Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

Jours tranquilles à Paris

18 avril 2020

Milo Moiré

milo33

milo35

milo36

Publicité
18 avril 2020

Pourquoi la référence aux “Jours Heureux” dans le discours de Macron ne passe pas

PAR Mathieu Dejean

“Nous retrouverons les Jours Heureux”, a promis Emmanuel Macron dans son allocution le 13 avril. Une référence historique au programme du Conseil National de la Résistance qui fait grincer des dents.

Depuis 2007, le documentariste Gilles Perret est engagé dans un vaste programme de défense et de mise en valeur de la mémoire du Conseil National de la Résistance (CNR). “On a fait des résistants des icônes, mais on a oublié leur projet !”, avait-il dénoncé en 2010, à l’occasion de la venue de Nicolas Sarkozy sur le plateau des Glières, qui accueille le monument national de la Résistance. Cofondateur de l’association Citoyens Résistants d’Hier et d’Aujourd’hui, il a réalisé trois films qui portent sur le programme du CNR : Walter, retour en résistance (2009), Les Jours heureux (2013) et La Sociale (2016). Alors qu’Emmanuel Macron a fait référence, dans son allocution du 13 avril, aux “Jours Heureux”, nous l’avons interrogé à ce sujet.

A la fin de son allocution du 13 avril, Emmanuel Macron a déclaré : “Mes chers compatriotes, nous aurons des jours meilleurs et nous retrouverons les Jours Heureux. J'en ai la conviction.” Comment réagissez-vous à cette référence au programme du CNR ?

Gilles Perret – Sur le moment je n’y croyais pas. C’est du même ordre que Nicolas Sarkozy citant Guy Môquet. Je me suis dit : non, pas lui ! Depuis une bonne centaine d’années, on n’a jamais eu un président aussi libéral qu’Emmanuel Macron, et donc aux antipodes du contenu et de la volonté du programme du CNR. J’avais juste envie de dire : tais-toi. Son numéro d’hier soir, je n’y crois pas une minute. Conclure sur les Jours Heureux, ce n’est pas possible.

Cette référence était-elle volontaire à votre avis ?

Bien sûr, je ne pense pas qu’il le dise à la légère, il sait très bien à quoi il fait référence, et c’est d’autant plus insupportable. Ce qui est à pleurer, c’est que les commentateurs à la télévision ne connaissent parfois pas la référence, et pensent qu’il nous souhaite le bonheur, en gros. C’est toujours assez pitoyable.

Pouvez-vous expliquer en quoi consistaient les Jours heureux ?

Quand je dis que c’est aux antipodes de la politique de Macron, c’est parce que le CNR est la grande période pendant laquelle l’Etat, les citoyens, le peuple reprennent le pouvoir sur l’économie. C’est cité dans le programme : l’intérêt général doit toujours primer sur l’intérêt particulier. Le texte fait référence à la domination de la finance dans les années 1930, à l’accaparement des richesses par une minorité, à la trahison des banques et des élites. Ils voulaient que l’Etat ait la main sur tous les secteurs qui sont prioritaires pour la vie d’une nation. Or, en tant que ministre de l’Economie, Emmanuel Macron a défait EDF – une création du CNR, qui avait nationalisé l’énergie, trop importante à ses yeux pour être laissée entre les mains du privé. Le parcours même de Macron, passé du privé au public, est contradictoire avec la volonté du CNR de séparer “les féodalités économiques du pouvoir politique”. Le niveau de collusion aujourd’hui entre ces pouvoirs est patent. Prenez le programme du CNR, et vous verrez que toute la logique de Macron est à l’opposé de ça, puisqu’elle subordonne les citoyens et le social à l’économie. Macron a tout fait pour détruire l’héritage du CNR, et pour que l’Etat ne soit plus là que pour éponger de temps en temps les méfaits du libéralisme.

On peut donc parler d’une récupération mémorielle ?

Oui, mais si on regarde l’ensemble de son discours, il y a une cohérence ironique. Ce discours aurait pu être tenu par Mélenchon ou Besancenot ! Alors, pourquoi ne pas faire une référence aux Jours Heureux ? Il a bien parlé de planification ! [“Il nous faudra bâtir une stratégie où nous retrouverons le temps long, la possibilité de planifier”, a déclaré Emmanuel Maron, ndlr] Si tu fermes les yeux, tu ne sais plus qui est à la télé.

