Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
29 août 2019

Trottinettes électriques sur les trottoirs : Castaner contrarie le plan d’Hidalgo

La maire de Paris a écrit au ministre de l’Intérieur pour que soit inscrit dans la loi le caractère gênant des trottinettes garées sur les trottoirs. Mais celui-ci ne l’envisage pas.

GQ6LC6EJ2KRT7GSTFAV5OP4NYI

Par Sébastian Compagnon

Mettre fin au grand bazar, oui, mais sur quelles bases juridiques ? C'est la question posée aux maires de France quand il s'agit d'encadrer le stationnement des trottinettes électriques et autres « engins de déplacement personnels » (EDP) sur les trottoirs.

Modifier le projet de loi

Anne Hidalgo (PS), confrontée au développement anarchique des trottinettes en libre-service sur la chaussée de la capitale, a donc pris sa plume le 19 juin pour alerter le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner (LREM). « Si les maires disposent du pouvoir de réglementer les EDP, notamment sur les trottoirs, il ne leur est pas pour autant possible de considérer comme gênant, voire très gênant, le stationnement des EDP en dehors des périmètres délimités à cet effet », regrette la maire de Paris.

Les 2 300 mises en fourrière menées depuis le début de l'année à Paris et les amendes infligées ne reposent sur aucun texte de loi… Pour pallier ce manque, Anne Hidalgo a proposé au ministre de modifier le projet de loi d'orientation des mobilités (LOM), dont l'examen reprend la semaine prochaine. « Il serait souhaitable de compléter le projet de décret en prévoyant que le stationnement des EDP sur les trottoirs – en dehors des périmètres spécialement délimités à cet effet — soit considéré comme gênant, et puisse conduire à leur mise en fourrière », écrit-elle.

La mise en fourrière n'est pas une « mesure proportionnée »

La réponse de Christophe Castaner est parvenue à l'Hôtel de Ville il y a quelques jours. Et elle ne va pas du tout dans le sens attendu par l'exécutif parisien. « Il ressort des informations dont je dispose que les règles de circulation des EDP ont été fixées par analogie avec celles applicables aux cycles et aux cycles à pédalage assisté », annonce le ministre. En clair, au même titre qu'un simple vélo, une trottinette électrique ne devrait pas être considérée comme gênante quand elle est garée sur un trottoir. La maire de Paris souhaitait à l'inverse que les trottinettes électriques soient traitées comme des deux-roues motorisés, susceptibles d'être enlevés.

Christophe Castaner va plus loin et critique la politique de mise en fourrière des trottinettes. Celle-ci « ne paraît pas être une mesure proportionnée et adaptée », estime-t-il, car « la gêne causée aux autres usagers par ces véhicules est temporaire et d'autres moyens peuvent être envisagés pour réguler ce stationnement ».

« Le gouvernement nous confisque l'arme nucléaire »

Le « premier flic de France » au secours des trottinettes en libre-service mal garées? Voilà qui étonne du côté de l'Hôtel de Ville. « On nous a accusés de ne pas en faire assez contre les trottinettes qui envahissent les trottoirs, et maintenant le gouvernement nous reproche d'en faire trop, c'est baroque! », réagit Emmanuel Grégoire, le premier adjoint à la maire de Paris. Celui-ci espère que le gouvernement musclera sa copie dans la prochaine version de la loi. « Le gouvernement nous confisque l'arme nucléaire de la mise en fourrière. C'est un débat de juristes. Mais nous allons continuer de procéder à des enlèvements si la sécurité des Parisiens est en jeu », prévient-il.

Publicité
28 août 2019

Boîtes aux lettres vides : pourquoi le courrier se raréfie

envois

envois22

Au retour des vacances, ne nous attendent souvent que quelques factures… En 10 ans, les plis ont presque diminué de moitié. Pour certains, c’est un vrai manque.

Par Vincent Mongaillard

Après avoir posé leurs valises et ouvert leurs boîtes aux lettres, certains se sont demandé s'ils avaient encore des amis. D'autres, adeptes de l'adage « pas de nouvelles, bonnes nouvelles » étaient plutôt soulagés face au « vide » constaté. Mais ces millions de destinataires tout bronzés ont pu se rendre compte d'un phénomène qui, plus que jamais cette année, saute aux yeux quand on revient de vacances après plusieurs semaines d'absence : on reçoit de moins en moins de courrier.

Quand, il y a deux décennies encore, nos mini-conteneurs étaient pleins à craquer, aujourd'hui, ils sonnent creux ou presque. Elle semble très loin l'époque où, dans l'avion du retour, on redoutait la montagne d'enveloppes à décacheter une fois franchi le pas de la porte. Très loin aussi celle où l'on réquisitionnait ses voisins pour relever les missives à mi-congés.

Bien sûr, août n'est pas le mois le plus chargé en matière de flux postaux. La rentrée est toujours un peu plus généreuse en la matière. Il n'empêche, cette tendance à la baisse s'observe tout au long de l'année : en une décennie, la quantité de plis distribués a quasiment été divisée par deux. Si 92 % des Français lisent au moins un courrier chaque semaine, ils sont moins d'un sur deux (43 %) à le faire quotidiennement.

Boîtes aux lettres vides : pourquoi le courrier se raréfie

Factures dématérialisées, SMS et réseaux sociaux

A l'origine de cette chute libre, la dématérialisation des bulletins de salaire, factures de téléphone, déclarations de revenus et autres relevés bancaires qui, désormais, empruntent la voie numérique. Les échanges manuscrits, notamment les envois de cartes postales, sont aussi en nette perte de vitesse, victimes des SMS et des réseaux sociaux.

