et détournement de fonds publics », l’information judiciaire a été confiée aux juges Charlotte Bilger, Bénédicte de Perthuis et Patricia Simon, qui veulent entendre au total quatorze personnes, entre le 15 novembre et le 6 décembre.

Parmi elles, huit personnalités du MoDem ayant siégé entre 2007 et 2019 au Parlement européen : outre Mmes de Sarnez et Goulard, il s’agit de Claire Gibault, Nathalie Griesbeck, Jean-Luc Bennahmias, Bernard Lehideux, Thierry Cornillet et Janelly Fourtou. Jean-Jacques Jégou, trésorier du MoDem depuis 2009, et son prédécesseur Michel Mercier, ancien garde des sceaux, sont également convoqués, fin novembre. Le MoDem est soupçonné d’avoir utilisé, depuis 2007, les crédits européens pour rémunérer des assistants parlementaires travaillant au service du parti.

Remboursement de 45 000 euros au Parlement européen

Au mois de septembre, Mmes Goulard – dont la candidature au poste de commissaire européen a été rejetée le 10 octobre par le Parlement européen – et de Sarnez, M. Bayrou et plusieurs anciens assistants parlementaires avaient été interrogés par les policiers. Le Monde a pu prendre connaissance de leurs dépositions et des découvertes faites par les enquêteurs qui, en deux ans, ont pu accumuler témoignages accusateurs et documents troublants, même s’ils laissent la place à des marges d’appréciation.

Ils se sont notamment appuyés sur les déclarations de Corinne Lepage, députée européenne de 2009 à 2014 et qui avait dénoncé publiquement l’existence d’un système d’emplois fictifs. Entendue comme témoin le 26 juin, Mme Lepage, qui a quitté le MoDem, a évoqué un document qu’elle aurait refusé de signer « puisqu’il était précisé que je devais mettre à disposition un assistant parlementaire au siège du MoDem, et je m’y suis opposée ». D’après Mme Lepage, les dirigeants du parti « n’étaient pas contents, cela a semé la zizanie, d’autres eurodéputés étaient plus “souples” que moi ». « Marielle de Sarnez a dû marquer son mécontentement, a-t-elle ajouté. J’ai refusé de signer ce document après [avoir été] élue et donc le parti n’avait pas de moyen de pression sur moi. »

Interrogée par la suite, le 10 septembre, Sylvie Goulard a été mise en difficulté sur le contrat d’assistant parlementaire consenti à Stéphane Thérou. Des doutes persistants entourent la consistance du travail effectué depuis 2009 par M. Thérou, dont le bureau était situé… au siège du MoDem, à Paris. Selon Mme Goulard, « il faisait le lien avec les acteurs locaux : une association d’insertion, un patron, etc. ».

Au printemps 2014, M. Thérou – convoqué le 29 novembre par les juges – fait part de son souhait de partir dans le privé. A partir de ce moment, il aurait cessé de travailler pour le Parlement européen, estiment les policiers. Pourtant, Mme Goulard lui fait signer un nouveau contrat : « Il était prévu qu’il démissionne après quelques mois. (…) Mais cette période s’est révélée beaucoup plus longue que ce que Stéphane Thérou m’avait laissé entendre et même promis. » In fine, à la demande du Parlement européen, Mme Goulard a été contrainte de rembourser 45 000 euros brut, soit les sept mois de salaires versés à M. Thérou de juillet 2014 à février 2015. « J’ai finalement été très humaine dans cette affaire, peut-être trop », concède-t-elle.

Témoignages problématiques et note gênante

Impliquée à double titre dans la procédure en ses qualités de vice-présidente du MoDem et d’ex-députée européenne (de 1999 à 2017), Marielle de Sarnez a contesté devant la PJ, le 12 septembre, avoir participé à la moindre malversation. Elle a notamment été questionnée sur les déclarations de Quitterie Delmas-de Villepin. Cette ex-assistante parlementaire de M. Lehideux et de Mme Fourtou du temps de l’UDF, ancêtre du MoDem, a assuré aux enquêteurs avoir travaillé uniquement pour ce parti, et non pour le Parlement européen.

« Ma supérieure hiérarchique était Marielle de Sarnez qui était numéro deux de l’UDF à ce moment-là », a même précisé Mme Delmas à la PJ, en janvier. « Je pense que les faits dont vous me parlez sont faux, s’est agacée Mme de Sarnez. Tout le monde connaissait Quitterie Delmas à travers sa volonté d’être tête de liste aux élections européennes [en 2009] pour la région Centre, ce qui n’a pas été le cas au final. Je pense que le fait qu’elle n’ait pas été choisie comme tête de liste a pu générer chez elle une certaine amertume. »

Mme de Sarnez est également mise en cause, en tant qu’ex-parlementaire cette fois, par l’un de ses anciens assistants (de novembre 2009 à mai 2010), Benoît Auguste. Ce dernier a affirmé aux policiers n’avoir jamais travaillé pour le Parlement européen mais s’être mis au service des ambitions personnelles de la vice-présidente du MoDem, qu’il aurait notamment « aidée à préparer des discours ». Il se souvient par exemple que Mme de Sarnez lui avait « demandé d’être à la Maison de la chimie pour la campagne des régionales [en mars 2010]. Je précise que c’était une obligation. (…) On ne peut pas dire non à Marielle de Sarnez. Si je disais non, elle me virait, d’autant plus que j’étais en période d’essai ». Des accusations que Mme de Sarnez a réfutées : « C’est une invention et c’est de surcroît parfaitement incrédible. »

Autres témoignages problématiques, ceux d’assistants parlementaires européens rattachés à Mme de Sarnez qui ont révélé avoir passé l’essentiel de leur temps à l’aider à écrire un livre, L’urgence européenne (Thaddée, 2014), fruit d’entretiens entre l’eurodéputée et Sandro Gozi, un ancien secrétaire d’Etat italien. « Les retranscriptions représentaient la majorité de mon travail », a ainsi assuré Hadrien Laurent. « Ce livre a été édité, publié et vendu sous votre nom. (…) C’était donc un ouvrage de propagande à votre bénéfice ? », ont demandé les policiers. « Non, pas du tout, a réfuté Mme de Sarnez. C’était un livre au seul bénéfice de l’Europe. »

Et puis, il y a cette note gênante, signée de M. Lehideux, le 15 février 2011, révélant que les députés MoDem se devaient de recruter leurs assistants « parmi le personnel maison », c’est-à-dire « travaillant ensemble au siège du MoDem ». « C’est une note qui n’engage que lui », a rétorqué Mme de Sarnez.

« Une pure et simple diffamation »

Interrogé le 11 septembre, François Bayrou a d’abord rappelé des éléments de contexte, notamment les graves difficultés financières rencontrées par son parti après les législatives de 2012. « Nous n’avons quasiment plus de députés, donc notre financement passe de l’ordre de 2,5 millions à 1 million d’euros par an. » Conséquence : seize licenciements, sur un effectif de vingt-cinq personnes. « Et surtout, insiste M. Bayrou, nous vendons l’usufruit pour 5 ans de 40 % des locaux de notre mouvement. (…) Ainsi, lorsqu’on nous accuse d’avoir fait des opérations frauduleuses pour pallier des difficultés financières, c’est une pure et simple diffamation. »

S’agissant des assistants parlementaires, M. Bayrou confirme que « la plupart travaillaient » au siège du parti, mais que seuls les députés y avaient des bureaux réservés. Parmi eux, Sylvie Goulard, qui s’est faite plus rare à partir de 2012. M. Bayrou croit savoir pourquoi : « Je pense qu’elle souhaitait se rapprocher du pouvoir. J’ai été très choqué par la phrase de Mme Goulard dans une interview où elle a déclaré : “Un député européen, ça ne s’adresse pas au petit peuple français.” Cette phrase-là, dont je voyais bien qu’elle représentait sa pratique, je l’ai trouvée très choquante. » Concernant la nature du travail fourni par les attachés parlementaires, M. Bayrou a renvoyé systématiquement aux députés eux-mêmes, seuls « ordonnateurs » de leurs assistants. « Je n’ai pas la compétence sur la gestion des assistants parlementaires », a résumé le patron du MoDem.

