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Jours tranquilles à Paris
14 octobre 2019

Portrait - Franck Riester, le bon élève de la culture après un an au ministère

Par Sandrine Blanchard, Alexandre Lemarié

Arrivé dans l’indifférence du milieu culturel, en octobre 2018, Rue de Valois, le ministre apparaît à l’écoute, mais assujetti aux projets de la présidence.

Il arrive en homme pressé. « Depuis un an, c’est la course », s’excuse Franck Riester pour expliquer son retard au déjeuner qu’il a accepté afin d’évoquer ses premiers mois Rue de Valois. Nommé le 16 octobre 2018 à la tête du ministère de la culture, le successeur de Françoise Nyssen se dit « frappé par l’intensité du job ». De la loi Notre-Dame au projet de réforme de l’audiovisuel public, de la directive européenne sur le droit d’auteur à la création d’un Centre national de la musique, des déplacements en France et à l’étranger aux inaugurations d’expositions et soirées spectacle ou concert, il juge sa nouvelle fonction chronophage. Mais Franck Riester n’ira pas jusqu’à s’en plaindre car il avait, assume-t-il, « le désir profond » d’être à ce poste. « Il en a toujours rêvé. Se retrouver dans le bureau de Malraux et Lang, c’est le plus beau cadeau que la vie ait pu lui faire », confie un de ses amis.

Alors que sa prédécesseure y avait été catapultée, lui se préparait depuis une dizaine d’années à cette mission. Dès son arrivée à l’Assemblée nationale, en 2007, à l’âge de 33 ans, ce diplômé de gestion et concessionnaire automobile se présente comme un spécialiste des sujets culturels devant les journalistes. Membre de la commission des affaires culturelles, il travaille sur les dossiers de l’audiovisuel et, dès son premier mandat parlementaire, devient rapporteur des projets de loi Hadopi 1 et 2. « J’ai toujours été attiré par le cinéma, la musique et la peinture. J’ai fait le choix de me spécialiser sur les sujets culturels car il n’y avait pas assez de parlementaires qui s’en occupaient alors que la culture a une importance considérable pour l’émancipation, la cohésion sociale et le rayonnement du pays », justifie-t-il.

Un professionnel de la politique

A Françoise Nyssen, l’éditrice de gauche sans expérience des rouages institutionnels, a donc succédé un professionnel de la politique qui a fait toutes ses classes au sein de la droite. Maire de Coulommiers (Seine-et-Marne), proche de Jean-François Copé, Nicolas Sarkozy et Bruno Le Maire, il est l’un des premiers à quitter le navire, en mars 2017, lorsque François Fillon refuse de retirer sa candidature en dépit de sa prochaine mise en examen.

« C’EST TOUT À FAIT COMPATIBLE DE TRAVAILLER AU SERVICE DE L’INTÉRÊT GÉNÉRAL, EN TANT QUE MINISTRE DE LA CULTURE, ET D’ÊTRE EN MÊME TEMPS PATRON D’UN PARTI POLITIQUE » FRANCK RIESTER

Avec l’élection d’Emmanuel Macron, Franck Riester, encarté au RPR dès l’âge de 17 ans, rompt avec sa famille politique d’origine et devient l’un des chefs de file des élus de droite bienveillants à l’égard du chef de l’Etat. Au point de créer Agir, un parti politique de centre droit, et un groupe à l’Assemblée, qu’il copréside avec l’UDI, pour regrouper les élus de « droite constructive ». Libéral en économie et progressiste sur le plan sociétal, Franck Riester n’a jamais approuvé la stratégie de « droitisation » de LR. En décembre 2011, il a été le premier député UMP à faire son coming out, en annonçant son homosexualité, et sera, deux ans plus tard, l’un des rares parlementaires UMP à voter en faveur du mariage pour tous.

Cet homme de parti doit sa promotion à Edouard Philippe, sa nomination ayant le mérite, aux yeux du premier ministre, d’élargir la majorité vers la droite modérée, notamment dans l’optique des municipales de 2020. « Si je n’avais pas été constructif, je ne serais pas entré au gouvernement », reconnaît l’intéressé. Il « assume » sa double casquette de président d’Agir et de ministre : « C’est tout à fait compatible de travailler au service de l’intérêt général, en tant que ministre de la culture, et d’être en même temps patron d’un parti politique. »

Mais si la nomination de Françoise Nyssen avait reçu un accueil bienveillant du monde de la culture et suscité beaucoup d’attentes avant de tourner à la bérézina, celle de Franck Riester a été vécue avec une certaine indifférence. « Il n’était pas attendu alors qu’elle l’était trop », résume le producteur de spectacles macroniste Jean-Marc Dumontet. « Il est sympathique, franc, consciencieux, mais un peu lisse », liste un bon connaisseur du secteur culturel. « Son caillou dans la chaussure, c’est le poids de Macron sur les sujets culturels. C’est le Château qui décide, d’autant qu’il n’est pas un proche du couple présidentiel », complète un syndicaliste.

riester

L’impression qu’il est « sous tutelle »

Les chemins de Franck Riester et Emmanuel Macron ne s’étaient jamais croisés jusqu’à leur rencontre à l’Elysée lors de sa nomination Rue de Valois. « Je ne le connaissais pas, nous n’avions jamais échangé », déclare l’ex-élu LR. Avant d’assurer : « On apprend à se connaître. Il n’arbitre pas systématiquement dans mon sens mais globalement, nous sommes en ligne sur la culture. »

« POUR GEORGELIN, IL AURAIT PU METTRE SA DÉMISSION DANS LA BALANCE, NON ? » STÉPHANE BERN

En « bon soldat de la Macronie », comme le décrivent plusieurs acteurs culturels, Franck Riester donne parfois l’impression d’un ministre « sous tutelle ». « Macron trouve que la première qualité de Riester, c’est de ne pas faire de bruit et de ne pas prendre l’espace », décrypte un poids lourd de la majorité. Le 17 avril, deux jours après l’incendie de Notre-Dame de Paris, le chef de l’Etat annonce, lors d’un conseil des ministres, la nomination auprès de lui du général Jean-Louis Georgelin comme représentant spécial chargé de la reconstruction de la cathédrale. Un camouflet pour Franck Riester, présent autour de la table, qui n’était pas au courant. « Cette annonce a précarisé Franck », confie l’un de ses proches.

Le ministre doit également composer, sur le dossier du patrimoine, avec la présence, très médiatique, de Stéphane Bern, proche du couple présidentiel et considéré par certains, au sein de la majorité, comme le « vice-ministre » de la culture. « Etre ministre ? Surtout pas ! », clame Bern qui dit « connaître depuis longtemps » Franck Riester. « On se parle franchement et cela se passe plutôt bien, on travaille en bonne intelligence » assure-t-il. Tout en ajoutant, taquin : « Pour Georgelin, il aurait pu mettre sa démission dans la balance, non ? » Franck Riester, lui, jure ne pas être irrité par la présence de ces personnalités. « Plus on a de gens investis sur les sujets culturels, plus on a de chances qu’ils avancent », évacue-t-il.

