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Jours tranquilles à Paris

3 mai 2020

Etats-Unis : accusé de viol par une ancienne assistante, Joe Biden dément

Par Gilles Paris, Washington, correspondant

« Ce n’est jamais arrivé », a affirmé le candidat démocrate à la présidentielle américaine à propos de faits rapportés par Tara Reade, qui remonteraient à 1993.

Joe Biden est sorti de son silence, vendredi 1er mai au matin. L’ancien vice-président américain et candidat démocrate à la présidentielle de novembre a nié catégoriquement les accusations de viol formulées depuis le 25 mars par une ancienne assistante, Tara Reade. « Cela n’est pas vrai, ce n’est jamais arrivé », a-t-il assuré sur la chaîne MSNBC, quelques minutes après avoir publié un long communiqué dans lequel il a articulé sa défense.

« Les femmes méritent d’être traitées avec dignité et respect et lorsqu’elles s’expriment, elles doivent être entendues et non réduites au silence », mais « leurs histoires doivent faire l’objet d’une enquête et d’un examen appropriés », a-t-il écrit. « Je ne vais pas me poser des questions sur ses motivations, pourquoi elle dit ça, je ne vais pas l’attaquer. Elle a le droit de dire ce qu’elle veut. Et j’ai le droit de dire, regardez les faits, vérifiez », a-t-il ajouté sur MSNBC. « La vérité compte (…), je n’ai rien à cacher », a-t-il poursuivi.

Les faits rapportés par Tara Reade, qui s’exprimera sur la chaîne Fox News dimanche 3 mai, remonteraient à 1993, à une époque où elle travaillait au sein de l’équipe des collaborateurs de Joe Biden au Sénat, où elle était notamment chargée de la supervision des stagiaires. Alors élu du Delaware depuis plus de vingt ans, le sénateur y présidait la commission des affaires juridiques. Selon Tara Reade, âgée alors de 29 ans, Joe Biden l’aurait un jour « plaquée contre un mur » et embrassée avant de la « pénétrer avec ses doigts ». Tara Reade avait quitté quelques semaines plus tard le bureau de Joe Biden après neuf mois passés dans son équipe.

JOE BIDEN A RAPPELÉ QU’AUCUN DE SES COLLABORATEURS DE L’ÉPOQUE, INTERROGÉS PAR LE WASHINGTON POST ET LE NEW YORK TIMES, N’AVAIT LE SOUVENIR DE L’ÉPISODE RAPPORTÉ PAR TARA READE

Depuis que ces accusations ont été rendues publiques, elles ont été corroborées par plusieurs personnes auxquelles la jeune femme s’était confiée quelques années plus tard, après s’être installée en Californie, ainsi que par son frère. En 2019, après la déclaration de candidature de Joe Biden à la primaire démocrate, Tara Reade avait pris une première fois la parole pour rapporter des gestes jugés déplacés de l’ancien sénateur remontant à la même époque, mais elle n’avait pas mentionné un viol. Le 9 avril, elle a fait une déclaration à la police de Washington dans laquelle elle affirme avoir été « victime d’une agression sexuelle » en 1993, couverte par la prescription, sans citer le nom de Joe Biden.

Hommages à son « ancien patron »

Très active sur les réseaux sociaux, Tara Reade a multiplié les hommages à son « ancien patron » au cours des années précédentes, y compris en approuvant des messages relatifs à son engagement dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Elle a également avancé des explications contradictoires à propos de son départ de Washington, en 1993.

Vendredi matin, Joe Biden a rappelé qu’aucun de ses collaborateurs de l’époque, interrogés par le Washington Post et le New York Times au cours d’enquêtes approfondies, n’avait le souvenir de l’épisode rapporté par Tara Reade. Cette dernière a assuré avoir averti à l’époque trois responsables de son bureau. Deux d’entre eux ont catégoriquement démenti. Une troisième, Marianne Baker, présente au côté de Joe Biden de 1982 à 2000, a assuré que « pendant toutes mes années à travailler pour le sénateur Biden, je n’ai jamais été témoin, ni entendu parler, ni reçu de rapports de conduite inappropriée, jamais, pas de Mme Reade, ni de personne d’autre ».

L’ancien vice-président a enjoint les archives du Sénat à rendre publique une éventuelle plainte que la jeune femme aurait déposée en interne au moment des faits et dont elle dit ne pas avoir gardé la trace. Cette plainte, de son propre aveu, concernerait le comportement des collaborateurs du sénateur à son égard et non une éventuelle agression. Les deux quotidiens qui se sont penchés sur le dossier n’ont pas trouvé de documents appuyant ses affirmations.

L’incapacité dans laquelle se trouve Tara Reade à fournir des détails précis concernant le jour et le lieu de l’agression dont elle assure avoir été la victime empêche par ailleurs toute vérification avec les agendas du sénateur. Dans son témoignage au Washington Post, son frère, Collin Mouthon, n’avait initialement mentionné que les gestes déplacés, il a rajouté la mention du viol par la suite, dans un message.

« Deux poids, deux mesures »

L’ancien vice-président a assuré vendredi que ses archives personnelles, déposées à l’université du Delaware, ne contiennent aucun document privé concernant ses collaborateurs. Il a ajouté qu’il ne souhaite pas qu’elles soient rendues publiques avant la présidentielle. Il a justifié sa position en estimant qu’elles pourraient être utilisées à ses dépens par son adversaire pendant la campagne présidentielle.

L’accusation portée par Tara Reade, qui se revendique démocrate, a été exploitée par la gauche du Parti démocrate, frustrée par la défaite de son champion, Bernie Sanders, lors des primaires démocrates, tout comme par l’écosystème médiatique conservateur. Ce dernier dénonce un « deux poids, deux mesures » de la part des démocrates en opposant l’attitude du parti dans la controverse autour de Brett Kavanaugh, en 1998, et celle adoptée aujourd’hui.