Dans ce contexte, la boîte aux lettres est-elle condamnée à l'avenir à quitter le portail des maisons ? Yves Xémard, directeur de l'unité d'affaires Courrier à La Poste, veut croire que non. « La réalité, c'est une décrue régulière de courrier. Mais à un moment donné, nous atteindrons un volume incompressible », assure-t-il. Pour lui, la boîte aux lettres « n'est pas appelée à disparaître, car son usage se transforme ». « Elle est maintenant bidirectionnelle : vous pouvez y déposer votre colis affranchi, le facteur le récupère », vante-t-il.

Un «sentiment d'isolement» accentué pour les aînés

Ce qui est sûr, c'est que ça « tchatche » de moins en moins devant les rangées de boîtes aux lettres des halls d'immeubles. « Avant, c'était un lieu de rencontres, une occasion de se saluer. Les gens descendaient et se retrouvaient quand le facteur passait. La boîte aux lettres est aujourd'hui virtuelle, c'est notre boîte mail. Chacun la porte sur lui dans son téléphone », relève Atanase Périfan, fondateur de la Fête des voisins.

A ses yeux, ceux qui « pâtissent » des écrins désertés sont « les aînés ». « Cela accentue leur sentiment d'isolement. Ils ont gardé leurs qualités d'écriture mais sont frustrés de ne plus être les destinataires de courrier, donc ils finissent par ne plus en adresser », note-t-il.

« A l'ère du numérique, c'est presque devenu normal de ne plus recevoir de lettres. Alors quand on en a, on est d'abord surpris », décrypte Robert Zuili, psychologue spécialiste des émotions. Selon lui, certaines personnes restent néanmoins « attachées à la dimension symbolique du courrier ».

« Pour elles, la lettre représente le lien, la valeur affective que l'autre nous accorde. Quand il n'y en a plus, cela peut engendrer de la peur, de la tristesse, de la colère », poursuit l'expert. Sauf « mutation digitale totale », il ne voit pas une société privée de boîtes aux lettres : « Elles sont devenues un objet nostalgique, ce qui leur confère un côté éternel. »

26 août 2019

A Hongkong, la violence monte d’un cran alors que Carrie Lam rechigne au compromis

Par Florence de Changy, Hongkong, correspondance

Un policier a tiré au moins une fois avec son arme à feu, hier, sans faire de victime. Un signe d’escalade dans cette crise qui dure depuis trois mois.

Un premier coup de feu tiré en l’air par la police et le premier déploiement de véhicules portant des canons à eau, dimanche 25 août soir dans un quartier populaire des nouveaux territoires de Hongkong. Ce douzième week-end de protestation a marqué une nouvelle étape dans l’escalade de la violence, entre des petits groupes de manifestants radicaux, de plus en plus équipés, et les « Raptors », la brigade d’élite de la police de Hongkong. La chef de l’exécutif, Carrie Lam a par ailleurs reçu, samedi matin, une vingtaine de poids lourds de la vie politique qui l’ont encouragée à accepter certaines revendications des manifestants afin d’enclencher une sortie de crise.

Depuis la nouvelle manifestation monstre du dimanche 18 août qui avait rassemblé 1,8 million de personnes selon les organisateurs – beaucoup moins selon la police –, Hongkong se félicitait de vivre une trêve : plus d’une semaine « sans gaz lacrymogènes »… Mercredi, la police avait toutefois eu recours à des gaz poivre pour disperser les participants à une manifestation marquant un mois de l’attaque brutale du 21 juillet dans la station de métro d’Yuen Long par des « chemises blanches », casseurs soupçonnés d’appartenir à des triades, les gangs locaux sur des voyageurs ayant, ou non, participé à la marche du jour qui avait eu lieu sur l’île de Hongkong. Reste que hormis cet incident, un certain calme était revenu dans la Région administrative spéciale, et avec lui, l’espoir d’une sortie de crise.

Deux cibles de la colère

Mais les deux principales manifestations autorisées ce week-end ont toutes deux dégénéré avec casse et heurts suivis de blessures et arrestations. Samedi après-midi, à Kwun Tong, quartier industriel et populaire, la colère des manifestants avait deux cibles : les nouveaux lampadaires « intelligents » installés dans les rues du quartier au titre d’un essai « pilote », et la société MTR, la société locale de transports en commun.

Les grands lampadaires, devant notamment améliorer la gestion du trafic et surveiller la pollution de l’air, avaient déjà créé la polémique lors de leur installation à cause de leurs fonctions d’observation, notamment des caméras avec reconnaissance faciale que les autorités avaient promis de ne pas activer. Nombre de ces énormes poteaux ont donc été abattus puis disséqués par certains manifestants qui en ont extrait les composants électroniques pour les étudier.

Les manifestants ont également ciblé la société MTR qui opère les stations de trains et métros de Hongkong et qu’ils accusent d’avoir désormais choisi le camp de la police. L’entreprise avait été critiquée par la presse chinoise pour avoir envoyé des trains supplémentaires lors d’un récent incident afin de permettre aux manifestants d’évacuer les lieux d’une confrontation. Depuis cette mise en cause par la propagande chinoise, MTR a changé diamétralement d’attitude et semble au contraire compliquer la tâche aux manifestants. Mais dans une ville où l’immense majorité des habitants n’a pas de voiture, une interruption des services habituels a immédiatement un impact énorme. MTR est par ailleurs reconnue dans le monde entier comme l’une des sociétés les plus performantes et les plus profitables du secteur.