Ainsi, s’agissant de Matthieu Lamarre, détaché auprès du député Jean-Luc Bennahmias, mais qui a déclaré avoir travaillé uniquement pour le MoDem, M. Bayrou s’est emporté : « C’est un pur mensonge et s’il n’a pas fait le travail prévu au contrat avec M. Bennahmias, c’est lui qui est en faute professionnelle grave. » Pour M. Bayrou, les déclarations de M. Lamarre, désormais chargé de la communication d’Anne Hidalgo, ne doivent rien au hasard : « Evidemment, une telle dénonciation ne peut avoir été faite sans l’accord de la maire de Paris. Lorsqu’il a quitté le MoDem, il a déclaré : “De toute façon, je me vengerai…” » M. Bayrou rappelle qu’à cette période, le MoDem avait « deux conflits majeurs avec Mme Hidalgo ».

M. Bayrou a par ailleurs pris soin de voler au secours de Mme de Sarnez, notamment au sujet de Karine Aouadj. Assistante parlementaire de l’ex-députée européenne, elle aurait en fait été à son service personnel. « Je tiens à souligner la dérive complète des accusations à la base de cette affaire, a tonné M. Bayrou. On dit que Karine Aouadj travaillait comme “la gouvernante de Mme de Sarnez” pour ses affaires privées, ce qui est n’importe quoi. » Quant à la note embarrassante de M. Lehideux, M. Bayrou assure qu’il en ignorait l’existence, mais pense qu’il doit s’agir d’« une confusion ».

Réagissant mardi 5 novembre au soir à l’annonce de sa convocation, M. Bayrou a déclaré : « Ce n’est pas parce qu’il y a une convocation qu’il y aura une décision de mise en examen. »

6 novembre 2019

Politique / Justice

ALERTE-Politique-Justice: François Bayrou, Marielle de Sarnez et Sylvie Goulard convoqués par les juges en décembre en vue d’une mise en examen (Le Monde)

Le Monde révèle que l’ex-garde des Sceaux et président du MoDem François Bayrou est convoqué le 6 décembre en vue d’une mise en examen par les juges qui instruisent le dossier dit des assistants parlementaires du parti centriste.

Marielle de Sarnez et Sylvie Goulard, également ex-ministres éphémères du gouvernement d’Edouard Phillipe, sont elles aussi convoquées par les magistrats instructeurs, précise Le Monde.

27 octobre 2019

Ismaël Emelien, l’homme qui murmure encore à l’oreille du président Macron

Par Solenn de Royer, Olivier Faye

L’ancien conseiller spécial du chef de l’Etat, qui a quitté l’Elysée en mars, prépare discrètement les prochaines échéances électorales.

C’était le secret le mieux gardé de la Macronie. Retranché dans l’ancien bureau d’Emmanuel Macron à l’Elysée, dans les hauteurs du palais, le « conseiller spécial » du président Ismaël Emelien fut, pendant deux ans, l’objet de tous les fantasmes. L’homme « à l’épicentre de la conquête du pouvoir », comme dit un proche du chef de l’Etat, ne se racontait pas, ou si peu, à la presse.

Le silence a alimenté le mystère, nimbant le sorcier du macronisme de l’aura d’un pouvoir dont l’étendue était difficile à mesurer. Lui qui s’intéresse au nudge, cette théorie marketing consistant à influencer les comportements à l’aide d’invisibles coups de pouce, s’est vu prêter beaucoup de décisions, sans jamais chercher à y imprimer sa marque.

Cette période est révolue depuis son départ de l’Elysée, en mars. L’usure du pouvoir, à 32 ans, a déjà fait son œuvre. L’affaire Benalla est passée par là, aussi. Tout comme l’envie de se projeter vers une nouvelle campagne, celle de 2022.

Surtout, celui qu’on ne voyait jamais sur la photo, « l’ombre, le fantôme de l’Elysée » – comme le décrivait alors en souriant le président du groupe La République en marche (LRM) à l’Assemblée nationale, Gilles Le Gendre – s’est incarné en chair et en os : il porte la coupe bien dégagée sur les côtés et la barbe à peine négligée. Décontracté mais pas trop, comme peut l’être n’importe quel trentenaire fréquentant les bars lounges des arrondissements à un chiffre, ceux du centre de Paris, les plus prisés. En fonction de l’heure de la journée, un gin tonic – sa boisson fétiche – peut être posé devant lui.

8 409 exemplaires vendus

Depuis six mois, l’ancien conseiller qui quittait chaque soir le palais tard dans la nuit a lu, voyagé, s’est reposé. Il a sorti un livre, aussi, ou plutôt un « manifeste », écrit avec David Amiel, autre ex-conseiller élyséen.

C’est même la raison officielle pour laquelle il a quitté son poste auprès d’Emmanuel Macron. Le progrès ne tombe pas du ciel (Fayard, 176 p., 15 euros) se voulait un manuel du progressisme, en vente dans toutes les bonnes librairies et dans les raouts de LRM, comme à Bordeaux, en septembre, lors du campus de rentrée du parti.

Les deux jeunes auteurs ont enchaîné télés et radios au printemps pour en faire la promotion. Mais l’ouvrage a été fraîchement reçu, aussi bien par le monde politique – qui l’a jugé décevant et hors-sol – que par le public. Selon l’institut GFK, 8 409 exemplaires ont été vendus. Ils espéraient bien plus.

« Ce livre l’a démonétisé, soupire un ancien conseiller de la présidence, qui voit Emelien de temps en temps. Les gens ont vu en lui un génie, ce qu’il n’avait jamais dit qu’il était. Ismaël est un garçon qui ne se la pète pas. C’est un type “smart” au sens anglo-saxon, c’est-à-dire agile, rapide, qui relie les choses entre elles. Mais ce n’est pas Jacques Attali… »

Chasser les « idées reçues »

Ses amis veulent néanmoins se montrer encourageants. « C’était une contribution intellectuelle à notre doctrine, nos cadres ont apprécié », insiste un proche d’Emmanuel Macron, qui relativise les mauvaises critiques : « Son livre n’est pas arrivé au bon moment. Et ce n’était pas un format adapté à la littérature politique française. On n’a pas l’habitude de ce genre d’ouvrages en France. »

Raison pour laquelle, sans doute, l’ancien conseiller n’a eu de cesse, ces derniers mois, que de voyager à l’étranger pour évangéliser les ouailles d’outre-Hexagone, et leur conter l’aventure du macronisme, en chassant les « idées reçues ».

Ismaël Emelien a ainsi couru les conférences et les think tanks à Porto, Madrid, Londres, Washington, Istanbul… « Il y a un intérêt méthodologique et théorique pour ce qu’on a fait », veut croire le délégué général de LRM, Stanislas Guerini, par ailleurs grand ami dans le privé d’« Isma », dont il a été le témoin de mariage.

A l’orée de la dernière présidentielle, le « grand œuvre » de l’ancien d’Euro RSCG (désormais groupe Havas) est d’avoir perçu, comme Emmanuel Macron, qu’il était possible de renverser l’ordre ancien des partis, perclus de clivages paralysants et animés d’idées recuites. Mais la suite, pour le jeune spin doctor, n’a pas été à la hauteur de l’espérance soulevée. Son influence, assure-t-on, serait allée decrescendo.

