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Jours tranquilles à Paris
donald trump
25 septembre 2019

Trump ne doute pas mériter le prix Nobel de la paix

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Ce n'est pas la première fois que le milliardaire républicain, toujours très sensible aux comparaisons avec ses prédécesseurs, évoque le Nobel.

Pour Donald Trump, l'équation est simple: il mérite le prix Nobel de la paix à plusieurs titres, mais les dés sont pipés. "Je pourrais obtenir le prix Nobel de la paix pour beaucoup de choses s'ils l'attribuaient de manière honnête, mais ce n'est pas le cas", a lancé lundi le président américain en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, à New York.

Ce n'est pas la première fois que le milliardaire républicain, toujours très sensible aux comparaisons avec ses prédécesseurs, évoque le Nobel. Lorsqu'une poignée d'élus républicains avaient émis l'idée qu'il reçoive le prestigieux prix pour sa gestion de l'épineux dossier nord-coréen, il avait longtemps commenté l'idée.

"Ils l'ont donné à (Barack) Obama immédiatement après son arrivée au pouvoir et il n'avait pas la moindre idée de la raison pour laquelle il l'avait reçu", a-t-il poursuivi lundi. "Vous savez quoi ? C'est l'une des rares choses sur lesquelles j'étais d'accord avec lui", a-t-il ajouté, amusé.

Obama primé en 2009

En recevant le prix Nobel, le 10 décembre 2009, Barack Obama avait reconnu d'entrée "la controverse considérable" suscitée par cette récompense surprenante à l'aube de son premier mandat.

"Je suis au début, et non à la fin, de mes travaux sur la scène mondiale", avait-il lancé.

Au-delà de Barack Obama, trois autres présidents américains ont déjà reçu le prestigieux prix: Theodore Roosevelt, Woodrow Wilson et Jimmy Carter.

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23 septembre 2019

Donald Trump sans stratégie face à l’Iran

Par Gilles Paris, Washington, correspondant

Le président américain pense qu’il peut appliquer les sanctions les plus brutales contre Téhéran tout en entretenant l’idée d’une nouvelle négociation, plus favorable aux Etats-Unis. Tout démontre que cette croyance est une chimère.

La crainte d’un embrasement régional après des attaques contre les infrastructures pétrolières saoudiennes imputées à Téhéran, le 14 septembre, s’est dissipée, mais le bilan à ce jour de la sortie unilatérale des Etats-Unis, en mai 2018, de l’accord sur le nucléaire iranien, promesse de campagne de Donald Trump, n’est pas à l’avantage du président américain. Il pourrait en faire l’expérience pendant son passage à l’Assemblée générale des Nations unies (ONU), du 23 au 26 septembre.

Washington espère y mobiliser contre l’Iran. Au cours des derniers mois, cependant, l’administration Trump n’a jamais été en mesure d’entraîner dans son sillage d’autres pays signataires de ce compromis.

Contrairement aux affirmations du président Trump, selon qui Téhéran a déjà changé d’attitude, le pouvoir iranien campe dans la défiance comme l’ont encore montré les déclarations de responsables mettant en garde contre « une guerre totale » en cas de frappes militaires contre leur pays. L’Iran a en outre commencé à s’affranchir de certaines contraintes de l’accord de 2015, et ses alliés régionaux restent particulièrement actifs.

Le péché originel du coup d’éclat de Donald Trump réside en bonne partie dans le caractère hétéroclite de la coalition qui l’a défendu. Il a été soutenu par les « faucons » du Parti républicain, à commencer par l’ancien conseiller à la sécurité nationale du président, John Bolton, qui considèrent en fait que seul un changement de régime à Téhéran permettra de faire rentrer l’Iran dans le rang.

Les limites de la « pression maximale »

Ce courant s’est appuyé sur une conjoncture régionale inédite : le rapprochement d’Israël et des puissances les plus influentes du Golfe, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis. Donald Trump a ajouté ses propres motivations : le démantèlement d’un des legs diplomatiques les plus importants de son prédécesseur Barack Obama, et le rêve de parvenir à un « meilleur accord » qui témoignerait de ses talents de négociateur.

Longtemps masquées par le succès apparent d’une campagne de « pression maximale » qui repose sur l’intimidation, les contradictions de cette coalition apparaissent aujourd’hui au grand jour.

Pour les « faucons », la « pression maximale » a besoin du crédit que confère l’éventualité de l’usage de la force, conçue comme un levier supplémentaire et non comme une alternative. Donald Trump, qui partage le même objectif que Barack Obama – parvenir à une relative stabilité régionale qui permettrait un retrait américain du Proche Orient –, refuse au contraire d’être entraîné dans une guerre dans laquelle les Etats-Unis seraient obligés de s’engager aux côtés de leurs alliés.

Les monarchies du Golfe semblent découvrir pour leur part que la « pression maximale » les place en première ligne face à leur puissant adversaire. Les attaques du 14 septembre ont exposé leur vulnérabilité, malgré de colossales commandes d’armes américaines.

Les atermoiements de Donald Trump, qui avait déjà refusé en juin, seul contre l’ensemble de ses conseillers selon le New York Times, de répliquer à la destruction par l’Iran d’un drone américain, les conduisent enfin à s’interroger sur la solidité du lien avec les Etats-Unis alors que ces derniers ne sont plus tributaires du pétrole produit dans la région.

Message brouillé

Le temps politique n’est par ailleurs plus celui de 2018. En Israël, le premier ministre Benyamin Nétanyahou, qui a longtemps fait de l’Iran son principal épouvantail, lutte pour sa survie après des élections législatives défavorables.

A Riyad, le prince héritier Mohammed Ben Salman est désormais lesté d’un bilan qui comprend le bourbier yéménite dans lequel il a englué son pays, une brouille avec le Qatar, l’assassinat à Istanbul du dissident Jamal Khashoggi et la défiance du Congrès des Etats-Unis du fait de ces fiascos.