Cache-œil devenu symbole

Dimanche, une marche initialement interdite, et finalement autorisée « en appel », a eu lieu dans un autre quartier populaire des nouveaux territoires, Tsuen Wan. Quelques petits groupes armés de grandes barres de fer, de lance-pierres et autres armes plus ou moins artisanales se sont rapidement séparés du cortège principal pour bloquer des rues. Plus tard, ils dévalisèrent quelques échoppes qui avaient baissé leur rideau de fer, dont deux cafés de Mah-jong, soupçonnés par les manifestants d’avoir protégé des gangsters lors de précédents incidents au même endroit, Yi Pei Square. Des rixes violentes ont eu lieu avec la police et c’est là que vers 20 heures, un policier a tiré un coup de feu en l’air pour disperser la foule alors que plusieurs autres policiers ont dégainé leur revolver et ont visé directement les journalistes et les manifestants qui avançaient vers eux.

Cette manifestation avait quant à elle comme thème les abus policiers et comme slogans « La police connaît la loi, la police ignore la loi » et « police de Hongkong, œil pour œil ». La grave blessure à l’œil d’une manifestante, le 11 août, sans doute par un tir de « sac à pois » de la police, a choqué. Depuis, l’œil et les cache-œil sont un nouveau symbole dans les manifestations. La presse locale a toutefois révélé vendredi soir que la victime ne perdrait sans doute pas la vue de son œil blessé.

« Peut-on s’asseoir et parler ? »

Mardi lors de son point de presse, redevenu hebdomadaire, Carrie Lam avait proposé une nouvelle « plate-forme de dialogue ». Mais le délégué du Front civil des droits de l’homme, Jimmy Sham, avait rejeté de but en blanc cette proposition qualifiée d’« hypocrite » alors que les revendications des manifestants n’ont quasiment pas changé depuis les débuts du mouvement.

Samedi, Carrie Lam a par ailleurs invité à Government house, sa résidence officielle, une vingtaine de personnalités du camp pro-Pékin dans le but de trouver une sortie de crise. Selon diverses informations recueillies par la presse locale, dont le South China Morning Post, plus de la moitié des participants à cette réunion ont encouragé la chef de l’exécutif à céder sur certains points, notamment l’« abandon » du projet de loi d’extradition (actuellement simplement « suspendu ») et une enquête indépendante dans les abus policiers. Mais, selon les participants, Carrie Lam s’en est tenue à sa ligne ultra-rigide : d’abord le calme, le dialogue ensuite. Après cette rencontre, Mme Lam a toutefois posté sur sa page Facebook un commentaire dans lequel elle écrit notamment : « Cela fait deux mois que cela dure. Tout le monde est fatigué. Peut-on s’asseoir et parler ? »

26 août 2019

Trottinettes électriques : en attendant les règles

trot01

Alors que les incidents sont légion, un décret pour encadrer les nouveaux usages est prévu pour « septembre ».

Aux alentours du Trocadéro, à Paris, les touristes profitent en ce mois d’août de la circulation estivale plus fluide pour arpenter la capitale en trottinette. Pistes cyclables, trottoirs ou chaussées, tous les terrains sont bons pour s’encanailler. On peut voir des couples enlacés, ou même trois amis sur un même engin, en équilibre souvent précaire, prêts à s’arrêter pour prendre un selfie.

Depuis qu’elles sont apparues sur les trottoirs, en masse à partir de juin 2018, ces trottinettes ont fait couler beaucoup de salive et d’encre. Les engins disponibles en libre-service (en « free floating », soit en location sur Internet, accessibles en quelques clics sur les applications d’une dizaine d’opérateurs) fédèrent à peu près contre eux tous ceux qui ne les utilisent pas, se retrouvant accusés de nombreux maux : stationnement anarchique, danger pour les piétons…

Un décret censé encadrer l’usage de ces moyens de transport, promis depuis plusieurs mois par le gouvernement, est désormais annoncé « en septembre ». En attendant, le sujet reste sur la table des maires concernés, avant les municipales de mars 2020.

Situation « chaotique »

Emmanuel Grégoire, premier adjoint à Paris, où circulent 20 000 trottinettes, selon la ville, évoque une situation « chaotique » : « Les opérateurs de trottinettes utilisent Paris comme un terrain de jeu. La fréquentation touristique est un marché intéressant. » Plusieurs milliers d’engins circulent aussi dans d’autres villes comme Lyon ou Toulouse. « Rapide », « pratique », « écologique », les avantages vantés par les opérateurs sont nombreux… tout comme les incidents.

Au-delà de l’insécurité ressentie par les piétons, aucun chiffre officiel – et récent – ne permet cependant de donner une idée précise des accidents et incidents, pour nourrir le débat entre « pro » et « anti ». En 2017, alors que l’usage des trottinettes était embryonnaire, la Sécurité routière faisait état de cinq morts et de 277 blessés en France pour tous les « engins de déplacement personnels motorisés et non motorisés ». Une nouvelle catégorie comptabilise, depuis le 1er janvier 2018, le nombre de blessés et de morts en « engin de déplacement personnel motorisé ». Une personne aurait perdu la vie en trottinette électrique, cette année-là. Mais le nombre de blessés n’est pas encore connu.

Il faut donc faire, faute de mieux, avec les cas publics et les décomptes artisanaux des professionnels. A l’hôpital Saint-Antoine, dans le 12e arrondissement de Paris, le service de chirurgie orthopédique du professeur Alain Sautet « opère chaque semaine deux à trois personnes » victimes d’accidents. Surtout des utilisateurs. Mais seulement 20 % des patients consultant pour ce type d’accidents finissent dans son service.

« Beaucoup arrivent avec des blessures légères qui sont traitées directement aux urgences », poursuit le médecin. « 40 % des blessures sont des traumatismes de la face », ajoute Olivier Migault, membre de la fédération française d’orthodontie. Des parents font parfois monter leurs enfants devant eux, face au guidon. « Les petits arrivent avec des incisives cassées qu’on est obligé de remplacer. A 12 ans ils se retrouvent avec des couronnes qu’ils devront changer tout au long de leur vie », poursuit M. Migault.

