Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

Jours tranquilles à Paris

5 août 2020

La double explosion de Beyrouth touche un pays en pleine décomposition

Par Benjamin Barthe, Beyrouth, correspondant - Le Monde

La monnaie nationale est en chute libre, la classe moyenne en plein effondrement et les institutions étatiques à la dérive. C’est aujourd’hui tout le modèle libanais qui paraît imploser.

Le Liban n’est plus au bord du gouffre, il est tombé dedans. C’est l’impression que donne le pays du Cèdre au lendemain de la gigantesque déflagration qui a dévasté Beyrouth, mardi 4 août. L’explosion, qui a fait au moins 78 morts et a été ressentie une dizaine de kilomètres a la ronde, survient dans un contexte de crise sans précédent. La monnaie nationale est en chute libre, la classe moyenne en plein effondrement et les institutions étatiques à la dérive. L’énorme champignon de fumée noire qui s’est formé, mardi, vers 18 heures, au-dessus du port de Beyrouth, est le triste symbole d’un système qui implose. Il signale la faillite du modèle qui devait permettre la reconstruction du Liban après la guerre civile (1975-1990) et qui l’a conduit au contraire à sa perte.

Quelques heures avant la détonation, en milieu de matinée, des dizaines de manifestants avaient tenté de forcer l’entrée du ministère de l’énergie, pour protester contre les coupures de courant qui pourrissent le quotidien des Libanais. Trois, cinq, dix heures par jour, voire plus encore : la durée du black-out dépend du lieu ou l’on vit et de l’efficacité du « motor », le générateur de l’immeuble ou du quartier, censé pallier les mesures de rationnement de la compagnie nationale d’électricité. Cette institution, gouffre financier et temple du clientélisme, témoigne de la déliquescence croissante de l’appareil d’Etat. Tous les gouvernements qui se sont succédés ces trente dernières années ont promis de réformer le secteur électrique, à l’origine aujourd’hui de 40 % de la dette du pays. Et aucun n’y est parvenu.

Toujours ce même mardi, vers 17 h 30, soit quelques minutes avant le chaos total, le ministre de l’intérieur avait rappelé les dates et les horaires de la prochaine phase de reconfinement, entre le 6 et le 10 août. Très peu touché au printemps par l’épidémie de coronavirus, le Liban est confronté à une deuxième vague plus violente. Au rythme de contamination actuel (autour de 200 nouveaux cas par jour), le système de santé du pays promet d’être très rapidement submergé. Sur les 23 lits aménagés pour les malades du Covid-19 en situation critique au sein de l’hôpital public Rafik Hariri, 19 sont déjà occupés. Or, cet établissement est le seul véritablement engagé dans la lutte contre la pandémie. Les autres hôpitaux publics du pays, parents pauvres du budget de l’Etat, n’ont pas les moyens, ni en équipements, ni en personnel, pour y faire face. Quant aux centres de soin privés, qui sont les plus nombreux et les plus performants, la plupart répugnent à traiter des personnes infectées, de peur de perdre la clientèle hors-Covid-19.

Dysfonctionnements criants

Le modèle politique confessionnel qui régit le Liban a échoué a remédier à ces dysfonctionnements criants. Censé assurer la juste représentation de toutes les communautés religieuses du pays, ce système a été perverti par leurs responsables, souvent d’anciens chefs de milice, indéboulonnables depuis trente ans. Alors que l’accord de Taef, qui a mis fin a la guerre, prévoyait une transition vers un Etat civil, une forme de vétocratie s’est progressivement mise en place. Les oligarques au pouvoir ne cessent de se mettre des bâtons dans les roues de peur de perdre leur position dominante. Les membres de ce cartel n’arrivent à se mettre d’accord sur rien, sinon sur la préservation de leurs intérêts.

Cette attitude est aussi à l’origine de la catastrophe économique qui s’est abattue ce printemps sur le Liban. Parce qu’elle en profitait largement, notamment via ses participations dans le capital des banques, la classe politique n’a pas voulu réformer le système de financement de l’Etat, à base de dépôts a la banque centrale et de bons du Trésor rémunérés à des taux astronomiques. Cette pyramide de Ponzi a fini par s’effondrer, enclenchant une pénurie de billets verts, qui a fait perdre à la monnaie nationale, la livre libanaise, 80 % de sa valeur en quelques mois. En réaction, les prix des biens de consommation courante se sont envolés, avec une inflation mesuré à 90 % en glissement annuel en juin. Le contrôle des capitaux instauré de facto par les banques a achevé d’anéantir le pouvoir d’achat des Libanais. Le taux de pauvreté, estimé a 35 % de la population à l’automne, tutoie désormais la barre des 50 %.