Le départ de John Bolton, probablement limogé le 10 septembre parce qu’il s’opposait à une perspective de désescalade défendue activement par la France, n’a cependant pas apporté la clarification espérée sur les objectifs de Donald Trump. Ce dernier continue de répéter qu’il ne veut rien s’interdire, au risque de brouiller totalement son message comme c’est le cas avec l’éventualité pourtant écartée fermement par Téhéran d’une rencontre historique avec son homologue Hassan Rohani. « Rien n’est jamais totalement exclu mais je n’ai pas l’intention de rencontrer l’Iran », a finalement déclaré Donald Trump, dimanche matin.

En fait, plus le président des Etats-Unis évoque cette perspective, plus les Iraniens s’en distancient. Plus il exclut toute forme de conditions pour un dialogue, alors que son secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, en avait énuméré douze, toutes plus draconiennes les unes que les autres après la sortie de l’accord de 2015, plus Téhéran avance les siennes.

Contradictions

Donald Trump pense qu’il peut en même temps appliquer les sanctions les plus brutales contre l’Iran sans alimenter un risque de guerre tout en entretenant l’idée d’une nouvelle négociation, plus favorable aux Etats-Unis, sans contrarier ses alliés régionaux. Tout démontre aujourd’hui que cette croyance est une chimère.

Au contraire, le durcissement des sanctions a entraîné en représailles la multiplication des tensions dans le Golfe, jusqu’aux attaques contre les infrastructures saoudiennes et les mises en garde de Téhéran contre toute riposte. Il contrarie l’instauration de toute forme de dialogue et ébranle les alliés arabes des Etats-Unis dont un, les Emirats arabes unis, a jugé bon de reprendre langue avec Téhéran.

Donald Trump a écarté pour l’instant une réponse militaire. Il a ajouté de nouvelles sanctions, entretenant le discours des « faucons » qui veut que l’étranglement soit facteur de résultats, ce que les derniers mois ont démenti. Le Pentagone a également annoncé l’envoi de troupes en Arabie saoudite dans le souci manifeste de redorer la crédibilité des Etats-Unis. Aucun chiffre n’a été avancé pour l’instant concernant ce déploiement présenté comme « modéré ». Et pour cause : une telle annonce va complètement à l’encontre de la promesse de Donald Trump de rapatrier une bonne partie des soldats américains déployés à l’étranger.

28 août 2019

La lettre politique de Laurent Joffrin - L'autre vainqueur de Biarritz

Ave Macronus ! La plupart des commentateurs, Libé compris, ont à juste titre salué le succès – médiatique mais pas seulement – remporté par Emmanuel Macron à l’occasion du symposium de Biarritz. On a oublié l’autre gagnant de ce G7 devenu G2 : Donald Trump.

Mielleux, conciliant, chaleureux, laudatif, presque délicat, le tigre bling-bling de la Maison Blanche s’est changé soudain en Raminagrobis, ce «saint homme de chat, bien fourré, gros et gras», rond et ronronnant à souhait. Ce moment bisounours lui a d’abord permis de regagner des galons de chef d’Etat responsable, de spécialiste en «deals», capable lui aussi, tel Theodore Roosevelt, tonitruant président américain des années 1900, de changer sa manière en «parlant doucement avec un gros bâton». Toujours utile en période de campagne électorale.

Mais surtout, sur le fond, il revient avec quelques bonnes prises dans sa besace. Dans l’affaire iranienne, nombre de responsables et de commentateurs avaient stigmatisé sa rupture unilatérale de l’accord sur le nucléaire contracté avec Téhéran. Le compromis signé par Obama et les autres puissances démocratiques avait l’immense mérite, contrôle international à l’appui, d’écarter la menace de la bombe iranienne. La rupture, geste brutal et inconsidéré, autorisait le régime des mollahs à reprendre la construction d’une arme nucléaire, ce qu’il a commencé de faire. Voilà que la lune de miel macronienne avalise, justifie, légitime désormais, ce coup de force diplomatique. Il s’agit maintenant, a dit le président français, de négocier un nouvel accord, plus large, qui élimine le risque de prolifération nuc léaire et garantisse une meilleure stabilité dans la région. Exactement l’objectif que Donald Trump s’était fixé en rompant avec éclat le compromis obtenu par Obama. Mieux : le durcissement des sanctions contre l’Iran, dixit Macron, rend la négociation plus aisée. Erreur en deçà de Biarritz, utile manœuvre au-delà. Dès lors, le président américain aura beau jeu d’expliquer à ses électeurs que son coup de force partout fustigé aura permis de renégocier l’accord. A condition que les Iraniens l’acceptent, ce qui n’a rien d’acquis…

Même chose dans l’affaire amazonienne. Trump consent à prévoir une aide de 20 millions de dollars destinée à lutter contre les incendies qui ravagent cette immense forêt, si utile dans la lutte pour le climat. Concession hautement médiatisée et célébrée. Sauf que chacun voit maintenant que cette somme est en fait dérisoire au regard des enjeux, et que la mesure décidée en commun n’empêche en rien Trump, deux jours après le sommet, d’apporter un éclatant soutien à Bolsonaro l’incendiaire, quelles qu’aient pu être les insultantes éructations proférées par le butor brésilien contre le couple présidentiel français. Trump accepte un geste vert symbolique qui flatte son hôte de Biarritz, pour mieux conforter son climatosceptique allié de Brasília. Passez, muscade…

LAURENT JOFFRIN

27 août 2019

Analyse G7 : isolé diplomatiquement, Donald Trump a fait le choix de l’apaisement

Par Gilles Paris, Washington, correspondant

Contrairement au précédent sommet au Canada, le président des Etats-Unis s’est gardé du moindre coup d’éclat à Biarritz, et a même paru faire des concessions sur l’Iran ou encore la Chine.

