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Jours tranquilles à Paris

2 novembre 2019

Nucléaire : avec les pastilles d’iode, « les inquiétudes sont remontées à la surface »

centrale nucleaire

Par Cécile Bouanchaud, Le Pouzin, Ardèche, envoyée spéciale

Le périmètre de protection autour des sites nucléaires est étendu de 10 km à 20 km. Sur le site de Cruas, 140 000 habitants sont désormais concernés.

Des années 1980, Monique garde « un souvenir très net ». Celui des « grandes cheminées » de la centrale nucléaire de Cruas (Ardèche), qu’elle a vu « pousser ». « A l’époque, on était un peu inquiets », se souvient la sexagénaire, rappelant la catastrophe de Tchernobyl survenue en Ukraine soviétique en 1986, deux ans après l’inauguration du site nucléaire ardéchois.

Puis, elle s’est « habituée », allant jusqu’à « oublier » la présence de ces quatre tours aéroréfrigérantes, plantées au bord du Rhône, le long de l’autoroute du soleil.

Mais quand elle a reçu un courrier l’invitant à retirer en pharmacie son lot de pastilles d’iode en cas d’incident nucléaire, la réalité s’est brusquement rappelée à elle. « Les inquiétudes sont remontées à la surface », confie Monique, qui vit depuis soixante ans au Pouzin, à moins de 20 km de la centrale nucléaire. Comme la plupart des personnes interrogées, elle a souhaité garder l’anonymat.

Le 17 septembre, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a lancé une campagne d’information sans précédent pour avertir la population de l’extension du périmètre de protection autour des sites nucléaires. Passés de 10 km à 20 km, ces plans particuliers d’intervention (PPI) concernent aujourd’hui plus de 2 millions de personnes, contre 600 000 auparavant, répartis autour des dix-neuf centrales françaises exploitées par EDF.

Quelque 200 000 établissements recevant du public sont également touchés par cette campagne. Autour de la centrale de Cruas, le nombre de communes concernées est passé de 26 à 91, soit près de 140 000 habitants, contre 50 000 auparavant.

A la sortie de l’école primaire du Pouzin (Ardèche), les nounous n’avaient reçu, début octobre, aucune information à propos du plan particulier d’intervention (PPI). | ROMAIN ETIENNE POUR « LE MONDE »

La dernière campagne d’information relative à ce dispositif, instauré en 1997, a eu lieu en 2016. Elle concernait les communes situées entre 0 km et 10 km d’une centrale nucléaire –à l’époque, 49 % des habitants avaient retiré leurs pastilles d’iode.

« Est-ce qu’il y a de nouveaux risques ? »

« Pourquoi maintenant ? », s’est demandé Monique lorsqu’elle a reçu le courrier d’information, elle qui « vit près de la centrale depuis toujours », sans avoir jamais été concernée par les précédentes campagnes. « Est-ce qu’il y a de nouveaux risques ? », questionnait-elle lors d’une réunion d’information organisée, courant octobre, au Pouzin, en présence d’élus de la commune et de représentants de la préfecture de l’Ardèche, d’EDF et de la Commission locale d’information, réunissant industriels, représentants de l’ASN, élus locaux, syndicats et associations.

« Le risque est le même, il n’a pas augmenté, nous le réduisons en protégeant davantage de personnes », rassure Didier Roche, le chef du bureau interministériel de protection civile au sein de la préfecture, chargée de diriger les opérations en cas d’accident nucléaire à Cruas. Et d’évoquer « le retour d’expérience » lié à l’accident nucléaire de Fukushima au Japon, en mars 2011, où les autorités ont reconnu un mort dû aux radiations et des centaines liées au chaos des évacuations. « Nous avons constaté que c’est dans les vingt premiers kilomètres qu’il faut gérer les situations les plus complexes comme l’évacuation rapide des populations », abonde Emmanuel Bouchot, chargé de la communication de l’ASN.

Mais paradoxalement, ces nouvelles mesures de précaution provoquent davantage de défiance et d’incrédulité. « Si ça pète, on est trop près, on sera tous morts », commente avec fatalisme Jean-Marie, retraité mécanicien, qui vit à Marsanne, à la lisière entre l’ancien et le nouveau périmètre.

