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Jours tranquilles à Paris

12 août 2020

Donald Trump se rêve déjà sur le Mont Rushmore

Alors que des conseillers se seraient renseignés sur la marche à suivre pour ajouter un visage au célèbre monument, le président américain estime que ce serait "une bonne idée".

George Washington, Thomas Jefferson, Teddy Roosevelt, Abraham Lincoln et bientôt Donald Trump ? C’est ce qu’a laissé entendre le New York Times en révélant que des conseillers de la Maison Blanche avaient demandé à Kristi Noem, la gouverneure républicaine du Dakota du Sud, s’il était possible d’ajouter de nouveaux visages de au Mont Rushmore. Le mémorial colossal, réalisé par l'artiste Gutzon Borglum, honore les 150 premières années de l'histoire des Etats-unis en représentant quatre de ses présidents les plus grands marquants.

Et évidemment, la réaction du président républicain sur Twitter ne s’est pas fait attendre. Il a d’abord accusé les journalistes de mentir : “Encore une fake news de la part du défaillant New York Times et de la peu regardée CNN”. Avant d’ajouter : "Je ne l'ai jamais suggéré, bien que, compte tenu de tout ce que j’ai accompli au cours de mes trois premières années et demi, peut-être plus que toute autre présidence, cela me semble être une bonne idée !"

Dans la minute, il s’est fendu d’un second tweet avec un photomontage où on l’aperçoit aux côtés des autres présidents représentés sur le Mont Rushmore.

Et selon le média américain, l’idée ne serait pas nouvelle. La gouverneure du Dakota du Sud racontait déjà en 2018 que Donald Trump lui avait dit “rêver” de voir son visage rejoindre l’immense statue de granite. Le 4 juillet dernier, lors de la fête nationale américaine, elle lui en avait même offert une petite réplique sur laquelle il figurait.

Le même jour, Donald Trump parlait du fameux mémorial dans son discours : "Ce monument ne sera jamais profané, ces héros ne seront jamais défigurés, leur héritage ne sera jamais, jamais détruit, leurs réalisations ne seront jamais oubliées, et le Mont Rushmore restera à jamais un hommage éternel à nos ancêtres et à notre liberté".

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12 août 2020

David Bellemere - photographe

bellemere

bellemere32

12 août 2020

Corneille et Gauguin à Pont-Aven

L'exposition «Corneille, un CoBrA dans le sillage de Gauguin », au Musée de Pont-Aven (29), éclaire les liens entre les peintres Gauguin et Corneille, décédé en 2010. En 1948, Corneille, inspiré par Gauguin, cofonde le groupe CoBrA :il revendique la spontanéité dans l'art. Aujourd'hui, à 15 h, un moment de partage autour de la collection permanente du musée s'offre aux enfants (3 €) et à leurs parents (6 €). Le 19 août, à 11 h, une visite commentée reliera la cité des peintrès à la collection permanente du musée (de 7 à 10 €).

Jusqu'au 20 septembre, tous les jours, de 10 h à 19 h. +26 ans : 8 €. 02 98 06 14 43.

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CORNEILLE au Musée de Pont-Aven

Organisée à l’occasion du 10e anniversaire de la disparition du peintre, l’exposition visible au Musée de Pont-Aven du 1er février au 20 septembre 2020 retrace l’ensemble de l’œuvre de l’artiste Guillaume Corneille (1922-2010).

Corneille est membre fondateur du groupe Cobra qui réunit entre 1948 et 1951 des artistes et des poètes principalement Danois, Belges et Néerlandais. Le nom même du groupe est l’anagramme des initiales des capitales, Copenhague, Bruxelles et Amsterdam.

L’exposition retrace chaque période de son œuvre. Entre 1948 et 1951, au sein du groupe Cobra, il pratique une peinture expressive inspirée des dessins d’enfants et fondée sur la couleur et le pouvoir de l’imagination. Après une période dominée par l’abstraction au cours des années cinquante, il renoue, vers 1968, avec la figuration à travers les thèmes du nu féminin, des oiseaux et des fleurs qui animent sa peinture tel un paradis retrouvé.

