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Jours tranquilles à Paris
24 septembre 2019

Réforme des retraites : les syndicats toujours divisés

Par Raphaëlle Besse Desmoulières

Trois jours après Force ouvrière, la CGT et Solidaires appellent à une journée d’action interprofessionnelle mardi 24 septembre.

Parviendront-ils à parler d’une même voix ? Alors que des mouvements catégoriels (avocats, salariés de la RATP…) ont fortement mobilisé ces derniers jours contre la réforme des retraites, les confédérations syndicales n’ont pas réussi, pour le moment, à unir leurs forces.

Trois jours après Force ouvrière (FO), la CGT et Solidaires appellent, mardi 24 septembre, à une journée d’action interprofessionnelle contre « la régression sociale », en particulier sur les retraites. A la SNCF, le trafic devrait être perturbé, notamment sur les lignes TER et transilien.

Samedi, FO avait, elle, convié ses militants à Paris pour qu’ils puissent exprimer leur mécontentement. Plusieurs milliers d’entre eux – soit 6 000 selon la police, 15 000 selon la confédération – ont répondu présents.

L’idée n’était pas tant de faire masse que de ressouder les rangs sur un sujet majeur après une année difficile pour l’organisation syndicale, marquée par la démission, en octobre 2018, de son numéro un Pascal Pavageau, mis en cause pour des fichiers controversés.

Pour Yves Veyrier, qui lui a succédé à la tête de FO, il s’agissait d’« exprimer fortement [leur] détermination ». « L’expérience de ces dernières années, notamment sur les retraites, montre qu’une manifestation, aussi réussie soit-elle, ne permet pas toujours de se faire entendre, ajoute-t-il. Il y a autant de débats sur l’unité syndicale que sur la nature des actions à mener. »

« Irresponsabilité mortifère »

« Le fait qu’il n’y ait pas de date commune ne signifie pas qu’il y ait des dissensions sur les retraites mais marque surtout la volonté de FO d’organiser sa rentrée », relativise, de son côté, Fabrice Angei, membre du bureau confédéral de la CGT. « On serait dans un moment décisif, ce ne serait pas un bon signal mais on n’en est pas là… », renchérit Eric Beynel, porte-parole de Solidaires.

Pour Jean-Marie Pernot, politiste à l’Institut de recherches économiques et sociales, cela montre cependant « une certaine irresponsabilité mortifère ». « Malgré pas mal de luttes unitaires dans certains secteurs, les confédérations vont passer, une fois de plus, à côté du besoin de mouvement et d’unité qui remonte du terrain », juge-t-il.

Vendredi 13 septembre, la mobilisation a été très suivie à l’appel de quasiment tous les syndicats de la RATP. Ces derniers, à l’exception notable de la CGT, entendent récidiver avec « une grève illimitée » à partir du 5 décembre.

L’exécutif ne se prive pas d’appuyer là où ça fait mal

Au niveau interprofessionnel, l’union syndicale large sera d’autant plus difficile à construire que les centrales ne sont pas d’accord sur le fond du dossier.

Si la CGT et FO ne veulent pas entendre parler d’un système universel à points, la CFDT y est favorable sur le principe, même si Laurent Berger, son secrétaire général, a prévenu qu’il ne voulait pas d’une « réforme budgétaire ». La CFE-CGC, elle, n’a pas encore rejoint le camp des opposants, mais le sort des cadres, qui pourraient sortir perdants de la réforme, la fera peut-être basculer.

Malgré un discours vantant le dialogue, l’exécutif ne se prive pas d’appuyer là où ça fait mal. La semaine du 9 septembre, Emmanuel Macron a ainsi échangé avec M. Berger puis avec Laurent Escure, son homologue de l’UNSA, sur les dossiers de la rentrée. De quoi froisser les autres chefs de file syndicaux qui, en fin de semaine dernière, n’avaient toujours pas eu d’invitation de l’Elysée. « Nous demandons à être reçus par Macron, qui choisit les syndicats qu’il voit et qui a même rencontré un syndicat non représentatif comme l’UNSA, mais n’écoute pas ceux comme la CGT qui ont une autre réforme à mettre en débat », indique Catherine Perret, numéro deux de la CGT.

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24 septembre 2019

Les parquets multiplient les initiatives pour améliorer la lutte contre les violences conjugales

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Par Julie Bienvenu, Jérémie Lamothe, Luc Leroux, Marseille, correspondant, Richard Schittly, Lyon, correspondant, Faustine Vincent

Le tribunal de grande instance de Créteil doit présenter lundi sa « filière d’urgence », qui doit servir de modèle à l’échelle nationale.

La mesure figure en tête du « plan d’action » du ministère de la justice établi en septembre pour lutter contre les violences conjugales. La mise en œuvre d’une « filière d’urgence », visant à accélérer le traitement de ces dossiers judiciaires à l’échelle nationale, doit être officiellement initiée lundi 23 septembre à l’occasion d’une conférence de presse au tribunal de grande instance (TGI) de Créteil, désigné par le gouvernement comme site pilote.

« L’idée est de mettre en place une procédure idéale, dès la comparution immédiate, pour traiter l’urgence et la spécificité des violences conjugales », détaille Isabelle Rome, haute fonctionnaire à l’égalité femmes-hommes au ministère de la justice. Le premier ministre, Edouard Philippe, l’avait reconnu lui-même lors de l’ouverture du Grenelle le 3 septembre : « Les délais de traitement des cas de violences conjugales sont souvent insupportables ».

Cette « filière d’urgence » prendra pour modèle ce que fait déjà le TGI de Créteil depuis quelques années. La juridiction fait figure de bon élève grâce à une coopération étroite entre le parquet, les magistrats du siège et le réseau associatif, notamment pour améliorer l’accompagnement des plaignantes. Résultat, les demandes d’ordonnance de protection sont traitées en seulement trois semaines, contre 31,5 jours en moyenne, selon les chiffres de la chancellerie, et l’aide juridictionnelle en moins de 48 heures.

Prise en charge accélérée

Après sa présentation lundi, cette prise en charge accélérée devra être modélisée afin d’être reproductible dans les 172 tribunaux de France. « Une façon de valoriser ce que l’on fait déjà, et d’améliorer ce qui peut l’être », explique Stéphane Noël, président du tribunal de Créteil.

