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Jours tranquilles à Paris

17 avril 2020

Vu d'Afrique - Quand les infox se propagent aussi vite que le virus

coronavirus et medias

DER SPIEGEL (HAMBOURG)

La peau noire protège-t-elle du Covid-19 ? La chaleur empêche-t-elle la maladie de prospérer ? Avec la pandémie, une épidémie de fake news se sont répandues en Afrique. Avec, parfois, des conséquences graves.

Cet ami du Ghana était plein de bonnes intentions : sur WhatsApp, il m’a envoyé huit photos, accompagnées d’un petit mot : “Prends bien soin de toi.” Sur chaque image, il y avait un texte blanc sur fond gris. Le premier : “Quand le virus est exposé à une température supérieure à 26 ou 27°, il meurt. Le Covid-19 ne survit pas dans les régions chaudes.” Et qu’importe que cela ne soit pas scientifiquement prouvé. Mon ami ajoute un petit tuyau aussi peu vérifié : “Il y a un autre truc : il faut boire de l’eau très chaude et s’exposer au soleil. Il est conseillé d’éviter les glaces et les plats froids.” Au-dessus, on lit : “Unicef” [l’agence des Nations unies pour les droits des enfants].

Pleines de conseils bidon, les fake news se répandent aussi vite qu’un virus en ce moment. Ces “infodemic”, comme les appelle l’Organisation mondiale de la santé, sont une épidémie qui demande une riposte considérable en parallèle à la lutte contre le coronavirus. Les organisations mondiales ne peuvent pas se concentrer sur l’aide aux seules régions en crise, elles doivent en plus se battre pour leur crédibilité. “La lutte contre ces fausses informations demande beaucoup de temps”, déplore Sandra Bisin, 42 ans, porte-parole de l’Unicef en Afrique occidentale et centrale.

Le monde numérique nous permet souvent de toucher beaucoup de gens. C’est justement ça qui est dangereux, car cela donne à d’autres la possibilité de semer la panique sur les réseaux sociaux.”

Des tweets tueurs de mythes

L’Unicef s’efforce de démonter les rumeurs par des tweets et des vidéos “tueuses de mythes”. L’organisation a installé en Côte d’Ivoire un centre d’information sur le coronavirus grâce auquel on peut obtenir des informations vérifiées sur les symptômes, la prévention et le traitement de la maladie – entre autres par SMS. Il suffit pour cela d’envoyer le code “CORONA”.

Quatre cent mille personnes ont déjà eu recours à ce service. Comme certaines autres organisations, notamment l’OMS, ce centre d’information collabore aussi avec Facebook, Instagram, Twitter et TikTok pour tenter d’endiguer le flux quotidien de fake news. Mais si les réseaux sociaux suppriment en permanence de fausses informations, cela ne veut pas dire pour autant qu’elles disparaissent complètement.

Au Ghana, plusieurs clubs et restaurants ont affiché les pseudo-conseils de l’Unicef sur leurs murs pour rassurer les clients. Quand ces fausses informations sont transmises par une personne de confiance et considérées comme vraies, elles se propagent souvent rapidement par le bouche-à-oreille. “Les informations erronées sont extrêmement dangereuses”, déclare Sandra Bisin. Elles constituent même une menace grave en Afrique.

La chaleur, protection contre le virus?

Jusqu’à présent, le continent comptait relativement peu de cas déclarés par rapport au reste du monde. Même si de nouveaux malades sont détectés tous les jours et qu’un nombre toujours plus important de pays est touché, on se demande si le Covid-19 ne se répandrait pas moins rapidement sous ces latitudes. Ou si, simplement, la détection y est moins bonne qu’ailleurs. Mais alors que les experts parlent d’une lutte contre le temps pour empêcher la propagation du virus, les rumeurs infondées n’aident pas.

L’une des plus dangereuses, c’est celle qui soutient que la chaleur africaine protège de l’infection ou ne permet pas au Covid-19 de survivre. Ce n’est absolument pas prouvé, mais c’est ce qu’affirment plusieurs fake news. Y croire, c’est alors faire fi des mesures de bases : oublier de se laver soigneusement les mains, ne pas éviter les rassemblements.

Autre idée tenace : les Noirs seraient immunisés contre le Covid-19. Alors que les premiers malades du Covid-19 en Afrique étaient des personnes qui venaient d’arriver d’Italie, d’Allemagne, de France, de Norvège, de Turquie, d’Inde et bien entendu de Chine, dans les rues du Ghana on ne lance plus “obruni”, un ancien mot akan qui signifie “blanc”, aux étrangers. On leur dit : “Corona, go home !” Et ce n’est pas censé être drôle. La colère contre les Blancs – alimentée par les réseaux sociaux – grandit  : les gens sont convaincus que ce sont eux qui ont apporté le Covid-19 en Afrique.

