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Jours tranquilles à Paris

15 octobre 2019

Avenue George V - actuellement

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L'Avenue George V se transforme en véritable avenue d'art et de culture à ciel ouvert avec plus de 60 sculptures et photographies des plus grands artistes actuels en collaboration avec la Galerie Bel-Air Fine Art.

Du 15 octobre au 14 novembre 2019 sur toute l'avenue George V, 75008 Paris.

Vernissage le 15 octobre 2019, dès18h.Venez Nombreux !

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15 octobre 2019

Kurdes : «Nous avons bien plus peur des Turcs que de Daech»

Par Wilson Fache 

Lâchés par Washington, les combattants kurdes ont annoncé dimanche avoir conclu un accord avec Damas pour contrer l’offensive du régime d’Erdogan dans le nord de la Syrie. Au moins 130 000 civils ont déjà fui les combats. «Libération» est allé à la rencontre des habitants, désespérés et en colère.

Kurdes : «Nous avons bien plus peur des Turcs que de Daech»

Il est 21 heures mais il fait déjà nuit, comme si le monde avait été englouti. Sur la route M4 qui relie Tall Tamr à Qamichli, le check-point tenu par les forces kurdes syriennes est illuminé comme un sapin de Noël. Des dizaines de loupiotes rouges posées sur l’asphalte indiquent la position du barrage, un phare au milieu des champs arides. Mais celui-ci est désormais vacant. Un pick-up fonce à toute allure : les combattants des Unités de protection du peuple (YPG) quittent leurs positions. «On se retire, le régime arrive», murmure l’un d’eux à travers la vitre avant de repartir. En Syrie, et les «frontières» disparaissent dans la nuit aussi vite que les voitures.

Les autorités kurdes, acculées après «l’abandon» de Washington, ont finalement annoncé dimanche avoir passé un accord avec le régime de Bachar al-Assad, sous l’égide de la Russie, pour permettre le déploiement de l’armée syrienne dans le nord du pays. Le but : stopper l’avancée des troupes turques et de leurs supplétifs. En échange de la protection de Damas, plusieurs villes sous contrôle kurde brandiront à nouveau l’étendard de la République arabe syrienne. Les détails exacts de cet accord ne sont toutefois pas encore connus.

«Que des ennemis»

Le monde a changé il y a à peine une semaine, depuis le début de l’opération d’Ankara, lancée à la faveur du retrait américain. Le président Recep Tayyip Erdogan avait promis une «bande de sécurité» à la frontière pour repousser les forces kurdes, considérées par la Turquie comme une organisation terroriste. Un assaut qui a provoqué l’exode d’au moins 130 000 civils, selon les Nations unies. Plusieurs dizaines de voitures faisaient la queue, dès 6 heures du matin lundi, au poste-frontière irako-syrien de Semalka, leurs passagers espérant trouver refuge au Kurdistan irakien. Mohammed Ali, 58 ans, accompagne sa femme et ses deux filles, qu’il veut mettre en sécurité de l’autre côté de la rivière. «C’est une crise sans précédent. Nous n’avions pas d’autre choix que de passer un accord avec le régime», estime ce Kurde de Tall Tamr. Sur la plaine morne, l’aurore ressemble à s’y méprendre à un crépuscule. «C’est une bonne solution. Je pense que le régime prendra juste les postes-frontières et pas le contrôle de tout le Rojava», tente-t-il de se rassurer. Sans savoir que sa ville natale tombera quelques heures plus tard dans le giron de Damas.

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Ballottés au gré des batailles et des allégeances politiques mouvantes, les Kurdes étaient parvenus au fil du conflit en Syrie à bâtir leur propre région de facto autonome, sans toutefois jamais couper complètement le contact avec Damas, malgré des relations pour le moins houleuses, que ce soit sous Bachar al-Assad ou sous son père, Hafez. Aujourd’hui, l’administration kurde est visiblement en train de s’effondrer, signant peut-être la fin du «Rojava» en tant que projet politique. «Ce dont nous sommes certains, c’est que le régime n’a jamais cessé d’exiger une capitulation totale sans rien accorder aux Kurdes. Et les Kurdes sont extrêmement faibles en ce moment, ils n’ont aucun moyen de pression», analyse Elizabeth Tsurkov, chercheuse au Foreign Policy Research Institute.

Samedi déjà, des dizaines de familles se pressaient contre les portes closes de Semalka. Peau flétrie et yeux éraillés par la guerre, l’odyssée de Maryam Ibrahim l’a amenée jusqu’aux rives du Tigre. «Je ne peux plus pleurer, je n’ai plus de larmes à verser. Je ne peux pas marcher, mes jambes ne me portent plus. Je veux simplement que Dieu arrête cette guerre, plaide la matriarche de 70 ans, en sanglots. Mais je crois que nous n’avons que des ennemis. C’est l’opinion de la vieille femme que je suis.» Autour d’elle, les enfants sont inconsolables.

La guerre syrienne se conjugue au pluriel. Il y avait déjà l’assaut du régime contre les révolutionnaires, l’opération de la coalition internationale contre le groupe Etat islamique, l’EI contre tout le monde, Israël contre les alliés de Téhéran, Téhéran en soutien à Bachar al-Assad, Bachar al-Assad appuyé par Moscou, Moscou contre les groupes rebelles modérés et ceux financés par Doha ou Riyad, les islamistes contre les islamistes, contre les Kurdes, désormais partenaires du régime contre les Turcs.