Donald Trump avait quitté Washington pour le sommet du G7, en France, le 23 août, en laissant derrière lui une capitale fédérale médusée. Il venait de relancer spectaculairement sa guerre commerciale avec la Chine après un incident diplomatique avec le Danemark, qui avait répondu par une fin de non-recevoir à l’hypothèse d’un achat du territoire autonome du Groenland. Ce tumulte avait ravivé le souvenir du G7 précédent, au Canada, marqué par le refus brutal de Donald Trump d’endosser le communiqué final, et fait craindre de nouveaux dérapages.

Il n’en a rien été. A Biarritz, sans rien retrancher de ses divergences avec ses pairs sur le climat, le commerce international ou la place de la Russie, le président des Etats-Unis s’est gardé du moindre coup d’éclat. Sa proposition de réintégrer la Russie dans ce club s’est heurtée à un mur, alors qu’il met cette éviction liée à l’annexion de la Crimée, en 2014, sur le compte de son prédécesseur Barack Obama, furieux selon lui que le président russe, Vladimir Poutine, se soit montré « plus malin que lui » lors de cette crise.

Rien à gagner à mettre en évidence son isolement

Après avoir enregistré également les rebuffades courtoises du premier ministre japonais, Shinzo Abe, et du Britannique, Boris Johnson, sur le commerce international, ou encore le refus du premier ministre indien, Narendra Modi, également présent, d’une médiation américaine dans la crise avec le Pakistan sur le Cachemire, Donald Trump a manifestement considéré qu’il n’avait rien à gagner à mettre en évidence son isolement.

La seule manifestation ostensible de ses désaccords a été son absence à la session consacrée à l’environnement. La Maison Blanche l’a justifiée par des rencontres concomitantes avec la chancelière allemande, Angela Merkel, et le premier ministre indien. Les chaînes de télévision américaines n’ont pas manqué de diffuser des photos attestant pourtant de la présence de ces deux responsables à cette même réunion. Donald Trump a assumé sa désinvolture en vantant les énergies fossiles lors de la conférence de presse tenue au terme du G7. « Les Etats-Unis ont une richesse énorme. La richesse est sous nos pieds », a-t-il dit. « Je ne vais pas perdre cette richesse dans des rêves, dans des moulins à vent », a-t-il insisté.

Le souci d’apaisement du président des Etats-Unis s’est, en revanche, étendu aux tensions américano-chinoises. Il a assuré dès le début de journée, avant l’ouverture des marchés américains, que les autorités chinoises avaient contacté ses conseillers au cours de la nuit précédente pour tenter de relancer les négociations. La nouvelle a rasséréné Wall Street qui s’était effondré vendredi, même si Pékin n’a pas officiellement confirmé la réalité de ces échanges. Donald Trump a également renoué avec les propos respectueux envers son homologue Xi Jinping qu’il avait qualifié d’« ennemi » trois jours plus tôt.

Il en a été de même à propos de l’Iran, au grand dam des « faucons » républicains, dont l’ancienne ambassadrice aux Nations unies, Nikki Haley, qui a accusé sur Twitter le président français, Emmanuel Macron, d’avoir tendu un piège au locataire de la Maison Blanche. Après avoir assisté en spectateur à l’initiative de son hôte qui a reçu en marge du G7 le ministre des affaires étrangères iranien, Mohammad Javad Zarif, le président des Etats-Unis ne s’est pas frontalement opposé à la perspective d’une rencontre avec son homologue iranien, Hassan Rohani, tout en l’assortissant de conditions. Dans le même esprit, il n’a pas désapprouvé l’hypothèse d’un desserrement temporaire de l’étau financier mis en place par Washington depuis sa sortie, il y a un an, de l’accord sur le nucléaire iranien conclu en 2015.

Accueillir à son tour le G7 en 2020

Lors de sa conférence de presse, Donald Trump a répété qu’il ne vise pas « un changement de régime » en Iran, avant de pivoter brusquement vers le dossier nord-coréen. Il a alors assuré curieusement que son épouse Melania « a appris à connaître » le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un et partage sa conviction qu’il est « un homme avec un pays qui a un potentiel énorme », comme selon lui l’Iran. La Maison Blanche a été contrainte d’assurer par la suite que la familiarité supposée de la First lady avec le dictateur, qu’elle n’a jamais rencontré, venait des récits de son époux.

Outre l’effet des trésors de diplomatie déployés par son hôte, Emmanuel Macron, le souci de Donald Trump d’éviter les antagonismes a peut-être été également alimenté par la perspective d’accueillir à son tour le G7, l’an prochain, en 2020, à quelques mois seulement de la présidentielle de novembre. Donald Trump a confirmé les informations publiées par la presse américaine, tout d’abord par le Washington Post, en confirmant qu’il envisageait de l’organiser dans son club de golf de Doral, en Floride, un Etat par ailleurs crucial pour sa réélection.

Donald Trump est alors redevenu promoteur immobilier, vantant avec insistance les avantages de sa propriété, dont sa proximité avec l’aéroport international de Miami, la qualité de ses « bungalows », ou encore la taille de ses salles de réception, qui comptent à l’en croire parmi « les plus grandes de Floride ».

26 août 2019

Boris Johnson prudent après les promesses d’un « très grand accord commercial » de Donald Trump

Par Cécile Ducourtieux, Londres, correspondante

Un accord avec Washington, qui n’a rien d’évident, risque d’avoir un coût politique, voire géopolitique, élevé.

Même stature imposante, même chevelure blonde, même aisance face aux caméras, l’humour en plus côté britannique… Donald Trump et Boris Johnson ont affiché leur proximité, dimanche 25 août au G7 de Biarritz, pour leur premier tête à tête depuis la désignation de M. Johnson au 10 Downing Street. L’enjeu était considérable pour ce dernier, qui répète quotidiennement que le divorce d’avec l’Union européenne (UE) aura bien lieu le 31 octobre, et qui a fait d’un renforcement de la « special relationship » avec les Etats-Unis le cœur de son argumentaire de « Brexiter ».