Edouard Philippe veut notamment que les dossiers soient traités encore plus rapidement, « en quinze jours ». Un objectif ambitieux, mais qui pourrait aussi se révéler « contre-productif », avertit Isabelle Rome. « Il ne faut pas aller trop vite, souligne-t-elle. Il faut un temps incompressible pour ramasser les preuves d’un dossier et transmettre les pièces à la partie adverse, sinon l’affaire risque d’être renvoyée à une date ultérieure. »

Pressé par les associations féministes d’agir vite face au nombre de féminicides – plus de 100 depuis le début de l’année – le gouvernement assure aujourd’hui être « pleinement mobilisé ».

Dans une circulaire publiée le 9 mai, la ministre de la justice, Nicole Belloubet, réaffirme ainsi « le caractère prioritaire de la lutte contre les violences conjugales » et appelle tous les procureurs à « poursuivre les efforts » pour « une réponse ferme et réactive ». Un volontarisme affiché qui tranche, selon les associations, avec un manque de moyens financiers supplémentaires.

Agent de suivi

Au sein des juridictions, l’effervescence est palpable ces derniers mois, avec la multiplication d’initiatives un peu partout en France. A Saintes (Charente-Maritime), le procureur, Nicolas Septe, a ainsi lancé, le 16 septembre, une « expérimentation inédite » d’une durée d’un an pour assurer un « suivi renforcé » des auteurs de violences conjugales sur la base du volontariat lorsqu’ils sont sous contrôle judiciaire, en attente de leur procès.

Un agent de prévention, spécialement recruté pour cette mission, procédera à des contrôles inopinés réguliers. Il vérifiera par exemple que l’auteur respecte son interdiction d’entrer en contact avec la plaignante, ne possède pas d’arme ou ne consomme pas d’alcool, puis « fera un rapport qui sera remis au tribunal pour le procès », explique M. Septe. La victime aura également un droit d’accès direct à l’agent chargé du suivi par téléphone portable. Dans la juridiction de M. Septe, les violences conjugales représentent un fait de violences sur deux. « J’ai 400 affaires par an, sans compter toutes celles qui ne nous sont pas signalées… »

A Lyon aussi, les magistrats se mobilisent. Depuis le début de l’année, le parquet exige des services de police et de gendarmerie l’ouverture systématique d’une procédure pénale pour chaque cas de violences conjugales présumées. Finies, donc, les simples mains courantes.

Les consignes du procureur Nicolas Jacquet se traduisent par une hausse de 30 % de déferrements au parquet par rapport à 2018. Depuis le début de l’année, 248 auteurs de violences sur conjoint ont ainsi été présentés au palais de justice de Lyon, contre 288 pour toute l’année 2018. Le parquet déploie aussi une politique d’aide aux victimes. Vingt-huit téléphones portables « grave danger », qui permettent à une victime d’alerter les forces de l’ordre en cas de menace, ont été distribués cette année, contre huit l’an passé.

femicide

« J’ai peur qu’il revienne »

Malgré ces consignes, l’expérience de Marie, 32 ans, montre que beaucoup reste à faire. Victime de coups de la part de son conjoint, le 6 septembre à Brignais, au sud de Lyon, la jeune femme a attendu six jours avant d’avoir un rendez-vous de médecine légale, avec six jours d’incapacité totale de travail (ITT) à la clé.

Et encore, il a fallu relancer la gendarmerie. « J’ai eu l’impression que je dérangeais la brigade. Je n’ai senti aucun soutien, aucun conseil d’orientation. J’étais victime des coups de mon mari et en plus il fallait me battre pour faire respecter mes droits ! », s’indigne-t-elle. Le conjoint violent a eu, lui, une simple convocation en maison de justice. « Vais-je pouvoir vivre dans ma maison, maintenant ? J’ai peur qu’il revienne, aucune mesure de protection n’est prise », s’inquiète la jeune femme.

D’autres initiatives germent ailleurs, dans les parquets de Nantes, Brest ou encore Pontoise. « Le fait que le sujet soit maintenant au cœur des préoccupations des Français permet de lever les réticences de certains interlocuteurs. C’est une prise de conscience collective. Cela donne un coup de projecteur et d’accélérateur aux actions menées », estime Isabelle Rome, en charge de l’égalité femmes-hommes à la chancellerie.

« Les gendarmes tendaient des draps dans l’escalier »

Des procureurs soulignent toutefois qu’ils n’ont pas attendu le Grenelle pour mettre en place des dispositifs locaux. Edwige Roux-Morizot, en poste à Mulhouse, rappelle avoir mis en place des stages pour les auteurs de violences conjugales à Dijon dès 2005.

« C’était il y a quatorze ans ! Ce n’est donc pas une problématique sur laquelle on ne fait rien. Même si certains la portent moins que d’autres ». Les procureurs fixent en effet eux-mêmes leur priorité. « Ils ne peuvent pas tout faire donc ils sont obligés de faire des choix, poursuit Mme Roux-Morizot. Une thématique peut devenir prioritaire pour des raisons personnelles de la part du magistrat du parquet. »

Cela tient parfois à un souvenir plus marquant que d’autres. Isabelle Fort était jeune magistrate à Saint-Omer (Pas-de-Calais) lorsqu’elle avait dû se rendre sur une scène de crime, un homicide conjugal. « Je me souviens que les gendarmes tendaient des draps dans l’escalier pour que les enfants puissent descendre du premier étage sans apercevoir leur mère dans une flaque de sang, entortillée dans le fil du téléphone. Elle composait le 17 au moment ou son conjoint l’a tuée. »

Aujourd’hui substitut général à la cour d’appel d’Aix-en-Provence, Isabelle Fort pilote la lutte contre violences conjugales et boucle actuellement une étude sur les vingt-neuf cas d’homicides ou de tentatives commis depuis le 1er janvier 2018 dans le ressort de la cour d’appel. Son but : débusquer les dysfonctionnements et les erreurs pour y remédier.

Dysfonctionnement

C’est aussi le souvenir d’un féminicide qui a sensibilisé André Ribes, procureur de la République adjoint à Marseille, à cette thématique. Ce magistrat aguerri était encore en formation à Avignon lorsqu’il s’était rendu sur une scène de crime, un soir d’hiver. En ouvrant la porte de la maison, il avait découvert le corps ensanglanté d’une mère de famille, éclairé par les scintillements du sapin de Noël.

Des années plus tard, il s’affaire à reprendre l’ensemble de la chaîne du traitement de ce type de dossiers après avoir constaté un dysfonctionnement au sein du palais de justice de Marseille : une femme avait été vitriolée à l’acide en juin 2018 par son ex-conjoint, dont les magistrats avaient raté plusieurs occasions de révoquer le contrôle judiciaire, qu’il bafouait allègrement. L’une des mesures qu’il a prises consiste à faire travailler ensemble les agents en charge du contrôle judiciaire de l’auteur et ceux qui accompagnent la victime.