“Sachons, dans ce moment, sortir des sentiers battus, des idéologies, nous réinventer – et moi le premier”, a-t-il également déclaré, comme pour justifier cette référence...

Mais le CNR, c’était de l’idéologie pure et dure ! Certaines personnalités politiques que j’interrogeais dans Les Jours Heureux prétendaient que ce programme était issu d’un simple accord entre tous les partis politiques, mais non ! Ce programme a été gagné dans le rapport de force. Les forces progressistes, principalement communistes à l’époque, étant fortement investies dans la résistance, le rapport de force dans la négociation pour écrire un programme était en leur faveur. Les partis de droite, ultraminoritaires, ont été obligés de signer, car ils ne représentaient rien à la Libération. Toutes les forces politiques en présence ont donc signé un programme à forte inspiration communiste et socialiste. C’est le rapport de force, et pas la belle idée du “en même temps” de Macron, qui l’a permis. C’est pour ça que dans le texte, la première partie est intéressante. Elle porte sur la lutte armée contre l’occupant, et sur la nécessité de se battre pied à pied pour avoir la légitimité nécessaire à imposer ce programme social à la Libération.

Cette référence prouve-t-elle que l’Etat social, et donc le programme du CNR, sont toujours d’actualité aujourd’hui ?

Oui, et c’est le combat que nous menons depuis 13 ans avec Citoyens Résistants d’Hier et d’Aujourd’hui. Je pense que même les libéraux, les gens de droite, inconsciemment savent qu’il faudra contraindre la finance, faire des plans d’investissement pour protéger l’environnement, reprendre en main l’énergie, car on sait que ça va mal finir. Le programme du CNR est issu du Front populaire de 1936 et de la Révolution française. Ce sont les grandes réflexions politiques et philosophiques de deux siècles. Mais pour qu’il arrive au pouvoir, il faut que le rapport de force soit favorable. Ça a été possible en 1945. Si le Covid fait que c’est possible en 2020, on s’en réjouira. Mais je ne suis pas dupe de la manipulation. Il va falloir s’occuper de la partie 1 du programme, la bataille sur le terrain et le rapport de force.

Propos recueillis par Mathieu Dejean

18 avril 2020

Jean Paul Gaultier

gaultier33

18 avril 2020

« Les Fêtes maritimes n’auront pas lieu en 2020 »

La décision de reporter les fêtes maritimes de Brest 2020 a été prise ce vendredi matin, lors d’un conseil d’administration exceptionnel en audio conférence. Le maire de Brest, François Cuillandre, précise qu’aucune nouvelle date, pour l’heure, n’a été arrêtée, mais que les fêtes n’auront pas lieu en 2020.

« Les Fêtes maritimes n’auront pas lieu en 2020 »

Propos recueillis par Rémy Quéméner

La décision de reporter les Fêtes maritimes de Brest 2020 a été prise vendredi matin. Le maire de Brest, François Cuillandre, précise qu’aucune nouvelle date n’a été arrêtée, mais que les fêtes n’auront pas lieu en 2020. Dans le sillage de Brest, Douarnenez a, de son côté, annoncé l’impossibilité de proposer son festival tel que prévu, du 15 au 19 juillet.

Comment a été prise la décision de reporter les fêtes maritimes de Brest 2020 ?François Cuillandre : J’ai réuni le bureau de Brest Événements Nautiques et ensuite le conseil d’administration pour faire adopter un projet de délibération visant à reporter les fêtes maritimes, suite aux événements que nous connaissons. Et quand je dis nous, ce n’est pas seulement la France, car cette fête est avant tout internationale. La priorité est donnée aujourd’hui à la santé. Nous avons pris cette décision avec, en toile de fond, les déclarations du président de la République, lundi soir. Notre décision consiste à dire : pas de fêtes maritimes en 2020, ni aux dates prévues (du 10 au 16 juillet 2020, NDLR), ni après. C’est trop compliqué dans une situation qui évolue au jour le jour.Avez-vous déjà réfléchi à une nouvelle date ?

