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Jours tranquilles à Paris
27 novembre 2019

Black Friday, le capitalisme débloque

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Moment de délire consumériste, ce jour de soldes est devenu la bête noire des jeunes mouvements écologistes, qui insistent sur la nécessité de repenser le système économique.

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27 novembre 2019

Marre de ce tutoiement obligatoire (et de la bise qui va avec)

Bruno Lavillatte est ancien professeur de philosophie, spécialiste de la Renaissance et poète. Il a publié plusieurs articles remarqués dans Médium. Dernier livre paru : Lelouch (Claude), Retenez bien ce nom... Petite histoire d'une incompréhension critique, éd. Ocrée, avril 2019.

Sympa le tutoiement ? Pas sûr. Il s’approprie l’autre sans ménagement (tu es des nôtres !), abolit la durée requise par une relation vraie, dont il efface les nuances. Un comble : en effaçant la distance, il ruine aussi l’intimité, dont il n’est plus le marqueur. Parfait pour les faux amis Facebook, mais pour le reste…

Cet article est à retrouver dans le "Carnet des médiologues", où vous pourrez retrouver Régis Debray et sa bande chaque semaine.

Nous ne sommes ni Romains ni Anglo-saxons ! Le « tu » latin est de mise jusqu’au 2ème siècle, moment où apparaissent certains vouvoiements dans quelques formules de politesse et le you anglais sert au singulier comme au pluriel ; c'est l'usage du prénom qui joue le rôle distinctif entre tu et vous ! Du reste, le prénom a tout autant la cote. Il parachève le tutoiement dès la première prise de contact, comme si on s’était quitté la veille.

Tutoiement obligatoire

La palme en revient à une émission de mi-journée sur RMC. Le tutoiement est obligatoire. Et forcé. Il y a quelques jours un auditeur qui prenait la parole était réticent au tutoiement : ce n’est pas dans mes habitudes ! Il a fini par céder sous la pression de l’animateur ! Et tout sonna faux.

Alors que dire de cette mode ? D’abord, que le tutoiement est l’appropriation de la conscience de l’autre. Dans sa totalité. Aucune mise à distance, aucun écart entre moi et l’autre. Je te parle donc tu m’appartiens, tu es des nôtres. Cette appropriation est immédiate et elle efface toute temporalité, toute durée vraie, toute inscription dans une histoire personnelle qui fonde le tutoiement, c’est-à-dire le temps.

L’allure générale de ce tutoiement fait démocratique et fait forum ! le débat ne se joue pas sur le fond mais sur l’incise du tu comme marqueur de vérité. Et paradoxe médiologique : cette fausse intimité, ce « fake », se trouve requis comme preuve d’authenticité !

Le vouvoiement est rejeté parce qu’il a l’indécence de la distance, donc de l’erreur possible et de l’insupportable principe d’autorité. Et portant de Gaulle vouvoyait Yvonne ! Entre eux, pas le moindre écart, au propre comme au figuré.

Ce tutoiement généralisé compense à l’oreille la pauvreté de notre débat politique et médiatique. Il fait croire que la proximité supposée du tu est proportionnelle à la profondeur de notre réflexion collective. On s’tutoie donc on pense.

Pis encore, il s’est transformé, à notre insu, en vrai marqueur totalitaire de notre pensée unique - je veux dire d’une opinion qui est nécessairement vraie parce que mienne – en une preuve que pour débattre, vaut mieux ne pas se connaître et faire comme si l’on se connaissait. De courte date, et ce sera encore mieux.

On s’tutoie donc on pense

Quant à l’invective qui doit faire le buzz sur les réseaux sociaux, elle est permise grâce au tu qui lui donne ses conditions d’existence. Sa légitimité. Après tout, on peut bien s’insulter puisqu’on est pote ! Pardon, ami !

Au fond, mon exaspération, due à certaines émissions de télé et de radio, vient de ce que le tutoiement n’est pas le gage d’une proximité interindividuelle ou de la valeur d’un débat mais plutôt son exact contraire. Je le trouve profondément suspect, ce tutoiement, faussement démocratique, mensongèrement populaire, politiquement faux-cul, à l’image de ce que les dirigeants fascistes de l'Italie, en interdisant dès1938 l'utilisation du Lei de politesse italien, avaient tenté de faire pour des raisons nationalistes. En supprimant le Lei, ce vous de politesse et d’histoire, ils avaient voulu faire du tu le faisceau linguistique convergeant et forcé d’individualités devenues insupportables à leur projet politique. Tiens, tiens !

25 novembre 2019

Enquête - Vieillissement : de Chirac à Macron, les présidents face à la vague grise

Par Matthieu Goar

Le poids croissant des seniors dans le corps électoral et leur surreprésentation dans l’isoloir orientent les choix politiques. Emmanuel Macron l’a appris à ses dépens, en essayant de taxer les retraités, avant de faire volte-face.

Planète grise. Tel un conseiller fiscal, le président de la République tient deux bulletins de pension de retraite dans ses mains. A ses côtés, le contribuable refait ses calculs autant qu’il interpelle : « En décembre 2017, voilà ce que j’ai perçu ; 1,7 point d’augmentation de CSG [contribution sociale généralisée], ça fait (…) 27 euros de retenue, vous êtes d’accord avec moi ? Pourquoi j’ai 100 euros de moins ? »

Sous l’œil attentif de son interlocuteur et devant les caméras, le chef de l’Etat compare chaque ligne, circonspect. « A mon avis, vous avez autre chose (…) parce que, avec la réforme, il n’y a que les 1,7 qui doivent bouger », répond-il, avant de promettre de régler la situation.

Ce jour-là, le 18 janvier 2019, à Saint-Sozy (Lot), Emmanuel Macron, le plus jeune président de la Ve République se confronte au ressentiment des seniors. Une nouvelle fois… Depuis janvier 2018 et la mise en place de la hausse de la CSG, les récriminations des retraités le rattrapent à chaque déplacement.

Au pied du mur démographique

Le 14 mars 2018, à Tours, une femme lui avait lancé : « Là, vous nous avez vraiment pompés… » Le 6 novembre de la même année, à Verdun (Meuse), un retraité le prévenait : « Vous allez le sentir le gros malaise le 17 novembre. » Quelques jours plus tard, les « gilets jaunes » s’inviteront sur les routes. Parmi eux, de nombreux sexagénaires et septuagénaires. « Certains de nos adhérents sont allés spontanément sur les ronds-points, se souvient Didier Hotte, secrétaire général adjoint Force ouvrière (FO), chargé des retraités. On remarquait aussi à nos rassemblements d’autres profils de retraités, par exemple des gens en costume. C’était le signe qu’il se passait quelque chose. »

Le signe que les retraités, une catégorie d’ordinaire plutôt discrète, étaient prêts à s’opposer. Cela a obligé l’exécutif à reculer. Car, comme ses prédécesseurs, M. Macron sait qu’il doit composer avec une France vieillissante. D’après l’Insee, les plus de 65 ans représentent 20 % de la population en 2019 (contre 15,5 % en 1998).

