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Jours tranquilles à Paris

26 mai 2020

Jean-Loup Dabadie, les mots de la vie

abadie

DISPARITION

Il aimait trop les mots – et surtout les bons – pour choisir parmi les plaisirs qu’ils peuvent prodiguer. Parolier prolifique, scénariste, dialoguiste, mais aussi journaliste, écrivain et traducteur (recension non exhaustive), Jean-Loup Dabadie est mort, dimanche 24 mai, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris 13e), à l’âge de 81 ans. Sans occuper le devant de la scène, cet homme éternellement souriant et élégant, à la conversation délicieuse et drolatique (il était encore un imitateur né) sous ses fausses allures de grand bourgeois coincé du 16e, tint une place de premier rang dans la chanson et la comédie grand public nationales. Des arts dits simples et légers, mais qui comptent paradoxalement parmi les plus difficiles qui soient, dans lesquels ce charmeur à l’insouciance intranquille excella sans céder à la vulgarité.

Très sensible à la critique, soucieux de reconnaissance, Dabadie aura tout de même connu son moment de gloire personnelle, le 10 avril 2008, quand il fut élu à l’Académie française, près de vingt ans après avoir essuyé un échec. Son admission marqua une date pour la vénérable institution qui, pour la première fois, admettait un saltimbanque en son sein. L’écrivain et critique Frédéric Vitoux, qui prononça le discours de réception, nota avec à propos que « ce n’est pas un fauteuil qu’il aurait dû occuper, mais quatre ou cinq, ceux de scénariste, de parolier, d’auteur de sketches, de romancier, de dialoguiste… »

Un inventaire des contributions de Dabadie à notre mémoire collective, plutôt celle des baby-boomeurs pour être exact, est de fait fastidieux. C’est sa plume que l’on retrouve derrière quelques-unes des plus grandes chansons de Michel Polnareff (Dans la maison vide, Holidays, Lettre à France) ou de Julien Clerc (Le Cœur trop grand pour moi, Ma préférence ou ce slow infernal qu’est Femmes, je vous aime). C’est aussi elle qui brille dans un diptyque aussi savoureux que celui que signe Yves Robert en 1976-1977 avec Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis, ou dans d’autres fleurons de fantaisie comme La Poudre d’escampette (Philippe de Broca, 1971) ou Le Sauvage (Jean-Paul Rappeneau, 1975).

« Mélancomique »

Sans oublier les films du cinéaste qui l’auront révélé dans le registre de la comédie dramatique, un oxymore taillé pour Dabadie. De 1970 à 1974, le scénariste accompagna Claude Sautet pour Les Choses de la vie, Max et les ferrailleurs, César et Rosalie et Vincent, François, Paul… et les autres, grands classiques de la rediffusion illuminés par Romy Schneider et par Michel Piccoli. Mort douze jours avant son ami, le 12 mai, le grand acteur employait pour qualifier Dabadie le mot-valise de « mélancomique ».

A la chanson et au cinéma, il convient d’ajouter évidemment les sketches pour Guy Bedos (Le Boxeur et son fameux « Monsieur Ramirez », Bonne fête Paulette) et le couple irrésistible que l’humoriste formait avec Sophie Daumier (La Drague, Aimez-vous les uns les autres). Et le théâtre, quand bien même, en dehors des adaptations, les efforts de Dabadie furent limités. C’est pourtant avec un roman qu’il tente d’imposer son nom alors qu’il n’a que 19 ans. Les Yeux secs, un portrait de jeune fille revancharde vis-à-vis des garçons, est publié au Seuil en 1957. L’échec des Dieux du foyer, l’année suivante, amène alors le jeune homme à se tourner vers le journalisme, d’abord avec des critiques de films pour la revue Arts. Pierre Lazareff, le patron de France-Soir, le prend ensuite sous son aile et lui confie une chronique dans l’hebdomadaire Le Nouveau Candide. Dabadie écrit aussi dans la revue Tel Quel en fréquentant les francs-tireurs Philippe Sollers et Jean-Edern Hallier.

Né le 27 septembre 1938 à Paris, il est lui-même le fils d’un homme de mots puisque Marcel Dabadie a écrit des paroles de chansons pour André Claveau, Les Frères Jacques, Luis Mariano, Maurice Chevalier ou Tino Rossi. Mais c’est loin de ce père, alors prisonnier de guerre, que l’enfant grandit dans la région de Grenoble, entouré de sa mère et de ses grands-parents paternels. En 1950, il retourne à Paris pour y décrocher son baccalauréat à l’âge de 14 ans.

De son passage sous les drapeaux demeure un souvenir saillant : la découverte à la télévision des facéties de Guy Bedos et l’envie immédiate de proposer ses services au comique non troupier. Ce sera le début d’une longue complicité qui n’interdit pas les infidélités au profit d’autres humoristes, Sylvie Joly, Jacques Villeret, Muriel Robin ou Pierre Palmade. Actif à la télévision pour les émissions de Jean-Christophe Averty, Dabadie signe sa première pièce en 1967, Une famille écarlate, jouée par Pierre Brasseur et Françoise Rosay au Théâtre de Paris. Sans éviter les facilités. Il attendra près de vingt ans pour la deuxième, D’Artagnan ou les Choses de la vie du quatrième mousquetaire, au Théâtre national de Chaillot en 1988.