La délibération demande à la structure des fêtes maritimes de préparer la suite. L’idée n’est pas d’annuler les fêtes, mais de les reporter au-delà du 31 décembre 2020, sans que la date ne soit fixée. Les choses sont très évolutives et on ne peut pas se permettre, pour l’heure, de fixer des dates. Est-ce que c’est 2021, est-ce que c’est 2022 ? Je ne sais pas. En tout cas, il faut pérenniser ces fêtes et cela a fait l’unanimité au sein des membres du conseil d’administration, dont les partenaires privés.

De nombreux bateaux, amateurs et professionnels, étaient inscrits. Comment évaluez-vous les conséquences économiques pour eux ?

Les personnes qui souhaitent être remboursées le seront. Que ce soient des particuliers qui avaient acheté des billets, ou des entreprises qui avaient réservé des bateaux. On est dans un cas de figure qui se pose à tous les festivals. Maintenant, nous verrons aussi si l’État prend des décisions pour sauver des festivals qui peuvent être financièrement menacés. On est ici dans un cadre commercial. Ce qui a été payé en avance sera remboursé, si les partenaires le souhaitent. S’ils désirent considérer que c’est une avance, on prendra cette décision avec intérêt. Après, c’est assez compliqué parce qu’il faut regarder contrat par contrat. On ne sait pas si tous les bateaux qui étaient prévus seront présents sur la nouvelle date. De la même manière, des bateaux qui ne pouvaient être présents en juillet 2020 le seront peut-être lors du nouvel événement

Avez-vous une estimation du coût d’un tel report ? En avez-vous discuté avec les assureurs ?

Pour l’instant, il n’y a pas de discussion. Cela se fera dans un cadre que l’État fixera, ou pas d’ailleurs. J’entendais à la radio que le Festival de Cannes hésitait entre un report ou une annulation. Il y a plein de situations différentes en France. On vit dans un État de droit.

À mes yeux, l’État ne peut pas considérer que chacun se débrouille dans son coin.

Faut-il s’attendre à une autre configuration, en raison des pertes engendrées par ce report ?

Il est trop tôt pour répondre à cela. On s’est posé cette question avant d’envisager le report, à savoir maintenir sous une forme plus réduite. Moi, je pense que la formule des éditions passées a montré son intérêt et son succès. Partir sur quelque chose de plus réduit ne me paraît pas être l’idée sur laquelle nous sommes aujourd’hui.

Des milliers de « goodies » avaient été imprimés pour Brest 2020 ? Que va-t-il advenir de ces objets ?

Ça ne fait pas partie des décisions, pour l’heure. Pourquoi ne pas imaginer, comme d’autres événements l’ont fait, que les fêtes maritimes, même si elles se déroulent à l’été 2021 ou 2022, s’appellent tout de même Brest 2020 ? (Malgré leur report en 2021, les Jeux Olympiques garderont le nom de Tokyo 2020 par exemple, NDLR). La décision n’a pas encore été prise, c’est une piste de réflexion.

18 avril 2020

Bettie Page

bettie

Publicité
18 avril 2020

Christophe, Laetitia Casta - Daisy

18 avril 2020

Christophe, paradis perdus

libé 18 avril

Par Christophe Conte 

L’auteur d’«Aline» et des «Mots bleus» est mort jeudi soir à 74 ans. Sa carrière de «beau bizarre» décadentiste et obsessionel égrène tubes rutilants et chansons hantées, le hissant entre Gainsbourg et Bashung au sommet du panthéon pop français.

C’était l’homme du confinement absolu, mais l’ennemi tout aussi absolu de la distanciation sociale. Capable de rester cloîtré des nuits entières en quête d’un son que lui seul entendrait une fois l’ouvrage terminé, Christophe avait aussi fait de son appartement-studio-musée-salle de poker du boulevard du Montparnasse le lieu de passage le mieux fréquenté d’un tout-Paris nyctalope qui l’avait élu maire adjoint aux mondanités délicieuses. Les restaurants ouverts à pas d’heure (un débiteur à bidoche des Halles, un japonais de Montmartre, etc.) lui gardaient toujours une table au cas où, des donzelles charmantes passaient lui lire des chapitres de Tendre est la nuit dont son hypermétropie le privait, disait-il - la bonne excuse !

