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Jours tranquilles à Paris

6 juillet 2020

Milo Moiré - photographe : Peter Palm

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6 juillet 2020

Face à l’imposition de la loi sécuritaire à Hongkong, l’UE ne peut offrir qu’une riposte timide

Par Jean-Pierre Stroobants, Bruxelles, bureau européen

Il est probable que les ministres des affaires étrangères des vingt-sept Etats membres, réunis le 13 juillet à Bruxelles se contenteront d’un rappel des principes.

Poser des questions, demander des comptes et « calibrer un message qui, peut-être, fera bouger les lignes » : c’est, selon un haut responsable de la diplomatie européenne, tout ce que les Vingt-Sept pourront faire alors que la Chine impose à Hongkong sa loi sur la sécurité nationale. Un dispositif qui fait sentir ses premiers effets pour le mouvement prodémocratie, décrit par Pékin comme « une petite minorité ». « Les Européens sont en fait, comme d’autres acteurs, réduits à un rôle d’observation », confirme Pierre Vimont, ex-ambassadeur de France aux Etats-Unis et chercheur associé au centre de réflexion bruxellois Carnegie Europe.

Fin mai, déjà, le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, exprimait la « vive préoccupation » des Vingt-Sept face à des mesures « qui ne sont conformes ni aux engagements internationaux de la Chine, ni à la loi fondamentale de Hongkong ». Bruxelles évoquait des relations nécessairement basées sur « la confiance et le respect mutuels » et promettait de soulever la question dans le cadre de son « dialogue permanent » avec la Chine.

Lundi 22 juin, à l’issue d’un sommet avec le président Xi Jinping, les présidents du Conseil européen et de la Commission répétaient leurs « graves préoccupations » pour le territoire mais Charles Michel et Ursula von der Leyen ne détaillaient aucun élément d’une éventuelle riposte. Il est probable que les ministres des affaires étrangères, réunis à Bruxelles le 13 juillet, se contenteront aussi d’un rappel des principes avec, peut-être, une mention que la loi sécuritaire risque, par ses conséquences, de faire perdre à Hongkong son statut de septième place financière internationale.

Un « appendice de l’Eurasie »

Soucieuse d’affirmer sa position sur la scène internationale et de ne pas se laisser enfermer dans le conflit entre Pékin et Washington, l’Union européenne (UE) ne trouve pas pour autant sa voie. « Sans la relation transatlantique, vous ne serez qu’un appendice de l’Eurasie », lança un jour l’ancien secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger à ses interlocuteurs européens. Lors d’un discours qu’elle tenait à Berlin, en janvier, Angela Merkel s’est référée à cette sentence pour appeler ses partenaires à « réfléchir très profondément » à la manière dont ils comptent se positionner sur la scène mondiale.

SELON UN DIPLOMATE, « MERKEL N’A PAS DE PROBLÈME AVEC LE FAIT DE RIPOSTER À LA CHINE, À CONDITION QUE CE NE SOIT PAS L’ALLEMAGNE QUI RIPOSTE »

La chancelière compte-t-elle profiter du fait que son pays a pris, le 1er juillet, la présidence de l’Union pour accélérer cette réflexion et appuyer le principe d’une Europe entrant vraiment dans l’ère de la géopolitique et capable, par exemple, de se profiler clairement face au pouvoir chinois ? Pour cela, il faudrait d’abord que les partenaires de l’Allemagne sachent quelle est exactement la position de Berlin. Car si une source française affirme que « sur la Chine nous sommes unis, à vingt-sept », la chancelière a, à diverses reprises, exprimé plus d’une nuance.

Noah Barkin, chercheur invité et membre du programme Asie de la Fondation Carnegie, affirme qu’elle a, en fait, « soigneusement évité » toute confrontation avec Pékin au cours des derniers mois. En se rendant en Chine – pour la 12e fois – en septembre 2019, à la tête d’une délégation d’industriels, alors que la contestation battait son plein à Hongkong et que de nouvelles révélations sur la répression au Xinjiang émergeaient. En repoussant les critiques qui montent, y compris dans son propre parti, sur le risque sécuritaire posé par la possible mainmise du géant Huawei sur le réseau de télécommunications mobile 5G. En se démarquant, en janvier, de Paris et Londres, qui félicitaient la présidente de Taiwan, Tsai Ing-wen, pour sa réélection. Une source bruxelloise évoque aussi la « faiblesse » de la critique allemande quant à la gestion de la crise du Covid-19 par les autorités chinoises. En fait, « Merkel n’a pas de problème avec le fait de riposter à la Chine, à condition que ce ne soit pas l’Allemagne qui riposte », a récemment confié un diplomate à M. Barkin.

Rival systémique

Cette position médiane constitue, selon un expert bruxellois, un réel handicap en vue de la définition d’une position commune des Vingt-Sept, celle que la chancelière espère offrir lors du sommet que les chefs d’Etat européens devraient tenir avec les dirigeants chinois, à la fin de l’année. Cette réunion à Leipzig, prévue initialement en septembre, a été reportée, officiellement en raison de la pandémie. Le gouvernement allemand compte toujours sur cette occasion pour réaffirmer le choix européen du multilatéralisme et renforcer la coopération avec Pékin dans le domaine climatique, de la santé ou du développement de l’Afrique. Une évidence s’impose toutefois : Mme Merkel envisage d’abord la relation sous l’angle économique et a le souci que son pays ne paie pas le prix d’une affirmation, par les Vingt-Sept, d’une position trop ferme sur le respect des droits humains.