A l’aube des années 1970, cinéma et chanson vont dominer ses activités et établir sa réputation. A l’écran, son nom devient indissociable de celui de Claude Sautet à partir des Choses de la vie (1970), son premier scénario, d’après le roman de Paul Guimard. L’accident de voiture et l’existence qui défile en flash-back marquent les esprits, dont celui de Marcel Gotlib qui en propose une désopilante parodie à partir d’une glissade sur une savonnette.

Dabadie apportera sa touche à une vingtaine de films, Claude Pinoteau (La Gifle en 1974, La Septième Cible en 1984) et Yves Robert étant ses deux autres cinéastes de prédilection. Pour les scènes de tennis d’Un éléphant ça trompe énormément, le membre du Racing Club de France prend modèle sur les doubles hebdomadaires qu’il dispute en compagnie du producteur Alain Sarde, de l’écrivain Bertrand Poirot-Delpech, du journaliste Pierre Bouteiller ou du critique de cinéma Gilles Jacob. « ll fallait que je réunisse quatre hommes plutôt immatures. La partie de cartes étant prise, j’ai eu l’idée du tennis : il suffisait de les mettre en culottes courtes pour qu’ils redeviennent des mômes », expliquera-t-il au Monde en 2004.

Nonchalance dandy

Ces succès populaires le rendent familier aux Français, le scénariste trimballant désormais sa nonchalance dandy sur les plateaux de télévision. Alors que celui qui considère que « les acteurs sont les souffleurs des auteurs » reconnaît volontiers être un « besogneux », rongé par l’angoisse. « Je me lance en écrivant mes brouillons avec des feutres de couleurs pâles, rose, bleu ciel, des couleurs pas trop graves », détaillait-il au Monde en 1988. « Quand je réécris une page, je choisis un bleu plus soutenu. Ça commence à se fixer. Là-dessus interviennent les corrections que je fais en rouge, comme à l’école. Après, si je suis un peu rassuré par la scène, le sketch, la chanson, je l’écris au feutre violet, ma couleur préférée. A ce moment-là seulement, je prends mon beau papier blanc, bien lourd, avec en filigrane un soldat romain casqué, et je recopie, très doucement, à l’encre noire… »

Le monde de la chanson lui avait ouvert ses portes par l’entremise de Serge Reggiani, qui lui avait passé une commande pour son tour de chant à Bobino en 1968. En naîtra Le Petit Garçon après que Barbara eut kidnappé la première proposition, Marie Chenevance. Suivront pour Reggiani L’Italien ou Hôtel des voyageurs, et environ 300 chansons pour des interprètes de toute obédience, de Mireille Mathieu à Robert Charlebois. Avec quelques coups d’éclats isolés comme le crépusculaire Maintenant je sais pour Jean Gabin (1974) ou le bouleversant J’comprends pas pour Dutronc (1975), où le piégeur de filles se fait larguer. Le lien entre cinéma et chanson est établi quand Nous irons tous au paradis (1977), d’Yves Robert, reprend On ira tous au paradis, écrit cinq ans plus tôt pour Polnareff.

C’est pour le provocateur à perruque et lunettes noires que Dabadie s’illustre surtout dans la décennie 1970, avant Julien Clerc pour la suivante. « Jean-Loup Dabadie sait trouver le cœur des gens, témoignait ce dernier dans Le Monde en 2009. Sans doute parce qu’il évite l’esbroufe (…). Il observe, saisit les choses du quotidien. » Un des sommets de leur partenariat fut L’Assassin assassiné, plaidoyer contre la peine de mort en 1980, qui pousse Julien Clerc à déchirer ses cordes vocales.

« Qu’on me pardonne/Mais on ne peut certains jours/Ecrire des chansons d’amour/Alors j’ai fermé mon piano/Paroles et musique de personne/Et j’ai pensé à ce salaud/Au sang lavé sur le pavé/Par ses bourreaux. » Ces mots furent sitôt interprétés comme une cinglante réponse à Je suis pour, de Michel Sardou, qui avait déchaîné les passions quatre ans plus tôt en exaltant la vengeance personnelle. Ce qui n’empêcha nullement Dabadie de prêter sa plume à celui qu’il avait contredit pour Chanteur de jazz (1985), sans que cela ne lui réussisse avec ces « nuées de pédales » qui « sortaient de Carnegie Hall ». Rare faute de goût chez un homme qui en avait tant.

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25 mai 2020

Souvenirs de shootings

25 mai 2020

La lettre politique de Laurent Joffrin - Bigard au gouvernement ?

gouvernement new

Emmanuel Macron choie Philippe de Villiers, prend conseil de Jean-Marie Bigard, témoigne du respect au professeur Didier Raoult, réconforte Eric Zemmour. Simple courtoisie envers des personnages qui comptent dans les médias ? Après tout, le Puy du Fou dudit De Villiers est un spectacle populaire, le débat sur le traitement du coronavirus à la Raoult a agité l’opinion, la fermeture des cafés dénoncée par Bigard les plonge dans la difficulté, l’agression contre Zemmour, quelles que soient les idées du polémiste, est injustifiable.