« APRÈS L’ERREUR DE CASTING AVEC NYSSEN, LA RUE DE VALOIS A DE NOUVEAU UN MINISTRE CRÉDIBLE QUI APPREND VITE ET COMPREND LES ENJEUX » DENIS GRAVOUIL DE LA CGT-SPECTACLE

De toute façon, il doit suivre la feuille de route du président. Que ce soit sur le projet de transformer le château de Villers-Cotterêt (Aisne) en haut lieu de la francophonie pour un budget conséquent de 200 millions d’euros ou sur les nominations importantes. Emmanuel Macron a été particulièrement interventionniste sur le choix du producteur Dominique Boutonnat à la tête du Centre national de la cinématographie et de l’image animée (CNC) ou dans le feuilleton de la succession de Stéphane Lissner à l’Opéra de Paris. « Ces histoires de nominations décidées à l’Elysée, c’est une anomalie, cela affaiblit le ministre, jamais je ne l’aurais accepté », confie un ancien ministre de la culture.

Sans aura médiatique, Franck Riester a pour lui son expérience d’élu local et de parlementaire qui facilite ses contacts avec les collectivités, sa connaissance des mécanismes budgétaires et sa maîtrise des débats au Parlement. « Après l’erreur de casting avec Nyssen, la Rue de Valois a de nouveau un ministre crédible qui apprend vite et comprend les enjeux », constate Denis Gravouil de la CGT-Spectacle. « C’est un “up grade” pour le ministère, se félicite l’entrepreneur Frédéric Jousset, consultant sur le Pass culture. Il connaît bien le sujet de l’audiovisuel qui constitue un poste-clé dans le budget de la culture ; pour le reste il a fait une formation en accéléré. »

« Il s’est bien battu »

Tout en constatant que, pour l’heure, Franck Riester gère l’héritage de dossiers lancés par sa prédécesseure, beaucoup de ses interlocuteurs louent sa capacité d’écoute, sa disponibilité et mettent à son crédit la remise en marche d’un ministère et de son administration alors que le cabinet avait vécu une hémorragie de conseillers et que des directions restaient vacantes. Sur le terrain, il n’hésite pas à organiser des rencontres informelles comme à Strasbourg, le 1er octobre, où il discute à bâtons rompus avec des professionnels de la musique et délivre, sans note, ses encouragements à toutes les équipes de la DRAC Grand-Est.

« IL EST LÀ POUR SERVIR LES INTENTIONS RÉFORMATRICES D’EDOUARD PHILIPPE. ON A CHANGÉ DE MINISTRE MAIS PAS DE POLITIQUE » VALÉRIE RENAULT, CGT-CULTURE

« Il vient à tous les comités techniques ministériels et est très à l’aise avec les agents », constate Valérie Renault, secrétaire générale de la CGT-Culture. Et a promis de revaloriser les régimes indemnitaires, « choqué » d’avoir découvert la différence de traitement avec les agents des autres ministères. On lui reconnaît aussi d’être parvenu, lors du projet de réforme de l’assurance-chômage, à préserver le régime spécifique des intermittents du spectacle et d’avoir obtenu un arbitrage favorable sur le maintien de la redevance audiovisuelle dans sa bataille avec le ministre des comptes publics. « Gérald Darmanin est le pire ennemi de la culture. Riester s’est bien battu sur la redevance mais aussi sur le non-plafonnement des recettes du CNC », considère Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques.

Mais quelle est sa vision pour la culture, s’interrogent bon nombre d’observateurs ? Qu’y a-t-il concrètement derrière ses discours sur les « quatre priorités » de la Rue de Valois : favoriser l’émancipation, mettre les artistes et créateurs au centre des politiques culturelles, faire de la culture un levier d’attractivité des territoires, réaffirmer la souveraineté culturelle française. « Il est là pour servir les intentions réformatrices d’Edouard Philippe. On a changé de ministre mais pas de politique, c’est toujours le programme action publique 2022 engendrant des baisses de crédits et une déconcentration au détriment de l’administration centrale », estime Valérie Renault.

Le besoin de s’affirmer

Les inquiétudes sont fortes sur la création d’une holding de l’audiovisuel public, sur l’avenir des labels et le poids des collectivités locales dans le projet de déconcentration, sur la part du financement privé pour le Pass culture. « Françoise Nyssen, au moins, était une idéaliste. Là, on a le sentiment qu’ils veulent en finir avec l’héritage au lieu de s’appuyer sur l’existant », redoute Marie-José Malis, directrice du Théâtre de la Commune à Aubervilliers et membre du Syndeac, le syndicat des entreprises artistiques et culturelles. « Les industries culturelles, qui uniformisent plutôt que singularisent, sont-elles devenues un projet de société ? », se désespère Robin Renucci, président de l’association des centres dramatiques nationaux, qui rêve d’une « loi d’orientation sur la culture » notamment pour « faire des jeunes autre chose que des clients ». « Progressivement l’esprit de lucre l’emporte sur celui de service public », regrette un ancien locataire de la Rue de Valois.

Si le Pass culture, promesse phare du candidat Macron, a désormais une direction exécutive, Franck Riester ne cache pas que des interrogations demeurent sur sa possible généralisation. « Pour l’instant je n’ai pas de certitude, notamment sur le modèle économique », reconnaît le ministre. « Il aurait mieux fallu mettre cet argent sur l’éducation artistique et culturelle pour donner à tous les enfants la chance de pratiquer un art. Où donne-t-on le goût de la créativité ? », déplore un ancien ministre.

Après une année à la tête du ministère, « il faut que Riester se lâche et prenne son autonomie », insistent plusieurs personnalités qui lui veulent du bien. « Il ne pèse pas suffisamment et doit encore s’affirmer d’autant qu’il pourrait bien rester jusqu’à la fin du quinquennat », renchérit un proche. Bon élève, Franck Riester assure qu’il est « fier d’être celui qui met en œuvre les projets du président de la République dans le domaine culturel. Ce n’est pas honteux. Au contraire ». D’ailleurs, « son plus beau moment », depuis qu’il est Rue de Valois, il l’a vécu grâce à Emmanuel Macron : « Lorsque le président est venu dans la cour du Palais Royal faire un discours devant les agents à l’occasion des 60 ans du ministère pour rappeler l’importance de la culture, vous vous pincez ! »

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12 octobre 2019

LR, un parti exsangue en quête de chef

republicains

Article de Julie Carriat
Les adhérents du parti de droite, déboussolés par les défaites successives, ont jusqu’à dimanche pour élire leur nouveau président
Deux ans à peine après l’élection de Laurent Wauquiez, les adhérents du parti Les Républicains (LR) sont appelés aux urnes les 12 et 13 octobre pour désigner un successeur à même d’assurer la survie de leur parti. Depuis 2017, les troupes ont fondu : de 235 000 adhérents en 2017, le parti en a perdu 100 000 et revendique désormais 131 268 adhérents à jour de cotisation.