À Pont-Aven, l’exposition met en lumière pour la 1ère fois le lien qui unit Corneille à Paul Gauguin (1848-1903) qu’il considérait comme l’un de ses maîtres. Des archives inédites et des photographies évoquent les séjours de Corneille à Pont-Aven où il retrouve en 1950 le peintre Cobra Theo Wolvecamp. Corneille revient en Bretagne au cours de l’été 1960 lors d’un long séjour à Beg-Meil, où les paysages de granite et les traditions bretonnes lui inspirent de nouvelles peintures.

En partenariat avec la Fondation Corneille à Bruxelles.

12 août 2020

Libération - Poutine

poutine

12 août 2020

Hiroshima Photo Walk - National Geographic

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11 août 2020

Erdeven - Patrouilles équestres : les chevaux chaussés à neuf

erdeven ferage

Le ferrage des chevaux de la Garde républicaine affectés aux patrouilles équestres ponctue la saison sur le Grand-Site.

À l’anglaise et à la française, alternativement, les maréchaux du quartier Carnot de la Garde républicaine sont intervenus à Kerhillio à Erdeven, mercredi dernier, pour ferrer à neuf les six chevaux de la brigade équestre.

Chacun sa pointure !

« Avec le sable, très abrasif, les fers étaient bien usés », constataient les gardes Troude et Barrera et le brigadier-chef Lang. « On est d’abord passés à Deauville puis à Dinard, et on termine par Erdeven ; la saison pourra se terminer en toute tranquillité ! ». Les maréchaux sont intervenus avec leur forge mobile, mais les nouveaux fers avaient déjà été préforgés à Vincennes, au pied de chaque cheval : « Chacun à sa pointure, comme nous. Par rapport aux chevaux civils, on réalise des fers plus solides pour nos missions particulières, et on utilise des pointes de tungstène, par rapport à l’usure et pour assurer un meilleur crampon ». Quant au ferrage lui-même, la Garde perpétue les deux méthodes traditionnelles, à l’anglaise ou à la française, avec le cavalier qui tient sa monture pendant les opérations.

La brigade équestre patrouille tous les jours, du lever au coucher du soleil, sur l’ensemble du périmètre du Grand-Site des Dunes sauvages, entre Gâvres et Quiberon.

11 août 2020

Viki Fehner

viki f7

viki f60

11 août 2020

Reportage - A Landerneau, la discrète arrière-boutique des Leclerc

Par Roxana Azimi - Le Monde

Au cœur du Finistère se dresse le manoir des Leclerc. Maintenant qu’Edouard et sa femme Hélène, les créateurs de la marque de grande distribution, ne sont plus, la propriété se destine à accueillir de prestigieuses expositions.

« Mon père a laissé quelques marques au plafond », sourit Michel-Edouard Leclerc tandis qu’il fait sauter le bouchon d’une bouteille de champagne. On a beau lever les yeux, on ne voit pas d’impacts. Dans ce manoir de La Haye, un domaine bordé de cinquante hectares de terre à Saint-Divy, petite commune d’un millier d’habitants du Finistère, il n’y a presque plus trace d’Edouard et Hélène Leclerc, les propriétaires, morts respectivement en 2012 et 2019.

Plus rien de la collection d’art liturgique qu’avait amassée le couple, pionnier de la grande distribution. Les statuaires et autres objets religieux, qui avaient envahi chaque recoin de la maison, ont été déplacés à huit kilomètres de là, à Landerneau, au couvent des Capucins, lieu d’accueil du fonds de dotation portant leur nom, qui organise chaque année d’ambitieuses expositions, comme cet été une rétrospective du dessinateur Enki Bilal.

Au manoir de La Haye, depuis la mort de la matriarche, le 11 juillet 2019, il ne reste plus rien des autres collections, des exemplaires de la revue de défense ouvrière, L’Assiette au beurre, des tableaux flamands, et presque plus aucun meuble. La bâtisse est quasiment vide. A quelques exceptions près, comme l’ensemble de théières d’Hélène, qui prend la poussière dans l’ancienne serre du jardin, ou l’imposant bureau à cylindre marqueté du salon, derrière lequel Édouard prenait la pose pour les photographes, alors qu’il préférait turbiner derrière une simple table de travail dans une petite pièce adjacente.