Lorsque le candidat de Donald Trump pour la Cour suprême avait été accusé d’une agression sexuelle vieille d’une trentaine d’années, qu’il niait farouchement, les démocrates avaient assuré « croire » sa victime présumée. La majorité des élus a apporté ces derniers jours son soutien à Joe Biden, y compris la sénatrice de l’Etat de New York, Kirsten Gillibrand, très en pointe dans le mouvement #metoo. L’ancien sénateur s’est engagé à choisir une femme pour le poste de vice-présidente à l’élection de novembre.

Jeudi 30 avril, Donald Trump, lui-même visé par de nombreuses accusations d’agressions sexuelles, avait jugé indispensable que Joe Biden s’exprime, tout en ajoutant que l’ancien vice-président pouvait être « faussement » mis en cause. « Je dirais juste à Joe Biden : lève-toi et bats-toi », a ajouté vendredi le président des Etats-Unis.

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3 mai 2020

Extrait d'un shooting - photos : Jacques Snap

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3 mai 2020

Voyage - Un séjour à Berlin sans bouger de chez soi

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THE DAILY TELEGRAPH (LONDRES)

Confinement oblige, pas de voyage possible en ce moment. The Telegraph propose de vous transporter à Berlin, une ville qui attire beaucoup les Français, sans même que vous bougiez de votre canapé.

La capitale allemande a été au cœur de la tourmente pendant toute la Seconde Guerre mondiale, puis pendant les décennies de la guerre froide. Vu cette histoire “récente” tumultueuse, la ville est largement représentée dans l’art et la culture des XXe et XXIe siècles. Sachez toutefois qu’on peut très bien faire une visite virtuelle de Berlin sans regarder de vieux clichés de la porte de Brandebourg derrière les fils barbelés. Car Berlin, c’est aussi les rythmes fébriles d’une playlist techno, le goût de la Berliner Weisse et la joie simple et sucrée d’un beignet, ce même beignet qui, selon la légende urbaine, aurait autrefois mis dans l’embarras un président américain…

Cinéma

Good Bye Lenin ! (2003)

Cette comédie noire de Wolfgang Becker se déroule à l’automne 1989 de l’“autre” côté du mur de Berlin. On y raconte l’histoire – à première vue malheureuse – d’une Allemande de l’Est fervente socialiste, qui, victime d’un infarctus, tombe dans le coma quelques semaines avant la chute du rideau de fer. Avec un humour loufoque et beaucoup de chaleur, le film décrit les efforts déployés par ses enfants pour la protéger de la vérité. À son réveil, le mur est tombé, mais Alex (Daniel Brühl) et Ariane (Maria Simon) se donnent beaucoup de mal (faux journaux télévisés, dissimulation des produits alimentaires ouest-allemands) pour que leur mère ne s’en rende pas compte. Dans ce film, qui est devenu un symbole de l’“ostalgie”, à savoir la nostalgie pour le passé communiste, Berlin est dépeinte avec cet air vétuste associé au bloc de l’Est.

Disponible sur Amazon Prime.

Cours, Lola, cours (1998)

Ce thriller au rythme effréné (littéralement) nous entraîne aux quatre coins du Berlin de la fin des années 1990, une ville qui n’a déjà plus grand-chose à voir avec les vieux clichés de la guerre froide. Lola (Franka Potente), l’héroïne aux cheveux rouges, sprinte le long de Behrenstrasse ou de Friedrichstrasse, dans le quartier de Mitte, cherchant à réunir la somme d’argent qui lui permettra de sauver la peau de son petit ami. Dans la même veine que Pile et face (avec Gwyneth Paltrow dans le rôle principal), un film paru la même année qui a popularisé le concept, Cours, Lola, cours offre plusieurs versions de la même histoire. Un léger changement dans la chronologie des événements vient en effet changer la suite de l’histoire. Les trois versions se succèdent, certaines plus violentes que d’autres.

Disponible sur Amazon Prime.

Télévision

Deutschland 83

Le titre de cette série télévisée, qui a remporté un certain succès au moment de sa diffusion sur la chaîne britannique Channel 4 en janvier 2016, donne une bonne idée du sujet. Le spectateur se retrouve en effet plongé dans l’Allemagne de 1983, à une époque où la guerre froide menaçait de dégénérer en conflit ouvert. On y raconte l’histoire de Martin Rauch (Jonas Nay), un garde-frontière est-allemand qui devient espion contre son gré et qui doit infiltrer une base militaire en Allemagne de l’Ouest alors que plane la menace d’un holocauste nucléaire. La série est pleine de suspense, certes, mais les scènes où Martin — élevé de “l’autre” côté du rideau de fer — peine à s’adapter à la facilité de l’existence et à l’abondance des produits disponibles dans les commerces de l’Allemagne de l’Ouest sont aussi captivantes que l’intrigue elle-même. Berlin y apparaît souvent, mais son lustre moderne est savamment estompé par les effets de caméra. Ceux qui ont aimé la série seront heureux d’apprendre qu’il existe une suite — Deutschland 86 — et que l’on prévoit de tourner Deutschland 89.

Disponible sur Youtube.

Babylon Berlin

Basée sur les romans de l’auteur allemand Volker Kutscher, la série télévisée Babylon Berlin constitue un captivant exemple du genre néo-noir. Un inspecteur de police, muté de Cologne à Berlin, tente de démanteler un réseau d’extorsion dans la capitale allemande de la fin des années 1920. La série se déroule dans une ambiance de cabaret : des garçonnes dansent sur fond de tintements de verres à cocktail et de volutes de fumée de cigarette. Les épisodes ont été tournés en grande partie dans les légendaires studios Babelsberg, situés dans la ville voisine de Potsdam, mais certaines scènes se déroulent dans le vrai Berlin, notamment dans des quartiers comme Mitte et Charlottenbourg.