Une France des seniors surreprésentée dans l’isoloir, en raison notamment de la forte abstention des jeunes. Selon les estimations de l’institut Ipsos, 34 % des votants au premier tour de la présidentielle de 2017 avaient plus de 60 ans. Un taux qui a atteint 41 % au moment des européennes de mai 2019, largement plus que leur poids dans le corps électoral (32,9 %, au dire de l’Insee).

Depuis le début du XXIe siècle, les présidents de la République se retrouvent au pied du mur démographique. « La façon dont on s’occupe des seniors et des retraités en dit beaucoup sur notre politique : va-t-on vers une société plus nomade composée de personnes isolées ou reste-t-on attaché à la solidarité nationale ? », s’interroge Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains (LR) au Sénat, avant de reprendre une citation d’Auguste Comte : « La démographie, c’est le destin. »

« L’appétit sans limites » des « papy-winners »

Pour s’adapter à cette évolution sociétale, chaque quinquennat a connu sa réforme des retraites (2003, 2008, 2010, 2014, et peut-être 2020). Mais aussi ses mesures spécifiques.

En 1997, Jacques Chirac met en place la prestation spécifique dépendance, une aide réservée aux plus de 60 ans. En juin 2001, Lionel Jospin lance un plan de modernisation des maisons de retraite puis, en 2002, l’allocation personnalisée d’autonomie.

Des évolutions balayées par l’hécatombe de la canicule de 2003 : 15 000 morts, une crise mal gérée et un gouvernement mené par Jean-Pierre Raffarin perdu face à la grande solitude des plus anciens… En réaction, il institue, en 2004, une journée de solidarité destinée au financement d’actions en faveur des personnes âgées.

Pour encourager le travail des seniors, François Hollande imagine, en 2012, un dispositif original : le contrat de génération. Chaque entreprise de moins de 300 salariés reçoit une aide si elle embauche un jeune de moins de 26 ans en contrat à durée indéterminée (CDI), tout en maintenant un senior de plus de 57 ans dans l’emploi. Mais les négociations de branche s’embourbent et le dispositif se transforme peu à peu en une usine à gaz… Résultat : à la fin du mois de juillet 2015, seulement 40 300 contrats avaient été signés, contre un objectif de 220 000 à cette date.

Si les mesures se succèdent, les responsables politiques ne semblent pas avoir encore pris la mesure de la vague grise. En 2016, le candidat Macron change de philosophie. Lui veut réintégrer les seniors dans le jeu économique. A un mois et demi du premier tour, il lève le voile sur ses principales propositions : son idée-phare est de favoriser le pouvoir d’achat, en baissant les cotisations salariales. Qui paiera pour les actifs ? Les macronistes pensent aux retraités, dont la CSG augmentera de 1,7 point. Seule contrepartie : le minimum vieillesse sera revalorisé de 100 euros.

UNE PARTIE DES MEMBRES DE LA RÉPUBLIQUE EN MARCHE CONSIDÈRE QUE LES RETRAITÉS OCCIDENTAUX, « ASSIS » SUR LEUR PATRIMOINE, SONT DES PRIVILÉGIÉS

Prôné au nom de « la solidarité » entre les générations, ce mécanisme illustre un maillon essentiel de la pensée macronienne. La question intéresse depuis longtemps l’ancien énarque. En 2008, alors inspecteur des finances, il avait participé en tant que rapporteur aux travaux du conseil national des prélèvements obligatoires sur « la question de l’équité intergénérationnelle ». « L’analyse (…) met en évidence des transferts multiples qui s’exercent en faveur des classes d’âge de plus de 60 ans », peut-on lire dans le document. Lors de son ascension, M. Macron se pose en pourfendeur de la rente et de la thésaurisation. « Il est avant tout un homme de flux plutôt que de patrimoine. Ça vient aussi de son parcours », estime l’eurodéputé (LR) Geoffroy Didier.

Autour du futur président, une partie des « marcheurs » considère que les retraités occidentaux, « assis » sur leur patrimoine, sont des privilégiés. En 2013, Hakim El Karoui, futur soutien de M. Macron en 2017, écrit un livre intitulé La Lutte des âges (Ed. Flammarion, 15 euros), dans lequel il dénonce « l’appétit sans limites » des « papy-winners ». « La génération des baby-boomeurs est en train de partir avec la caisse. Non seulement ils coûtent très cher, mais en plus la valeur de leur patrimoine explose et la différence ne cesse de s’accentuer avec les moins de 50 ans, affirme l’essayiste, ancien membre du cabinet de Jean-Pierre Raffarin à Matignon. Cela pose une vraie question démocratique : comment un système dit d’intérêt général peut perdurer s’il est dirigé pour et par des gens qui veulent préserver la rente. »

L’automne des « gilets jaunes »

Malgré ce positionnement, les seniors ne se détournent pas du candidat d’En marche ! Au second tour de l’élection présidentielle de 2017, le futur chef de l’Etat conquiert ainsi 70 % des voix des sexagénaires et 78 % des suffrages des plus de 70 ans, selon les estimations d’Ipsos. « Les personnes les plus âgées, de par leur rapport à l’histoire, sont toujours les plus hostiles au vote Le Pen et veulent de la stabilité », analyse Stéphane Zumsteeg, directeur du département politique et opinion chez Ipsos.

Et une bascule inédite se produit au moment des élections législatives. En juin 2017, La République en marche (LRM) dépasse LR au niveau national chez les sexagénaires. Pour la première fois, le monopole de la droite sur cette population se lézarde. Avant de perdre au second tour de la présidentielle de 2012, Nicolas Sarkozy avait attiré 41 % des suffrages des plus de 65 ans, selon les estimations de l’IFOP. Eliminé au premier tour en 2017 après une campagne chaotique, François Fillon avait quand même capté 27 % des voix des 60-69 ans et 45 % des plus de 70 ans. Issu d’un gouvernement socialiste, M. Macron réussit, lui, le tour de force de séduire les seniors… tout en les ayant prévenus qu’il les taxerait.

Oui, mais, lorsque la hausse de la CSG est appliquée, la colère s’exprime. « Ça arrive au même moment que la suppression de l’impôt sur la fortune. Les retraités se disent qu’ils payent la politique en faveur des ultrariches », peste encore aujourd’hui un député de la majorité. De nombreux parlementaires alertent l’exécutif. « Je recevais des retraités qui touchaient 2 000 euros, mais devaient payer 800 euros d’Ehpad [établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes] pour un de leurs parents et avaient un enfant à domicile », se remémore Patrick Vignal, député (LRM) de l’Hérault.

