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Jours tranquilles à Paris
19 janvier 2020

Incident des Bouffes du Nord : la sécurité d’Emmanuel Macron en constante adaptation

Les services de protection du chef de l’Etat n’ont pas été pris en défaut vendredi soir. Ils analysent en permanence l’évolution du risque et s’y adaptent.

Par Jean-Michel Décugis et Eric Pelletier - Le Parisien

Une situation imprévisible et qui nécessite de l'adaptation : l'incident des Bouffes du Nord fait partie des scénarios redoutés par les spécialistes de la protection. Depuis plusieurs mois, le GSPR (Groupe de sécurité de la présidence de la République) et les autres services spécialisés du ministère de l'Intérieur ont revu leurs pratiques.

« L'environnement a changé, ce qui nous force à nous réinventer, résume Abdelhalim, délégué du syndicat Alliance au service de la protection. Nous devons intégrer un paramètre nouveau : l'existence de mouvements disruptifs – hier, les Bonnets rouges, aujourd'hui les Gilets jaunes – très alertes sur les réseaux sociaux, d'où ces points de fixation spontanés. »

Une source policière indique que le nombre d'officiers de sécurité (OS) au contact, quatre en temps normal, n'a pas été augmenté. Le principe du « triangle » entourant la personnalité reste lui aussi d'actualité. Mais les « précurseurs », chargés de repérer le terrain, sont désormais envoyés le plus en amont possible.

Le changement le plus notable porte en fait sur l'équipement. « Nous embarquons de puissants diffuseurs de gaz lacrymogène s'il faut se dégager », explique un membre d'une unité de protection spécialisée. Du matériel inspiré par le maintien de l'ordre, alors que les OS, par discrétion, voyageaient d'ordinaire légers. Une attention plus grande est portée aux bulletins d'information de la préfecture de police et des services de renseignement afin de prévoir au mieux les itinéraires, la crainte étant de se retrouver au beau milieu d'un rassemblement.

«Résurgence de l'extrême gauche violente»

D'où cette veille permanente sur les réseaux sociaux. « Nous avons été très vite alertés des messages émis depuis les Bouffes du Nord, ce qui explique la réactivité de l'intervention des CRS stationnés porte de la Chapelle », se félicite une autre source policière. Lors des déplacements officiels, le plus voyant reste cette « bulle » de protection qui a enflé au fil du temps : les badauds sont tenus à distance respectable, les premiers points de filtrage étant parfois positionnés à une dizaine de kilomètres…

« Les invectives fusent, mais je ne pense pas que le risque de coups portés contre une autorité soit le danger numéro un. Nous restons dans le cadre d'un mouvement social. Rien de comparable avec le terrorisme », relativise un homme de l'art.

macron exfiltré

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19 janvier 2020

Au procès de l’ex-père Preynat : « L’enfermement est la seule réponse envisageable »

pedophilie

Par Richard Schittly, Lyon, correspondant

Au moins huit ans de prison ont été requis contre l’ex-curé de Sainte-Foy-lès-Lyon, jugé pour avoir abusé de jeunes scouts pendant près de vingt ans. Il sera fixé sur son sort le 16 mars.

Echapper au carcan des clergés, autant que des craintes familiales, surmonter sa honte, pour avoir le courage de dénoncer l’emprise, afin de lutter individuellement et collectivement contre la maltraitance sexuelle des enfants. Il a été question de tout cela dans le procès de Bernard Preynat, 74 ans, jugé par le tribunal correctionnel de Lyon pour agressions sexuelles sur mineurs, commises entre 1986 et 1990, au préjudice de dix victimes retenues aux limites de la prescription pénale.

Après cinq jours de denses débats, la procureure Dominique Sauves a requis une peine de huit ans d’emprisonnement ferme, vendredi 17 janvier, contre l’ex-curé de Sainte-Foy-lès-Lyon (métropole de Lyon), proche du seuil maximal de dix ans de prison, encouru par le prévenu. « L’enfermement est la seule réponse envisageable », selon la magistrate, qui n’a toutefois pas réclamé de mandat de dépôt contre l’ancien prélat, laissé libre sous contrôle judiciaire, depuis sa mise en examen le 27 janvier 2016. Le jugement doit être rendu le 16 mars prochain.

Le courage de s’attaquer à une cathédrale

En citant les noms des vingt-cinq autres victimes, entendues dans le dossier pour des faits prescrits, Dominique Sauves a incité le tribunal à tenir compte de « la gravité et de la multiplicité des faits », étalés sur près de vingt ans, entre 1971 et 1991, alors que le père Preynat dirigeait un groupe de quatre cents scouts. « Ce n’est pas le procès d’une lâcheté collective ou d’une institution, mais celui d’un homme qui avait mis en place sa propre structure pour répondre à ses pulsions », a estimé la procureure, déplorant « la trahison » de sa mission éducative et spirituelle, comme de « la confiance aveugle des parents ».

Bernard Preynat a répliqué d’une voix chevrotante, dans ses derniers mots : « Je m’excuse auprès des victimes, de leurs familles, des autres prêtres du diocèse et de l’église que j’ai salie. » Doutant de ses remords à l’audience, les avocats des parties civiles ont stigmatisé « l’imposteur », qui a usé de son charisme dans la communauté catholique, pour se livrer chaque semaine ou presque à ses caresses oppressantes. « L’affaire Preynat met en évidence les ravages différemment vécus selon les personnalités et les histoires de chacun, avec trente ans de recul sur le préjudice », a plaidé Jean Boudot, défenseur d’un homme doublement muré dans le silence. Il avait confié ses soupçons à sa mère. Rassurée par le prêtre, elle avait demandé au père Preynat de venir bénir leur maison.