La classe moyenne libanaise, considérée comme la plus riche et la mieux formée du Moyen-Orient, est la grande perdante de la crise. Le trentenaire, professeur à l’université, qui gagnait l’équivalent de 4 000 dollars par mois l’année dernière, n’en touche plus que 800 environ. Cette catégorie socioprofessionnelle gâtée, habituée à voyager plusieurs fois par an et à rouler dans des 4 x 4 rutilants, songe à retirer ses enfants des écoles privées qu’ils fréquentaient jusque-là et à les inscrire dans le public, un signe de déclassement cruel au Liban.

Un certain mode de vie à la Libanaise, jouisseur, dispendieux et insouciant, qui avait tant fait pour la réputation du pays du cèdre à l’étranger, est à l’agonie. Du fait de la dégringolade de la livre et des mesures de lutte contre la propagation du coronavirus, des centaines de bars, de discothèques et de restaurant ont été obligés de fermer. Le tourisme, pilier de l’économie locale, est sinistré, tout comme le secteur bancaire, un autre point fort du pays. Celui-ci aura le plus grand mal à rebâtir sa crédibilité après les mesures de plafonnement des retraits et d’interdiction des transferts édictées ces derniers mois. Au-delà de son économie ou de son système politique, c’est la raison d’être du Liban, sa vocation régionale, comme pôle de services, trait d’union entre l’Europe et le monde arabe, qui est en crise et qui est à reconstruire.

C’est pour cela que le cataclysme du 4 août sera si douloureux. Il percute un édifice déjà chancelant. Il assomme une population à bout de forces. La capacité du Liban à encaisser ce genre de calamités touche à son terme.

Publicité
5 août 2020

Au moins 78 morts, du nitrate d’ammonium mis en cause : ce que l’on sait de la double explosion à Beyrouth

beyrouth87

beyrouth999

Une double explosion a frappé la capitale du pays, mardi en fin de journée, faisant au moins 78 morts et 3 700 blessés dans une ville dévastée. Le Liban appelle à l’aide internationale.

Une très violente double explosion a secoué mardi 4 août, vers 18 h 10 (17 h 10 heure de Paris), le port de la capitale libanaise, Beyrouth, ravageant une grande partie de la ville et faisant au moins 78 morts et 3 700 blessés, selon une estimation, qui pourrait s’alourdir, du ministère de la santé.

Réuni d’urgence, le Conseil supérieur de la défense a déclaré que les déflagrations étaient dues à l’explosion de 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium dans le port. L’ammonium entre dans la composition de certains engrais mais aussi d’explosifs.

Le directeur général de la sûreté générale, Abbas Ibrahim, avait indiqué auparavant que les explosions dans un entrepôt du port avaient peut-être été causées par des « matières explosives confisquées depuis des années ».

« C’est une catastrophe dans tous les sens du terme », a déploré le ministre de la santé, Hamad Hassan, « les hôpitaux de la capitale sont tous pleins de blessés ». Face à l’ampleur de cette catastrophe, qui touche en son cœur un pays au bord du gouffre, le premier ministre libanais, Hassan Diab, a fait appel, mardi soir, à l’aide internationale.

Une violente explosion sur un site déjà en flammes

Selon de très nombreuses vidéos publiées sur les réseaux sociaux, un incendie était déjà en cours dans des bâtiments sur les quais du port de Beyrouth quand une explosion a provoqué un souffle massif et une très haute colonne de fumée dans le ciel, vraisemblablement lorsque le feu a atteint un entrepôt contenant le nitrate d’ammonium.

Selon des témoins, les déflagrations ont été entendues jusqu’à la ville côtière de Larnaca, à Chypre, distante d’un peu plus de 200 km des côtes libanaises. Les vitres des immeubles et des magasins ont volé en éclats à des kilomètres à la ronde. Aux abords du quartier du port, les dommages et les destructions sont considérables. Trois heures après l’explosion, l’incendie n’était toujours pas éteint sur place. Dans le port, un navire en flammes faisait craindre mardi soir une explosion de son réservoir de carburant.

L’onde de choc a provoqué des destructions partielles ou totales de bâtiments, des incendies et d’innombrables dégâts dans toute la ville sur des kilomètres, et le bilan humain, encore évolutif mardi soir, est très lourd.