L’automne des « gilets jaunes » sonnera le glas de cette mesure. Le 10 décembre 2018, M. Macron recule pour la première fois du quinquennat. « L’effort qui a été demandé était trop important et pas juste », assume-t-il. Le 25 avril 2019, lors de sa conférence de presse de sortie du grand débat, il promet même la réindexation sur l’inflation des retraites de moins de 2 000 euros au 1er janvier 2020, l’une des vieilles revendications des syndicats de retraités.

« Emmanuel Macron n’a pas fait une minute de pédagogie sur les richesses entre génération, regrette M. El Karoui. Ce devait être une grande mesure politique ; il a présenté ça comme une mesure comptable. »

Depuis, l’exécutif prend des pincettes avec les seniors. Le 24 septembre 2019, le gouvernement renonce au projet de suppression de l’exonération fiscale accordée aux personnes âgées non dépendantes quand elles emploient une aide à domicile. Ce revirement-là n’aura pris que quelques jours. Comme si la politique des seniors était devenue une matière inflammable…

24 novembre 2019

Mois sans alcool: associations et addictologues pestent contre la «dérobade de l’État» CARICATURES

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Le «Janvier sec» ne sera finalement pas soutenu par le gouvernement. Pour les associations et les addictologues, il s’agit d’une «dérobade de l’État», qui aurait cédé au lobby du vin.

Mois sans alcool: associations et addictologues pestent contre la «dérobade de l’État»

«Il y a eu des arbitrages sur un coin de table qui interrogent, alors que des budgets étaient fléchés et des gens au travail.»

Pour Nathalie Latour, déléguée générale de la Fédération addiction, l’abandon par le gouvernement du projet de «Mois sans alcool», qui devait se tenir en janvier prochain, est une «dérobade de l’État». Et pour cause, selon des associations et addictologues, Emmanuel Macron aurait cédé au lobby du vin.

En effet, lors de son déplacement en Champagne, le 14 novembre dernier, le Président de la République a rencontré des représentants de la filière. Dans une interview pour Vitisphère, le coprésident du Comité Champagne, Maxime Toubart, a déclaré que le Président leur a indiqué qu’«il n’y aura pas de Janvier Sec».

Une version que n’a ni confirmé ni infirmé les services de l’Élysée.

Le «Dry january» ou Janvier sec est une initiative venant d’outre-Manche, consistant à cesser ou ralentir sa consommation d’alcool le mois suivant les fêtes de fin d’année.

24 novembre 2019

Synthèse « Il faut que ça change » : des dizaines de milliers de manifestants contre les violences faites aux femmes

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Selon un décompte du cabinet indépendant Occurence, 49 000 personnes ont manifesté samedi à Paris, et des milliers d’autres dans toute la France contre les féminicides.

A deux jours de la fin du Grenelle contre les violences conjugales, plusieurs milliers de personnes ont manifesté, samedi 23 novembre, dans une trentaine de villes de France contre les violences sexistes et sexuelles. Elles étaient 49 000 dans les rues de Paris, selon un décompte du cabinet indépendant Occurence, réalisé pour un collectif de médias. Cette mobilisation était beaucoup plus importante que celle de l’an dernier, quand la marche dans la capitale avait rassemblé entre 12 000 (selon la police) et 30 000 personnes (selon les organisatrices).

Le collectif #NousToutes, à l’initiative de la manifestation, a salué « la plus grande marche de l’histoire de France contre les violences » sexistes, en revendiquant la présence de 100 000 personnes à Paris et 150 000 dans l’ensemble du pays. Près de 70 organisations, partis politiques, syndicats et associations (Planning familial, CGT, CFDT, EELV, LFI, PS, UNEF, PCF, SOS Homophobie…) avaient appelé à se joindre au défilé.

Depuis le début de l’année 2019, au moins 116 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, selon un décompte de l’Agence France-Presse (AFP). Sur l’ensemble de l’année 2018, le chiffre avait atteint 121 femmes victimes, selon le ministère de l’intérieur. Environ 213 000 femmes sont victimes chaque année de violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint, soit près de 1 % des femmes âgées de 18 à 75 ans, selon des données officielles.

A Paris, une marée violette pour demander « pas une de plus »

Dans la capitale, la manifestation s’est élancée en début d’après-midi de la place de l’Opéra en direction de celle de la Nation, réunissant entre 49 000 personnes, selon un cabinet indépendant, et 100 000 selon les organisateurs.

Derrière la banderole de tête tenue par l’Union nationale des familles de féminicide (UNFF), plusieurs personnes portaient des pancartes affichant la photo de leur proche assassinée. Parmi eux, les parents de Julie Douib, tuée en Corse le 3 mars. Pour son père, Lucien Douib, « c’est vraiment un combat, on est obligés de surmonter notre peine, il faut que ça change ».

En tête de cortège, plusieurs personnalités sont venues montrer leur soutien à la cause des femmes victimes de violences, notamment les comédiennes Muriel Robin, Julie Gayet, Alexandra Lamy, Nadège Beausson-Diagne, Anne Richard, l’animatrice Daphné Bürki et l’ancienne ministre Najat Vallaud-Belkacem.

Les pancartes étaient nombreuses pour rappeler que « la première cause de mortalité des femmes, c’est la violence des hommes », demander que « pas une de plus » ne trouve la mort en France et dans le monde, ou dénoncer l’« Etat coupable, justice complice ».

Dans une ambiance à la fois sérieuse, émouvante et joyeuse, les manifestants, souvent venus avec leurs enfants, arboraient des panneaux, bonnets et rubans violets, couleur qui symbolise les marches féministes du monde entier.

Des défilés dans une trentaine de villes en France

Une trentaine de marches étaient annoncées samedi, notamment à Lille, Bordeaux, Rennes, Strasbourg. Le premier cortège s’est élancé à 10 heures à Saint-Etienne (Loire), réunissant 220 personnes selon l’AFP.

A Toulouse, la marche a rassemblé plusieurs centaines de manifestants, qui scandaient « A bas, à bas le patriarcat », « On se laissera plus jamais faire ». Le traditionnel cortège des « gilets jaunes » a opéré la jonction avec le défilé féministe.

A Bordeaux, des milliers de personnes ont bravé la pluie pour défiler entre la place de la Bourse et la préfecture. Le cortège a marqué l’arrêt devant des bâtiments symboliques de l’action publique : la caserne de pompiers, le commissariat central de la place Meriadeck.

La marche de Rennes a rassemblé également plusieurs milliers de manifestants, avec en tête de cortège des femmes exilées et sans papiers, particulièrement exposées aux violences, selon Ouest-France, ainsi que des proches de victimes de féminicides.

A Grenoble, le cortège ne s’est élancé qu’à 16 heures, pour « se réapproprier l’espace public la nuit », selon une des organisatrices. Devant la préfecture, un décompte des victimes de féminicides a été lu à haute voix.

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24 novembre 2019

Après de nombreux incidents, un couvre-feu décrété dans la capitale colombienne

Dénonçant les mesures économiques, sociales et sécuritaires du gouvernement, des centaines de milliers de personnes avaient manifesté jeudi dans tout le pays.