Impression d’incivilité

Jean-René Albertin, président de l’Association philanthropique d’action contre l’anarchie urbaine vecteur d’incivilité (Apacauvi), qui fait campagne contre les trottinettes, évoque de son côté « 200 accidents par semaine en région parisienne ». Sa femme, renversée par un engin en mai, se remet d’une double fracture du bras droit. Cette pianiste des petits rats de l’Opéra affirme ne pas savoir si elle retrouvera un jour toutes ses capacités. L’épouse du vice-président de l’association, Arnaud Kielbasa, a elle aussi été percutée alors qu’elle portait leur nourrisson. Le bébé a dû rester plusieurs jours en observation pour un traumatisme crânien. Ces deux affaires sont devenues les emblèmes de ceux qui exigent plus de régulation.

Au-delà des incidents, c’est l’impression d’incivilité qui s’enracine, alors que le partage de l’espace public entre les différentes personnes (piétons, voitures, motos, scooters, vélo, trottinettes, etc.) est plus que jamais un enjeu. Ainsi, par exemple, à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), Emmanuelle Schaedelle Giroire raconte une scène que d’autres ont vécue. « Un camion s’est arrêté pour me laisser passer mais la trottinette s’est faufilée entre lui et un véhicule garé contre le trottoir », se souvient la jeune femme, qui avançait avec une poussette. Elle a réussi à éviter la collision.

Amende de 35 euros

Des faits divers, beaucoup plus graves, ont aussi été répertoriés depuis le début de l’année. Le 11 juin, à Paris, un homme de 25 ans est mort dans un choc avec une camionnette. En août, le conducteur d’une trottinette a percuté une moto sur une autoroute, où il n’avait pas le droit de rouler, dans les Yvelines. Certains engins, privés ceux-là, sont en effet très puissants et permettent d’atteindre les 90 km/h, encourageant toutes les imprudences.

Annoncé en mai par les ministères de l’intérieur et des transports, le futur décret doit intégrer au code de la route les trottinettes électriques, mais aussi des gyropodes, monoroues et autres hoverboards, avec une nouvelle catégorie de véhicules, qui correspond désormais à celle en vigueur dans les statistiques : les « engins de déplacement personnels motorisés ».

Tout utilisateur ne respectant pas les règles de circulation devra s’acquitter d’une amende de 35 euros. Des mesures spécifiques s’ajoutent : interdiction de monter à plusieurs sur un engin, obligation de rouler sur les pistes cyclables ou à défaut sur les routes limitées à 50 km/h, interdiction aux enfants de moins de 12 ans, limitation de vitesse à 20 km/h… Certains utilisateurs contestent, déjà, ce dernier point : « On doit pouvoir rouler à la même vitesse que les autres véhicules, sinon ils ont tendance à s’impatienter et c’est là que les comportements à risque se multiplient », assure Thierry Leriche, propriétaire d’une trottinette électrique depuis un an.

Flou juridique

Autre souci récurrent, le flou juridique qui entoure les trottinettes complique les indemnisations, en cas d’accident. « Impossible d’avoir une réponse claire. Les assureurs ne savent pas comment procéder », assure Elodie Saux, l’une des victimes. Les entreprises de location ont chacune leurs pratiques. Bolt prend ainsi en charge les blessures de ses usagers mais pas celles causées à des tiers, contrairement, par exemple, à l’application Uber.

La reconnaissance des trottinettes électriques dans le code de la route devrait faciliter ces démarches. « Les véhicules seront soumis à l’obligation d’assurance responsabilité civile par son propriétaire. C’est-à-dire le particulier qui possède sa propre trottinette ou l’entreprise qui la met en location », explique Aymeric Chassaing, conseiller de la ministre des transports, Elisabeth Borne.

Autre point soulevé par les opposants aux trottinettes : l’identification des conducteurs. « Ces véhicules en libre-service doivent être identifiés plus facilement pour pouvoir verbaliser les utilisateurs. Pourquoi ne pas les immatriculer ? », interroge Arnaud Kielbasa. Lors d’accidents, des conducteurs de trottinettes prennent la fuite. « Les loueurs ne demandent même pas de carte d’identité, n’importe qui peut s’inscrire », pointe le vice-président de l’association. Des critiques qui peuvent aussi bien s’adresser, par ailleurs, aux vélos.

trot02

trot03

26 août 2019

«Les villes deviennent de plus en plus des lieux touristiquement formatées»

Par Rémy Descous-Cesari

Spécialiste des questions de tourisme, le sociologue Rodolphe Christin est l'auteur du «Manuel de l’Antitourisme».

Quel regard portez-vous sur le tourisme de masse ?

Le surtourisme, tel que l’on en parle dans les médias, n’est pas un phénomène récent. Dans les années 80, il y avait déjà le signe d’une surfréquentation sur certains sites, dans les Alpes par exemple. Aujourd’hui, Venise, Barcelone ou Dubrovnik voient des hordes de touristes arriver, notamment via des paquebots de croisière toujours plus gros. Ce qui est nouveau, c’est que les habitants s’organisent et contestent le bien-fondé de ce tourisme-là. La vie devient plus chère, les loyers augmentent, l’offre de logement s’oriente vers l’offre touristique. Les gens sont obligés d’aller habiter à la périphérie. Il y a un phénomène d’éloignement des populations locales pour trouver des logements et une vie moins chère. Cela entraîne le sentiment d’être chassé de son lieu de vie par le tourisme. De l’autre côté, ceux qui se trouvent au cœur des lieux touristiques doivent supporter les nuisances comme le bruit, les embouteillages, les déchets et dégradations… Si des mesures sont prises par les municipalités pour lutter contre ces effets négatifs, il y a en fait un consensus entre elles et les opérateurs privés pour développer ce tourisme, synonyme de gains économiques. L’autre conséquence c’est que les villes deviennent de plus en plus des lieux touristiquement formatées : on multiplie les festivals, les attractions, les propositions de divertissements multiples et variées.