«Le moment clé que nous devrons surveiller, c’est le moment où la Russie fermera, ou pas, l’espace aérien au-dessus de la Syrie. A ce jour, la Turquie a bénéficié du refus des Etats-Unis de fermer l’espace aérien au-dessus des zones kurdes pour empêcher les frappes aériennes turques. Pour que cet accord fonctionne, la Russie devra fermer l’espace aérien à ces attaques, estime Nicholas Heras, analyste au Center for New American Security. En fin de compte, cet accord constitue la première étape d’une longue route vers l’éventuelle intégration du nord et de l’est de la Syrie [sous contrôle kurde] dans un futur Etat syrien dirigé par Bachar al-Assad.»

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Echo des explosions

Lorsque Imane Haj Mamo a entendu les premiers avions, elle n’y a d’abord pas prêté attention, croyant reconnaître le bruit des jets de la coalition internationale qui combattent l’Etat islamique. Puis les bombes turques sont tombées. Elle est partie de chez elle sans rien emporter – pas même les médicaments de sa fille malade – et a trouvé refuge avec ses enfants et deux autres familles dans une école primaire à Hassaké. Femmes et enfants ont fui la bourgade frontalière de Ras al-Ain mercredi, au début de l’offensive turque, tandis que leurs maris sont restés pour défendre leur maison.

Cette mère de 40 ans ne connaît que trop bien l’exode. Elle avait déjà dû fuir Alep en 2012 lors des affrontements entre les rebelles et le régime de Bachar al-Assad. Elle avait alors trouvé refuge à Kobané. Puis l’Etat islamique est arrivé et a tué son père et son frère aîné, Arûn. Il a alors fallu fuir Kobané. Elle vivait à Ras al-Ain depuis cinq ans lorsque la guerre est revenue frapper à sa porte. Il a fallu fuir à nouveau. Sa voix s’effrite. En larmes, elle se demande : «Où irons-nous ensuite ?»

A Qamichli, capitale (déchue ?) de la région kurde, les rues habituellement noires de monde sont désertes depuis le début de l’offensive. Le silence seulement interrompu par les aboiements de chiens errants et l’écho des explosions. Si le désespoir avait un parfum, il sentirait probablement comme l’intérieur de l’hôpital Farman. Les mots ne suffisent plus, les fluides racontent : on y pleure ses morts et on y sue de terreur, les plaies font couler un sang tiède. Les bouches, elles, crachent sur «l’abandon» américain. «C’est une catastrophe, c’est une catastrophe», marmonne un chirurgien orthopédique. Les chambres qui accueillent les blessés ont des airs de veillées funéraires. Massoud Ali Mehdi a eu l’abdomen transpercé dans une explosion : «Nous avons bien plus peur des Turcs que de Daech. Nos combattants ont donné leur vie pour vaincre les jihadistes, et maintenant Erdogan est là pour nous achever.»

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Paranoïa

Même discours dans le dispensaire de Tall Tamr, à 100 kilomètres au sud-ouest de Qamichli. «Où sont les Américains ? Où ?» demande dans le vide Delil Hassakeh (un nom de guerre). Allongé sur un brancard orange, ce combattant arabe a été blessé au niveau de la jambe et du dos dans une frappe aérienne qui a coûté la vie à son meilleur ami. «J’ai combattu au sein des Forces démocratiques syriennes [sous leadership kurde, ndlr] pour reprendre Raqqa à Daech. Cette bataille n’était rien en comparaison avec ce que l’on vit maintenant. Daech, au moins, n’avait pas d’avions de chasse», lâche-t-il dans un grognement d’agonie alors que des infirmiers le transportent vers le bloc opératoire.

Soudain, un crépitement. Les balles se perdent dans le ciel de Tall Tamr. «Une cellule dormante de Daech attaque», assure le soldat qui garde l’entrée de l’hôpital. Quelques minutes plus tard, le silence reprend ses droits. Sur place, des témoins de l’événement racontent : quatre ou cinq hommes masqués roulaient derrière un pick-up des YPG, qui ont tiré en l’air lorsqu’ils ont vu qu’ils étaient suivis. Les individus ont tenté de s’échapper avant d’être arrêtés. Etaient-ils vraiment de Daech ? L’ennemi – les ennemis – semble omniscient et, dans le chaos ambiant, la paranoïa atteint des sommets. Les autorités kurdes ont annoncé dimanche la fuite de près de 800 proches de jihadistes de l’Etat islamique d’un camp de déplacés. D’autres évasions ont aussi été rapportées. Quelque 12 000 combattants de l’organisation terroriste, dont 2 500 à 3 000 étrangers, seraient détenus dans les prisons sous contrôle des Kurdes. Autant de bombes à retardements.

Les répercussions des derniers développements sont tentaculaires et représentent un cauchemar pour les chancelleries européennes, pour ne citer qu’elles. Les combattants occidentaux de Daech et leurs familles, détenus dans des camps et prisons à travers le Kurdistan syrien, finiront-ils entre les mains du régime d’Al-Assad, à qui les Européens ne reconnaissent pas de légitimité ? Jusqu’où iront les jihadistes parvenus à s’échapper ? Le chaos actuel sera-t-il un terreau fertile à la résurgence de l’organisation terroriste, déjà bien entamée ? Ces questions pourraient hanter la région pour les années à venir. Mais au Kurdistan syrien, l’heure est pour l’instant au deuil. L’adage qui veut que «les Kurdes n’aient pour amies que les montagnes» a, disent ces balafrés, rarement sonné si vrai.