En 2017, M. Wauquiez avait été élu avec 74,64 % des voix et la participation, honorable, de 100 000 militants. Ce week-end, le parti mise sur moitié moins environ. « Ce serait pas mal si on arrivait à 60 000 », estime un député LR. Le vote, électronique, aura lieu du samedi 12 octobre, 20 heures, au dimanche 13, même heure ; quelque 200 permanences ouvriront pour assister, si besoin, les militants munis de codes reçus dans leur messagerie électronique et leur permettre de départager les trois députés candidats.

Question pronostic, rares sont ceux qui envisagent un second tour, ou alors avec effroi. « Je vois Christian Jacob passer au premier tour, confie l’un de ses soutiens à l’Assemblée. C’est lui ou le chaos. Si c’est pas lui, on éteint la lumière. »

En face, les députés du Vaucluse Julien Aubert et de l’Yonne Guillaume Larrivé contestent. « Rebellez-vous ! », ont-ils lancé pendant la campagne à des militants déboussolés, les invitant à s’affranchir des conseils de vote des présidents de fédération, largement favorables à Christian Jacob, député de Seine-et-Marne et président du groupe LR à l’Assemblée nationale. « L’idée que ce soit plié au premier tour me semble probable mais pas plausible », a déclaré M. Aubert à l’avant-veille du scrutin, tout en estimant que dépasser 30 % serait une « très bonne nouvelle ». Pour contrer la fatalité, les deux challengeurs se sont promis de se nommer mutuellement vice-président du parti si l’un d’entre eux était élu.

La tenue d’un second tour, qui donnerait lieu à un report des voix entre les deux quadras, serait en tout cas un désaveu pour Christian Jacob et la preuve que la discipline des fédérations n’est plus ce qu’elle était.

Pour expliquer l’incertitude des militants, il faut admettre aussi que le casting n’a pas déchaîné les passions. Connu sur la scène parlementaire, M. Jacob l’est moins du grand public. Quant à M. Aubert, empêché il y a deux ans de se présenter faute de parrainages, c’est l’un de ses premiers tours de piste nationaux, comme pour M. Larrivé, révélé à l’été 2018 comme corapporteur de la commission d’enquête sur l’affaire Benalla à l’Assemblée nationale.

Présidence ingrate

Quel que soit le gagnant, cette présidence s’annonce ingrate. Conformément au vœu du président par intérim Jean Leonetti, les candidats ont mis à distance toute ambition présidentielle. Ces temps-ci, les vues sur 2022 se cultivent plutôt à l’extérieur du parti, comme pour les présidents de région et anciens LR Xavier Bertrand (Hauts-de-France) ou Valérie Pécresse (Ile-de-France).

Cette fois-ci donc, on ne pourra accuser le président de LR d’être obnubilé par des horizons nationaux, un procès qui avait été fait notamment à Laurent Wauquiez dans son exercice solitaire du pouvoir, rue de Vaugirard. L’enjeu sera de garantir la survie du parti, en passant d’abord le cap des élections municipales, puis en permettant sa reconstruction d’ici à 2022.

De ce point de vue, les trois candidats incarnent des droites distinctes. M. Jacob est un chiraquien historique, ses deux concurrents appartiennent à la génération d’Emmanuel Macron, que Julien Aubert a même côtoyé à l’ENA. « C’est quelqu’un du passé », jugent ses détracteurs, tandis que ses soutiens, nombreux dans l’état-major, pourfendent l’opportunisme de quadras vexés par l’ascension fulgurante du chef de l’Etat.

S’il fallait résumer leurs postures : M. Jacob est tenant d’une droite large et d’un rassemblement maximal, sur le modèle de l’UMP, M. Aubert assume une nostalgie du RPR et la constitution d’une ligne droitière abandonnant les centristes, déjà nombreux à avoir quitté d’eux-mêmes les rangs de LR. M. Larrivé, enfin, parle de transformation tout en revendiquant un héritage sarkozyste et une sensibilité libérale et régalienne. Sur l’échiquier, bon gré mal gré, Julien Aubert est celui qui réunit les parrains les plus à droite. Soutenu par plusieurs parlementaires curieux des discours de Marion Maréchal, dont le député de l’Ain Xavier Breton et le sénateur du Val-d’Oise Sébastien Meurant, il sera ce week-end le choix d’Erik Tegnér, relais auprès des LR de la petite-fille de Jean-Marie Le Pen, adhérent du parti et ancien frontiste.

Face aux ténors repliés en région, les candidats divergent. Christian Jacob affiche pour slogan « Rassembler, réconcilier, rebâtir ». « Si on a vraiment l’envie de travailler ensemble, c’est dans la famille, la grande maison que nous devons le faire », a-t-il martelé pendant sa campagne, professant le souhait « d’ouvrir les portes et les fenêtres ». Il maintient un dialogue avec les anciens LR, dont Valérie Pécresse, vue en tête-à-tête après sa déclaration de candidature, et Xavier Bertrand, qui en a été prévenu.

Pour ses deux concurrents, cette « grande maison » ne va pas de soi, même s’il leur arrive de rêver à la possibilité d’un retour. « Ceux qui sont partis par la porte, on ne les laissera pas forcément rentrer par la fenêtre », prévient M. Aubert. « Je ne vais pas aller me prostituer pour demander à X ou Y de bien vouloir revenir », abonde M. Larrivé.

Surenchère

Les campagnes ont eu des différences de style. M. Jacob s’est refusé à débattre avec ses concurrents. M. Larrivé et M. Aubert se sont jetés dans la bataille avec appétit, quitte à tomber parfois dans la surenchère de propositions plus à droite les unes que les autres, à apporter leur soutien au polémiste Eric Zemmour après ses propos contre les immigrés et l’islam.

Les adhérents étaient le cœur de cible : Christian Jacob leur a promis une gestion interne associant davantage les élus locaux, tandis que ses rivaux ont proposé la suppression de la primaire ouverte, avec des alternatives variables (intégration de sympathisants, conseil électoral) et des référendums militants. Sans dérouler de véritables programmes, les candidats ont abordé d’autres thèmes. L’immigration notamment, à la faveur d’une droitisation des débats, favorisée par l’inscription du sujet à l’agenda par le chef de l’Etat, sur lequel les trois candidats n’ont pas manqué de se positionner. Le thème, médité de longue date par M. Larrivé, lui a fourni l’occasion de s’illustrer par des thèses proches de celles de l’extrême droite : fin du droit du sol, suspension du regroupement familial, sortie de certaines conventions internationales, quand M. Aubert proposait « un blocus de la marine nationale ». Même M. Jacob, dont le leitmotiv rassembleur semblait parfois incompatible avec l’élaboration d’un projet précis, a publié douze pistes, incluant notamment l’idée d’un retour aux lois Pasqua limitant le droit du sol.

