« Je n’ai plus de réunion et en plus ce n’est pas de ma faute » : les adeptes du confinement
CHRONIQUE
Guillemette Faure
Ils ne l’avoueraient pas publiquement et peut-être même pas à eux-mêmes, mais une partie des confinés espèrent goûter le plus longtemps possible aux plaisirs de cette vie suspendue. Loin des soucis du bureau.
Des Français espèrent en douce que le confinement ne soit pas écourté trop rapidement.
Des Français espèrent en douce que le confinement ne soit pas écourté trop rapidement. Antoine Kremer/Hans Lucas via AFP
Depuis une dizaine de jours, un hashtag #stopconfinement est apparu sur les réseaux sociaux. Ceux qui le relaient relativisent souvent le nombre de morts du Covid-19 en les comparant à ceux de la canicule de 2003 qui, dans leur logique, n’a pas mis l’économie en quarantaine. Alors que Twitter est d’ordinaire un champ de contestations et d’injonctions, ce mot d’ordre n’a pas connu un grand succès. Au contraire, alors que le confinement dure, la grande majorité des Français y adhère, par raison ou solidarité.
Moins avouable : certains se régalent en douce des plaisirs du confinement, et à chaque intervention présidentielle, espèrent qu’il ne soit pas écourté trop rapidement. Si le déconfinement était annoncé pour demain, ils seraient pris de court et presque malheureux. Leur vie d’avant, celle avec une chemise repassée et des chaussures cirées, ne leur manque pas plus que ça : pourquoi faudrait-il retourner en réunion, retrouver des collègues qu’on n’aime pas et renouer avec un quotidien dans lequel on ne faisait que croiser ses enfants le soir en rentrant ? Le monde confiné est bien plus limité, mais il est aussi plus compréhensible et rassurant.
A quoi on les reconnaît
D’abord, ils ne vivent pas dans 20 mètres carrés. Et puis à l’annonce des deux premières semaines officielles du confinement, ils s’étaient fait mille promesses. Un mois après, les photos n’ont pas été triées dans des albums, et les murs et la moquette du salon n’ont toujours pas été lessivés. Si le déconfinement devait être annoncé brutalement alors qu’ils n’ont toujours pas trié leur tiroir à vieux chargeurs et leur armoire à pharmacie des médicaments périmés, ce serait l’échec.
D’autres fans cachés du confinement ont pris goût à une vie sans bousculade. Cette année, dès le matin du changement d’heure, ils ont pris le temps de re-régler la pendule du four. Grâce au télétravail, ils ont gagné trente minutes de sommeil par nuit et guettent le chant des oiseaux au réveil. Ils commencent tout juste à progresser en guitare et tutoient désormais des voisins dont ils ne connaissaient pas même l’existence en février (ils les prenaient pour des locataires Airbnb). Pourquoi faudrait-il renoncer à toutes ces minirévolutions ?
Comment ils parlent
« Je n’ai plus de réunion et en plus ce n’est pas de ma faute. » « J’ai fait les trois placards de la cuisine, demain j’attaque le tiroir à couverts. » « Je m’étais promis de faire les carreaux et ça fait déjà trois semaines. » « Je ne savais pas que c’était si facile de repriser des chaussettes. » « Avec quoi vous nettoyez vos rideaux de douche ? » « A force de regarder les tutos d’Eric le carreleur je serai au top pour les sols de la maison. » « De toute façon, je n’en suis pas encore à trente jours de cure de sébum. » (Un mois sans se laver les cheveux pour les fortifier.) « Quatre semaines que j’ai pas eu à faire le plein pour ma voiture. » « Ma carte bleue aime le confinement. » « On va pouvoir grouper les cadeaux de la Fête des mères, de la Fête des pères et de Noël. »
Leurs poncifs
Les journées filent à une vitesse. Je n’ai jamais autant profité de mes enfants. Ça remet l’essentiel et les priorités au centre de ma vie. Sans maquillage, ma peau respire enfin. Je voulais vivre comme ça depuis toujours mais ça n’aurait pas fait sérieux de le demander.