Il n’y a pourtant aucune preuve scientifique que la “peau noire” ou les “gènes” africains protègent contre le coronavirus, comme l’affirment certains vidéos et messages. Cette idée peut avoir des conséquences fatales. Les personnes présentant des symptômes comme le mal de gorge, la toux, la fièvre ou le rhume sont priées par les ministères de la Santé de nombreux pays africains d’appeler une hot-line et de rester chez elles, où on viendra les tester si besoin. Il est donc important que les intéressés comprennent qu’ils sont à risque. Or comment cela peut-il être le cas s’ils sont persuadés d’être protégés par la couleur de leur peau ou leur origine ?

Poussée xénophobe

“Avec ces histoires, nous aurons bientôt d’autres problèmes”, déclare David Ajikobi. À 37 ans, ce journaliste travaille pour Africa Check, une organisation à but non lucratif dont le siège est en Afrique du Sud et qui compte quatre bureaux, dont un au Nigeria. Son site Internet démonte les fake news en permanence. Ajikobi a commencé à y travailler en 2016, il a été le premier au Nigeria à en faire un emploi à plein temps. “Après la détection d’un cas de Covid-19 au Nigeria le 28 février, le premier de l’Afrique subsaharienne, il y a tout de suite eu une foule de rumeurs en ligne”, ajoute-t-il. La densité de sa population fait que ce pays, le plus peuplé d’Afrique, est particulièrement menacé si l’épidémie de Covid-19 se propage.

“Les Chinois font déjà l’objet de discriminations, explique-t-il. On raconte qu’ils ont délibérément créé le coronavirus pour nuire, qu’ils sont sales et qu’il ne faut pas les approcher. Et les rumeurs ne s’arrêtent pas là. Tout d’un coup, c’est la faute du voisin chrétien, ou musulman, ou d’une autre tribu, ou de celui qui ne parle pas la langue locale.” Même si beaucoup de gens n’ont pas les moyens de s’acheter un smartphone ou des minutes de connexion à Internet, les fake news se répandent extrêmement vite, notamment parce que les stations de radio locales s’en saisissent et les annoncent à l’antenne. “Des millions de personnes entendent sans filtre les bêtises que quelqu’un a partagées avec ses connaissances”, déplore-t-il.

Africa Check a développé une messagerie automatique sur WhatsApp. Ce système de dialogue fondé sur les SMS s’appelle “Kweli” – “vérité” en kiswahili. On peut lui envoyer des informations à vérifier. Ajikobi ne s’efforce pas seulement de démonter le plus de fausses informations possible et de mettre les résultats sur les réseaux sociaux. Il organise également des ateliers pour former des journalistes, des étudiants et des travailleurs sociaux à mettre en question les informations, à ne transmettre que celles qui ont été vérifiées et à demander aux gens de se faire aider. David Ajikobi conclut :

Le gros problème ici, c’est que personne ne veut être celui qui a introduit le Covid-19 dans son village. Sinon, le village est fou de rage et te chasse. C’est pour ça que beaucoup de gens qui présentent les symptômes du Covid-19 ne se signalent pas auprès des cellules d’urgence. Ils préfèrent suivre des traitements obscurs dont ils ont entendu parler Dieu sait où.”

Anne Backhaus

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17 avril 2020

Vu sur internet - j'aime beaucoup

jaime22

17 avril 2020

Symbole - Voilà cinquante ans que les Rolling Stones nous tirent la langue

rolling

THE NEW YORK TIMES (NEW YORK)

L’emblème le plus reconnaissable de l’histoire du rock fête son demi-siècle. C’est l’occasion de revenir sur ses origines, souvent attribuées à tort à Andy Warhol. Son créateur est en réalité un étudiant londonien en art.

Plus encore que le bandana de Keith Richards ou que le déhanché de Mick Jagger, l’image évoquant immédiatement les Rolling Stones est ce logo représentant une bouche à la langue tirée. Le symbole orne les tee-shirts des fans du monde entier et s’est vu parodier un nombre incalculable de fois, “mais quand la commande a été passée, en avril 1970, l’artiste John Pasche ne pouvait imaginer à quel point son dessin se révélerait populaire – et lucratif”, relate le New York Times.