Des hôpitaux engorgés, des appels au don du sang

Dans les minutes et les heures qui ont suivi l’impressionnante déflagration, les services de secours ont été massivement sollicités, et le ballet des ambulances aux sirènes hurlantes et des camions des pompiers s’est ajouté au chaos urbain. Les médias locaux ont diffusé des images de personnes coincées sous des décombres, certaines couvertes de sang. Des témoins ont raconté avoir vu dans le secteur du port des dizaines de blessés à terre.

A la suite de la double explosion, de nombreux habitants blessés ont marché en direction des hôpitaux, ces derniers ont été rapidement submergés, selon des témoins. Dans le quartier d’Achrafieh, des blessés se sont rués vers l’Hôtel-Dieu, et devant le centre médical Clémenceau, des dizaines de blessés, dont des enfants, parfois couverts de sang, attendaient d’être admis. La Croix-Rouge libanaise a appelé sur Twitter les habitants à donner de toute urgence leur sang dans n’importe quel endroit du pays.

« Nous assistons à une terrible catastrophe », a déclaré son chef, George Kettani, à la chaîne de télévision Al Mayadeen. « Il y a des morts et des blessés partout, dans toutes les rues et dans tous les quartiers, qu’ils soient proches ou éloignés de l’explosion », a-t-il dit.

« J’étais chez moi lorsque le souffle de l’explosion a tout emporté, raconte au Monde George Haddad, 29 ans, directeur de l’ONG Aleph. Le plafond de mon appartement s’est effondré, et avant même de me rendre compte de ce qu’il se passait, j’étais en sang, blessé à la tête. » Il était dans le quartier d’Achrafieh, proche du lieu de l’explosion. « Immédiatement, on entendait le bruit des alarmes de voiture, les hurlements des gens, des pleurs, des pas pressés sur le verre brisé qui recouvrait le sol des rues et des appartements. Je me suis rendu à l’hôpital de Rizek vers 18 h 30, qui était pris d’assaut. »

Parmi les victimes de l’explosion figure Nizar Najarian, secrétaire général du parti Kataëb, l’une des formations historiques de la droite chrétienne. Mardi soir, les secours continuaient d’affluer dans le quartier du port afin de sortir les blessés des décombres.

L’ONU au Liban a affirmé que des casques bleus avaient été grièvement blessés à bord d’un navire endommagé par les explosions. Des membres du personnel de l’ambassade d’Allemagne ont aussi été blessés, selon Berlin.

Le premier ministre appelle à l’aide internationale

Le premier ministre libanais Hassan Diab a lancé « un appel urgent à tous les pays amis et les pays frères qui aiment le Liban à se tenir à ses côtés et à nous aider à panser nos plaies profondes ».

« Ce qui s’est passé aujourd’hui ne passera pas sans que des comptes soient rendus », a-t-il ajouté lors d’une allocution télévisée mardi soir. « Il est inadmissible qu’une cargaison de nitrate d’ammonium, estimée à 2 750 tonnes, soit présente depuis six ans dans un entrepôt, sans mesures de précaution. C’est inacceptable et nous ne pouvons pas nous taire sur cette question », a-t-il également déclaré devant le Conseil supérieur de défense, selon des propos rapportés par un porte-parole en conférence de presse.

Plus tôt, il avait décrété une journée de deuil national, prévue mercredi 5 août, « pour les victimes de l’explosion du port de Beyrouth ». Le président libanais, Michel Aoun, a également convoqué une « réunion urgente » du Conseil supérieur de la défense. Le Hezbollah libanais a appelé mardi soir à l’unité nationale afin de surmonter une « douloureuse tragédie ».

Le Liban, déjà miné par la corruption et les difficultés économiques, traverse également sa pire crise depuis des décennies. « On a beau tous être des survivants dans ce pays, on ne peut pas survivre à tout, témoigne au Monde l’écrivaine libanaise Hyam Yared. Et la colère est immense, car le Liban n’en peut plus. Il y a au cours des derniers mois cette nouvelle crise politique qui n’en finit pas, la cherté de la vie qui pousse les gens ordinaires dans la misère, et maintenant, symboliquement, la destruction de notre ville. »

Israël dément toute implication, la France envoie des secours

Dans un contexte d’accrochages récents avec le Hezbollah au sud du Liban, Israël a assuré n’avoir « rien à voir avec cet incident », selon un responsable israélien s’exprimant sous le sceau de l’anonymat à l’agence Reuters. Le ministre des affaires étrangères israélien a déclaré à la chaîne de télévision N12 que l’explosion était vraisemblablement imputable à un accident provoqué par un incendie.