Mais la multiplication de ces gestes fait tout de même soupçonner un calcul politique un peu douteux. Si le Puy du Fou peut rouvrir, pourquoi pas d’autres festivals qu’on a interdits ? Si Raoult est un scientifique reconnu, ses déclarations à l’emporte-pièce et les doutes envers la chloroquine soulevés par plusieurs revues médicales incontestables posent problème. Si Bigard a le droit de s’exprimer en faveur des restaurants et des cafés, n’y a-t-il pas des organisations professionnelles autrement représentatives avec qui dialoguer sur la question ?

On se dit qu’une autre qualité relie ces personnages : ils sont à titres divers, des hérauts de «l’antisystème» (on ne sait trop quel «système» d’ailleurs). Alors on comprend mieux la manœuvre : Macron, l’homme d’en haut, le «président des riches», veut changer son image en draguant les grandes gueules «d’en bas». L’Elysée craint, dit-on, une candidature hors normes à la prochaine présidentielle, qui viendrait brouiller le jeu. Il prend les devants en les amadouant. Possible…

Il pourrait même aller plus loin. Puisqu’il a annoncé un tournant stratégique au sortir de la crise du coronavirus, il pourrait payer d’audace en formant un gouvernement franchement hors normes. On imagine d’ici l’équipe nouvelle : à la Santé, Didier Raoult, qui annoncerait la distribution gratuite de chloroquine, Jean-Marie Bigard, au Commerce et à l’Artisanat, qui pourrait ainsi voler au secours de ses amis restaurateurs, Philippe de Villiers aux Affaires étrangères, qui pourrait pourfendre à loisir «Mastrique» et l’Europe dictatoriale, Eric Zemmour à l’Immigration, qui donnerait enfin une ligne claire à une administration laxiste en diable. Pour faire bonne mesure, on y ajouterait Cyril Hanouna à l’Information, ce qui serait à coup sûr distrayant, Robert Ménard à l’Intérieur, lui qui gère si bien les affaires de sécurité à Béziers, le blogueur Etienne Chouard aux Affaires européennes, qui pourrait enfin briser les maléfiques traités de l’Union, Michel Houellebecq à la Culture, dont l’optimisme et la joie de vivre revigoreraient un secteur en pleine déprime, Elisabeth Lévy à la Condition féminine, qui mettrait bon ordre aux débordements de l’insupportable mouvement #MeToo, Agnès Buzyn aux Collectivité locales, après sa performance dans l’élection parisienne, etc. Et à Matignon, une personnalité de haut vol, capable d’avoir un avis tranchant sur tous les sujets : Michel Onfray, bien sûr. Comme on dit familièrement, voilà qui aurait de la gueule.

Plus sérieusement, la menace d’une candidature incongrue et populaire à l’élection présidentielle n’est pas imaginaire. Certes un certain Marcel Barbu, en 1965, qui avait versé quelques larmes lors de son intervention télévisée, n’avait guère troublé la compétition ; certes Louis Ducatel, entrepreneur mégalo qui figura dans le scrutin de 1969 n’obtint pas plus de 1,27% des voix ; certes Jacques Cheminade, clone français du très bizarre politicien américain Lyndon LaRouche, ne dépassa jamais 0,30% des voix ; mais Coluche, en revanche, candidat à la candidature aux «érections pestilentielles» de 1981, soutenu par une pléiade d’intellectuels, dont Pierre Bourdieu lui-même, fit une percée dans les sondages et inquiéta sérieusement l’équipe Mitterrand, avant qu’il ne se retire, heurté par l’agression d’un de ses militants. Yves Montand, porté au pinacle par deux ou trois émissions de télévision, se voyait volontiers en candidat pour 1988, avant de revenir à une sage lucidité.

Et surtout, le monde alternatif des réseaux, de la vitupération des élites, du complotisme triomphant, de la vindicte antipolitique, qui draine un public nombreux en ligne, peut très bien susciter une candidature redoutable. C’est la trame de la dernière saison de Baron noir, série culte qui donne du monde politique une idée sinistre à loisir, tout comme celle de la dystopie britannique Years and Years, avec Emma Thompson en égérie populiste. La lignée Berlusconi, Trump, Grillo, Zelensky peut faire école en France. On ne sait jamais.

Faut-il pour autant caresser les histrions antisystème dans le sens du poil ? Emmanuel Macron, en 2017, avait joué la carte de la crédibilité, de la raison, de l’antipopulisme et du réformisme pro-européen. Il tente de capter un peu de la popularité de ses antonymes. Il peut enrichir son personnage par des sollicitudes très «peuple». Il peut aussi leur conférer un crédit qui se retournera contre lui et contre le restant de rationalité qui sous-tend encore le débat public.

LAURENT JOFFRIN

25 mai 2020

Coronavirus : Le « New York Times » consacre sa une aux morts de l’épidémie

journal NYT

Les Etats-Unis se préparent à passer la barre très symbolique des 100.000 morts de l’épidémie

Pour marquer le passage imminent de la barre terrible des 100.000 morts du coronavirus aux Etats-Unis, le quotidien américain The New York Times consacre ce dimanche sa une à la mémoire d’un millier d’entre elles et évoque pour chacune ce qu’a été sa vie. « Ces 1.000 personnes ici ne représentent qu’à peine un pour cent du total. Aucune d’elles n’était un simple numéro », écrit le journal en présentant brièvement sa une, entièrement couverte d’un texte imprimé serré.