Par peur d’éclabousser l’institution religieuse, ou par crainte de perturber leur famille, des parents se sont contentés du déplacement géographique du prêtre en 1991. Trente ans après, leurs enfants ont créé La parole libérée, pour demander justice, au-delà des portes du confessionnal et des murs de l’évêché. L’association a fédéré les victimes de l’affaire Preynat, après la plainte initiale d’Alexandre Hezez. « Quel courage d’avoir voulu s’attaquer à une cathédrale, et des centaines d’années de coutume d’oppression sexuelle sur les mineurs, bien verrouillée par le droit canon », a déclaré Isabelle Steyer, avocate de La voix de l’enfant, citant Spotlight, film inspiré d’une enquête journalistique sur des abus sexuels dans l’église aux Etats-Unis.

« L’effet magique de la confession »

Comment la spiritualité a pu très paradoxalement jeter un voile sur les consciences ? Dans la région lyonnaise, les autorités catholiques ont été au courant des déviances du chef scout dès les années 1980. Le pardon et l’absolution ont longtemps confiné le cas Preynat dans l’illusion d’une impunité. « L’effet magique de la confession », a formulé Yves Sauvayre, partie civile. Pour Frédéric Doyez, l’affaire Preynat pourrait marquer un changement de mentalité : « Que ce procès soit utile à tous, à tous ceux qui pourraient être victimes des mêmes circonstances, des mêmes agressions. » Selon l’avocat de la défense, désormais, « l’Eglise se fait un devoir de tout transmettre ». Pour le pénaliste, cette responsabilisation trouverait même un écho dans la récente modification de la prière Notre Père : « Ne nous laisse pas entrer en tentation » a remplacé « Ne nous soumet pas à la tentation ».

Vertigineux dans ses dimensions temporelles, après vingt ans de déviances impunies et trente ans de silence, le procès a fini par révéler que le curé pervers avait subi lui-même des agressions sexuelles de prêtres, lorsqu’il était au séminaire. La veille de l’audience, Bernard Preynat a envoyé une lettre circonstanciée à l’évêque de Lyon. Des parties civiles n’ont pas voulu y croire, craignant un artifice de plus dans la carrière d’un Tartuffe inégalé. La défense a réagi contre ce « procès de sincérité » : « Il est très dur de dire qu’on a été victime, on a honte, on serait mal avisé de lui dire que c’est trop facile. » En ajoutant : « Quand on partage avec son agresseur ce dénominateur commun, cela peut avoir une incidence sur la réponse à une demande de pardon. »

19 janvier 2020

Gode-ceinture

ceinture gode

Les femmes sont des hommes comme les autres… surtout quand elles s’approprient l’attribut masculin par excellence : le pénis. A ce titre, le gode-ceinture trouble les genres, et depuis longtemps. Le godemichou apparaît dans la langue française en 1611, et pourrait tirer son nom du latin médiéval gaude mihi (« réjouis-moi », tout un programme). Autant dire qu’on n’a pas attendu les ABCD de l’égalité ou le féminisme de la deuxième vague pour mettre les genres cul par-dessus tête.

Grâce au gode-ceinture, non seulement les femmes pénètrent (ce qu’elles pouvaient déjà faire avec leurs doigts ou leurs mains ou leurs rouleaux à pâtisserie), mais les hommes eux-mêmes peuvent se rajouter un ou plusieurs pénis de substitution, qui ne se positionneront pas forcément sur le pubis. Le corps se réinvente, multiplie son potentiel, se moque de la nature. Forcément, pour les tenants de la stricte anatomie, ça fait peur.

Le nom de gode-ceinture évoque les châtiments, la pornographie, les ceintures de chasteté, le cuir… à mille lieues des versions actuelles d’une prothèse ludique. De fait, on devrait plutôt parler de gode-harnais (avec des sangles pour stabiliser) ou de gode-culotte (décliné dans des versions archi-féminines avec dentelles, froufrous et embouts fantaisie). On remarquera au passage qu’il n’est ni rare ni innocent que notre culture persiste à utiliser des mots dramatisants pour disqualifier ou tenir à distance des pratiques qui dérangent. En somme, face à la transgression potentielle de qui porte la culotte, on se débrouille pour faire ceinture. Le Monde. 

18 janvier 2020

Retraites : Emmanuel Macron évacué d’une salle de spectacle parisienne sous les huées

macron la mouche

Par Alexandre Lemarié, Cédric Pietralunga - Le Monde

Le président et son épouse assistaient vendredi soir à une pièce de théâtre aux Bouffes du Nord, à Paris, où des dizaines de personnes se sont rendues pour manifester.

La mobilisation contre la réforme des retraites se radicalise. Emmanuel Macron est sorti d’une salle de spectacle parisienne sous les huées de manifestants et sous la protection des forces de l’ordre, vendredi 17 janvier au soir. Selon les images diffusées sur les réseaux sociaux, des dizaines de personnes se sont réunies vers 22 heures devant le théâtre des Bouffes du Nord, dans le 10e arrondissement de Paris, où le chef de l’Etat assistait, en compagnie de sa femme Brigitte, à une représentation de La Mouche, criant des slogans pour protester contre la réforme des retraites.

Plusieurs manifestants ont tenté de pénétrer dans la salle de spectacle, et ont été refoulés par des policiers, dans un contexte manifestement tendu. Des renforts policiers sont alors arrivés pour prêter main-forte à leurs quelques collègues présents, afin de sécuriser la sortie du cortège présidentiel, vers 23 heures. Le président de la République a été exfiltré de la salle, entouré de ses agents de sécurité, sous les huées de plusieurs personnes présentes. Des slogans hostiles à la réforme des retraites ont fusé, comme « tous ensemble, grève générale », ainsi que des « Macron démission », illustrant l’impopularité du chef de l’Etat dans une partie de la population.

Interpellation de Taha Bouhafs

Selon l’Elysée, c’est le journaliste militant Taha Bouhafs, qui se trouvait par hasard dans la salle, qui a révélé sur les réseaux sociaux la présence d’Emmanuel Macron au théâtre des Bouffes du Nord et a incité des militants contre la réforme des retraites à se rassembler devant l’établissement. « Il a été interpellé par les forces de l’ordre et le spectacle a pu se poursuivre », explique-t-on au cabinet présidentiel. Le chef de l’Etat est un grand admirateur de l’acteur et metteur en scène belge Christian Hecq, sociétaire de la Comédie-Française, et ne rate aucun de ses spectacles.