Le ministère de la justice tente désormais d’avoir une vue d’ensemble sur les actions menées dans tous les tribunaux. Rien de tel n’existe à l’heure actuelle, les violences conjugales n’étant abordées qu’à la marge dans le rapport annuel du ministère public. Signe que les priorités ont changé, les parquets ont eu la consigne de faire un retour détaillé sur le sujet en vue du prochain rapport.

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23 septembre 2019

Paris-Transports : Appel à la grève illimitée à la RATP à partir du 5 décembre

C’était dans l’air depuis le vendredi 13 sans transports en commun à Paris, c’est maintenant dans les tuyaux : 5 syndicats de la RATP (Unsa-RATP, la CFE CGC RATP, Sud RATP, Solidaires RATP et FO RATP) appellent à un mouvement illimité à partir du 5 décembre pour protester contre la réforme des retraites.

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23 septembre 2019

Grève à la SNCF mardi

Grève à la SNCF mardi : deux Intercités sur cinq, trois TER sur cinq et un Transilien sur deux, annonce la direction Le trafic TGV s'annonce en revanche "peu perturbé", précise la direction.

Un trafic TGV "peu perturbé", deux trains Intercités sur cinq, trois TER sur cinq et un Transilien sur deux circuleront en moyenne mardi 24 septembre, jour d'appel à la grève contre le projet de réforme des retraites, a annoncé dimanche la direction de la SNCF.

Le trafic des trains internationaux sera "normal" pour les Eurostar, Thalys, Lyria et les liaisons France-Espagne, France-Allemagne et France-Italie. Le trafic TGV sera normal à l'exception des axes Atlantique et Nord (quatre trains sur cinq). Tout comme le trafic régional, le trafic Intercités est qualifié de "perturbé". Seul un Intercités de nuit sur quatre circulera.

En région parisienne, le RER A connaîtra un service normal mais la partie nord du RER B (à partir de Gare du Nord), gérée par la SNCF, sera touchée avec deux trains sur cinq qui circuleront, tout comme les lignes C (un train sur deux), D (deux trains sur cinq et aucune circulation entre Châtelet et Gare de Lyon) et E (deux trains sur cinq). Si 50% des Transiliens circuleront en moyenne, la ligne R vers Montereau et Montargis sera particulièrement affectée avec un train sur quatre qui roulera.

23 septembre 2019

Sexualités alternatives : les limites du chacun pour soi

Par Maïa Mazaurette

La culture queer se diffuse, est mieux acceptée, et c’est tant mieux. Mais ne risque-t-elle pas d’y perdre son identité, interroge la chroniqueuse de « La Matinale » Maïa Mazaurette.

Pas de plans particuliers pour cette fin de semaine ? Envie de vous encanailler un peu, parmi ces « gens bizarres » dont les nuits semblent plus belles que nos jours ? Pourquoi pas, mais dans les clubs gay, lesbiens, queer, trans, échangistes, sado-masochistes ou fétichistes, on a parfois du mal à tolérer les « hétéros de base ».

Jugez-en plutôt : « Les nouvelles marges [sexuelles] continuent d’accueillir un flux migratoire venu du centre mou de la société, à mesure que les mâles trentenaires blancs, empreints de leurs incessantes crises de la masculinité, s’invitent à des séminaires de masturbation collective sponsorisés et filmés par HBO. Des jeunes urbains professionnels et léthargiques, en mal d’expériences intenses, se rendent dans les clubs de vampire (…). Les téléphones roses, les plates-formes, les vidéos les plus bizarres sont marketés pour les individus lambda de la classe moyenne, avec leurs vies ennuyeuses et leurs corps anesthésiés. »

La citation est du performeur mexicain Guillermo Gomez-Peña (Culturas-in-Extremis: Performing Against The Cultural Backdrop of The Mainstream Bizarre). Même son de cloche chez la photographe américaine Catherine Opie, militante pour les droits LGBT+, dans un entretien datant de 2009 : « Je me rappelle quand mes amis de Los Angeles ont ouvert le Club Fuck. Nous avions finalement créé ce lieu gay vraiment cool et alternatif, pour nous-mêmes, où nous pouvions réaliser des performances en relation avec le SM ; et d’un coup tous les hétéros hipster branchouilles ont commencé à venir. Ils étaient comme une masse entièrement différente de gens juste venus regarder les pervers. C’était exactement ce qu’on essayait d’éviter. »

Vous en voulez encore ? Cette question de la récupération des marges par les normes est également posée par l’auteure, performeuse et chercheuse Wendy Delorme, dans un texte intitulé « Insurrections sexuelles… dix ans après » (revue Mouvements, automne 2019) : « Un vocabulaire de résistance qui passe à la télévision fera bientôt partie du langage commun. On peut s’en réjouir, ou bien déplorer la dilution des termes et des codes de la guérilla sémiotique queer dans les médiacultures, un peu comme un look punk peut se faire en une séance de shopping en centre commercial, depuis que H&M fait des bracelets à clous. »

Label cool

Ce discours implique à la fois une différence (la marge/la norme) et une hiérarchie (la marge > la norme). On peut se scandaliser, s’en prendre à ceux qui décrivent le phénomène plutôt que pointer le phénomène lui-même… Mais on peut aussi admettre que, dans le « ventre mou » décrit par Gomez-Peña, on est plutôt frileux en termes de réinvention des pratiques. D’ailleurs, si les hétéros s’incrustent dans des soirées hors normes, c’est bien qu’ils y trouvent quelque chose qu’ils ne trouvent pas ailleurs.

Les pratiques alternatives offrent en effet un cocktail irrésistible : la transgression (des normes de genre, de la pudeur, de la monogamie, etc.), mais sans risque. Vous êtes plus en sécurité en tenue d’Adam sur une croix de saint André en club « fist-fucking & petits-fours » que dans une bibliothèque municipale (méfiez-vous des bibliothécaires, ces gens-là lisent). Le facteur risque a encore décru depuis l’avènement d’Internet : il y a encore trente ans, le donjon de quartier restait mystérieux. Aujourd’hui, si M6 ne lui a pas déjà consacré douze reportages, on pourra se rattraper avec les critiques TripAdvisor ou les photos Google Maps. Après Bienvenue chez les ch’tis, c’est bienvenue chez les queers !