À cette époque, alors âgé de 24 ans, Pasche est étudiant en dernière année au Royal College of Art de Londres. Et il a été recommandé par l’institution aux Stones, ces derniers cherchant une affiche pour leur tournée européenne. Les premiers contacts et premiers essais sont infructueux, s’amuse le graphiste : “J’ai cru que c’était foutu. Mais Jagger m’a dit : ‘Je suis sûr que tu peux faire mieux, John’.” Ainsi le groupe maintient sa demande et ajoute qu’il souhaite “un logo ou symbole qui pourrait être reproduit sur des blocs-notes, sur la jaquette d’un programme ou d’un dossier de presse”.

Inspiration iconographique hindoue

Les recherches vont durer plusieurs mois. Mick Jagger a des idées bien précises : la simplicité et le caractère reconnaissable sont indispensables. Il oriente aussi John Pasche vers l’iconographie indienne, “alors très en vogue au Royaume-Uni”, signale le quotidien américain. La divinité hindoue Kali retient particulièrement leur attention, avec son trait distinctif d’une langue exubérante. Ce qui peut par ailleurs servir d’emblème de protestation ou de provocation. “C’est le genre de choses que font les gosses quand ils nous narguent en tirant la langue”, explique Pasche ; tout à fait l’esprit des Rolling Stones.

“Le logo a été produit rapidement à la fin de l’année 1970. La sortie de l’album Sticky Fingers, en avril 1971, opus emblématique du groupe, a marqué la première apparition de cette langue”, poursuit le journal new-yorkais. Aux États-Unis, deux artistes ont aussi travaillé sur le design de ce même album : Craig Braun (qui a donné sa forme définitive au logo) et Andy Warhol. Mais, contrairement à une idée répandue, ce dernier n’est donc pas à l’origine du symbole pop.

Retenu par la postérité, le dessin a été vendu pour 50 livres à l’époque (qui vaudraient 888 euros d’aujourd’hui, selon les calculs du New York Times), puis avec un bonus de 200 livres. John Pasche explique avoir commencé à toucher des royalties seulement quelques années plus tard et enfin avoir vendu le copyright pour 26 000 livres en 1982. S’il l’avait conservé, il “vivrai[t] probablement dans un château aujourd’hui”, dit-il en riant, mais il n’a pas souhaité se lancer dans d’interminables arguties judiciaires avec l’un des plus fameux groupes de rock.

17 avril 2020

Bronzage lorsqu'on est confinée....

bronzage

17 avril 2020

"Le gouvernement a compensé sa légèreté..."

«Le gouvernement a compensé sa légèreté en présentant ses choix comme les seuls possibles, ce qui est opposé à l’idée démocratique»

Par Thibaut Sardier 

Le président Emmanuel Macron lors de son intervention télévisée du lundi 13 avril, annonçant le prolongement du confinement jusqu’au 11 mai. Photo Denis Allard

Pour le politologue Samuel Hayat, et contrairement à ce que l’instauration de l’état d’urgence peut laisser penser, le débat démocratique n’est pas incompatible avec la crise sanitaire actuelle.

  «Le gouvernement a compensé sa légèreté en présentant ses choix comme les seuls possibles, ce qui est opposé à l’idée démocratique»

Docteur en sciences politiques et auteur du récent essai Démocratie (Anamosa, 2020), Samuel Hayat voit dans la période actuelle un miroir de l’état de notre vie démocratique hors confinement. Si le gouvernement français, comme les autres, n’a pas eu la partie facile, il a géré la situation sans instaurer un nécessaire débat public.

Diriez-vous que nous basculons un peu trop facilement dans une forme de «servitude volontaire» ?

Je ne dirais pas cela. Si nous acceptons la situation, c’est parce que deux choses viennent se mêler. D’abord, quand il est question de notre sécurité physique et de notre survie, l’Etat reprend nécessairement le dessus : il s’est historiquement construit comme cela, et nous avons été socialisés, comme citoyens, pour nous en remettre à lui. Ensuite, nous éprouvons un sentiment démocratique de réelle solidarité sociale avec les plus fragiles. Les appels à rester confiné pour protéger les anciens, les plus vulnérables, ont permis une acceptation large du confinement. Plutôt que d’y voir une forme de servitude volontaire, on peut considérer que nous avons intégré des normes de comportement - ou, pour parler comme Michel Foucault, des pratiques de gouvernement de soi - qui font que nous sommes à nous-mêmes nos propres régulateurs. Cela rend le discours guerrier et culpabilisateur des gouvernants d’autant plus dissonant que nous avons collectivement fait preuve de plus de responsabilité et de sérieux qu’eux-mêmes.