« On lui doit la majeure partie de la victoire en 2017. C’était le plus intelligent de tous, le plus visionnaire. Mais à l’Elysée, ça ne l’a plus fait…, assure un haut responsable de la Macronie, qui raconte n’avoir été d’accord avec aucune de ses propositions, ou presque, depuis deux ans et demi. Certaines personnes sont meilleures dans la conquête, poursuit cette source. Comme Don Juan, qui collectionne les succès féminins mais ne trouve jamais l’amour. »

Un opérationnel

Dans son livre, le trentenaire assure mesurer lui-même la hauteur de l’obstacle qui consiste à s’installer aux responsabilités. « Il est plus difficile pour les progressistes d’exercer le pouvoir que de le conquérir », écrit-il, critiquant les « forces d’inertie », les « intérêts particuliers » et les « habitudes » auxquelles il faut se confronter. Certains anciens, comme le président (LRM) de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, ou celui du MoDem, François Bayrou, ont su mieux occuper l’espace que lui.

« La conquête et l’exercice du pouvoir sont des moments très différents pour ceux qui conseillent, analyse Philippe Grangeon, 62 ans, actuel conseiller spécial d’Emmanuel Macron à l’Elysée. Dans l’Etat, le poids de la technostructure, l’âge, l’expérience, comptent énormément. L’Elysée est un lieu d’impulsion plus qu’opérationnel. Ismaël est un opérationnel. »

Un opérationnel qui continue à alimenter toute la Macronie de ses idées. En particulier le patron de LRM, Stanislas Guerini, qu’il coache avant ses discours, ses débats télévisés, ou qu’il a conseillé sur l’organisation du campus du parti à Bordeaux. Il donne aussi des coups de main à l’ancien porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, pour tenter de regonfler sa campagne municipale à Paris.

Enfin, les conseillers de l’Elysée le croisent parfois dans les couloirs du palais lorsqu’il sort du bureau du secrétaire général de la présidence, Alexis Kohler. Nul ne sait, en revanche, ce qu’il murmure au « boss », Emmanuel Macron, dans les messages qu’ils continuent d’échanger.

Clan des « mormons »

Ismaël Emelien est sorti de l’Elysée avec une idée en tête, qu’il n’avoue qu’à demi-mot : préparer l’élection présidentielle en 2022. Etre un homme de campagne est, au fond, le rôle dans lequel il se sent le plus à l’aise. « On avait un temps d’avance entre 2014 et 2017, estime-t-il. On l’a perdu. Par rapport au pays et aux Français, pas aux oppositions. Il faut le reconstruire, ça m’intéresse. On ne peut pas reprendre un temps d’avance en restant à l’Elysée. »

En revanche, il jure ses grands dieux qu’il n’anime « pas une cellule pour 2022 ». « Il a une action de militant politique, il contribue au débat d’idées », souligne la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, membre, comme lui, du clan des « mormons », ces fidèles de la première heure.

L’ancien conseiller approuve le virage régalien du chef de l’Etat, ou son appel lancé à la jeunesse pour qu’elle se retrousse elle-même les manches sur l’écologie.

Dans une tribune au Monde, en juin, il appelait à « traiter » les causes du vote en faveur du Rassemblement national. « Il a à l’esprit, et comme préoccupation, que les populistes n’arrivent pas au pouvoir en 2022 », souligne le secrétaire d’Etat Adrien Taquet, lui aussi présent aux premiers jours du macronisme.

« Un tout petit truc de haute couture »

En juin, Ismaël Emelien a créé une société de conseil, Unusual (« inhabituel », en anglais), pour « aider les entreprises à éviter qu’elles ne deviennent les Kodak ou les Nokia de demain ». « Un tout petit truc de haute couture », dit-il, qu’il anime seul. Impossible de connaître les noms de ses clients, qu’il refuse de donner. On sait, grâce à une indiscrétion de Mediapart, que le groupe de luxe LVMH, présidé par le milliardaire Bernard Arnault, en fait partie. « Je ne fais pas de lobbying pour mes clients [auprès de l’Elysée] », jure-t-il. « C’est alimentaire, pour pouvoir continuer à donner des conseils en politique », assure un « mormon ».

En prodigue-t-il aussi à son ami Alexandre Benalla, qui fait miroiter l’hypothèse d’une candidature aux municipales à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) ?

« Nous ne nous parlons plus », assure l’ancien conseiller, qui refuse de commenter les aventures de l’ex-chef de cabinet adjoint de l’Elysée : « Je ne me risquerai pas à faire l’exégèse de ce que fait Alexandre Benalla. »

En janvier, Ismaël Emelien a été entendu par l’IGPN, la police des polices, pour avoir contribué à diffuser en ligne des images tirées ­illégalement de la vidéosurveillance de la Préfecture de police, à Paris. Transmises par Benalla lui-même, elles étaient censées créer un contre-feu à son coup d’éclat de la place de la Contrescarpe, le 1er mai 2018. Le conseiller assure qu’il ne connaissait pas leur provenance, et qu’il a agi dans le seul intérêt d’Emmanuel Macron. Retrouver son nom associé à l’affaire l’a secoué, assurent ses proches. « Il a fait ce qu’un conseiller en communication de crise fait pour son patron », défend un « mormon ». Quitte à en payer le prix.

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22 octobre 2019

Tribune - François Hollande : « Instaurer un véritable régime présidentiel, avec un Parlement plus fort »

Par François Hollande

L’ancien chef de l’Etat plaide, dans une tribune au « Monde », pour un président chef du gouvernement, avec un mandat de six ans, et une Assemblée nationale aux pouvoirs étendus. Des propositions qu’il présente dans « Répondre à la crise démocratique ».

Qui peut nier le malaise qui s’est installé dans la démocratie ? Il n’est pas une singularité française. Les Etats-Unis, comme souvent, en sont l’expression la plus criante et la plus désolante, avec un président qui bouscule toutes les règles.

En Europe, les extrémistes font vaciller les régimes parlementaires qui paraissaient les plus robustes. Ils prétendent au pouvoir, comme en Italie, et, quand ils ne l’occupent pas, ils perturbent la formation des gouvernements. Au Royaume-Uni, la bataille sur le Brexit a fini par déstabiliser la Chambre des communes, pourtant jugée comme étant le Parlement le plus puissant du monde. A l’Est, l’indépendance de la justice et la liberté sont de plus en plus mises en cause.

Apparente stabilité

Partout, les grands partis reculent. Partout, les citoyens expriment leurs exaspérations face à l’impuissance des gouvernants devant les défis les plus urgents. Partout, la défiance se cristallise sur les élus, leur nombre, leurs prétendus avantages et, au bout du compte, sur la démocratie elle-même.

Il en est même qui, au nom de la survie de la planète, appellent à instaurer des solutions autoritaires pour sauver l’espèce humaine. Certains vont jusqu’à vanter, dans le concert des nations, la supériorité de la Chine ou de la Russie, dont l’avantage majeur serait de ne pas être embarrassées par les contraintes du pluralisme.

« SI LA PERSONNALISATION DU POUVOIR EST NÉCESSAIRE ET MÊME IMPÉRIEUSE DANS UNE DÉMOCRATIE, ELLE A PRIS DES FORMES QUI, LOIN DE CONVAINCRE LE CITOYEN, STIMULENT SA COLÈRE »

La France n’échappe pas à ce mouvement général. Elle l’a même précédé. C’est dans notre pays que l’extrême droite a jailli au milieu des années 1980. C’est en France que la protestation se traduit par des mobilisations de rue, des violences urbaines ou des grèves plutôt que par l’ouverture de grandes négociations.

Cette réalité a été longtemps occultée par l’apparente stabilité que confère à nos institutions la Ve République. La place prééminente du président de la République et son élection au suffrage universel, la discipline majoritaire au sein de l’Assemblée nationale ont pu donner l’illusion que le système tenait bon alors qu’il craquait de toutes parts.