D’après les quotidiens israéliens Haaretz et Yediot Aharonot, le gouvernement israélien s’est adressé au gouvernement libanais par le biais de médiateurs internationaux pour offrir à Beyrouth une aide humanitaire et médicale.

La France a fait savoir, par la voix de son président, Emmanuel Macron, qu’elle se tenait « au côté du Liban ». « Des secours et moyens français sont en cours d’acheminement sur place » a ajouté celui-ci sur Twitter, avant de s’entretenir avec son homologue Michel Aoun dans la soirée. L’Iran a également exprimé le soutien de son pays au peuple « résilient » du Liban.

Le président Donald Trump a estimé, de son côté, que les explosions meurtrières à Beyrouth « ressemblaient à un terrible attentat » et que des experts militaires lui avaient parlé d’une « bombe », provoquant la confusion. Le Pentagone a refusé de s’exprimer sur la question. Le milliardaire républicain a transmis la « sympathie » des Etats-Unis au Liban et répété que son pays se « tenait prêt » à apporter son aide.

Le Royaume-Uni s’est dit prêt mardi soir à aider le Liban. « Les images et vidéos de Beyrouth ce soir sont choquantes », a tweeté le premier ministre Boris Johnson, adressant toutes ses « pensées et prières » aux victimes. « Le Royaume-Uni est prêt à apporter son soutien de toutes les manières possibles, y compris aux ressortissants britanniques touchés », a-t-il ajouté. Un « petit nombre » de membres de personnel de l’ambassade ont été blessés et reçoivent le cas échéant des soins médicaux, mais leurs jours ne sont pas en danger, selon un porte-parole du ministère.

beyrouth89

beyrouth90

5 août 2020

Au Grand Palais, une balade dans Pompéi

Article de Pierre Barthélémy

L’exposition, qui devait ouvrir ses portes le 25 mars, a dû s’adapter aux exigences sanitaires liées au Covid-19

ARCHÉOLOGIE

Pompéi en a vu d’autres. La ville romaine a été détruite par l’éruption du Vésuve en l’an 79 ; ses habitants ont succombé à d’horribles nuées ardentes qui ont fondu sur eux comme un tsunami gazeux ; elle a été ensevelie sous plusieurs mètres de pierres ponces et de cendres ; enfin, elle a hiberné dix-sept siècles dans le sol avant de commencer à revoir le jour. Pompéi sait ce qu’est une catastrophe brutale et connaît la patience. Alors que dire du Covid-19, qui a stoppé net la préparation de l’exposition sur Pompéi, laquelle devait ouvrir au Grand Palais, mercredi 25 mars ? Pas grave, il suffisait d’attendre. Un peu plus de trois mois après, la voici offerte au public, dans une version réadaptée aux exigences sanitaires qu’impose l’épidémie : une capacité d’accueil réduite, qui va de pair avec la réservation obligatoire des billets sur Internet, le port du masque, la désactivation de deux petits ateliers avec écrans tactiles.

L’essentiel, cependant, est préservé : l’idée d’une balade immersive dans le passé. Le temps de la visite, le salon d’honneur du Grand Palais se transforme en une rue de la ville antique. Sur les murs sont projetées, grandeur nature, les façades des maisons romaines. A un bout du quartier, les ombres des Pompéiens s’y promènent dans leur vie quotidienne. A l’autre, elles laissent place aux ombres des archéologues.

Entre la Pompéi vivante du Ier siècle et la Pompéi ressuscitée d’aujourd’hui vient immanquablement le temps de la catastrophe. Le cône du Vésuve, imposant, trône au beau milieu de l’exposition, aussi calme que menaçant. Tous les quarts d’heure, dans une reconstitution réalisée pour le documentaire Les Dernières Heures de Pompéi, le volcan s’éveille, gronde et entre en éruption. Les lapillis tombent de partout, la rue-musée tremble, les nuées ardentes déboulent et le monde s’assombrit, devient silencieux, sombre dans la mort.

