Par Robin D'Angelo
Montages financiers, holding à l’étranger, films au rabais, actrices mal payées… Dans l’empire des Dorcel père et fils, millionnaires du X et rois autoproclamés du « pornochic » depuis quarante ans, tout n’est pas si rose.
Son déguisement est fin prêt. Après avoir été un directeur d’école, en 2009, puis un maréchal d’Empire, en 2014, Marc Dorcel a choisi cette année une tenue de maharaja. « Avec un turban et des couleurs chamarrées », précise-t-il. Vendredi 18 octobre, le groupe Dorcel organise son traditionnel bal masqué quinquennal. Plus de 2 000 invités dans un lieu prestigieux de l’Ouest parisien, encore tenu secret. Il fallait bien cela pour fêter les 40 ans de la plus célèbre marque française de films pour adultes.
Un label connu de tous, un nom passé dans le langage commun. Et, surtout, une entreprise presque comme les autres, qui vient de s’installer au cœur d’un pôle média, à deux pas de Radio France, dans le 16e arrondissement de Paris, dans un immeuble avec open spaces et salles de réunion vitrées où une cinquantaine d’employés se répartissent entre les services de distribution de programmes adultes, de marketing ou de commerce de détail. Parmi ses activités, la plus rentable est la VOD (vidéo à la demande), qui représenterait à elle seule entre 60 % et 70 % du chiffre d’affaires, le reste étant réparti entre les six chaînes de télévision et une griffe de sextoys.
Tapisseries rococo et dorures
L’univers du porno a vu des labels émerger et disparaître, des nababs devenir richissimes puis ruinés, des cinémas X remplis tous les soirs puis fermer les uns après les autres, remplacés par des vidéoclubs, eux-mêmes délaissés quand Internet est arrivé… Et aujourd’hui, en dépit des plates-formes de vidéos pornographiques en ligne qui rendent les films X accessibles en quelques clics, Dorcel est toujours là, une entreprise familiale qui subsiste à toutes les révolutions du secteur, et qui fait aujourd’hui 37 millions d’euros de chiffre d’affaires annuels avec de la pornographie hétéro, gay et trans. « Nous sommes un acteur global d’entertainment, un peu comme Disney ou Warner », se félicite Grégory Dorcel, directeur général arrivé dans l’entreprise de son père en 1998, après un diplôme obtenu dans une école de commerce.
Pour promouvoir la marque, les rôles sont bien rodés entre le père et le fils, actionnaires quasi uniques de la société. Grégory, quadragénaire imposant, est prompt à célébrer la bonne santé économique de l’entreprise quand le père, Marc, 85 ans, président du conseil de surveillance, raconte la légende. Une histoire qui a démarré en 1979, avec Jolies petites garces, le premier porno de France tourné pour la VHS.
Marc Dorcel, alors éditeur de revues pour adultes, après avoir créé des entreprises dans le secteur du transport et de l’intérim, est sollicité par un réparateur de magnétoscopes pour produire une vidéo X. Le film est tourné à Pigalle en deux jours, dans l’appartement d’un couple gay, où l’apprenti cinéaste de 45 ans a l’habitude de réaliser des romans-photos. Les tapisseries rococo et les dorures du mobilier s’accordent avec les culottes soyeuses des actrices. « Tout le monde me prenait pour un dingue parce que j’achetais de la lingerie chez Chantal Thomass et que ça coûtait une fortune, s’amuse Marc Dorcel. Moi, je voulais que cela brille à l’image. Que cela ne fasse pas pute, avec le haut du bas qui dépasse de la jupe. »
Homme d’affaires plus que de cinéma
Les décennies suivantes seront faites de Rolls-Royce et de châteaux. Le fameux style « pornochic » qui fera tant pour son image et que Dorcel finira par déposer comme marque à l’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI), en 2001. « Dorcel, c’est aussi les intrigues autour du consentement, nuance son ancien complice Michel Barny, avec qui il a signé une vingtaine de films entre 1981 et 1998. Pour lui, il fallait toujours que la fille dise “non, non, non…” Jusqu’à ce qu’elle finisse par craquer et en redemande. Ce sont les seules fois où on s’est engueulés. Et, pour cause, on était dans une période de libération sexuelle où il n’était plus question de forcer quelque nana que ce soit. » Jolies petites garces n’échappe pas à la règle.