Pourtant, celui que Donald Trump, appelle sans rire le « British Trump » – « c’est un fantastique premier ministre », a t-il aussi ajouté à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques) – a paru inhabituellement prudent. M. Trump lui a promis un « très grand accord commercial (…) plus grand qu’il n’y en a jamais eu » avec le Royaume-Uni, et ce, « sous un an ». Le Britannique a répondu que ce « fantastic deal » n’irait pas sans « quelques obstacles ».

Un peu plus tôt dans la journée, il avait souligné, auprès des médias britanniques, à quel point les Etats-Unis étaient encore fermés aux produits nationaux. « Je ne sais pas si les gens réalisent à quel point ils peuvent parfois être protectionnistes. Des discussions difficiles nous attendent car pour l’instant, je ne crois pas que nous vendions une seule pièce de mouton ou de bœuf aux Etats-Unis. »

Un accord qui n’a rien d’évident

M. Johnson ne l’ignore pas, ni les experts, les médias britanniques, et en partie son opposition travailliste, déjà en alerte : un accord avec Washington, n’a rien d’évident. Si tant est qu’il aboutisse, il risque en outre d’avoir un coût conséquent : politique, voire géopolitique.

D’un strict point de vue commercial, les intérêts des deux pays ne sont pas forcément alignés. Washington cherche surtout à vendre davantage de produits agricoles américains sur les marchés européens (et donc britannique), très protégés, alors que Londres espère un accès aux marchés publics américains, ultrafermés. « Un petit groupe de conservateurs britanniques pousse pour un accord avec les Etats-Unis. Mais leur posture est avant tout idéologique », souligne David Henig, directeur du European Centre for International Political Economy (ECIPE) à Londres. « Il n’y a que des gains économiques faibles à espérer d’un tel accord. Si M. Trump acceptait de lever le “Buy American act” [préférence pour les produits américains], au profit de Londres, cela changerait la donne. Mais c’est très improbable », ajoute l’expert.

Par ailleurs, comme l’a rappelé David Warren, ex-ambassadeur britannique au Japon, sur le plateau de Sky News dimanche, « il est bon qu’existe une bonne alchimie entre MM. Johnson et Trump [...] » mais « ce dernier ne peut conclure un accord seul, le Congrès américain a son mot à dire ». Or « il n’y a aucune chance qu’il approuve un accord avec le Royaume-Uni si le Brexit remet en cause le traité de paix en Irlande du Nord », avait prévenu la démocrate Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants, mi-août. La menace est très claire pour M. Johnson, qui réclame aux Européens un abandon du « backstop », l’assurance contre le retour d’une frontière en Irlande, condition pour Bruxelles de la sauvegarde des accords de paix nord-irlandais.

L’UE, partenaire commercial loin devant les Etats-Unis

Enfin, un éventuel accord transatlantique ne compensera pas la facture probablement salée d’un no deal avec les Européens. Les Etats-Unis sont certes un partenaire conséquent du Royaume-Uni qui y exportait pour 100 milliards de livres de biens en 2016 (soit 110 milliards d’euros), selon l’office national des statistiques britanniques, mais pas le premier : c’est de loin l’UE, destinataire de presque la moitié des exportations nationales.

Dans la foulée du passage à Londres mi-août du conseiller à la sécurité de M. Trump, John Bolton, les médias britanniques ont aussi souligné le risque que M. Trump ne formule des exigences difficiles, pour le prix d’un accord. Le bannissement des produits du géant chinois des télécoms Huawei, par exemple ; l’abandon de la « taxe digitale » britannique, équivalent de la taxe digitale à la française, que le président américain considère comme une mesure « anti-américaine » ; voire un alignement sur la politique iranienne et russe de Washington. Emmanuel Macron a même osé évoquer, lors de sa rencontre avec M. Johnson le 22 août, un risque de « vassalisation » du Royaume-Uni vis-à-vis de Washington. Une expression dure très mal accueillie par les « Brexiters ».

Prudent, M. Johnson a cité, dimanche, lors d’un point presse commun avec le président du Conseil européen Donald Tusk, « l’Iran, la Russie, le libre-échange, Hongkong », comme autant d’exemples de la « proximité » de son pays avec l’UE. Et écarté l’ouverture du système de santé britannique, le NHS, véritable totem national, aux firmes américaines. « Nous avons une complète unanimité sur ce point [avec M. Trump] », a assuré le Britannique depuis Biarritz. Il lui faudra beaucoup de souplesse dans les mois qui viennent pour continuer à cultiver sa relation avec M. Trump, sans tourner complètement le dos à ses partenaires européens, ni affaiblir les intérêts nationaux de son pays.

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25 août 2019

G7 Biarritz - Donald Trump et Emmanuel Macron

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24 août 2019

Décryptages - Pourquoi Donald Trump s’intéresse au Groenland

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Par Gary Dagorn

En montrant son intérêt pour le territoire arctique, le président américain se positionne dans la course aux ressources souterraines qui l’oppose à la Russie et à la Chine.

Révélé le 15 août par The Wall Street Journal, l’intérêt de Donald Trump pour l’acquisition du Groenland a été confirmé trois jours plus tard par le président lui-même. Le refus du gouvernement groenlandais et de la première ministre danoise, Mette Frederiksen, ont poussé Donald Trump à retarder sa visite au Danemark, prévue pour septembre, entraînant un incident diplomatique entre les deux pays.

L’attitude du président américain, coutumier des sorties provocatrices, a été largement critiquée. Elle ne doit pourtant rien au hasard.