Disponible sur Youtube.

Musique

Techno

Si Detroit peut définitivement se targuer d’être le berceau de la techno et qu’il faut reconnaître le rôle qu’a joué Chicago dans son évolution, on peut aussi clairement compter Berlin parmi les terrains d’essai de ce genre musical à la fin des années 1980 et au début des années 1990. On considère même que la rythmique frénétique de ce type de musique dance a fortement contribué à rétablir les liens entre les deux moitiés de la capitale à la suite de la réunification officielle. Ce qui est certain, c’est que les rythmes pesants et la quête incessante d’euphorie associés à la techno en ont fait un son populaire dans les clubs berlinois pendant la décennie de l’après-guerre froide. Des boîtes de nuit comme Planet, UFO, E-Werk, Bunker et Tresor étaient remplis d’une faune disparate prête à faire la fête jusqu’au petit matin. La musique dance a évolué et une myriade de tendances sont apparues depuis, mais il n’est pas difficile de déterrer les hymnes technos qui ont autrefois fait danser toute une nation.

Reise, Reise

Formé à Berlin en 1994, Rammstein est l’un des groupes allemands les plus populaires des 30 dernières années. Ce géant du métal industriel, dont la musique puissante et sans compromis ne séduit pas tout le monde, a pourtant vendu plus de 10 millions de disques dans le monde. Une partie de l’attrait de la formation réside dans les spectaculaires concerts qu’elle donne sur fond de guitares distorsionnées, des créations théâtrales littéralement flamboyantes dans lesquelles Till Lindemann, le leader à la voix tonitruante, semble être en danger de mort, si près des flammes qui s’élèvent soudainement de la scène high-tech qu’il semble sur le point d’être brûlé vif. L’album Reise, Reise, paru en 2004, est l’une de leurs cartes de visite, en partie grâce à la tonique Keine Lust (“pas envie”).

Low

On pourrait écrire une thèse sur les raisons qui font que chacun des albums composant la mythique trilogie berlinoise de David Bowie — Low (1977), “Heroes” (1977) et Lodger (1979) — peut être considéré comme le plus abouti des trois. D’une certaine façon, cela n’a pas vraiment d’importance. Ils ont tous été écrits alors que Bowie vivait dans le quartier berlinois de Schöneberg et traversait une intense période créative. Par ailleurs, à l’exception de Lodger, dont le son est plus pop, ils expriment, à travers des effets de synthé désincarnés et des nappes instrumentales très denses, le sentiment de claustrophobie et d’appréhension que ressentaient les habitants d’une ville en première ligne. On considère cependant souvent Low comme le chef-d’œuvre des trois. Pas seulement parce qu’il contient des pièces comme Be My Wife et Sound And Vision, mais aussi parce qu’en tant que premier album de la série, il a bénéficié de l’effet de nouveauté. Chose certaine, sur le plan musical, le son n’a pas grand-chose à voir avec le rock glamour de The Rise And Fall Of Ziggy Stardust And The Spiders From Mars, qui avait fait de Bowie une vedette à peine cinq ans auparavant.

Staatsoper Unter Den Linden

Malgré la pandémie mondiale, l’Opéra d’État de Berlin (situé sur l’axe central Unter Den Linden, d’où son nom complet en allemand) continue d’assumer sa mission culturelle. Il offre en effet aux mélomanes la possibilité de visionner en ligne des spectacles (historiques) ayant été enregistrés dans le majestueux auditorium qu’il occupe depuis 1742.

Livres

Adieu à Berlin, de Christopher Isherwood

Cette collection d’histoires courtes et de longueur moyenne n’a été publiée qu’en 1939, mais elle est fermement ancrée dans le Berlin du début des années 1930. Le romancier s’est inspiré du temps qu’il a passé dans la capitale allemande (il a fait plusieurs séjours intermittents entre 1929 et 1938) pour raconter des histoires de désir et de décadence sur fond de montée du nazisme et de lente déliquescence sociale. La plus connue de ces histoires est sans doute celle de Sally Bowles. On y raconte les déboires d’une jeune fille anglaise qui plonge dans l’ambiance déjantée de la capitale allemande à l’époque de la République de Weimar. Le récit, dont le ton est parfois mélancolique, décrit comment elle parvient à joindre les deux bouts en travaillant comme danseuse et comme chanteuse et en servant de maîtresse à des hommes fortunés. L’histoire a fini par acquérir une existence propre, notamment avec la sortie sur grand écran de la comédie musicale Cabaret (1972), avec Liza Minnellli dans le rôle de la frivole Mme Bowles.

Berlin Alexanderplatz, d’Alfred Döblin

Döblin était un auteur allemand prolifique. Au cours de sa longue carrière, qui s’est étendue sur plus d’un demi-siècle, il a touché à plusieurs genres littéraires, du roman historique à la science-fiction. Berlin Alexanderplatz est considéré comme son œuvre magistrale. Le roman, publié 10 ans plus tôt (en 1929) que le recueil d’Isherwood, se déroule cependant pendant la même période. Döblin y raconte l’histoire d’un meurtrier qui, remis en liberté dans la capitale allemande après un séjour en prison, s’efforce de se tenir loin des milieux criminels. C’est l’époque de la République de Weimar, une époque caractérisée par la montée de l’extrémisme.

Peinture

La Rue, d’Ernst Ludwig Kirchner

Bien que natif de Bavière, Ernst Ludwig Kirchner, un membre important de “Die Brücke” (Le Pont), un groupe influent d’expressionnistes allemands, a souvent peint Berlin. Il s’est notamment intéressé à la capitale allemande dans les années 1910, posant un regard stoïque sur son atmosphère sordide. Nombre de ses œuvres ont été détruites, car son art était considéré comme dégénéré pendant la période nazie, mais La Rue, un tableau très réussi réalisé en 1913, a survécu à la purge. La toile, aujourd’hui exposée au Museum of Modern Art, à New York, représente deux prostituées en train de discuter pendant qu’une longue file de clients potentiels attend à côté. Les femmes portent des fourrures et les hommes sont vêtus de leurs plus beaux atours. C’était un an avant que la Première Guerre mondiale vienne tout bouleverser.