15 octobre 2019

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15 octobre 2019

Trottinettes entassées sur le trottoir près du Palais de Tokyo

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15 octobre 2019

Donald Trump change de ton sur la Syrie, sans revenir sur le retrait des troupes américaines

Le président américain a décidé de prendre des sanctions, surtout symboliques, contre plusieurs ministres d’Ankara et le rétablissement de taxes sur l’acier turc.

Par Gilles Paris  

Les Etats-Unis ont tenté de sortir de leur état de sidération sur le dossier syrien, lundi 14 octobre. Une semaine après avoir pris acte de la volonté de la Turquie de s’attaquer aux alliés kurdes de Washington dans le nord-est de la Syrie, retirant en conséquence les forces spéciales américaines déployées à la frontière, Donald Trump a changé de ton au cours d’une nouvelle conversation téléphonique avec son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan.

Selon le vice-président des Etats-Unis, Mike Pence, qui va se rendre très prochainement à Ankara avec le conseiller à la sécurité nationale Robert O’Brien, Donald Trump a « très clairement indiqué » que Washington « souhaite que la Turquie mette un terme à l’invasion, mette en œuvre un cessez-le-feu immédiat et entame des négociations avec les forces kurdes en Syrie afin de mettre fin à la violence ».

Une fermeté tardive, les Etats-Unis s’étant dans un premier temps contentés de juger que cette offensive était « une mauvaise idée », alors que Donald Trump a répété sur Twitter, lundi encore, sa volonté de se désengager de la région. « Quiconque veut aider la Syrie à protéger les Kurdes me convient bien, que ce soit la Russie, la Chine ou Napoléon Bonaparte. J’espère qu’ils vont tous très bien, nous sommes à 7 000 miles ! », a écrit le président des Etats-Unis avec désinvolture. Il n’a pas caché son désir de se concentrer sur une autre frontière, celle qui sépare son pays du Mexique.

Des sanctions surtout symboliques

« Pendant des années, les Etats-Unis et nos partenaires kurdes syriens se sont battus héroïquement pour piéger l’organisation Etat islamique [EI] et détruire son califat », a déploré, lundi, le chef de la majorité républicaine du Sénat, Mitch McConnell. « Abandonner cette lutte maintenant et retirer les forces américaines de la Syrie recréeraient les conditions » d’une résurgence djihadiste, s’est-il inquiété.

Sans doute pour tenir compte du mécontentement que sa gestion de l’offensive turque a provoqué dans les rangs républicains, Donald Trump a signé un décret exécutif imposant des sanctions surtout symboliques contre les ministres de l’énergie, de la défense et de l’intérieur de Turquie. Leurs éventuels avoirs aux Etats-Unis sont gelés et leurs transactions internationales en dollars sont bloquées.

De même, des taxes visant l’acier produit en Turquie ont été rétablies. Washington a enfin gelé des négociations en vue d’un accord commercial. Le secrétaire américain à la défense, Mark Esper, doit par ailleurs se rendre à Bruxelles pour inviter les autres membres de l’OTAN, dont est membre Ankara, « à prendre des mesures diplomatiques et économiques collectives et individuelles en réponse à ces odieux actes turcs ».

« Une montée du chaos »

« Je suis tout à fait prêt à détruire rapidement l’économie turque si les dirigeants turcs continuent sur cette voie dangereuse et destructrice », a assuré le président des Etats-Unis. Il n’a pas convaincu les démocrates. « Le président Trump a déclenché une montée du chaos et de l’insécurité en Syrie. Son annonce d’un ensemble de sanctions contre la Turquie n’est vraiment pas suffisante pour renverser ce désastre humanitaire », a jugé dans un communiqué la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi.

La détermination apparente du président a été, il est vrai, contredite par la poursuite du retrait des soldats américains bousculés par leurs alliés turcs. « Je retire les derniers membres des forces armées américaines du nord-est de la Syrie », a confirmé Donald Trump, alors qu’un haut responsable de son administration avait assuré, il y a tout juste une semaine, que ce moment n’était pas venu.

Le président a ajouté que « les troupes évacuées de Syrie se redéploieront et resteront dans la région pour surveiller la situation et empêcher une répétition de 2014 ». A savoir la résurgence d’un mouvement djihadiste qui avait contraint Washington à mettre sur pied une coalition internationale. Aujourd’hui totalement prise de court par les derniers événements.

Leur enchaînement, dévastateur pour le crédit des Etats-Unis, rend totalement illusoire cette tentative de revenir à la situation qui prévalait avant l’échange téléphonique du 6 octobre entre Donald Trump et Recep Tayyip Erdogan. Le vide laissé par les forces spéciales américaines a en effet été immédiatement mis à profit. A la fois par les troupes turques et par les forces du régime de Bachar Al-Assad, vers lequel les Kurdes syriens se sont tournés en désespoir de cause.

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15 octobre 2019

Jane Fonda embarquée suite à une manifestation contre le Réchauffement Climatique (Etats Unis)

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15 octobre 2019

La Fondation Carla Sozzani ouvre ses portes à Paris

La galeriste et éditrice italienne, ancienne rédactrice mode et amie proche d’Azzedine Alaïa, inaugure ce soir son nouveau lieu d’exposition dans un ancien bâtiment industriel du 18ème arrondissement.