Les hétéros s’invitent donc, pour le frisson d’interdit ou pour accompagner leurs amis queer, pour jouer à se faire peur ou par engagement politique, pour enterrer leur vie de jeune fille ou pour participer (la frontière entre la marge et la norme est poreuse)… Certains sont des alliés. D’autres sont des voyeurs, parfois morbides (sur le modèle du tourisme noir). Quoi qu’il en soit, par leur simple présence numérique, ils diluent le queer.

« Safe space »

Le risque est aussi de voir ses codes « récupérés », vulgarisés et refacturés au prix de l’émeraude. La culture queer se consomme en effet en tee-shirts, en MP3 et en teintures capillaires, elle est pillée par la musique pop ou par l’art contemporain − quant aux pratiques autrefois considérées comme extrêmes, elles se retrouvent gélifiées en dosettes dans Fifty Shades of Grey. Cette diffusion est une bonne nouvelle : elle traduit, et produit, une plus grande acceptation. Mais elle nourrit aussi son lot d’exaspérations.

Par ailleurs, la bienveillance des « touristes sexuels » n’est pas garantie. Si l’entre-soi est aujourd’hui une préférence, ce mode de réunion a longtemps relevé de la survie : on cachait des identités et des orientations illégales. Le danger n’a pas disparu pour les trans, qui s’affichent en public à leurs risques et périls, mais aussi pour les marginaux « trop » visibles, sommés de se justifier en permanence. A l’inverse, en non-mixité, ils peuvent souffler et recréer une autre norme. D’où la qualification de « safe space ». A ce titre, voir des hétérosexuels se plaindre de n’être pas bienvenus a quelque chose d’obscène. Ces derniers sont à leur place absolument partout ailleurs − et n’incluent pas toujours volontiers celles et ceux qui ne rentrent pas dans le moule.

Le souci de sécurité peut même devenir une douloureuse réalité quand les « touristes » n’ont pas pris le temps de se renseigner : si vous appliquez les codes du Macumba de Champigny-sur-Orge en soirée BDSM ou échangiste, non seulement vous atomisez l’ambiance, mais vous générez des situations de violence et de harcèlement.

Tentation du repli

Forcément, la tentation du repli existe. Elle traverse les débats inclusion/exclusion dont on fait les polémiques du moment (langage non sexiste, représentation des minorités, sigles à rallonge comme LGBTQIA+, réunions non mixtes sans Blancs ou sans hommes, etc.). Nous tenons au vivre-ensemble. Et pourtant, les barrières sont partout : sélection à l’entrée, tarifs prohibitifs, dress-codes exigeants. Chez les queers comme au Macumba. L’exclusion des uns est-elle le prix à payer pour garantir l’inclusivité des autres ? Par quel curieux paradoxe pourrait-on demander à être pris en compte, mais à bonne distance ?

Et surtout, ne pourrait-on pas considérer que la curiosité est une passerelle, que les aventuriers d’un soir ressortiront de leur aventure plus tolérants − et que s’ils ont franchi la porte, c’est sans doute parce que leur adhésion à la normalité est négociable ? Le but est-il de rester dans la marge, ou de faire bouger la société ?

Hosannah ! nous n’avons pas à choisir. La marge et la norme existent dans une dynamique, traversée de jeux complexes de passages et d’emprunts. On peut être hétéro le jour et homo la nuit, queer le temps d’une expérience, se replier sur sa communauté le jeudi, sortir dans le vaste monde le vendredi − de même que, quand on appartient à la norme, on peut accepter de se voir retoquer cinq minutes à la marge. La complexité n’est pas le problème : elle est la solution. On peut vivre ensemble, mais garder une chambre à soi. Comme à la maison.

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22 septembre 2019

Les Gilets jaunes ratent leur retour

gilet jaune

Les Gilets jaunes ont peu mobilisé samedi pour leur acte 45, pourtant annoncé comme leur retour en force. Les  Journées du patrimoine + manif pour le climat + défilé FO contre la réforme des retraites + acte 45 des Gilets jaunes = samedi à hauts risques.

D'autant qu'à l'équation passablement compliquée que posait la journée de samedi à Paris, il a fallu ajouter encore une inconnue à cagoule, celle de l'ultragauche et de ses black blocs… Au soir de ce 21 septembre, pour lequel l'exécutif redoutait un regain de violence - et plus largement un retour en force du cauchemar qu'avait constitué, à l'hiver dernier, l'irruption des chasubles fluo -, le gouvernement pouvait cependant respirer.…

22 septembre 2019

HIER : A Paris, une Marche pour le climat dans la confusion

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Par Rémi Barroux, Raphaëlle Besse Desmoulières, Pierre Bouvier, Aline Leclerc

Le cortège, qu’ont rejoint des « gilets jaunes » et des black blocs, s’était élancé samedi dans une ambiance bon enfant qui a vite laissé la place aux affrontements.

Difficile de tirer un bilan des manifestations du 21 septembre, tant pour les « gilets jaunes » qui marchaient dans Paris pour un 45e samedi de mobilisation, que pour les nombreuses organisations et associations à l’origine de la Marche pour le climat, un rendez-vous important à deux jours d’un sommet de l’action pour le climat organisé à New York par António Guterres, secrétaire général des Nations unies (ONU).

Les « gilets jaunes » qui voulaient faire de ce samedi une journée « historique » qui marque les esprits et remette le mouvement sur le devant de la scène, avec le mot d’ordre « toute la France à Paris », n’auront guère pu structurer de cortège indépendant, empêché notamment de rejoindre les Champs-Elysées par un imposant dispositif policier.

Frustration donc mais ils ont néanmoins pu défiler avec les marcheurs pour le climat, et auront, en divers endroits, déclenché le scénario connu d’affrontements sporadiques avec les forces de l’ordre et de très nombreux tirs de grenades lacrymogènes et de désencerclement.

De leur côté, les ONG engagées dans la lutte climatique et la défense de l’environnement ont failli, elles, ne pas pouvoir manifester du tout, bloquées dès le départ, à quelques centaines de mètres de la place du Luxembourg, par des tirs nourris de lacrymogènes. Mais bien que leur cortège ait été en grande partie, au moins au début, parasité par la constitution d’un black bloc et la présence de centaines de « gilets jaunes » qui voulaient en découdre, les militants pour le climat ont fini par atteindre leur point d’arrivée prévu, à Bercy.