Pouvait-on vraiment se dispenser de cet appel à la mobilisation générale ?

En Allemagne et en Suisse où un véritable débat public a eu lieu, notamment à l’échelle des Länder et des cantons, les autorités ont été mieux capables de justifier les mesures de restriction de liberté, de garantir qu’elles seraient temporaires. Ce confinement a été plus discuté publiquement, il est donc moins sévère dans ses formes et moins policier dans sa gestion. Le danger réside dans le fait de ne pas offrir aux citoyens un débat public démocratique sur les différentes solutions à disposition (confinement, tests massifs, mesures de surveillance individuelle généralisée comme en Corée du Sud), alors que rien n’était inéluctable.

Certaines démocraties gèrent donc la crise de façon non démocratique…

En tout cas, il y a un problème quand on ne peut pas vraiment distinguer les réponses de certains Etats démocratiques comme la France de celles de régimes plus ouvertement autoritaires. Il faut bien sûr reconnaître que la situation n’était pas facile. Mais lorsqu’on refait la chronologie, on voit que le gouvernement français a compensé sa grande légèreté de janvier et février par un discours surmilitarisé et culpabilisateur en mars-avril, en présentant chaque fois ses choix comme les seuls possibles, ce qui est opposé à l’idée démocratique. Certes, l’épidémie n’annule pas la distinction entre démocraties et régimes autoritaires. Le problème, c’est qu’elle offre aux régimes autoritaires l’occasion de se dire plus efficaces que les démocraties pour protéger leurs citoyens. En ne se sentant pas tenues par leurs normes et leurs valeurs du fait de l’urgence, les gouvernements des démocraties prennent le risque de faire oublier à leurs citoyens la spécificité des régimes démocratiques : le fait que leur parole compte.

Quelles sont concrètement, en France, ces tendances peu démocratiques ?

Les tendances autoritaires, racistes, classistes, qui peuvent exister dans certaines franges de l’appareil d’Etat, et notamment dans la police, s’expriment parfois à plein, et les contrôles d’attestations s’exercent de manière très inégale. Nous ne sommes pas en train de basculer dans un Etat policier. En revanche, on observe une tendance centralisatrice et gouvernementale, un renforcement du poids de l’exécutif au détriment du législatif et du judiciaire, mais plus encore de ce qu’on pourrait appeler un «pôle citoyen». Le gouvernement et la présidence occupent presque toute la place de la parole publique, peut-être à l’exception des médecins. On a une sorte de monopolisation gouvernementale du discours de l’autorité, une tendance qui n’est pas nouvelle mais se trouve considérablement renforcée par la crise.

Comment interprétez-vous le discours actuel du gouvernement, qui se dit aussi prêt à soutenir l’économie ou l’hôpital «quoi qu’il en coûte» ?

Il y a beaucoup d’effets de manche, sans engagement réel. Mais plus profondément, cette crise révèle dans quel type de libéralisme s’inscrit Emmanuel Macron. Le libéralisme «historique», celui qui est né en Angleterre au XVIIe siècle, fait primer les libertés individuelles contre les défenseurs d’un Etat absolu. Avec Macron, on est plus proches du libéralisme conservateur d’un François Guizot qui fait passer l’impératif d’ordre public avant les libertés, et ne garde que le libéralisme économique. Le problème, c’est que ce libéralisme conservateur rénové a poussé au démantèlement de services publics qui révèlent aujourd’hui leur utilité, alors que dans le même temps, les mécanismes de marché montrent leurs limites. Macron apparaît alors pour ce qu’il est : le promoteur d’idées dépassées, inefficaces et, on le voit à présent, dangereuses.

Comment défendre les services publics ou les libertés individuelles dans la situation actuelle ? En désobéissant au confinement ?

En démocratie, les mouvements sociaux doivent essayer de convaincre publiquement du bien-fondé de leur action, et d’une certaine compatibilité avec l’intérêt général. Aussi, les groupes qui essaieraient d’exercer une pression protestataire en ne respectant pas le confinement seraient sûrement inaudibles et vus comme irresponsables. Il est possible d’organiser des mobilisations à distance, via le numérique, comme le font les universitaires avec le mouvement des facs et labos en lutte. Mais le mouvement social repose aussi sur le plaisir de la lutte collective, du contact humain, donc la mobilisation électronique a ses limites. Et puis les gens ne vont pas forcément bien, physiquement et psychologiquement, et dans ce cadre ajouter des injonctions à se mobiliser peut être contre-productif ; mais le temps de la protestation reviendra.