C’est au 22 rue Marx Dormoy, dans le 18ème arrondissement de Paris, que Carla Sozzani inaugure aujourd’hui l’antenne française de sa fondation d’art milanaise. Elle a choisi un quartier dynamique en marge du centre culturel, comme elle l’avait fait en 1990, à Milan, lorsqu’elle ouvrait la Galleria Carla Sozzani qui deviendrait un an plus tard 10 Corso Como. Ce lieu pionnier de la rencontre entre la mode et les arts est devenu une référence internationale, avec des antennes à Séoul et à New York. « Je passe beaucoup de temps à Paris depuis la mort d’Azzedine [Alaïa, avec qui elle ouvrait en 2007 l’association Azzedine Alaïa et dont elle gère aujourd’hui la fondation, ndlr] », expliquait-elle à Vogue quelques jours avant l’inauguration. « Je me suis dit que c’était le moment de poursuivre ici l’aventure de ma fondation. »

Une friche industrielle devenue fondation d’art

À quelques pas du Théâtre des Bouffes du Nord, la Fondazzione Sozzani se dresse dans un ancien bâtiment industriel de 1000 mètres carrés, avec sol bétonné, structures apparentes et une grande verrière qui laisse passer la lumière. « J’aime beaucoup l’idée d’emmener la culture en dehors du centre-ville, comme nous l’avions fait à Milan à l’époque. » poursuit-elle. « Lorsque nous avons acheté le lieu, il y a plusieurs années, il était occupé par des bureaux, mais je pense qu’il s’agit d’une ancienne usine de fromage, nous avions trouvé au sous-sol tout le matériel nécessaire à sa conservation. » Vidé de ses anciennes installations, ce grand bâtiment de briques rouges laisse apparaître ses structures métalliques d’époque. « Le lieu était tellement beau qu’il y avait peu de travaux à faire, si ce n’est dans la cuisine, pour pouvoir organiser des dîners. » Amie proche d’Azzedine Alaïa, décédé en 2017, Carla Sozzani partageait avec le couturier l’amour de recevoir, mais aussi une volonté de créer des passerelles entre la mode et l’art. « Nous sommes toujours à la recherche de la beauté. Il y a beaucoup d’art dans la mode, ma vie a toujours été connecté aux deux. » Elle évoque la Biennale de Florence de 1996, pour laquelle Jean Paul Gaultier avait créé un musée éphémère, et où Azzedine Alaïa avait convié son ami et artiste Julian Schnabel.

Faire vivre les arts et la culture

Depuis, cette ancienne rédactrice mode, notamment pour Vogue Italia, collectionneuse d’art et de photographie, devenue galeriste et éditrice, a organisé de nombreuses expositions dédiées aux plus grands photographes, d’Helmut Newton à Irving Penn en passant par Sarah Moon. Pour sa première exposition parisienne, elle a convié l’artiste américain Kris Ruhs, qui en 1990 inaugurait sa première galerie. « Le lieu se prête à son travail, qui mêle la peinture et les installations. J’ai trouvé très beau et symbolique de le faire revenir 30 ans plus tard. » L’exposition se tiendra jusqu’au dimanche 20 octobre, avant de laisser place à World Press Photo, le rendez-vous du photo-journalisme, à partir du 3 novembre. Elle prépare également la nouvelle exposition de la Fondation Azzedine Alaïa, qui dressera un parallèle entre le travail du couturier et celui de Cristobal Balenciaga, dont il collectionnait les archives. Mais à chaque projet son temps; dans sa fondation parisienne, Carla Sozzani laisse place au design, à l’architecture et au travail d’artistes méconnus. « Nous travaillons sur le programme et sur la possibilité de collaborer avec d’autres institutions artistiques autour du design, de l’art et de la photographie. Au fond, ce qui est beau, c’est la possibilité d’être toujours attiré par de nouvelles choses non ? ».

Fondazione Sozzani, 22 Rue Marx Dormoy 75018 Paris Exposition Kris Ruhs - Creation Language, du mardi 15 au dimanche 20 octobre 2019

15 octobre 2019

Le photographe Pasha HoneyACID a soumis cette série réalisée avec un projecteur et un modèle Maria tourné à Kyiv, UA.

15 octobre 2019

Marisa Israel from Frank Rose on Vimeo.

15 octobre 2019

Entretien - Alain Souchon : « Je n’étais pas crédible en séducteur »

Par Pascale Krémer

Je ne serais pas arrivé là si… « Le Monde » interroge une personnalité sur un moment décisif de son existence. Cette semaine, le chanteur populaire raconte sa rencontre décisive avec Laurent Voulzy, le succès, mais aussi ses blessures et ses doutes.

J’ai 10 ans, Bidon, Jamais content, Ultra moderne solitude, C’est déjà ça, Foule sentimentale, Allô maman bobo… Ses chansons poétiques et mélancoliques, sur les musiques de son compagnon de création Laurent Voulzy, lui ont valu, en quarante-cinq années de carrière, neuf Victoires de la musique. A 75 ans, Alain Souchon sort, le 18 octobre, un nouvel album studio, Ame fifties avant une série de concerts.

Je ne serais pas arrivé là si…

Si je n’avais pas rencontré Laurent Voulzy, c’est évident. Je suis très amoureux de la musique, mais j’en suis un mauvais créateur. Laurent, lui, compose des airs simples avec des harmonies sophistiquées. C’est ça, le charme des grandes chansons, comme celles des Beatles. Il a charpenté mon travail, lui a apporté une finesse. Parce que l’important dans la chanson, c’est la musique. Le signal. Le « Pin-Pon ! » Après, seulement, on écoute les paroles.