Possible ouverture au public

La dernière demeure du couple abritera, après travaux, les bureaux du Fonds Hélène et Edouard Leclerc, tandis que le grand parc qui l’enserre accueillera une vingtaine de sculptures pour une possible ouverture au public d’ici à trois ans. Bientôt donc, le nom qui figure au fronton de près de six cents grandes surfaces en France sera aussi inscrit sur la façade d’un manoir classé depuis 1977 au registre des monuments historiques, mais qui jusqu’à présent n’était connu que des intimes de la famille.

« VOUS VOYEZ, CHEZ NOUS, LE MOT “FAMILLE” N’EST PAS ENVAHISSANT. ON N’A PAS BESOIN DE L’INSCRIRE DANS LA PIERRE. » MICHEL-EDOUARD LECLERC

Ni Michel-Edouard, ni sa sœur Isabelle, qui a fondé la librairie L’Imagigraphe à Paris, ni son neveu Vincent Levieux, héritier de sa sœur Hélène décédée en 2018, et directeur de l’un des plus gros hypermarchés Leclerc, à Saint-Médard-en-Jalles (33), n’ont exprimé la moindre envie de prendre racine dans cette maison de famille. « Vous voyez, chez nous, le mot “famille” n’est pas envahissant. On n’a pas besoin de l’inscrire dans la pierre, justifie Michel-Edouard Leclerc. La Haye, c’est une maison-jalon dans l’histoire familiale plus qu’une maison de famille typique comme on en trouve sur l’île d’Yeu ou l’île de Ré. »

La tribu Leclerc, deuxième et troisième générations, a perdu depuis longtemps l’habitude de se réunir dans cet imposant manoir du XVIe siècle érigé au creux d’un vallon boisé. Quand bien même s’y rattachent des souvenirs déterminants, aucun n’a voulu transformer en bastion dynastique ou refuge de ses vieux jours une demeure dont chaque élément instruit la personnalité et l’épopée des Leclerc.

Acheté en 1966

Sept décennies durant, cette famille bretonne qui a révolutionné le monde du commerce et de la grande distribution s’est installée dans le quotidien des Français. Chacun connaît ou croit connaître Edouard, « l’épicier de Landerneau », défenseur des prix bas toujours en butte aux pouvoirs publics et aux petits producteurs, secondé par son épouse, Hélène, une forte femme devenue pilier de l’organisation.

L’imaginaire des clients se nourrit aussi des photos de leur maison à Landerneau, de leur cuisine transformée en 1949 en boutique où se vendent des boîtes de biscuits empilées, moins chères qu’ailleurs bien sûr, puis, le succès venant, d’un hangar installé dans le jardin et enfin du couvent des Capucins où s’installe la première enseigne Leclerc. C’est toutefois à Saint-Divy, à huit kilomètres de Landerneau, que s’est prolongé et fortifié le mythe, dans un manoir acheté par le couple en septembre 1966.

Pour y accéder, il faut passer deux grilles métalliques, s’enfoncer dans une forêt de hêtres, de chênes et de sapins, longer un premier étang, avant de traverser un verger. C’est alors qu’apparaît le corps de logis rectangulaire sur trois niveaux, isolé dans le paysage, jouxtant un plan d’eau.

Austère demeure

Classique, bourgeoise avec ses cheminées monumentales, flanquée d’un jardin à la française avec ses buis taillés au cordeau, cette demeure ne colle a priori pas à la légende des Leclerc, antibourgeois conquérants, irrespectueux des usages anciens, qui ont fichu le bazar chez les petits commerçants. On s’étonne même d’y trouver autant de sculptures représentant des lions, allégorie du pouvoir monarchique.

Pourtant cette austère demeure révèle aussi les valeurs de la famille. Ainsi de la chapelle datant de 1716 et son clocher ajouré rappelant la foi d’Edouard Leclerc, qui fut séminariste avant de troquer la soutane pour un costume d’entrepreneur. Ici, tout est aussi robuste, sans prétention ni tapage. Pas de tourelle majestueuse ni d’escalier monumental, à peine une marche pour accéder au seuil d’une maison sombre de prime abord. Quant à la cuisine, elle est plus chichement équipée que celle d’un appartement populaire des années 1970.