Quels enseignements politiques tirer de cette période ?

Cette situation révèle l’importance cruciale, face aux risques d’un renforcement de l’autoritarisme gouvernemental et policier, de l’activité collective. Si le gouvernement français a pu gérer la crise de manière aussi peu démocratique, c’est aussi qu’il n’a pas eu face à lui d’organisations massives et réactives, qu’il s’agisse de partis, de syndicats ou d’associations. C’est vrai en France comme ailleurs. Il faut regarder avec attention ce qui se passe dans une autre démocratie, où la situation est autrement plus grave pour les libertés publiques : l’Inde. La crise sanitaire et sa mauvaise gestion y ont laissé libre cours à la violence policière et aux instrumentalisations de l’épidémie contre les musulmans, alors que le pays vient de vivre de véritables pogroms. Ici comme là-bas, les mouvements sociaux sont les meilleures garanties contre un basculement autoritaire des démocraties.

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17 avril 2020

Christophe

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17 avril 2020

Porn, abréviation de pornographie en anglais

Porn, abréviation de pornographie en anglais : jusque-là, tout le monde suit. Mais porn est également un mot populaire qui saute sur la moindre opportunité pour se coller au derrière d’autres mots. Le food porn en constitue l’exemple le plus fameux, regroupant des millions de photos de nourriture dégoulinante. Par esprit de contradiction, le food porn range sous une même bannière deux attentes inconciliables : à notre gauche, le pur diététique ; à notre droite, l’aller simple pour l’obésité en passant par la case infarctus. Eros et Thanatos, douceur et danger, tension entre sublimation des désirs et trivialité la plus crasse… exactement comme dans le X (qu’on devrait logiquement rebaptiser porn porn).

Depuis ses timides débuts, notre terme s’est reproduit comme un lapin (l’animal, pas le sextoy) : cabin porn, cat porn, coffee porn, jazz porn (pour les amoureux de cabanes, de chats, etc.). Les raisons de ce succès tiennent à notre système de valeurs. Tout est gratuit sur Internet ? Comme le rappelle la formule culte, c’est donc que nous sommes le produit. Ce que démontre l’étymologie grecque de notre pornification de masse : le pornos et la pornê sont des prostitués. Quand vous exhibez fièrement votre intégrale de « La Pléiade » (cas flagrant de book porn), vous troquez votre snobisme contre de l’admiration. Soit du temps de cerveau disponible, devise contemporaine à forte valeur ajoutée.

En français littéraire, prostituer signifie aussi dégrader. Quand nous valorisons notre image, vendons-nous également notre âme ? De la photo macro au maquereau de la prostitution, il n’y aurait qu’un clic.

17 avril 2020

Saint Cado - pleine lune

saint cado lune

17 avril 2020

Nécrologie - Coronavirus : Luis Sepulveda, écrivain chilien, est mort du Covid-19

luis

Par Ariane Singer, Collaboratrice du "Monde des livres"

Détenu sous Pinochet puis exilé, l’auteur a gardé dans son œuvre l’empreinte indélébile de ses combats et de leurs inévitables désillusions. Atteint du Covid-19, il est mort à l’âge de 70 ans.

Lors de la soirée célébrant les 40 ans des éditions Métailié, le 21 octobre 2019, Luis Sepulveda, l’auteur fétiche de la maison, avait été très chaleureusement applaudi. Un lien particulier unissait le romancier et cinéaste chilien, né le 4 octobre 1949 à Ovalle, au nord de Santiago, et la maison fondée par Anne-Marie Métailié – laquelle, en publiant, en 1992, son premier roman, Le Vieux qui lisait des romans d’amour, jusque-là passé inaperçu en Espagne, a contribué à forger sa notoriété internationale.

Traduite dans une soixantaine de langues, cette histoire d’un homme veuf, grand connaisseur de la forêt amazonienne et de ses Indiens, se plongeant dans des romans pour échapper à la barbarie des hommes blancs, a conquis des millions de lecteurs dans le monde, charmés par le talent de conteur du romancier et la fausse candeur de son écriture.