La première séquence porno du film met en scène une jeune femme dans un parking, où elle est déshabillée de force par son partenaire, avant de céder à ses avances. « En ce temps-là, il n’était pas acceptable qu’une femme avec une libido forte se jette sur des mecs. Elles ne pouvaient pas dire “oh ! oui, prends-moi !” », désamorce Marie-Laurence de Rochefort, première attachée de presse de la marque, toujours au service de son patron.
« AVEC DORCEL, FALLAIT SE TENIR À CARREAU. AVEC LES AUTRES RÉALISATEURS, TU POUVAIS DIRE : “AUJOURD’HUI, NON, J’AI MAL AU DOS.” LUI, C’ÉTAIT : “T’AS MAL AU DOS, JE M’EN FOUS, C’EST ÉCRIT COMME ÇA ET TU FAIS COMME ÇA.” » UNE ACTRICE
En tout cas, les ventes sont au rendez-vous. Marc Dorcel rempile pour d’autres cassettes, à une époque où les vidéoclubs sont en plein boom, le porno pouvant représenter 30 % de leur chiffre d’affaires. La professionnalisation est en route. Ses inconvénients avec. « Avec Dorcel, fallait se tenir à carreau et, moi, ça me chiffonnait, tique Marilyn Jess, vedette de Jolies petites garces et plus tard des Mauvaises Rencontres et compagne de Barny. Avec les autres réalisateurs, tu pouvais dire : “Aujourd’hui, non, j’ai mal au dos.” Lui, c’était : “T’as mal au dos, je m’en fous, c’est écrit comme ça et tu fais comme ça.” »
« Ce n’est pas un anar libertaire comme Gérard Kikoïne [réalisateur phare de l’âge d’or du porno] », ajoute Guillaume Le Disez, auteur de Rayon X, la première anthologie de jaquettes de cassettes de films X. Il commence à une époque où le porno a perdu son côté provoc’ et s’est embourgeoisé. » Homme d’affaires plus que de cinéma, Marc Dorcel délègue rapidement ses tournages à d’autres réalisateurs pour se consacrer à la distribution.
« On l’appelait “Monsieur” et on le vouvoyait, se souvient un technicien présent sur les productions de Dorcel de 1987 à 1993. Il venait une fois au début du tournage, pour vérifier que tout allait bien, puis il repartait faire ses affaires. » Notamment s’atteler à la communication, qu’il soigne depuis les premiers jours de la marque. « J’aurais pu appeler ça “Les films du canapé”, décrypte l’entrepreneur, mais Vidéo Marc Dorcel, cela met en avant le personnage. Marc Dorcel existe, il est là, il est photographié. Il y a un interlocuteur, une image. »
À la fin des années 1980, Canal+ consacre cette stratégie marketing. « Le porno était à l’image de la chaîne : marginal, transgressif et rigolo. C’était le bon alibi pour en diffuser, raconte Henri Gigoux, responsable des acquisitions adultes de 1992 à 2016 pour la chaîne cryptée. Et puis, il n’y avait pas ce regard qu’on a aujourd’hui, vis-à-vis du sexe et des femmes. »
« ON M’AVAIT REMIS UNE LISTE DE CHOSE À FAIRE POUR SE STARIFIER. CE QUI M’AVAIT FAIT RIRE, C’ÉTAIT LE « NE PAS APPROCHER LES GENS BAS DE GAMME, MOCHES OU VULGAIRES ». » OKSANA, DORCEL GIRL 2017
Marc Dorcel comprend vite les bénéfices qu’il peut tirer de cette exposition. Comme le ferait Gaumont ou Pathé, il insère avant ses films un amorçage au nom de sa marque, mettant en scène, à grands coups d’effets spéciaux, un toucan à l’œil rieur. « J’y suis allé fort ! rigole-t-il. J’ai fait un amorçage qui durait au moins vingt-quatre secondes en me disant que ça ferait de la pub. Et ça a fait connaître la boîte de façon incroyable. Le “vu à la télé”, c’était magique. » « Le journal du hard », dernière émission de la grande époque de la chaîne à être encore à l’antenne aujourd’hui, parachève le travail. Alexandre Devoise, l’un des animateurs de l’émission, retient l’effervescence de la cérémonie des Hot d’or, sorte d’Oscars du X ayant lieu en marge du Festival de Cannes, largement couverte par Canal+. « Tout le monde se battait pour récupérer le précieux sésame qui permettait de rentrer. Des gens de la télévision, du cinéma… Il fallait en être alors que c’était ennuyeux comme pas possible ! »