Lorsque Edouard et Hélène Leclerc achètent le manoir à leurs assureurs – « par hasard et pour pas grand-chose », assure leur fils –, celui-ci est dans son jus, recouvert de lierre, sans chauffage ni sanitaires. Laissée à l’abandon, la chapelle a perdu ses vitraux. Tout est à refaire dans cette maison trop grande, où les enfants ne viennent qu’une fois par trimestre. Depuis 1963, en effet, Michel, qui ne se fait pas encore appeler « Michel-Edouard », a rejoint le petit séminaire des pères du Sacré-Cœur à Viry-Châtillon. Ses sœurs Hélène et Isabelle sont au même moment en pensionnat à Brest. « C’est le lieu vers lequel on va tendre, mais sans y vivre vraiment », confie le fils aîné.

Claude Debussy et Charles Trenet

Plus qu’une maison de famille, La Haye devient celle des vacances de la fratrie, qui pêche la truite dans l’étang, gambade dans la forêt et le grand parc — que les enfants partagent avec de nombreux chiens, quelques paons et quantité de mandarins. Michel-Edouard participera aussi aux fouilles archéologiques menées par son père sur les vestiges d’un oppidum. Ils n’ont en revanche pas leur mot à dire sur le décor.

Au fil des ans, la maison se tapisse de peintures flamandes, de dessins et d’estampes de Paul Sérusier et d’Emile Schuffenecker, tous deux membres du mouvement nabi. Sculptures religieuses, morceaux de retables et autres icônes colonisent toutes les pièces. Un Christ en croix et une Vierge en pleurs étaient ainsi accrochés dans la chambre remplie de maquettes de bateaux et de marines de Michel-Edouard Leclerc, au premier étage.

L’héritier ne se souvient plus de la couleur du papier peint, n’exprime pas d’émotion en grimpant les marches de l’escalier central Louis XIII qui y conduisent. Mais il décrit des parents étonnamment décontractés : père aux fourneaux, préparant gibiers, beignets de fleurs d’acacia, crêpes et poêlées de champignons, mère poussant la chansonnette de sa voix de soprano. Chez eux, on écoute Camille Saint-Saëns et Claude Debussy, mais aussi Petula Clark et Charles Trenet. C’est à Saint-Divy que Michel-Edouard découvre les Beatles. Mais sans ses copains de Brest ni ses cousins qu’il ne fréquente pas.

Le QG de l’enseigne

La Haye n’accueille en effet nulle cousinade ni bamboches. Le patriarche Edouard Leclerc a beau être né dans une famille de quinze enfants, il est en froid avec la plupart de ses frères et sœurs. Seuls Guy, avec lequel il partage une passion pour les archives notariées, et Henri, rebaptisé Eloi après son ordination, se rendent régulièrement au manoir. Quant à ses propres parents, Edouard ne semble pas les y avoir jamais conviés.

Le manoir devient toutefois très vite le QG de l’enseigne, où les responsables des magasins Leclerc de tout le pays se rendent, comme pour une audience papale. Flattant le penchant animalier des Leclerc, ils apportent en cadeaux des poules naines, des pintades et même un âne qui font la joie des enfants. « Ils ne faisaient jamais sentir qu’aller chez eux était un privilège, confie cependant un cadre de la galaxie Leclerc. Toute la famille, enfants compris, discutait de tout avec beaucoup de liberté. » Les fidèles s’y pressent, mais aussi les rivaux, comme Gérard Mulliez, qui n’a pas encore créé Auchan mais veut tout savoir des ficelles de la grande distribution.

C’est en fait la France entière qui défile à Saint-Divy, dans un manoir devenu un parfait lieu de représentation sans ostentation : les journalistes tels que François-Henri de Virieu, alors au Monde, les intellectuels comme le philosophe André Gorz et sa femme Dorine, habitués des lieux, ou encore Emmanuel d’Astier de la Vigerie, gaulliste de gauche et fondateur du journal résistant Libération.