Comment réagissent les grandes villes face à cette augmentation du tourisme ?

Il existe parfois une contestation plus politique qu’administrative en provenance de la société civile. A Barcelone, il y a un mouvement, certes minoritaire, issu d’un ancrage libertaire ainsi qu’un mouvement lié à la gauche de la gauche, qui critique le tourisme comme dimension centrale du capitalisme. Par ailleurs, la municipalité de Barcelone a pris des mesures : l’accès à certains sites touristiques est devenu payant et le nombre d’annonces de locations sur Airbnb par propriétaire est limité.

A qui profite ce tourisme en hausse ? Les municipalités, les entreprises privées ?

C’est déséquilibré. Il y a privatisation du profit du tourisme qui va dans les poches d’opérateurs privés tels que les transporteurs, hôteliers, les marchands de forfaits, les agences de tourisme. Et de l’autre côté, il y a des coûts pris en charge par les municipalités concernant l’entretien des infrastructures routières, autoroutières, des aéroports mais aussi l’approvisionnement en électricité et en eau.

Quel est l’impact de Airbnb sur le tourisme ?

Airbnb fait de chaque habitant, doté d’un minimum de capital, un opérateur touristique potentiel. De ce point de vue il favorise la pénétration du marché touristique encore plus loin dans les territoires et les pratiques individuelles. Airbnb s’est présenté au départ comme une expérience alternative au tourisme conventionnel. Face à cela, des opérateurs touristiques ont expliqué qu’Airbnb contribuait en réalité à désorganiser le secteur, favorisant un tourisme incontrôlé qui lui portait finalement préjudice. Ces opérateurs touristiques ont proposé de contrôler encore plus les séjours et circuits touristiques de manière à limiter les points de contacts involontaires, imprévisibles, entre les touristes et les habitants des villes. Mais il n’y a pas d’un côté les bons et les méchants. D’une façon générale, pour le marketing territorial qui «valorise» touristiquement les espaces, chaque habitant devient un figurant passif sur la scène touristique, ou au mieux un acteur contributeur. En tant que parisien, vous faites partie de l’image de Paris au regard des visiteurs, vous êtes intégré dans le produit, ou plutôt la marque «Paris». Voilà dans quel monde l’extension du domaine touristique nous conduit à vivre.

Publicité
23 août 2019

Je suis contre la corrida

corrida

13 août 2019

La crise s’enlise à Hongkong, Pékin change de stratégie

Par Frédéric Lemaître, Hongkong, envoyé spécial

La Chine qui a longtemps minimisé l’ampleur de la contestation n’hésite plus dorénavant à qualifier les manifestants de « terroristes ».

Hongkong est en train de virer au cauchemar pour Xi Jinping. Le président chinois qui fait de l’ordre et de la stabilité ses vertus cardinales voit son autorité remise en cause par des manifestants qui, jour après jour depuis deux mois expliquent que « Hongkong n’est pas la Chine ». L’occupation de l’aéroport international, lundi 12 août, – une opération qui pourrait se répéter mardi 13 août – a touché une corde sensible. Impossible désormais de prétendre que les événements de Hongkong ne constituent qu’une affaire intérieure chinoise.

Alors que les face à face entre la police de Hongkong et les manifestants sont de plus en plus violents, l’étau de Pékin se resserre sur le territoire. Lundi, la rhétorique chinoise est encore montée d’un cran. Le Bureau des affaires de Hongkong et Macao à Pékin a qualifié de « germes de terrorisme » les récents événements survenus dans cette ville, notamment les manifestations organisées durant le week-end, contre l’emprise de la Chine sur cette région autonome spéciale.

« Enchaînement d’avertissements »

Pékin qui, durant plusieurs semaines, a minimisé l’ampleur de la contestation apparue le 9 juin, a totalement changé de stratégie. Le terme de « terroristes » a été prononcé à trois reprises, lundi, au cours du journal télévisé de la chaîne CCTV. Pas un mot en revanche sur la fermeture de l’aéroport. Sur les réseaux sociaux, le hashtag Hongkong, longtemps censuré, est aujourd’hui l’un des plus utilisés. La tonalité des messages : Hongkong, c’est la Chine. Haro sur les manifestants !

De son côté, le quotidien nationaliste chinois Global Times a diffusé lundi une vidéo montrant des manœuvres de la police armée chinoise effectuant « apparemment des exercices à grande échelle » à Shenzhen, aux portes de Hongkong. C’est la troisième vidéo de ce type en douze jours. Toujours possible, une intervention directe de l’armée ou de la police chinoise à Hongkong n’est pourtant pas l’hypothèse privilégiée par le président Xi Jinping. La stratégie de Pékin a été définie par un éditorial du Quotidien du peuple, l’organe du Parti communiste chinois le lundi 5 août, jour même de la grève générale organisée à Hongkong, la première depuis la rétrocession de l’île de 7,4 millions d’habitants du Royaume-Uni à la Chine en 1997.

Cet éditorial établissait la distinction entre des « extrémistes violents » qui auraient utilisé le projet de loi d’extradition vers la Chine comme prétexte pour atteindre d’« autres objectifs », – saper la souveraineté chinoise notamment – et la vaste majorité des Hongkongais appelés à s’unir contre eux. Le lendemain Carrie Lam, cheffe de l’exécutif local désignée par Pékin reprenait cette thématique et le mercredi 7 août, Zhang Xiaoming, le chef du bureau des affaires de Hongkong et Macao à Pékin la détaillait devant 500 responsables économiques et politiques chinois et hongkongais réunis à Shenzhen.