En mars 2019, Bruxelles réorientait sa position jugée « naïve » à l’égard de la Chine en affirmant qu’elle était un partenaire de négociation, un compétiteur économique mais aussi un rival systémique. Un propos largement influencé par la publication, deux mois plus tôt, d’un document de la puissante fédération allemande des industriels (BDI), inquiète de la mainmise d’un groupe chinois sur l’entreprise de robotique Kuka et celle – bloquée in extremis – d’Aixtron, un fabriquant de composants électroniques. Depuis, si Mme von der Leyen et Emmanuel Macron reprennent le terme de « rival », Mme Merkel se montre plus prudente, craignant que cela réduise trop le champ de l’indispensable coopération avec Pékin. Jeudi 2 juillet, dans sa conférence de presse inaugurant la présidence allemande, la chancelière prenait soin de souligner que le dialogue avec la Chine devait se maintenir « dans toutes ses dimensions ».

D’autres « facteurs polluants »

Fidèle à son approche prudente et pragmatique, Berlin espère en fait que le maintien d’une relation équilibrée, centrée d’abord sur les questions économiques et commerciales, permettra ensuite d’aborder d’autres questions. Le problème étant qu’en dehors d’un possible entérinement d’un accord sur les indications géographiques de produits, on voit mal quels sont les terrains sur lesquels Pékin et Bruxelles pourront s’entendre à bref délai.

« EN RÉALITÉ, PERSONNE N’A ENCORE TROUVÉ LA MANIÈRE D’AMENER LE RÉGIME CHINOIS À FAIRE MARCHE ARRIÈRE », PIERRE VIMONT, EX-AMBASSADEUR DE FRANCE.

Les négociations sur un accord d’investissement et les règles applicables aux entreprises publiques ne progressent pas. Elles ont été retardées, tant par la pandémie que par les campagnes de désinformation sur la gestion de la crise qu’ont menées des sources chinoises. Les polémiques sur le développement de la 5G, comme les tentatives de division du camp européen auxquelles se livre Pékin, au travers notamment des initiatives de la « nouvelle route de la soie » – elles impliquent des pays du Sud, de l’Est et des Balkans – sont d’autres « facteurs polluants », comme le qualifie un diplomate.

Autant dire que sur Hongkong ou les camps d’internement du Xinjiang, l’UE s’en tiendra sans doute aux formules habituelles. D’éventuelles sanctions – et lesquelles d’ailleurs ? – n’y changeraient rien. A l’époque du massacre de la place Tiananmen, en 1989, elles n’avaient abouti qu’à diviser le camp européen. La France allait batailler plus tard pour leur suppression en jugeant notamment « dépassé » l’embargo sur les livraisons d’armes.

« En réalité, personne n’a encore trouvé la manière d’amener le régime chinois à faire marche arrière », confirme Pierre Vimont.

6 juillet 2020

Laetitia Casta

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6 juillet 2020

A Rennes, le photographe Martin Parr fait rire jaune

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Par Claire Guillot, Rennes, envoyée spéciale

Une rétrospective de l’œuvre du Britannique présentée au Fonds régional d’art contemporain de Rennes donne un aperçu sombre de la marche du monde.

On ne s’attendait pas à voir au Fonds régional d’art contemporain (FRAC) Bretagne, à Rennes, une exposition du photographe Martin Parr. Le bâtiment récent à la façade austère, signé par l’architecte Odile Decq, se veut dévolu à la diffusion d’un art contemporain plutôt pointu, or le photographe est célèbre dans le monde entier pour le regard acide qu’il porte sur ses contemporains. Mais le dynamique directeur, Etienne Bernard, dont c’est la deuxième exposition sur place, a voulu miser sur un artiste populaire pour remettre sur la carte son FRAC un peu excentré.

Le thème du Brexit, qui traverse l’œuvre, a convaincu ce directeur pour qui « tout art est politique ». Et puis, en ces temps de crise sanitaire et de marasme économique, et même si l’exposition a été programmée avant le Covid-19, il veut croire en l’aspect thérapeutique d’une « expo fun ».

Les amateurs de fantaisie et de légèreté, pourtant, risquent d’en être pour leurs frais. La rétrospective, version remise à jour d’une exposition concoctée par le photographe lui-même et par l’agence Magnum, qui tournera ensuite dans le monde entier, a misé sur la sobriété. A part quelques murs pastel, on évite les clins d’œil amusés qui renforcent souvent le propos de Martin Parr, plein d’humour vache. Pas de mugs ornés de têtes de dictateurs qu’il aime collectionner, pas de faux gazon, de drapeaux ou de déco à l’anglaise comme on a pu en croiser lors de la grande exposition « Only Human » consacrée au photographe par le Victoria and Albert Museum de Londres, en 2019. La rétrospective, intitulée « Parrathon », revisite de façon plutôt sage et sans grande nouveauté toute la carrière du photographe depuis les années 1970, à travers 14 séries organisées de façon thématique.

Les deux premières salles sont les plus intéressantes, qui résument l’évolution vertigineuse du photographe : on passe sans transition du noir et blanc classique à de grands formats couleur, de la photo documentaire plutôt distancée aux gros plans sur les détails crus et stridents du consumérisme triomphant. Dommage que l’exposition n’appuie pas sa démonstration à l’aide de tirages d’époque.

Immense kaléidoscope

Les débuts de Martin Parr sont encore marqués par l’influence de l’école documentaire anglaise, dont il restera l’ardent défenseur et le collectionneur (Tom Wood, Chris Killip, Tony Ray-Jones…). Comme dans sa série « Bad Weather » (1982), qui moque les rapports compliqués des Britanniques avec la météo : ses paysages anglais, saisis entre les gouttes, laissent voir les vestiges du passé industriel britannique et du monde ouvrier. Mais déjà, les coups de flash sur les trombes d’eau et les détails cocasses témoignent du coup d’œil moqueur qui va devenir sa marque de fabrique.