À la même époque, au milieu des années 1990, Dorcel lance sa première Dorcel Girl, inspiré en cela par le contrat d’exclusivité signé entre la superstar du X américain Jenna Jameson et la société de production Wicked Pictures. Il est alors autant question pour ces actrices de jouer dans des films que de représenter la marque dans les talk-shows. Des sortes de Miss France du X. « Si tu penses qu’être pornstar c’est juste écarter les cuisses, Dorcel, c’est tout le contraire, abonde Anna Polina, l’une des dernières égéries, en 2011. Moi, cela m’a forgée. J’ai appris la communication, à savoir quoi dire aux journalistes, comment mettre la marque en valeur. » Un travail de représentation qui confine parfois à l’absurde. « On m’avait remis une liste de chose à faire pour se starifier, se remémore Oksana, Dorcel Girl de l’année 2007. Ce qui m’avait fait rire, c’était le “ne pas approcher les gens bas de gamme, moches ou vulgaires”. Ça, c’était le pompon ! Je n’avais pas le droit non plus d’être vue avec un sac à dos ou un sac plastique à la main. »
1 500 euros net par mois
Et, une fois sortie des plateaux télé de Cauet ou d’Ardisson, la réalité du porno reprend ses droits, loin de l’image glamour mise en avant par Dorcel. Oksana se souvient avoir été payée 1 500 euros net par mois, un cachet englobant ses tournages mensuels et ses prestations pour la marque. « Je vivais dans un logement étudiant qui me coûtait 400 euros, poursuit l’ex-vedette du X, aujourd’hui camgirl (femme s’exposant contre rémunération par le biais d’une webcam) dans le nord de la France. Quand des journalistes voulaient m’interviewer chez moi pour connaître la vraie vie d’une actrice de porno, je devais trouver des combines pour refuser. Il y avait un petit côté “pauvresse de service”. »
Au début des années 2000, Marc Dorcel a passé la main à son fils Grégory. Et le modèle économique de la petite entreprise familiale s’est adapté au XXIe siècle, et à la VOD. Néanmoins, elle tire profit des quatre décennies d’expérience et de son image « chic ». « Dans un monde pornographique qui n’est plus maîtrisé, on a là une marque repère très forte qui sort du lot », vante le responsable VOD d’un grand opérateur téléphonique. La marque distribue son catalogue de films à plus de 75 opérateurs à travers le monde qui se chargent de les revendre sur leurs propres plates-formes.
En France, le marché se porte bien. « Cela représente une très grande partie du chiffre d’affaires de la VOD », atteste Tristan Arnoud, chargé des acquisitions adultes pour la Canal+. Même chose pour l’un des quatre grands fournisseurs d’accès du pays (qui requiert l’anonymat), qui annonce vendre chaque année avec sa box un peu moins de 10 millions d’euros de vidéos porno. Pour tous, Dorcel est le partenaire numéro un.
Des films réalisés avec très peu de moyens
Aussi, l’entreprise doit chaque jour alimenter son catalogue, notamment pour la France, son principal marché. « Les fantasmes sont propres à la culture de chaque pays, rappelle Ghislain Faribeault, qui fut numéro deux de l’entreprise de 2007 à 2016. Un Français est plus intéressé par Monique, boulangère à Orléans, que par Jesse, pom-pom girl au Texas. »
Si Dorcel est le distributeur exclusif en Europe du studio américain Digital Playground, il est aussi très présent sur le marché français du « pro-am » (contraction de professionnel et amateur), qui propose des films réalisés avec très peu de moyens, jouant sur la proximité, souvent des compilations de scènes bas de gamme autour d’un thème (la mère de famille, la secrétaire…). Dorcel en achète à presque tout ce que le pays compte de petits producteurs. Sa force de frappe lui permet de leur imposer ses conditions. Un partage de revenus sur les ventes, qui laisse rarement plus de quelques milliers d’euros de chiffre d’affaires à ses fournisseurs.