Quelle que soit l’issue du vote, le défi s’annonce de taille. Jean-François Copé, candidat victorieux en 2012 à l’issue d’une campagne fratricide face à François Fillon, en sait quelque chose. Jeudi, sur France Inter, il résumait ainsi : « Après le désastre de la présidentielle et ces deux années d’errance lamentable qui ont abouti à 8 % des voix aux européennes, il y a tout à refaire de fond en comble ! »

11 octobre 2019

La République en marche craint la déroute aux municipales

Les premiers sondages, défavorables, poussent LRM à renoncer à certaines grandes villes et à nouer des alliances avec les maires sortants

Des ambitions revues à la baisse. Au lendemain des élections européennes, les dirigeants de La République en marche (LRM) rêvaient d’une vague macroniste lors du scrutin municipal de mars 2020, en nourrissant des espoirs de conquête dans plusieurs grandes villes, comme Paris, Lyon ou Marseille. Cinq mois plus tard, le discours a changé. Les stratèges de la formation présidentielle se montrent beaucoup moins enthousiastes, et envisagent désormais peu de victoires dans les métropoles. « C’est le paradoxe de la Macronie : on va être faibles là où se trouvent la majorité de nos électeurs », observe un responsable du parti.

Ces dernières semaines, l’équation s’est sérieusement compliquée à Paris, par exemple, où les chances de l’emporter de Benjamin Griveaux se sont amoindries du fait de la dissidence de Cédric Villani. A Lyon, la perspective d’un duel fratricide entre Gérard Collomb et David Kimelfeld n’est toujours pas écartée. A Bordeaux, LRM et son allié MoDem soutiennent des candidats différents, tandis qu’à Marseille, le parti n’a toujours pas validé sa stratégie ni trouvé le bon candidat.

Sans parler de Lille, Rennes ou Nantes, où les chances de l’emporter face à l’édile sortant socialiste paraissent bien minces… « On sait qu’on va prendre une claque dans les grandes villes, soupire un dirigeant. Il faut limiter la casse, en gagnant Strasbourg sous nos propres couleurs, et Montpellier, Toulouse et Nice grâce à des alliances. »

Les premiers sondages donnent des sueurs froides aux macronistes : à Reims, leur candidat ne récolterait que 6 % au premier tour, contre 53 % pour le maire Les Républicains sortant, selon un sondage IFOP diffusé début septembre. Même scénario à Saint-Etienne (7 % contre 43 %) et à Caen (8 % contre 44 %). « Le dégagisme est toujours à l’œuvre dans la société, mais comme LRM est aujourd’hui le parti majoritaire, il est considéré comme faisant partie du système, estime Jérôme Fourquet, directeur du département opinion à l’IFOP. Il ne devrait donc pas y avoir de vague macroniste aux municipales, mais plutôt une prime aux sortants. »

Les élus de la majorité anticipent une lecture médiatique défavorable des résultats, au soir du second tour. Avec le risque d’avoir « une carte de France avec quasiment aucun drapeau En marche qui flotte sur les grandes villes », craint un député. Pour éviter ce scénario noir, un proche du chef de l’Etat juge que le parti aurait dû assumer de « faire l’impasse » sur le scrutin municipal, plutôt que de risquer une déroute potentiellement handicapante en vue de la présidentielle de 2022.

« Cynisme du soutien »

Ces dernières semaines, un argumentaire s’est donc imposé à LRM : la conquête des grandes villes ne serait plus une priorité. Le « critère de réussite » pour cette jeune formation, qui ne compte quasiment aucun maire, résiderait désormais dans sa capacité à faire émerger une « nouvelle génération ». Le délégué général du parti, Stanislas Guerini, se donne comme objectif « près de 10 000 élus locaux à l’issue du scrutin ». Un chiffre finalement assez bas, rapporté au nombre total de conseillers municipaux, estimé à plus de 500 000. Son mot d’ordre ? « Changer le système par le bas. » Avec l’idée de combler le manque d’implantation locale pour les scrutins à venir, en particulier dans l’optique des sénatoriales.

La crainte d’une déroute a également poussé à un changement de stratégie : après avoir surtout investi de purs « marcheurs » en juillet, LRM noue davantage d’alliances avec des maires sortants depuis la rentrée. Ces élus LR, UDI, MoDem ou PS « macron-compatibles » ayant l’avantage d’être bien implantés.

« Il vaut mieux jouer placé avec des élus de l’ancien monde que jouer gagnant avec des candidats LRM inconnus », reconnaît un cadre de la majorité, évoquant « une immense opération de fusions-acquisitions ». Une stratégie qui ne passe pas chez certains « marcheurs ». « Le danger, c’est le cynisme du soutien. Attention à ne pas investir des sortants qui ne partagent pas nos valeurs », met en garde un proche du chef de l’Etat. L’opposition, elle, fustige « l’opportunisme » du parti présidentiel.

M. Macron intervient, lui, par petites touches. A chaque déplacement en province, il fait désormais le point sur les investitures, comme ce fut le cas à Marseille, le 24 juin. Le 17 juillet, il a aussi convié M. Collomb et M. Kimelfeld à l’Elysée, pour tenter de trouver un modus vivendi entre les deux hommes. Le chef de l’Etat devrait à nouveau croiser le maire de Lyon mercredi, en marge d’un déplacement dans la capitale des Gaules.

La veille, il a convié à déjeuner à l’Elysée les responsables de LRM et de la commission d’investiture pour préparer le scrutin municipal. Le 16 octobre, M. Macron aura également l’occasion de rencontrer le maire LR sortant de Toulouse, Jean-Luc Moudenc – avec lequel LRM entend s’allier – en marge de la tenue d’un conseil des ministres franco-allemand dans la Ville rose.

Mais, contrairement aux législatives et aux européennes, où le scrutin revêtait un enjeu national, pas sûr que l’implication du chef de l’Etat permette des victoires locales. « Cette fois, nos candidats ne pourront pas gagner seulement grâce à la tête de Macron sur leur affiche de campagne ! », juge un élu LRM. Un sentiment largement partagé au sein du parti, où l’on souligne que les municipales reposent avant tout sur des enjeux locaux.

« Construire une implantation territoriale, cela prend du temps », souligne M. Guerini. « Comme le général de Gaulle, qui n’avait pas remporté les municipales en 1959 malgré sa popularité et avait dû attendre 1964 pour que l’UDR décroche des grandes villes, on va mettre deux scrutins pour s’implanter », anticipe un cadre. Comme s’il s’agissait de préparer les esprits à un résultat décevant.

7 octobre 2019

Entretien - Le juge Trévidic : « Dans l’affaire Karachi, on nous a mis trop de handicaps »

Par Gérard Davet, Fabrice Lhomme

Le tribunal correctionnel de Paris va juger à partir de lundi six personnalités mises en cause dans le volet financier de l’enquête. Le magistrat revient sur les difficultés qu’il a rencontrées.

A partir de lundi 7 octobre, le tribunal correctionnel de Paris va juger six personnalités mises en cause pour « abus de biens sociaux et recel » dans le volet financier de l’enquête sur l’attentat de Karachi, qui avait coûté la vie à onze Français en 2002 au Pakistan.