Dans la salle suivante, avec « Common Sense », le style Parr outré, strident, s’affiche pleinement : le photographe a aligné sur le mur, dans de simples photocopies couleur, un immense kaléidoscope de détails aux teintes criardes, soulignées par le flash : glace qui coule, peau brûlée par les coups de soleil, promotions dans les magasins, jouets en plastique fluo… Cette série toujours en cours brocarde les habitudes de la classe moyenne occidentale mondialisée, et la société de consommation dans toutes ses outrances et sa superficialité : touristes, clients dans les supermarchés, adeptes de la fast fashion…

Martin Parr dit avoir toujours voulu se focaliser sur l’ordinaire et sur le sort des gens proches de lui. Il a photographié, avant les autres et mieux que personne, ce que notre monde a de plus trivial et de plus éphémère. Dans « Small World », il égratigne les touristes qui vont en vacances en avion dans des pays du Sud, se photographient en groupe devant les pyramides après avoir semé leurs papiers gras. Plus récemment, il a consacré une série aux adorateurs de selfies – motif attendu mais pas le plus réussi.

Dans le monde entier, et jusqu’au Mexique où la Vierge vend du coca-cola, Martin Parr montre combien une sorte de pop culture basée sur la consommation détruit la planète, clone les mêmes boutiques dans les villes et les stations balnéaires, et réduit l’histoire et les traditions locales à des stands interchangeables d’un vaste parc d’attractions. Mais il a aussi épinglé la vulgarité des plus riches, passant à la moulinette les jet-setteurs de l’art, qui vont d’une foire internationale à l’autre, coupe de champagne à la main.

Peinture grinçante des temps actuels

En parallèle à son étude sur l’universalisation du mauvais goût, Martin Parr est souvent revenu, avec justesse et sévérité, sur ses racines et sur les spécificités de son pays d’origine, pour lequel il dit souvent avoir « un sentiment d’amour et de haine ». « The Last Resort », sa série mythique des années 1980 (ici en grand format), peignait avec un mélange de sourire et de mélancolie les classes populaires faisant la fête dans une station balnéaire en perte de vitesse.

Ses photos les plus récentes consacrées aux Britanniques se concentrent plutôt sur les partisans du Brexit et sur les bastions du pouvoir traditionnel (The Establishment). D’une certaine façon, elles sont comme une réponse à ses images sur la mondialisation : alors que les cultures lointaines deviennent accessibles, en un coup d’avion ou à portée de clic, parallèlement se renforcent la peur de l’autre, le repli sur soi, le conservatisme, le culte d’une identité fantasmée.

Malgré les changements, les vieilles universités qui forment l’élite anglaise sont toujours dominées par de vieux hommes blancs qui perpétuent, canne et haut-de-forme à la main, des traditions d’un autre siècle. Et l’île britannique, avec le Brexit, se coupe encore davantage du monde.

Devant cette peinture grinçante des temps actuels, il faudrait plus que les autoportraits malicieux de Martin Parr, qui aime à se faire photographier en astronaute ou poser à côté d’un faux Vladimir Poutine, pour alléger l’atmosphère. La dernière salle se veut pourtant joyeuse avec la série « Everybody Dance Now », qui montre différentes cultures et communautés à travers le monde, immergées sans peur du ridicule dans un plaisir universel : la danse. On y voit, dans des boîtes de nuit, des salles de bal, une parade de la Gay Pride, une classe de ballet, des individus heureux réunis par une activité commune.

Mais à l’heure du Covid-19, des masques et de la distanciation physique, ces manifestations d’unité collective semblent désormais appartenir à un passé révolu. Et la boule à facettes, accrochée au plafond, jette une lumière crue sur un plaisir désormais défendu.

« Parrathon », une rétrospective de Martin Parr. FRAC Bretagne, 19, avenue André-Mussat, Rennes. Jusqu’au 24 janvier 2021. Du mardi au dimanche, de 12 heures à 19 heures. Entrée : 2 et 3 euros. fracbretagne.fr

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6 juillet 2020

Jean Castex veut régler « à court terme » le dossier des retraites

« La crise a aggravé fortement le déficit de nos régimes de retraite. Je souhaite reprendre le dialogue avec les partenaires sociaux, c’est indispensable », explique le premier ministre.

Le nouveau premier ministre, Jean Castex, affirme souhaiter conclure le Ségur de la santé « la semaine prochaine » et régler « à court terme » le dossier des retraites, dans un entretien publié le 5 juillet dans le Journal du dimanche (JDD), où il prévient ne pas croire « au consensus mou ».

« Des décisions essentielles sont sur la table. L’emploi, évidemment, qui dans le contexte actuel requiert une mobilisation de tous dans le cadre de la nouvelle donne sociale lancée par le président de la République. Le soutien aux soignants et la transformation de notre système de santé dans le cadre du Ségur que je conclurai la semaine prochaine », a-t-il déclaré.

Faute d’accord avec les syndicats avant un remaniement imminent, le gouvernement de son prédécesseur Edouard Philippe avait décidé jeudi de prolonger de quelques jours le Ségur de la santé, alors qu’une enveloppe de 7 milliards d’euros se trouve sur la table pour les salaires des soignants.

« Nouvel agenda social »

« Le plan de relance doit être finalisé. A quoi s’ajoutent les réformes qui étaient dans les tuyaux sur les retraites et sur l’assurance chômage. Et celle de la dépendance qui devra venir ensuite et qui correspond à une nécessité. Tous ces sujets sont directement impactés par la crise, ce qui nécessite de les reprendre dans un cadre concerté et avec une cohérence d’ensemble », a-t-il ajouté.

Interrogé sur les inquiétudes des syndicats concernant les retraites, il a affirmé que « dire qu’on va réexaminer un sujet, ce n’est pas se renier. C’est montrer notre capacité d’adaptation aux nouvelles circonstances, qui sont douloureuses ».