Une « dolce vita »

Tout n’est pas qu’émotion, mise en scène théâtrale et plongée dans une reconstitution numérique. Part belle est faite aux représentations des célèbres fresques pompéiennes, mais ce n’est pas tout. Comme l’explique Massimo Osanna, directeur du Parc archéologique de Pompéi et commissaire de l’exposition, « il était aussi essentiel de se confronter à la matérialité », par le biais d’objets issus des fouilles archéologiques. « Une soixantaine d’objets ont été sélectionnés pour illustrer des aspects importants de Pompéi, entrer dans la vie quotidienne de l’Antiquité, réaliser la relation que nous avons avec cette civilisation, reconnaître notre proximité avec ce passé », souligne-t-il.

Orné de figures masculines armées, un cratère de bronze, où l’on mélangeait l’eau et le vin, évoque les fêtes de la classe supérieure. Quelques bijoux disent l’attention que les Romaines aisées accordaient à la beauté, aux soins du corps, au maquillage et à la coiffure. Une paire de flûtes en bronze et en os rappelle la place de la musique dans les cérémonies. Bien sûr, Pompéi était aussi une ville aux rues animées où se croisaient marchands, esclaves, légionnaires, porteurs d’amphores et gladiateurs, où l’on mangeait à la va-vite dans des thermopolia, les fast-foods de l’époque, mais l’exploration des grandes et riches demeures a surtout construit l’image d’une dolce vita, d’élites aspirant à vivre comme des divinités, dans la projection terrestre d’un univers dionysiaque. Luxe, calme et volupté…

Un petit « trésor »

L’exposition a réservé une part importante aux dernières fouilles archéologiques, effectuées entre 2017 et 2019 sous la supervision de Massimo Osanna, dans le cadre du Grand Projet Pompéi, doté d’un budget de 105 millions d’euros fourni par l’Union européenne et l’Etat italien. Même si l’objectif principal de ce projet était de consolider le front de fouilles, c’est-à-dire la frontière entre la zone dégagée et celle qui ne l’est pas (un tiers de la ville antique dort encore dans le sol), plusieurs maisons situées sur des zones sensibles ont été mises au jour, comme la maison d’Orion, celle de Léda et le Cygne, ou encore la maison au Jardin.

C’est dans cette dernière qu’a été trouvée la pièce la plus originale de cette promenade antique, fraîchement restaurée et exposée pour la première fois : un petit « trésor » constitué d’une centaine de perles et de petits pendentifs en ambre, en faïence, en cristal de roche, en os, en pâte de verre, en ivoire, en bronze, en coquillage… Sans aucun doute des amulettes. Massimo Osanna se plaît à imaginer là le matériel d’une sorcière, négociant avec ses clients des talismans « contre le mauvais sort, contre… comment dit-on en français le malocchio ? Le mauvais œil ! Là, il y a un petit phallus pour la fertilité. Il va falloir étudier chaque amulette, chaque symbole… » Et se dire qu’aucun n’a été efficace contre le Vésuve.

Pompéi. Grand Palais, 3, avenue du Général-Eisenhower, Paris 8e. Jusqu’au 27 septembre, de 10 heures à 20 heures du jeudi au lundi, de 10 heures à 22 heures le mercredi. De 10 € à 14 €, réservation obligatoire.

5 août 2020

Vannes

Vannes (3)

Vannes (4)

Vannes (5)

Vannes (6)

Vannes (8)

4 août 2020

Vu sur internet - j'aime beaucoup

jaime587

Publicité
4 août 2020

La Vallée va accueillir de nouveaux saints

Au cœur de la Vallée des Saints, à Carnoët (22), une résidence d’artistes réalise de nouvelles sculptures sur le thème des pays celtiques. Avec Adolfo Manzano, ce sont les Asturies qui sont mises à l’honneur.

Cet été, cinq sculpteurs ont élu domicile sur le site de Quénéquillec, à Carnoët (22), pour y réaliser quatre nouvelles œuvres, dans le cadre d’un partenariat avec les pays celtiques. La Vallée des Saints collabore depuis deux ans avec différentes régions celtes : en 2018, Piran, le saint patron des Cornouailles, commémorait la 100e sculpture et les dix ans du site. En 2019, c’était au tour de Dewi, saint patron du Pays de Galles. Pour 2020, ce sera saint Sauveur, patron des Asturies, une communauté autonome d’Espagne qui revendique ses racines celtes.