Pour souligner « l’absurdité » d’un tel périmètre, chacun y va de son anecdote, à l’instar de Pierre, dont l’association se trouve à Privas, alors que lui vit à quelques kilomètres de là, en dehors du nouveau PPI. « J’ai reçu un coupon pour protéger les membres de mon association, mais rien pour ma famille », raconte-t-il aux commerçants de sa rue.

« C’est de la communication pour se donner bonne conscience », renchérit Eric lors de la discussion. Il dit qu’il n’ira « probablement pas chercher les pastilles d’iode ».

Résignation

A quelques centaines de mètres, l’un des pharmaciens de Cruas assure que depuis une semaine, une quinzaine de clients défilent pourtant chaque jour pour retirer leurs comprimés.

« Est-ce que les pastilles se périment ? », « Dois-je en donner aussi à mes animaux ? », « Comment savoir quand les prendre ? », « Comment cela fonctionne sur l’organisme ? », constituent autant de questions posées aux pharmaciens – près de 650 officines sont mobilisées dans toute la France pour distribuer les comprimés.

Les spécialistes de santé font de la pédagogie. « L’ingestion de comprimés d’iode stable permet de saturer la thyroïde sur laquelle l’iode radioactif ne pourra plus se fixer », détaille le pharmacien Jean Carchereux, précisant qu’en cas de contamination radioactive importante, « la population développera d’autres symptômes tout aussi fatals qu’un cancer de cet organe ».

La brochure explicative envoyée par courrier en même temps que les bons de retrait des comprimés d’iode précise que les habitants devront les ingérer quand les sirènes installées dans les villes concernées retentiront. « Quand on nous préviendra, ce sera trop tard », estime cependant Véronique, rappelant le ton rassurant du préfet de Seine-Maritime après l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen.

Pour ces deux commerçants de Privas, le nouveau périmètre, « c’est de la communication pour donner bonne conscience aux autorités mais personne n’est dupe ». Eric (à gauche) n'ira peut-être même pas chercher ses pastilles d'iode. | ROMAIN ETIENNE POUR « LE MONDE »

Croisée alors qu’elle retirait ses pastilles d’iode en pharmacie, cette aide à domicile de 49 ans résume la résignation exprimée par de nombreuses personnes vivant dans le voisinage. « Je ne suis pas rassurée de vivre près d’une centrale, mais ma vie est ici », confie Véronique, installée dans la région depuis 1991.

Peu d’opposants au nucléaire

« Ici, beaucoup de personnes ont des proches qui travaillent à la centrale, donc ils ne sont pas spécialement antinucléaires », confirme Jean Carchereux, dont la pharmacie est située à Viviers, une commune qui se trouve désormais dans deux périmètres de protection, celui de Cruas et celui du Tricastin (Drôme).

Quand ils ne travaillent pas sur un site nucléaire, les habitants sont nombreux à en avoir visité. « On se sent en sécurité dans un lieu comme ça », estime Kevin, électricien de 24 ans, à la fois très confiant dans l’industrie nucléaire et très mal informé à son sujet. Quels seraient, selon lui, les réflexes à adopter en cas d’incident ? « Je prendrais ma voiture et je partirais le plus loin possible. » Pourtant, parmi les six gestes de protection figurant sur le courrier envoyé aux habitants du nouveau périmètre, il est conseillé, à l’inverse, de « se mettre à l’abri dans un bâtiment ».

Autre dispositif qui ne fait pas l’unanimité : ne pas aller chercher ses enfants à l’école. « Quand on est parent, on ne peut pas entendre ça », estime une mère de famille de cinq enfants à la sortie de l’école primaire du Pouzin. Les établissements scolaires des communes concernées assurent qu’ils vont adapter leur plan particulier de mise en sûreté. Le maire (divers droite) de Privas, Michel Vala, estime pour sa part qu’il faut « améliorer de façon générale la culture du risque lié à l’industrie nucléaire », considérant que ce PPI constitue « le minimum ».