« Par exemple, la crise a aggravé fortement le déficit de nos régimes de retraite. Je souhaite reprendre le dialogue avec les partenaires sociaux, c’est indispensable. Arriverons-nous à régler ces dossiers à court terme ? C’est mon souhait », a-t-il dit.

« A minima, nous devrons nous fixer un nouvel agenda social », a-t-il poursuivi, affirmant espérer un « compromis, qui n’est pas une compromission » pour sauver les régimes de protection sociale.

« Je ne crois pas au consensus mou »

Il a défini sa méthode comme « un mélange de volontarisme et d’expérience, avec le souci de rassembler ». « Mais attention, je ne crois pas au consensus mou. Le temps est à l’action », a-t-il averti.

Il a dit mettre « les bouchées doubles » avec Emmanuel Macron pour annoncer au plus vite son gouvernement. Répondant aux rumeurs sur une équipe resserrée autour de grands pôles principaux, il a affirmé ne « pas être sûr que des périmètres trop étendus soient forcément la garantie d’une plus grande efficacité ».

Après la forte percée verte aux municipales, il a répété que l’écologie n’était « pas une option ». « C’est une obligation », a-t-il ajouté. Il entend « accélérer » les décisions en listant « avec les acteurs locaux tout ce que l’on peut faire immédiatement » comme la lutte contre les fuites dans les réseaux d’eau, contre l’artificialisation des terres, pour l’isolement thermique, les toitures photovoltaïques, ou le bien-être animal.

Ex-secrétaire général adjoint de l’Elysée sous Nicolas Sarkozy, Jean Castex, qui vient de rendre sa carte chez Les Républicains, s’est dit « peu attaché aux affaires des partis » mais a estimé « naturel » de s’inscrire « sans ambiguïté » dans la majorité présidentielle, car « celui qui accepte de devenir premier ministre est, par vocation, le chef de la majorité : c’est son devoir de l’animer et de l’associer ».

Face à ses détracteurs qui le voient comme un simple exécutant de la volonté présidentielle, il a souligné qu’il n’entrait « pas dans les intentions du chef de l’Etat de faire de [lui] un subordonné voué aux tâches secondaires ». Et de poursuivre : « Quand vous aurez appris à me connaître, vous verrez que ma personnalité n’est pas soluble dans le terme de “collaborateur” ».

Concertation sur les retraites : pour les syndicats, « ce n’est pas le moment ». La nouvelle phase de discussions voulue par Emmanuel Macron sur les retraites est-elle compromise ? Dans un entretien aux quotidiens régionaux, vendredi 3 juillet, le président a annoncé qu’il demanderait au gouvernement « de réengager (…) dès l’été » une concertation avec les partenaires sociaux sur le « volet des équilibres financiers » des régimes de pension. Avec, à la clé, une possible augmentation de la durée de cotisation, qui semble avoir la préférence du chef de l’Etat. Son initiative est jugée inopportune par les organisations de salariés. « La priorité des priorités, ça doit être l’emploi, a réagi, vendredi sur France Inter, Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT. On ne va pas se remettre à se foutre sur la gueule sur la question des retraites dans cette période. » Numéro deux de la CGT, Catherine Perret pense qu’il « n’est pas possible que se tienne une réunion pour reprendre la réforme » – un projet qu’elle juge « dangereux ». A ses yeux, il vaudrait mieux que l’exécutif tienne d’abord sa promesse de revalorisation salariale en faveur des enseignants et des soignants : elle contribuerait à « faire rentrer des cotisations ». Pour le leader de FO, Yves Veyrier, les retraites ne constituent « pas le sujet du moment ». Il souligne qu’il y en a bien d’autres à traiter comme les réductions d’effectifs chez Airbus et Air France. François Hommeril, le président de la CFE-CGC, se dit « totalement d’accord » avec M. Veyrier : le pouvoir en place ferait preuve d’« une irresponsabilité grave » s’il relançait maintenant la réflexion sur la situation financière des caisses de retraite. Pour autant, le patron de la centrale des cadres « n’envisage pas de sécher » une éventuelle rencontre fixée par le nouveau premier ministre.

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6 juillet 2020

Jane Birkin

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6 juillet 2020

Enquête - Les « anthropométries » scandaleuses d’Yves Klein

Par Roxana Azimi

En 1960, le peintre fait scandale avec une performance où il dirige les mouvements de femmes nues enduites de peinture. Le Centre Pompidou-Metz lui consacre une exposition.

Dans son appartement bruxellois, entourée de chats, Elena Palumbo-Mosca, octogénaire au doux visage cerclé de boucles blanches, raconte, sans omettre un détail, l’étonnante performance à laquelle elle a participé à l’âge de 25 ans. C’était il y a soixante ans, le 9 mars 1960, rue Saint-Honoré, à Paris, à 22 heures, à la Galerie internationale d’art contemporain.

Ce soir-là, son fondateur, le comte Maurice d’Arquian, célèbre un artiste niçois de 31 ans, Yves Klein. Celui-ci s’est déjà fait un nom, et un surnom : « Yves le Monochrome », référence évidente à ses tableaux totalement bleus. Deux ans plus tôt, à la galerie Iris Clert, à Saint-Germain-des-Prés, il invitait les visiteurs à passer sous un dais bleu, siroter des cocktails au bleu de méthylène avant d’entrer dans une salle vide aux murs rigoureusement blancs. Scandale immédiat.

Rive droite, Klein n’a rien perdu de son sens de la mise en scène. Smoking noir, nœud papillon blanc et croix de l’ordre des archers de Saint-Sébastien autour du cou, il joue les maîtres de cérémonie. Un petit orchestre de violons et vio­loncelles interprète un accord unique en ré majeur, la Symphonie Monoton-Silence, de Louis Saguer. Elena, Mouna et Marlène avancent, entièrement nues. Tel un maestro, l’artiste dirige, sans jamais les toucher, les mouvements des trois femmes. Après avoir badigeonné leur corps de peinture bleue, elles impriment leurs formes sur de grandes feuilles de papier. Le public, composé de grands bourgeois et de femmes du monde, retient son souffle. Il règne, rapporte le chroniqueur de L’Express présent ce soir-là, « un silence d’église ».