Magistrat réputé pour son franc-parler et son indépendance, Marc Trévidic a eu un rôle majeur pour faire éclore puis prospérer cette affaire de Karachi, qu’il s’agisse de l’enquête terroriste ou de son versant financier. Désormais président de cour d’assises à la cour d’appel de Versailles, il a dû quitter le pôle antiterroriste en août 2015, atteint par la règle proscrivant à un juge d’instruction d’exercer plus de dix ans dans le même tribunal.

Comment avez-vous été amené à orienter l’enquête sur l’attentat de Karachi sur la piste de la corruption politique ?

C’est un avocat qui m’amène en septembre 2008 un article publié par Mediapart. Je venais tout juste de récupérer la procédure sur l’attentat de Karachi, et mon attention avait déjà été attirée à la lecture du dossier par le fait que les gens condamnés à mort au Pakistan pour l’attentat n’avaient rien fait, ce qui est quand même ennuyeux ! On avait servi une thèse ne reposant sur rien, avec des aveux fantaisistes, laissant croire par exemple que des explosifs artisanaux avaient été utilisés, alors qu’il s’agissait d’explosifs militaires.

Ces faits nouveaux liés aux rétrocommissions, vous avez pu vous en saisir tout de suite ?

L’article faisait référence à un document, le rapport « Nautilus », qui avait été saisi par un juge financier enquêtant de son côté sur la DCN (direction des constructions navales). Donc, en m’appuyant sur l’article, j’ai récupéré d’initiative les documents chez ce collègue, et comme il s’agissait d’un rapport fait par la DCN elle-même via une enquête privée, ses conclusions ont évidemment attiré mon attention.

Explorer la piste « politique », cela a été difficile dès le départ ?

Ce qui était compliqué, c’est que dans le service enquêteur, l’ex-DST, devenue cette année-là DCRI [et aujourd’hui Direction générale du renseignement intérieur, DGSI], ils ne voulaient pas entendre parler de cet aspect de l’enquête ! Quand j’ai fait une réunion de travail, ils m’ont dit que pour eux, il était hors de question de s’occuper de ça, que ce n’était pas leur boulot, qu’eux ils s’occupaient seulement de terrorisme, etc.

Or, le rapport « Nautilus » concluait que l’attentat était lié à l’arrêt des rétrocommissions, donc j’estimais être dans mon rôle en explorant cette piste, quand même ! Comment commencer à bosser avec un service, avec qui jusque-là je travaillais sans difficulté, qui freine des quatre fers ? Ils n’ont voulu faire aucune audition, ce qui fait qu’au début, j’ai dû tout faire tout seul. A tel point que quand j’ai dû aller en Suisse exécuter une CRI (commission rogatoire internationale), je n’ai eu aucun policier ! C’est la première fois dans ma carrière qu’aucun policier ne m’a accompagné sur une CR.

Vous vous êtes aussi heurté à l’hostilité du parquet de Paris…

Très vite, on a vu qu’il y avait eu des infractions financières, il fallait donc une enquête financière, mais le procureur estimait que c’était prescrit. Cela s’est révélé faux, mais peu importe, c’était une façon pour le parquet de dire, on ne fait rien.

Et ça a duré deux ans avant qu’il puisse y avoir enfin une enquête financière, grâce à une plainte avec constitution de partie civile des familles de victimes. Mais moi, pendant ces deux années, je me suis senti limité : je n’avais pas la compétence d’un juge financier, les services d’enquête ne voulaient pas enquêter, le parquet non plus…

Donc la désignation d’un juge financier, Renaud Van Ruymbeke, en septembre 2010, vous a soulagé ?

Oui, complètement. Mais dès le début, j’ai suggéré une co-saisine, c’est-à-dire un seul dossier avec deux magistrats : un financier, Renaud, et un « terro », c’est-à-dire moi-même. C’était la logique même. Mais cette hypothèse a été refusée par la présidence du tribunal. C’était même la pire qu’ils pouvaient envisager à mon avis, parce que ça aurait montré la connexion entre l’attentat et les rétro-commissions !

Le fait de scinder l’affaire a nui aux deux procédures ?

Oui, parce qu’il y a de la déperdition : il faut sans cesse s’échanger des pièces, se demander qui fait quoi, savoir qui avance dans quel sens, etc.

L’opposition régulière du secret-défense n’a-t-elle pas constitué une autre entrave ?

Oui, et ce dès les premières auditions. C’est très compliqué, vous posez des questions à quelqu’un qui vous dit, « désolé, je ne peux pas vous répondre, c’est couvert par le secret », mais comme vous n’avez pas les documents, vous ne savez pas dans quelle mesure c’est vrai ! C’est vraiment un système pervers puisqu’on vous l’oppose même en audition.

Et lorsque vous obteniez la déclassification de documents, vous tombiez régulièrement sur des notes tronquées.

Bien sûr ! Vous savez, il y a les effets d’annonce – parce que c’est de la communication – du type : « Le ministre a déclassifié pour le juge 37 documents ». Très bien, mais ensuite vous regardez, et sur les 37 documents, quand vous cherchez les passages et mêmes les lignes non caviardées, si vous retirez la date et le lieu, vous n’avez plus grand-chose 

L’Etat français était embarrassé par cette affaire ?

Ah oui, à 100 %. L’Etat et l’institution judiciaire. Mais c’est logique, tout ce qui touche aux contrats d’armement et nos relations avec certains pays sulfureux, et quand en plus il y a eu des morts… Les contrats d’armement, ça ne se passe jamais bien. Rappelez-vous, l’affaire des frégates de Taïwan avec ses décès suspects, des gens qui sautent par les fenêtres…

Tout cela s’est déroulé durant la présidence Sarkozy (2007-2012), lui-même embarrassé par cette affaire. Cela a-t-il joué ?

Oui, ça a joué, d’ailleurs, alors que je réclamais en vain depuis le début des renforts policiers, quand je les ai enfin reçus, c’est après mai 2012. Là, j’ai enfin eu des enquêteurs. Les alternances politiques ont quand même du bon !

Au moment où vous avez été contraint de partir, en 2015, vous pensiez pouvoir aboutir ?

Déjà, j’ai pu faire pas mal de choses en trois ans, entre 2012 et mon départ. Y avait-il encore de l’espoir ? La clef, ça aurait été le temps qu’on m’aurait laissé, la liberté aussi, et puis d’avoir un peu de chance au Pakistan.

C’est un pays complexe où il y a pas mal de gens qui se tirent dans les pattes, des luttes de pouvoir, avec toujours une petite chance d’avoir des informations, donc je voulais vraiment aller là-bas. Mais je n’ai pas pu. Je n’ai jamais compris pourquoi. On m’a dit, « on va voir », puis, « oui », puis, « plus tard », et enfin, plus aucune nouvelle…

N’est-ce pas regrettable que vous ayez dû partir alors que vous êtes la mémoire du dossier ?