Des musiciens de toutes époques et obédiences allaient et venaient également, en alternance avec des journalistes en quête d’une anecdote non encore déflorée du septuagénaire plus jeune que la plupart d’entre eux. Et lorsqu’il ne répondait pas aux textos, dans une syntaxe en cut-up à la ponctuation hasardeuse, synchrone avec son débit parlé, c’est sans doute qu’il croisait sur un voilier au large de Tanger, s’était claquemuré dans sa carapace de celluloïd pour mater 8 1/2 de Fellini en copie cinéma pour la huit millionième fois et demie, ou qu’il dormait parce qu’il était 14 h 30.

christopge

Phénix des variétés

Christophe était un mythe français accessible, un phénix des variétés donné mille fois cramé et sans cesse réinventé, un Astérix novö résistant à tout, aux modes comme à la ringardise, accessoirement le seul type capable de jouer aux boules avec Carlos à Saint-Tropez et de taper un duo avec Alan Vega, la voix de Suicide, dans la même journée. Mais, inlassablement, lorsqu’on lui posait la question, Christophe se présentait comme un bluesman. Son Delta : Juvisy-sur-Orge, banlieue sud-est, la Seine pour Mississippi. A la tombée de la guerre, le 13 octobre 1945, Daniel Bevilacqua voit le jour dans une famille italienne originaire du Frioul. L’arrière-grand-père Bevilacqua a débarqué à Juvisy avec des gars du pays à la fin du XIXe siècle pour y faire prospérer son entreprise de maçonnerie-fumisterie.

Le père de Daniel et de deux autres garçons, Gérard et Yves, donne quant à lui dans l’installation de chauffage central et tient un magasin d’électroménager, et sa femme fait chaque jour le trajet vers les beaux quartiers pour y exercer ses talents de couturière dans les grandes maisons de l’avenue Montaigne et du faubourg Saint-Honoré. La musique de la machine à coudre, ce beat frénétique qui crée de la beauté, fascine l’enfant distrait à l’école - il lâchera l’affaire en seconde -, tout comme le chant de l’ouvrière qui l’accompagne. La grand-mère, blanchisseuse rue Montmartre, chante aussi, et cette voix mêlée aux tambours des lessiveuses constitue lors des visites un autre objet de curiosité auditive pour l’acousticien en herbe qui ne cessera toute sa vie de tester des combinaisons accidentelles entre l’humain et les machines. Le son plus rude et coupant des guitares et l’accroche pour le blues, Robert Johnson et John Lee Hooker en messagers du diable, seront son autre obsession, mais pas tout de suite.

Trinité filles-rock-bagnoles

A 12 ans, il est envoyé en pension à Montlhéry (Essonne), et son seul lien avec le monde est un poste à galène en ondes moyennes à travers lequel lui parviennent des radios du Maghreb, avec le Coran hypnotique qui le berce chaque soir et lui donnera le goût des mélodies qui voltigent, peut-être celui d’un Orient fantasmé où il cherchera plusieurs décennies après sa ressource. Le rock le happe à la sortie, quand il profite du divorce de ses parents pour tailler sa route, souvent à fond la caisse, à tombeau ouvert dès qu’un volant lui passe dans les mains.

Le choix de Christophe naîtra de cette médaille du saint patron des voyageurs, offerte par sa grand-mère, qu’on aimante sur les tableaux de bord pour prémunir des accidents. Elle ne fera pas toujours effet. La trinité filles-rock-bagnoles, on peut en rigoler aujourd’hui, mais à la fin des années 50, il s’agit quasiment d’un programme universitaire pour ceux qui ont choisi de griller les feux et les étapes. La Fureur de vivre, même reconstituée à Juvisy, ça fait plus rêver que les chaînes de Billancourt à fabriquer les bolides des autres.