« En France, on a l’impression d’un secret autour de l’activité nucléaire », constate Jean-Claude Delalonde, président de l’Association nationale des comités et commissions locales d’information, appelant à « une campagne nationale sans tabou ». Sur cette même ligne, Greenpeace appelle à étendre le plan de protection à 100 km. Les campagnes d’information toucheraient alors la quasi-totalité de la population française.

nucléaire

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2 novembre 2019

Extrait d'un shooting - Modèle : Anna Johansson

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2 novembre 2019

Faith & Anna from Annas Workshops on Vimeo.

2 novembre 2019

Wonder Boy - Olivier Rousteing

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2 novembre 2019

En mode Halloween...

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2 novembre 2019

Xi Jinping renforce encore son pouvoir sur le Parti communiste chinois

Par Frédéric Lemaître, Pékin, correspondant

Le PCC souhaite améliorer le système de nomination et de destitution des dirigeants de Hongkong.

Xi Jinping, secrétaire général du Parti communiste chinois (PCC), semble avoir encore consolidé son pouvoir à l’issue du plénum du comité central qui s’est tenu à Pékin du 28 au 31 octobre.

Cette instance, qui compte environ 270 dirigeants, se réunit à sept reprises entre deux congrès quinquennaux. Le session qui vient de se tenir était d’autant plus attendue que Xi Jinping n’avait pas convoqué de plénum depuis début 2018. Jamais, depuis les années 1970, il ne s’était passé autant de temps – vingt mois – entre deux sessions.

Mettre encore davantage le PCC sous pression

Certains observateurs en concluaient que le secrétaire général était en difficulté et préférait ne pas avoir à rendre de comptes. Certes, avec une croissance économique en berne, des tensions stratégiques avec les Etats-Unis et, depuis juin, des troubles à Hongkong, les motifs d’insatisfaction ne manquent pas. Certaines rumeurs affirmaient même que ce plénum allait être l’occasion d’annoncer la promotion de dirigeants plus jeunes, laissant entrevoir que la succession de Xi Jinping était ouverte, bien que celui-ci ait modifié la Constitution en 2018 pour pouvoir exercer autant de mandats qu’il le souhaite à la tête du pays.

Si l’on en croit le communiqué publié le 30 octobre, il n’en est rien. « Xi Jinping est confirmé dans sa position de chef suprême et incontesté », analyse Jean-Pierre Cabestan, professeur à l’université baptiste de Hongkong. Un terme revient sans cesse dans le texte : « maintenir » – à cinquante-sept reprises. Ce qui n’est évidemment pas un signe de changement même s’il est souvent suivi d’« améliorer » – quarante et une occurrences.

En fait, Xi Jinping semble avoir profité de ce plénum pour mettre encore davantage le PCC sous pression. D’où son choix de centrer les travaux de cette assemblée sur un thème qui lui est cher : la gouvernance.

Convaincu que, « depuis les temps anciens, la perte de l’autorité centrale » est la cause de la chute des régimes politiques, Xi Jinping a récemment réaffirmé dans une revue du parti : « Nous ne pouvons être défaits que par nous-mêmes. » Si les 6,6 millions de responsables jouissant d’un mandat politique doivent être à l’écoute des attentes de la population, les 90 millions de membres du PCC doivent être unis derrière leurs dirigeants, et en particulier le premier d’entre eux. Quitte à évacuer toute question qui fâche.

« Maintien du rôle dominant du secteur public »

« Certains responsables ne parviennent pas à s’adapter », a reconnu Jiang Jinquan, un des cinq dirigeants du PCC chargés de rendre compte à la presse, vendredi 1er novembre, des travaux du plénum : une restitution qui constituait d’ailleurs une première. Ce que le parti exige de ses cadres : « Qu’ils apprennent, apprennent, apprennent. Qu’ils s’améliorent, s’améliorent, s’améliorent », a-t-il martelé. En clair, qu’ils appliquent « la pensée de Xi Jinping » désormais gravée dans la Constitution.

Dans un discours de une heure et quarante minutes prononcé, lundi, à l’ouverture du plénum – et dont on ne connaît pas exactement la teneur –, Xi Jinping avait donné le ton. « On ne peut pas s’arrêter. On ne peut même pas avoir l’idée de reprendre son souffle et de se reposer », rapporte Le Quotidien du peuple.