Les « cacerolazos », concerts de casseroles, ont retenti pour une deuxième représentation en Colombie, au second jour de la grève générale. Un couvre-feu, d’abord décrété dans trois quartiers populaires du sud de Bogota, a finalement été étendu, vendredi 22 novembre, à toute la capitale de sept millions d’habitants, en réponse à des troubles et à des pillages dans la journée.

« A partir de 8 heures du soir [2 heures en France samedi] couvre-feu dans les quartiers de Bosa, Ciudad Bolivar et Kennedy. A partir de 9 heures du soir, dans toute la ville. Les deux couvre-feux vont jusqu’à 6 heures » samedi (12 heures en France), a précisé le maire de Bogota, Enrique Peñalosa lors d’une conférence de presse.

Mais une cinquantaine de personnes ont protesté le soir même en chantant l’hymne national devant le domicile du président, défiant le couvre-feu, a constaté l’Agence France-Presse (AFP). Ils se sont dispersés dans le calme, une heure après le début de l’extinction des lumières, tandis qu’ailleurs dans la ville, des habitants faisaient aussi, depuis chez eux, résonner casseroles et marmites.

Le ministre de la défense, Carlos Holmes Trujillo, a annoncé dans la nuit que les « actes de vandalisme » avaient été maîtrisés à Bogota. « Il n’y a pas d’actes de vandalisme actuellement, le couvre-feu est respecté à 90 %. »

Supermarchés pillés, heurts avec les policiers

Dès vendredi matin, M. Peñalosa avait annoncé l’instauration de la « loi sèche » (interdiction de vente d’alcool) jusqu’à samedi à la mi-journée, invoquant la crainte de « vandales » pouvant générer d’autres violences.

Malgré cette mesure, des supermarchés ont été pillés et des autobus attaqués dans la capitale. De nouveaux incidents ont également opposé des habitants du sud de la ville aux forces de l’ordre, près de stations de transport urbain, fermées en raison des dégâts la veille.

« Près de 20 000 » policiers et militaires étaient déployés dans Bogota, et ils ont procédé à environ 230 arrestations. « En aucune manière, nous n’allons permettre qu’une infime minorité de délinquants détruise notre ville », a affirmé M. Peñalosa.

Le président Duque a fait savoir sur Twitter avoir pris contact avec le maire pour une « évaluation et un suivi des récentes altérations à l’ordre public ».

Onze enquêtes préliminaires ouvertes

Plus tôt dans la soirée, le président Ivan Duque avait appelé à une « conversation nationale ». Elle « renforcera l’actuel agenda de politique sociale, en travaillant ainsi de manière unie avec une vision à moyen et long terme, qui nous permettra de combler les écarts sociaux », a déclaré le chef de l’Etat lors d’une allocution télévisée.

Des appels à de nouveaux « cacerolazos » avaient été lancés jeudi sur les réseaux sociaux. Cette forme de protestation, qui consiste à taper sur des marmites chez soi ou dans la rue, était jusqu’à présent inusitée en Colombie. Dénonçant les mesures économiques, sociales et sécuritaires du gouvernement, des centaines de milliers de personnes avaient manifesté jeudi dans tout le pays.

Le ministre de la défense, Carlos Holmes Trujillo, avait assuré vendredi matin que le pays était à nouveau « tranquille » après des incidents violents ayant suivi la veille la protestation majoritairement « pacifique ». Trois civils sont morts, et 122 autres ont été blessés, ainsi que 151 membres des forces de l’ordre, tandis que 98 personnes ont été arrêtées, cela dans diverses villes du pays, selon un bilan officiel.

Onze enquêtes préliminaires ont été ouvertes sur de « possibles agissements irréguliers » des forces de l’ordre envers des manifestants à Bogota, Cali (Ouest), Manizales (Centre) et Carthagène des Indes (Nord), selon le ministre.

23 novembre 2019

No comment...

5decembre

22 novembre 2019

Grève du 5 décembre : SNCF, RATP, Air France... Qui a déjà décidé de participer au mouvement social ?

Le front syndical contre la réforme des retraites s'étoffe de jour en jour. De nombreux syndicats appellent à la grève le 5 décembre, un écueil de plus pour l'exécutif.

De la SNCF aux poids lourds, de la RATP à Air France, en passant par EDF et les hôpitaux publics : les appels à faire grève le 5 décembre contre la réforme des retraites s'accumulent. Voici un état des lieux, deux semaines avant le jour J.

A la SNCF, quatre syndicats appellent à la grève

Les quatre syndicats représentatifs appellent à la grève. La CGT-Cheminots, l'Unsa ferroviaire et Sud-Rail ont signé un appel unitaire à un mouvement illimité pour défendre les retraites "de l'ensemble des salariés" car selon eux, "les régimes spéciaux [dont celui des cheminots] comme le régime général sont ciblés" par la réforme. Les voyageurs sauront "le 3 décembre dans l'après-midi" quels trains circuleront le 5, précise la direction de la SNCF.

La CFDT-Cheminots, restée jusqu'alors en retrait, a annoncé, jeudi en fin de matinée, vouloir déposer "dès ce soir ou demain" un préavis de grève reconductible à partir du 5 décembre. "Le gouvernement n'a pas mesuré les attentes des cheminots" qui ont "besoin d'être rassurés", a estimé son secrétaire général, Didier Aubert, à l'issue d'une réunion au ministère des Solidarités.

"Le 5 on commence, le 6 on continue", haranguait mardi lors d'une manifestation le responsable de la CGT-Cheminots. "Il y aura une grosse journée de mobilisation le 5, toutes catégories confondues", y compris dans l'encadrement où règne "un très fort mécontentement sur les retraites", a expliqué Laurent Brun à l'AFP.

A la RATP, ce sera "aussi fort que le 13 septembre"

Après l'électrochoc de la grève très suivie du 13 septembre, qui avait mis Paris quasiment à l'arrêt, les trois syndicats représentatifs de la régie appellent cette fois-ci à une grève illimitée contre la réforme.

"Le 5 décembre sera a priori aussi fort que le 13 septembre", estime Fabrice Ruiz de la CFE-CGC. "Ce sera une très grosse journée" au vu des "remontées du terrain et des déclarations des agents qui doivent prévenir à l'avance s'ils seront grévistes", explique Bertrand Hammache de la CGT. "On n'est pas très inquiets pour le 6 décembre", qui devrait voir la grève se poursuivre, note Thierry Babec de l'Unsa.

Dans le transport routier et urbain, deux syndicats pour une grève illimitée

La CGT et FO appellent à une grève illimitée dès le 5 décembre dans le transport urbain et routier de voyageurs, de marchandises, de fonds. Un appel qui concerne également les ambulanciers, les déménageurs et les taxis.