Dans l’entourage d’Emmanuel Macron, on s’attachait d’ailleurs vendredi soir à minimiser la portée de l’événement, assurant que la sécurité du chef de l’Etat n’a jamais été menacée. « Il n’y avait qu’une trentaine de militants, rien de bien méchant. Le président a pu suivre le spectacle jusqu’à son terme et est ensuite parti dîner dans Paris avec son épouse », assure un conseiller.

N’empêche, cette scène n’est pas sans rappeler celle déjà vécue par Emmanuel Macron le 4 décembre 2018, au Puy-en-Velay. Ce jour-là, le chef de l’Etat était venu constater les dégâts causés par l’incendie de la préfecture, trois jours plus tôt, lors de l’une des premières manifestations des « gilets jaunes ». Venu en catimini, M. Macron avait dû rapidement s’éclipser sous les huées de la foule. Sa voiture avait même été poursuivie par des manifestants, aux cris de « Démission ! » ou « Ça va vous coûter cher ! ».

« C’est vraiment inquiétant pour le pays »

Dès vendredi soir, les soutiens de M. Macron ont vivement condamné le rassemblement de manifestants devant le théâtre où se trouvait le chef de l’Etat. « Il y a un principe clair en démocratie : ce n’est pas la force qui fait la loi, mais les électeurs qui décident de manière libre et souveraine. Personne ne devrait accepter que l’on s’en prenne à des élus parce qu’ils sont élus. Ces images sont profondément choquantes », a estimé la porte-parole de La République en marche (LRM), Aurore Bergé.

« Les auteurs de ces agressions sèment la violence et la discorde. Nous les ferons reculer par le rassemblement des Français et la solidarité », a également écrit sur Twitter le chef de file des députés LRM, Gilles Le Gendre, en citant tour à tour l’épisode vécu par le chef de l’Etat, « l’intrusion » d’opposants au projet gouvernemental au siège de la CFDT à Paris vendredi, ou encore les « cérémonies de vœux des députés LRM et ministres empêchées ou annulées ».

« On a l’impression que le mouvement contre les retraites prend une forme de contestation, comme on l’a connue il y a un an, lors du mouvement des “gilets jaunes”. A l’époque, on s’est tous demandé si on allait basculer du mauvais côté. Et on y est à nouveau. C’est vraiment inquiétant pour le pays », estime un pilier de la majorité. « Si on ne respecte plus rien, Si on ne respecte plus la fonction du président de la République et nos institutions. Et si seule la force physique compte… », se désole à son tour un député LRM, en ne cachant pas son « inquiétude ».

Une situation « inacceptable », s’est indignée le président de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde. « Le président peut être battu dans les urnes, pas agressé dans la rue ! Sinon plus de démocratie ! », s’est-il indigné sur Twitter, en estimant que « la France sombre sous la coupe d’une minorité violente ».

Marlène Schiappa, prise à partie

Jeudi soir, la secrétaire d’Etat à l’égalité femmes-hommes, Marlène Schiappa, qui entre en campagne dans le 14e arrondissement de Paris pour les municipales de mars, a été elle aussi prise à partie lors d’une réunion publique par un groupe de manifestants. Elle a dénoncé vendredi matin sur Radio Classique une action « très menaçante » et « antidémocratique ». Ces personnes ont eu « des gestes de violence et de menace », ont « crié des injures vis-à-vis de moi » et « des colistiers qui étaient présents », ont « fait de l’intimidation pour empêcher la réunion de se tenir en hurlant, en faisant du bruit, en tapant sur les murs ou avec des verres », a-t-elle déclaré.

macron theatre

Autre conséquence de cette radicalisation de la mobilisation : Le ministère de la culture a annoncé, vendredi 18 janvier, l’annulation de la cérémonie des vœux de Franck Riester, qui devait se dérouler lundi à Paris, en raison d’une action que la CGT voulait organiser pendant cet événement pour protester contre la réforme des retraites. « Les conditions ne sont pas réunies pour que celle-ci se déroule sereinement », ont indiqué les services du ministre, dans un message envoyé aux invités à cette cérémonie.

Emmanuel Macron lui-même s’est vu contraint ces dernières semaines d’adapter son agenda. Le 8 janvier, il avait ainsi prévu d’inaugurer l’une des 460 Maisons France service mises en place au début de l’année mais y avait renoncé au dernier moment : une forte mobilisation était attendue le lendemain contre la réforme des retraites. De même, lors de son déplacement à Pau en début de semaine, le chef de l’Etat ne s’est pas rendu à la mairie de la ville, où il était attendu mardi matin pour une visite des lieux avec François Bayrou : une manifestation de quelques dizaines d’avocats en colère se déroulait sous les fenêtres de l’hôtel de ville.

A l’Elysée, on veut néanmoins croire qu’il ne s’agit là que d’épiphénomènes et non les prémisses d’une nouvelle mobilisation du type de celle vécue lors de la crise des « gilets jaunes ». « Ce à quoi on assiste ces derniers jours, ce sont des actes de radicalisation de fin de mouvement assez classiques, il y a toujours eu des actions militantes violentes en fin de grève, estime l’entourage de M. Macron. Le travail reprend, les lignes de transports repartent, il y a des militants pour qui c’est inacceptable. » Le chef de l’Etat n’aurait d’ailleurs aucunement l’intention de changer ses habitudes. « Le président va continuer à se déplacer, il n’est pas question pour lui de se laisser enfermer », assure un conseiller.

https://twitter.com/patrick_edery/status/1218293671247990784?s=21

18 janvier 2020

Affaire Grégory : l’annulation de la garde à vue de Murielle Bolle en 1984 a un « impact nul sur l’enquête »

greg villemin

Par Rémi Dupré

Les avocats de l’ex-accusatrice de Bernard Laroche comme ceux des parents de Grégory Villemin s’accordent sur l’aspect « symbolique » de la décision.