« J’AI TOUT APPRIS DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE À TRAVERS LA GALERIE DE PORTRAITS QUI VENAIENT ICI. ÇA VALAIT BALZAC ET ZOLA RÉUNIS. » MICHEL-EDOUARD LECLERC

Adolescent, Michel-Edouard boit les paroles des uns et des autres, découvre Alexis de Tocqueville grâce à Suzanne Berger, professeure au MIT, lit Raymond Aron sous l’amicale pression d’Astier de la Vigerie. Les étudiants de Harvard enquêtant sur la politisation du monde rural français y croisent le père Jaouen, aumônier du centre pénitentiaire de Fresnes. « C’était l’antithèse des manuels scolaires, de l’histoire planifiée, cadrée », sourit Michel-Edouard Leclerc, ajoutant : « J’ai tout appris de la société française à travers la galerie de portraits qui venaient ici. Ça valait Balzac et Zola réunis. »

Etudiant, le fils aîné d’Edouard Leclerc invitera à La Haye ses professeurs d’économie, ainsi que le philosophe Michel Serres. Quelques photos subsistent de l’époque. En 1974, Paris Match saisit ainsi le couple Leclerc façon châtelains, selon les codes iconographiques de l’époque : lui assis devant le manoir, elle en bonne épouse, debout les mains sur le dossier de la chaise. « Ils se sont fait piéger », lâche Michel-Edouard, toujours furieux, quarante ans après, de cette image si peu en phase avec la réalité d’un couple qui faisait jeu égal, ni avec la mythologie familiale.

Une mythologie avec laquelle les enfants ont pris leurs distances, géographiques du moins. À 27 ans, Michel-Edouard se marie et s’installe en Dordogne. Ses sœurs s’établissent à Paris et à Bordeaux. « On porte le nom d’une famille qu’on défend, mais on est tous autonomes », glisse Michel-Edouard, qui incarne aujourd’hui le visage et la voix de l’enseigne Leclerc. Les séjours à Saint-Divy s’espacent et se raccourcissent. Pour Michel-Edouard, La Haye devient un camp de base pour des passages éclair, avant de lever les voiles pour une régate en rade de Brest. « Les trajets sont longs, et l’été, mes enfants voulaient la mer, les voyages lointains ou les copains », s’excuse-t-il.

Des coups de colère légendaires

Les petits-enfants ne s’y rendent qu’à l’occasion de mariages ou de baptêmes, célébrés dans la chapelle attenante, à peine une dizaine en trente ans. Le peintre Gérard Fromanger qui, depuis 2012, date à laquelle il a exposé au couvent des Capucins, a rendu visite à plusieurs reprises à Hélène Leclerc, se souvient de sa « totale dévotion à ce lieu qu’elle bichonnait », mais pas « d’une vitalité familiale » dans la maison.

Les enfants Leclerc ont leurs propres vies et envies. Lorsque Michel-Edouard Leclerc décide d’avoir sa maison à lui, en Bretagne, le voileux choisit le large, tout au sud du Finistère, à Tregunc, entre Concarneau et Pont-Aven. Les vacances qu’il s’octroie à l’étranger, dûment documentées sur le compte Instagram de sa compagne, sont plus luxueuses que le cadre de vie ascétique de son adolescence. « Mes parents n’étaient pas du tout jouisseurs », admet-il. « Chrétienne coupable et rigoriste dans la méthode », comme le rappelle son fils, Hélène s’est imposé une ligne de conduite et de vie jusqu’à ses 91 ans.

Quant au père, « sous ses dehors plus libéraux, il avait des pudeurs qui l’empêchaient d’extérioriser les choses ». Sauf lors de ses coups de colère légendaires. Comme celle qu’il pique la veille de Noël, en 1966, en constatant la disparition d’une croix-calvaire de granit en bordure de sa demeure. Après enquête, Edouard Leclerc découvre que la mairesse l’a fait transférer au beau milieu du cimetière de Saint-Divy. Edouard Leclerc crie au voleur, ameute l’administration. Prenant la tête d’un commando, il récupère la croix, avant de devoir finalement la restituer à la commune. Michel-Edouard est alors au petit séminaire, mais sa mère lui adresse les coupures de presse sur cette querelle façon Clochemerle.

En revanche, il est déjà adulte lorsque le paternel l’envoie décoller les tracts que le Cidunati, un syndicat de petits commerçants, a placardés en ville dans les années 1970, accusant Edouard de collaboration. Il est notamment soupçonné d’avoir dénoncé des patriotes à la Kommandantur, dont un exécuté par l’occupant nazi en 1944. Le fondateur des supermarchés Leclerc, qui a en effet été incarcéré à la Libération, poursuivra le syndicat en diffamation. L’affaire laisse une ombre au tableau familial.