Ces responsables sont sommés par Pékin de soutenir Mme Lam sans réserve et même si les forces chinoises sont prêtes à intervenir à la demande des autorités de Hongkong, c’est à celles-ci de rétablir l’ordre par tous les moyens. « Pékin nous a donné son feu vert pour que la police soit plus dure », nous expliquait Regina Ip, une des leaders politiques pro-Pékin, vendredi en fin de journée. Alors que la population de Hongkong est majoritairement choquée par les violences policières, la police n’a pas hésité, lundi 12 août, à exhiber sa nouvelle acquisition : des camions Mercedes flambant neuf équipés de puissants canons à eau (d’ailleurs installés par une entreprise française). Les manifestants savent à quoi s’en tenir.

« Cet enchaînement d’avertissements est typique de la manière dont les autorités chinoises fonctionnent. Un document fait autorité, toutes les organisations doivent ensuite appliquer l’état d’esprit qu’il a diffusé. C’est une ligne dure qui est adoptée, avec le refus de toutes les cinq demandes des manifestants. Cela va se traduire par l’emploi des forces de l’ordre de Hongkong, le soutien des “forces patriotiques”, c’est-à-dire le ralliement de toutes sortes de personnalités ou d’individus cooptés par la Chine et dépendant d’elles, des stars de cinéma aux hommes d’affaires, puis le recours à des inculpations très dures par le parquet sur ordre du département de la justice », analyse Sebastian Veg, professeur de l’histoire intellectuelle de la Chine au XXe siècle à l’EHESS. Au cours de cette réunion, Zhang Xiaoming avait également qualifié les événements de Hongkong de « révolution de couleur », c’est-à-dire dans l’esprit des dirigeants communistes fomentées par l’Occident ou par les églises chrétiennes.

Un soutien croissant aux manifestants

Dans la droite ligne de ce discours, plusieurs entreprises de Hongkong ont subi les foudres de Pékin. Le cas le plus spectaculaire est celui de la compagnie aérienne Cathay Pacific puisque la Chine exige d’elle les listings de son personnel qui a fait grève le 5 août et entend interdire à ces salariés d’entrer en Chine voire de survoler son territoire. Au lendemain de la grève, le directeur général de Cathay disait respecter les convictions de ses salariés. Lundi, changement complet d’attitude : les personnels qui « soutiennent ou participent à des protestations illégales » feront face à des mesures disciplinaires « qui pourraient inclure la fin de leur contrat ». Cathay Pacific réalise environ la moitié de son chiffre d’affaires avec la Chine et Air China détient 30 % de son capital. Mais Cathay n’est pas la seule entreprise dans le collimateur.

Samedi 10 août, le responsable du Global Times s’en était pris à la direction d’un important centre commercial de Hongkong, le Harbour City, dont la direction avait laissé à deux reprises des manifestants s’emparer du drapeau chinois. De plus, celle-ci avait collé sur ses portes une affiche demandant à la police d’éviter d’intervenir dans le centre commercial. Message reçu : Dimanche soir, Peter Woo, le tycoon de 73 ans, propriétaire du centre, dénonçait les manifestants et faisait remarquer que « l’acte de violence illégal et l’intimidation contre des civils à des fins politiques correspondent, selon certains, à la définition du terrorisme du dictionnaire d’Oxford ». Rien ne dit que cette rhétorique produise ses effets. Selon des enquêtes menées au cours de chaque manifestation depuis le 9 juin par des universitaires de Hongkong, le soutien des manifestants à la minorité d’activistes violents croît régulièrement – jusqu’à atteindre 95,9 % le 4 août – car les manifestants font porter la responsabilité de la violence à l’exécutif local et à Pékin.

12 août 2019

Croisières. Un mirifique marché

cargo

Article de Stéphane Bugat

Des paquebots toujours plus grands, une offre toujours plus variée, des passagers toujours plus nombreux, une clientèle de plus en plus familiale : la tendance des croisières gagne du terrain. Après les Américains, Britanniques et Allemands, les Français se laissent séduire par ces vacances à bord de véritables cités flottantes.

Les croisières ont le vent en poupe dans une économie mondialisée qui accorde déjà une place croissante aux activités touristiques. En 2015, elles enregistraient six fois plus de passagers qu’en 1990. Depuis, la courbe reste solidement ascendante. Les Nord-Américains, pionniers du genre, représentent encore la majorité de la clientèle mais elle s’élargit à d’autres continents. Les Australiens et les Européens comblent progressivement leur retard. Et le secteur spécule ardemment sur l’essor à venir d’un marché chinois et plus généralement asiatique, encore embryonnaire. Le cap des 30 millions de passagers et un volume d’affaires de 50 milliards de dollars sont en vue.

La croisière étant un marché de l’offre, il y en a pour tous les goûts, pour tous les prix et pour toutes les destinations. Les Caraïbes ont longtemps été privilégiées, les côtes méditerranéennes sont maintenant très fréquentées mais celles de l’Atlantique ne sont pas négligées, tout comme les paysages du Grand Nord.

Toujours plus grand

Le luxe est le plus souvent synonyme de navires élégants de dimensions modestes. Mais la tendance dominante est à la massification. D’autant que les taux de remplissage, proches des 100 %, ont de quoi rendre jaloux les hôteliers. Car les croisiéristes peuvent compter sur une clientèle fidèle, qui vit ses séjours en mer comme autant de rituels. Une clientèle longtemps constituée de seniors mais qui ne cesse de rajeunir. « Les croisières deviennent un phénomène intergénérationnel et de plus en plus familial », affirment les professionnels.