Musée

East Side Gallery

Berlin abrite plusieurs musées d’art (la Alte Nationalgalerie et la Gemäldegalerie, entre autres), mais le haut lieu de la peinture de la capitale est une structure qui, au moment de sa construction, était loin d’avoir une vocation culturelle. L’East Side Gallery est un tronçon de 1,3 km de l’ancien mur de Berlin situé dans l’arrondissement de Friedrichshain-Kreuzberg qui sert de support à 105 fresques, dont la plupart ont été peintes après l’ouverture de la frontière, en 1990. Elles ont toutes été réalisées dans un esprit de protestation, mais on observe une variété presque infinie de styles et de couleurs. Ainsi, on peut très bien visiter le musée à plusieurs reprises et y découvrir chaque fois quelque chose de nouveau. Cela dit, l’une des œuvres les plus photographiées est sans doute celle de l’artiste russe Dmitri Vrubel, intitulée Mein Gott, Hilf Mir, Diese Todliche Liebe Zu Uberleben (Mon Dieu, aide-moi à survivre à cet amour mortel), dans laquelle il se moque des liens étroits qu’entretenaient l’Allemagne de l’Est et l’Union soviétique. On y voit Erich Honecker et Leonid Brejnev (les leaders respectifs des deux puissances dans les années 1970) s’embrassant sur la bouche.

Sport

Olympiastadion

Alors que l’Allemagne est un haut lieu du football, le club berlinois est loin d’être une puissance dans ce sport. En effet, le dernier titre de champion du Hertha Berlin remonte à 1931, et l’équipe n’a jamais gagné le championnat d’Allemagne depuis le début de l’ère de la Bundesliga. Le stade où elle joue (actuellement) présente plus d’intérêt que le club lui-même. Malgré les rénovations importantes dont il a fait l’objet au cours des huit décennies qui se sont écoulées depuis, l’Olympiastadion reste associé aux Jeux olympiques de 1936, le sombre événement pour lequel il a été construit. Les “Jeux nazis”, organisés dans une optique de propagande, survivent dans les mémoires grâce à la multitude de séquences vidéos disponibles en ligne et à l’histoire intéressante à laquelle ils ont donné lieu. Le héros de l’heure était Jesse Owens, le sprinter noir américain qui a détruit le mythe de la suprématie aryenne de la façon la plus directe possible, soit en remportant quatre médailles d’or. On trouve en ligne des séquences vidéos de chacune de ces victoires, même si le visionnement de ces images détruit aussi quelques mythes. Après son triomphe à l’épreuve du 200 mètres, Owens a reçu une ovation debout de la part de la foule assemblée dans le stade. Sur les bandes vidéos, on peut voir les jeunes admirateurs allemands qui se penchent depuis les gradins pour lui demander un autographe. Par ailleurs, après la remise des médailles pour l’épreuve du saut en longueur, l’ancien détenteur du record, l’allemand Carl “Luz” Long, et Jesse Owens, l’homme qui venait tout juste de lui voler la première place, ont fait un tour du stade en se tenant par le bras (sous le regard visiblement furieux d’Hitler), donnant un visage humain à une époque caractérisée par son inhumanité.

Boisson

La Berliner Weisse

On raconte que la Berliner Weisse aurait été créée à Hambourg au Moyen-Âge. Quoi qu’il en soit, c’est aujourd’hui le nom de la capitale allemande qui est associé à cette bière de blé légèrement acidulée. À une époque, les habitants de la ville en buvaient presque autant que de l’eau. Contrairement à certaines bières allemandes, la Weisse est légère (son taux d’alcool tourne généralement autour de 3 %). Mieux vaut en commander deux !

Gourmandise

Le Berliner

L’humble beignet est au cœur de l’une des grandes controverses de l’histoire de Berlin. Le discours prononcé par le président américain John F. Kennedy sur les marches de la mairie de Schöneberg le 26 juin 1963, soit 22 mois après l’érection du mur de Berlin, contenait en effet la phrase aujourd’hui célèbre “Ich bin ein Berliner”. Contrairement au mythe urbain, toutefois, la foule rassemblée n’a pas cru qu’il disait “je suis un beignet” : elle a bien compris qu’il exprimait sa solidarité avec les Berlinois. Son discours n’a pas non plus provoqué l’hilarité des spectateurs. La controverse a malgré tout permis à la pâtisserie en question d’acquérir une certaine renommée. L’authentique Berliner, une boule de pâte frite fourrée à la confiture et recouverte de sucre à glacer, accompagne par ailleurs parfaitement une bonne tasse de café.

Chris Leadbeater

3 mai 2020

Milo Moiré - photos : Peter Palm

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2 mai 2020

Etat d'urgence prolongé, quarantaine obligatoire limitée, traçage des contacts…

Etat d'urgence prolongé, quarantaine obligatoire limitée, traçage des contacts… Ce que contient le projet de loi sur le déconfinement

Ce texte, annoncé cette semaine par Edouard Philippe lors de sa présentation de la stratégie de déconfinement progressif et différencié à compter du 11 mai, sera présenté dès lundi au Sénat puis vraisemblablement mardi après-midi à l'Assemblée nationale.