Forte mobilisation policière

Au final, ce sont 38 000 personnes qui ont défilé à Paris contre « l’inaction climatique du gouvernement », selon les organisateurs – et 15 200 selon le comptage indépendant du cabinet Occurrence. Au total, toujours selon les organisateurs, « plus de 150 000 » manifestants sont descendus dans la rue samedi, dont 15 000 à Lyon (5 000 selon la police), 10 000 à Grenoble, 5 000 à Strasbourg (3 600), et des milliers d’autres dans de nombreuses villes (Lille, Nantes, Bordeaux, Metz, Rouen, Nancy, Marseille, etc.).

Les regards étaient surtout braqués sur Paris où la convergence entre manifestation sociale et mobilisation pour le climat était annoncée, redoutée aussi par la préfecture de police qui a annoncé avoir mobilisé 7 500 membres des forces de l’ordre.

La journée de mobilisation parisienne a débuté dès 9 heures du matin, par le rendez-vous de « gilets jaunes », place de la Madeleine, où une déclaration de manifestation avait été déposée par le syndicat Solidaires et l’association altermondialiste Attac. Mais le rassemblement n’avait pas été autorisé par la préfecture. Pas plus que les parcours proposés par les « gilets jaunes » du collectif Décla Ta manif, qui depuis janvier, met un point d’honneur à défiler sur des parcours autorisés.

Les « gilets jaunes » venus de toute la France qui ont convergé place de la Madeleine à 9 heures se sont immédiatement fait refouler par la police : même une pancarte « Fin du monde, Fin du mois, agissons » n’a pas été tolérée une minute. « Ils nous refusent tous les parcours, alors comment je peux manifester ma colère moi ? », s’indignait Mickaël Jourdain, 39 ans, ambulancier venu de Troyes, résumant le sentiment collectif.

Les « gilets » ne portent plus leur gilet

Privés de lieu de rassemblement autorisé, les « gilets jaunes » sont donc partis en petites grappes à travers les rues de Paris, entravant la circulation, renouant, en ça, avec leurs habitudes de l’hiver et du printemps.

A la différence près qu’ils ne portent désormais plus leur gilet. Pour moins attirer l’attention des policiers. « Et aussi parce qu’on n’a plus besoin de se différencier des autres, on est tous ensemble, on est le peuple », expliquait un manifestant.

Mais cette précaution les rend désormais beaucoup moins visibles et identifiables et donne de fait moins de portée à leur présence éparse dans les rues de Paris. Les passants ne les reconnaissaient qu’à leur chant « On est là, même si Macron ne veut pas nous, on est là ». Mais ces quelques notes entraînaient immédiatement l’arrivée des forces de l’ordre, dont les interventions musclées, à grand renfort de gaz lacrymogènes, sont parvenues à éviter toute la matinée, la formation d’un cortège conséquent.

Si bien que de guerre lasse, vers midi, tous ont pris le chemin de la Marche pour le climat dont le départ était prévu devant le jardin du Luxembourg. Certains avec de vraies convictions écologistes, d’autres avec avant tout le souci de trouver un endroit où s’exprimer. Beaucoup d’appels à la convergence avaient été lancés, par des « gilets jaunes » comme par des écologistes ces dernières semaines.

Sur le terrain, elle s’était déjà traduite dans la rue par des actions communes, des banderoles jaunes et vertes, dans de nombreuses villes en France, et ce dès l’hiver 2018. Mais, ce 21 septembre, forcée en partie par les circonstances, cette convergence ne faisait pas que des heureux. « On nous interdit de manifester, ils ne nous laissent même pas déclarer de manifestation, alors on est venu là et on va quand même manifester », expliquait Patrick et Olivier, respectivement retraité de 67 ans et cuisiner de 57 ans, de la région parisienne.

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L’ambiance bon enfant s’est envolée en quelques secondes

Et quand, vers 13 heures 30, les organisateurs ont donné la parole à plusieurs représentants d’associations, les cris des très nombreux « gilets jaunes » présents, « Et tout le monde, déteste la police », recouvraient les interventions. Au point qu’un responsable de la marche a pris la parole pour expliquer que « si tous les “gilets jaunes” étaient les bienvenus, il fallait respecter le pacte de non-violence accepté par tous les participants ».

De fait, quelques dizaines de minutes plus tard, des affrontements se déroulaient sur le boulevard Saint-Michel, à quelques centaines de mètres à peine du point de départ.

Des tirs nourris de gaz lacrymogènes et de grenades de désencerclement ont visé la tête de manifestation occupée par plusieurs centaines de black blocs et de « gilets jaunes » plus enclins à en découdre qu’à marcher pacifiquement jusqu’au point d’arrivée prévu, à Bercy dans le 12e arrondissement de Paris.

Comme des milliers de participants à cette marche voulue familiale et bon enfant, sous un gai soleil estival, Emilie Noel, 17 ans, était pourtant venue, brandissant de grands bambous cueillis dans le jardin de la maison familiale à Morsang-sur-Orge (Essonne) manifester « pour que ça bouge vraiment, pour que le gouvernement agisse concrètement face à l’urgence climatique ». Et comme l’ensemble de la manifestation, elle s’est retrouvée prise au piège, ne pouvant plus avancer ni reculer, tant le cortège était compact, ne pouvant pas non plus dégager par les rues latérales totalement bloquées par les forces de l’ordre.

Alors que quelques minutes plus tôt, on dansait au son des batucadas, derrière des pandas ou des abeilles géantes, en agitant sa pancarte au slogan percutant et souvent drôle « les calottes sont cuites », « moins de riches, plus de ruches », l’ambiance bon enfant s’est envolée en quelques secondes. Les nuages de lacrymogènes jusqu’ici réservés à la tête de cortège, sont arrivés sur la foule, prenant tout le monde par surprise. Et notamment les parents, qui s’enfuyaient rapidement dans une rue adjacente pour tenter de protéger leur progéniture.

« Un sentiment de gâchis »

« Des violences – pas du fait des manifestants pour le climat – ont éclaté en début de cortège. Des envois de grenades lacrymogènes par les forces de l’ordre ont suivi, stoppant la marche. Le cortège est scindé en deux, le bas marche vers Saint-Michel. Les CRS empêchent les manifestants pacifistes, en présence d’enfants, de quitter le cortège, expliquait alors au Monde, Jean-François Julliard, directeur de Greenpeace France, organisation qui appelait alors dans un tweet à quitter les lieux. J’éprouve un sentiment de gâchis au moment où on avait envie et besoin de relancer la mobilisation. Visiblement le gouvernement est plus fort pour agir contre les militants du climat que contre son dérèglement. »

Après une demi-heure d’incertitude et de toussotements dus aux gaz, la manifestation, ou ce qu’il en restait, a finalement repris sa marche, emmenée notamment par les militants d’ANV-COP21 et leur sono qui scandait « Plus chaud, plus chaud, on est plus chaud que le climat », le speaker demandant d’applaudir la présence de « gilets jaunes ».