Les chantiers navals ont donc obligation de faire toujours plus grand. Leurs carnets de commandes sont bien remplis par les quatre leaders (les deux américains, Carnival Corporation et Royal Caribbean International, et les européens Norwegian Cruise et MSC en Italie). Ils ont des programmes d’investissement vertigineux, ne serait-ce que pour résister aux nouveaux concurrents qui tentent de se faire une place. À bord des paquebots les plus imposants déjà en circulation, on compte plus de monde (passagers et personnels) qu’à Bercy, le paquebot d’un autre genre qui héberge le ministère des Finances et ses 6 000 fonctionnaires. « Les économies d’échelle et les coûts fixes partagés, grâce aux grands navires, nous permettent de renforcer le niveau de service », résume Patrick Pourbaix, le directeur général de MSC Croisières France.

La France s’y met

En tout cas, la concurrence est rude entre les ports d’escales et ceux qui veulent le devenir. Ils considèrent la croisière comme une opportunité à ne pas laisser échapper. Ils en espèrent des retombées sonnantes et trébuchantes, en particulier pour le commerce local qui ne demande pas mieux que d’être assailli, ne fût-ce quelques heures seulement, par des vagues de croisiéristes en goguette, prompts à la dépense. Encore leur faut-il disposer d’équipements adaptés, notamment portuaires.

S’agissant des croisières, la France est à la traîne. Avec un peu plus de 500 000 passagers par an, elle fait même pâle figure à côté de ses voisins allemands et britanniques qui dépassent les deux millions. L’absence de grande compagnie hexagonale ou encore la fréquentation des clubs de vacances sont quelques éléments d’explication. Ce qui ne décourage pas une compagnie comme MSC. « En France, notre gros challenge, c’est l’acheminement, note Patrick Pourbaix. Marseille est tout de même au début d’un fort développement, de même que Le Havre, vers le nord. » Une ville-port comme Brest veut, elle aussi, aller bien au-delà des 14 escales accueillies en 2018.

Les croisières n’en ont pas moins quelques inconvénients. Curieusement, les spectaculaires naufrages du Costa Concordia, en 2012, et de l’Étoile de l’Orient, en 2015, n’ont pas laissé trop de traces. En revanche, on s’interroge de plus en plus sur l’impact sur l’environnement. La légendaire Venise n’est pas la seule à en supporter les traces. En Corse, par exemple, on a des inquiétudes voisines. Les conditions de navigation sont aussi en cause. « Cela fait belle lurette que nous sommes sur ces sujets, plaide Patrick Pourbaix. Nos nouveaux navires sont au gaz liquéfié, avec un impact réduit de 85 %. Notre ambition, c’est zéro émission et notre espoir, c’est l’hydrogène. De plus, notre gestion des déchets est strictement régulée. Plus rien ne passe par-dessus bord. » En somme, des villes sur mer, mais des villes propres. Les croisières ont bien leur part d’utopie.

cargo33

11 août 2019

Président Trump, an III : balles dans le pied

Par Gilles Paris, Washington, correspondant

Au lieu d’endosser le rôle de consolateur en chef, le locataire de la Maison Blanche a suscité le malaise lors de ses déplacements dans l’Ohio et au Texas, deux Etats endeuillés par des fusillades meurtrières.

Donald Trump était en mission, mercredi 7 août. Il lui fallait contenir la peine de deux villes endeuillées quelques jours plus tôt par des fusillades de masse. Dans de telles circonstances, le président des Etats-Unis endosse ordinairement le rôle de consolateur en chef. Il apporte avec lui la compassion du pays et l’empathie qu’il répand alors autour de lui est celle de la nation tout entière.

Cette dernière a pu se sentir flouée au terme d’une journée gâchée par ce que les plus indulgents considéreront comme une maladresse crasse, et tous les autres comme la nouvelle manifestation d’un égocentrisme totalement désinhibé.

La presse avait été tenue à distance pendant le déplacement pour que la Maison Blanche mette en scène à sa façon les visites à l’hôpital de Dayton, dans l’Ohio, puis quelques heures plus tard à celui d’El Paso, au Texas. A en juger par le résultat, l’équipe du président aurait sans doute beaucoup gagné à n’en rien faire.

Un accueil digne d’une « rock star »

Le responsable des réseaux sociaux du président, Dan Scavino, son ancien caddie, a tiré le premier en déplorant sur Twitter, après l’étape de l’Ohio et alors que l’avion présidentiel volait vers le Texas, que les deux élus démocrates qui avaient accompagné Donald Trump aient selon lui livré un récit inexact de sa visite dans une conférence de presse.

Il n’en était rien, les élus en question s’étant au contraire montrés élogieux à propos de l’attitude du président sur place, tout en déplorant par ailleurs son inaction à propos des armes à feu. L’éloge ayant été jugé trop court, Dan Scavino a assuré que Donald Trump avait reçu à l’hôpital un accueil digne d’une « rock star ».

Il ne s’agissait plus de deuil, ni de la douleur des blessés, mais de Donald Trump, posant souvent tout sourire, les pouces levés comme après un bon résultat sportif, avec des policiers ou du personnel soignant en arrière-plan.

La Maison Blanche a diffusé après ces visites de courtes vidéos dans lesquelles le président est omniprésent (pendant 95 des 135 secondes que totalise leur durée).

Une photo qui suscite le malaise

Le compte Twitter de la First lady a pris le relais en publiant notamment une photo qui a vite suscité le malaise. Sur celle-ci, prise à El Paso, un Donald Trump souriant, le pouce de la main droite une nouvelle fois levé, pose à ses côtés alors qu’elle tient dans ses bras un bébé de deux mois. Il n’est pas le fils de l’homme et de la femme qui encadrent le couple présidentiel. Ses parents à lui ont été tués dans la fusillade de samedi. Il est orphelin.