On parle de bonne administration de la justice, mais on ne peut même pas nous laisser une semaine pour passer le relais, rencontrer les collègues, leur présenter les dossiers, assurer la transition… Moi, je pense qu’il faudrait être en doublette pendant six mois, voire un an, avec celui qui va vous remplacer. Ca ne coûterait rien. Il faut tellement de temps pour s’imprégner d’un dossier.

Aujourd’hui, vous avez acquis une certitude sur les causes de l’attentat ?

Cet attentat, j’ai la conviction qu’il est lié à cette histoire de commissions. Dès le départ de toute façon, j’avais trouvé anormal que Al-Qaïda s’en prenne à l’armée pakistanaise, ça n’arrive jamais, par rapport à ce que je sais de l’islamisme. Il y avait quelque chose qui n’allait pas. L’armée, les services pakistanais, c’est quand même ceux qui protégeaient Ben Laden !

Aux deux enquêtes terroriste et financière s’ajoute celle de la Cour de justice de la République, chargée de juger les ministres en exercice à l’époque des faits, en l’occurrence Edouard Balladur et François Léotard...

Je comprends très bien que pour les ministres en exercice, il y ait une séparation des pouvoirs. Mais quand ils ne sont plus ministres, depuis très longtemps en plus, il n’y a aucune raison qu’on ait cette juridiction, qui est abominable. On l’a vu dans le dossier Tapie, on le voit dans cette histoire de Karachi…Cela morcelle les affaires, les subordonnés se retrouvent seuls devant le juge, etc. Et puis, plus on découpe une enquête, plus on est inefficaces. Avec en plus un risque d’anomalies, avec le juge de droit commun qui va relaxer et la CJR qui va dire l’inverse par exemple... C’est un système complètement pourri.

Du coup, que penser du procès qui s’ouvre ce lundi avec des « seconds couteaux » ?

Qu’on m’explique comment ça pouvait attenter à la séparation des pouvoirs que Balladur et Léotard soient jugés en même temps que ces gens-là ? C’est ridicule.

Les politiques seraient capables de changer ce système s’ils le voulaient, on se demande pourquoi ils ne le font pas…

Vous avez accordé beaucoup d’importance aux parties civiles dans votre procédure…

Les familles sont concernées à double titre, par leur employeur, DCN, qui leur a caché l’enquête privée et ses résultats. Elles se sont rendu compte que l’exécution du contrat des sous-marins, dans ce contexte pourri d’arrêt de versements de commissions, cela avait vraiment signifié mettre en danger leurs maris, pères, fils, frères... C’est terrible pour ces familles qui se disent, non seulement on est victimes, mais en plus on n’a pas une vraie reconnaissance, parce que ce n’est pas clair.

Parce qu’ils ne savent pas qui sont les coupables ?

Mais parce qu’on ne peut pas leur dire la vérité, tout simplement ! Parce qu’ils savent que plein de gens cachent des choses dans cette histoire-là. De toute façon, pour les familles, l’idée même que des politiques se fassent de l’argent en rétrocommissions sur un contrat d’armement pendant que leurs proches risquent leur peau, à Karachi, pour exécuter ce contrat, ce simple constat-là est quand même dur à avaler… Franchement, je serais en colère à leur place. Parce que ce contrat de 5 milliards de francs, il était quand même à perte de 1,5 milliard, il faut quand même le dire ! Ça a été signé à la va-vite justement pour avoir de l’argent frais rapidement.

Peut-on parler d’un scandale entravé par la raison d’Etat ?

A mon avis, oui. En fait, l’affaire de Karachi, elle a été entravée par plusieurs raisons d’Etat ! Celles du Pakistan, de la France, de l’Arabie saoudite, même des Etats-Unis… Cela fait quand même un paquet de raisons d’Etat ! On le voit bien avec les Américains qui, après 2001, ont multiplié les enquêtes sur les Saoudiens, y compris Ben Moussalem, et puis après on arrête tout, parce que la raison d’Etat fait que maintenant on est copains avec les Saoudiens.

Ces contrats d’armement internationaux avec des pays pareils, dans des zones pareilles, c’est le summum de la complexité et surtout de l’opacité.

Connaîtra-t-on un jour la vérité et la justice sera-t-elle rendue ?

Vous savez, ce n’est pas qu’il n’y a pas de justice, c’est qu’elle passe après d’autres considérations. Dans cette histoire, on nous a mis trop de handicaps pour espérer y arriver. Cette affaire, c’est un peu un 110 mètres haies au cours duquel, à mesure que vous sautez les haies, vous vous apercevez qu’on vous en ajoute d’autres.

2 octobre 2019

Benalla-Municipales: Selon L’Opinion, Alexandre Benalla serait « très tenté de se présenter aux municipales dans le 93 »

Le site du quotidien L’Opinion affirme, sous la plume de Nathalie Segaunes, que l’ancien adjoint au chef de cabinet du président de la République  « constate chaque jour sa popularité auprès des jeunes issus de l’immigration ».

Alexandre Benalla dit rencontrer un vrai succès lorsqu’il se rend à Aulnay, La Courneuve ou Saint-Denis. « Les jeunes de la 3e ou 4e génération sont libéraux-sociaux, ils veulent s’en sortir, gagner de l’argent et, en même temps ils ont la fibre sociale, car ils ont conscience que leurs parents ont bénéficié des aides qui leur permettent aujourd’hui d’entreprendre et de commencer à s’émanciper », rapporte L’Opinion. Alexandre Benalla réfléchirait à se présenter aux élections municipales en Seine-Saint-Denis en mars 2020.

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1 octobre 2019

ALERTE-Sarkozy-Justice

ALERTE-Sarkozy-Justice: Nicolas Sarkozy sera jugé en correctionnelle pour l’affaire Bygmalion

L’ancien président Nicolas Sarkozy est renvoyé en correctionnelle pour l’affaire Bygmalion. La Cour de cassation vient de rejeter son pourvoi. Il sera donc jugé pour « financement illégal de campagne ». Il lui est reproché des dépenses excessives lors de sa campagne présidentielle de 2012, soit 20 millions d'euros au-delà du seuil autorisé.

Nicolas Sarkozy encourt une peine d’un an de prison et 3.750 euros d’amende.

L’ancien chef de l’Etat doit faire face à d'autres enquêtes. Il est mis en examen depuis mars 2018 dans l'enquête sur le financement libyen présumé de sa campagne de 2007. Une requête en annulation sera examinée le 17 octobre.

 

Enfin, Nicolas Sarkozy doit être jugé prochainement pour « trafic d'influence » et « corruption » dans l'affaire dite des « écoutes téléphoniques ». 

1 octobre 2019

Affaire Karachi

ALERTE-Affaire Karachi - Edouard Balladur, ancien Premier ministre, et François Léotard, ancien ministre de la Défense, renvoyés devant la Cour de justice de la République

Comme le demandait le ministère public le 12 juillet dernier, Edouard Balladur et François Léotard sont renvoyés devant la Cour de justice de la République, seule habilitée à juger l’ancien Premier ministre et son ministre de la Défense dans l’affaire du financement de la campagne présidentielle d’Edouard Balladur en 1995.