"On fait ce qu'il faut pour que ce soit suivi", a indiqué Patrice Clos de FO Transports et Logistique. "Pour le transport urbain et le transport routier de voyageurs, des notifications avant préavis de grève, assez nombreuses, ont été déposées", par exemple "à Lyon, Montpellier, Bordeaux", a-t-il précisé. Dans le privé, aucun préavis n'est nécessaire.

A Air France, un préavis de grève qui concerne le personnel au sol

Chez Air France, les syndicats de pilotes et ceux des hôtesses et stewards n'appellent pas à la grève. En revanche, trois syndicats particulièrement implantés auprès du personnel au sol ont déposé des préavis : FO, premier syndicat toutes catégories, qui souhaite un mouvement reconductible, comme la CGT. SUD-Aérien veut mobiliser le 5, en scandant "ni retraite à points, ni droits en moins". Les grévistes impliqués dans l'exploitation aérienne (navigants ou personnel au sol) doivent se déclarer individuellement au plus tard 48 heures avant le début du conflit pour permettre à la compagnie de s'organiser et d'informer ses passagers.

Chez les contrôleurs aériens, le SNCTA, premier syndicat, n'appelle pas à la grève, contrairement à l'USAC-CGT, numéro deux. Ces fonctionnaires sont soumis à un système d'astreinte destiné à assurer un service minimum mais une mobilisation importante pourrait engendrer retards ou annulations de vols.

Des avocats pour une "journée de justice morte"

Le Conseil national des barreaux (CNB) a voté, jeudi, en assemblée générale pour une "journée de justice morte", le 5 décembre, "tant pour continuer à défendre fermement les spécificités des régimes autonomes qu’en solidarité avec ceux qui ont à souffrir de l’absence d’écoute du gouvernement et de sa réforme dogmatique". Dans une lettre ouverte, les avocats annoncent avoir transmis une lettre ouverte à la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, pour dénoncer "la situation historiquement critique des relations" entre le ministère de la Justice et la profession d’avocat.

Dans cette lettre, le CNB réaffirme également son opposition au régime universel de retraite proposé par le gouvernement qui a "choisi unilatéralement l’exemple d’un avocat qui n’existe pas", soit celui qui "commence sa carrière à 23 ans (alors que la moyenne d’âge d’entrée dans la profession est de 28,1 ans et qu’en 2018, aucun avocat n’est entré dans la profession à cet âge".

Chez EDF, la CGT prône "des coupures dans les bâtiments publics d'Etat"

Plusieurs syndicats d'EDF, parmi lesquels la CGT, Force ouvrière et Sud, ont appelé jeudi, à leur tour, à la grève reconductible le 5 décembre pour protester contre la réforme des retraites, a appris franceinfo de sources syndicales. En revanche, la CFDT n'appellera pas à faire grève le 5 décembre, a indiqué jeudi à l'AFP le secrétaire général de la fédération CFDT Chimie-Energie, Dominique Bousquenaud.

La CGT appelle à la grève ainsi qu'à des "baisses de production d'électricité, des coupures en énergie des bâtiments publics d'Etat (hors lieux de santé)" ainsi que dans des entreprises de la branche, et à l'inverse à remettre le courant chez les particuliers où il aurait été "injustement coupé", selon un communiqué.

Des syndicats de policiers pour "une fermeture symboliques des commissariats"

Plusieurs syndicats de police, dont Alliance et Unsa, ont menacé, mardi, de se joindre au mouvement social du 5 décembre, si le ministère de l'Intérieur "ne répond pas à [leurs] attentes". Ils envisagent de lancer, le jour de mobilisation contre la réforme des retraites, des "actions de 10 heures à 15 heures dans tous les services de police", notamment la "fermeture symbolique des commissariats, le refus de rédiger des PV ou encore des contrôles renforcés aux aéroports et aux péages d'autoroutes".

Dans l'Education nationale, trois syndicats mobilisés

Dans l'Education nationale, les syndicats SNES-FSU, SUD-Education l'Unsa-Education appellent à une grève des enseignants le 5 décembre. D'autres syndicats de l'intersyndicale Education sont également mobilisés.

A l'hôpital, au moins un syndicat d'infirmiers veut faire grève

Après 8 mois de crise dans les hôpitaux publics, le gouvernement a annoncé, mercredi, une rallonge budgétaire et une reprise de dette étalées sur trois ans, ainsi que des primes pour les personnels. Pourtant, les personnels hospitaliers ne sont pas convaincus par ce nouveau "plan d'urgence" et prévoient de nouvelles journées d'action. Ces collectifs et l'ensemble des syndicats de la fonction publique hospitalière, dont la CGT, FO et la CFDT, ont estimé dans un communiqué commun que le gouvernement "ne répond pas à la gravité de la situation" et fixé deux nouvelles dates de mobilisation. Mais certains appellent aussi à se joindre à la journée de grève du 5 décembre.

"Nous avons donné un rendez-vous pour manifester le 30 novembre en fonction des annonces, ainsi qu’une journée de grève massive le 17 décembre. Les internes et les praticiens hospitaliers seront en grève le 10 décembre. Notre syndicat appellera à rejoindre le mouvement du 5 décembre", résume Renaud Péquignot, président du syndicat Avenir Hospitalier à Allodocteurs.fr. Le syndicat national des professionnels infirmiers a aussi annoncé, mercredi, qu'il allait continuer à faire grève : "Le 5 décembre, on sera là."

Dans d'autres services publics, le mouvement sera également suivi

Plus généralement, dans la fonction publique, la fédération FSU et la fédération CGT des services publics appellent tous les syndicats représentants des agents de la fonction publique à faire grève. Des syndicats de pompiers sont également sur le pont, tout comme ceux de La Poste.

Les "gilets jaunes" "à l'heure de la convergence"

Dans leur "Assemblée des assemblées" à Montpellier, des "gilets jaunes" ont voté, le 3 novembre, une proposition pour rejoindre la grève du 5 décembre contre la réforme des retraites. L'appel a été adopté à une écrasante majorité lors d'un vote à main levée, en séance plénière. "L'heure est à la convergence avec le monde du travail et son maillage de milliers de syndicalistes qui, comme nous, n'acceptent pas", ont-ils ensuite précisé dans un communiqué de presse. "L'Assemblée des assemblées de Montpellier appelle les 'gilets jaunes' à être au cœur de ce mouvement, avec leurs propres revendications et aspirations, sur leurs lieux de travail ou sur leurs ronds-points, avec leurs gilets bien visibles !", ajoutait le communiqué.

Les syndicats étudiants et lycéens veulent "maintenir la pression"

Plus de dix jours après l'immolation d'un étudiant devant un Crous de Lyon, le mouvement étudiant ne décolère pas et réclame des mesures pour lutter contre la précarité étudiante. Surfant sur la grande grève, le syndicat Unef a appelé à manifester le 5 décembre pour "maintenir la pression" sur le gouvernement et exiger une réévaluation des bourses universitaires. Il a été rejoint par d'autres organisations syndicales et de jeunesse, FIDL, MNL, UNL.