Voà un nouveau rebondissement dans l’affaire Grégory, qui n’en manque pas. Jeudi 16 janvier, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a annulé la garde à vue de Murielle Bolle, l’une des pièces les plus discutées du dossier. C’est au cours de cet interrogatoire du 2 novembre 1984 que l’adolescente, alors âgée de 15 ans, avait accusé son beau-frère, Bernard Laroche, d’avoir enlevé le garçon de 4 ans. Le 16 octobre 1984, quelques heures après avoir disparu de la maison familiale, le fils de Jean-Marie et Christine Villemin, Grégory, avait été retrouvé mort, pieds et poings liés, dans les eaux de la Vologne, à Docelles (Vosges).

En février 2019, la Cour de cassation avait estimé que la garde à vue de Murielle Bolle avait été effectuée en application de dispositions « inconstitutionnelles » et avait chargé la cour d’appel de Paris de se prononcer sur son annulation.

Cette dernière n’a en revanche pas annulé les déclarations que l’adolescente avait faites aux gendarmes avant le début officiel de cette garde à vue, ni son interrogatoire devant le juge Jean-Michel Lambert, le 5 novembre 1984, lors duquel elle avait réitéré ses accusations contre Bernard Laroche. Deux jours plus tard, Murielle Bolle s’était rétractée en assurant avoir tenu cette version sous la contrainte et la menace des gendarmes. Depuis cette volte-face, elle a toujours clamé l’innocence de son beau-frère, libéré puis assassiné par son cousin, Jean-Marie Villemin, le père de Grégory, en 1985.

« Une décision raisonnable »

Ce nouvel épisode marque-t-il pour autant un tournant dans l’affaire ? « Cette décision a une valeur symbolique, relativise Me Jean-Paul Teissonnière, l’avocat de Murielle Bolle. Les irrégularités lors de la garde à vue ont été sanctionnées aujourd’hui. Mais, en pratique, la portée est nulle puisque, garde à vue ou pas, la reconstitution a montré que les propos tenus par Murielle Bolle en 1984 ne correspondaient pas au déroulement des faits. »

« C’est une décision raisonnable, considère aussi Me François Saint-Pierre, l’avocat des parents de Grégory Villemin, avec d’autres arguments. On ne peut que se réjouir d’un renforcement de la protection pénale des mineurs. Mais cette décision n’annule pas les déclarations de Murielle Bolle comme simple témoin et celles faites lors de son audition devant le juge Lambert. En garde à vue, les gendarmes lui ont fait redire exactement ce qu’elle avait déclaré antérieurement dans les trois premières des six pages du PV [procès-verbal]. L’impact est donc nul sur l’enquête. »

Pour Me Gérard Welzer, avocat de Marie-Ange Laroche, sœur de Murielle Bolle et veuve de Bernard Laroche, l’annulation de la garde à vue de Murielle Bolle est un énième « fiasco ». « Cela fait trente-cinq ans que ça dure, on tombe de Charybde en Scylla, considère-t-il. Il y a eu trois morts : Grégory, Laroche, le juge Lambert, qui s’est donné la mort [en 2017]. La quatrième victime est la justice. Tant qu’on n’a pas d’expertises ADN solides, il faut arrêter de mettre en cause des personnes et de promettre la semaine décisive dans cette affaire. »

A contrario, l’avocat de Jean-Marie et Christine Villemin souligne que cette décision ne met pas fin aux investigations. « Il pourrait y avoir de nouveaux éléments scientifiques », lors de la reprise de l’enquête, renvoyée à la cour d’appel de Dijon, estime Me Saint-Pierre. « En Vologne, des gens savent et se taisent. Et, cacher un secret de famille, ce n’est pas très glorieux. L’omerta perdure, et il faut que ces gens parlent. » « Je ne vois pas comment les scories, éléments parcellaires de ce dossier permettraient d’étayer une reprise des poursuites à l’encontre de Murielle Bolle », objecte Me Teissonnière.

En 2017, Murielle Bolle avait été mise en examen, à l’instar de Marcel et Jacqueline Jacob, le grand-oncle et la grand-tante de Grégory Villemin, pour « enlèvement et séquestration suivis de mort ». Un an plus tard, les poursuites avaient été annulées pour des questions de procédure par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Dijon.

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18 janvier 2020

LGBTQIA +

gay flag

Les acronymes seraient-ils la grande passion contemporaine ? Dans le monde des sexualités, une chose est sûre : on n’aime rien tant qu’agglomérer (les lettres et les gens). La preuve avec l’expansion apparemment inexorable du sigle LGBT (lesbien, gay, bisexuel, transgenre), désormais has been puisque remplacé par ­LGBTQIA + (Q pour queers, ces personnes auto-proclamées « bizarres », I pour intersexes, A pour asexuels).

La question est évidemment de savoir quelles identités, orientations ou préférences peuvent prétendre s’ajouter à cette liste. Nous avons toutes et tous nos péchés mignons : à ce titre, l’exhaustivité est impossible. Est-on plus légitime quand notre communauté passe la barre des 1 % ou 10 % d’adeptes ? Les minorités qui fâchent (pédophiles, zoophiles, etc.) peuvent-elles revendiquer leur prise en compte ? En attendant de répondre à ces interrogations, les LGBTQIA ont ajouté ce fameux + en fin de parcours, permettant d’inclure tous ceux (toutes celles, toustes ceuxelles) qui ne se reconnaissent pas dans la sexualité traditionnellement autorisée.

Tout cela est-il bien raisonnable ? Laissons notre cynisme de côté : oui, absolument (même si ça fait beaucoup de lettres à mémoriser). Quand on refuse de nommer, on rejette non seulement dans l’invisible mais dans l’impensé. Or, à l’heure du mariage homosexuel, des changements de sexe ou des filiations non classiques, il est impossible de ne pas penser l’existence des LGBTQIA + : outre qu’il serait moralement intolérable de les priver de l’attention publique, leurs revendications ont un impact direct sur des lois qui s’appliquent à tout le monde.