Redonner confiance aux citoyens dans leurs élus

Pour colmater les brèches, chaque président a tenté de moderniser nos institutions. Mais les réformes successives n’ont pas changé profondément la relation entre le pays et ses représentants et le « dégagisme » menace ceux-là mêmes qui l’avaient convoqué.

Le quinquennat, qui a réduit encore l’horizon, a sûrement une part de responsabilité dans ces excès, d’autant qu’il s’est conjugué avec l’immédiateté de l’information et la mise en équivalence de celle-ci avec les opinions charriées par les réseaux sociaux.

Ce malaise dans la démocratie appelle des réponses fortes à la mesure du danger qui grossit. Ces réponses sont d’abord politiques et relèvent des partis, de leur capacité à soulever un espoir crédible et à porter des solutions face aux peurs qui s’emparent de notre société.

Mais elles sont aussi institutionnelles. Je ne prétends pas que les procédures constitutionnelles règlent, par une espèce de magie, les défauts et les failles d’un système politique, mais elles contribuent à modifier les comportements des responsables, à rendre lisibles et rapides leurs décisions, à favoriser les compromis plutôt que les affrontements et à redonner confiance aux citoyens dans leurs élus.

Le dilemme impossible de l’Assemblée nationale

J’ai voulu mettre mon expérience de président de la République au service de cette réflexion. Notre Constitution tente de plus en plus mal de conjuguer le régime parlementaire avec une dérive présidentialiste qui ne date pas d’hier.

Loin d’ajouter les avantages de l’autorité et de la responsabilité, ce mélange des genres aboutit à une confusion au sein de l’exécutif, avec la dyarchie président-premier ministre, et à une concentration excessive des pouvoirs au détriment du Parlement. Elle conduit la majorité à l’Assemblée nationale à un dilemme impossible : la loyauté jusqu’au bout ou la fronde jusqu’à sa perte.

Si la personnalisation du pouvoir, avec la communication qui lui est liée, est nécessaire et même impérieuse dans une démocratie, elle a pris des formes qui, loin de convaincre le citoyen, stimulent sa colère. Tout remonte au chef de l’Etat, alors qu’il ne devrait se préoccuper que de l’essentiel. De même, si le Parlement dispose de pouvoirs étendus pour contrôler, enquêter et alerter, le fait majoritaire [une majorité parlementaire favorable au président de la République] et la contrainte qui pèse sur son propre calendrier en limitent considérablement l’influence.

Le citoyen, lui-même, ne parvient pas à trouver sa place. Ses moyens d’intervention (pétition, référendum d’initiative partagée…) sont enserrés dans des conditions si strictes qu’ils en deviennent virtuels. Enfin, la centralisation demeure le mal français. Autant un Etat, pour être fort, doit être présent sur le territoire et mener à bien des politiques qui rassurent et rapprochent, autant cette prétention à tout régir sans disposer des ressources correspondantes est devenue insupportable.

« LA VIE RÉPUBLIQUE EST BRANDIE PAR CEUX QUI FLATTENT LE PEUPLE POUR MIEUX LE DESSAISIR D’UNE PART DE SA SOUVERAINETÉ. JE NE CROIS CETTE PROPOSITION NI SOUHAITABLE NI POSSIBLE »

Le temps me paraît donc venu de « trancher le nœud gordien » qui a trop longtemps ligoté le débat institutionnel.

J’écarte une VIe République parlementaire qui ne serait qu’un retour à la IVe et ne serait pas de nature à nous permettre d’affronter les épreuves de notre temps. L’élection du président de la République au suffrage universel est irréversible. C’est d’ailleurs un curieux procédé que de prétendre élargir la démocratie en privant les citoyens du droit de choisir directement leur principal dirigeant. Cette VIe République est en définitive brandie par ceux qui flattent le peuple pour mieux le dessaisir d’une part de sa souveraineté. Bref, je ne crois cette proposition ni souhaitable ni possible. Et, pour tout dire, je l’estime dangereuse.

Séparation des pouvoirs

A l’inverse, je plaide pour l’instauration d’un véritable régime présidentiel, lequel revient, contrairement à bien des idées reçues, à donner au Parlement une place bien plus éminente que sa position actuelle.

En effet, dans ce cadre, le président ne nomme plus un premier ministre, mais une équipe dont il est le chef. Dès lors que le gouvernement n’est plus responsable devant l’Assemblée nationale, le président perd son droit de dissolution. L’exécutif ne peut donc plus faire pression sur le Parlement : il doit désormais composer avec lui. Ce serait encore plus vrai avec, comme je le propose, un président élu pour six ans et une Assemblée nationale élue pour quatre ans.

L’avantage d’une telle séparation des pouvoirs serait la clarté dans les responsabilités et l’efficacité de l’action publique. Le président disposerait de larges compétences qu’il exercerait en propre. Il réaliserait lui-même les arbitrages au sommet de l’administration dont il serait le chef, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui puisque c’est constitutionnellement le gouvernement qui « détermine et conduit la politique de la Nation ».

« DANS LE RÉGIME PRÉSIDENTIEL QUE J’APPELLE DE MES VŒUX, LES PARTIS REPRENDRAIENT UNE PLACE IMPORTANTE DANS LE DÉBAT PUBLIC »

Dans notre pays le président doit rester un acteur majeur. C’est lui qui fixe les grandes orientations politiques du pays et l’engage à l’extérieur, mais une telle exigence n’implique cependant pas une concentration de tous les pouvoirs telle que nous la connaissons aujourd’hui. Elle ne justifie pas une domination du Parlement par l’exécutif.

Quant au Parlement, je propose d’élargir son pouvoir d’investigation, d’évaluation et d’initiative, y compris en levant les procédures qui pèsent sur le droit d’amendement. En contrepartie, il serait nécessaire d’alléger et de raccourcir la procédure législative. Dans le régime présidentiel que j’appelle de mes vœux, les partis reprendraient une place importante dans le débat public. Ils investiraient un Parlement rehaussé et capable de légiférer pleinement et souverainement.

Dans cet esprit, je ne suis pas convaincu par l’idée de réduire drastiquement le nombre de parlementaires. Cette « déflation » provoquerait un éloignement encore plus prononcé des députés par rapport à leur territoire. L’antiparlementarisme a un appétit insatiable et finira, si on continue à l’alimenter, par dévorer le corps même de la République.

Faire coïncider toutes les élections locales

De même que le travail du Parlement doit être revalorisé, la place des collectivités locales doit être pleinement reconnue. Pour la consacrer, je propose de transférer une large part des compétences de l’Etat et de regrouper le même jour toutes les élections locales (commune, département, région), avec le même mode de scrutin. Cette coïncidence des dates serait aussi une reconnaissance des missions de ces collectivités.

Enfin il serait opportun, sur certains textes, de convoquer une assemblée de citoyens tirés au sort, pour un temps limité. Elle débattrait non des détails du projet, mais de son orientation générale.

L’exemple de la concertation sur l’écologie est intéressant à suivre. Tout dépendra des suites qui lui seront données. Mais veillons à ne pas demander à cette procédure plus qu’elle ne peut donner : un éclairage utile, mais pas une réponse formelle. Une préparation, mais pas une conclusion. Une association, mais pas une substitution au Parlement.

« JE VEUX CONVAINCRE LES FRANÇAIS QUE NOUS DEVONS GARDER LA STABILITÉ QUE CONFÈRE LA VE RÉPUBLIQUE SANS RESTER DANS L’IMMOBILISME INSTITUTIONNEL »

Il ne peut être question, au nom de la démocratie citoyenne, d’écarter les forces vives de la délibération collective. Il est d’ailleurs un lieu où elles pourraient trouver toute leur place. Je suggère la création d’une agence du long terme, nouvelle forme d’une planification stratégique dont notre pays a tant besoin pour préparer les choix d’avenir sur l’écologie et l’énergie. La Nation tout entière doit participer aux choix d’investissement, qui vont déterminer son destin. Autant elle a besoin de confrontations sur les moyens d’y parvenir, autant elle requiert un consensus sur les buts à atteindre. Cette méthode remettrait démocratie politique, démocratie sociale et démocratie participative en harmonie.