22 novembre 2019

Le vieillissement va transformer le marché du travail

Par Marie Charrel

Sous l’effet de l’allongement de l’espérance de vie, la part des seniors au sein de la population active va augmenter. Une révolution à laquelle les entreprises, comme les systèmes de formation, sont encore peu préparées.

Planète grise. Quelque chose de Robocop, ou bien d’une nouvelle d’Asimov : à première vue, ces étranges accoutrements semblent tout droit sortis d’un classique de science-fiction. Sur l’un des modèles, deux structures métalliques plaquées aux jambes aident à porter des poids élevés. Sur l’autre, une demi-armure fixée aux épaules facilite les mouvements vers le haut, tout en soutenant la nuque.

« Nous testons ces exosquelettes dans de nombreuses usines, comme celle de Munich : ils soulagent les ouvriers effectuant des tâches répétitives sur les chaînes d’assemblage », explique Christin Hölzel, responsable des questions ergonomiques chez BMW. Objectif : protéger au mieux leur santé. En particulier celle des seniors, afin de leur permettre de conserver leur poste aussi longtemps que possible.

Audi, Daimler, Volkswagen : aujourd’hui, la plupart des groupes industriels allemands déploient des technologies similaires, tout en révisant leur organisation du travail pour simplifier le quotidien des salariés les plus âgés.

« Ils ont compris qu’ils n’avaient pas tellement le choix, souligne Hannes Zacher, spécialiste de l’organisation du travail à l’université de Leipzig. Du moins, s’ils veulent être en mesure d’affronter le déclin à venir de la population active. »

SELON UNE ÉTUDE DU CABINET DELOITTE MENÉE AUPRÈS DE 11 000 ENTREPRISES DANS LE MONDE, LA MOITIÉ D’ENTRE ELLES N’ONT RIEN PRÉVU POUR ACCOMPAGNER LES SALARIÉS DE PLUS DE 55 ANS

Celui-ci s’annonce vertigineux. D’ici à 2050, l’Allemagne, 83 millions d’habitants aujourd’hui, perdra 11 millions de personnes en âge de travailler, selon la Fondation Robert-Schumann, tandis que la population active de l’Union européenne (UE, 513 millions d’habitants) fondra de 49 millions d’individus. « C’est la double conséquence du vieillissement et de l’allongement de l’espérance de vie : nous allons travailler plus longtemps, et pas seulement pour financer nos retraites, résume Martin McKee, professeur de santé publique à la London School of Hygiene and Tropical Medicine. A condition de pouvoir le faire dans de bonnes conditions. » Et que des aménagements soient prévus pour ceux qui, en raison de la pénibilité de leur emploi, ne seront pas en mesure de le faire.

Problème : à l’exception de quelques pionniers de l’automobile allemande, très peu d’employeurs sont préparés à cette révolution grise. Selon une étude datée de mars 2018 du cabinet Deloitte menée auprès de 11 000 entreprises dans le monde, la moitié d’entre elles n’ont rien prévu pour accompagner les salariés de plus de 55 ans.

Pis, les clichés sur ces derniers ont la vie dure : 20 % des sondés perçoivent les seniors comme « un désavantage compétitif », voire un obstacle à la promotion des jeunes talents. « Avec le sexe, l’âge est le premier motif de discrimination au travail, loin devant l’origine ethnique », notent Emmanuelle Prouet et Julien Rousselon, spécialistes de l’emploi chez France Stratégie, et auteurs d’un rapport sur le sujet paru en octobre 2018.

Pas étonnant, dès lors, que le taux d’emploi des 55-64 ans soit nettement plus bas que celui des 25-54 ans, en particulier en France : 52,1 %, contre 80,6 % pour les 25-54 ans, d’après Eurostat. S’ils sont en moyenne mieux payés et plus souvent en contrat à durée indéterminée (CDI) que leurs cadets, ils ont en revanche bien plus de mal à retrouver un poste lorsqu’ils sont au chômage.

« Tensions sur certains créneaux »

Pourtant, les études sur leurs performances au bureau battent en brèche les idées reçues sur le sujet : « Les plus de 50 ans ne sont pas moins productifs que les jeunes diplômés », résume Stefano Scarpetta, spécialiste de ces questions à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Mais la nature des compétences évolue : si les seconds sont plus à l’aise avec les changements rapides et les nouvelles technologies, les premiers commettent moins d’erreurs – les vertus de l’expérience – et ont une vue d’ensemble plus fine. « Les entreprises qui l’ont compris privilégient les équipes mixtes, favorisant les échanges entre générations », remarque M. Zacher.

Comme lui, les spécialistes du management prônent une série de mesures favorisant le maintient dans l’emploi des plus de 60 ans : plus de flexibilité horaire, la possibilité de faire du télétravail ou encore de cumuler emploi et retraite. Reste l’épineux sujet des salaires relativement élevés de ces derniers, souvent évoqués comme un obstacle à leur embauche – ou un prétexte à leur licenciement.

La question est plus complexe qu’il n’y paraît. Lorsque l’on quitte les lunettes de l’employeur pour chausser celles du macroéconomiste, le constat varie du tout au tout selon le pays et l’avancement de la transition démographique. Au tournant des années 2000, l’arrivée massive des baby-boomeurs à l’âge de la cinquantaine, conjuguée aux différentes réformes des retraites et à l’augmentation du travail féminin, a fait grimper le taux de participation à l’emploi des 55 à 64 ans de 33 % à 55 % en moyenne dans l’OCDE en vingt ans. Un bond qui a plutôt eu tendance à freiner la hausse des salaires en Europe. Au grand désarroi de la Banque centrale européenne (BCE), désemparée devant la faiblesse de l’inflation.

Mais lorsque les générations d’après-guerre seront massivement parties à la retraite, les tensions sur les salaires pourraient réapparaître, prédisent nombre d’économistes. En particulier sur ceux des 25-30 ans, dont les profils seront en pénurie. Ce qui pourrait profiter… aux seniors. « On observe déjà ces tensions sur certains créneaux, comme l’informatique, confie le DRH d’une PME parisienne. Les diplômés à peine sortis d’école deviennent si gourmands que, désormais, nous préférons embaucher des quinquas. »

Encore faut-il que les compétences de ces derniers soient à jour. L’allongement de l’espérance de vie remet profondément en question le triptyque études-travail-retraite sur lequel nos systèmes sociaux se sont construits à l’après-guerre. « Une partie des enfants naissant aujourd’hui vivront 100 ans : comment imaginer qu’ils arrêtent de se former à 25 ans ? », résume M. Scarpetta. Plus la vie professionnelle sera longue, plus la formation continue et la validation régulière des acquis seront indispensables.