Par ailleurs, sachez qu’il s’agit là d’une version light, puisqu’on peut également parler de LGBTTQQIAAP (en ajoutant cette fois les personnes en questionnement, les alliés de la cause et les pansexuels). A quoi on rêve d’ajouter l’indispensable FL, pour ­­ « fétichisme des lettres ».

18 janvier 2020

Frot

frot

Qu’est-ce que le « vrai » sexe ? Encore aujourd’hui, nous établissons une différence artificielle entre les pratiques sans ou avec pénétration (les premières étant supposément moins « graves » que les secondes). Un système de pensée pratique, mais qui restreint ou rend invisibles des territoires entiers de l’érotisme. Ainsi, quand on pense au sexe entre hommes, c’est toujours la sodomie qui vient à l’esprit. Au risque d’oublier la masturbation partagée, le coït intercrural (entre les cuisses), mais aussi le frot, qui consiste à frotter les pénis l’un contre l’autre (attention à ne pas confondre avec le frottage, qui désigne n’importe quel frottement sensuel).

Le frein et la couronne constituant les parties les plus sensibles de la verge, on comprend l’intérêt : le frot est agréable, à peu près safe, et, cerise sur le popol, complètement égalitaire (pas de symbolique de domination, pas d’angoisses identitaires de type « qui fait la femme ? »).

Le frot n’est par ailleurs pas strictement réservé aux humains. Chez les bonobos mâles ou certaines baleines, on parle de « combat » de pénis. Lequel peut constituer, chez des espèces de vers hermaphrodites, une stratégie de reproduction ! Selon Wikipédia, « les individus se battent, utilisant des pénis blancs et pointus similaires à des dagues… Chacun des deux partenaires essaye de percer la peau de l’autre avec son pénis. L’un d’entre eux inséminera l’autre. La bataille peut durer une heure ».

Effrayant ? Pas plus que la pratique bien humaine consistant à considérer son pénis comme une arme (#masculinitétoxique). Pour rappel, quand vous parlez de votre sémillant « braquemard », il s’agit d’un couteau court et large, destiné à hacher et désherber. Faites le frot, pas la guerre ? Le Monde

17 janvier 2020

Faut-il respecter le “Dry January” ?

dry january

COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

Lancé outre-Manche en 2013 par l’association Alcohol Change UK, le “Dry January” appelle à se passer d’alcool pendant un mois après les excès des fêtes de fin d’année. Sept ans après, cette invitation à l’abstinence continue de faire débat. Faut-il respecter ce “janvier sans alcool” ?

OUI

C’est une incitation saine à réévaluer sa relation avec l’alcool

“Boire de l’eau pétillante au lieu d’un prosecco pendant un mois a des effets immédiatement visibles sur la santé de la plupart des personnes”, confirme le magazine américain Wired. Selon une étude réalisée par Richard de Visser, de l’Université de Sussex, sur 857 sujets ayant participé au Dry January 2019, “71 % dormaient mieux, 67 % avaient plus d’énergie, 58 % avaient perdu du poids et 54 % avaient une meilleure peau” après un mois sans alcool.

En plus d’inverser tous les effets néfastes de la gueule de bois, cette période à sec peut aussi diminuer le niveau de cholestérol, la pression artérielle et améliorer la santé du foie des participants, note Wired. D’un point de vue médical, pas de doute : Dry January ne peut vous faire que du bien. D’autant plus que l’étude de Visser révèle que cette période d’abstinence a incité les gens à diminuer durablement leur consommation d’alcool les mois suivants.

Essayer d’arrêter de boire permet aussi d’évaluer sa relation à l’alcool. “Voir si vous en êtes capable ou non vous montre ce que vous devez savoir de vos habitudes de consommation”. Pour Bethany Biron, qui explique dans Business Insider pourquoi elle s’est convertie à cette pratique depuis 3 ans, renoncer temporairement à la boisson permet de réfléchir à quand, comment et pourquoi on boit, et d’analyser ce que cela nous apporte vraiment.

Cela m’arrête lorsque j’envisage d’ouvrir une bouteille de bière pour échapper à l’ennui d’un mercredi soir de février, et me rappelle que le liquide qu’elle contient a le pouvoir de détruire.”

Comme le souligne Sarah Todd sur le site américain Quartz, Dry January n’est pas nécessairement “une question de volonté rabat-joie”. Au contraire, dit-elle, on peut beaucoup s’amuser. Prendre un cours de cuisine japonaise, faire une exposition, prendre un cours d’improvisation théâtrale ou de dessin au fusain… Les possibilités pour se retrouver entre amis s’avèrent beaucoup plus variées lorsqu’on ne se cantonne pas à “boire un verre”.

Enfin, note Wired, d’un point de vue collectif, cette opération permet de dénormaliser la consommation d’alcool, et de montrer qu’elle n’est pas obligatoire dans une société où boire est considéré comme une norme. L’association Alcohol Change UK remarque par exemple que “la popularité croissante de l’abstinence a poussé les fabricants à élaborer des boissons sans alcool”. Pour beaucoup, c’est un moyen de prendre conscience de la difficulté de ne pas boire dans certains contextes sociaux.

NON

C’est “une façon de détourner notre attention d’une réalité qui dérange”

D’abord, ça tombe très mal, ironise The Guardian. Ce n’est pas pour rien que la saison des fêtes est célébrée en décembre. Au milieu d’une sombre période hivernale, “on a besoin de réconfort et de se faire du bien”, pas de “s’autopunir”.

Alors que le mois de janvier est rarement plus clément que décembre en termes de météo, quelle idée de soudainement “renoncer à l’alcool, se mettre en petite tenue et se faire houspiller par des instructeurs de la British Military Fitness dans un parc, reposer les biscuits sur l’étagère du supermarché, s’inscrire à un cours de basson et rejoindre un club de lecture étudiant la Critique de la raison pure de Kant” ?