« HÉLÈNE LECLERC S’ÉTAIT INVESTIE DANS CHAQUE MÈTRE CARRÉ, CHAQUE TOPIAIRE DE BUIS, AVAIT IMAGINÉ LE PARC COMME UN PATCHWORK DE MOMENTS. » LAURENT LE BON, DIRECTEUR DU MUSÉE PICASSO ET AMATEUR DE JARDINS

« Je n’ai pas de passé à trahir, indique aujourd’hui le fils aîné, mais je ne me sens pas dans une filiation obligée. » Aucune obligation, surtout pas celle de se retirer dans une bâtisse où en plein milieu d’un repas, voilà quinze ans, il a compris que son père avait la maladie d’Alzheimer. Depuis longtemps déjà se pose la question du destin de La Haye, où aucun descendant ne veut vivre sans pour autant se résoudre à s’en séparer.

La demeure est trop petite pour y accueillir une auberge ou des chambres d’hôtes. Elle n’a pas l’aura des maisons d’écrivains. Mais elle jouit d’un beau parc et d’une forêt amoureusement redessinés par Hélène Leclerc. « Elle s’était investie dans chaque mètre carré, chaque topiaire de buis, avait imaginé le parc comme un patchwork de moments », se rappelle Laurent Le Bon, patron du Musée Picasso à Paris et lui-même amateur de jardins.

L’idée du parc de sculptures ouvert au public émerge chez Michel-Edouard Leclerc après une visite de la Fondation Henry Moore, dans le Hertfordshire, en Grande-Bretagne. En Bretagne, les beaux jardins sont nombreux. Et la statuaire appréciée. Pas question toutefois de faire de La Haye un Disneyland celtico-religieux comme à la Vallée des Saints, à Carnoët. Plutôt un écrin pour accueillir des œuvres contemporaines prêtées par des collectionneurs privés.

Réunis dans une SCI, les héritiers Leclerc attendent désormais le feu vert administratif pour requalifier cette parcelle agricole en site apte à recevoir du public. Manière de prolonger, dans ce deuxième volet du Fonds Edouard et Hélène Leclerc, l’ambition populaire de ses fondateurs.

11 août 2020

Noémie Lenoir

lenoir21

11 août 2020

L’œil inquisiteur du régime chinois

la preuve par l'image

Article de Harold Thibault

Comment des Etats, des particuliers ou des groupes de pression s’appuient sur l’image pour se protéger ou établir une vérité. Aujourd’hui, la Chine

L’image pourrait être tirée d’une adaptation high-tech de 1984, la dystopie d’Orwell : de simples badauds, traversant un passage piéton, identifiés automatiquement par les caméras de surveillance d’un Etat autoritaire, capables d’afficher aussitôt sur un écran le nom et le numéro de carte d’identité d’un individu. Et de faire remonter son casier judiciaire ou le dossier concernant sa loyauté politique au régime. Les plaques d’immatriculation et le type de véhicule – modèle, couleur – sont relevés, eux aussi, pour un suivi au plus près.

En Chine, cette vision est en train de devenir réalité, du fait des progrès de l’intelligence artificielle mis au service d’un régime qui, sous la main du président Xi Jinping, n’en finit pas de se refermer. Il s’agit encore souvent d’images de démonstration des producteurs de caméras de surveillance ou des mairies qui viennent de les faire installer, mais l’ambition est là. Dès février 2018, la police de Zhengzhou, capitale du Henan, dans l’est du pays, affirmait que ses agents portant des « lunettes intelligentes » avaient identifié, grâce à de telles images, sept personnes impliquées dans des enlèvements qui transitaient par une de ses gares.

Propagande

Deux mois plus tard, la propagande se félicitait de l’arrestation d’un suspect reconnu par des caméras de surveillance parmi les 20 000 spectateurs d’un concert de la star de la chanson Jacky Cheung. En avril de l’année suivante, un homme de 24 ans, en possession d’une trentaine de fausses cartes d’identité, était arrêté grâce au même procédé, à l’aéroport de Chongqing, nouvelle mégapole de l’ouest du pays : ancien étudiant modèle, il était accusé d’avoir tué sa mère, enveloppé le corps dans du film plastique et barricadé la pièce quatre ans plus tôt, sans que l’on puisse retrouver sa trace.