Mais loin d’être un peintre naïf, jouant habilement sur la corde des émotions, comme on a pu le lui reprocher, Luis Sepulveda, mort le 16 avril, à Oviedo, en Espagne, à l’âge de 70 ans, était d’abord un militant de gauche à l’engagement chevillé au corps et à la plume. « Raconter, c’est résister », se plaisait-il à dire, en reprenant la devise de l’écrivain brésilien Joao Guimaraes Rosa. Selon la version qu’il donnait de sa vie, ce petit-fils d’un Andalou anarchiste, contraint de fuir l’Espagne pour s’exiler en Equateur puis au Chili (du côté paternel), et d’un chef indien Mapuche (par sa mère) s’était engagé dès 12 ans auprès des jeunesses communistes. Par la suite, son appartenance à la garde rapprochée du président Salvador Allende (1908-1973) lui avait valu, sous la dictature d’Augusto Pinochet (1915-2006), d’être condamné à vingt-huit ans de prison pour trahison et conspiration.

Engagé au Nicaragua aux côtés des sandinistes

Libéré en 1977 après deux ans et demi de détention, grâce à Amnesty International, moyennant un exil de huit ans en Suède, il avait choisi de se soustraire à sa peine en arpentant l’Amérique du Sud. Une aventure des plus fécondes. Un séjour auprès des Indiens Shuars, en 1978, destiné à étudier l’impact de la colonisation, lui avait ainsi donné la matière de son premier roman. Ses pérégrinations lui avaient également inspiré Le Neveu d’Amérique (1996), sans doute l’un de ses plus beaux livres, récit d’un long voyage, depuis l’Amérique jusqu’en Andalousie.

En 1979, ayant mis le cap sur le Nicaragua, il s’était investi dans la lutte armée aux côtés des sandinistes, dans la brigade Simon-Bolivar. Il en était revenu « déçu qu’une belle révolution ait fini en enfer à cause des infirmités de toujours : le dogmatisme, l’uniformisation et le manque de générosité créative », avant de s’expatrier en Allemagne. A Hambourg, il était devenu reporter et avait épousé une infirmière, dont il a eu trois enfants, avant de retrouver, des années plus tard, à Paris, sa première femme, une ancienne militante de gauche, comme lui.

Son œuvre, qu’il avait choisi d’écrire du côté des perdants, a gardé l’empreinte indélébile de ses combats et de leurs inévitables désillusions. C’est d’abord par le biais du thriller qu’il en a rendu compte, par un alter ego romanesque, Juan Belmonte, un ancien guérillero chilien des révolutions perdues de l’Amérique latine, dont il a fait le héros du livre Un nom de torero (1994), puis, plus récemment, de La Fin de l’histoire (2017), où celui-ci, retiré des affaires, repart régler ses comptes avec un ex-tortionnaire de la junte chilienne.

Une sensibilité profondément humaniste

Critique des dictatures latino-américaines, comme de la gauche, Luis Sepulveda n’en avait pas moins gardé une profonde nostalgie des années passées à défendre ses idéaux, comme dans L’Ombre de ce que nous avons été (2009), où il imaginait les retrouvailles, à Santiago, de trois anciens militants de retour d’exil, souhaitant mener une ultime action révolutionnaire. Pour Luis Sepulveda, l’amnésie était la pire des lâchetés. On trouve cette injonction à ne pas oublier ni à pardonner dans La Folie de Pinochet (2003), compilation d’articles dans lesquels il fustigeait l’indulgence de ses compatriotes vis-à-vis de l’ancien dictateur.

Très marqué par l’œuvre de son compatriote, le conteur et nouvelliste Francisco Coloane (1910-2002), comme par celle de Jules Verne, il tenait Ernest Hemingway pour son maître d’écriture en sobriété. Cette simplicité est la marque de ses livres, qu’il souhaitait accessibles au plus grand nombre et dans lesquels prévaut une sensibilité profondément humaniste. Elle s’exprime tant dans ses romans écologistes – un autre de ses combats depuis ses années passées en Allemagne (Le Monde du bout du monde, 1993) – que dans ses contes pour enfants (dont Histoires d’un chien mapuche, 2016). L’auteur, dont plusieurs livres ont été portés à l’écran, s’était lui-même essayé au cinéma avec Terre de feu (2000), coécrit avec Miguel Littin, et Nowhere (2002).

Après avoir renoncé à retourner s’installer au Chili, mais toujours attentif à la situation sociale et politique du pays, Luis Sepulveda avait fini par s’établir en 1996 à Gijón, ville des Asturies (nord de l’Espagne), dont il louait la « tradition de lutte politique instaurée par les mineurs et la fraternité qui y règne ». Une ville à son image.

17 avril 2020

Paris Match

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