Course vers l’Arctique

Les propos de Donald Trump s’inscrivent dans un contexte plus large dans lequel l’océan Arctique devient le lieu d’investissements croissants de la part des Russes et des Chinois, à mesure que le réchauffement climatique fait fondre la calotte glaciaire. Les territoires de l’Arctique sont riches en matériaux indispensables à l’industrie (or, zinc, cuivre, graphite, nickel, platine, uranium) et en hydrocarbures. Un rapport de l’Institut géologique américain publié en 2008 estimait que ces ressources représentaient jusqu’à 13 % des réserves non découvertes de pétrole et 30 % pour le gaz.

Dans cette course à l’exploitation des vastes ressources souterraines de l’Arctique, la Russie et la Chine ont devancé les Américains. D’après le cabinet de conseil financier Guggenheim Partners, plusieurs centaines de projets d’infrastructures représentant plus de 860 milliards de dollars d’investissements sont en train de voir le jour dans l’océan le plus septentrional du globe.

La Russie a déjà prévu 186 milliards de dollars d’investissements, contre un peu plus de 100 pour les Etats-Unis. La société pétrolière russe Rosneft a commencé à forer sur un champ dont le potentiel est estimé à un demi-milliard de barils, et découvre de nouveaux champs potentiels régulièrement. Le pays espère produire de 20 % à 30 % du pétrole russe dans les eaux arctiques d’ici à 2050. Gazprom, lui, extrait déjà de grandes quantités de gaz de ses exploitations en mer de Petchora.

La Norvège s’est elle aussi lancée dans l’extraction des ressources pétrolières dans la mer de Barents, au nord de ses côtes, avec une première exploitation dans le champ de Goliat, mise en service en 2016. Une seconde exploitation devrait voir le jour en 2022.

Mais en plus des huit pays de la zone, la Chine joue les invités (plus ou moins) surprises dans la course aux ressources. Car, bien que celle-ci n’ait aucune côte sur l’océan Arctique ni aucune revendication territoriale, la seconde économie du monde compte bien peser et s’est déclarée comme une « puissance presque arctique ». Elle fait partie du Conseil de l’Arctique comme pays observateur, depuis 2013, et est entrée au capital de joint ventures russes d’exploitation gazière.

La Chine a aussi multiplié les investissements dans les pays arctiques européens, notamment au Groenland, en échange d’un accès aux ressources minières de l’île, ce qui permet au territoire de moins dépendre de sa tutelle danoise.

Un enjeu stratégique pour les Etats-Unis

Ces initiatives chinoises sont perçues par les Etats-Unis comme une menace directe à leur influence sur une région qu’ils estiment être une extension géographique du continent américain, à l’instar de l’Alaska, acquis en 1867.

Face à ces avancées sino-russes, les autorités américaines tentent désormais de réagir. Ainsi, l’administration Trump a annoncé en janvier 2018 l’ouverture des eaux arctiques américaines au forage, notamment au large de l’Alaska, mais la décision a été jugée illégale par une juge du district de l’Alaska le 31 mars, car seul le Congrès a le pouvoir d’ajouter des zones ouvertes à l’exploitation des hydrocarbures. Ce revers met en difficulté les ambitions de l’administration Trump, qui considère désormais l’Arctique comme un enjeu central. La stratégie publiée par le Pentagone en juin 2019 présente clairement cette zone comme une nouvelle grande compétition entre eux, les Russes et les Chinois.

Au-delà de la géopolitique, les propos de Donald Trump ont également une connotation très politique : il s’agit aussi d’adopter une rhétorique plus agressive et directe, à l’instar de la stratégie musclée adoptée par Moscou. Donald Trump, depuis son élection, s’emploie à « secouer » un jeu diplomatique habituellement feutré et très codifié, ce qui s’avère populaire auprès de son électorat, friand de cette image de négociateur « dur » mais réaliste (ou « deal maker »), capable de faire bouger les lignes.

Un achat qui semble peu probable

Malgré les velléités américaines, l’achat de cette île de 2,16 millions de kilomètres carrés reste très peu probable, en raison de nombreux obstacles. Parce qu’un tel achat doit passer par un traité, celui-ci doit être ratifié par les trois parties : les Etats-Unis, le Danemark et le Groenland, dont le consentement est obligatoire. Or les Groenlandais ne souhaitent pas d’un rachat ou d’une nouvelle tutelle, mais demandent au contraire – et de longue date – davantage d’autonomie, si ce n’est l’indépendance réelle, à Copenhague.

De l’autre côté de l’Atlantique, la ratification d’un traité d’achat requiert obligatoirement l’approbation du Congrès, c’est-à-dire aussi bien du Sénat (qui doit ratifier), contrôlé par les républicains, que de la Chambre des représentants (qui doit donner son autorisation budgétaire). Si la ratification des sénateurs n’est pas inconcevable, la Chambre des représentants, repassée sous pavillon démocrate aux élections de mi-mandat de novembre 2018, rend la conclusion d’un traité au mieux incertaine, au pire impossible.

Enfin, du côté danois, une vente est également complètement exclue, Copenhague n’ayant aucun intérêt à perdre son influence historique sur ce territoire qu’il revendique depuis 1775, d’autant qu’il a déjà décliné une offre des Etats-Unis dans le passé. En effet, après avoir songé à acquérir l’île en 1867 (juste après avoir racheté l’Alaska aux Russes), les Américains ont soumis une offre en 1946 aux Danois, leur proposant 100 millions de dollars en or, ce que ces derniers avaient refusé. La proposition, restée secrète, n’a été révélée qu’en 1991, lorsqu’un journal danois, le Jyllands-Posten, a étudié les documents désormais déclassifiés.

trump gro

11 août 2019

Président Trump, an III : balles dans le pied

Par Gilles Paris, Washington, correspondant

Au lieu d’endosser le rôle de consolateur en chef, le locataire de la Maison Blanche a suscité le malaise lors de ses déplacements dans l’Ohio et au Texas, deux Etats endeuillés par des fusillades meurtrières.