Autant d’histoires portées par les autorités, qui cherchent à convaincre la population de l’efficacité de cette technologie par l’image pour sa propre sécurité. Plutôt que d’une unique base de données connectant entre elles les millions de caméras installées partout en Chine, il s’agit encore, pour l’heure, davantage d’expériences locales en phase d’affinement.

Toutefois, depuis décembre 2019, il est obligatoire de se soumettre, pour l’achat d’une carte SIM, à un scan de reconnaissance faciale, en plus de la présentation de la carte d’identité, qui nourrit ensuite les outils de suivi du citoyen, dans un pays où Internet est rigoureusement filtré. La Chine ambitionne par ailleurs d’exporter ces technologies. En février 2017, Huawei, le géant chinois du smartphone et des équipements de télécommunications, offrait 217 caméras de surveillance « nouvelle génération » à Valenciennes pour bâtir un projet « ville sûre ». Trois mois plus tôt, l’ancien maire de la cité du Nord, Jean-Louis Borloo, était devenu administrateur de la branche française de Huawei.

L’épidémie de Covid-19 a accéléré le recours aux technologies de traçage. Les géants des réseaux sociaux, Tencent, et du commerce en ligne, Alibaba, se sont associés avec le gouvernement pour développer une application affichant un code couleur vert, orange ou rouge, selon que l’individu a été exposé au nouveau coronavirus ou présente un quelconque risque de par ses déplacements. Pendant des semaines, ce printemps, il sera exigé à l’entrée des gares et aéroports de Chine, mais aussi des centres commerciaux et des immeubles d’habitation.

A ce projet s’ajoute celui de bâtir un système de « crédit social », empêchant par exemple les Chinois qui se soustraient à une décision de justice ou ne paient pas leurs dettes d’acheter un billet de train ou d’avion. Un fichier national de surveillance, lui, est déjà utilisé : il empêche notamment certains dissidents de louer une chambre d’hôtel – mais sans qu’il soit nécessaire de recourir aux caméras – et est un héritage du fichage totalitaire.

Nulle part ce système mettant les nouvelles technologies au service de la répression n’a été poussé aussi loin qu’au Xinjiang. Dans cette région du Grand Ouest chinois, aux confins de l’Asie centrale, Pékin a mis en place un réseau de camps d’internement où entre 900 000 et 1,8 million de membres de la minorité ouïgoure et d’autres ethnies musulmanes seraient détenus pour rééducation idéologique, sous couvert de lutte contre le terrorisme.

Là-bas, une application installée sur le smartphone des policiers, mais aussi de tous les fonctionnaires tels que les enseignants, permet de faire remonter les informations sur chaque individu et son entourage, tissant un maillage total de suivi de la population : déplacements, factures d’eau ou d’électricité, intensité de la foi religieuse. Ces informations nourrissent une base de données qui liste ensuite des milliers de noms de personnes à interner chaque semaine, dans l’arbitraire le plus total, sans possibilité de recours. A Kashgar, centre culturel et carrefour commercial pour les Ouïgours, il n’existe plus un seul angle de rue qui échappe à l’œil des caméras de surveillance.

Ces révélations ont choqué à l’étranger mais pas question pour la presse chinoise, sous le coup d’une censure qui n’a cessé de se renforcer en sept années de pouvoir de Xi Jinping, d’évoquer ces camps. L’opinion chinoise a appris à juger cette question uniquement sous le prisme du terrorisme.

Même dans le reste du pays, le recours au big data et à une vidéosurveillance massive est relativement accepté par la population de l’empire du Milieu, qui y voit une garantie de sécurité. Seuls des excès manifestes et concernant directement les citoyens exposés suscitent des protestations. Le ministère de l’éducation s’est ainsi heurté à la colère des parents d’étudiants d’une université de Nankin où avaient été installées, à la rentrée 2019, des caméras afin de surveiller l’assiduité et la concentration en cours. Le sujet s’est également invité devant les tribunaux, lorsqu’un professeur à l’université des sciences et technologies de la province du Zhejiang, Guo Bin, s’était étonné de devoir passer par un scan de reconnaissance faciale pour entrer dans un zoo. Le reste du temps, l’« Etat-surveillance » avance sans se heurter à une réelle résistance.

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