Adolfo Manzano, quand Bretagne rime avec Espagne

Sous son coupe-vent vert et son pantalon jaune, il ne craint pas la poussière de granit. Sculpteur spécialisé en bois et en marbre, Adolfo Manzano est originaire d’Oviedo, dans le nord-ouest de l’Espagne. À 62 ans, il est aussi professeur dans une école d’art. Adolfo a choisi de sculpter saint Sauveur (san Salvador en espagnol), en hommage à sa ville natale. « La connexion entre les cultures néolithique et contemporaine est importante », souligne-t-il, honoré de pouvoir réaliser son projet sur un site qu’il décrit comme « unique » et « monumental ». L’Asturien ne sera pas seul pour son ouvrage. Il a fait appel à Goulven Jaouen, le plus jeune sculpteur du site, pour l’aider. Arrivé en 2012 à la Vallée des Saints, ce dernier compte douze statues à son nom et attaque sa 15e collaboration. La statue de saint Sauveur, qui fera 4,30 m de hauteur, est un projet qui demande beaucoup de précision. « C’est une des premières sculptures que je fais véritablement avec un plan, reconnaît Goulven. Il y a une manière très académique de faire. Pour moi, c’est super intéressant. » En raison de la crise sanitaire, le site n’a pas pu accueillir autant de sculpteurs que prévu.

Covid-19 et retard sur les projets

Les dortoirs ont dû être interdits et remplacés par des espaces cloisonnés. Mais il en faut plus pour décourager les artistes. Adolfo Manzano se réjouit de la « chaleur humaine » et de la « solidarité » qui règnent au sein de l’équipe. Initialement prévus à la fin du mois d’avril, les projets n’ont pu démarrer que le 20 juillet. Il faudra attendre la fin de l’année 2020 pour atteindre les 140 statues sur le site, au lieu des 133 actuellement. Jumelée avec la célèbre île chilienne de Pâques, la Vallée des Saints devait travailler, en cette année 2020, sur un projet commun de sculpture. Il est repoussé à l’année prochaine.

4 août 2020

Les couleurs du sexe : triste chair

Par Maïa Mazaurette - Le Monde

Gris, blanc, rouge… Cet été, la chroniqueuse et illustratrice de « La Matinale » Maïa Mazaurette sort chaque dimanche son nuancier pour raconter la sexualité et prodiguer ses conseils. Aujourd’hui, la « couleur peau », si monochrome.

LE SEXE SELON MAÏA

Anatomiquement, la chair désigne la partie molle d’un être vivant, sa « viande », qui s’opposerait à l’âme. Elle se trouve sous la peau. Pourtant, quand on parle de « couleur chair », c’est en fait la « couleur peau » qui est sous-entendue. Simple métonymie, qui confondrait le contenant et le contenu ? La question littéraire va devoir céder place à une question plus douloureuse, et plus urgente : en 2020, la peau est toujours monochrome…

Je vous invite à en faire l’expérience par vous-même : si vous tapez sur Google Images des mots liés à la sexualité (sexe, missionnaire, levrette, fellation…), vous tomberez sur 50 nuances de crème. A croire que seuls les Blancs et les Blanches font l’amour !

Quand les personnes de couleur sont prises en compte, c’est pour être réduites à des stéréotypes sexuels éculés : la « sauvagerie » des Noirs (au sexe surdimensionné et/ou aux fesses énormes), la soumission des Asiatiques (au petit sexe lisse), le tempérament enflammé des Latinos, l’exotisation de la Beurette ou le frisson de la racaille d’Afrique du Nord… 2020 ressemble furieusement à 1920 ! Et la catégorie « interracial » des sites pornographiques apparaît comme une enclave dépolitisée, imperméable aux revendications antiracistes, baignée de clichés hérités du temps des colonies.

Succès de la pornographie « ethnique »

La question politique ne peut pourtant pas être évacuée : en France, si les deux recherches les plus populaires de l’année 2019 sur la plate-forme Pornhub étaient « française » et « French », il faut se rappeler que la catégorie « arab » est deux fois plus populaire qu’ailleurs dans le monde. Les logiques migratoires ne traînent jamais bien loin des logiques fantasmatiques.

Le succès de la pornographie « ethnique » se traduit également quantitativement : toujours sur Pornhub, les fantasmes liés à la couleur de peau ou à la nationalité des personnages occupent 18 catégories sur 100. Ce qui correspond à une production considérable.