Je suis conscient que bien des remèdes à la crise démocratique portent sur des questions économiques, sociales et territoriales dont le règlement est majeur pour garder le lien entre l’Etat et la Nation. Je suis également convaincu que l’enjeu climatique exigera de nouvelles formes de participation citoyenne et que notre Constitution elle-même devra intégrer des objectifs écologiques pour leur donner une force obligatoire. Mais je veux convaincre les Français que nous devons garder la stabilité que confère la Ve République sans rester dans l’immobilisme institutionnel. Notre pays a besoin de clarté, d’équilibre et d’engagement. Tel est le sens de mes propositions.

François Hollande a été président de la République de 2012 à 2017, et premier secrétaire du Parti socialiste de 1997 à 2008. Il publie « Répondre à la crise démocratique » (Fayard-Terra Nova, 126 pages, 14 €), en librairie le 23 octobre.

18 octobre 2019

Enquête - Aux obsèques de Jacques Chirac, un requiem pour l’ancien monde

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Par Solenn de Royer, Vanessa Schneider

Trois semaines après la mort de l’ancien président de la République, les langues se délient peu à peu sur les coulisses et les petits secrets de la messe célébrée en l’église Saint-Sulpice, à Paris, lundi 30 septembre. Retour sur cette journée particulière.

Les pigeons dansent au-dessus de la place, dans un ciel incertain. Vêtu d’un costume sombre, Frédéric de Saint-Sernin traverse le parvis de Saint-Sulpice, à Paris, gravit le tapis rouge et pénètre dans l’église quand l’orgue commence à jouer.

La messe pour Jacques Chirac n’a pas encore débuté. Comme les chiraquiens du premier cercle, ce « bébé Chirac » arrive directement des Invalides, où il a assisté à un premier office en l’église Saint-Louis, réservé à la famille et aux proches.

Quand Saint-Sernin, ancien conseiller à l’Elysée, devenu député RPR, puis secrétaire d’Etat, aujourd’hui reconverti dans l’humanitaire, a appris la mort de son « grand homme », le 26 septembre, il s’est « effondré en sanglots ». Cloîtré dans son bureau, il a refusé de répondre au téléphone. Un autre « bébé Chirac », Philippe Briand, l’a fait changer d’avis : « Il faut que tu parles aux médias, sinon ce sont les balladuriens qui vont occuper le terrain ! »

Au soir du décès, tous deux ont noté que « ceux qui se bousculaient à la télévision la larme à l’œil » étaient « les moins proches », comme Michel Barnier, « un des premiers à avoir trahi ». Vingt-cinq ans plus tard, les blessures de la guerre fratricide entre Chirac et Balladur demeurent intactes.

Ceux qui viennent des Invalides notent le contraste entre les deux assemblées. Après l’émotion de Saint-Louis, l’atmosphère à Saint-Sulpice est plus froide, formelle, plus mondaine aussi. La veille, l’ancien chef du service de presse de l’Elysée, Laurent Glépin, a été assailli de SMS de gens se présentant comme de fidèles chiraquiens, dans l’espoir de recevoir le mail de l’Elysée. Celui-ci conviait à un « service solennel » le lundi 30 septembre, « à 12 heures précises ». « Tenue de ville sombre et uniforme », était-il précisé, « entrée avant 11 heures ».

« Bienvenue au bal des faux-culs »

Visages graves ou de circonstance, les invités ont plus d’une heure à patienter. Toute la République est là, ancien et nouveau monde mêlés. Cinquante années de la vie politique nationale, et autant d’arrière-pensées, dans une même église. « Un concentré d’Histoire et d’histoires », note François Bayrou, ex-ministre de Chirac, qui a contribué à la victoire de Macron en 2017.

« L’ÉQUIPE DE RAFFARIN S’EST RETROUVÉE DERRIÈRE LES SOCIALISTES DE JOSPIN, ÇA FAISAIT UN PEU DRÔLE TOUT DE MÊME », NOTE JEAN-JACQUES AILLAGON

Le protocole a placé les anciens ministres du défunt à gauche de la nef, derrière la famille. Le gouvernement d’Alain Juppé (1995-1997), d’abord, celui de la victoire inespérée. Puis celui de la cohabitation avec le socialiste Lionel Jospin (1997-2002), né de la dissolution ratée.

Derrière, les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin (2002-2005) et de Dominique de Villepin (2005-2007). « L’équipe de Raffarin s’est retrouvée derrière les socialistes de Jospin, ça faisait un peu drôle tout de même », note l’ancien ministre de la culture Jean-Jacques Aillagon. Reléguée sur les bancs des parlementaires, Nadine Morano se demande pourquoi un carré n’a pas été réservé « aux anciens ministres de Nicolas Sarkozy ».

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Chaque invité a son nom inscrit sur une feuille de papier. Certaines chaises demeurent vides, comme celle de l’ancienne présidente du Parlement européen Nicole Fontaine, décédée en mai 2018. L’information avait échappé au protocole de l’Elysée.

Dehors, l’ex-ministre Roselyne Bachelot descend d’une moto-taxi, tout de noir vêtue. Aux Invalides, la présidente du conseil régional d’Ile-de-France, Valérie Pécresse, a pris dans sa voiture trois chiraquiens historiques, dont le taxi n’arrivait pas : Josselin de Rohan, Roger Romani et Jean-François Lamour. Tous les quatre tassés à l’arrière, ils arrivent juste derrière Edouard Balladur. « Bienvenue au bal des faux-culs », leur lance un ami, sur le parvis.

« Qu’est-ce que tu deviens, toi ? »

Les sénateurs, soixante-dix de tous bords, ont décidé de faire le trajet à pied, depuis le Palais du Luxembourg. Etrange procession transpartisane jusqu’à l’église, conduite par le président du groupe Les Républicains (LR), Bruno Retailleau.

La sénatrice (LR) de l’Indre Frédérique Gerbaud fait partie du cortège. Trop fatiguée, sa mère, Lydie, qui fut l’attachée de presse de Chirac à la Mairie de Paris, est restée dans sa maison de Châteauroux aux murs tapissés de clichés de l’ancien président. Frédérique lui a promis de tout lui raconter : « la bise » de Dominique de Villepin (« c’était sympa »), l’arrivée de Jean-Louis Debré, l’ami fidèle, le visage profondément ému de Lionel Jospin, « Sarkozy qui faisait la gueule, mais bon, il avait un rendez-vous judiciaire le lendemain », ces députés La République en marche (LRM) à l’attitude trop « débonnaire » à son goût, comme cette femme en tailleur bleu vif, qui a sorti son portable pour photographier le cercueil.

Sur les bancs des anciens ministres, on se serre dans les bras : « Qu’est-ce que tu deviens, toi ? » Les uns racontent leur retraite, d’autres leur reconversion. Frédéric de Saint-Sernin retrouve les « jupettes » de 1995, salement virées par Alain Juppé : « Françoise de Panafieu, Colette Codaccioni, ça m’a fait plaisir ! Elles n’ont pas bougé en vingt ans ! » On actualise les « 06 ». Roselyne Bachelot rappelle à l’ex-ministre socialiste Charles Josselin qu’il lui doit des coquilles Saint-Jacques, enjeu d’un pari perdu il y a longtemps, elle ne se rappelle plus quand. De son côté, Ségolène Royal discute avec son ancien collègue du Quai d’Orsay Hubert Védrine. L’ex-candidate de 2007, ministre de la famille sous Chirac, n’a pas hésité à venir rendre hommage à l’ancien président, qui fut « plus courtois avec [elle] que n’importe quel éléphant socialiste ».