La plupart des manifestants écologistes s’en félicitaient et plaidaient pour la convergence. « J’ai la chance d’être à l’abri financièrement, mais je pense comme eux qu’il faudrait changer le système économique pour un partage des richesses plus équitable, expliquait ainsi Olivier Daurces-Felsenburg, 62 ans. Que les black blocs viennent, ça me déplaît, bien que je comprenne bien ce qui peut mettre en colère. Je suis plutôt de ceux qui préfèrent des solutions tranquilles, où l’on se met d’accord autour d’une table. Pour ça, il faudrait que les gens se mettent en grève par millions ! Mais j’ai l’impression que les esprits ne sont pas mûrs. »

Après avoir manifesté en début d’après-midi contre la réforme des retraites, dans une manifestation convoquée par Force ouvrière (FO) et qui aurait rassemblé 15 000 personnes selon les organisateurs, Alain, agent territorial et « gilet jaune » depuis le 17 novembre 2018 avait rejoint la Marche pour le climat avec sa chasuble rouge aux couleurs de son syndicat. « Bien sûr qu’il faut la convergence ! Je ne sais pas ce qu’ils foutent en haut, ceux qui dirigent nos syndicats, on dirait qu’ils veulent pas que ça bouge. Ils sont bien installés dans leur petit confort eux aussi », pestait-il.

« La convergence commence doucement »

La Marche pour le climat a finalement rejoint Bercy, non sans quelques tirs de gaz lacrymogènes sur le parcours, à Gobelins ou Place d’Italie. Toutes les rues adjacentes, sur le trajet, étaient verrouillées par les forces de l’ordre, plongeant dans l’expectative les centaines de « gilets jaunes », forcés de suivre le mouvement. La tentation des Champs-Elysées était vive et nombreux lançaient la consigne de s’y rendre sans pouvoir toutefois la concrétiser.

En fin d’après-midi, vers 17 heures, les militants d’Action Climat Paris soutenus par Greenpeace 350.org, Il est encore temps et Attac ont bloqué le pont de Tolbiac et occupé la passerelle Simone de Beauvoir, déroulant trois grandes banderoles, « Macron, polluter of the Earth », « Pollueurs, irresponsables, il est temps de payer », « Climat, social, mêmes responsables, même combat ». Bloquant le pont durant deux heures, quelque 2 000 militants, auxquels s’étaient joints des « gilets jaunes », entendaient donner rendez-vous au gouvernement dans un mois, à la veille du vote de la première partie du projet de loi de finances, pour que celui-ci soit à la hauteur de l’urgence sociale et climatique. « Nous serons là pour leur rappeler leurs priorités », expliquait Cécile Marchand d’Action Climat Paris.

Plus bas, sur la voie express qui passe sous le ministère des finances de Bercy, les voitures slalomaient entre les grenades lacrymogènes tirées par les forces de l’ordre. Ultimes affrontements de la Marche pour le climat, pendant que, sur les quais, des dizaines de jeunes, loin des préoccupations écologistes du jour, dégustaient bières et spritz au son d’une musique techno sur la terrasse ensoleillée du Cargo Bar.

Vers 19 heures, tout était fini, ou presque. Un ultime cortège prenait alors la direction de la place de la Bastille, pour une manifestation non déclarée. Quelque 2 000 manifestants rappelaient alors dans l’obscurité du début de soirée l’urgence climatique. Avec son tee-shirt jaune ANV-COP21, une retraitée glissait, d’un ton apaisé : « la convergence commence doucement. Il faudra aussi qu’ils arrivent à comprendre que la non-violence est aussi une stratégie qui a fait ses preuves ».

Sur les Champs-Elysées, un dernier round d’affrontement mettait aux prises les forces de l’ordre et les quelques « gilets jaunes » parvenus jusque-là. A 18 heures, 395 personnes avaient fait l’objet d’une verbalisation pour avoir manifesté dans l’un des périmètres interdits et 163 avaient été interpellées selon la préfecture de police de Paris. A 20 heures, 120 personnes avaient été placées en garde à vue a indiqué au Monde le parquet de Paris.

22 septembre 2019

Une pub pour des serviettes hygiéniques montrant du sang provoque 600 plaintes en Australie

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La campagne de publicité a été diffusée à l’automne 2017 au Royaume-Uni et en mars 2018 en France… mais seulement en ligne.

 

Du sang coule sur les cuisses d’une femme en train de prendre une douche, une jeune fille enlève sa serviette hygiénique tachée… ces images, issues d’une publicité, sont-elles choquantes au point de ne pouvoir être diffusées à la télévision ? Non, a tranché, en Australie, Ad Standards, l’organisme de régulation de la publicité à la télévision, comme l’a rapporté la presse australienne cette semaine.

La publicité en question a été réalisée pour la marque de protections hygiéniques Libra. Elle montre donc du sang mais aussi des scènes illustrant une société où les règles ne sont pas quelque chose qu’il faut cacher : un homme achetant des serviettes dans un supermarché, une femme demandant à la cantonade si quelqu’un n’a pas une protection à lui donner pour la dépanner, une autre écrivant qu’elle doit travailler de chez elle car elle a des règles douloureuses.

Ad Standarts avait reçu plus de six cents plaintes après la diffusion en « prime time », en août, de ce spot publicitaire. Comme le note le site Mumbrella, la vidéo a ainsi atteint de record de plaintes de l’année, dépassant allègrement les 244 protestations émises après la diffusion de la bande-annonce du film d’horreur Us, de Jordan Peele.