Etat d'urgence prolongé, quarantaine obligatoire limitée, traçage des contacts… Ce que contient le projet de loi sur le déconfinement

#OnVousRépond

"Nous allons devoir livrer ensemble une véritable course de fond qui s'est engagée il y a un mois et demi mais qui n'est pas encore terminée." Lors d'un point-presse, le ministre de la Santé, Olivier Véran, et celui de l'Intérieur, Christophe Castaner, ont détaillé, sur un ton solennel, les principales dispositions du projet de loi sur le déconfinement présenté samedi 2 mai, lors d'un Conseil des ministres extraordinaire.

"Apprendre à vivre avec le virus, voilà l'enjeu des prochains mois", a renchéri le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner. Le texte, qui comporte sept articles, vise à "conforter le cadre juridique" et à l'"élargir" pour "y intégrer les enjeux du déconfinement", qui doit débuter le 11 mai, a précisé Olivier Véran. Franceinfo vous résume les principales annonces.

L'état d'urgence sanitaire prolongé

Le gouvernement a décidé la prolongation pour deux mois, jusqu'au 24 juillet, de l'état d'urgence sanitaire en France pour lutter contre la pandémie de coronavirus, a annoncé Olivier Véran. Entré en vigueur le 24 mars, l'état d'urgence sanitaire est prorogé car sa levée le 23 mai "serait prématurée", "les risques de reprise épidémique" étant "avérés en cas d'interruption soudaine des mesures en cours", indique le projet de loi.

Le texte devrait être discuté par les sénateurs à partir de lundi après-midi, puis par les députés, probablement à partir du lendemain, a précisé la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye.

Quarantaine et isolement obligatoires uniquement lors de l'entrée en France

Le texte précise notamment les conditions de quarantaine des personnes arrivant en France et atteintes du virus. Elle ne pourra être rendue obligatoire qu'aux arrivées sur le territoire français, a indiqué le ministre de la Santé, c'est-à-dire "sur le territoire national ou arrivant dans un territoire d'outre-mer" ou en Corse. "Cette quatorzaine obligatoire est imposée à tout personne qui rentre sur le territoire (...) et sera organisé avec les moyens de l'Etat", a déclaré Olivier Véran, renvoyant à un décret qui en fixera les modalités précises (durée, conditions d'accès aux biens essentiels, suivi médical) en accord avec les scientifiques. L'isolement concernera, lui, les personnes arrivant sur le territoire et présentant un diagnostic positif au coronavirus. "Dans ces deux cadres-là, il peut être prévu des mesures de contrainte si les gens le refusaient", a-t-il indiqué.

Les personnes qui feront l'objet de ces mesures pourront exercer un recours devant le juge des libertés et de la détention "qui statue dans les 72 heures". Le juge pourra également s'autosaisir. "Ces mesures ne peuvent se poursuivre au-delà de quatorze jours, sauf si la personne concernée y consent ou en accord avec le juge des libertés et de la détention", poursuit le texte, précisant que "la durée totale de ces mesures ne peut excéder un mois".

Pour les malades infectés par le Sars-CoV-2 en France, "nous faisons le choix de la responsabilité des Français", a déclaré Olivier Véran, soulignant que la possibilité d'un isolement obligatoire n'avait pas été retenue. Concrètement, le projet de loi prévoit que "les mesures individuelles de placement sont prises par le représentant de l'Etat, sur proposition du directeur général de l'Agence régionale de santé (ARS) et après constatation médicale de l'infection de la personne concernée".

Un pouvoir de verbalisation élargi

Le pouvoir de verbalisation dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire sera étendu notamment aux agents des transports en commun, après le 11 mai, a annoncé Christophe Castaner. "Le 11 mai, si les conditions sont réunies, la règle générale redeviendra la liberté de circulation et les Français n'auront plus à produire d'attestation pour sortir dans la rue", a-t-il déclaré. Cependant, le port du masque sera obligatoire dans les transports en commun, a rappelé le ministre, et les commerces rouvriront à condition de respecter les gestes barrières.

Pour ces raisons, "les adjoints de sécurité, les gendarmes adjoints volontaires, les réservistes de la police et de la gendarmerie nationale ainsi que, et c'est important, les agents de sécurité assermentés dans les transports mais aussi les agents des services de l'autorité de la concurrence pour les commerces pourront constater le non respect des règles de l'urgence sanitaire et le sanctionner", a-t-il détaillé.

"C'est un apport considérable, c'est une marque de confiance. C'est nous donner toutes les chances pour que le déconfinement se déroule dans les meilleures conditions sanitaires possibles", a précisé Christophe Castaner en appelant cependant au "civisme des Français". "Si certains contrôles seront encore nécessaires, nous comptons sur le civisme des Français et l'esprit de responsabilité", a-t-il dit.

Un système d'information pour tracer les malades

Le texte porte aussi sur la mise en œuvre d'un "système d'information" concernant les personnes malades et leur entourage pour une durée maximale d'un an. Il s'agit d'une "sorte de dossier médical du coronavirus", selon BFMTV. "Il s'agira de collecter des données d'ordre non médical, mais aussi (...) d'ordre médical pour les porter à la connaissance d'un grand nombre d'intervenants", a déclaré Olivier Véran, qui a ensuite détaillé "cinq étapes distinctes".

Première étape : le recueil des tests par les laboratoires, lorsqu'ils sont positifs. Puis vient "le tracing de niveau 1", opéré par les médecins et professionnels de santé de premier recours, "pour définir le premier cercle des cas contacts d'une personne malade". Le "tracing de niveau 2" sera, lui, exercé par l'Assurance-maladie pour enrichir "la liste de contacts potentiels au-delà du premier cercle, vérifier qu'aucune personne potentiellement malade n'ait pu échapper au premier tracing".

Enfin, "le tracing de niveau 3" est organisé par les ARS : "Il s'agit d'identifier les chaînes de contamination, de transmission, ce qu'on appelait à un moment donné les 'clusters', les zones de forte circulation virale." La surveillance épidémiologique locale et nationale sera organisée par Santé publique France et par la Direction générale de la santé, a ajouté Olivier Véran.