Parfois, avec Laurent, on se regarde. Il me dit : « Quand même, si tu n’avais pas écrit les paroles d’un tas de mes chansons, je n’en serais pas où je suis. » Je lui réponds : « Ni moi sans ta musique. » Grâce à lui, les gens me sourient dans le métro. J’éprouve une gratitude. On est un couple. Un duo de faiseurs de chansons. On ne couche pas ensemble, mais on a besoin l’un de l’autre. On se rassure, on s’entraide, c’est un compagnon de vie. Oh, il arrive qu’on reste six mois sans se voir. Mais on sait qu’on est là…

Comment a commencé cette collaboration unique qui dure depuis quarante-cinq ans ?

Par une invitation du PDG de la maison de disques RCA, pour un goûter dans son jardin, en 1973. Chacun venait avec sa guitare interpréter une chanson. Il y avait Antoine, Yves Simon, Laurent Voulzy qui faisait l’admiration de tous grâce à la finesse de ses accords de passage. Des pointures, tous ces mecs ! Et moi j’avais ma petite chanson : « Moi, l’amour 1830/Pathétique, romantique/Je trouvais ça démodé… » J’avais conscience d’être faible musicalement. C’était déjà ça… Et là je me suis retrouvé dans l’ascenseur avec Laurent, qui m’a assuré : « Ta chanson, elle est vachement bien. » J’ai cru qu’il se foutait de moi.

J’ai gagné le prix de la presse au concours de la Rose d’or d’Antibes. Donc la maison de disques m’a commandé un album. Il me fallait un arrangeur qui ne coûte pas des milliards. Alors le directeur artistique de RCA, Bob Socquet, a pensé à « un chanteur très doué musicalement mais qui comme toi ne marche pas ». Laurent Voulzy. Je suis allé chez lui, à Nogent-sur-Marne. Je lui ai joué mes chansons musicalement nulles, il a eu l’élégance d’accepter d’en faire les arrangements. On est allés chercher ensemble, en métro, un manuel d’harmonisation des cordes, place de la Madeleine.

Un jour, je lui ai fredonné une idée qui m’était venue. « Ta-Toum-Ta-Toum/J’ai 10 ans… » Il m’a dit que mon air n’« était pas terrible ». Il a saisi un annuaire, des baguettes… Et il a inventé J’ai 10 ans. Comme ça. Pratiquement la mélodie finale.

Ces paroles enfantines, avec les « Tar’ ta gueule à la récré », les « quilles à la vanille », les « gars en chocolat », d’où venaient-elles ?

Je ne pouvais pas me prendre au sérieux. Je n’étais pas baraqué. Je voyais à la télé les Claude François, les Mike Brant. Moi je n’étais pas crédible en séducteur. Donc je jouais au gamin resté dans son monde d’enfant, dans ses rêves. Je m’affirmais comme un idiot, un peu. C’était nouveau, à l’époque.

« J’ai 10 ans » a rencontré un succès immédiat, en 1974 ?

Non, on l’a sortie sur un album avec tout un tas d’autres chansons emmerdantes. Il ne s’est rien passé. Jusqu’à ce que, six mois plus tard, on l’entende, avec Laurent, dans la voiture. Monique Lermarcis, la directrice artistique de RTL, l’avait découverte et trouvée sympa. Toutes les radios s’y sont mises. C’était la seule chanson dont Laurent avait composé la musique qui plaisait. On s’est dit qu’il fallait en inventer une autre ensemble. Ça a été J’suis bidon. J’étais au milieu de musiciens professionnels extraordinaires, comme le percussionniste Marc Chantreau ou le batteur Pierre-Alain Dahan. Quelle chance j’avais ! Moi, à côté, j’étais bidon.

Avec Laurent, il y avait déjà une connivence. Cela allait vite. En une après-midi, paf ! J’suis bidon. Et on a vendu beaucoup de disques. Evidemment, on a continué. Y a de la rumba dans l’air, une chanson très différente, mais qui a aussi marché. Le banquier m’a appelé pour m’annoncer que j’avais 600 000 francs sur mon compte. Là, c’était dingue ! Je me suis mis à faire le chanteur à la télé. Ça m’effrayait et m’amusait. On passait notre temps à rigoler sur le plateau de Guy Lux avec Bob Socquet, si cultivé, qui me parlait d’André Gide.

Deux jeunes chanteurs qui s’épaulent et parviennent à sortir de l’ombre… Enfin, surtout vous. Vous seul chantiez…

Oui, alors Laurent a suggéré : « Si on faisait une chanson pour moi, quand même… » Avec un petit air de par derrière. J’ai trouvé ça tout à fait normal. Il m’a parlé de son idée : « Je me souviens que telle année, y avait tel tube. » « Oui, je lui ai dit, mais tes paroles, on va les refaire. » Et j’ai écrit RockCollection. Il a mis trois mois à l’enregistrer parce qu’il prenait plaisir à ce que les différents passages soient absolument identiques aux originaux. Et il a vendu 6 millions de disques dans le monde entier.