Dans un rapport de vingt-trois pages, Ad Standarts a publié certaines remarques qui lui avaient été adressées et y a longuement répondu. Des spectateurs ont écrit à l’instance pour dire qu’ils avaient trouvé la publicité « de mauvais goût », « vulgaire », « offensante », « dérangeante », « pas appropriée pour les enfants » ou « dégradantes pour les femmes ». Mais le régulateur a rejeté tous les arguments, et estimé que la publicité ne contrevenait à la réglementation sur aucun point. Ad Standards a par exemple jugé « qu’il n’y a pas, dans la publicité, d’images ou de mots péjoratifs qui signifieraient que les femmes devraient être gênées d’avoir leurs règles ou qu’une femme qui a ses règles est une personne considérée comme inférieure ».
Un liquide bleu pour figurer le sang

La campagne de publicité n’est pas nouvelle : elle a été diffusée à l’automne 2017 au Royaume-Uni et en mars 2018 en France, avec la marque Nana… mais seulement en ligne. « On a eu un retour de l’ARPP [Autorité de régulation professionnelle de la publicité] avec certains commentaires et demandes d’ajustements sur la représentation que l’on faisait des règles – la vue du sang sur la serviette et sur la cuisse – pour ne pas choquer, expliquait alors une responsable marketing de Nana aux Inrocks. Pour respecter cette recommandation mais aussi le message que l’on voulait faire passer sur la représentation des règles, on a décidé de diffuser la campagne uniquement sur les réseaux sociaux et le Web. »

Les marques évoluent sur le sujet et tentent, depuis quelques années, de se forger une image favorisant l’« empowerment » des femmes, pour qui les règles ne devraient plus être un tabou. En 2011, Always avait été la première marque à faire figurer, dans une publicité imprimée, un point rouge sang sur une serviette. Jusque-là, c’est plutôt un étrange liquide bleu censé figurer le sang menstruel qui avait les faveurs des publicitaires.

En 2016, la marque britannique BodyForm avait, elle, réalisé une publicité dans laquelle des femmes étaient en sang après avoir pratiqué de la boxe ou du stretch, avec ce slogan « Le sang ne devrait jamais nous arrêter ».

Les règles restent un sujet tabou dans le monde. Or, mettre des mots – et des images – permet de réduire les risques liés à l’ignorance et aux fantasmes. C’est pourquoi, en juillet, Le Monde s’était intéressé, dans des reportages et analyses, au sujet de la précarité menstruelle.

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21 septembre 2019

Synthèse : « Gilets jaunes », marche pour le climat, Journée du patrimoine… Rassemblements sous surveillance à Paris

Par Nicolas Chapuis, Aline Leclerc

Les forces de l’ordre craignent des débordements dans la capitale, le 21 septembre, et préparent une stratégie de maintien de l’ordre « offensive ».

Comme un petit air de déjà-vu. Le gouvernement se prépare, pour la première fois depuis la rentrée, à un samedi intense, ce 21 septembre, sur le front des manifestations à Paris. Plusieurs événements simultanés sont organisés, avec notamment un appel des « gilets jaunes » à une mobilisation « historique » dans la capitale, une tentative pour revenir sur le devant de la scène pour ce mouvement devenu étique ces derniers mois.

Une « marche pour le climat et contre l’inaction » est aussi organisée dans la capitale, du jardin du Luxembourg (6e arrondissement) au parc de Bercy (12e). Au même moment, à l’appel de Force ouvrière, un cortège défilera contre la réforme des retraites de Duroc (7e) jusqu’à la place Denfert-Rochereau (14e).

Pour les « gilets jaunes », il n’y aura, comme toujours, pas de mot d’ordre unique. Comme ils le font depuis des mois, une partie d’entre eux tiennent à déclarer un parcours où les plus pacifiques pourraient défiler en sécurité, en accord avec la préfecture. Ils ont proposé plusieurs itinéraires convergents avec la marche pour le climat, jusqu’ici tous refusés. « On veut cloisonner les manifestations », assume-t-on au ministère de l’intérieur, où l’on rappelle que « la première mission des forces de l’ordre est de permettre aux manifestants qui veulent défiler pacifiquement de le faire en toute sécurité ».

Appels à la convergence

La préfecture de police a également rejeté toute demande pour manifester dans les zones interdites par arrêté (les abords de l’Elysée, de Matignon, du Sénat et de l’Assemblée nationale, les Champs-Elysées, la tour Eiffel, Notre-Dame de Paris, ainsi que les bois de Vincennes et de Boulogne).

Le 16 mars, alors que les « gilets jaunes » les plus radicaux saccageaient les Champs-Elysées avec les black blocs, les plus pacifiques avaient préféré rejoindre la marche pour le climat organisée le même jour. Ces dernières semaines, les appels à la convergence entre « gilets jaunes » et écologistes se sont multipliés, mais parfois aussi sur des mots d’ordre plus radicaux. « Notre objectif est le même : mettre hors d’état de nuire ceux qui détruisent la planète et nous empêchent d’y vivre dignement », peut-on par exemple lire sur la page Facebook « Désobéissance écolo-Paris ».

A ce gymkhana de cortèges contestataires, les autorités doivent ajouter la gestion de la Journée du patrimoine, avec l’ouverture de nombreux bâtiments nécessitant une mobilisation substantielle des forces de l’ordre. Le palais de l’Elysée ou le Palais Bourbon, deux cibles habituelles des « gilets jaunes », ne seront ainsi ouverts qu’à un public pré-inscrit. La préfecture de police, où se situe la salle de commandement qui pilote l’ensemble du dispositif de maintien de l’ordre, sera, elle, fermée. Comme les Musées des Petit et Grand Palais, ou l’Arc de triomphe, lequel avait été sérieusement dégradé le 1er décembre.

Tactique offensive

Pour gérer ces événements, les autorités s’apprêtent à utiliser les grands moyens. Selon plusieurs sources, des effectifs similaires à ceux du 8 décembre, après le saccage de l’Arc de triomphe, vont être déployés dans la capitale, samedi. En cas de débordements, le préfet de police compte s’appuyer sur la tactique offensive déjà observée lors du 1er-Mai 2019 : une mobilité accrue des troupes, une prime à l’initiative sur le terrain et des groupes de policiers en civil qui opèrent avec l’appui des unités de CRS, spécialisées dans le maintien de l’ordre, pour réaliser des interpellations.

Une stratégie arrêtée au terme de nombreuses réunions, ces derniers jours. Cela fait quelque temps que des signaux d’alerte résonnent dans les couloirs des directions générales de la police et de la gendarmerie nationale au sujet du samedi 21 septembre. Les « gilets jaunes » ont coché ce jour de longue date, avec des mots d’ordre qui rappellent ceux du 16 mars : textes appelant à l’insurrection, à une « nuit des barricades », montages vidéo scandant que « quand tout est interdit, on dit que tout devient permis ». Les stratégies des manifestants pro-démocratie à Hongkong font désormais figure d’exemple.