« ÇA ARRIVE QUE LA FILLE FASSE UNE DRÔLE DE TÊTE PARCE QU’ELLE N’AIME PAS TROP CE QU’ON LUI FAIT. ON VA ALORS DEMANDER AU PRODUCTEUR DE COUPER LE PASSAGE À L’IMAGE. » UN RESPONSABLE DU GROUPE
En échange, ces derniers cèdent l’exclusivité de la diffusion pour deux ans. L’accord ne porte pas sur un titre unique, mais sur un catalogue à venir. Un moyen pour Dorcel d’inciter ses producteurs à produire, tout en veillant à ne pas apparaître comme donneur d’ordre. « Ils font bien attention à rester distributeur car, à partir du moment où tu es producteur, tu es redevable des gens qui sont dans les films, analyse un bon connaisseur de la maison. Grégory Dorcel, le notable, n’a pas envie d’atterrir au tribunal parce que telle fille a fait un gang bang et que ce n’était pas prévu à l’origine. »
Et, pour préserver l’image de marque, les équipes de Dorcel veillent au grain. « Ça arrive que la fille fasse une drôle de tête parce qu’elle n’aime pas trop ce qu’on lui fait, reconnaît un responsable du groupe, rencontré au printemps 2018. Alors on va demander au producteur de couper le passage, de la même manière qu’on lui demanderait de le faire s’il y avait un micro ou une perche à l’image. » Quant à savoir dans quelles conditions le film a été tourné, ce n’est pas du ressort de la société. « La seule chose que je peux demander, c’est : “Ce que l’on voit à l’écran est-il légal ou non ?” », se justifie Grégory Dorcel.
Pour être sûr de ne jamais manquer de contenus français, Dorcel produit également en interne une soixantaine de films pro-am par an. Des studios aux noms gaillards, comme Made in France ou Les Compères. Mais également les vidéos de La Banane Prod et de France Interdite. Celles-ci sont commandées par Fred Coppula, un des vétérans du X hexagonal, par le biais de. G La Prod, sa société, dont Dorcel est l’actionnaire majoritaire avec sa holding luxembourgeoise, 1979 Invest.
Le nom de la marque n’apparaît jamais. Pas assez propre
Là encore, des productions au rabais, avec des budgets pouvant descendre à 4 000 euros le film de trois scènes, soit un cachet de 250 euros à 350 euros pour les actrices, sauf pour les très rares vedettes du secteur. Pour les mettre en scène, Dorcel pioche dans le même vivier de réalisateurs, d’acteurs et d’actrices que Jacquie & Michel (J & M), le spécialiste du porno low cost, désormais son concurrent sur le marché de la VOD en France.
Après quelques scènes chez J & M, Tina (le nom a été modifié) est ainsi rapidement accueillie dans les bureaux de Dorcel, où on lui propose de tourner pour les petites productions de la marque. « On dit J & M ceci, J & M cela, mais Dorcel, c’est pareil. Moi, je suis tombée sur un réalisateur qui bossait pour les deux, commente la jeune femme, à l’époque prostituée occasionnelle. Par contre, ils m’ont fait changer de pseudo pour que cela ne fasse pas réchauffé. » Bien sûr, tous ces films produits par Dorcel ne sont pas marketés comme tel, le nom de la marque n’apparaissant jamais. Pas assez propre.
Et, lorsque l’actrice de l’une de ces vidéos s’enthousiasme sur les réseaux sociaux pour avoir participé à un « Dorcel », le community manager l’incite à retirer son post. Car le label Dorcel est réservé à une vingtaine de productions « haut de gamme » par an. « Ces films, c’est le défilé haute couture de Dorcel, compare Ghislain Faribeault. C’est ce qui fait l’image de la marque. Ensuite, le business se fait sur le catalogue et les produits dérivés. »
« NOUS, ON FAIT NOTRE ROUTE, ET LE MILIEU DU X EN FRANCE, JE NE SAIS PAS CE QUE C’EST. » GRÉGORY DORCEL
Mais, même pour ces vidéos, l’entreprise prend des dispositions pour se tenir éloignée de la production exécutive, c’est-à-dire la gestion administrative des tournages, qui est sous-traitée à des sociétés étrangères. Il en va ainsi pour la petite dizaine de longs-métrages tournés en France par le réalisateur maison Hervé Bodilis. Dans ce cas, Dorcel délègue la production exécutive à Originale Prod, une société de droit estonien dirigée par l’acteur-producteur-réalisateur Tony Carrera, comptable de formation.
