Le paiement mobile gagne rapidement du terrain
Par Véronique Chocron
Réticentes il y a trois ans, les banques françaises font, désormais, toutes, la promotion des porte-monnaie électroniques.
Les banques françaises ne se sont pas bousculées au portillon pour proposer à leurs clients la première solution de paiement mobile venue des Etats-Unis, Apple Pay, lorsqu’elle a débarqué en juillet 2016. Longtemps, Banque populaire-Caisse d’épargne (BPCE) a été le seul établissement à proposer le système de paiement d’Apple, permettant de régler des achats en magasin en approchant son smartphone du terminal de paiement.
Depuis ce faux départ, la plupart des banques ont fini, de mauvaise grâce, par signer de coûteux contrats avec la firme à la pomme. Ce sera le cas pour le Crédit agricole, la première enseigne française, d’ici à la fin de l’année. Certaines institutions ont également intégré à leur catalogue les portefeuilles électroniques Samsung Pay et Google Pay.
Surtout, les grandes banques de l’Hexagone, alliées depuis 2013 dans le paiement en ligne autour de la solution sécurisée Paylib, ont élargi ce service en solution de paiement mobile (sur Android) sans contact, dans les magasins, en 2017.
« Chaque mois, nous enregistrons 100 000 transactions de plus »
Fort de ces initiatives conjuguées, le paiement mobile gagne rapidement du terrain. Les volumes de transaction restent modestes, comparés aux opérations par carte bancaire, mais la dynamique s’annonce désormais prometteuse. Paylib compte 2,3 millions d’utilisateurs en septembre, contre 1,4 million à l’été 2018. Depuis le mois de juin, les paiements Paylib en boutique progressent de 15 % par mois. A la Société générale, le volume de transactions double tous les six mois. BPCE a, de son côté, recensé plus de 350 millions d’euros de transactions réalisées en magasins par paiement mobile (en mode « sans contact ») entre août 2018 et août 2019, soit 2,5 fois plus qu’au cours des douze mois précédents.
« Chaque mois, nous enregistrons 100 000 transactions (en paiement mobile) de plus que le précédent, explique Jean-Philippe Van Poperinghe, directeur de la stratégie pour les offres des particuliers chez BPCE. La courbe d’adoption n’a rien à voir avec le paiement par carte “sans contact” dans les magasins, qui a été très plate de 2011 à 2015, avant l’accélération que l’on constate ces dernières années. » Quelque 700 000 clients du groupe mutualiste ont enregistré leur carte bancaire dans leur smartphone pour pouvoir payer en « sans contact ».
Une étude de la société spécialiste des paiements Galitt, réalisée en mars, indique que 92 % des Français ont déjà entendu parler du paiement par téléphone mobile ; 19 % des propriétaires de smartphone interrogés affirment même avoir déjà utilisé au moins une fois une solution de paiement mobile. « D’ici trois à cinq ans, on peut envisager que 50 % de la population française utilise régulièrement son téléphone pour payer », déclare Vincent Duval, président de Paylib.
Un taux de fraude identique pour la carte ou le mobile
Mais qu’apporte réellement le mobile par rapport à la carte bancaire, déjà largement utilisée en mode « sans contact », avec 2,3 milliards de transactions réalisées en 2018 (et près de 4 milliards attendus en 2019), sur un total de 10,8 milliards de paiements par carte en magasin ? « Les Français ont adopté le geste du paiement sans contact, facile et rapide, mais il est plafonné à 30 euros avec la carte bancaire, alors qu’il n’y a pas de limite de montant lorsqu’on paie avec son mobile », souligne Julien Claudon, responsable des cartes et paiements digitaux à la Société générale. Le paiement mobile propose également – sans surcoût – des services, comme la notification instantanée de chaque transaction ou la gestion des cartes de fidélité du consommateur.
« Le paiement mobile apparaît plus sécurisé que la carte “sans contact”, puisque, pour payer, il faut déverrouiller le téléphone avec un code ou de la biométrie. Et si le portable est volé, les données de la carte bancaire qui y ont été enregistrées sont hyperprotégées et peuvent être supprimées à distance », ajoute César Lengellé, directeur de la banque au quotidien et des paiements chez BPCE. Selon l’Observatoire de la sécurité des moyens de paiement, le taux de fraude des paiements sans contact, à 0,020 % (soit 1 euro de fraude pour 5 000 euros de transactions), s’avère toutefois identique pour la carte ou le mobile.
Toutes les banques font aujourd’hui la promotion du paiement mobile auprès de leurs clients. Les alternatives aux moyens de paiement coûteux pour la filière, essentiellement le cash et le chèque, sont toujours les bienvenues. Mais les établissements veulent également faire des porte-monnaie électroniques un avantage compétitif et s’assurer qu’ils ne restent pas l’apanage des banques mobiles et des néobanques. Cette politique volontariste devrait accélérer l’adoption par les Français de ce nouveau moyen de paiement.