Les forces de l’ordre ont par ailleurs été surprises par le niveau de violence observé à Nantes le week-end dernier, et à Montpellier le précédent, avec plusieurs blessés dans leurs rangs et dans ceux des manifestants. Si les services n’ont pas repéré de signes d’une intense mobilisation de la part des membres de black blocs, ceux qu’ils appellent désormais les « ultra-jaunes » promettent, selon eux, d’être au rendez-vous.

20 septembre 2019

La justice russe s’abat sur les manifestants de l’été

Des citoyens qui avaient osé demander des élections locales libres sont condamnés à la prison

Après les importantes manifestations de l’été en faveur d’« élections libres » et la déconvenue du pouvoir lors des élections locales du 8 septembre à Moscou, la troisième manche de ce scrutin se joue aujourd’hui devant les tribunaux russes. Sept participants aux rassemblements estivaux ont été condamnés ces derniers jours à des peines de prison ferme, et une dizaine d’autres attendent leur jugement.

Dernière condamnation en date, lundi 16 septembre, celle de Pavel Oustinov, acteur moscovite de 23 ans, qui avait été interpellé lors du rassemblement – pacifique – du 3 août. Au terme d’un procès bouclé en quelques heures, le jeune homme a été condamné à trois ans et demi de colonie pénitentiaire pour avoir « usé de violence dangereuse pour la santé d’un membre de la garde nationale ». Lors de l’audience, le juge a notamment refusé de visionner des images de l’arrestation de M. Oustinov où l’on voit celui-ci violemment jeté à terre puis frappé alors qu’il se tenait immobile sur la place Pouchkine, téléphone en main.

Ce cas manifeste d’abus a provoqué une certaine émotion en Russie, particulièrement dans le monde artistique, mais aussi de la part d’intellectuels et même d’une quarantaine de prêtres orthodoxes, signataires d’une lettre ouverte. Mercredi, plus d’un millier de personnes, dont plusieurs acteurs célèbres, se sont succédé à un piquet de manifestation, la seule forme de protestation en Russie qui ne nécessite pas d’autorisation préalable.

M. Oustinov a aussi été placé par l’ONG Memorial sur sa liste des « prisonniers politiques », et sur Internet, les messages de soutien proclamant « Je suis Pavel Oustinov » se multiplient, rappelant la vague de mobilisation en faveur du journaliste Ivan Golounov, injustement accusé de trafic de drogue puis relâché avant l’été. Signe de la gêne du pouvoir, un autre accusé, Aidar Goubaïdouline, a été soudainement relâché, mercredi, le juge estimant l’enquête policière incomplète.

« Aucune expertise n’est menée »

Les autres jugements rendus ces derniers jours, qui vont de deux à cinq ans de prison, sont à l’avenant. Six hommes ont ainsi été condamnés pour des violences envers les policiers, parfois en dépit de vidéos prouvant leur innocence. Certains ont reconnu leur culpabilité : Kirill Joukov a été condamné à trois ans de détention pour avoir fait mine de toucher, goguenard, la visière d’un policier ; Evgueni Kovalenko a été condamné à trois ans et demi pour avoir jeté une poubelle en direction de policiers qui frappaient un couple au sol, le 27 juillet, seul jour où les manifestations avaient donné lieu à des face-à-face entre police et protestataires. Un autre a fait usage de gaz lacrymogène.

Konstantin Kotov, lui, a été condamné à une peine de quatre ans pour avoir participé à des rassemblements jugés illégaux. Le jeune homme s’était notamment mobilisé pour demander la libération du cinéaste criméen Oleg Sentsov, finalement rendu à l’Ukraine dans le cadre d’un échange de prisonniers le 7 septembre, le lendemain de sa propre condamnation.

« Même si l’on parlait de crimes réels, il s’agirait de verdicts très sévères, estime l’avocat Pavel Tchikov, dont l’ONG de défense des droits de l’homme, Agora, a défendu cinq des prévenus. Mais le problème, c’est qu’il n’y a pas de crimes. Dans certains cas, les accusés n’ont tout simplement rien fait ; dans d’autres, personne n’a souffert. Jeter une bouteille en plastique vide en direction de policiers devrait relever de la délinquance, mais les juges ont reçu des ordres précis, et pour y obéir, ils tronquent les procédures : les questions de la défense sont refusées, aucune expertise n’est menée, les vidéos des arrestations ne sont pas visionnées… »

« Faire des exemples »

Le caractère coordonné de cette vague de répression est confirmé par les importantes perquisitions qui ont visé, le 12 septembre, les équipes de l’opposant Alexeï Navalny dans plus de 40 villes. Près de 250 opérations ont été menées, qui ont conduit à la saisie de dizaines d’ordinateurs – du « vol », a estimé M. Navalny, dénonçant une « hystérie ». Les appartements de collaborateurs de l’opposant ont aussi été visés, ou encore ceux de membres de leur famille. La grand-mère d’un juriste de la ville de Voronej est morte d’un infarctus, le 17 septembre, cinq jours après que des policiers ont mis son logement sens dessus dessous.

Alexeï Navalny est considéré comme le principal responsable du revers électoral subi par le pouvoir dans la capitale le 8 septembre. Après l’interdiction des candidats indépendants, il avait appelé à voter pour les candidats les plus à même de battre les représentants du pouvoir. Une stratégie couronnée de succès à Moscou, où les candidats du Kremlin ont été défaits dans 20 des 45 circonscriptions. Ailleurs, le pouvoir l’a emporté dans la plupart des 6 000 scrutins locaux, mais la situation reste tendue et incertaine à Saint-Pétersbourg, où les résultats n’ont toujours pas été communiqués : dix jours après le scrutin, les accusations de fraude se multiplient.

La vague de répression rappelle celle qui avait suivi, en 2012, les manifestations massives contre les fraudes aux élections législatives. « Comme à l’époque, mais aussi comme avec les Pussy Riot [activistes condamnées à de la prison ferme pour une « prière punk » chantée dans une cathédrale moscovite], le but des autorités est de faire des exemples, d’intimider », estime l’avocat Tchikov.

Le politiste Kirill Rogov évoque même une volonté de « vengeance » des services de sécurité et de la police, incapables de stopper la contestation durant l’été. « Les autorités ne se vengent pas seulement de la société civile pour les désagréments du passé, écrit le chercheur Fiodor Kracheninnikov. Elles l’intimident et préparent l’avenir, c’est-à-dire l’ensemble des élections à venir dans les régions, les élections à la Douma d’Etat en 2021 et l’élection présidentielle en 2024, si tant est qu’elles aient lieu. »

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