Donald Trump était en mission, mercredi 7 août. Il lui fallait contenir la peine de deux villes endeuillées quelques jours plus tôt par des fusillades de masse. Dans de telles circonstances, le président des Etats-Unis endosse ordinairement le rôle de consolateur en chef. Il apporte avec lui la compassion du pays et l’empathie qu’il répand alors autour de lui est celle de la nation tout entière.

Cette dernière a pu se sentir flouée au terme d’une journée gâchée par ce que les plus indulgents considéreront comme une maladresse crasse, et tous les autres comme la nouvelle manifestation d’un égocentrisme totalement désinhibé.

La presse avait été tenue à distance pendant le déplacement pour que la Maison Blanche mette en scène à sa façon les visites à l’hôpital de Dayton, dans l’Ohio, puis quelques heures plus tard à celui d’El Paso, au Texas. A en juger par le résultat, l’équipe du président aurait sans doute beaucoup gagné à n’en rien faire.

Un accueil digne d’une « rock star »

Le responsable des réseaux sociaux du président, Dan Scavino, son ancien caddie, a tiré le premier en déplorant sur Twitter, après l’étape de l’Ohio et alors que l’avion présidentiel volait vers le Texas, que les deux élus démocrates qui avaient accompagné Donald Trump aient selon lui livré un récit inexact de sa visite dans une conférence de presse.

Il n’en était rien, les élus en question s’étant au contraire montrés élogieux à propos de l’attitude du président sur place, tout en déplorant par ailleurs son inaction à propos des armes à feu. L’éloge ayant été jugé trop court, Dan Scavino a assuré que Donald Trump avait reçu à l’hôpital un accueil digne d’une « rock star ».

Il ne s’agissait plus de deuil, ni de la douleur des blessés, mais de Donald Trump, posant souvent tout sourire, les pouces levés comme après un bon résultat sportif, avec des policiers ou du personnel soignant en arrière-plan.

La Maison Blanche a diffusé après ces visites de courtes vidéos dans lesquelles le président est omniprésent (pendant 95 des 135 secondes que totalise leur durée).

Une photo qui suscite le malaise

Le compte Twitter de la First lady a pris le relais en publiant notamment une photo qui a vite suscité le malaise. Sur celle-ci, prise à El Paso, un Donald Trump souriant, le pouce de la main droite une nouvelle fois levé, pose à ses côtés alors qu’elle tient dans ses bras un bébé de deux mois. Il n’est pas le fils de l’homme et de la femme qui encadrent le couple présidentiel. Ses parents à lui ont été tués dans la fusillade de samedi. Il est orphelin.

Aucun des blessés encore hospitalisés dans cette ville située à la frontière avec le Mexique n’avait voulu recevoir le président mercredi. Heureusement pour lui, deux autres qui étaient déjà rentrés chez eux avaient accepté de revenir à l’hôpital pour le rencontrer. Le père disparu, comme l’a raconté son frère – l’homme qui apparaît sur la photo – était au contraire un fervent supporteur du républicain. C’est donc en sa mémoire qu’il a fait la démarche de rencontrer Donald Trump, mais le cliché n’en est pas moins dévastateur.

Il est accompagné deux jours plus tard par la publication d’une vidéo privée réalisée à l’intérieur de l’hôpital d’El Paso dans laquelle on voit le président vanter ex abrupto la foule qui était venue l’applaudir à un meeting électoral organisé dans cette ville au début de l’année. Le débat sur la prévention de ces tragédies pouvait attendre.

1 août 2019

A la Maison Blanche, « tout va bien, c’est le bordel ! »

Par Gilles Paris, Washington, correspondant

Correspondants de presse (4/12). A Washington, le journaliste du « Monde » Gilles Paris a vu disparaître les traditionnels briefings de presse et se multiplier les interventions du chef de l’Etat. Avec une difficulté majeure : parvenir à le comprendre.

Récit. Ce matin de juillet, la salle de presse de la Maison Blanche suinte l’ennui. Le soleil qui torréfie la pelouse nord de la bâtisse présidentielle rend la pièce, aveugle sur trois des quatre murs, encore plus terne. Cette star des innombrables films et séries inspirés de la politique américaine affiche une tristesse de délaissée.

Le podium, qui n’a plus accueilli de porte-parole depuis mars, sert de dépôt pour des trépieds de caméras. Le pupitre derrière lequel les visiteurs, naguère, résistaient rarement à se faire prendre en photo, n’est que l’ombre de lui-même. Un technicien d’une chaîne de télévision s’est assoupi sur l’un des strapontins latéraux occupés naguère par les assistants de la porte-parole Sarah Sanders, voire par la conseillère Kellyanne Conway.

Je l’avoue : assister à mes premiers briefings, à l’automne 2014, provoquait en moi de la jubilation. Après avoir visionné en rafale les saisons de la série West Wing (A la Maison Blanche) à la veille de mon départ, même si la reconstitution de la salle de presse y est incroyablement ratée, du moins à ses débuts, j’ai le sentiment de participer à chaque fois au tournage d’un nouvel épisode.

Le sérieux compassé du dernier porte-parole de Barack Obama, Josh Earnest, infiniment courtois face au pilonnage d’Ed Henry, journaliste de la chaîne conservatrice Fox News, y contribue. On s’y ennuie souvent avec politesse. Le porte-parole arrive avec un classeur bourré d’éléments de langage. Il a la parade à toute question, s’entraînant au préalable avec le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, Ned Price.