On était sidérés. On avait bien fait de se rencontrer ! Avant, on n’avait aucun succès, ni lui ni moi. Et d’un seul coup, tous les deux, boum ! Comme un arc électrique ! Une magie qui nous dépassait… Ça venait tout seul, en se marrant. Idéalement. C’est injuste, mais on ne peinait pas beaucoup. Et surtout, c’était plutôt plaisant de le voir, ce garçon extraordinaire de gentillesse, de drôlerie, d’intelligence. J’adorais les histoires qu’il me racontait. Lui venait de la banlieue est, il avait connu la vie de chanteur en boîte à 2 heures du matin pour gagner trois sous. Moi j’étais d’une famille bourgeoise du 16e arrondissement parisien.

QUAND LES GENS S’INQUIÈTENT POUR LES ENFANTS, AU MOMENT D’UN DIVORCE, JE LEUR DIS : « CE N’EST RIEN, ILS SERONT CHANTEURS »

Une famille particulièrement portée sur la musique ?

Mes parents n’avaient pas d’argent, mais ils étaient obsédés par la culture. Leurs stars, ce n’étaient pas des joueurs de foot, mais Lamartine, Montaigne, Hugo… Mon père était professeur agrégé d’histoire, il enseignait au lycée Henri-IV. Avec ma mère, ils allaient tout le temps au concert ou au théâtre. Ils me laissaient avec une bonne très gentille et une grande bibliothèque – il n’y avait ni télé ni radio. Donc j’étais dans le couloir, je regardais les titres, les couvertures, je feuilletais, je lisais parfois. L’Amant de Lady Chatterley de D.H. Lawrence, à 12 ans. Ou Onze ans dans les bagnes soviétiques (de Lipper Elinor). Et surtout de la poésie.

Avant ces lectures, à 7 ans, votre père biologique est entré dans votre vie…

Je n’aime pas trop raconter cette histoire, ma mère passe pour une femme légère, ce qu’elle n’était pas du tout. Elle a rencontré un agrégé d’anglais, Pierre Souchon, pendant que son mari était parti passer une année à la Villa Médicis de Rome. Elle a fini par quitter son époux et épouser mon père quand j’ai eu 7 ans. J’ai donc eu une première famille, puis une autre. Tout le monde a été extrêmement aimant et bienveillant avec moi, mais évidemment, ça m’a déstructuré la tête. C’est ce qui fait que j’ai écrit des chansons, sans doute. Que je cherche quelque chose. Un équilibre. Quand les gens s’inquiètent pour les enfants, au moment d’un divorce, je leur dis : « Ce n’est rien, ils seront chanteurs. »

Ce bouleversement a-t-il eu des répercussions à l’école ?

Je ne sais pas. J’essaie de me trouver des excuses pour ne pas penser que, simplement, je suis idiot. A l’école, je n’arrivais à rien, je n’étais pas concentré. Je faisais rire mes copains, pour compenser. A un thème latin, j’avais reçu la note d’un quart. C’était monstrueux… Je décevais. Dans ma famille, il fallait faire des études. J’ai un frère agrégé de lettres, un autre docteur en géologie.

Si ce n’était l’école, quels étaient vos bonheurs d’enfant ?

Etre dans la nature tout seul. Mes grands-parents possédaient une maison en Sologne. Avec mon petit vélo, je partais dans les bois. C’était la liberté ! A Paris, on était petitement logés et je m’emmerdais. Là, je construisais des cabanes dans les arbres, je tuais des taupes pour les amener à la mairie et récupérer quelques centimes. Je passais ma vie avec les cultivateurs des environs qui labouraient avec des chevaux. Je montais dessus, je me prenais pour un cow-boy. Fier !

Votre père biologique est décédé en 1959 dans un accident de voiture. Vous aviez 14 ans. Comment avez-vous vécu ce nouveau choc ?

J’ai eu envie de cacher mes sentiments. Je voulais pleurer tout le temps et en même temps, je me disais qu’il n’allait plus m’engueuler. C’était monstrueux de penser ça, mais en contrepartie, je gagnais une liberté. Maman s’est mise à écrire des histoires d’amour à l’eau de rose pour gagner sa vie. On ne roulait pas sur l’or, il fallait toujours faire attention. J’en ai gardé un petit côté radin. Des fois, je me dis : « Ces chaussures-là sont trop chères. »

J’ai traînassé dans des boîtes à bac. Dans une pension en Haute-Savoie, où mon frère vivait. Il était guide de montagne et prof. La pension était une prison, on portait l’uniforme, on formait les rangs… Mais on était dans le même bateau, avec les copains. Et il y avait les filles, externes, qui venaient au lycée. Comme tout le monde, je les regardais croiser les jambes, j’essayais de leur dire des bêtises sans oser les approcher. Et puis j’avais le Lagarde et Michard. Ça me bottait, les peintures, les portraits de Lamartine, de Montaigne. Je m’évadais là-dedans.

Comment avez-vous réussi à filer à Londres à 16 ans, en 1960, l’année où les Beatles se formaient ?

Je suis parti passer le bac là-bas parce que mon père y avait des amis. Ma mère avait pensé qu’au moins, j’apprendrais l’anglais… Mais une fois arrivé, je me suis rendu compte que le Lycée français coûtait trop cher pour nous. J’ai convaincu ma mère au téléphone de mon intention de préparer le bac par correspondance, tout en travaillant dans un pub, trois heures par jour – je nettoyais les toilettes et les pompes à bière. J’étais « Mister Frenchman ». Les Anglaises m’embrassaient facilement sur la bouche pour la simple raison que j’étais français. Je trouvais ça usurpé mais génial.