Ce système d'information est d'ores et déjà l'objet de critiques sur la collecte et l'utilisation de ces données. Olivier Véran a également indiqué que, étant donné "un risque d'atteinte au secret médical, par le nombre d'intervenants qui prennent en charge les intéressés", le gouvernement aura recours à un encadrement législatif. "Les données récoltées ne seront pas récoltées aux fins d'une application et les systèmes d'information dont on parle juridiquement et techniquement sont indépendants de StopCovid", a précisé le ministre de la Santé. Le but est d'"enrichir" les fameuses "brigades" annoncées par le Premier ministre mardi, des "anges-gardiens" selon Olivier Véran.

La limite de déplacement de 100 kilomètres réglementée par décret

Le projet de loi permettra au Premier ministre de limiter la circulation par décret. "Le Premier ministre a déjà annoncé la limitation des déplacements dans un rayon de 100 km autour du domicile, sauf évidemment motif professionnel ou motif familial impérieux", a commenté le ministre de l'Intérieur.

"L'objectif du gouvernement n'est pas d'empêcher les gens de se déplacer mais d'empêcher que le virus se déplace", a déclaré Christophe Castaner. "Pour se déplacer, le virus utilise celles et ceux des Français qui se déplacent (...) nous faisons confiance à ces membres d'une famille qui voudraient rejoindre leurs grands-parents à plus de 100 km et qui les exposeraient à un risque", selon lui.

"Il n'y a pas d'interdiction de franchissement de barrières administratives", entre des régions classées rouges et des régions classées vertes, a précisé le ministre. "Ce dispositif se construit sur la confiance et la responsabilité, il n'est pas arrêté dans ses modalités, nous le préciserons dans la semaine qui vient", a-t-il ajouté, laissant présager d'autres annonces sur ce point dans les prochains jours.

Enfin, interrogé sur les appels à "libérer les plages" bretonnes pour un accès au littoral, Christophe Castaner s'est contenté de répondre que "pour l'instant, les plages sont fermées".

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2 mai 2020

Coronavirus - situation au 1er mai 2020

situation au 1er mai

2 mai 2020

Covid-19 : la muqueuse du nez est la porte d’entrée du nouveau coronavirus

Par Paul Benkimoun

Le nouveau coronavirus SARS-CoV-2 cible un récepteur cellulaire particulièrement abondant dans la cavité nasale, où il se multiplierait avant de se disséminer notamment dans les poumons.

Le nouveau coronavirus SARS-CoV-2 ciblerait en priorité les cellules de la muqueuse du nez avant d’envahir les poumons. Dans un article récemment publié par la revue Nature Medicine, une équipe internationale de chercheurs d’institutions britannique, française et néerlandaise met en évidence le fait que certaines cellules du nez expriment en quantité importante la molécule avec laquelle le SARS-CoV-2 interagit avant de pénétrer dans les cellules et s’y multiplier.

Il a été établi rapidement après le début de l’épidémie de Covid-19 que le nouveau coronavirus infecte les cellules en se servant d’une protéine exprimée à sa surface, la protéine S, comme d’une clé adaptée à un récepteur – une autre protéine située à la surface des cellules de l’hôte. Celle-ci constitue une serrure contrôlant cette porte d’entrée. Ce récepteur porte le nom « ACE2 », correspondant au nom anglais d’une enzyme de conversion de l’angiotensine, identifié par le passé pour son implication dans le contrôle de la tension artérielle. Le virus du SRAS, dont le SARS-CoV-2 est proche, se sert du même récepteur.

On retrouve des cellules exprimant ACE2 à leur surface dans l’appareil respiratoire, le cœur, les artères, les reins et l’appareil digestif. L’entrée du SARS-CoV-2 implique également une autre protéine, appelée « TMPRSS2 », qui active la protéine S avant qu’elle n’interagisse avec ACE2.

Waradong Sungnak (Wellcome Sanger Institut, Cambridge, Royaume-Uni) et ses collègues du consortium mondial Human Cell Atlas (HCA) se sont appuyés sur les nombreuses données cellulaires disponibles et en particulier celles des voies aériennes de sujets adultes sains collectées par les équipes niçoises du HCA, dirigées par Pascal Barbry, à l’Institut de pharmacologie moléculaire et ­cellulaire (Université Côte d’Azur et CNRS) et Sylvie Leroy, au Centre hospitalier universitaire de Nice.

« Nous disposions avec le projet HCA de beaucoup de données sur les cellules des voies aériennes (nez, trachée, bronches). Le récepteur et le cofacteur de ce nouveau coronavirus ayant été identifiés, nous avons donc pu quantifier le niveau d’expression de leurs ARN dans les voies respiratoires. Nous avons ainsi mis en évidence un niveau plus élevé dans la cavité nasale », explique le docteur Pascal Barbry.

Les cellules de l’épithélium nasal, réservoir potentiel pour le virus

En étudiant l’expression d’ACE2 dans les cellules situées à la surface des voies respiratoires, du nez aux alvéoles pulmonaires, les chercheurs ont constaté une expression plus forte de cette porte d’entrée du virus dans la cavité nasale. Plus précisément, au niveau de deux types de cellules : celles qui produisent du mucus et celles dotées de cils qui le déplacent.

La découverte du rôle de ces cellules de l’épithélium nasal comme des cibles précoces de l’infection par le SARS-CoV-2 et de réservoir potentiel pour le virus permet sans doute d’expliquer le caractère facilement transmissible de ce virus respiratoire par le biais des aérosols projetés lors des éternuements ou de la toux, en raison de leur localisation proche de l’orifice des narines.