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« MAINTENANT, GISCARD ET BALLADUR PEUVENT MOURIR, ILS ONT ENTERRÉ LEUR PIRE ENNEMI », GLISSE UN SÉNATEUR

Les ex-présidents ont été placés à droite de la nef. Marchant avec difficulté, Valéry Giscard d’Estaing a pris place une heure avant le début de la cérémonie, aux côtés de son épouse Anne-Aymone, rebaptisée « Anémone » par le protocole. L’ancien président entend mal et parle fort. Il s’impatiente. « Quand est-ce qu’il arrive ? », grogne-t-il. Les premiers rangs lui lancent des regards réprobateurs. « C’est bien la première fois qu’il est impatient de voir Chirac », maugrée un membre du premier cercle.

S’appuyant sur une canne à pommeau, Edouard Balladur est assis quelques rangées derrière, avec les ex-chefs de gouvernement : « Maintenant, Giscard et Balladur peuvent mourir, ils ont enterré leur pire ennemi », glisse un sénateur à son voisin.

« Le rendez-vous des revenants »

Nicolas Sarkozy est accompagné de son épouse. Comme souvent, Carla est placée par le protocole à côté de François Hollande, qu’elle a surnommé « le pingouin » dans une chanson. Mais il faut bien faire semblant. Elle lui demande pourquoi Bernadette Chirac n’est pas là. « Elle est très malade », lui répond l’ancien président. Surprise, Carla écarquille les yeux. Plus tard, la chanteuse s’enquerra, de nouveau auprès de Hollande, d’une information qui agite les rangs des chefs d’Etat. Qui est cette femme qui accompagne Vladimir Poutine et qui ne semble pas être son épouse ? Personne ne sait qu’il s’agit d’une interprète.

« SUR QUATRE RANGÉES [DU GOUVERNEMENT PHILIPPE], DEUX NOUS ÉTAIENT INCONNUES », RACONTE JEAN-PIERRE RAFFARIN

Dans le carré réservé à l’actuel gouvernement, on s’embrasse, on pianote sur son portable ou on travaille ses dossiers : la ministre des sports, Roxana Maracineanu, les a étalés devant elle. « Pas très tenu », dit en soupirant un autre ministre, avant de jeter un regard derrière lui, sur les bancs des ex-chefs de gouvernement, « alignés comme les Dalton ».

Ils sont tous là, placés par ordre chronologique, de Laurent Fabius à Manuel Valls. A voix basse, Alain Juppé et Lionel Jospin s’entretiennent du Conseil constitutionnel. « Ah quand même, ça avait de la gueule ! », reconnaît un jeune ministre, saisi par une bouffée de nostalgie pour « l’ancien monde ». De leur côté, les « ex » scrutent les membres du gouvernement d’Edouard Philippe, un sourire en coin. « Sur quatre rangées, deux nous étaient inconnues, raconte Jean-Pierre Raffarin. Pour la première fois de notre histoire, on ne connaissait ni l’identité ni le parcours de chacun… »

Au dernier rang de l’église, Florian Philippot, en rupture de ban avec le Rassemblement national, se fait discret. Personne ne se presse non plus autour de l’ancien secrétaire général de l’Elysée Claude Guéant, exclu de la Légion d’honneur après sa condamnation dans l’affaire des primes en liquide du ministère de l’intérieur. Dans la nef, de vieux messieurs avancent, un peu hagards, à la recherche d’un regard capable de les reconnaître. « C’est le rendez-vous des revenants », confie Roselyne Bachelot, frappée par l’impression d’assister à un « engloutissement ».

Car, autour de la figure de Jacques Chirac, plusieurs générations politiques se jaugent, mesurent le passage du temps. C’est l’heure des bilans. Un cacique socialiste observe avec un brin de tristesse ce qu’il reste de la flamboyante « bande à Léo », ces jeunes loups regroupés autour de François Léotard, dont on disait alors qu’ils allaient tout casser à droite. Alain Madelin a les cheveux blancs, d’autres le dos voûté. « On sent les regards sur soi, ceux qui soufflent “dis donc, il a pris un coup de vieux !” en vous voyant , remarque Aillagon. En même temps, c’est normal, on pense la même chose d’eux ! »

« La fin d’une époque »

Quand entre enfin le cercueil, sur le Requiem de Fauré, le silence se fait. Sur les bancs des jeunes ministres, certains se signent, sous le regard réprobateur des anciens, qui connaissent la réserve républicaine imposée par la fonction.

Un chœur polyphonique chante le De profundis. Plongé dans ses pensées, Dominique de Villepin fixe la peinture murale de Delacroix, La Lutte de Jacob avec l’ange, le chef-d’œuvre de Saint-Sulpice. « Quelle formidable métaphore politique, dit-il. Chacun ici a été en lutte avec ses démons, comme avec les anges. Chacun a eu son jour tragique. »

GÉRALD DARMANIN SORT SON OBOLE. « C’EST BIEN NORMAL, C’EST LE MINISTRE DU BUDGET… ! », POUFFENT SES VOISINS

Pendant l’offertoire, un quêteur sillonne l’église. En bons élus locaux, le ministre de la cohésion des territoires Sébastien Lecornu et celui des relations avec le Parlement Marc Fesneau sortent leur obole. Gérald Darmanin est le suivant : « C’est bien normal, c’est le ministre du budget… ! », pouffent ses voisins.

Mais personne n’en croit ses yeux quand l’intrépide quêteur poursuit sa route jusqu’aux anciens présidents. Il se glisse entre un pilier et François Hollande, qu’il bouscule au passage. Léger flottement. Hollande sort un billet. Sarkozy s’agite, mais ne trouve rien. Carla s’impatiente : « Nicolas, tu vois bien que le monsieur attend ! »

Inquiets, les ministres suivent la progression du quêteur, lequel s’aventure cette fois du côté des chefs d’Etat étrangers. Le président congolais, Denis Sassou-Nguesso, met au pot une poignée de billets. Sollicité à son tour, le roi de Jordanie claque des doigts : un sbire accourt avec une deuxième liasse. Puis le quêteur se rapproche de Vladimir Poutine, qui a son livre de messe entre les mains. Les ministres retiennent leur souffle. D’un regard métallique, le président russe fusille le malheureux, contraint de filer sans demander son reste.

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Le Salve Regina est chanté. Puis l’archevêque de Paris asperge le cercueil d’eau bénite. Huit gardes du corps ayant assuré la sécurité de l’ancien président le soulèvent ensuite et traversent lentement la nef, vers la sortie.

Parmi eux, « Tintin » et « Clooney », ainsi surnommé parce qu’il ressemble à l’acteur américain. Le premier est resté vingt et un ans au service de Chirac ; le deuxième, treize ans. « Tintin » regarde droit devant lui, fier d’accompagner son patron « pour une dernière mission ». En voyant passer le cercueil de celui qui lui a « tout appris » – y compris comment, lors des porte-à-porte de campagne, « n’oublier personne » –, l’ancien ministre Jean-François Copé médite sur « la fin d’une époque » et prophétise : « Cette cérémonie est la dernière du genre, c’est fini. »

17 octobre 2019

Cédric Villani : «J’irai jusqu’au bout»

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Candidat dissident LREM à la mairie de Paris, Cédric Villani s’organise et tacle au passage ses deux principaux rivaux : la maire Anne Hidalgo et Benjamin Griveaux.

« Mon projet complet sera présenté en janvier, […] il sera béton », promet Cédric Villani, candidat à la mairie de Paris. 