Plus sérieusement, les histoires inspirantes mises en avant sur l’application de Alcohol Change UK – ces personnes qui changent totalement leur mode de vie après le Dry January et finissent par courir un marathon – ne représentent qu’une infime proportion des cas. La plupart du temps, les adeptes du janvier sans alcool “reprennent les hostilités contre [leur] foie” dès le 1er février. Sur le long terme, donc, les bénéfices de ces courtes purges sont finalement négligeables. Selon le quotidien britannique, ce qu’il faudrait viser, plutôt que d’essayer désespérément d’atteindre les 31 jours à sec, c’est “la voie de la modération”.

Bien souvent, les bienfaits pour la santé de ce janvier sobre sont surévalués, estime aussi The Conversation. Il coïncide en effet avec une période de bonnes résolutions. Au lendemain des fêtes, les gens ont tendance à manger plus sainement, à se remettre au sport, à prendre l’air. De très bonnes habitudes, mais dont les effets positifs sont souvent attribués à tort à l’arrêt temporaire de l’alcool.

Par ailleurs, The Conversation souligne que Dry January ne s’adresse pas aux buveurs les plus à risque. Pour un alcoolique, un sevrage si brutal serait très dangereux, voire potentiellement mortel. Bien plus qu’un danger pour le business, Dry January est ainsi devenu pour l’industrie de l’alcool “une façon sympa de détourner notre attention d’une réalité qui dérange”.

L’opération attire l’attention sur des problèmes mineurs rencontrés par les petits buveurs, tandis que les conséquences désastreuses pour les alcooliques continuent d’être ignorées. Paradoxalement, alors que les débats sur les risques liés à l’alcool sont omniprésents, l’accès à des services efficaces de traitement de l’alcoolisme continue de reculer.

Pour The Conversation, c’est un exemple classique de la “loi inverse des soins” : ceux qui ont le plus besoin d’un traitement médical y ont le moins accès. “On ferait mieux d’utiliser cet argent pour aider ceux qui ont le plus besoin d’aide et pour s’attaquer aux racines de la consommation excessive d’alcool”.

15 janvier 2020

Enquête - Le vélo, une révolution urbaine

Par Olivier Razemon

Les cyclistes n’ont jamais été aussi nombreux dans les grandes villes touchées par les grèves et édiles et industriels se félicitent. Mais l’appétence pour les déplacements urbains à bicyclette pourrait n’être qu’un trompe-l’œil : dans les régions rurales et périurbaines, la petite reine recule, au profit de la voiture.

Imaginons une ville, une grande ville, peuplée et dense, mais dépourvue de transports en commun. Que se passerait-il ? Chacun se déplacerait comme il le pourrait. Les routes seraient saturées, les carrefours encombrés, les places de parking introuvables. Les automobilistes, stressés d’avance, se lèveraient très tôt ; le bruit deviendrait incessant et la pollution invivable. Sur les trottoirs, des citadins marcheraient, loin, longuement. D’autres enfin, enfourcheraient un vélo, le moyen le plus sûr de parvenir rapidement à bon port, sans fournir trop d’efforts ni s’engluer dans les embouteillages.

Le paragraphe ci-dessus ne décrit pas Lagos ni Djakarta, mais Paris et son agglomération par temps de grève. Depuis le 5 décembre 2019, date du début du mouvement social qui paralyse les métros et les trains, les Franciliens n’ont jamais eu autant recours au vélo. Les comptages publiés jour après jour à Paris comme en banlieue montrent que la pratique a plus que doublé par rapport à une période normale.

En réalité, cet engouement pour la bicyclette est antérieur à la défaillance des transports publics et ne se limite pas à la région parisienne. En septembre 2019, la fréquentation des grands axes parisiens avait progressé de 54 % par rapport à l’année précédente, à la suite de la matérialisation des pistes cyclables promises par la majorité municipale. A Bordeaux, sur le pont de Pierre, soustrait au trafic automobile depuis 2017, près de 10 000 cyclistes pédalent chaque jour, un chiffre en constante augmentation. Selon Eco Compteur, une société qui installe des boucles de comptage sur les grands axes, Lille et Lyon font partie des villes du monde où la pratique du vélo a le plus progressé entre 2017 et 2018.

L’industrie du cycle bénéficie de la tendance

A l’automne 2019, la deuxième édition du Baromètre des villes cyclables, un questionnaire conçu par la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB) pour noter la qualité des déplacements à vélo, a enregistré près de 185 000 réponses, davantage que son équivalent en Allemagne, où il existe depuis 1998. Le palmarès des villes les plus « cyclables » sera opportunément dévoilé en février, un mois avant le premier tour des élections municipales.

L’industrie du cycle bénéficie logiquement de la tendance, comme le constate Boris Wahl, président et fondateur de Cyclable, un réseau de 54 magasins spécialisés dans le vélo urbain. « En 2019, le volume des ventes de vélos classiques a gagné 30 % par rapport à 2018, le vélo à assistance électrique 25 %, le vélo pliant 39 % et le cargo (doté d’un baquet) 135 % », observe-t-il.

Les boutiques de la proche banlieue de Lyon, Lille ou Toulouse ont enregistré les plus fortes progressions. En novembre et décembre, la grève a même entraîné une hausse des ventes de 79 % en Ile-de-France, hors Paris. « Cela se comprend. Les centres urbains bénéficient d’offres de transport public satisfaisantes, alors qu’en première couronne, le vélo se transforme en arme magique contre la congestion », commente M. Wahl.

Limiter la pollution atmosphérique

La promotion de la bicyclette constitue une politique publique depuis le lancement du « plan vélo » par le premier ministre, Edouard Philippe, en septembre 2018. Des financements ont été dégagés au bénéfice des collectivités locales – 50 millions d’euros par an – et un objectif chiffré a été fixé : 9 % des déplacements en 2024. Pour l’heure, la « part modale » du vélo, sa part de marché en quelque sorte, ne dépasse pas les 3 à 4 %, et la France demeure en queue du peloton européen, derrière les Pays-Bas ou le Danemark, mais aussi l’Italie ou la Pologne.