Le communiqué du plénum oscille sans cesse entre l’autosatisfaction de dirigeants convaincus de la « force du système de gouvernance chinois » et les inquiétudes face aux difficultés qui les attendent.

Sans mentionner explicitement la guerre commerciale avec les Etats-Unis, le texte estime que « le maintien du rôle dominant du secteur public » est une force. Si le PCC reconnaît qu’il faut « approfondir les réformes des entreprises publiques », ses dirigeants jugent également qu’ils doivent « aider les capitaux publics à devenir plus forts, faire mieux et croître ».

Les dernières statistiques chinoises montrent d’ailleurs que le secteur public ne cesse de progresser : les actifs des entreprises d’Etat non financières qui représentaient 150 % du produit intérieur brut (PIB) chinois en 2010 en représentent désormais 230 %.

Hongkong : « deux systèmes » mais « un seul pays »

Le plénum était aussi attendu sur Hongkong. Le sujet a occupé « une part importante de la discussion », a reconnu vendredi Shen Chunyao, chargé de ce sujet au sein de la direction du PCC. Le communiqué estime qu’il faut « gouverner de façon rigoureuse les régions administratives spéciales de Hongkong et de Macao, en stricte conformité avec la Constitution et la Loi fondamentale » qui régit Hongkong.

Vendredi, Shen Chunyao est allé plus loin. Commentant la formule « un pays, deux systèmes » qui régit les relations entre la Chine continentale et Hongkong, il a rappelé que les « deux systèmes » étaient subordonnés au fait qu’il y ait « un seul pays ». Il a surtout jugé qu’il faut « améliorer le système du gouvernement central pour la nomination et la destitution du chef de l’exécutif et des principaux fonctionnaires ».

Actuellement, le chef de l’exécutif est choisi par un collège de 1 200 personnes, en majorité favorables à la Chine. Shen Chunyao n’a pas précisé en quoi consistait cette « amélioration » ni évidemment quel sort Pékin comptait réserver à Carrie Lam, dont les jours à la tête de l’exécutif hongkongais seraient comptés. Malgré sa supposée « supériorité », le système chinois de gouvernance ne semble pas avoir réponse à tout.

2 novembre 2019

Le Liban en révolte

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Le peuple libanais a mis de côté ses divisions politiques et religieuses historiques pour descendre dans la rue. Les manifestations durent depuis plus d’une semaine.

Depuis jeudi dernier, les rues du Liban sont secouées par des manifestations de masse. Jusqu'à quatre millions de personnes se seraient jointes à la révolte contre le faible niveau de vie, la hausse du chômage, la propagation de la corruption et de la pauvreté et la mauvaise gestion générale du pays par le gouvernement au pouvoir. Selon la Banque mondiale, plus d'un quart de la population libanaise vit actuellement en dessous du seuil de pauvreté. La photographe d'origine irakienne Tamara Abdul Hadi et le photographe libanais Roy Saada se sont rendus à Beyrouth, la capitale du pays, afin d’immortaliser la colère des manifestants, qui réclament la démission de l'ensemble du système politique avec le slogan « Tous signifie tous ! ».

« L’énergie dans les rues est électrisante et pleine d'espoir. Nous attendons ce moment depuis longtemps, ont déclaré Abdul Hadi et Saada. Des gens de tous âges – parents, enfants, étudiants, grands-parents – sont descendus dans la rue pour protester contre la corruption et les impôts, pour invoquer la chute du régime, sans parti politique ni affiliation sectaire. Pour la première fois dans l'histoire moderne, le peuple libanais a laissé derrière lui toutes ses différences politiques et religieuses et a pris parti dans un front uni contre la classe politique. »

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TOUTES LES PHOTOS SONT DE TAMARA ABDUL HADI ET ROY SAADA

 

 

2 novembre 2019

Bernard Moncet – Ephémères de rues

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De Londres à New-York, de Moscou à Tokyo ou de Paris à Beyrouth, les grandes métropoles se métamorphosent en véritables galeries à ciel ouvert proposant des expositions éphémères où le passant s’y montre souvent sensible.