Les deux hommes avaient la haute main sur les contrats d’armement signés par la France avec l’Arabie saoudite (frégates) et le Pakistan (sous-marins). L’ancien Premier ministre est soupçonné d’avoir bénéficié de rétrocommissions qui auraient financé sa campagne. C'est l'arrêt du versement de ces rétrocommissions supposées, ordonné en 1995 par Jacques Chirac, élu président de la République la même année qui serait à l'origine de l'attentat du 8 mai 2002 à Karachi, au Pakistan. Attentat qui avait fait fait 14 morts et 12 blessés au sein du personnel français de la DCN.

25 septembre 2019

A l’ONU, Emmanuel Macron appelle Etats-Unis et Iran à avoir le « courage de bâtir la paix »

Par Marc Semo, New York, envoyé spécial

A la tribune, le chef de l’Etat a estimé que « le temps est à la reprise des négociations » entre les Etats-unis, l’Iran et les signataires de l’accord sur le nucléaire de 2015.

C’est un discours qu’Emmanuel Macron a longuement travaillé et retravaillé, le reprenant jusqu’au dernier moment, avant de monter à la tribune de la 74e Assemblée générale des Nations unies (ONU), mardi 24 septembre en milieu d’après midi.

Alors qu’il est engagé dans un délicat travail de médiation entre Washington et Téhéran afin d’enclencher un processus de désescalade dans le Golfe – voire une rencontre entre le président américain Donald Trump et son homologue iranien Hassan Rohani, même si elle paraît toujours plus improbable – le président français sait que son discours devant les représentants des 193 Etats-membres, dont 136 chefs d’Etat ou de gouvernement, prend une dimension symbolique.

Il veut parler pour l’histoire et être à la hauteur des enjeux d’un monde chaotique et confronté à une crise internationale majeure dans le Golfe, qui peut déraper dans un processus incontrôlable.

Appel au « retour du courage »

En se référant dès les premiers mots au célèbre discours d’Alexandre Soljenitsyne à Harvard mettant en garde sur « le déclin du courage », Emmanuel Macron, lyrique comme à l’accoutumée en de telles occasions, en a appelé « au retour du courage ».

Et ce mot est sans cesse revenu dans ses propos. Son discours a évoqué aussi bien la lutte contre les inégalités que celle contre le réchauffement climatique. Mais les parties les plus fortes ont été consacrées à la montée des tensions dans le Golfe.

Emmanuel Macron a insisté sur « le courage de bâtir la paix et celui de la responsabilité », rappelant que « le courage est une prise de risque, celui de ne pas défendre les intérêts qui ont conduit aux tensions ». « C’est la prise de risque du dialogue et du compromis, et celui de la reconstruction de la confiance, et c’est ce dont le Moyen-Orient, et en premier la région du Golfe, ont besoin », a précisé le chef de l’Etat, soulignant que « la stratégie de la pression ne peut conduire qu’à un accroissement des tensions s’il ne débouche pas sur une solution diplomatique ».

« Aujourd’hui, le risque est celui de l’embrasement sur la base d’une erreur de calcul ou d’une réponse non proportionnée », a déclaré le chef de l’Etat lors de son discours devant ses pairs, prononcé quelques heures après celui de Donald Trump insistant sur un durcissement des sanctions à l’encontre de Téhéran.

« Plus que jamais, le temps est à la reprise des négociations entre les Etats-unis, l’Iran, les signataires du JCPOA [nom de l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien] et les puissances de la région concernées au premier titre par la sécurité et la stabilité de celle-ci », a insisté le président français, qui a rappelé les fondamentaux d’une solution diplomatique.

« Eviter absolument » l’escalade

« Quels doivent être les termes et les objectifs de ces négociations ? D’abord la pleine certitude que l’Iran ne se dote jamais de l’arme nucléaire, ensuite une sortie de crise au Yémen, troisièmement un plan de sécurité intégrant les autres crises de la région et la sécurité des flux maritimes, enfin une levée des sanctions économiques », a-t-il précisé, affirmant n’avoir aucune naïveté et ne pas croire non plus aux miracles mais au « courage de bâtir la paix et je sais que les Etats-Unis, que l’Iran, que tous les signataires du JCPOA (Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) ont ce courage. »

Désireux de préserver le JCPOA à tout prix, Emmanuel Macron tente depuis des mois, avec ses alliés allemand et britannique, de convaincre Donald Trump de relâcher la « pression maximale » exercée à l’encontre de Téhéran et il propose de compléter l’accord par d’autres volets à même de rassurer les Etats-Unis et la communauté internationale – mais pour l’heure en vain.

« Où en sommes-nous aujourd’hui ? A la stratégie américaine et à la volonté européenne, russe et chinoise de préserver l’accord de Vienne, l’Iran a répondu par une stratégie de pression maximale sur son environnement régional », a-t-il remarqué, soulignant que la montée des tensions fut ces derniers mois constante et que les attaques du 14 septembre contre l’Arabie saoudite ont changé la donne.

A ses yeux, comme il le rappelait le matin même en s’entretenant avec des journalistes devant son hôtel, « le risque majeur [est celui] d’une escalade non maîtrisée » après les frappes contre l’Arabie saoudite. « N’importe quel événement nouveau peut déclencher une escalade, c’est ce qu’il faut absolument éviter. »

« Il faut se remette autour de la table pour avoir des discussions franches et exigeantes sur l’activité nucléaire, l’activité dans la région de l’Iran, l’activité balistique mais aussi avoir une approche plus large de ce que sont les sanctions. J’espère qu’on arrivera à avancer dans les prochaines heures », a-t-il déclaré.

La veille au soir, le président français avait eu une longue discussion de plus d’une heure et demie avec son homologue iranien Hassan Rohani qui, à l’en croire, « a permis d’esquisser des voies de passage mais elles sont très ténues ».

23 septembre 2019

Emmanuel Macron danse sur le volcan de la contestation sociale

Par Olivier Faye, Alexandre Lemarié, Cédric Pietralunga

Réforme des retraites, marches pour le climat, PMA, crise des urgences hospitalières, « gilets jaunes »… Le chef de l’Etat est confronté à une multitude de départs de feu.

« Je marche sur la glace », confiait Emmanuel Macron en janvier, au sortir du plus fort de la crise des « gilets jaunes ». Neuf mois plus tard, le chef de l’Etat danse sur un volcan qui ne demande qu’à se réveiller.

Manifestations contre la réforme des retraites, marches pour le climat, contre l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes, crise des urgences hospitalières… Et toujours ces « gilets jaunes » qui n’en finissent pas d’ajouter un nouvel acte, chaque semaine, à leur mobilisation. Une multitude de départs de feu, certes différents, mais qui menacent d’embraser la plaine.