En visant davantage de trajets à vélo et moins en voiture, les pouvoirs publics entendent limiter la pollution atmosphérique et réduire les impacts du réchauffement climatique, mais aussi maîtriser les encombrements et faciliter l’accès aux commerces de proximité. Aujourd’hui, la moitié des déplacements de moins de 5 km mobilisent une voiture, une distance aisément parcourable à vélo en moins d’une demi-heure.

L’exercice physique est en outre excellent pour la santé. « La réduction du trafic motorisé permet de limiter le nombre de décès prématurés résultant de la pollution. Mais, si ces trajets, au lieu d’être effectués en voiture, le sont sur un vélo, l’impact sur la santé est sept fois plus élevé », explique Audrey de Nazelle, enseignante-chercheuse à l’Imperial College de Londres, citant des études réalisées à Barcelone et à Londres.

Un gage de qualité de vie

Enfin, la politique du guidon devient, pour les grandes villes, un gage de qualité de vie. Les résultats de l’édition 2017 du Baromètre de la FUB ont constitué, en juin 2019, l’un des critères du classement annuel des « 70 villes les plus attractives » publié par l’hebdomadaire Le Point. Les maires des grandes villes, d’Anne Hidalgo à Paris, en passant par Martine Aubry (PS) à Lille, Nicolas Florian (LR) à Bordeaux ou Eric Piolle (EELV) à Grenoble, se félicitent tous de voir un nombre croissant de leurs administrés se déplacer sur une selle.

Mais cette incontestable appétence pour les déplacements urbains à bicyclette pourrait n’être qu’un trompe-l’œil, prévient Nicolas Mercat, chef de projet pour le consultant Inddigo, auteur d’une étude sur l’impact économique de l’usage du vélo commandée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) et le ministère de l’économie. « L’augmentation du nombre de trajets domicile-travail dans les grandes agglomérations s’est encore accélérée ces dernières années. Mais à l’inverse, la pratique du vélo baisse, au profit de la voiture, dans les régions rurales et périurbaines. Or, c’est justement autour des villes que la population augmente le plus », détaille le spécialiste, qui a compilé de nombreuses enquêtes statistiques.

Par ailleurs, tout le monde ne pédale pas encore. Si l’usage séduit les cadres et professions intermédiaires, « il diminue chez les ouvriers, demeure très faible chez les chômeurs et baisse dans la population en âge d’être scolarisée », regrette M. Mercat. Le vélo ressemble de ce point de vue au ski : quand on ne pratique pas enfant, on est moins enclin à s’y mettre à l’âge adulte.

Succès du vélo à assistance électrique

Ainsi, compte tenu de ces décalages sociologiques et géographiques, « il est probable que la pratique du vélo, à l’échelle de la France, continue de baisser », prévient le spécialiste, qui ne craint pas de désespérer les militants les plus enthousiastes. Il semble en tout cas difficile de parvenir à l’objectif gouvernemental de 9 % de part modale en 2024.

Mais tout espoir n’est pas perdu. Depuis quelques années, le succès du vélo à assistance électrique (VAE) modifie considérablement la portée des déplacements. Les ventes, dopées par des primes octroyées par les collectivités locales, progressent d’année en année, confirme l’organisation professionnelle Union sport et cycle. L’analyse des 270 000 bénéficiaires de la prime de 200 euros accordée par l’Etat entre février 2017 et janvier 2018 montre que c’est en périphérie des grandes agglomérations, dans les villes moyennes et dans les conurbations multipolaires que les VAE se vendent le mieux. Dans ces territoires, les distances parcourues sont plus longues, et l’usage du vélo moins répandu. Ainsi, le VAE peut aisément remplacer la voiture pour de nombreux trajets.

C’EST AU NIVEAU MUNICIPAL ET INTERCOMMUNAL QUE SE PREND L’ESSENTIEL DES DÉCISIONS D’INVESTISSEMENT

Mais à condition que les cyclistes bénéficient d’infrastructures fiables. Pendant des années, les municipalités ont cru qu’elles pouvaient se contenter de mettre à disposition des citadins des vélos en libre-service. Ces systèmes, très coûteux, n’ont toutefois pas suffi à convaincre les usagers, qui cherchent avant tout à se sentir en sécurité. Les villes ont alors construit, sous la pression des associations, des pistes cyclables séparées de la circulation, des carrefours sécurisés ou des arceaux de stationnement, parfois protégés des vols. Le Baromètre de la FUB et les recensements de l’Insee montrent qu’à Bordeaux ou Grenoble, équipées d’un réseau cyclable convenable, on pédale davantage qu’à Marseille ou à Perpignan, où tout cela fait défaut.

La France est loin du compte

La généralisation de ces aménagements, en ville mais aussi en proche périphérie, permettrait d’accroître significativement la pratique. Aux Pays-Bas, où le vélo constitue le principal mode de déplacement pour 36 % de la population, les pouvoirs publics consacrent 30 euros par an et par habitant aux infrastructures cyclables et ce, depuis cinquante ans.

La France est loin du compte. Seules certaines villes investissent jusqu’à 15 ou 20 euros par an et par habitant. A l’échelle nationale, en additionnant la construction de pistes, la matérialisation de voies de cyclotourisme, les parkings à vélo dans les gares, les systèmes en libre-service, ou encore les primes à l’achat, le cabinet Inddigo parvient à un total de 549 millions d’euros en 2018, investis par l’Etat et les collectivités locales. Cela correspond à 8 euros par habitant et à 1,3 % des dépenses publiques consacrées aux transports.

C’est au niveau municipal et intercommunal que se prend l’essentiel des décisions d’investissement. Or, observe M. Mercat, « dans la campagne électorale qui s’amorce, on discutera de la pertinence de la gratuité des transports publics pour les usagers ». Selon lui, « il serait bien plus efficace de promouvoir le vélo ». Les aménagements cyclables coûtent en effet bien moins cher que les routes ou les transports publics, et ne transportent pas nécessairement moins de monde. Le Grand Chambéry consacre, par exemple, 250 euros par an et par habitant aux transports en commun, pour une proportion des trajets, 3 %, équivalant à celle du vélo.