Les Etats-Unis sont le pays le plus touché par la pandémie de coronavirus, tant en nombre de morts que de cas, avec 97.048 décès pour 1.621.658 cas selon les dernières données disponibles samedi soir. Samedi, le pays a recensé 1.127 nouveaux décès en 24 heures. Le franchissement de la barre des 100.000 morts ne semble qu’une question de jours.

Des noms plutôt qu’un nombre

« Je voulais quelque chose que les gens puissent relire dans 100 ans pour comprendre le poids de ce que nous traversons », a expliqué Marc Lacey, le rédacteur en chef national du journal. Le franchissement attendu de la barre des 100.000 morts intervient sur fond de vifs débats à propos du confinement, plusieurs Etats ayant entrepris d’alléger les mesures restrictives décidées contre l’expansion de la maladie.

Le président américain Donald Trump, candidat à sa réélection en novembre, fait pression pour une relance économique, appelant des gouverneurs démocrates à « libérer » leur Etat au mépris des avertissements de ses conseillers scientifiques.

25 mai 2020

Le Parisien du 25 mai 2020

le parisien 25 mai

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25 mai 2020

Vu sur internet

jaime58

25 mai 2020

Reportage - Ces files d’attente qui envahissent les trottoirs et nos vies

Par Pascale Krémer - Le Monde

Faire la queue s’est imposé comme une activité obligée et chronophage. Une drôle d’ambiance, entre port du masque et distanciation physique. Plus moyen de discuter ni même de râler.

L’espace public en est encombré. Seuls attroupements, ou plutôt alignements humains autorisés, les files d’attente s’étirent sur les trottoirs, parfois guidées de barrières métalliques, serpentent dans les rues commerçantes, sans jamais se croiser, zigzaguent entre les palettes en bois reliées de scotch bariolé devant les grandes surfaces.

Faire la queue s’est imposé comme une activité obligée et chronophage en temps de pandémie. Piétiner en rang d’oignons tandis que les magasins filtrent les entrées, limitant la densité en espace clos… « Le monde d’après, ça ressemble à Eurodisney. La queue partout », tweetait l’acteur Max Boublil, le 11 mai.

Silence pesant

Dans les futurs livres d’histoire, des photos de files d’attente illustreront, à n’en pas douter, le quotidien des Français sous menace Covid-19. L’affolement du 17 mars, jour de confinement, au point que l’on en vint aux mains dans la queue de l’hypermarché Leclerc de Viry-Châtillon (Essonne) ; le privilège patiemment attendu d’un dépistage chez le professeur Raoult à Marseille ; la soif consumériste du 11 mai, jour de déconfinement partiel, devant les vitrines de Zara, de la Fnac et des magasins de vélos.

Et surtout le dénuement dont témoignent les interminables processions menant à une aide alimentaire, en Seine-Saint-Denis. « Des images qui évoquent celles de la crise de 1929, qui matérialisent l’invisible, les 5 millions de pauvres en France, la faim quand s’arrête l’économie souterraine », commente Nathalie Damery, cofondatrice de l’Observatoire société et consommation (Obsoco). Les queues de plus d’une heure pour décrocher son droit d’entrée à l’hypermarché lui semblent tout aussi « politiques » : « Les gens ne peuvent pas s’offrir le luxe du commerce de proximité. Ils sont à la recherche des prix les plus bas. Il leur faut donc arbitrer sur place. »

Le plus frappant, à observer toutes ces files indiennes que distend l’impératif de distanciation sociale ? Ce pesant silence qui y règne. La discipline, excluant râleries et tentatives de resquillage. Ces visages résignés et masqués, aux regards absents quand ils ne sont plongés dans les portables. Bref, l’exact opposé de l’amas mouvant, générateur de conversations et de conflits, dont les Français sont coutumiers.

« QUARANTE-CINQ MINUTES, L’AUTRE FOIS, À L’INTERMARCHÉ PRÈS DE L’HAŸ-LES-ROSES. ÇA FAISAIT LE TOUR DU PARKING ! » LOÏG, INFORMATICIEN

Comme lorsqu’il s’agit, agacé par avance, de braver la foule pour retirer une lettre recommandée. Bureau de Poste de Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine), le 12 mai à 11 h 30 : une queue d’une trentaine d’individus placides s’enroule sur une placette de centre-ville. Lorsque deux employés viennent avertir : la fermeture s’annonce, à midi, pour désinfection, tout le monde ne passera pas… Et miracle ! Aucun éclat de voix, ni départ courroucé, pas le moindre commentaire aigri sur la dégradation du service public.

« J’aurais pu être de ceux qui ont été emportés par le virus », rappelle de but en blanc Lydie, 84 ans, que soutiennent une canne et un chariot de courses à motifs panthère. « Je ne dis pas que je n’ai que ça à faire, mais je comprends, que voulez-vous, je me mets à la place de ceux qui travaillent. Ils ont du mérite. » « En temps normal, ça m’aurait énervé mais là c’est vachement mieux que rien », murmure Manaf, jeune ingénieur, masqué et engoncé dans la capuche de son sweat-shirt.