C’est la raison pour laquelle, samedi 21 septembre, Emmanuel Macron a tenu à faire savoir qu’il était sur le pont, alors que Force ouvrière mobilisait entre 6 000 (selon la police) et 15 000 (selon le syndicat) personnes à Paris contre la réforme des retraites. Que 15 000 autres manifestants marchaient dans les rues de la capitale pour le climat. Que les « gilets jaunes » reprenaient du service, en laissant tomber leur chasuble fluo (ils étaient notamment un millier à se réunir à Toulouse). Que des black blocs menaient des exactions – un millier de manifestants radicaux ont été signalés à Paris par la préfecture de police. « Le président de la République suit très attentivement la situation à Paris et en province. Il est mobilisé et mobilisable à chaque instant », faisait savoir l’Elysée tout au long de la journée.

Le pompier Macron va observer d’un peu plus loin la première manifestation de la CGT contre la réforme des retraites, mardi, et la grève à la SNCF, puisqu’il doit participer à l’Assemblée générale des Nations unies (ONU) à New York.

Mais la vigilance est là. Devant les parlementaires de la majorité, réunis le 16 septembre dans les jardins du ministère des relations avec le Parlement, le chef de l’Etat avait insisté sur le fait que « plusieurs catégories de la population restent extrêmement nerveuses, les inquiétudes sont là ». Et n’ont pas fini de s’exprimer.

« Ça s’allume partout sur le tableau de bord »

Cinq syndicats de la RATP ont appelé à une grève illimitée à partir du 5 décembre pour protester contre la réforme des retraites. Avocats, médecins et pilotes s’étaient déjà mobilisés, le 16 septembre, sur le même sujet.

Les personnels hospitaliers, en grève depuis de nombreuses semaines pour alerter sur leurs manques de moyens, ont eux aussi battu le pavé, le 11 septembre. Même les forces de l’ordre ont prévu de mener une « marche nationale de la colère », le 2 octobre, à Paris, pour dénoncer leurs conditions de travail. Une manifestation contre « la PMA pour toutes » est par ailleurs organisée, quatre jours plus tard, par un collectif d’associations comprenant notamment La Manif pour tous… « Ça s’allume partout sur le tableau de bord », convient-on dans l’entourage d’Emmanuel Macron. Devant ses parlementaires, ce dernier a mis en garde : il faut réformer « en veillant à chaque fois à répondre à telle ou telle inquiétude, et en évitant qu’elles ne se coagulent ».

Grands brûlés de la crise des « gilets jaunes », les macronistes assurent ne pas craindre « l’opposition parlementaire mais la rue ». En particulier les éruptions de colère spontanées, qui ne seraient pas maîtrisées par les syndicats. « Le risque que des mouvements sociaux s’agrègent a toujours existé », observe Sacha Houlié, député La République en marche (LRM) de la Vienne. « Dans le climat actuel de défiance généralisée à l’égard de tout ce qui est institutionnel, on peut craindre que cela légitime la création de collectifs autonomes, diffus et sans contrôle », abonde Amélie de Montchalin, secrétaire d’Etat chargée des affaires européennes. D’autant que les « gilets jaunes », dont on croyait la flamme éteinte, restent vivaces dans certains recoins du pays. « Il y a des endroits où [ils] reviennent sur les ronds-points, je le vois chez moi », relève un membre du gouvernement.

Les retraites, « c’est hyper inflammable »

Certains craignent que l’irruption de ce mouvement, avec son lot de violences, ne soit le prélude à de nouvelles formes de protestation, quasiment impossibles à arrêter. « Ce que je redoute surtout, c’est qu’on ait un pays, où, de soubresauts en soubresauts, on n’arrive pas à contrôler des foyers de pression qui se multiplient, alimentés par des “fake news” sur les réseaux sociaux, comme on l’a vu cet été avec le traité de libre-échange [avec le Canada] sur le CETA », confie un ministre, l’air soucieux.

Désireux d’apaiser les tensions, Emmanuel Macron s’est laissé convaincre de ralentir le rythme. « J’ai probablement donné l’impression que je voulais réformer contre le peuple. Et parfois mon impatience a été ressentie comme une impatience vis-à-vis des Français. Ce n’est pas le cas », a-t-il assuré dans un entretien au Time, jeudi. « Le chef d’orchestre sait ce qu’il veut faire, mais le tempo a changé », décrypte-t-on dans son entourage.

Signe de ce ralentissement, la réforme des retraites ne devrait pas être ficelée, au mieux, avant l’été 2020. Le temps de mener les négociations avec les partenaires sociaux mais aussi de convaincre les Français du bien-fondé de cette transformation systémique voulue par l’exécutif. « C’est hyper inflammable, donc nous prenons des précautions, cela va prendre un an. Il faut que les débats montrent que nous avons besoin de cette réforme », avance-t-on au sein du gouvernement. Jeudi 24 septembre, Emmanuel Macron se rendra à Rodez, où il doit participer à un débat sur le sujet avec un panel de Français, qui sera retransmis à la télévision. « Comme disait Michel Rocard, avec une réforme des retraites, il y a de quoi faire tomber dix gouvernements successifs ! », rappelle un poids lourd de la majorité.

Devant les parlementaires de la majorité, Emmanuel Macron avait résumé le climat de la rentrée d’une formule : « Les vents ne sont pas de face, mais certains sont de travers. » Et risquent dans tous les cas d’attiser les braises.

22 septembre 2019

Affaire Karachi: Renvoi d’Edouard Balladur et de François Léotard devant la Cour de justice de la République

balladur

Affaire Karachi: Le parquet requiert le renvoi d’Edouard Balladur et de François Léotard devant la Cour de justice de la République (L’Express)

Rebondissement dans l’affaire du financement de la campagne présidentielle d'Édouard Balladur en 1995. L'Express révèle ce soir sur son site Internet que le ministère public a requis le 12 juillet dernier le renvoi de l'ancien Premier ministre et de son ministre de la Défense, François Léotard, pour être jugés devant la Cour de justice de la République (CJR).

L’Express rappelle que les deux hommes avaient à l’époque la haute main sur les contrats d'armement signés par la France avec l'Arabie saoudite et le Pakistan. Ils auraient « concouru à la préparation et à la réalisation » d'abus de biens des sociétés chargées de fabriquer et commercialiser ces armes en permettant notamment que de grosses sommes d'argent soient « retirées en espèces » via des commissions remises à un « réseau d intermédiaires inutiles »- parmi lesquels le fameux Ziad Takkieddine.

Qui plus est, Édouard Balladur est soupçonné d'avoir bénéficié « d'une partie du produit de ces délits ». Entre les deux tours de l'élection présidentielle, après avoir été vaincu au premier tour par Jacques Chirac, 10 millions de francs de l'époque (plus de 1,5 million d'euros) avaient en effet été déposés en liquide sur le compte de campagne du Premier ministre sortant. Les juges d'instruction estiment que les commissions, gigantesques et curieusement payées de manière anticipée, ont bénéficié à Edouard Balladur en dépit des démentis que ce dernier a constamment opposé à ces soupçons.

Pour rappel, c’est désormais à la commission d'instruction de la CJR de décider si Edouard Balladur et François Léotard seront jugés lorsd'un procès qui pourrait se tenir dans les prochains mois.

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