L’ARN de la protéine ACE2 est également présent dans le poumon profond, dans les alvéoles pulmonaires, où il s’exprime dans des cellules dites cellules alvéolaires de type II. Alors que les cellules alvéolaires de type I sont impliquées dans les échanges de l’oxygène et du gaz carbonique, les cellules de type II maintiennent la fonction respiratoire en fabriquant un liquide complexe, le surfactant, qui empêche les alvéoles de s’affaisser et participe à la défense du poumon contre les infections bactériennes et virales.

« Il existe un double effet lors de l’infection par le SARS-CoV-2, précise le docteur Barbry. Son entrée dans les cellules du nez lui permet de se multiplier puis de se disséminer, et chaque inspiration l’entraîne vers les alvéoles où il peut se fixer sur le même récepteur présent sur les cellules alvéolaires de type II et se répliquer de nouveau. »

En travaillant sur la protéine ACE2, des chercheurs pourraient mettre au point des molécules capables de contrôler l’entrée du virus dans la cellule. Le docteur Barbry souligne que cette étude se poursuit actuellement : « L’accès à plus d’un million de cellules analysées par le consortium HCA va permettre de déterminer les facteurs dont peut dépendre l’expression de ACE2 (âge, sexe, statut tabagique…). Cela pourrait permettre de comprendre pourquoi certaines personnes seraient plus susceptibles que d’autres à l’infection et/ou à la transmission du virus. »

2 mai 2020

Fanny Müller

fanny90

2 mai 2020

Enquête - Matériaux, télétravail, espaces modulables… le bureau à l’heure du Covid-19

Par Laurent Carpentier - Le Monde

Haro sur les open spaces, ruée sur le Plexiglas… La pandémie due au coronavirus fait monter la fièvre chez les architectes d’intérieur, sommés de repenser nos façons de travailler.

« Si un lieu n’est pas pensé pour avoir une deuxième ou une troisième vie, c’est foutu d’avance. » L’architecte Patrick Rubin répond au téléphone au milieu des gravats, dans son petit hôtel du XVIIe siècle qui lui sert à la fois de logement, d’agence et de galerie, dans le quartier du Marais, à Paris. L’architecte – qui a autrefois installé dans un ancien garage hélicoïdal les locaux du journal Libération – met ainsi en pratique ce qu’il ne cesse, depuis, de théoriser : un lieu n’a pas une seule affectation, il doit être ­réversible. « Pourquoi construit-on des logements d’un côté et des bureaux de l’autre ? Pourquoi pas tout ensemble ? Un bâtiment doit être capable de muter à tout moment. »

Muter : c’est le défi qui semble ­attendre, à l’heure du Covid-19, les bureaux d’entreprises. A la poubelle, les open spaces qui ont fait le bonheur des « trente glorieuses » ? Exit le « flex office » (partage des bureaux), conçu pour améliorer l’utilisation des espaces qui, dans la plupart des entreprises, peinent à dépasser un taux d’occupation de 50 % ? Et quid des lieux de coworking, présentés hier comme la panacée, avec leurs canapés en partage, quand le coronavirus interdit aujourd’hui toute promiscuité ? Changement de paradigme : là où on réunissait, voilà que l’architecte est sommé de distancier.

« LÀ OÙ ON NOUS DEMANDAIT AUTREFOIS UN PORTE-PARAPLUIES, ON NOUS RÉCLAME UN DISTRIBUTEUR DE SOLUTION HYDROALCOOLIQUE. » ROBERT ACOURI, DE LA MANUFACTURE DU DESIGN

« Il y a trois pistes », affirme de sa voix au débit rapide Vincent Dubois, le directeur général d’Archimage, agence d’architecture spécialisée dans l’organisation des espaces de travail, chargé ­notamment du nouveau siège du Groupe Le Monde, à Paris. « La première concerne le toucher : pour ne plus effleurer les machines – ascenseurs, téléphones, photocopieuses –, on va chercher de plus en plus à leur parler. La deuxième, c’est le télétravail. Plus que jamais, le bureau sera avant tout un lieu d’échanges et de rencontres, et l’accent sera mis sur les ­stations de télé-présence permettant de reconstituer des salles de réunion aux quatre coins du monde. Enfin, pour ce qui concerne les bureaux mêmes, on va aller vers des aménagements à géométrie variable, avec par exemple une version hors crise à dix bureaux et une, pour temps de crise, à trois bureaux. »

« Jusqu’ici, observe-t-il encore, on concevait les espaces pour ceux qui les utilisaient, pas pour ceux qui les entretenaient. Il va falloir s’adapter. » Adieu les joints creux, ces interstices entre deux matières, très élégants, mais nids à microbes. Bienvenues les patères pour accrocher son masque dans son sachet sous vide, les étagères pour poser les lingettes et les protections pour chaussures… « Là où on nous demandait autrefois un porte-parapluies, on nous réclame un distributeur de solution hydroalcoolique », résume Robert Acouri (La Manufacture du design), qui équipe les sièges sociaux d’Altarea-Cogedim et d’Hermès. Quel sera demain mon bien le plus ­précieux, s’interrogent ainsi ces designers, obligés de travailler dans l’urgence : est-ce mon clavier, avec lequel je vais désormais me déplacer ?

La quête du meilleur plastique

Depuis quelques jours, dans leur boîte mail, les professionnels du bureau découvrent chaque matin une cohorte de nouveaux produits semblables. « Préparez-vous pour le retour au travail. ­Corona, l’écran de séparation anticontagion », propose la société espagnole ­ Dynamobel, avec ses 3 mm de méthacrylate transparent posé sur équerres. Rexite, un designer milanais, vante Plexy, des panneaux de Plexiglas « répondant aux précautions sanitaires », quand Arcoplex propose, avec moult photos chics à l’appui, sa gamme « sur mesure ». C’est la ruée sur les plastiques, seules matières avec le verre qui soient lavables avec une éponge et de l’eau savonneuse, et tout ça sans rompre la luminosité et casser l’impression d’espace. Un marché de niche en passe de devenir un marché de masse.