De l’autre côté de l’avenue, c’est queue pour le bœuf, devant le boucher. Loïg, un informaticien quadragénaire plutôt gaillard, se définit comme « l’archétype du mec impatient, qui court contre le temps et commande sur le site qui livre le plus vite. » « Mais là j’attends, s’étonne-t-il de lui-même. Quarante-cinq minutes, l’autre fois, à l’Intermarché près de L’Haÿ-les-Roses [Val-de-Marne]. Ça faisait le tour du parking ! Tout le monde prenait son mal en patience. » Pour lui qui télétravaille, désormais, « faire la queue des courses, c’est prendre une bouffée d’air frais, avoir un contact social, même sans interactions. Faire partie du monde. Pendant le confinement, je vérifiais que je n’étais pas le dernier survivant d’une pandémie mondiale… Comme Will Smith, à New York, dans le film Je suis une légende ! » 

Une fois calmée la ruée nationale vers les spaghettis, les vigiles appelés en renfort dans tous les Carrefour ont pu s’éclipser, précise l’enseigne, devant laquelle on attend désormais (officiellement) 20 minutes en moyenne : « Les clients sont patients et respectueux. Lorsque les soignants, les forces de l’ordre ou les personnes âgées passent en priorité, tôt le matin, cela ne déclenche pas l’ombre d’une animosité chez ceux qui sont déjà là. »

La compréhension n’empêche pas l’agacement. Mais on le garde pour soi. Pourquoi traînent-ils tous autant, à l’intérieur, à soupeser les barquettes de fraises ? Fallait-il bien que ce couple entre à deux ? « Franchement, ce n’est pas simple pour les mamans de tenir les enfants qui courent partout pendant une heure et demie devant le Leclerc de Clichy [Hauts-de-Seine], sans perdre leur place dans la queue », raconte Linda, jeune serveuse en chômage partiel qui a pratiqué ce gymkhana. Confirmation de l’Obsoco, qui interroge chaque jour une cohorte de cinquante personnes : « Les courses ne sont pas une partie de plaisir mais un stress. On se parle très peu dans les files d’attente, même chez les commerçants de proximité, et les regards sont fuyants. » Bref, « quelque chose est grippé », à en croire Mme Damery. « On observe un repli sur soi, une peur du contact social, comme un réflexe de protection instinctif. »

Symbole des pénuries et crises du passé

Que décrit bien Nicole Prieur, psychothérapeute et hypnothérapeute : « La présence physique de l’autre représente une menace. On la supporte en se plaçant dans un état de dissociation de conscience, en entrant dans notre propre bulle. C’est un processus de défense psychique. Etre là sans être là. » Professeure des écoles, Laurence, 57 ans, fréquente le même Intermarché des Hauts-de-Seine que Loïg. Une scène l’a marquée. « J’ai vu une dame quitter la queue pour aller chercher quelque chose dans sa voiture. La file a avancé, les gens n’ont pas poussé le chariot qui marquait sa place. Quand elle est revenue et s’est un peu fâchée, tout le monde avait le regard mort. J’ai pensé aux queues de rationnement, à mes grands-parents… »

Symboles des pénuries et crises du passé, a minima d’une organisation défaillante, cauchemar des urbains stressés, habitués à l’instantanéité du clic, la file d’attente engendre aussi un sentiment d’injustice. Ne patiente-t-on pas davantage que les autres ? N’a-t-on pas choisi la mauvaise file ? Avant la pandémie, la perspective de ce temps mort dissuadait 78 % des Français d’entrer dans un magasin, selon une étude Harris Interactive (pour StrongPoint, en novembre 2017). La barre des 10 minutes d’attente était « la limite maximale acceptable » pour 94 % des interrogés.

Faire la queue constituait « une source d’irritation quotidienne pour un Français sur deux », avait évalué Rémy Oudghiri, sociologue, à la tête de Sociovision (groupe Ifop). Un « vrai problème », qui arrivait juste derrière les incivilités, les embouteillages et les démarches administratives dans le classement des détestations répétées. Sa disparition était programmée, la grande distribution y travaillait, avec force caisses automatiques, livraisons de commandes en ligne, click and drive (en voiture), click and collect (à pied), scan and go (portable en main)…

Prise de rendez-vous et file virtuelle

Voilà qu’un virus en a refait la norme. S’intégrant aux modes de vie ralentis, profitant du beau temps, la file d’attente est presque devenue un loisir. Dans quelques semaines, pourtant, une fois estompés « conditionnement du confinement et soutien aux commerçants », les Français « accepteront-ils encore ces queues sans redevenir râleurs ? », s’interroge le sociologue. « Un pays ne se transforme pas en deux mois… Par ailleurs, la queue place le consommateur sous pression, une fois à l’intérieur du magasin. Il culpabilise s’il s’attarde. Or, la force du magasin, c’est le plaisir de l’expérience. Tout cela s’écroule, d’autant que l’on porte des masques, des gants, que l’on ne touche plus à rien, que les produits sont sous plastique… Il y a un énorme risque qu’une plus grande partie du commerce se passe en ligne. »