Ces œuvres banales ou géniales, aussi petites qu’un timbre-poste ou de centaines de mètres carrés sont réalisées dans la nuit par un artiste le cœur battant et la peur au ventre ou parfois grassement payées par des institutions publiques ou privées.

Sensible à cet art et impressionné par ces œuvres dont il ne restera plus rien dans quelques temps, pas même pour beaucoup le nom de l’artiste qui les aura créé, j’ai souhaité par ces quelques photographies leur rendre hommage afin que reste au fond d’une boîte à photos l’image imprimée de leur talent et de leur génie artistique.

www.bernardmoncet.com

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2 novembre 2019

Milo Moiré

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2 novembre 2019

En Algérie, manifestations massives contre le régime pour une nouvelle « indépendance »

Par Zahra Chenaoui, Alger, correspondance

Des centaines de milliers de personnes ont manifesté à Alger et dans d’autres villes du pays pour renouveler leur opposition au régime, à l’occasion de l’anniversaire du déclenchement de la guerre d’indépendance.

« Indépendance ! Indépendance ! » Des centaines de milliers de personnes ont manifesté vendredi 1er novembre dans le centre-ville d’Alger, une mobilisation inédite depuis mai.

Ce jour férié, fête nationale, anniversaire du début de la guerre d’indépendance – le 1er novembre 1954 –, a donné une tonalité particulière à ce 37e vendredi de protestation, nouvelle illustration de la profondeur du Hirak, le mouvement populaire contestant le régime en place. Outre la capitale, des foules massives se sont rassemblées à Oran, Constantine, Annaba, Mostaganem, Blida, Tipaza, Dellys, Bejaïa, Tizi-Ouzou, Sidi Bel Abbès…

« L’ADMINISTRATION CIVILE N’EST QU’UNE FAÇADE. LE PEUPLE VEUT UN ETAT CIVIL, PAS MILITAIRE »

« On a eu une indépendance confisquée, explique Madjid, 62 ans, venu de Kouba, banlieue d’Alger. C’est toujours l’armée qui dirige. L’administration civile n’est qu’une façade. Le peuple veut un Etat civil, pas militaire. » « Les gens veulent de la justice sociale et une justice qui ne fonctionne pas par téléphone », ajoute le sexagénaire alors que résonne sur la rue Hassiba-Ben-Bouali un slogan sans équivoque : « Le peuple veut la chute [du chef d’état-major] Gaïd Salah ! »

« Libérer la patrie »

Le général Salah est devenu la cible des manifestants depuis qu’il insiste pour organiser une élection présidentielle le 12 décembre, échéance que rejettent les protestataires au motif qu’elle ne présente pas les garanties de transparence nécessaires. Signe de la nervosité du climat ambiant, ce nouveau vendredi de mobilisation survient alors que les magistrats sont entrés en grève « illimitée » afin de protester contre la « mainmise de l’exécutif sur le pouvoir judiciaire ».

Des manifestants sont venus d’autres régions. Des centaines portent sur le visage un masque en papier cartonné, où est imprimé le visage de l’ancien combattant Lakhdar Bouregaa, arrêté fin juin. La veille, le moudjahid avait diffusé par l’intermédiaire de ses avocats un message à la jeunesse : « Chaque génération choisit son parcours. [Celle] de la révolution a choisi de libérer la terre et les jeunes du Hirak ont choisi de libérer la patrie. »

« M. BOUREGAA A 86 ANS, IL EST EMPRISONNÉ DEPUIS PLUS DE QUATRE MOIS PARCE QU’IL A DONNÉ SON AVIS SUR GAÏD SALAH »

Nombreux étaient les manifestants de vendredi qui s’en réclamaient. « Nous sommes un groupe de jeunes, nous avons imprimé et distribué [le masque de M. Bouregaa], affirme Aziz, un homme de 37 ans. M. Bouregaa a 86 ans, il est emprisonné depuis plus de quatre mois parce qu’il a donné son avis sur Gaïd Salah. C’est de l’injustice pure. Lui passe le 1er novembre en prison alors qu’il a participé à libérer le pays. »

Une vielle dame en robe traditionnelle berbère jaune tient le masque à bout de bras. « C’est un grand homme et il est enfermé, s’indigne-t-elle. Les mafieux, eux, ils sont dehors. » Des hommes crient « Ali », en référence à Ali la Pointe [figure du FLN dans la bataille d’Alger], et les femmes se joignent aux cris à grand renfort de youyous. Puis la foule scande « Tahia el Djazaïr ! » (« vive l’Algérie ! »).