Avec la guitare de son frère Gérard et un pote plus aguerri qui s’époumone dans un harmonica et lui a fait découvrir le blues, Daniel s’exerce à cet art brut entre une virée en Simca et une séance de cinéma au Ciné Vogue de Juvisy ou au Calypso de Vitry. Avec son premier groupe, Danny Baby et les Hooligans, c’est également là qu’il essuiera les plâtres, à l’époque où les orchestres amateurs jouaient entre les films, le sien tentant de reproduire les hits américains de Presley et Cochran dans un yaourt - un Yop, dira-t-il plus tard, donnant ses lettres de noblesse à l’exercice - pas très frais. Daniel rêve aussi d’être acteur, mais au retour du service militaire il se métamorphose en Christophe et tente sa chance en solo sur la Côte d’Azur, où transitent l’été tous les musiciens amateurs et les premiers nababs de l’industrie musicale, puis à Paris.

Sa maîtrise du blues et du rock est certes rudimentaire, mais le garçon chante juste et clair et, dans le flot des ambitieux, sa petite dégaine de marlou taciturne, 1,65 m de nervosité romantique, ne tarde pas à taper dans l’œil des maquignons du disque. Son premier EP sort ainsi sous le label Golf Drouot, créé pour figer dans la cire les plus prometteurs parmi les candidats du tremplin de la rue Drouot, et c’est Eddie Barclay qui distribue. Mais Reviens Sophie fait un flop, avant qu’un autre prénom féminin ne devienne en 1965 l’un des plus distribués dans les maternités.

christophe casta

Avec sa traînée de violons et ses chœurs en intro, son allure de supplique cadencée pour faire tourner et pleurer à la fois, Aline est le slow qui déchire, celui qui lui collera aux basques toute sa vie sans que jamais il ne s’en plaigne. «C’est toujours ma chanson préférée car je lui dois tout le reste», avait-il l’habitude de dire, alors qu’elle aurait pu tout aussi bien le laisser sur le sable comme Pascal Danel, son grand rival chez Disc’Az, englouti sous les Neiges du Kilimandjaro. Les sixties défilent d’ailleurs en pointillé pour Christophe, et hormis un autre tube (les Marionnettes), il ne fait pas beaucoup d’étincelles chez les yéyés, écrasé par plus virils (Hallyday, Mitchell qui se fout de sa gueule dans Et s’il n’en reste qu’un), plus marrants (Dutronc, Ferrer ou Antoine) et plus flamboyant (Polnareff).

Sa vie privée va plus vite que sa carrière, il file un amour à toute blinde avec Michèle Torr, qu’il abandonne enceinte de leur fils, Romain, né en 1967. Il se fait choper à 200 km/h sur les Champs-Elysées en Lamborghini, et malgré la suspension de permis il projette de devenir pilote automobile professionnel. Au lieu de ça, en 1968, il intègre le cirque Alexis Grüss, glissant vers la fin de la décennie sur un toboggan sans fin de choix absurdes, au bout duquel il est miraculeusement réceptionné par l’homme qui va changer sa trajectoire, Francis Dreyfus.

Fondateur des éditions Labrador et du tout jeune label Motors, il embauche le créateur d’Aline, qu’il aidera à transformer en alien de la pop française grand style. Dreyfus le colle d’abord sur la musique d’un Lautner étrange, la Route de Salina (1970), avec Mimsy Farmer et Robert Walker Jr., et le résultat est prodigieux, irisé de clavecins et de chœurs de vestales, où Christophe se révèle (en anglais) comme un petit marquis baroque dont il ne manque plus qu’à bâtir le royaume et écrire le récit. Après plusieurs essais et quelques réussites (la Petite Fille du 3e, Oh ! Mon amour, Goodbye, je reviendrai), c’est Jean-Michel Jarre, un musicien lettré de l’écurie Dreyfus, parolier à ses heures, qui trouve la bonne hauteur et la langue majestueuse pour faire de Christophe un sérieux concurrent frenchy au glam anglais des Bowie et Roxy Music. L’androgynie vocale du chanteur et l’audace du compositeur-metteur en son - «Je fais du son, pas des chansons» sera désormais son mantra - transforment les albums en films sonores stupéfiants, avec Jarre en scénariste buñuelien.