Pour enrayer le processus, la prise de rendez-vous – déjà pratiquée par les enseignes de luxe et les musées – pourrait bien gagner la grande distribution. Des applications gratuites, comme celle de la start-up Lineberty, permettent de s’inscrire dans une file virtuelle, puis d’être alerté lorsque son tour d’entrer est venu. Le futur client – resté chez lui s’il habite tout près, ou vaquant à ses occupations à proximité du magasin – échappe ainsi à la queue leu leu honnie. L’attente digitalisée est déjà possible à la découpe du bois chez Leroy-Merlin, testée depuis peu chez Décathlon, à Lille, ainsi que dans les Monoprix de Neuilly, Boulogne et Paris-Courcelles. « Après la phase de stupeur, anticipe Edouard Fonkenell, le PDG de Lineberty, quand la vie reprendra un cours plus normal, nous serons rattrapés par nos pulsions. » Mince espoir que les empoignades de file d’attente disparaissent définitivement avec le coronavirus.

25 mai 2020

A Hongkong, des milliers de personnes manifestent contre le projet de loi sur la sécurité imposé par la Chine

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Le régime communiste a déposé au Parlement chinois un texte visant à interdire « la trahison » et « la sécession » à Hongkong, en réponse aux manifestations monstres de l’opposition démocratique en 2019.

La situation se tend de nouveau à Hongkong. Des milliers de personnes ont envahi dimanche 24 mai les rues de Hongkong pour dénoncer un projet de loi chinois selon eux liberticide, entraînant une vive riposte de la police antiémeute, des scènes qui n’avaient plus été vues depuis des mois dans l’ex-colonie britannique.

Après des manifestations quasi quotidiennes l’an passé, la contestation avait pu paraître étouffée en raison de l’impératif de distanciation sociale lié à la lutte contre le coronavirus. Mais le dépôt au Parlement chinois, vendredi, d’un texte visant à interdire « la trahison, la sécession, la sédition et la subversion » à Hongkong a de nouveau mis le feu aux poudres. D’autant que Pékin a demandé dimanche son application « sans le moindre délai ».

La mouvance prodémocratie avait multiplié les appels pour dénoncer ce passage en force de la Chine sur une question qui suscite depuis des années l’opposition des Hongkongais. Des milliers d’habitants ont répondu présents dimanche malgré l’interdiction de manifester, scandant des slogans contre le gouvernement dans plusieurs quartiers de l’île.

Canons à eau et barricades

« Les gens pourront être poursuivis pour ce qu’ils disent ou écrivent contre le gouvernement », dénonce Vincent, un manifestant de 25 ans. « Les Hongkongais sont en colère car nous ne nous attendions pas à ce que cela arrive si vite et de façon si brutale, poursuit-il. Mais nous ne sommes pas naïfs. Les choses ne feront qu’empirer. »

Alors que le nombre de manifestants enflait dans les quartiers de Causeway Bay et Wanchai, la police a eu recours aux lacrymogènes et aux gaz poivrés pour tenter de disperser la foule, avec l’aide de canons à eau, selon des journalistes de l’Agence France-Presse.

Certains protestataires ont jeté des projectiles sur les forces de l’ordre, érigé des barricades de fortune et utilisé les parapluies pour se protéger des gaz lacrymogènes. La police a annoncé 180 arrestations. Le gouvernement de Hongkong a condamné « les actions illégales et extrêmement violentes » des manifestants, affirmant qu’elles mettaient en évidence « la nécessité et l’urgence de la loi sur la sécurité nationale ».

L’ex-colonie britannique a connu de juin à décembre 2019 sa pire crise politique depuis sa rétrocession par Pékin en 1997, avec des manifestations parfois très violentes. Bien que confortée par le triomphe des « prodémocratie » aux scrutins locaux de novembre, cette mobilisation a accusé le coup en début d’année après des milliers d’arrestations dans ses rangs, et les manifestations ont cessé du fait des restrictions de rassemblement ordonnées pour lutter contre le coronavirus.

« Nous sommes de retour ! »

« Nous sommes de retour ! Rendez-vous dans les rues le 24 mai », demandait samedi un graffiti sur un mur proche de la station de métro de Kowloon Tong. La police avait averti qu’elle interviendrait contre tout rassemblement illégal, au moment où se réunir en public à plus de huit est interdit à cause du coronavirus.

Le territoire jouit d’une très large autonomie par rapport au reste du pays dirigé par le Parti communiste chinois (PCC), en vertu du concept « Un pays, deux systèmes » qui avait présidé à sa rétrocession en 1997.

Ses habitants bénéficient de la liberté d’expression, de la liberté de la presse et d’une justice indépendante. Des droits inconnus en Chine continentale. Ce modèle est censé prévaloir jusqu’en 2047 mais nombre de Hongkongais dénoncent depuis des années des ingérences de plus en plus fortes de Pékin. Beaucoup interprètent le passage en force de Pékin avec cette loi sur la sécurité nationale comme l’entorse la plus grave, à ce jour, à la semi-autonomie hongkongaise.

Refuge pour un nombre restreint mais croissant d’activistes pro-démocratie fuyant Hongkong, Taïwan leur fournira l’« assistance nécessaire », a déclaré la présidente Tsai Ing-wen. Le projet de loi constitue une grave menace pour les libertés et l’indépendance judiciaire de Hongkong, regrette-t-elle.