Sous-titres indispensables

Le « Obama no drama » tient ses promesses. Trop. On se sent en territoire familier jusqu’à ce qu’une référence populaire, dont je n’ai aucune idée, fasse réagir la salle en me laissant de marbre. Je tente d’habiller des plus beaux atours de la concentration un sentiment crasse d’incompréhension, comme le jour où est mentionné un « snafu » procédural (acronyme de « Situation Normal : All Fucked Up » : « Tout va bien, c’est le bordel ! ») à l’occasion d’un épisode délicat de la ratification d’un traité de libre-échange auquel les démocrates ne veulent pas de bien.

La familiarité est toujours un peu illusoire lorsqu’on n’a pas vécu durablement aux Etats-Unis avant d’y travailler. Lors d’un reportage après une nuit d’émeutes dans un quartier pauvre de Baltimore (Maryland), consécutive au décès suspect d’un Afro-Américain aux mains de la police municipale, je me retrouve au milieu d’un groupe de jeunes Noirs particulièrement remontés. Je leur demande de répéter une fois, deux fois les raisons de leur colère avant de faire piteusement mine de les comprendre.

Il est vrai que les sous-titres m’ont été indispensables pendant les cinq saisons de la série The Wire, tournée dans la même ville. J’éprouve la même impuissance mordante, plus tard, quand je suis confronté à l’accent texan d’un oilman gestionnaire de « strippers », ces puits au faible débit délaissés par les grandes compagnies.

« LA SALLE DE PRESSE DÉSERTÉE EST DEVENUE, PAR DÉFAUT, L’ESPACE DE COWORKING LE PLUS BAROQUE DE LA CAPITALE FÉDÉRALE »

Cette familiarité, la salle de presse de la Maison Blanche la perdra, dépouillée de sa raison d’être, avec l’arrivée de Donald Trump, et plus précisément avec la décision de Sarah Sanders de rompre avec cet exercice démocratique. Un choix que sa successeure, Stephanie Grisham, arrivée en juillet, ne remet pas en cause pour l’instant.

La pièce est devenue, par défaut, l’espace de coworking le plus baroque de la capitale fédérale. Abandonnés par leurs titulaires faute de briefings, les fauteuils attribués naguère de haute lutte aux titres les plus prestigieux sont littéralement squattés par les journalistes de passage qui ne disposent pas des cagibis misérables et sans fenêtre réservés aux agences et aux chaînes de télévisions, à l’arrière de la salle. C’est là que travaillent les permanenciers, dans un environnement qui provoquerait certainement l’immolation en signe de protestation outrée du comité d’hygiène et de sécurité, s’il en existait un dans ces lieux.

La fin des briefings laisse en outre le journaliste étranger démuni face à un redoutable défi : la traduction du président. Les difficultés commencent très vite avec Donald Trump. Dès la deuxième minute de sa déclaration de candidature à l’investiture présidentielle, le 16 juin 2015. On a alors buté sur une image peu flatteuse qu’il a inventée pour ses rivaux républicains : « They sweated like dogs »… Quatre mots qui méritaient un paragraphe pour faire le tour de la virulence et de l’implicite : la comparaison animale, d’autant plus déconcertante que les chiens ne sont pas réputés pour leur hyperhidrose, bien au contraire ; la dimension olfactive ; le malaise, le sentiment de faute lié à cette sudation ; le souvenir du premier débat télévisé opposant Richard Nixon et son front perlé à John Kennedy, en 1960.

« Great people », « fantastic city »…

On ne s’est jamais vraiment habitué, depuis, aux codes d’une intervention de Donald Trump lorsqu’elle n’est pas encadrée par les écrans translucides des téléprompteurs. Tout d’abord l’absence de construction, voire l’absence de phrases en bonne et due forme. Le magnat de l’immobilier progresse par saccades, en juxtaposant des arguments parfois sans rapport direct les uns aux autres.

Un outil journalistique efficace est en effet l’extrait de discours, le verbatim. Il permet de placer le lecteur peu familier avec l’anglais – et qui aurait échappé par miracle à l’omniprésence des chaînes d’information et surtout de YouTube –, de plain-pied avec un acteur politique, de plonger dans ses mots. Or Donald Trump résiste au verbatim. Tout d’abord parce que l’hyperbole disruptive dont il émaille ses propos est presque intraduisible : ces « great people », « fantastic city », « very special » qui reviennent en boucle ont rarement des équivalents convaincants.

Le président affectionne également les incises qui s’étirent en longueur comme les lacets d’un sentier de montagne, éloignant l’auditeur du sujet de départ, jusqu’à le perdre.

Qu’est-ce qui a bien pu pousser Trump à rendre ex abrupto un long hommage dans le bureau Ovale à un champion automobile de légende, Roger Penske, le 20 juin, à l’occasion d’une visite du premier ministre canadien Justin Trudeau, alors que le monde entier se demandait si les Etats-Unis allaient riposter à la destruction par l’Iran d’un drone d’observation américain ? Pour garder le cœur d’une formule, il faut couper et retrancher l’accessoire, en constellant la phrase de ces indications de coupe : (…) qui donnent furieusement, in fine, l’impression au lecteur d’une parole présidentielle triturée.

Enfin, et surtout, Donald Trump pratique par allusion, en s’appuyant sur les mots-clefs dont le contenu est jugé immédiatement compréhensible par son auditoire, alors qu’il nécessite une rafale de notes de bas de page pour un lecteur étranger. Il raffole des « they » qui peuvent alimenter parfois les interrogations sur leur identité. Il considère enfin que son auditoire connaît de longue date les idées qui structurent sa vision du monde depuis sa première tentative d’entrée en politique, en 1987, et qui ont effectivement peu varié.

LA PRESSE S’EST RÉSIGNÉE À CE PRÉSIDENT OMNIPRÉSENT ET INSAISISSABLE, QUI ASSURE SA COMMUNICATION Y COMPRIS SUR LA PELOUSE DE LA MAISON BLANCHE, AVANT D’EMBARQUER DANS SON HÉLICOPTÈRE

Car c’est un autre trait des interventions du président : elles utilisent le même registre réduit de termes considérés par lui comme interchangeables dont le sens dépend plus que de coutume du contexte dans lequel ils sont prononcés.