Plongée dans la toile

Klein a pris un gros risque, comme le rappellera, en 2015, l’historienne AnnMarie Perl dans la revue universitaire Thresholds. Si le strip-tease est alors toléré, à condition toutefois que la créature garde ses derniers dessous, la France du général de Gaulle est corsetée. Il est admis de peindre d’après modèle vivant, à l’abri des regards dans les écoles d’art ou les ateliers, mais il est illégal de faire déambuler des femmes nues, même dans une galerie d’art.

« C’ÉTAIT UNE CHORÉGRAPHIE PRÉCISE. YVES NOUS DISAIT : “METS LA COULEUR LÀ, PUIS ICI.” » ELENA PALUMBO-MOSCA, EX-MODÈLE

Klein sait sa performance hors la loi et il doit s’assurer de la complicité du public pour ne pas être dénoncé. L’improvisation est un luxe qu’il ne peut se permettre : la veille, l’artiste et ses trois modèles ont tout répété. « C’était une chorégraphie précise, se souvient Elena Palumbo-Mosca, fière d’avoir pris part à l’histoire de l’art. Yves nous disait : “Mets la couleur là, puis ici.” Chacune de nous savait ce qu’elle avait à faire. » Elena étant la plus petite des trois, c’est à elle qu’incombe la tâche de réaliser un monochrome au sol, en se roulant sur une feuille de papier. « Yves m’avait dit : “Comme tu aimes plonger et nager, cette fois tu vas nager dans le bleu ! J’ai donc nagé dans le bleu et j’en ai rempli complètement le papier. »

« Il y a un peu de mon ADN là-dedans », s’amuse celle qui fit ensuite une carrière d’interprète au Parlement européen. De 1960 à 1962, année de la mort brutale de l’artiste, à 34 ans, d’une crise cardiaque, elle a participé à ces « anthropométries ». Le terme fut inventé par le très influent critique d’art Pierre Restany pour désigner à la fois les performances et quelque 200 œuvres aujourd’hui répertoriées. D’après le catalogue raisonné publié en 1969, cinquante d’entre elles se trouvaient alors entre des mains privées. « Ce n’est pas un succès commercial, à l’image de la plupart des nouveaux réalistes, analyse le galeriste Georges-Philippe Vallois, spécialiste de cette période, mais pas un rejet non plus puisque les acheteurs avisés sont là. »

Critiques des bigots et… des féministes

Les « anthropométries » sont des cas rares dans l’histoire de l’art moderne. Elles ont participé à la renommée d’Yves Klein, qui devait être le sujet d’une exposition cette année au Centre Pompidou-Metz, « Le Ciel comme atelier. Yves Klein et ses contemporains », initialement prévue en mai et reportée au 18 juillet. En 1960, ces œuvres scandalisent les bigots. Mais enthousiasment ceux qui y voient une nouvelle manière d’aborder le corps dans l’art. Pourtant, très vite, ces mêmes œuvres désespéreront les progressistes. À commencer par les militantes féministes, outrées de voir un homme jouer ainsi avec les corps féminins nus.

Dans le catalogue de la rétrospective qu’elle avait organisée au Centre Pompidou en 2006, Camille Morineau, cofondatrice de l’association féministe Aware, résume ainsi l’affaire : « Interprété comme propre quand il fallait être sale, comme macho quand il fallait être féministe, Yves Klein fait encore scandale aujourd’hui alors que plus rien ne scandalise, car il résiste au politiquement correct. »

« DIRAIT-ON DE LOUIS MALLE QU’IL MANIPULAIT JEANNE MOREAU EN LA METTANT EN SCÈNE ? » ELENA PALUMBO-MOSCA

Célèbre rédactrice en chef de la revue Art Press et autrice d’une monographie sur Yves Klein (éditions Flammarion, 1992), Catherine Millet l’admet : difficile d’imaginer aujourd’hui une séance publique telle que celle pratiquée en 1960 « sans protestation au fond de la salle ». « Compliqué », abonde Camille Morineau, qui estime que ce type de performance « ne pourrait passer aujourd’hui que par un contrat officiel entre les participants ». « Impossible, juge la militante Caroline De Haas, du collectif de lutte contre les violences sexuelles et sexistes #noustoutes. Un homme qui se lancerait dans ce genre de tentative aurait tout de suite l’air réac. Vous imaginez aujourd’hui un artiste prétendre bousculer les choses en mettant en scène des femmes blanches nues ? Ce serait juste… bizarre ! »

Une chose est certaine : le caractère misogyne du climat dans lequel ces œuvres sont nées. Ainsi du compte rendu de L’Express, après la séance d’« anthropométrie » à la Galerie internationale d’art contemporain. « On eut dit trois bonnes d’auberge malicieusement déshabillées par la foudre au moment où elles allaient laver les planches – et qui ne se sont encore aperçues de rien », écrit le journaliste. Tout aussi édifiantes, les remarques du critique du Monde : « Prenez une femme nue, roulez-la dans de la peinture bleue, déroulez-la sur un drap. Vous obtiendrez les empreintes profanes d’une anatomie mammifère ».