« Forces étrangères »

Dimanche, le ministre chinois des affaires étrangères, Wang Yi, a enfoncé le clou en demandant l’application « sans le moindre délai » d’une loi qui « n’influencera pas le haut degré d’autonomie de Hongkong, ni les droits, les privilèges et les libertés des habitants, ni les droits et intérêts légitimes des investisseurs étrangers ».

« Les actes violents et terroristes continuent à monter et des forces étrangères se sont profondément et illégalement ingérées dans les affaires de Hongkong », a-t-il estimé, dénonçant « une grave menace pour la prospérité à long terme » du territoire.

L’article 23 de la Loi fondamentale, la mini-Constitution hongkongaise, prévoit que la région se dote elle-même d’une loi sur la sécurité nationale. Mais cette clause n’a jamais été appliquée et la dernière tentative de l’exécutif hongkongais, en 2003, avait échoué face à des manifestations monstres.

Les opposants redoutent surtout une disposition qui permettrait aux policiers chinois de mener des enquêtes à Hongkong et pourrait servir à réprimer toute dissidence. « J’ai très peur, mais il faut manifester », déclare dimanche dans la foule Christy Chan, 23 ans.

Le projet sera soumis au vote du Parlement chinois jeudi, lors de la séance de clôture de l’actuelle session parlementaire. L’issue ne fait aucun doute, l’assemblée étant soumise au PCC.

25 mai 2020

Souvenir - ma 2CV...

2 cv

25 mai 2020

Coronavirus : Macron et le gouvernement se préparent à « l’épreuve de vérité » du 2 juin

Par Cédric Pietralunga, Alexandre Lemarié, Olivier Faye - Le Monde

Les indicateurs sanitaires sont plutôt positifs mais l’exécutif n’exclut pas une dégradation de la situation avant le premier bilan du déconfinement, prévu dans une semaine.

Jusqu’ici, tout va (un peu) mieux. Deux semaines après le lancement du déconfinement, l’exécutif observe avec soulagement l’évolution de l’épidémie de coronavirus. Même s’il est « trop tôt pour tirer des conclusions », le ministre de la santé, Olivier Véran, a indiqué qu’il n’y a pas pour l’heure de signes d’une « re-croissance » de la circulation du virus. Les indicateurs sont plutôt encourageants : le nombre de décès et d’entrées en service de réanimation, chiffre clé pour mesurer la pression sur le système hospitalier, décroît de manière progressive. « Même si la prudence reste de mise, il y a plutôt un sentiment de satisfaction partagé sur la manière dont se déroule le déconfinement. Que ce soit dans les transports ou les écoles, les choses se passent bien », se réjouit le délégué général de La République en marche (LRM), Stanislas Guerini.

De quoi donner un peu d’air à l’exécutif, après un début de gestion de crise chaotique. Le premier ministre, Edouard Philippe, doit annoncer cette semaine les modalités de la deuxième phase du déconfinement, qui débute le 2 juin. Dire quelles régions restent en rouge et lesquelles passent en vert. Dire aussi si les parcs et jardins pourront rouvrir à Paris, comme le réclament les élus de la capitale. Dire si les lycéens reprendront le chemin des cours avant les vacances d’été, et si l’oral du bac de français sera maintenu à la fin du mois de juin, comme le préconise le ministre de l’éducation nationale Jean-Michel Blanquer. Dire enfin quand les cafés et restaurants pourront lever leur rideau, après deux mois et demi de fermeture forcée. « Les deux sujets importants de cette deuxième phase restent l’éducation et les transports publics », assure-t-on à Matignon.

Ces derniers jours, le gouvernement a déjà desserré un peu l’étau. Vendredi, il a annoncé que les Français pouvaient déménager ou visiter un bien immobilier à plus de 100 kilomètres de leur domicile, malgré les restrictions. Les Français pourront également voter le 28 juin pour le second tour des élections municipales, là où les maires n’ont pas encore été élus. Une clause de revoyure est prévue dans deux semaines, pour tout arrêter en cas de reprise de l’épidémie, mais le premier ministre veut y voir que « la vie économique, la vie sociale, la vie démocratique, la vie privée même [reprennent] leurs droits face au virus ». Le 14 mai, déjà, le gouvernement assurait que les Français pourraient partir en vacances cet été. « L’annonce d’un plan tourisme a permis d’offrir une lueur d’espoir aux Français (…) ça a été un déclic psychologique », se félicite un ministre.

Les clusters, « une conséquence évidente du déconfinement »

Le fait que de nouveaux clusters se soient déclarés ça et là, notamment dans des départements verts jusque-là relativement épargnés par l’épidémie, n’inquiète pas outre mesure. « C’est normal qu’il y ait des clusters, c’est une conséquence évidente du déconfinement. C’est maîtrisable », estime une ministre, alors que le nombre de morts quotidiens du Covid-19 baisse de manière continue depuis le 8 mai. Le secrétaire d’Etat au tourisme, Jean-Baptiste Lemoyne, a néanmoins interrogé le coordonnateur à la stratégie de déconfinement, Jean Castex, sur la stratégie à adopter en cas de multiplication de ces foyers d’infection sur les sites touristiques cet été.