En août 2017, Donald Trump évoque sur Twitter la « beautiful Heather Heyer », militante antiraciste tuée à Charlottesville (Virginie) par un sympathisant d’extrême droite. « Beautiful » comme les statues de figures confédérées ainsi qualifiées une semaine plus tard dont la même Heather Heyer combattait la permanence. « Beautiful » comme un projet de loi sur la santé, ou encore un sommet du G20, quelques jours plus tôt.

La formule « smart guy » (un gars intelligent) n’est pas la même lorsqu’elle est prononcée devant la rédaction du New York Times ou lors d’un meeting de campagne devant un public de cols-bleus. Mais comment trancher avec certitude et affecter la complicité bonhomme au second cas et l’éloge des facultés intellectuelles au premier ? Comment être sûr qu’il ne s’agit pas de l’inverse ?

L’intraduisible règne aussi régulièrement en maître lorsque Donald Trump enclenche sur son clavier de téléphone la touche commandant les majuscules. Et lorsqu’il ponctue ses sentences de points d’exclamations.

La presse accréditée s’est résignée à ce président omniprésent et insaisissable, qui assure sa communication y compris sur la pelouse sud de la Maison Blanche, lorsqu’il s’apprête à embarquer à bord de l’hélicoptère présidentiel en direction de la base militaire d’Andrews. Le bruit assourdissant des moteurs de Marine One et l’odeur entêtante de kérosène font alors regretter l’ancienne piscine intérieure reconvertie sous Richard Nixon en salle de presse, désormais inutile.

27 juillet 2019

Donald Trump menace le vin français en rétorsion à la taxe GAFA

vin

En réaction de l’adoption par Paris de la taxe sur les géants américains du numérique, le président des Etats-Unis a dénoncé « la stupidité » d’Emmanuel Macron.

Donald Trump est monté au créneau vendredi 26 juillet contre la France et sa taxe sur les géants américains du numérique, dite « taxe GAFA ». Le président des Etats-Unis a dénoncé « la stupidité » de son homologue Emmanuel Macron et menacé de rétorsions le vin français, l’un des produits d’exportation tricolores les plus emblématiques.

« La France vient d’imposer une taxe du numérique à nos grandes entreprises technologiques américaines. Si quelqu’un devait les taxer, cela devrait être leur pays d’origine, les Etats-Unis », a tweeté Donald Trump. « Nous annoncerons bientôt une action réciproque substantielle après la stupidité de Macron. J’ai toujours dit que le vin américain était meilleur que le vin français ! », a ajouté l’hôte de la Maison Blanche, qui ne boit pas d’alcool.

De l’autre côté de l’Atlantique, la réaction n’a pas tardé : « La France mettra en œuvre ses décisions nationales », a réagi le ministre de l’économie Bruno Le Maire. Le Parlement français avait définitivement adopté le 11 juillet l’instauration de cette taxe sur les géants du numérique, faisant de la France un pays pionnier en matière d’imposition des GAFA (acronyme désignant Google, Apple, Facebook et Amazon) et autres multinationales accusées d’évasion fiscale.

L’administration Trump avait annoncé, la veille de cette décision, qu’elle lançait une enquête pour mesurer les effets d’une telle taxe sur les entreprises américaines. Puis, lors du G7 en France la semaine dernière, Paris et Washington avaient semblé réduire leur contentieux, les ministres des finances évoquant alors des progrès vers un accord mondial sur la taxation du numérique.

« La taxation universelle des activités numériques est un défi qui nous concerne tous. Nous souhaitons parvenir à un accord sur ce sujet dans le cadre du G7 et de l’OCDE », a souligné vendredi Bruno Le Maire.

« Discrimination »

Cette décision unilatérale « démontre le peu d’engagement de la France dans les négociations en cours avec l’OCDE », a pourtant jugé, depuis Washington, un porte-parole de la Maison Blanche, Judd Deere.

« Le gouvernement Trump a toujours affirmé qu’il ne resterait pas les bras croisés et ne tolérerait aucune discrimination à l’encontre des entreprises américaines. »

La taxe GAFA crée une imposition des grandes entreprises du secteur non pas sur leur bénéfice, souvent consolidé dans des pays à très faible fiscalité comme l’Irlande, mais sur le chiffre d’affaires, en attendant une harmonisation des règles au niveau de l’OCDE.

Plus tôt, le principal conseiller économique de la Maison Blanche, Larry Kudlow, avait qualifié cette taxe de « très, très grosse erreur ». « Nous ne sommes pas contents que la France soit allée de l’avant avec cette sorte d’impôt sur le numérique », avait-il dit sur la chaîne CNBC.

Droits de douane supplémentaires

La taxe GAFA impose ces entreprises à hauteur de 3 % du chiffre d’affaires réalisé en France, notamment sur la publicité ciblée en ligne, la vente de données à des fins publicitaires et la mise en relation des internautes par les plates-formes. Cette solution a vocation à n’être que temporaire dans l’attente d’un aboutissement de négociations internationales.

En juin, Donald Trump avait déjà laissé entendre qu’il pourrait infliger des taxes douanières supplémentaires au vin français. Mais il invoquait alors ces droits pour corriger une concurrence jugée « déloyale ».

« La France taxe beaucoup le vin et nous taxons peu le vin français », avait alors dénoncé le président des Etats-Unis au cours d’un long entretien sur CNBC. Le vin français est réputé pour être « très bon », avait aussi commenté l’hôte de la Maison Blanche. Mais les viticulteurs américains se plaignent du fait qu’il entre sur le territoire « pour rien ». « Ce n’est pas juste, nous allons faire quelque chose pour ça », avait-il alors asséné.

vin25

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