Cette vigueur du porno raciste (appelons un chat un chat) s’appuie sur un système tout aussi raciste : le site féministe Jezebel a enquêté en juin sur les répercussions du mouvement Black Lives Matter dans la porn Valley, et, sans surprise, les performeurs et performeuses de couleur sont victimes d’une double discrimination. Tout d’abord, ces acteurs et actrices trouvent moins de travail. En 2013, le journaliste Jon Millward (spécialiste en analyse de données) a dressé un tableau statistique basé sur la carrière de 10 000 hardeuses américaines, dont il ressortait que 70 % d’entre elles étaient blanches, et 33 % étaient même spécifiquement blondes (contre 5 % des Américaines dans la vraie vie). Les autres couleurs de peau étaient réparties ainsi : 14 % de Noires, 10 % de Latinos, 5 % d’Asiatiques.

Par ailleurs, le travail des personnes non blanches est moins bien payé (entre – 25 et – 50 %). Pour donner un exemple particulièrement révélateur, une hardeuse blanche peut monnayer jusqu’à dix fois le tarif habituel d’une scène sexuelle lorsqu’il s’agit de son premier rapport « interracial ». Pourquoi ? Parce que l’industrie considère que, pour une Blanche, coucher avec un Noir constitue une pratique extrême qui compromet sa « pureté » (sic). D’ailleurs, selon les données recueillies par Jon Millward, 53 % des femmes seulement acceptent de tourner ce genre de séquences… ce qui en dit long sur la stigmatisation qui y reste attachée. Inutile de préciser que pour coucher avec un Noir, ou avec un Blanc, une performeuse noire ne touchera pas un centime de plus.

Cette inégalité de traitement des personnes réelles se traduit logiquement par une inégalité de traitement des personnages fictifs. Ainsi, selon une étude fondée sur l’analyse de 1 741 scènes pornographiques (Gender Issues, avril 2020), « les actrices noires sont plus souvent représentées comme victimes d’agressions que les actrices blanches. Les acteurs noirs sont plus souvent représentés comme les coupables de ces agressions, et en comparaison avec les acteurs blancs, ils ont beaucoup moins d’intimité avec leurs partenaires. » Une autre étude (Archives of Sexual Behavior, avril 2019) trouve pour sa part que ce sont les performeuses latinos et asiatiques qui sont les plus stigmatisées à l’écran.

Du côté des sextoys, la question de la « couleur chair » est un peu moins présente : non seulement il serait trop compliqué de proposer chaque teinte disponible (d’autant que le gland ou les petites lèvres n’ont pas forcément la même couleur que la hampe du pénis ou la vulve, sans parler des veines et autres dégradés), mais les godemichés et vaginettes ultraréalistes sont moins populaires que jusqu’au milieu des années 1990. Et pour cause : les concepteurs considèrent que la « couleur chair » rebute les femmes (comme chacun sait, les choses trop explicites nous font nous évanouir comme des ladies de l’ère victorienne).

Marketing

Ce désamour pour les carnations humaines repose aussi sur un positionnement marketing : plus le sextoy se démarque de l’anatomie, moins il est identifiable comme un ersatz ou un pis-aller, et plus on s’éloigne d’un imaginaire réservant les jouets sexuels aux désespérés et autres exclus du marché sexuel.

De toute façon, la moitié des sextoys sont achetés par des couples : pas besoin de rajouter quelque chose qui ressemble à un être humain, quand on a déjà un être humain sous la main – au risque, en plus, de créer une forme de concurrence ! Mieux vaut prendre au contraire le contre-pied de cette tendance, en jouant la carte de l’objet technologique décoratif, décomplexant et ludique, à surface pastel ou pop, unie ou multicolore, fluorescente, phosphorescente, couverte de paillettes et de strass… A côté, la peau humaine semble un peu terne !

Cela dit, les sextoys ultraréalistes existent toujours – parcourus par les clichés et tensions politiques qui irriguent le reste de la société. Ainsi la grande plate-forme Lovehoney, au Royaume-Uni, nous accueille-t-elle dans sa section « godemichés » avec une bannière inclusive : un pénis blanc, un pénis marron et un pénis rose fluo. Impeccable ? Pas vraiment : le pénis marron est beaucoup plus grand que les deux autres (les questions de taille restent l’objet de vastes débats)… Par ailleurs, la parité n’est pas respectée : 117 godemichés sont estampillés « peau rose », contre seulement 32 pour la « peau marron ».

Que conclure de ces disparités ? Que de Google aux sextoys en passant par la pornographie ou même les crèmes de blanchiment des organes génitaux (évoqués dans le premier épisode de cette série d’été), non seulement la blancheur est considérée comme la norme, mais aussi comme la couleur la plus désirable. Pour redonner au nuancier sexuel toute son amplitude, il y a clairement du boulot.