Je n’ai pas décroché mon bac, malgré trois tentatives. Alors je me suis dit que j’allais faire ma vie d’une manière humble en commençant par des travaux manuels. Je suis retourné chez mon frère, j’ai trouvé un emploi d’apprenti peintre en bâtiment à Megève (Haute-Savoie), chez un patron gentil comme tout. Il fallait vernir des volets dans des chalets en construction, en pleins courants d’air. Ça caillait, à Megève, l’hiver.

Mais alors, comment en êtes-vous venu à vous imaginer chanteur ?

J’ai toujours cherché des mots. A 9 ans, j’ai trouvé : « Il est beau, majestueux et grand, dans la belle ville de Rouen » – cela parlait d’un fleuve, la Seine. J’étais content de moi, dans la forêt chez ma grand-mère ! J’ai couru lui réciter cette phrase. Plus tard, j’ai commencé à adorer la poésie. Les textes racontant des histoires avec des rimes et des rythmes. Je retrouvais ça dans les chansons françaises bien écrites, celles de Léo Ferré, Guy Béart, Georges Brassens, Jacques Brel… En classe de 5e, un professeur nous a fait étudier La Légende des siècles de Victor Hugo durant toute une année. J’ai été fasciné. La cadence, les rimes et ce que ça racontait, la folie moyenâgeuse, les excès de partout ! Puis, comme tout le monde, j’ai été faire un tour chez Apollinaire, Rimbaud, chez Ronsard, aussi, beaucoup…

J’essayais d’écrire des chansons dans mon coin, que je jouais sur ma guitare d’occasion. Elles étaient bébêtes : « J’suis un pauvre garçon… » Chanter, c’était comme un rêve que je n’osais pas m’avouer. Je n’y croyais absolument pas.

Pourquoi ne pas vous être rêvé écrivain, vous qui appréciiez tant les mots ?

D’abord, j’aime bien qu’il y ait de la musique. Et puis il y a ce côté clinquant des chanteurs qui rayonnent sur scène, qui sont applaudis. Ça pète, c’est rigolo. J’avais vu Gilbert Bécaud, un dimanche après-midi avec ma mère, les places n’étaient pas chères. J’avais été épaté par la force du son, et la sienne, et celle des applaudissements. J’essayais des chansons dans ma chambre en me demandant : « Est-ce que ça pète quand je dis ça ? »

Un copain m’a entraîné dans les cabarets de la rive gauche. Je voyais des mecs chanter, je pensais : « C’est pas mal, on ne les entend pas à la radio, mais ils gagnent leur vie. » J’ai passé des auditions avec trois, quatre chansons. Personne n’a voulu de moi. Mes chansons n’étaient pas terribles. « Est-il possible que tes cheveux soient descendus sur tes épaules/Est-il possible que tu sois si belle ? »

« QUELLE CHANCE D’AVOIR UN PETIT DON ! JE NE FAIS PAS PLUS D’EFFORTS QU’UN AUTRE… »

Par quel miracle, alors, avez-vous trouvé une maison de disques et démarré votre carrière la trentaine venue ?

J’ai fini par me convaincre que je devais écrire des chansons faciles pour des gens comme Frédéric François, qui marchait bien. Des chansons populaires, c’était de mon niveau. J’ai écrit Moi, l’amour 1830. J’ai cherché dans l’annuaire « Edition de chansons », j’ai téléphoné partout. Il y a un type qui m’a donné rendez-vous, Michel Larmand, aux éditions Chappell. J’y suis allé avec ma guitare, je n’avais pas de magnétophone. Il téléphonait, les pieds sur le bureau. « Allez-y, faites voir… »

Je lui ai chanté Moi, l’amour 1830. Il a conclu : « C’est bien. » Alors j’ai suggéré qu’on la propose à quelqu’un comme Frédéric François. Il m’a répondu : « Oui, mais vous avez une douceur dans la voix, un truc… J’ai un ami directeur d’une maison de disques qui cherche quelqu’un pour le concours de la Rose d’or d’Antibes ». C’était Bob Soquet, chez RCA, qui recrutait de nouveaux talents pour remonter la boîte. Je me suis présenté au concours, puis j’ai enregistré la chanson en studio avec un grand orchestre, des violons… J’étais terrorisé, et en même temps, un peu grisé.

Vous avez rencontré Laurent Voulzy, enchaîné les succès, engrangé neuf Victoires de la musique depuis 1986, dont celle de « Chanson des vingt dernières années », pour « Foule sentimentale ». Quelle est votre plus grande fierté ?

Associé à Laurent, oui, j’ai récolté des Victoires. Ça ne me rend pas fier, ça me sidère. Quelle chance d’avoir un petit don ! Je ne fais pas plus d’efforts qu’un autre… C’est un plaisir d’écrire des chansons et je suis récompensé par la société d’une manière inimaginable.

Il y a bien une chanson qui, à vos yeux, est plus précieuse que les autres ?

Ultramoderne solitude. C’est comme si j’étais inspiré, ce jour-là. Sans prétention ! C’est fascinant ce qu’on vit en ville. Cette espèce d’angoisse qui peut prendre tout le monde à n’importe quel moment. Cette solitude au milieu de la foule. On est tous un peu timides et perdus dans ce monde.

La chanson d’amour n’est pas vraiment votre fonds de répertoire. Préférez-vous dénoncer les travers de notre société ?