« Automatisation des postes »

D’autant que la nature même de nos emplois va évoluer, en partie sous l’effet de la révolution technologique. « L’automatisation des postes devrait accélérer pour compenser une partie de la baisse de la population active », observe Nicholas Gailey, coauteur d’un rapport sur la démographie pour la Commission européenne. Il faudra des techniciens et des ingénieurs sachant les manœuvrer, et des formations pour ceux dont les emplois seront remplacés.

Ce n’est pas tout : la demande au sein de nos économies va aussi se transformer du fait du vieillissement. Celles-ci seront moins gourmandes en biens industriels, mais plus consommatrices de services, notamment de proximité, prévoit ainsi l’OCDE. Là encore, les qualifications devront s’adapter à ces nouveaux besoins.

Reste une question clé : les pays où l’âge moyen de la population active dépassera les 50 ans seront-ils moins innovants que les nations jeunes – au détriment de la croissance ?

Une fois de plus, la réponse est complexe. Prenons le Japon : ses dépenses de recherche (publiques et privées) sont parmi les plus élevées de l’OCDE (3,20 % du produit intérieur brut, selon la Banque mondiale, contre 2,8 % aux Etats-Unis), et il dépose davantage de brevets (2 063 pour 1 million d’habitants en 2017) que les Etats-Unis (902) ou la Chine (899), à en croire l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Mais ces brevets sont sous-utilisés, car les Japonais créent peu de start-up : les trois quarts des petites entreprises nippones ont plus de dix ans d’ancienneté, contre moins de la moitié dans le reste de l’OCDE.

Dit autrement, l’Archipel ne manque pas d’innovations, mais d’entrepreneurs. Peut-être parce que les seniors ont plus de mal à décrocher des prêts pour lancer leur business. Ou parce qu’en occupant les postes de management clés dans les entreprises, ils empêchent les jeunes recrues d’acquérir les compétences indispensables pour se lancer à leur tour, suggèrent les travaux des économistes James Liang, Hui Wang (université de Pékin) et Edward Lazear (Stanford). Selon eux, l’accroissement d’une année de l’âge médian dans un pays diminue le taux de création de nouvelles entreprises de 2,5 points.

Mais cela ne signifie pas pour autant que les seniors participent moins à la vie commune. « Sans leur implication, le monde associatif, les petites mairies, la garde informelle des enfants ou même les copropriétés ne pourraient tout simplement pas tourner dans notre pays », souligne Alain Franco, président de l’Université inter-âges du Dauphiné. Tout en regrettant que cette précieuse contribution soit trop peu prise en compte dans les représentations sociales, comme dans la mesure de l’activité économique.

20 novembre 2019

Les seniors, un eldorado économique à conquérir

Par Juliette Garnier, avec le service économie

Planète grise 2/6. Le vieillissement de la population contraint tous les secteurs à revoir leur copie pour s’adresser à cette cible. Une manne devenue stratégique.

Plus aucun chef d’entreprise ne peut ignorer les mutations démographiques à l’œuvre en France. A l’horizon 2040, le pays comptera 10,6 millions de personnes âgées de plus de 75 ans, contre 6 millions aujourd’hui, d’après les projections établies par l’Insee. Financement des systèmes de retraite et de santé, défi de la grande dépendance…, les craintes sont nombreuses. Mais que peut-on espérer en matière d’emploi ou de produit intérieur brut ?

La « silver économie », c’est-à-dire l’ensemble des marchés, activités de services et ventes de produits liés aux personnes de plus de 60 ans, représente aujourd’hui environ 8 900 milliards de dollars (8 040 milliards d’euros) par an en agrégeant l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France et l’Italie. Ce qui, virtuellement, en fait l’équivalent de la troisième puissance économique de la planète, derrière les Etats-Unis et la Chine, selon Natixis. Ce mastodonte pourrait atteindre 24 500 milliards de dollars d’ici à 2050.

« Tous les secteurs économiques sont concernés par le vieillissement de la population », prévient Sophie Schmitt, consultante chez Seniosphère, un cabinet spécialisé dans le marketing auprès des personnes âgées. En vue de l’adoption d’une loi sur la perte d’autonomie, le gouvernement va organiser en fin d’année une grande conférence sociale autour des métiers du grand âge. Il y a urgence. En effet, la France doit pourvoir 92 300 emplois d’aides auprès des personnes âgées dans les cinq ans. Le secteur privé est aussi mobilisé. Beaucoup d’entreprises travaillent à l’élaboration de produits et de services adaptés aux retraités, jugés actifs jusqu’à l’âge d’environ 75 ans.

Pour nombre de secteurs, cette population constitue d’ores et déjà une manne. Car, en France, ces consommateurs sont plus aisés que d’autres : le niveau de vie médian des personnes de 65 à 74 ans atteint 22 620 euros par an, soit près de 9 % de plus que pour l’ensemble des Français, à en croire les statistiques de l’Insee datées de 2017.

Les seniors font par exemple la fortune de l’industrie de la croisière. En 2018, ils ont représenté « 20 % des 29 millions de croisiéristes dans le monde », signale Erminio Eschena, président pour la France de l’Association internationale des compagnies de croisières. Si leur panier moyen est identique à celui d’autres clients, ils présentent le grand avantage de réserver des voyages plus longs. D’où l’offre du britannique Cruise & Maritime Voyages (CMV), qui propose des tours du monde en cent vingt-trois jours.

Autre chiffre éloquent : en Europe, les plus de 60 ans comptent pour 40 % dans les dépenses de santé. C’est bel et bien « grâce aux papy-boomers », convient Michaël Tonnard, directeur général d’Audika, que les ventes de prothèses auditives progressent « de 5 % à 8 % par an ». L’enseigne aux 600 points de vente dans l’Hexagone a ouvert « en 2019 un magasin par semaine », assure le dirigeant.

Sa stratégie en dit long. Audika évite soigneusement les centres-villes, qui ne sont « pas assez accessibles en voiture », prétend M. Tonnard. Car les seniors sont férus d’automobile. Ce sont eux qui poussent les portes des concessions. De fait, 54 % des voitures neuves sont achetées par des personnes de plus de 55 ans, d’après les données d’AAA Data. Les seniors préfèrent les Renault, Peugeot et Citroën aux Dacia.

L’autonomie, maître mot de la « silver économie »

Cette passion pourrait faire le bonheur des constructeurs de voitures autonomes. Aux Etats-Unis, en septembre, la start-up Voyage a levé 31 millions de dollars auprès de Chevron et Jaguar afin de développer des robots taxis circulant à petite allure dans des résidences pour seniors de Californie et de Floride. Au Japon, où 20 % de la population a plus de 70 ans, la voiture sans chauffeur est perçue comme un moyen de lutter contre la mortalité sur la route (56 % des accidents mortels impliquent des conducteurs de plus de 65 ans).

L’autonomie est le maître mot de plusieurs piliers de la « silver économie ». Beaucoup d’entreprises s’adressent ainsi aux personnes âgées et à leur famille pour maintenir leur présence à domicile le plus longtemps possible et, ce faisant, éviter ou retarder l’entrée en maison de retraite, jugée traumatisante. Encore faut-il équiper les logements de rampes, de sols antidérapants et d’autres dispositifs idoines.