Vers un paysage urbain plus apaisé

La société Inddigo estime le coût d’un kilomètre de piste cyclable à 150 000 euros en milieu urbain peu dense, 270 000 euros en banlieue dense et 800 000 euros en cœur de ville, où il importe de prendre en considération les remarques des architectes des bâtiments de France, des opérateurs de transports et des pompiers. Le coût de l’aménagement varie en outre selon le type de voirie. « Lorsqu’on se contente de supprimer une file de stationnement automobile pour la remplacer par une piste dotée d’une bordure, le coût ne dépasse pas les 200 000 euros le kilomètre », indique M. Mercat. Enfin, 80 % des coûts des infrastructures cyclables sont dépensés en investissement, contre 20 % en fonctionnement, une proportion exactement inverse de celle qui prévaut pour les transports publics, bien plus coûteux à entretenir.

Dans les grandes villes, mais pas seulement, le sujet pourrait être tranché par les prochaines élections municipales. Mais les associations pro-vélo ne se contentent pas de réclamer des pistes cyclables. Elles insistent également sur la limitation du trafic motorisé, en particulier dans les rues tranquilles des quartiers résidentiels.

A terme, une politique en faveur du vélo révélera un paysage urbain plus apaisé, assez différent de celui que l’on connaît aujourd’hui. « C’est la ville des courtes distances, plus humaine, plus agréable à vivre », disent, en utilisant presque les mêmes mots, Nicolas Samsoen, maire (UDI) de Massy (Essonne), et Pierre Garzon, candidat (PCF) à Villejuif (Val-de-Marne). Ou comment le vélo finit par changer la ville.

14 janvier 2020

Chronique - Chez Marc Chauvet, le téléphone sonne toujours cent fois

Par Frédéric Potet

Frédéric Potet sillonne la France pour relater petits et grands événements. A Sèvres-Anxaumont (Vienne), il a rencontré un comptable à la retraite harcelé par le démarchage téléphonique. Non, il n’a pas l’intention d’isoler les combles de sa maison.

Fléau des temps modernes, le démarchage téléphonique recèle d’insondables mystères. A Sèvres-Anxaumont (Vienne), Marc Chauvet en sait quelque chose. Cet aimable retraité de la banque LCL a beau se poser la question à chaque fois que retentit la sonnerie de son téléphone fixe, il ignore pourquoi ses interlocuteurs lui proposent, quasi systématiquement, de souscrire à un seul et même service : l’isolation des combles de sa maison, moyennant un euro. Il y a bien, de temps en temps, un appel pour lui vendre une mutuelle aux prestations miraculeuses ou de l’électricité à un tarif défiant toute concurrence. Mais la très grande majorité des coups de fil intempestifs qu’il reçoit, à toute heure de la journée, ne parlent que de laine de verre soufflée et de polystyrène expansé. « Je ne comprends pas pourquoi, soupire Marc Chauvet. Et je comprends d’autant moins que nous avons refait l’isolation de la maison il y a deux ans et demi. »

Alors l’ancien comptable, âgé de 68 ans, a décidé, il y a neuf mois, de tout noter. Notamment le nom des entreprises qui viennent l’importuner : France Isolation, Bureau d’études Iso, Grenelle Habitat, Pacte énergie solidarité, Agence nationale Euro Iso… Certaines ne déclinent aucune identité, se contentant d’un message préenregistré qui déclame tout de go : « Agence gouvernementale ! », avant de décrire promptement le dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE) que l’Etat a renforcé il y a un an (dans lequel il est effectivement question de travaux de rénovation en échange d’un euro symbolique, mais seulement au bénéfice des ménages très modestes).

« “A con, con et demi”, telle est ma devise »

Quand une voix automatisée lui propose d’appuyer sur la touche 1 de son téléphone s’il est « intéressé », Marc Chauvet appuie sur le 1. « Je veux avoir quelqu’un au bout du fil, tout simplement pour lui dire d’arrêter de m’appeler. “A con, con et demi”, telle est ma devise. Malheureusement, c’est sans effet. » Un même numéro, se terminant par 38, l’appelle toutes les semaines chez lui, quand ce n’est pas tous les jours. Depuis qu’il s’est inscrit sur Bloctel – dispositif d’opposition au démarchage téléphonique mis en pla­ce par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation –, les appels sont moins nombreux. Mais pas moins dérangeants quand ils surviennent, par exemple, au matin du 1er janvier.

« LES PERSONNES AU BOUT DU FIL N’Y PEUVENT RIEN. ELLES SONT MAL PAYÉES, STRESSÉES ET SOUMISES À UNE FORTE PRESSION. JE NE VOUDRAIS PAS ÊTRE À LEUR PLACE »

Ancien conseiller municipal UMP de Sèvres-Anxaumont, Marc Chauvet ne s’est énervé qu’une seule fois. Le reste du temps, il s’efforce de demeurer poli. « Les personnes au bout du fil n’y peuvent rien. Elles sont mal payées, stressées et soumises à une forte pression. Je ne voudrais pas être à leur place. A mon époque, on allait au boulot en sifflotant. Je ne pense pas que ce soit encore beaucoup le cas aujourd’hui. Notre société va bien mal », déplore-t-il. S’inscrire sur liste rouge serait la solution, mais Marc Chauvet ne le veut pas. « Vendeur relais » d’un producteur de champagne, il a besoin de figurer dans l’annuaire pour écouler ses palettes d’extra-brut et de grand cru prestige. L’homme est également médium : il lui arrive de réaliser des consultations « à distance », à partir de son téléphone domestique.

C’est d’ailleurs sur son numéro fixe, après avoir pris connaissance de son ras-le-bol dans La Nouvelle République, que nous avons laissé un message pour le rencontrer. « Vous savez pourquoi je vous ai rappelé ?, demande-t-il. Parce que vous m’avez appelé à 11 h 11. » Las des mystères du démarchage téléphonique, Marc Chauvet préfère largement ceux de la numérologie.

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