Restany n’a pas non plus arrangé la réputation de son ami Klein en déclarant qu’un des modèles aurait « pris du plaisir en y voyant sans doute une forme supérieure de masturbation ». Du plaisir ? Elena Palumbo-Mosca s’esclaffe : « Une fable inventée par Restany pour titiller l’imaginaire du bourgeois. C’était un travail. Il fallait faire vite, se laver à toute allure car la peinture séchait rapidement. Alors le plaisir… Faut pas rigoler ! » Qu’on n’aille surtout pas lui demander si elle s’est sentie manipulée. « Dirait-on de Louis Malle qu’il manipulait Jeanne Moreau en la mettant en scène ? », s’indigne-t-elle.

Gil, Mouna, Jacqueline, Marlène…

L’histoire a par ailleurs gommé le souvenir des quelques hommes qui ont prêté leur corps au laboratoire artistique de Klein. Quant à ces femmes dirigées par le metteur en toile – qui travaillaient certes mais sans être rémunérées –, il faudrait se demander pourquoi les commentateurs n’ont gardé que leurs prénoms : Gil, Mouna, Jacqueline, Marlène, Claudie ou Marie-Henriette, et Elena…

D’une nature volubile, Elena s’est longtemps tue. Anonyme et muette, comme les autres « pinceaux vivants » – la formule est de Klein. « J’ai longtemps eu la sensation que certains et certaines critiques d’art ne me voyaient que comme un objet : un ventre, des seins, des cuisses, raconte-t-elle sans aigreur. On ne me considérait pas comme une personne et, parfois, dans un vernissage, j’avais même la sensation que certains me regardaient avec une certaine suffisance. »

L’ARTISTE ROTRAUT KLEIN-MOQUAY, VEUVE DU PEINTRE, GARDE DE CES SÉANCES LA MÉMOIRE D’UNE « FUSION DU CORPS ET DE L’ÂME SUR LA TOILE ».

Pendant des années, les modèles des « anthropométries » n’ont pas eu la parole. Et n’ont donc pas pu expliquer la démarche créatrice de Klein. Des données, essentielles pour comprendre la démarche artistique, ont échappé aux féministes qui ne jugent que l’œuvre, voire la symbolique de l’œuvre. Depuis ­l’Arizona, où elle s’est retirée, la veuve d’Yves Klein, l’artiste Rotraut Klein-Moquay, raconte qu’un jour, « les modèles s’étant plaints d’être inutiles car elles ne se retrouvaient pas dans les monochromes », Klein jette de la peinture sur du papier et propose à une jeune femme de s’y rouler.

« Le modèle nu apporte de la sensualité dans l’atmosphère. Attention ! Pas la sexualité », précise-t-il dans ses écrits, se gardant de toute « folie ­érotique ». Car l’idée ne surgit pas de nulle part. Commissaire de l’exposition Klein au Centre Pompidou-Metz et directrice du Palais de Tokyo à Paris, Emma Lavigne le rappelle : « La nudité n’est pas juste érotique, mais renvoie à l’homme premier, à une renaissance. »

En effet, à 20 ans, le jeune peintre avait été fasciné par les traces découvertes dans les grottes préhistoriques et avait réalisé des empreintes de pied et de main sur ses propres vêtements. Judoka émérite, Yves Klein est également attentif à la marque des corps en sueur sur les tapis de combat. L’« anthropométrie » renvoie aussi à la tradition du voile de Véronique, qui aurait essuyé le visage du Christ. Au cours de son séjour au Japon en 1952, Klein fut également frappé par les photos de l’ombre des corps soufflés par l’explosion atomique à Hiroshima.

Le contexte dans lequel il réalise sa première « anthropométrie » n’a rien de machiste. Elle se tient le 5 juin 1958 à huis clos dans l’appartement du professeur de judo et philosophe occultiste Robert Godet, sur l’île Saint-Louis, à Paris. Aucun témoignage, si ce n’est quelques photos, n’en subsiste. Dès lors, Klein décide de peaufiner la pratique, souvent sur des musiques de Mozart ou Beethoven. Hormis celle de mars 1960, toutes les séances se sont déroulées sans public, dans l’atelier d’Yves Klein ou au centre d’essai de Gaz de France, à La Plaine-Saint-Denis.

Les premières empreintes sont statiques : le modèle appose une partie de son corps sur un papier accroché au mur. Puis elles sont invitées à bouger davantage, jusqu’à se mettre à califourchon sur un grand rouleau de papier. « C’était plus intime, mais je n’avais pas de fausse pudeur », confie Elena Palumbo-Mosca.

Rotraut participera à quelques-unes de ces séances, gardant la mémoire d’un « bien-être total, d’une fusion du corps et de l’âme sur la toile ». C’est elle qui, d’ailleurs, propose à Elena Palumbo-Mosca de participer à ces séances dans l’atelier parisien de la rue Campagne-Première. Les deux femmes se sont rencontrées trois ans plus tôt à Nice, chez le couple d’artistes Arman et Éliane Radigue, où la jeune Italienne officiait comme fille au pair. À Paris, elles ont continué à se voir.

« IL Y AVAIT MOINS D’AMBIGUÏTÉ DANS CES SÉANCES, SPECTACULAIRES ET RAPIDES, QUE DANS UNE SÉANCE DE NU DANS UN ATELIER. » CATHERINE MILLET, RÉDACTRICE EN CHEF D’« ART PRESS »

Le jour, Elena Palumbo-Mosca suit des cours de civilisation française puis d’interprétariat. La nuit, elle gagne sa vie comme strip-teaseuse dans les cabarets de Pigalle. Quand on la sollicite pour réaliser des « anthropométries », elle trouve ça « chouette », rapporte-t-elle le plus simplement du monde. Klein l’a martelé : il n’y a « jamais rien eu d’érotique, de pornographique ni quoi que ce soit d’amoral dans ces séances ». Catherine Millet en est convaincue. Selon la rédactrice en chef d’Art Press, « il y avait moins d’ambiguïté et de trouble dans ces séances spectaculaires et rapides, en public ou en privé, que dans une séance de nu traditionnel dans un atelier, où quelque chose de plus intime pouvait s’installer, sur la durée, entre un peintre et son modèle ».