Aucun des blessés encore hospitalisés dans cette ville située à la frontière avec le Mexique n’avait voulu recevoir le président mercredi. Heureusement pour lui, deux autres qui étaient déjà rentrés chez eux avaient accepté de revenir à l’hôpital pour le rencontrer. Le père disparu, comme l’a raconté son frère – l’homme qui apparaît sur la photo – était au contraire un fervent supporteur du républicain. C’est donc en sa mémoire qu’il a fait la démarche de rencontrer Donald Trump, mais le cliché n’en est pas moins dévastateur.

Il est accompagné deux jours plus tard par la publication d’une vidéo privée réalisée à l’intérieur de l’hôpital d’El Paso dans laquelle on voit le président vanter ex abrupto la foule qui était venue l’applaudir à un meeting électoral organisé dans cette ville au début de l’année. Le débat sur la prévention de ces tragédies pouvait attendre.

10 août 2019

Malgré les obstacles, les ONG de secours résistent en Méditerranée

L’« Ocean-Viking » a rejoint, jeudi, l’« Alan Kurdi » dans la zone des secours sans avoir pu se ravitailler à Malte. L’« Open Arms » s’organise avec 121 migrants bloqués à bord.

Le navire Ocean-Viking a rejoint jeudi 8 août l’Alan Kurdi dans la zone des secours sans avoir pu se ravitailler à Malte, l’Open Arms s’organise avec 121 migrants bloqués à bord : les ONG de secours en Méditerranée font de la résistance. Le même jour, le président du Parlement européen, l’Italien David Sassoli, a adressé un courrier à la Commission européenne pour lui demander d’intervenir en faveur des migrants secourus les 1er et 2 août par l’Open Arms.

« Si l’Europe ne peut pas protéger ceux qui sont en difficulté (...), qui ont pris la mer à la recherche d’une vie meilleure, elle aura perdu son âme, en plus de son cœur. »

En Italie, la fédération des Eglises protestantes et l’Eglise vaudoise, engagées dans l’accueil des migrants via des « couloirs humanitaires », ont proposé de les prendre en charge, de la même manière que l’Eglise catholique italienne a accueilli près de la moitié des rescapés bloqués pendant une semaine fin juillet sur Gregoretti, un navire des gardes-côtes italiens.

Mais Malte, qui avait accueilli dimanche 40 migrants de l’Alan Kurdi après un accord de répartition, a refusé de laisser débarquer les passagers de l’Open Arms. Et en Italie, le ministre de l’intérieur, Matteo Salvini (Ligue, extrême droite), campe sur ses positions : « Le navire est espagnol et les immigrés à bord sont sous la responsabilité directe de Madrid. »

M. Salvini accuse également l’ONG de fabriquer des conditions d’urgence en refusant de se rendre en Espagne : « Peut-être que ces messieurs veulent faire une provocation politique. De toute évidence, la vie des gens à bord n’est pas leur vraie priorité, mais ils veulent à tout prix transférer des clandestins dans notre pays. »

Jusqu’à un million d’euros d’amende

En Espagne, le navire de l’ONG espagnole Proactiva Open Arms risque une amende pouvant aller jusqu’à 900 000 euros pour s’être dérouté vers la zone de secours au large de la Libye alors qu’il avait été autorisé uniquement à se rendre en Grèce.

En vertu de la nouvelle loi anti-migrants adoptée, lundi, par le Parlement italien, l’ONG espagnole pourrait aussi subir la confiscation de son bateau et jusqu’à un million d’euros d’amende si elle pénètre dans les eaux territoriales italiennes comme l’avait fait en juin le Sea-Watch 3 commandé par l’Allemande Carola Rackete.

L’ONG a cependant saisi le tribunal des mineurs de Palerme (Sicile) pour réclamer que la trentaine de mineurs à bord – une poignée de jeunes enfants, dont des jumelles de 9 mois et leur mère camerounaise, et un grand nombre d’adolescents voyageant seuls – soient accueillis et confiés à des tuteurs. « C’est prévu par les articles 6 et 11 de la Convention de La Haye [sur la protection de l’enfance]. Nous respectons la loi », a insisté Proactiva Open Arms.

Après une semaine à bord, les réserves d’eau et de vivres s’amenuisent, ont expliqué les secouristes. Selon la presse italienne, le voilier Astral de l’ONG, pourrait quitter Barcelone pour aller ravitailler l’Open Arms.

Des réserves pour huit à dix jours d’opérations

L’Ocean-Viking a lui aussi connu des soucis de ravitaillement : le nouveau bateau de secours de SOS Méditerranée et Médecins sans Frontières (MSF) n’a pas pu s’arrêter jeudi soir au large de Malte pour faire le plein de carburant et d’eau.

Selon l’équipage, La Valette le lui a refusé au dernier moment, comme c’était déjà arrivé à l’Open Arms l’an dernier. Interrogées par un correspondant de l’Agence France-Presse (AFP), les autorités maltaises n’ont ni confirmé ni démenti et se sont refusées à tout commentaire.

Le bâtiment de 69 mètres battant pavillon norvégien, qui avait quitté Marseille dimanche soir, a donc poursuivi sa route directement vers la zone des secours au large de la Libye, en réduisant légèrement sa vitesse à 8 nœuds pour économiser le carburant. « Mais on est prêt à accélérer si un bateau [à secourir] est repéré », a expliqué le coordinateur des secours, Nicholas Romaniuk, qui estime avoir encore suffisamment de réserves pour huit à dix jours d’opérations.

Jeudi à l’aube, l’équipage a commencé ses tours de veille sur la passerelle : armés de puissantes jumelles, les secouristes scrutent les flots, se relayant toutes les 90 minutes environ. Et la consigne a été donnée à chacun d’être désormais chaussé de manière à pouvoir sauter à tout moment dans les canots prévus pour aller au secours des embarcations en détresse.

Publicité
Publicité