« Non aux élections »

Des portraits encadrés de Didouche Mourad ou du « Groupe des six », les six hommes qui se sont réunis pour déclencher la guerre, circulent de main en main. Dans le carré féministe, les militantes d’Alger ont fait imprimer des portraits d’anciennes combattantes. Deux hommes âgés abordent un manifestant vêtu d’une veste de survêtement bleue, sur laquelle il est écrit « Equipe de France », et lui demandent de la retirer en souriant.

Hommes comme femmes portent leurs drapeaux autour des épaules. Deux jeunes se prennent en photo avec un drapeau berbère avant de vite le cacher dans leur sac à dos. D’autres, plus téméraires, le brandissent en criant : « Venez le prendre ! » Depuis juin, plus d’une vingtaine de personnes sont en détention provisoire pour avoir porté ce drapeau, accusés d’« atteinte à l’unité nationale ».

Sur les pancartes, il est écrit « Non aux élections », « Je ne voterai pas ». Ni l’annonce le 27 octobre des noms des vingt-deux candidats à l’élection présidentielle, ni les messages répétés des autorités affirmant que le scrutin était nécessaire n’ont calmé la contestation.

« Il n’y aura pas de vote. Ils ne vont pas faire aux jeunes ce qu’ils nous ont fait à nous, dit une vieille dame en voile blanc traditionnel. Ce sont tous des voleurs ! Ils ne voient pas qu’on vit dans des poubelles ? Ils ne voient pas que les jeunes sont au chômage ? Que les routes sont cassées ? Ils ne voient que le vote. Et il n’y aura pas de vote. »

« Nos parents sont morts pour qu’on soit libres »

Des groupes de jeunes reprennent les chansons les plus célèbres des manifestations : La Casa del Mouradia, du groupe de supporteurs du club de l’USMA d’Alger ; Liberté, du rappeur Soolking. L’une des chansons adressées au chef d’état-major a été adaptée : « Dites-leur que la jeunesse est à bord des bateaux, dites-leur que ce sont les policiers qui vont voter. »

Houria porte une photographie de son père, mort en combattant pendant la guerre d’indépendance : « Nos parents sont morts pour qu’on soit libres, mais on n’a rien gagné, clame-t-elle. Aujourd’hui, on est fiers de nos jeunes. Gaïd Salah et la mafia, on espère qu’ils s’en iront tous. »

En arrivant près de la Grande Poste, où se rejoignent les cortèges venus des différents quartiers d’Alger, un homme lance : « Quelques éléments ! Il a dit quelques éléments ! Regardez les quelques éléments. » L’expression « quelques éléments » avait été utilisée par le président par intérim Abdelkader Bensalah lors de son entretien avec le président russe Vladimir Poutine – pendant le sommet Afrique-Russie de Sotchi les 23 et 24 octobre –, pour affirmer que les manifestations ne mobilisaient plus vraiment.

Un autre homme, casquette sur la tête, rit : « A la télévision, ils sont capables de dire que tous ces gens, c’est pour fêter le 1er novembre. » La couverture médiatique, ou plutôt son absence, est régulièrement critiquée par les manifestants. Dans la soirée, la télévision publique a diffusé sans les dater des images enregistrées la veille, dans un petit rassemblement de partisans de l’armée qui appelaient à se mobiliser pour le scrutin.

Sur les réseaux sociaux, aux côtés des vues plongeantes qui montrent l’importance de la mobilisation dans tout le pays, des images du 1er novembre 2018 sont partagées à tout va. Ce jour-là, il y a à peine un an, Abdelaziz Bouteflika, sur son fauteuil roulant, engoncé dans un manteau noir, déposait une gerbe de fleurs au pied du monument des martyrs. Avec le mouvement de protestation, les Algériens se sont aussi approprié cette fête, qui était jusqu’ici réservée aux hommages officiels et aux parades.

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