A Saint-André-de-Bâgé (Ain),Charlie Wagemans, le patron de Signasolution, en témoigne : « Quel que soit le ­matériau translucide que vous choisissez, ça commence à être la pénurie. Depuis la mi-avril, nos fournisseurs ne s’engagent plus sur les délais et les prix montent. » Alors même que sa PME, spécialisée en signalétique et équipement d’extérieur dans le loisir, voyait ses marchés s’effondrer, elle a vu arriver de nouveaux clients, comme Leroy Merlin, qui veut équiper ses caisses. Depuis, le jeune entrepreneur épluche les fiches techniques, en quête du meilleur produit : « Je préfère le PETG, un copolymère, plus souple, moins cassant et surtout plus résistant aux produits chimiques que le Plexiglas. Le problème, c’est d’isoler également phoniquement. Il y a bien les panneaux de protection acoustique pour bord d’autoroute. Mais ils ne résolvent pas la question de la réverbération. »

« ON EST LOIN DE LA “FLEX”  DONT ON PARLAIT JUSQU’ICI, BASÉE SUR DES MOBILIERS TRÈS STANDARDS. ON VEUT DES ­ESPACES MODULABLES ET HYBRIDES. » MATTHIEU ROCHAS, DIRECTEUR DE SINCE

« La crise est un accélérateur de ­réflexion, analyse Matthieu Rochas, le ­directeur fondateur de Since, un cabinet de conseil et d’architecture d’intérieur. Avec des remises en question quotidiennes. Dans le confinement, on découvre ainsi une reconnexion des personnes ­entre elles malgré la déconnexion géographique : force est de constater que ce n’est pas en étant face à face que le ­contact s’établit. La question qui en découle, c’est : a-t-on encore besoin d’une table pour échanger ? Que deviennent les salles de réunion ? On est loin de la “flex” dont on parlait jusqu’ici, basée sur des mobiliers très standards. On veut des ­espaces modulables et hybrides, qui ­chacun peuvent servir à quelque chose d’autre. Et puis on assiste à une démystification du poste de travail. Ce qui est une chance pour expérimenter des ­modes nouveaux. »

Pour les aménageurs d’espace, il y a là, avec la pandémie, un état de grâce, une bienveillance générale et une écoute de l’autre, que le sentiment d’affronter collectivement quelque chose de dur, de sensible, a fait naître. Ils en ont bien conscience.

« Ce qu’on attend d’une entreprise, c’est sa capacité d’empathie, et celle de se projeter dans l’avenir. Ce qu’on attend d’un designer, c’est de répondre à des questions telles que : pour quoi vais-je travailler ? En quoi et à quel propos la technologie fait-elle sens ? », analyse Ramy Fischler. Depuis Oslo où, avec sa femme, norvégienne, il s’est retrouvé bloqué quand l’Europe s’est confinée, le designer belge explique comment l’« être ­ensemble » des entreprises ne passe plus aujourd’hui par du mobilier mais par des comportements.

Réunions en réalité virtuelle

C’est le cas pour la question du télétravail, que les enjeux climatiques ou de transport avaient déjà mise sur le tapis, mais que le Covid-19 a amplifiée : les réunions de demain se feront-elles en « VR », en réalité virtuelle (quand bien même d’ailleurs on serait non pas chez soi, mais assis à quelques bureaux d’écart) ? Et qu’est-ce que cela génère ? Problèmes de confidentialité, de surveillance, d’intrusion dans la vie privée, maux de tête, paranoïa ? Tout ce qui peut empêcher l’adhésion au projet commun de l’entreprise est le travail du designer, relève Ramy Fischler : « De même que l’open space était apparu à un moment donné comme une sorte de ­miracle de la modernité, avec la volonté de la transparence, de l’égalité, on a ­ constaté qu’il créait aussi de la solitude et de la dépression. »

L’architecte Jean Nouvel regarde, lui, toute cette ébullition avec recul. « Toutes ces questions d’organisation du travail doivent passer au filtre de la réalité à l’échelle de la décennie », dit-il, placide. Le temps de la création architecturale n’est pas celui de la crise. « Cela va au-delà d’une question de postillons. Bien sûr, le temps que l’on trouve un vaccin, il va y avoir des aménagements provisoires, des bricolages, le Plexiglas… Mais rien de durable dans tout cela, à mon sens. »

Reversibilité des locaux

Vraiment ? Et si, au contraire, le bricolage était l’avenir ? « Il est intéressant d’observer ce que les commerçants ont fait par eux-mêmes, témoigne le designer graphique Geoffrey Dorne. Les écrans en plastique, les marquages au sol avec des bouts de scotch ou de la craie… Le do it yourself nous en apprend beaucoup en matière de design d’espace sur ce dont les gens ont besoin. » Lorsqu’il ne donne pas de cours (par visioconférence) devant des étudiants de grandes écoles spécialisées, Geoffrey Dorne tient une veille sur son blog, « Graphism.fr ». Hormis un système pour ouvrir les portes avec le coude, inventé par une petite start-up belge de 3D, Materialise, peu d’inventions à la Géo Trouvetou. « C’est ce que j’explique à mes étudiants : ils ont un boulevard devant eux. Il y a tout un champ ouvert, mais encore pas grand-chose de fait. »

Alors que dans notre petit appartement, entre deux gratins dauphinois, on multiplie les interviews et les réunions en pyjama, on songe à ce que nous disait l’architecte Patrick Rubin et à son discours sur la réversibilité des ­locaux, dont on fait tous aujourd’hui l’expérience : « Une salle de bains reste vingt-deux heures un espace dormant. Comme la chambre, qui dort lorsque vous travaillez. Pour moi, il n’y a pas de lieu affecté », disait-il. Ce serait donc ça ? Oubliez l’open space, adoptez une salle de bains !

2 mai 2020

Donald Trump

trump666

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