LE POTENTIEL QUE REPRÉSENTE LE MARCHÉ DE LA PERTE D’AUTONOMIE N’A PAS ÉCHAPPÉ AUX COMPAGNIES D’ASSURANCES, QUI VENDENT AUX PERSONNES ÂGÉES DES PRODUITS SPÉCIFIQUES LIÉS À LA DÉPENDANCE

L’aménagement de 2 millions à 2,5 millions de logements français est en jeu. Pour accélérer un tel chantier, le Conseil national de la « silver économie » a présenté seize propositions, le 19 septembre. Les auteurs préconisent notamment la création d’un label permettant d’identifier les artisans spécialisés et de créer une commission annuelle au sein des bailleurs sociaux.

Le potentiel que représente le marché de la perte d’autonomie n’a pas non plus échappé aux compagnies d’assurances, qui vendent aux personnes âgées des produits spécifiques liés à la dépendance. Ces contrats sont censés couvrir une partie des frais d’une maison de retraite ou d’une aide à domicile. Toutefois, ce marché reste balbutiant. Seulement 7,1 millions de personnes bénéficiaient d’une « couverture dépendance » en 2017, selon la Fédération française de l’assurance. Il faut dire que ces contrats proposent des garanties très hétérogènes et imposent délais de carence et de franchise.

Les seniors incarnent aussi une cible de choix pour les opérateurs télécoms. Orange choie cette clientèle. Preuve en est, 282 de ses 600 boutiques en France sont déjà labellisées « autonomie ». Des conseillers y ont été formés pour accueillir ceux que la technologie rebute. Le PDG de La Poste, Philippe Wahl, considère cette population comme un relais de croissance, alors que les revenus afférents à l’acheminement du courrier s’écroulent (en 2018, il ne pesait plus que 28 % de son chiffre d’affaires).

Le groupe a notamment lancé l’offre « Veiller sur mes parents ». Moyennant 19,90 euros par mois, le facteur rend régulièrement visite à une personne âgée et en fait le compte rendu à ses proches. Pour le même prix, La Poste propose en outre de la téléassistance. Elle a aussi racheté des sociétés de services, pour des prestations à domicile. Les revenus issus de ce nouveau métier restent encore très modestes, mais « les besoins sont là, portés par le vieillissement de la population », insiste M. Wahl.

Ce constat est partagé par les investisseurs. Pierre Kosciusko-Morizet et Pierre Krings, qui ont fait fortune avec PriceMinister – revendu au japonais Rakuten en 2011 pour 200 millions d’euros –, ont investi dans Ouihelp. Ce réseau d’agences d’auxiliaires de vie a levé 3 millions en 2018. La même année, son concurrent, Petits-fils, réseau au service des grands-parents fondé par deux jeunes entrepreneurs Pierre Gauthey et Damien Tixier, a, lui, été repris par Korian, gérant de maisons de retraite né de la fusion de trois opérateurs en 2014.

Conversion à Internet

De fait, les opérations de fusion-acquisition se multiplient. En 2015, le danois Demant, numéro un mondial de la prothèse auditive, a repris le français Audika, à la barbe de l’italien Amplifon. Les fonds d’investissement sont aussi sur les rangs pour mettre la main sur les Damart, Daxon et autres marques pour seniors.

En juin 2019, Activa Capital a ainsi cédé le site d’e-commerce Atlas for Men à un autre fonds, Latour Capital, lors d’un LBO (opération de rachat par effet de levier). Car, avec ses vêtements « taillés pour l’aventure », Atlas for Men, ancienne filiale des Editions Atlas, fait un tabac auprès des plus de 60 ans. Au grand dam de Decathlon, il est le deuxième vendeur de polaires, péché mignon des retraités aux cheveux blancs. Marc Delamarre, son PDG, vise « 250 millions d’euros de ventes en 2020 ».

Atlas for Men n’est pas le seul à bénéficier de la conversion des personnes âgées à Internet. Damart en tire 20 % de son activité. Désormais, 60 % des plus de 60 ans se rendent sur les sites marchands, selon Médiamétrie. « C’est quatre fois plus qu’il y a dix ans », rappelle Bertrand Krug, directeur du département Internet chez Médiamétrie. En 2019, 58 % des plus de 65 ans ont acheté en ligne du bricolage chez ManoMano ou des robes chez Un Jour Ailleurs ou autres Newchic. Ils n’étaient que 40 % il y a cinq ans.

Faut-il y voir une menace pour le commerce physique ? Les seniors sont encore de grands clients des agences de voyage, contrairement aux jeunes, qui ne jurent que par le Web, et continuent d’arpenter les rayons des hypermarchés. Car les grandes surfaces se sont adaptées. « Regardez comme les boîtes de conserve sont toujours à hauteur des yeux », fait observer Emily Mayer, directrice d’études dans la grande distribution chez Iri, en évoquant la persistance de ce mode de consommation chez les seniors.

A Flers, dans l’Orne, Intermarché a installé des bancs pour qu’ils soufflent un peu entre deux rayons… mais a renoncé à développer Bien Chez Moi, une enseigne lancée fin 2018, qui vendait des produits pour le maintien à domicile et le confort des personnes âgées. « C’était probablement trop tôt », juge Clotilde His, chargée des innovations au sein du groupement des Mousquetaires.

Ce n’est pas la seule entreprise à avoir eu une « fausse bonne idée » en tentant de s’adresser aux plus dépendants des seniors. En 2015, à La Rochelle, Transdev s’est associé à la start-up Automobilité pour mettre à la disposition de deux établissements pour seniors des véhicules électriques en libre accès et en autopartage. Avant d’y renoncer. Le fabricant de moquette Tarkett a abandonné FloorInMotion, un sol équipé de capteurs censés détecter les chutes, lancé en grande pompe en 2016 pour équiper les résidences pour seniors. Et, contrairement aux projections initiales, Nao, le robot humanoïde de SoftBank Robotics, ne s’est pas imposé chez les personnes âgées. Trop compliqué ? « Trop cher. Et les seniors refusent les technologies qui pourraient exonérer leurs enfants de venir les voir », souligne le consultant Hervé Sauzay.

A l’en croire, le succès reviendra aux « entrepreneurs qui aiment les personnes âgées ». A l’instar de Famileo ou de Tribu ? Ces start-up transforment en journal les photos échangées sur un groupe familial WhatsApp. Une version PDF est envoyée aux membres du groupe ; une autre est imprimée et envoyée par voie postale à leur aïeul. Cela fonctionne. « Ce n’est que le début. Au total, 1 100 personnes sont abonnées à Tribu », note Arnaud de Cartier, son cofondateur, rappelant « l’isolement des personnes âgées ». En France, selon l’institut CSA, 27 % des plus de 60 ans disent souffrir de la solitude.

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