Les pianos volent

Les Paradis perdus (1973) et les Mots bleus (1974) ne sont pas pour autant des chefs-d’œuvre maudits, mais des juke-box emballés dans la soie par les arrangements de Karl-Heinz Schäfer et Dominique Perrier, avec les studios Ferber comme atelier d’illusions sonores et de transfiguration du rock’n’roll en art décadent pour ce Des Esseintes symphonique qu’est devenu Christophe. Sous la plume de Jarre, avec les neuf minutes épiques du Dernier des Bevilacqua, il se fanfaronne en paria rital et flambeur et c’est beau comme du Dino Risi, quand pendant l’été 1974 dans les transistors, il semble qu’il sera 6 heures au clocher de l’église jusqu’à la fin des temps.

A l’Olympia, les pianos volent comme par magie grâce à Dominique Webb, et hormis Polnareff personne ici n’oserait lui disputer un challenge d’altitude. Il redescendra tout de même un peu après le départ de Jarre, avec le réussi mais inaperçu Samouraï (1976, Boris Bergman à la Remington), chantera la Dolce Vita à contretemps l’année du punk, et s’accommodera brillamment à l’asphalte sur le Beau Bizarre (1978, Bob Decout en tandem). Sans doute son disque le plus en liaison avec son horloge interne et sa nature profonde de macadam cow-boy, et dont le titre deviendra son surnom, décliné en «Labo bizarre» pour ses admirateurs ou «Nabot bizarre» pour les ignares.

christophe21

Les années 80 sont plus problématiques, démarrées avec Pas vu pas pris, bon disque rock, presque bashungien période Gaby, façonné avec son beau-frère Alain Kan (Christophe a épousé sa sœur Véronique, mère de sa fille Lucie), mais c’est la réédition d’Aline en 45-tours, ressortie des sables opportunément, qui cartonne en radio cette année-là. Kan disparaîtra sans plus jamais donner de nouvelles dix ans plus tard, en 1990, à une époque où Christophe est lui-même devenu un fantôme, dont le dernier succès (fou) date de 1983.

Fâché avec Dreyfus, enfermé dans son propre labyrinthe obsessionnel, à effacer les millions de pistes qu’il a enregistrées la veille, Christophe atterrit finalement chez Sony, pour un album, Bevilacqua, à la tonalité rétrofuturiste selon sa propre acception, c’est-à-dire rock’n’roll en hoquets électroniques, avec Alan Vega pour modèle (l’inverse est réciproque) et comme invité (Rencontre à l’as Vega). Commercialement, l’album marche au diesel, mais il permet à Christophe de mesurer sa cote d’amour auprès d’une presse spécialisée qui ne le lâchera plus, même s’il faudra encore attendre cinq ans avant le grandiose Comm’si la terre penchait (2001), avec cette fois un succès comptable à la clé (100 000 unités) et un retour triomphal à l’Olympia, dans une mise en scène de Dominique Gonzalez-Foerster qui éblouit encore la rétine des chanceux qui la vécurent.

Le démesuré Aimer ce que nous sommes (2008) coûtera le prix d’un building, et malgré son statut de démiurge chez les esthètes et sa veine au poker, Christophe devient un objet de luxe pour son label, Universal, qui peine à trouver un retour sur investissement. Pascal Nègre, à l’époque, lui suggère fermement d’enregistrer un album de duos avec ses anciens tubes, mais le vieux Mohican n’acceptera que si Bowie, Thom Yorke et Björk lui donnent la réplique. Le projet, forcément mort-né, rejaillira l’an dernier avec les deux volumes de Christophe, etc. et un casting plus modeste (Obispo, Mitchell, Arno, Daho, Doré, Armanet…), tous triturés des heures entières face au silence du boulevard du Montparnasse.

Avant cet exercice obligé, Christophe avait retrouvé Jean-Michel Jarre au soir d’un certain 13 novembre 2015, où coupés du massacre en cours les deux avaient écrit le troublant les Vestiges du chaos, titre qui baptisera son ultime grand œuvre, publié en 2016. Venu au piano sur le tard, l’objet encombrant désormais son salon parmi les vestiges chaotiques de sa vie de collectionneur maboul, Christophe se produisait à l’année en version intime (synthés-piano-voix), alternant avec des plus grandes formations, et devait encore reprendre la formule fin avril. Les dates ayant été reportées au mois de septembre, elles auront donc lieu finalement au paradis. Pas perdues pour tout le monde.

