Nouveau virus en Chine : avec la mise en quarantaine de Wuhan, la population s’organise
Par Simon Leplâtre, Shanghaï, correspondance
Epicentre d’un début d’épidémie de coronavirus similaire au SRAS, la ville a été mise en quarantaine jeudi matin.
La ville de Wuhan, épicentre d’un début d’épidémie de coronavirus similaire au SRAS, a été mise en quarantaine jeudi matin, à 10 heures (3 heures en France). La ville compte 11 millions d’habitants, dont une partie sont déjà rentrés dans leurs familles aux quatre coins de la Chine, pour les célébrations du Nouvel An qui débute vendredi 24 janvier.
L’ensemble des moyens de transports publics, trains, avions, et bus et métros, ont été suspendus et les autoroutes menant à la ville ont été coupées. Les habitants ne peuvent plus voyager en dehors de la ville, « sans autorisation spéciale ». Des agences de voyages ont annulé tous les tours jusqu’au 8 février, d’après l’agence officielle Chine Nouvelle. Environ 500 Français résident à Wuhan, qui accueille plusieurs grandes entreprises françaises comme PSA-Peugeot-Citroën, d’après l’ambassade de France. Le nouveau coronavirus a déjà fait dix-sept victimes, et 570 personnes sont infectées en Chine, d’après le dernier décompte officiel, mais une étude de l’Imperial College de Londres estime que le chiffre de 4 000 cas à travers le pays est plus probable.
Couvre-feu
Le centre de commande antivirus de Wuhan a indiqué que la mise en quarantaine de la ville devait « stopper efficacement la diffusion du virus, couper résolument l’épidémie, et garantir la santé et la sécurité du peuple ». Tous les événements publics du Nouvel An lunaire ont été annulés. Il est désormais obligatoire de porter un masque dans tous les lieux publics, d’après Chine nouvelle. Le couvre-feu, annoncé sept heures plus tôt, au milieu de la nuit à Wuhan, a poussé des milliers de passagers vers la gare et l’aéroport de Wuhan espérant quitter la ville.
Mais à 10 heures, des militaires et des policiers ont fermé la gare, d’après les journalistes présents sur place. « Ces mesures fortes vont non seulement contrôler l’épidémie dans leur pays, mais aussi minimiser les risques de diffusion de l’épidémie dans le monde », a commenté mercredi Tedros Adhanom Ghebreyesus, le président de l’Organisation mondiale de la santé. L’OMS qui se rassemblait mercredi, a remis à jeudi soir la décision de déclarer une situation « d’urgence de santé publique », faute d’informations suffisantes.
Dans la ville, beaucoup d’habitants sont en colère contre la réaction tardive des autorités. Il y a moins d’une semaine, samedi 18 janvier, un banquet géant rassemblant 40 000 familles a eu lieu dans le centre-ville… A l’époque le nombre officiel de cas était encore limité à une quarantaine, et la transmission de personne à personne n’avait pas encore été établie, mais d’après un reportage du média chinois Sanlian, les hôpitaux de la ville étaient déjà débordés.
Le maire de la ville, Zhou Xian Wang, interrogé à ce sujet, a reconnu une erreur, à la télévision publique CCTV : « Nous avons maintenu les célébrations du Nouvel An sur la base des premières informations, indiquant une diffusion du virus très limitée. Les mises en garde du gouvernement ont été insuffisantes », a déclaré l’édile mardi. Mais, en ligne, beaucoup d’internautes accusent son administration d’avoir réagi trop lentement et appellent à sa démission.
Douze autres provinces touchées
« Je suis très inquiète : les officiels locaux sont fous, incompétents », s’emporte Xiaoli, 28 ans, habitante de Wuhan. « Je ne sors pas de chez moi, mais pour moi et mes amis, c’est difficile de convaincre nos parents et grands-parents d’annuler les réunions du Nouvel An. Ma famille ne m’a pas encore répondu à ce sujet », indique la jeune femme. Les hôpitaux de la ville, pris d’assaut, ont mis tout le personnel des autres services à contribution pour répondre à l’épidémie, d’après une source médicale à Wuhan. Dans le reste de la Chine, les villes touchées par le virus s’organisent à leur tour. Au total, douze autres provinces chinoises sont touchées.
A Shanghaï, mercredi matin, des équipes d’agents municipaux nettoyaient les trottoirs au karcher, avec un mélange d’eau et de désinfectant. « On désinfecte toute la ville », précisait, en baissant son masque, une femme, la cinquantaine, bottes aux pieds et couverte d’un poncho en plastique violet. Derrière elle, un petit camion, transportant le liquide, ronronne. On croise trois équipes sur quelques centaines de mètres près de la rue Huahai, dans le centre de la ville.
La veille, des camions sont passés dans certains quartiers, diffusant une fumée blanche, d’après une vidéo postée en ligne. Le soir, dans une station de métro, un employé brique à la javel les écrans tactiles des machines permettant d’acheter les tickets, avant de poser son chiffon humide sur la rambarde de l’escalator. « C’est pour le virus : on doit laver trois fois par jour », explique cet homme lui aussi âgé d’une cinquantaine d’années, avant de se racler la gorge.
Lui n’a pas de masque. Dans le métro, la plupart des usagers en portent un, chirurgical ou à pollution. Une femme, la soixantaine avancée, en porte même deux, l’un sur l’autre. Pas inquiète, mais prudente, dit-elle. Elle fait entièrement confiance au gouvernement pour gérer cette crise. « En 2003, il y a eu des officiels locaux qui ont caché des choses, mais le gouvernement central, non, ils étaient transparents ! Et aujourd’hui encore plus », assure-t-elle. Lors de la crise du SRAS, la Chine avait caché l’existence du virus plus de trois mois, avant d’informer l’OMS, et sa population. L’OMS s’était aussi vu refuser l’accès à la province du Guangdong, l’épicentre de l’épidémie.