Aux États-Unis, toutefois, poursuivant des thèses qui se dévelop­pent dans les années 1970, l’historienne Amelia Jones, spécialiste de la performance artistique, analyse l’histoire des « anthropométries » à l’aune du féminisme. Klein, aussi subversif fût-il, serait le produit de son époque : l’artiste qui prétend prendre ses distances avec le cliché viril du peintre en sueur face au tableau joue en réalité au marionnettiste. Fût-ce malgré lui.

« Yves n’était pas un macho, riposte sa veuve, lassée par ces attaques. Il soutenait les artistes femmes. Sa mère était peintre et, à travers son exemple, il voyait à quel point il était difficile pour les femmes de ­lutter. » Elena Palumbo-Mosca ­renchérit : « Qu’on ne vienne pas me dire que Klein exploitait les femmes, c’est totalement faux ! S’il y a bien quelqu’un qui les respectait, c’est lui. » Réplique, à distance depuis la Californie, d’Amelia Jones : « C’est intéressant d’entendre leur expérience, mais leur ressenti ne “prouve” pas que le travail fut collaboratif. »

Moqueries et controverses

Klein prête aussi le flanc aux moqueurs qui cherchaient à taper sur l’art contemporain en général. Car les « anthropométries » ont rendu la critique très facile. Dans son film Les Godelureaux (1961), Claude Chabrol, s’amu­sant du snobisme de l’avant-garde et du ridicule d’une certaine dolce vita, filme ainsi un simulacre d’« anthropométrie » réalisé par des modèles habillés de justaucorps blancs. La séance est tournée chez l’ancienne galeriste du peintre, Iris Clert, qui dit à qui veut l’entendre que les « anthropométries » sont des canulars sans valeur artistique ni commerciale.

En 1961, Yves Klein tend encore des verges pour se faire battre en participant à Mondo Cane, du réalisateur italien aussi excentrique que controversé Gualtiero Jacopetti. Ce documentaire kitsch et trash égrène les pratiques insolites dans le monde, comme l’astiquage de crânes par des enfants italiens ou l’appétit pour les serpents de Maltais faméliques.

APRÈS L’AVANT-PREMIÈRE DE « MONDO CANE », À CANNES, KLEIN EST MORTIFIÉ, PUBLIQUEMENT HUMILIÉ, IL EN FERA UNE ATTAQUE CARDIAQUE.

Dans les trois minutes consacrées aux « anthropométries », le réalisateur montre une danse du ventre lascive, tandis que la Symphonie Monoton-Silence est ­remplacée par une musique sirupeuse de film de charme. Pour enfoncer le clou, ­l’épilogue en voix off annonce que la peinture ainsi réalisée « est à vendre pour seu­lement 4 millions de francs ». Comprenez : le monde de l’art se fiche de la gueule des braves gens. Le titre Mondo Cane (« monde de chien ») réduit Klein à une image de « gros dégueulasse ». Mortifié, publiquement humilié, l’artiste en fera une attaque cardiaque après l’avant-­première du film au Festival de Cannes. Il succombera, quelques semaines plus tard, à un arrêt du cœur.

L’artiste est d’autant plus meurtri qu’il avait sponta­nément collaboré avec Gualtiero Jacopetti dans l’espoir – raté – de faire sen­sation, malgré les avertissements de ses proches. « Je considérais Jacopetti comme un facho, soupire Elena Palumbo-Mosca, écœurée par cette mascarade. D’ailleurs, aucune des amies qui avaient travaillé pour les “anthro­pométries” n’a participé au tournage de ce film. Yves me paraissait parfois un peu naïf, car il était sûr que ses idées pouvaient convaincre tout le monde, tout de suite. »

L’œuvre épurée d’Yves Klein n’a pas ­seulement suscité un vacarme de commentaires. Précurseur par ses « anthropométries », le jeune Niçois singulier et météorique a inspiré le body art et la performance. Et sans faire école, il a fait des émules, étonnamment féminines. L’excentrique artiste japonaise Yayoi Kusama se lie avec Yves Klein en 1961 à New York et, six ans plus tard, se met à peindre des pois sur des corps dénudés d’hommes et de femmes. En 1973, l’artiste féministe Carolee Schneemann (décédée en 2019), influencée elle aussi, se suspend nue dans un harnais, les mouvements de son corps accroché déterminant les dessins qu’elle réalise.

Plus récemment, en 2015, à l’occasion du Unfold festival à Londres, la jeune artiste britannique Adelaide Damoah s’est présentée nue sur scène, le corps recouvert de peinture bleue. « Klein a toujours été là quelque part, dans un coin de ma tête, sans trop savoir pourquoi », confie la Londonienne, qui a réitéré sa performance en 2019 au Musée de l’immigration, à Paris. Dans tous ces cas, une différence notable avec les « anthropométries » de Klein : ici, la femme décide seule de ses mouvements. Sans chef d’orchestre, fût-il banalement tyrannique ou singulièrement génial. Son corps lui appartient.

6 juillet 2020

Albert Watson - photographe

albert w

6 juillet 2020

Les couleurs du sexe : les ambiguïtés du blanc

Par Maïa Mazaurette

Episode 1. Gris, pourpre, noir… Cet été, la chroniqueuse et illustratrice de « La Matinale » Maïa Mazaurette sort son nuancier chaque dimanche pour raconter la sexualité et prodiguer ses conseils. Aujourd’hui, zoom sur la zone blanche.

LE SEXE SELON MAÏA

Le blanc est-il une couleur ? La réponse dépend des experts à qui vous posez la question. Cette ambivalence se prolonge dans le monde du sexe : existe-t-il une sexualité blanche, alors même que cette teinte symbolise la virginité ?