18 avril 2020

Keith Haring

keith61

18 avril 2020

Trump appelle ses partisans à “libérer” du confinement des États démocrates

trump666

COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

Vingt-quatre heures après avoir donné toute latitude aux gouverneurs américains pour planifier la réouverture de leurs États, Donald Trump a posté une rafale de tweets appelant ses partisans les plus fervents à “libérer” du confinement le Michigan, le Minnesota et la Virginie, trois États sous pavillon démocrate.

Ces derniers temps, le président américain n’a cessé de “démolir les gouverneurs démocrates, avant de dire que certains étaient devenus des amis, puis de les attaquer à nouveau”, observe USA Today.

La semaine écoulée en a été le parfait exemple, renchérit Politico : après avoir vanté jeudi la “compétence” des gouverneurs en leur confiant les rênes du déconfinement, Donald Trump a apporté vendredi “un soutien apparent aux manifestants qui ont défié les dirigeants des États frappés par le coronavirus, les experts de la santé publique et les membres les plus haut placés de son propre gouvernement”.

Dans une série de trois tweets lapidaires, en lettres majuscules, le président a appelé à libérer le Minnesota, le Michigan et la Virginie, “trois États où des citoyens mécontents se sont rassemblés ces derniers jours pour manifester contre le confinement ordonné par des gouverneurs démocrates”, précise le site internet.

Le New York Times rappelle qu’en “début de semaine, un millier de manifestants en voiture avaient provoqué un embouteillage monstre autour du Capitole à Lansing, Michigan, à l’appel de groupes conservateurs, pour protester contre les restrictions, préjudiciables aux petites entreprises”. D’autres s’en étaient pris à Gretchen Whitmer, gouverneur de l’État et bête noire de Donald Trump, aux cris de “Enfermez-la !”.

Vendredi, Mme Whitmer a espéré que les tweets présidentiels “n’encourageront pas de nouvelles manifestations”, avant de regretter que Donald Trump n’utilise pas plutôt son compte Twitter pour écrire : “Nous allons nous en sortir”.

Le quotidien de Detroit souligne en outre le caractère “paradoxal” des tweets présidentiels, alors que Donald Trump lui-même avait déclaré jeudi qu’il était “sur la même longueur d’onde que la plupart des gouverneurs du pays quant aux mesures à adopter pour contenir la propagation du virus”.

Réflexe électoraliste

Mais pour le Washington Post, c’est un réflexe électoraliste qui a motivé le président, à quelques mois d’une élection présidentielle chamboulée par le Covid-19.

“Tous les États, à part sept, ont ordonné à leurs habitants de rester chez eux pour vaincre le virus, mais Trump ne s’en est pris qu’à une poignée de gouverneurs démocrates. Et les trois États où Trump semble encourager la désobéissance civile sont considérés comme décisifs dans la campagne présidentielle”, observe le quotidien.

En 2016, Hillary Clinton avait remporté le Minnesota, et Donald Trump avait gagné dans le Michigan, tous deux d’une courte tête. La candidate démocrate s’était imposée plus largement en Virginie.

Lors de sa conférence de presse quotidienne, vendredi, le président a d’ailleurs réitéré ses critiques et tenu à défendre les manifestants, issus de la frange la plus conservatrice de ses partisans, rapporte The Daily Beast.

Donald Trump a estimé, sans donner de détails, que dans les trois États ciblés, “des éléments de ce qu’ils ont fait étaient trop excessifs”. Rien d’excessif, en revanche, chez les manifestants, qui ne font “qu’exprimer leur avis”.

“Je vois bien leur situation, et je sais comment ils fonctionnent”, a-t-il ajouté. “Ils m’ont l’air d’être des gens très responsables. Mais ils ont été traités un peu durement”.

En fin de journée, alors que le bilan de la pandémie aux États-Unis frisait les 35 000 morts, le président a également fait un geste en direction d’une autre population acquise à sa cause, les agriculteurs, en annonçant un plan de soutien de 19 milliards de dollars.

“Ce sont des Américains formidables”, a-t-il dit, selon The Hill. “Ils ne se plaignent jamais. Ils font juste ce qu’ils ont à faire”.

18 avril 2020

Vu sur internet

jaime37

jaime38

jaime55

Publicité
Publicité