4 août 2020

Four à boulets à la Pointe du Roselier à St Laurent de la Mer (Côtes d'Armor)

Pointe du Roselier (3)

Un four à boulets, ou four à rougir les boulets, est un équipement thermique militaire utilisé du xviie siècle au xixe siècle pour chauffer au rouge les boulets servant de projectiles pour des canons contre des navires ou bâtiments construits en bois. L'expression « tirer à boulets rouges » tire son origine de cet équipement.

Il est avéré que les propriétés incendiaires d'un boulet porté au rouge ont pu provoquer des incendies lors de certaines batailles au sol. Cependant la probabilité de détruire un bâtiment de cette manière était assez aléatoire.

Cette pratique était souvent mise en œuvre par des batteries côtières en raison du danger que représentait un four à bord d'un navire.

Elle pouvait dissuader les navires de s'approcher des côtes, plus par la menace qu'elle représentait que par son efficacité réelle, compte tenu de la faible précision de l'artillerie de l'époque. Au point que le général Bernadotte affirmait que la fumée d'un four à boulets aperçu au loin par un navire de guerre pouvait suffire pour le dissuader d'approcher des côtes.

Cette pratique ancienne n'a cessé qu'avec la construction de navires en acier dans la seconde moitié du xixe siècle.

Pointe du Roselier (4)

Pointe du Roselier (5)

4 août 2020

L’histoire - Que commémore-t-on le 4 août ?

Dans la nuit du 3 au 4 août 1944, les troupes allemandes plient bagage avant l’arrivée imminente des alliés. Après plus de quatre ans d’Occupation, le bruit sourd des bottes des soldats allemands résonne dans les rues pour la dernière fois. Avant de quitter la ville, à l’aube, les soldats incendient le grand séminaire, le parc des fourrages et la caserne de la Bourdonnaye. Réveillés par le bruit des détonations, les Vannetais découvrent un ciel rougi par les flammes. Mais très vite, la peur s’estompe et laisse place à l’euphorie du départ des Allemands. Vannes est libérée.

Qui sont les libérateurs ?

« On pourrait presque dire que la ville de Vannes s’est libérée toute seule, avance François Ars, docteur en histoire contemporaine. Il n’y a pas eu de bataille militaire, les Allemands sont partis d’eux-mêmes. » Pas de bataille donc mais les soldats ont bel et bien déserté face à l’arrivée imminente des alliés. « Le 30 juillet, les armées américaines entrent en Bretagne avec la percée d’Avranches, explique l’historien. Les alliés gagnent du terrain et les Allemands sentent qu’ils sont en train de perdre. »

Les jours précédents ont-ils été difficiles ?

« Les deux mois précédant la Libération ont été les plus difficiles de la guerre », assure l’historien. Les Allemands sont à cran depuis le débarquement en Normandie, le 6 juin 1944.

Ils intensifient les contrôles, les arrestations et les fusillades. Les Vannetais craignent les bombardements alliés autant que les humeurs de leurs oppresseurs.

Que s’est-il passé après le départ des Allemands ?

À peine les soldats partis, le préfet fait hisser le drapeau français dans la cour d’honneur de la préfecture. Un symbole fort, la foule exulte. « Au même moment, le colonel Bourgoin, chef des opérations militaires dans le Morbihan ordonne aux bataillons des Forces françaises de l’intérieur (Résistance) de passer à l’action, rapporte François Ars. En fin de journée, le capitaine Gougaud et ses hommes arrivent les premiers en ville. » Peu après, deux jeeps américaines entrent en ville sous les clameurs des Vannetais. Le lendemain, des colonnes de blindés américains défilent dans les rues et les maquisards s’installent dans la ville désormais libre. Les Vannetais, en liesse, fêtent leurs nouveaux héros.

Et les jours d’après ?

La majorité des soldats allemands sont partis le 4 août mais quelques-uns ont loupé le départ. Des soldats isolés traversent la ville à vive allure en mitraillant les immeubles sur leur passage. Le 6 août, les Allemands tenteront, dans une dernière offensive, de reprendre la ville. Dès 9 h, des obus s’abattent sur le quartier de la Madeleine. Appelés en renfort par les FFI, les blindés américains font fuir les ennemis. Vannes est bel et bien libérée.

4 août 2020

Rachel Cook

rachel cook20

rachel20

rachel21

Publicité
Publicité