Par Olivier Beaumont et Julien Duffé

Cinq semaines après sa déclaration de candidature, Cédric Villani se dit plus déterminé que jamais. Pas question de se rallier à son rival Benjamin Griveaux, dit-il, promettant de présenter son projet complet en janvier.

Vous avez réuni samedi 400 personnes pour un « atelier citoyen » consacré au Grand Paris. Ce sujet, on en parle depuis plus de dix ans, mais ça traîne à venir…

CEDRIC VILLANI. Maire de Paris, je bâtirai le Grand Paris dont les habitants ont besoin. Si on veut résoudre le problème des embouteillages dans Paris, évidemment qu'il faut l'envisager à l'échelle métropolitaine. Pareil pour la lutte contre la pollution ou le logement. On a perdu beaucoup trop de temps par rapport à certaines métropoles régionales et à des capitales comme Londres et Berlin. Et ce ne sera pas une construction politique alambiquée mais du concret. Parallèlement, je veux que les compétences de proximité comme la propreté soient exercées par les maires d'arrondissement au plus près du terrain.

Mais concrètement, comment l'organiser ?

Ces derniers jours, j'ai rencontré beaucoup de maires des communes limitrophes : tous m'ont dit que le dialogue avec la Ville est rompu. Bertrand Delanoë l'avait engagé, mais ce dialogue n'existe plus aujourd'hui. Je veux créer un Conseil du Nouveau Paris, qui se réunirait très régulièrement et dans laquelle le maire de Paris, les maires d'arrondissement et les maires des 28 communes limitrophes puissent bâtir ensemble des solutions pour mutualiser nos services, par exemple sur la petite enfance.

14 octobre 2019

LES REPUBLICAINS

ALERTE-Les Républicains: Christian Jacob élu président de LR

Sans surprise, Christian Jacob est élu président des Républicains au 1er tour avec 62,58 % des voix.

Il remplace donc Laurent Wauquiez, élu fin 2017 à la tête du parti, dès le premier tour, avec 74,64 % des voix.

Julien Aubert recueille 21,28 % des voix.

Guillaume Larrivé recueille 16,14 % des suffrages exprimés.

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Christian Jacob élu président des Républicains dès le premier tour

Par Julie Carriat

Favori des ténors de la droite, le député de Seine-et-Marne a recueilli 62,58 % des suffrages des adhérents du parti, devant Julien Aubert et Guillaume Larrivé.

L’heure est au soulagement pour l’establishment des Républicains : l’actuel président du groupe LR à l’Assemblée, Christian Jacob, a été élu président du parti dès le premier tour, dimanche 13 octobre, sans que ses deux adversaires, les députés Julien Aubert et Guillaume Larrivé ne parviennent à se hisser à un second tour.

La nouvelle est tombée, annoncée par le président de la Haute autorité Henri de Beauregard : 62,58 % pour Christian Jacob. Sous réserve d’éventuelles réclamations d’ici la proclamation officielle mercredi, « M. Christian Jacob sera donc proclamé élu ». Le député du Vaucluse Julien Aubert réunit 21,28 % des suffrages, le député de l’Yonne Guillaume Larrivé 16,14 %.

Pour Christian Jacob, ces 62,58 % sonnent comme un pari gagné. Après des remerciements aux militants qui « se sont exprimés en grand nombre et dans la clarté », ce dernier a félicité ses concurrents « ils auront évidemment toute leur place dans l’équipe dirigeante », eu une « pensée émue » pour son mentor, Jacques Chirac, et lancé une mise en garde.

« Chacun sait la difficulté de remettre sur les rails notre mouvement qui depuis sept ans a vécu tant de périodes critiques. Nous n’y parviendrons que si tous acceptent clairement de mettre leurs ambitions personnelles et leurs egos de côté pour se consacrer exclusivement à la préparation de notre projet d’alternance au macronisme. »
« Rendez-vous aux municipales », a-t-il ajouté, « ce sera un moment de vérité entre le macronisme et le lepénisme d’un côté, et nous de l’autre ». Parmi ses priorités : restaurer l’autorité de l’Etat, lutter contre « le poison du communautarisme et de l’immigration incontrôlée », mais aussi sur un versant social, « combattre la paupérisation des classes moyennes et des retraités ».

Aucune contestation du résultat

Ses soutiens ont salué un résultat clair, lui donnant les moyens d’œuvrer au rassemblement qu’il appelle de ses vœux. « La victoire de Christian Jacob dans ces conditions, avec une belle mobilisation, va nous permettre de reconstruire sereinement notre famille politique », a déclaré, rue de Vaugirard à ses côtés, le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti. Le député du Loir-et-Cher Guillaume Peltier, qui avait un temps songé à se présenter avant de se rallier au chiraquien, a noté pour sa part : « La loyauté, en ces temps troublés, ça compte. »

Du côté des candidats malheureux, aucune contestation du résultat. Julien Aubert, qui a passé la soirée dans sa circonscription à Carpentras, lui a adressé ses félicitations, tout en se disant « fier de [son] résultat et d’avoir fait renaître nos idées ». Guillaume Larrivé, après avoir adressé à Christian Jacob ses félicitations républicaines, a évacué les questions sur un éventuel poste dans le nouvel organigramme : « Je ne demande rien, je suis un homme libre. »

Pour l’éternel second, ancien syndicaliste agricole fidèle à l’extrême aux chefs successifs du parti en commençant par Jacques Chirac dans les années 1990, la mue en dirigeant de la formation ne va pas de soi. « Je n’y vais pas le pistolet sur la tempe, les mains dans le dos, j’y vais parce que j’ai envie », se justifiait en juin celui qui brandit en étendard son absence d’ambition présidentielle et ses talents de rassembleur pour assurer la survie de LR jusqu’aux prochaines élections présidentielles. Sa campagne a été l’occasion d’un léger dépoussiérage : Christian Jacob, jusqu’alors absent du réseau social, a investi Twitter pour l’occasion.

Comme ses concurrents, il s’est consacré, depuis le lancement fin août de la campagne officielle, à un patient tour des fédérations composé d’une quarantaine d’étapes. A ce jeu-là, le président de groupe a souvent été favorisé par les ténors locaux et ses 122 parrains parlementaires, qui ont mobilisé leurs troupes pour remplir les salles. Les militants, parfois désorientés par l’absence de figure de « chef » dans cette élection, ont finalement fait le choix d’un fidèle à l’histoire du parti, plutôt qu’aux deux députés quadras qui se proposaient d’incarner la rupture, le retour à une ligne plus droitière pour Julien Aubert, nostalgique du RPR, une droite libérale et nationale pour Guillaume Larrivé.

Le défi des investitures pour les municipales

Pour un parti qui a vu ses troupes fondre au fil des défaites électorales, la participation était une composante clé. Elle aura été honorable : sur 130 000 adhérents, 62 401 (47 %) ont participé au scrutin. A titre de comparaison, lors la dernière élection interne de décembre 2017, Laurent Wauquiez avait été adoubé avec 74,6 % des suffrages exprimés et une participation d’à peu près 100 000 adhérents sur 260 000 (42,5 %).

Plusieurs défis attendent l’ancien maire de Provins. D’abord préserver aux prochaines élections municipales le trésor de guerre d’élus locaux acquis lors de la vague bleue de 2014. En ce domaine, il sera appelé à trancher des investitures polémiques qui menacent de diviser sa famille politique, notamment à Marseille (Bruno Gilles et Martine Vassal) et à Nice (entre le maire sortant Christian Estrosi et son rival Eric Ciotti) ou encore Paris où Rachida Dati ne fait pas l’unanimité.