L’Estonie présente le double intérêt d’être un pays où l’on peut créer sa société en deux clics et profiter d’une fiscalité avantageuse. Originale Prod s’exonère également du paiement des cotisations sociales et des charges patronales. En effet, un contrat que M a pu consulter atteste que, dans le cas de ce tournage précis, la personne employée est rémunérée en cash et doit régler elle-même les taxes en vigueur en France. Un document auquel s’ajoutent les témoignages de plusieurs actrices, acteurs et techniciens, habitués de ces productions. Ce montage sert également à financer au moins une partie des films pro-am produits par Dorcel.
Autant de prestataires dont beaucoup n’ont pas été invités au bal masqué anniversaire. « Nous, on fait notre route, et le milieu du X en France, je ne sais pas ce que c’est », évacue Grégory Dorcel. Lui-même n’a assisté qu’à un seul tournage porno au cours de sa vie, il y a maintenant plus de vingt ans. Mais, au bal masqué, il y aura des journalistes, des influenceurs, des chargés des relations publiques, et bien sûr ses partenaires commerciaux. En 2019, Dorcel a d’ailleurs réalisé deux gros coups en nouant, en août, un accord de distribution de son catalogue avec la chaîne Sky Italia et, en janvier, avec l’américain Comcast, un des plus gros opérateurs Internet au monde avec près de 40 millions d’abonnés.
« DORCEL, LA PORNOGRAPHIE RESPONSABLE ET ÉTHIQUE », IRONISE LAURENCE ROSSIGNOL, ANCIENNE MINISTRE DE LA FAMILLE, DE L’ENFANCE ET DES DROITS DES FEMMES
Une notabilité qui s’accompagne d’efforts politiques. Après avoir longtemps milité contre le piratage, en réclamant notamment aux fournisseurs Internet de couper l’accès aux sites de contrefaçon, Grégory Dorcel s’investit désormais dans la protection des mineurs. Sur son ordinateur, les copies des lettres qu’il a envoyées au ministre de l’éducation nationale Jean-Michel Blanquer ou au cabinet de l’ancienne ministre de la famille, de l’enfance et des droits des femmes Laurence Rossignol. « Dorcel, la pornographie responsable et éthique ! », ironise cette dernière. Le producteur-distributeur s’est également rapproché d’associations de protection de l’enfance, comme l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique. Avec succès.
« Grâce à lui, j’ai pu être mis en relation avec l’actrice Anna Polina pour tourner une vidéo de prévention afin de rappeler aux mineurs l’aspect fictionnel des images porno », se félicite son président, Thomas Rohmer. En ligne de mire pour Dorcel, la mise en place d’un système de vérification de l’âge qui pourrait passer par l’entrée d’un numéro de carte bancaire, et porterait ainsi un coup fatal aux tubes (plates-formes porno gratuites). Et, pour parfaire sa communication, l’homme d’affaires s’improvise conférencier tech. Le 7 septembre, il était l’invité du colloque Futures of Love, aux Magasins généraux, un lieu à Pantin (Seine-Saint-Denis) qui appartient à l’agence de publicité BETC, pour participer à une table ronde sur le sexe et la robotique.
Mais la communication a ses limites. Le premier entretien avec Grégory Dorcel a été conditionné à la présence de son attachée de presse, venue avec un Dictaphone pour consigner notre échange. Puis il a fait annuler l’interview avec son père, quelques heures à peine avant le rendez-vous, l’auteur de ces lignes étant accusé de tenir « des propos diffamatoires en privé » à l’encontre de la société. Ce n’est qu’après avoir été sermonné dans son bureau, où il a fait allusion à son droit de nous poursuivre en cas de diffamation, que nous serons finalement autorisés à poursuivre les entretiens et à réaliser des photos. Mais celles-ci ne seront jamais prises, Grégory Dorcel débarquant pour annuler le shooting, inquiet de la teneur de notre article. Pour l’illustrer, son attachée de presse enverra finalement des clichés du père et du fils. Deux hommes au sourire crispé, en costume sombre, avec un air austère de notables.