« Nous sommes capables de repérer ces clusters, se rassure un proche d’Edouard Philippe. Il est trop tôt, de manière générale, pour faire un bilan du déconfinement, mais nous avons des indicateurs intéressants, notamment sur le déploiement des tests. La situation est évolutive, il faut se laisser un peu de temps d’analyse. Il est tôt pour parler d’optimisme ou de pessimisme. » A l’Elysée, on assure d’ailleurs qu’il y aura « une troisième étape, jusque début juillet, et sans doute une quatrième, jusque fin août », avant que les Français ne retrouvent un semblant de vie normale.

Au sein du gouvernement et de la majorité, beaucoup voient en tout cas la date du 2 juin comme « une épreuve de vérité ». Le moment où un premier bilan sanitaire du déconfinement pourra être établi et où l’opinion jugera de l’efficacité de la stratégie adoptée par le pouvoir. « C’est la vraie étape, car on pourra commencer à voir où en est l’épidémie, si on peut débloquer de nouveaux secteurs et cheminer un peu plus vers un retour à la normale », estime le député (LRM) de Paris, Hugues Renson. « Ce sera un rendez-vous très important pour pouvoir continuer à avancer et à projeter le pays dans des jours plus heureux », ajoute Stanislas Guerini.

Un nouvel enfermement n’est pas exclu

Officiellement, un nouvel enfermement des Français n’est pas exclu. Le 13 mai, Emmanuel Macron, plus pessimiste qu’à l’accoutumée, a lui-même évoqué l’hypothèse « possible mais incertaine, d’un reconfinement, si la situation devait se dégrader ». Le sommet de l’Etat se prépare d’ailleurs à cette éventualité. Jean Castex, son « Monsieur déconfinement », appelait dans un rapport à préserver la « réversibilité des mesures » en cas de résurgence de l’épidémie. « La philosophie qu’on a adoptée depuis le début avec le premier ministre est de corriger constamment le tir si besoin était, si des difficultés apparaissent », a également précisé le chef de l’Etat.

Mais personne ne veut croire à cette hypothèse, tant ses conséquences sont difficiles à mesurer. « Un reconfinement généralisé, ce serait un coup psychologique très dur pour le pays et peut-être fatal pour l’économie. Le coup politique serait également très fort car cela voudrait dire que l’on n’a collectivement pas réussi à relancer le pays, sans maîtriser le virus », analyse un proche d’Emmanuel Macron, convaincu que le pouvoir joue gros. Les exemples étrangers ont de quoi donner des frayeurs : récemment, la Chine a été contrainte de reconfiner plus de 100 millions de personnes après de nouveaux cas de Covid-19. Idem au Liban ou au Chili, où un nouveau confinement, assorti d’un couvre-feu, a tourné à l’émeute…

Selon les milieux patronaux, pour qui la France en a trop fait en matière de confinement par rapport à ses voisins européens, les conséquences d’un nouvel enfermement seraient catastrophiques. « Avant de réussir les jours d’après, il faut réussir les jours d’avec », intime ainsi Antoine Frérot, PDG de Veolia et de l’Institut de l’entreprise, dans une lettre ouverte publiée le 11 mai. « Le niveau d’emploi français ne sera préservé que si l’appareil entrepreneurial de notre pays subsiste, explique le chef d’entreprise, qui fait partie de ceux écoutés à l’Elysée. Nous sommes nombreux à être inquiets pour les entreprises, en particulier les plus petites. Des centaines de milliers d’entre elles risquent de disparaître si elles ne peuvent pas reprendre avant l’été et encaisser du chiffre d’affaires. » Mardi, M. Macron a déjà prévu de présenter un plan de soutien au secteur automobile.

Les Français, de leur côté, semblent s’être déjà préparés mentalement à une telle éventualité. 72 % d’entre eux pensent que la France sera à nouveau confinée après l’irruption d’une seconde vague de l’épidémie, selon une enquête Harris Interactive publiée le 8 mai. Dans l’opposition, le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, prédit le pire. « La deuxième vague de l’épidémie est inéluctable, le deuxième pic est inéluctable », a-t-il affirmé le 28 avril, à l’Assemblée nationale, sans pour autant fournir de preuves de sa conviction. « Si on retombe dans la pandémie, ce sera très difficile pour nous. Il n’y aura pas de place pour la nuance. Ce mouvement d’opinion sera tellement massif, tellement fort, tellement puissant, que le couple exécutif sait que son destin politique est lié à ça », considère un fidèle du président.

Pas question de baisser la garde, donc : il faut éviter la deuxième vague, ou au moins la contenir. « L’épidémie n’est pas derrière nous. Ne relâchons pas nos efforts », a tweeté Emmanuel Macron à la veille du week-end de l’Ascension, qui s’annonçait estival et faisait se glacer le sang de l’exécutif, craignant un chassé-croisé du virus de part et d’autre du pays. « Il est encore trop tôt pour voir les effets du déconfinement, on doit faire attention à ne pas crier victoire, sinon les gens risquent d’oublier toutes les mesures qu’ils ont globalement respectées durant le confinement », met en garde un conseiller ministériel. Accélérer le déconfinement, oui, mais en évitant le tête-à-queue.

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