Pour avoir l’air intelligent vis-à-vis des filles, alors que je ne le suis pas tellement… Mais je ne dénonce pas, je donne mon petit point de vue sur le monde. Je suis là pour raconter. Je ne cherche pas à changer les choses, elles sont immuables. Evidemment, les gens qui s’imaginent que le bonheur, c’est de posséder, d’avoir une Porsche et deux téléphones, cela me donne envie de pleurer donc j’en fais une chanson comme Foule sentimentale. Mais je ne vais pas dire : « Tous des cons ! »

« A 75 ANS, BIEN SÛR QU’ON A PEUR D’ÊTRE MOINS BRILLANT. J’AI ÉTÉ POUSSÉ PAR LA MAISON DE DISQUES, PAR MA FEMME, PAR MES FILS. ÇA A L’AIR DE SE PASSER PAS MAL, JE SUIS CONTENT »

Dans votre nouvel album, la chanson « Ame fifties » évoque le poste Radiola, la Peugeot 203 et l’accordéoniste André Verchuren. Avez-vous sombré dans la nostalgie ?

Ce n’est pas une chanson nostalgique, c’est une photo. Les voitures actuelles sont mieux que les 203 qui démarraient à la manivelle et tombaient en panne tout le temps ! Par contre, j’ai écrit une chanson qui dit : « On se ramène les cheveux vers l’avant pour que tout soit comme avant. » Ça, c’est un petit peu nostalgique. Les garçons, quand ils perdent leurs cheveux, c’est leur jeunesse qui s’en va.

J’ai vu les cultivateurs dans les années 1950. Ils mouraient jeunes. C’est mieux maintenant, quand même. Dans les usines aussi. Et les filles sont si jolies. Et il y a des tas de gens intelligents, de films merveilleux. Et Internet, qui ne m’intéresse pas, mais rend la jeunesse heureuse visiblement. Une fois, j’ai dit : « Quand même, Macron, il a une vie romanesque… Si brillant, arriver au sommet et tout le monde lui tape dessus. » Vous n’imaginez pas ce que j’ai entendu ! « Connard ! Quand je pense que j’aimais bien tes chansons, c’est fini ! » Ça m’a surpris. Je croyais que je laissais indifférents ceux qui n’écoutaient pas mes chansons. Grâce à Internet, maintenant, je sais que les gens peuvent me haïr.

Vous allez de nouveau vous produire sur scène. Est-ce un plaisir pour vous ?

Le côté hystérique de se montrer, je trouve ça un peu bébête. Moi, ce qui me plaît, c’est de faire des chansons, puis que les gens me disent : « Elle est bien ta chanson. » Je ne vais pas vous faire croire que je n’aime pas les applaudissements. C’est très physique, la scène, c’est dangereux, faut pas se casser la gueule, on transpire comme une vache pendant deux heures, mais on fait ça avec sa tête, quand même. J’aime la réponse immédiate.

Quand 6 000 personnes vous renvoient leur satisfaction, comme un seul être énorme, on vit des moments merveilleux. Par exemple, j’ai fait une chanson (Et si en plus y a personne) sur la détresse des hommes qui ont besoin de se créer des dieux parce qu’ils sont perdus, qu’ils ont peur de l’infini, et puis qui s’égorgent à cause de ces dieux. Sur scène, les applaudissements n’en finissent plus. On est comme des frères.

Et le cinéma, avez-vous aimé ?

Non, ça ne m’a pas intéressé. Je ne me sentais pas habité par le truc. C’est le réalisateur Claude Berri qui m’avait entraîné là-dedans. J’ai aimé être proche de Jane Birkin, de Catherine Deneuve, d’Isabelle Adjani – Ah la beauté d’Isabelle dans L’Eté meurtrier… Côtoyer Pierre Granier-Deferre, Jacques Becker, Jacques Doillon… Quand vous endossez le rôle principal, le metteur en scène veut que vous soyez lui, ça crée des liens forts.

J’ai passé des après-midi entiers à attendre dans une voiture avec Jean-Louis Trintignant. Ce sont de merveilleux souvenirs, vous savez. Il me racontait : « Hier, j’ai fait un béret. » Pardon ? « Une course de voitures et je me suis retrouvé sur le toit. » Quel mélange ! Un mec si raffiné, si intérieur, qui se déchaînait sur une Porsche !

Moi, j’aurais adoré être drôle, être Thierry Lhermitte ou Edouard Baer. C’est charmant, ça fait du bien aux gens. Les Florence Foresti, on devrait les canoniser. Moi j’essaie et ça rate. Il n’y a pas pire…

A 75 ans, le temps qui passe est-il devenu source d’angoisse ? Craignez-vous le disque de trop, la tournée de trop ?

Bien sûr qu’on a peur d’être moins brillant. J’ai été poussé par la maison de disques, par ma femme, par mes fils. Ça a l’air de se passer pas mal, je suis content. Maintenant, sur scène, je vais peut-être m’effondrer, on verra. « Angoisse », le mot est trop fort. Je commence un texte et puis je demande « Ça va, ça ? » à Laurent Voulzy, à mes deux fils qui sont très actuels et très doués. « C’est presque toi, presque moi », tout le monde adore cet air qu’ils ont trouvé.

On ne peut pas rester assis à regarder le mur en se disant : « Je vieillis. » Autant s’agiter. L’avantage de la chanson, c’est que ce n’est pas un travail. C’est juste une envie d’amuser les filles.

Nouvel album Ame fifties (Parlophone/Warner Music France), sortie le 18 octobre

En concert du 14 au 17 novembre au Dôme de Paris puis en tournée dans 35 villes jusqu’en juin 2020.

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