Au niveau interne, le président de groupe entend « proposer très rapidement une équipe dirigeante renouvelée qui fera une place significative aux élus des territoires ». Le bureau politique, plus large, sera lui renouvelé après les municipales, a-t-il précisé. En outre, quelques figures jeunes semblaient espérer de ce scrutin une promotion, comme par exemple le député du Pas-de-Calais Pierre-Henri Dumont, assidu à ses côtés pendant la campagne. A l’Assemblée, Christian Jacob devra choisir, en premier lieu sur son départ, immédiat ou non, de la présidence du groupe. « Ce n’est pas tenable dans la durée de faire les deux », estimait-il avant l’élection, mais certains, dans les starting-blocks pour le remplacer, redoutent la longueur de la transition.

Plus largement, il lui reviendra de sortir la droite de l’ornière dans laquelle elle est tombée depuis l’élection d’Emmanuel Macron, piégée entre un parti majoritaire dont l’action convient à nombre de ses anciens électeurs et le Rassemblement national, qui monopolise, à l’extrême droite, le vote d’opposition.

Et de contenir les défections, à l’heure où deux nouveaux départs ont émaillé le week-end : l’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin, après avoir soutenu la liste de LRM aux européennes, a annoncé au « Grand Jury » RTL/Le Figaro/LCI, qu’il allait « évidemment » quitter le parti en ne renouvelant pas sa cotisation. Et dans l’Hérault, le sénateur Jean-Pierre Grand s’en va lui aussi, citant « une opposition déraisonnable, un discours de jour en jour plus droitier, des rapprochements assumés avec l’extrême droite dans mon département ». Pour faire mentir ces critiques et redorer le blason de la droite républicaine, la pente s’annonce raide.

14 octobre 2019

Maintenir le cap malgré les « frictions », le défi posé à Macron

Par Cédric Pietralunga, Olivier Faye

L’entourage du président de la République s’inquiète du retard pris sur certains dossiers-clés du quinquennat, comme l’écologie.

Tout avait si bien commencé. Après six mois de crise des « gilets jaunes », Emmanuel Macron était sorti rasséréné de son été, passé sans affaire Benalla ni démission surprise d’un Nicolas Hulot à gérer. Lors de ses premières prises de parole, après trois semaines au fort de Brégançon (Var), le chef de l’Etat était apparu déterminé à appliquer la feuille de route de l’acte II de son quinquennat, décidée après le grand débat. Fini « Jupiter » et les réformes anxiogènes, place à l’écoute et à la justice sociale, expliquait alors l’exécutif.

Las ! Passé le sommet réussi du G7, organisé fin août à Biarritz, Emmanuel Macron voit déjà sa « roadmap » bousculée par des événements aussi inattendus que périlleux. Ce fut d’abord la mort de Jacques Chirac, le 26 septembre, qui l’obligea à reporter son premier débat citoyen sur les retraites, prévu à Rodez. Puis l’incendie de l’usine Lubrizol de Rouen, le même jour, où l’exécutif n’a pas réussi à rassurer la population.

Une semaine plus tard, il y eut l’attaque au couteau à la Préfecture de police, le 3 octobre, commise par un policier radicalisé. Enfin, jeudi 10 octobre, ce fut le rejet par le Parlement européen de la candidature de Sylvie Goulard, désignée par le chef de l’Etat pour rejoindre la Commission européenne, malgré les mises en garde sur le risque éthique posé par son profil.

Ne pas tomber « dans la chiraquisation »

Au-delà de leur caractère dramatique ou inopiné, ces épreuves successives sont venues bouleverser le récit de rentrée de l’Elysée.

« Nous sommes aujourd’hui entre Charybde et Scylla, les événements se bousculent et entament notre cohérence, reconnaît un conseiller présidentiel. Dans ces moments, il est important de garder le cap et de respecter les fondamentaux de l’acte II : ni tomber dans la chiraquisation ni revenir à l’hyperprésidence. »

« Ce que les gens retiendront, c’est ce qu’on a fait. Il faut continuer notre action et faire le pari du courage politique », appuie Jean-Baptiste Djebbari, le secrétaire d’Etat chargé des transports.

A l’Elysée, on a d’ailleurs théorisé le moment, y voyant même un parallèle avec les « frictions » décrites par Carl von Clausewitz dans son célèbre traité militaire De la guerre. Instruit par les guerres napoléoniennes, le général prussien y explique que le meilleur des plans doit toujours composer avec les « frictions » générées par les différents acteurs du champ de bataille. « A la guerre, tout est simple, mais les choses les plus simples sont difficiles. Les difficultés s‘amoncellent et provoquent une friction », peut-on y lire.

Boulevard laissé aux écologistes

N’empêche, certains s’inquiètent que ces « frictions » ne fassent dérailler l’acte II. Dans la majorité, on pointe notamment le retard pris en matière d’écologie, l’une des priorités de la deuxième partie du quinquennat, au même titre que la justice sociale et les sujets régaliens.

La convention pour le climat a bien été installée par le premier ministre, Edouard Philippe, le 4 octobre, mais personne ne s’en est aperçu, et les premières propositions des 150 citoyens tirés au sort pour y siéger ne sont pas attendues avant janvier 2020. Un déplacement du président à la COP25, prévue du 2 au 13 décembre à Santiago du Chili, a été un temps envisagé, mais il ne serait plus d’actualité. « L’agenda international est surchargé. Le président ne peut pas tout faire », reconnaît l’Elysée.

Résultat, certains s’inquiètent du boulevard laissé aux écologistes à quelques mois des élections municipales. « On prend du retard, il faut faire attention », met en garde un ministre. Dans plusieurs grandes villes, les candidats Europe Ecologie-Les Verts se trouvent désormais en position de l’emporter ou, en tout cas, d’imposer des triangulaires au second tour.

Certains macronistes plaident donc pour que le sujet soit rendu plus visible dans l’Hexagone, et pas seulement dans les conférences internationales. « Il faudrait qu’Emmanuel Macron fasse sur l’environnement un ou des grands débats, comme il en a fait à Rodez sur les retraites, estime l’eurodéputé Pascal Canfin. Il a un bilan, mais il ne le met pas assez en avant, ce serait l’occasion. » Selon nos informations, M. Macron envisage de se rendre dans les prochaines semaines devant la convention pour le climat.

« Maîtrise du langage »

D’autres s’inquiètent aussi qu’à force de devoir répondre sur toutes sortes de sujets, M. Macron ne soit à nouveau rattrapé par son hubris et ses petites phrases. La façon dont le chef de l’Etat a réagi à l’annonce du rejet de Sylvie Goulard, le 10 octobre, a interloqué. En deux mots, le président en a fait porter la responsabilité à Ursula von der Leyen, la nouvelle présidente de la Commission.

« Le président veut être mieux compris et sait que cela passe par une maîtrise du langage », assure son entourage, où l’on veut croire que « le passé est le passé ». Dès vendredi midi, M. Macron a d’ailleurs adouci son propos vis-à-vis de Mme von der Leyen. « L’acte II, c’est aussi l’autocorrection en permanence », approuve un soutien.

Désireux de s’expliquer, Emmanuel Macron envisagerait d’ailleurs de s’adresser de nouveau aux Français. « Une prise de parole en novembre, sous forme de bilan de mi-mandat, est en réflexion », assure un proche. Après s’être rendu au centenaire du quotidien clermontois La Montagne, le 4 octobre, le chef de l’Etat veut également poursuivre son travail de réconciliation avec les médias. Un déjeuner à l’Elysée avec les rédacteurs des principaux titres de la presse nationale était prévu en octobre mais a dû être repoussé.

Reste à savoir si le volontarisme du président et la vigilance de son entourage suffiront à maintenir le cap. Dans son traité d’art militaire, Clausewitz assure qu’« une volonté de fer peut surmonter ces frictions et briser les obstacles ». Mais, ajoute l’officier prussien, « la machine s’y disloque aussi ». Emmanuel Macron est prévenu.

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