Nous savons que le sexe n’est pas sale, mais peut-il pour autant être pur ? Nous voici plongés dans le vif du sujet : pour lancer cette série d’été consacrée au nuancier sexuel – nous nous promènerons de la zone grise au piment rouge, en passant par l’arc-en-ciel, le duo rose-bleu ou encore les teintes de la chair –, commençons donc par le blanc.

On ne surprendra personne en rappelant que dans la culture occidentale et notamment dans notre rapport au sacré, le blanc s’oppose à la souillure matérielle ou morale. Le mot lui-même vient du germanique blank, qui signifiait « brillant, clair, sans tache » ou « nu ».

Le blanc est également associé à la lumière, et se conçoit dans un double antagonisme au noir de la nuit (le quand de la sexualité) et au rouge de la luxure (le comment de la sexualité). Par extension, le blanc symbolise le bien, l’innocence, la chasteté (mais aussi la vieillesse, la peur, le froid, etc.).

Imaginaire de l’innocence

Faut-il en déduire qu’une sexualité blanche serait réservée aux oies blanches ? C’est plus compliqué que ça. Au départ, la symbolique s’exprime de la manière la plus prévisible qui soit : le blanc de la pureté donne sa teinte à la robe de mariée, supposément vierge. Cet imaginaire de l’innocence est régulièrement utilisé par les marques de sextoys pour rassurer les acheteuses : on trouve des lignes entières de vibromasseurs blancs, dont certains reprennent les codes visuels des iPhone et du monde médical. Le blanc est bon, le blanc est tech, le blanc est sérieux.

Là où les choses commencent à se corser, c’est quand ces associations d’idées contaminent les corps eux-mêmes : telle couleur de peau entraîne telles qualités morales, telle couleur de peau est considérée comme plus ou moins esthétique.

Alors que L’Oréal a retiré cette semaine les mots « clair » et « blanchiment » de ses produits cosmétiques, l’industrie de la beauté du sexe continue de proposer des blanchiments de la vulve, mais aussi du pénis, de l’anus et des tétons. L’argument est double : raccorder la couleur de la carnation (caucasienne) à la couleur de ces zones hautement sexualisées, mais aussi « nettoyer » symboliquement la zone.

C’est particulièrement le cas du blanchiment de l’anus, qui permet de désamorcer certains complexes : si c’est clair, c’est propre, et si c’est propre, alors on peut l’utiliser sexuellement. (Précisons qu’il existe à l’inverse des crèmes pigmentées qui « rajeunissent » le vagin à coups de gammes de rose, mais elles sont moins utilisées.)

Pour autant, limiter le blanc à la pureté serait un peu court : il est aussi la couleur du sperme (considéré comme une souillure), des pertes blanches (idem, même si elles servent à nettoyer le vagin de ses bactéries) et du lait maternel (or pour être mère, le plus souvent, on est passée par des rapports sexuels). Se dessinent, alors, les contours d’un blanc plus ambigu : rien n’est plus délicieux à saccager qu’une surface immaculée. Nous ne sommes plus très loin du fétichisme médical, ou de la salirophilie, qui n’aime rien tant que tacher les draps et souiller ses adeptes.

Consensus et consentement

Tout est dit ? Non, bien sûr que non. Car la sexualité elle-même comporte des pratiques blanches : on parle alors de sexualité « vanille ». Ce vocable, apparu dans les années 1960 mais popularisé dans le jargon sexuel depuis une vingtaine d’années, décrit les rapports conventionnels, conjugaux, consentis, sans fantaisie.

La vanille érotique serait au sexe ce que la vanille alimentaire est à la gastronomie : un parfum sans intérêt, mais largement apprécié par les personnes dénuées de bon goût et/ou d’imagination (snobisme, bonjour). Le mot comporte donc souvent une connotation méprisante – sauf chez ses défenseurs et défenseuses (dont votre humble servitrice dominicale fait partie).

Pourquoi tant de haine ? Parce que le sexe vanille a été conceptualisé en opposition aux sexualités « noires » du BDSM (bondage, domination, sado-masochisme) et au vaste champ chromatique du queer (c’est-à-dire littéralement, le bizarre). On y reviendra dans les prochains épisodes de cette série d’été.

Cette réputation d’ennui associée à la vanille déborde sur ce que nous appelons depuis le mouvement #metoo la zone blanche : celle du consensus et du consentement. Côté face, le licite rassure. Côté pile, si on s’en tient aux pratiques strictement permises par la religion et le code pénal, il ne reste que le missionnaire.

« 50 Nuances de Blanc » ?

Et pourtant ! On pourrait réhabiliter la zone blanche. Respecter radicalement ses partenaires n’entraîne pas nécessairement moins d’humour, moins de diversité et moins de pratiques exaltantes : si vous voulez mon avis, c’est même précisément l’inverse qui se passe. Avec la sexualité vanille, on peut se donner carte blanche !

Du « bon » côté de la zone grise, les possibles s’étendent à l’infini… A condition de renoncer à certains clichés (par exemple cette curieuse idée voulant qu’un bon amant soit forcément un « bad boy », alors que de nombreuses transgressions sexuelles sont justement dues à un manque de compétences, d’imagination et de savoirs). Qui sait, peut-être lira-t-on un jour un best-seller incroyablement érotique, appelé « 50 Nuances de Blanc » ?

En attendant, le blanc-vanille dispose d’un ultime tour dans son sac : il est intrinsèquement sexuel – jusqu’aux origines de notre langue, donc de notre système de représentation. Car étymologiquement, « vanille » vient du latin vagina, « la gaine », qui donnera « vagin »… seulement au XVIIe siècle. Pour une zone encore régulièrement qualifiée de trou noir, c’est un comble, non ?

6 juillet 2020

L’AMOUR SANS TRÊVE

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