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Jours tranquilles à Paris
etats unis
28 novembre 2019

Donald Trump promulgue une loi prodémocratie soutenant les manifestants de Hongkong

Cette législation, qui menace de suspendre le statut économique spécial de l’ex-colonie britannique, a été qualifiée d’« abomination absolue » par Pékin, qui évoque en réponse d’éventuelles représailles.

Le président américain a longtemps hésité, pesant le pour et le contre à propos de la loi soutenant le camp prodémocratie à Hongkong, assurant être « avec » les manifestants, tout en réitérant sa confiance dans son homologue chinois Xi Jinping. Mais après quelques jours de tergiversations, Donald Trump a finalement promulgué, mercredi 27 novembre, l’« acte de 2019 sur les droits humains et la démocratie à Hongkong ».

Approuvée une semaine plus tôt à une écrasante majorité par le Congrès des Etats-Unis, cette législation menace de suspendre le statut économique spécial accordé par Washington à Hongkong – il permet à ce territoire d’être exonéré des restrictions s’appliquant à la Chine continentale. Le texte conditionne désormais son maintien à la validation annuelle par l’administration américaine d’une situation jugée convenable en matière de respect des droits de la part des autorités hongkongaises.

« J’ai signé ces résolutions par respect pour le président Xi [Jinping], la Chine, et le peuple de Hongkong, a défendu Donald Trump dans un communiqué. Elles sont promulguées avec l’espoir que les leaders et les représentants de la Chine et de Hongkong seront en mesure de régler à l’amiable leurs différences. »

Pékin évoque des représailles

Cette loi a provoqué l’ire de Pékin – sans surprise. Le gouvernement chinois a ainsi menacé, jeudi, de prendre « des mesures de représailles », le ministère des affaires étrangères qualifiant cette loi d’« abomination absolue » dans un communiqué.

Moins vindicatif, le gouvernement hongkongais a, de son côté, accusé Washington d’« ingérence » dans ses affaires intérieures. « Les deux actes s’immiscent manifestement dans les affaires intérieures de Hongkong », a déclaré un responsable de l’exécutif dans un communiqué, estimant que cette résolution envoie « un mauvais message aux manifestants ».

Aux Etats-Unis, la décision de Donald Trump a été saluée des deux côtés de l’échiquier politique. « [Notre pays] se tient aux côtés des manifestants alors qu’ils marchent vers leur autonomie, pour leur démocratie et pour leurs droits humains », a écrit Ben Cardin, sénateur démocrate du Maryland. « J’applaudis le président Trump pour promulguer cette législation essentielle en loi », a abondé son collègue républicain Marco Rubio (Floride).

Vers un accord commercial

Cette promulgation intervient alors que les négociations se poursuivent pour mettre fin au conflit commercial opposant, depuis mars 2018, les deux premières puissances économiques mondiales. Sur ce dossier, les Etats-Unis et la Chine ont envoyé ces derniers jours des signaux positifs quant à la conclusion avant la fin de l’année d’un accord commercial partiel, dit de « phase un ».

« Nous sommes dans la dernière ligne droite avant de parvenir à un accord très important », avait avancé hier M. Trump.

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31 octobre 2019

ETATS-UNIS : Impeachment : la bonne résolution des démocrates

Par Isabelle Hanne, correspondante à New York

Déjà confortée par l’audition d’un témoin crucial, l’enquête pour destitution pourrait bénéficier d’un cadre formel en cas d’accord des représentants.

Impeachment : la bonne résolution des démocrates

La Chambre des représentants doit voter jeudi une résolution pour «éliminer tout doute» quant à son enquête en vue d’une destitution éventuelle de Donald Trump, a expliqué sa présidente, la démocrate Nancy Pelosi. Une première étape formelle pour légitimer la procédure en cours, notamment grâce à des auditions publiques de témoins. Jusqu’ici, celles-ci se sont déroulées à huis clos, devant les membres, démocrates comme républicains, des commissions chargées de l’enquête. Déclenchant l’ire de certains républicains qui ne sont pas membres de ces instances, qui considèrent être exclus de la procédure. La semaine dernière, une vingtaine d’entre eux a même fait irruption dans la pièce sécurisée où se tenait l’audition d’un responsable du Pentagone, retardant son témoignage. L’opposition démocrate cherche depuis un mois à établir si Donald Trump a abusé de son pouvoir à des fins personnelles quand il a demandé à l’Ukraine d’enquêter sur son potentiel rival pour l’élection 2020, l’ex-vice-président Joe Biden.

«Mascarades»

La résolution, qui a de fortes chances d’être votée dans une Chambre à majorité démocrate, énonce également «les droits garantis au président et à sa défense». Les avocats de Trump seront en effet autorisés à le défendre formellement et à contre-interroger des témoins quand la commission judiciaire de la Chambre commencera ses débats sur le vote ou non de l’impeachment. Mais loin de se satisfaire de cette proposition, la Maison Blanche et les républicains y ont vu l’aveu, par les démocrates, de l’irrégularité de la procédure, comme ils le clament depuis son lancement. L’enquête pour destitution «est une mascarade», a affirmé la porte-parole de la Maison Blanche, Stephanie Grisham. Nancy Pelosi «admet enfin ce que le reste de l’Amérique sait déjà : que les démocrates mènent une enquête non autorisée […] et leurs auditions secrètes, suspectes, menées à huis clos sont absolument illégitimes», a-t-elle ajouté. La Maison Blanche refuse jusqu’ici de coopérer à une enquête qu’elle qualifie de «chasse aux sorcières», et a intimé aux membres de l’administration de ne pas répondre aux convocations du Congrès.

Rien n’oblige pourtant la Chambre à organiser un vote en séance plénière pour lancer ces investigations préparatoires. Lors des procédures de destitution contre Richard Nixon et Bill Clinton, des enquêtes avaient été menées en amont, avant que la procédure ne soit ouverte au public. En procédant à huis clos, les élus de l’opposition affirment également qu’ils ont empêché les témoins de coordonner leurs versions.

Pour les démocrates, cette résolution permet d’encadrer une nouvelle phase de la procédure. Et de contrer une administration Trump qui «refuse de transmettre des documents, empêche les auditions de témoins, ignore des injonctions dûment autorisées ou continue à faire entrave à la Chambre des représentants», a précisé Nancy Pelosi. «Les preuves que nous avons déjà collectées dressent le portrait d’un président qui a abusé de son pouvoir en utilisant plusieurs leviers du gouvernement pour faire pression sur un pays étranger pour qu’il interfère dans l’élection 2020», résument des leaders démocrates de la Chambre dans un communiqué.

Inquiétudes

Ce vote intervient après un nouveau témoignage déterminant dans le cadre de l’enquête. Mardi, lors de son audition à la Chambre, le lieutenant-colonel Alexander Vindman, directeur des affaires européennes au sein du Conseil de sécurité nationale et expert sur l’Ukraine, a livré de nouveaux détails embarrassants pour Donald Trump. Vindman est le premier témoin auditionné à avoir écouté l’appel téléphonique du 25 juillet, au cours duquel Donald Trump a demandé à son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, de «se pencher» sur l’ancien vice-président Joe Biden, et les affaires de son fils Hunter en Ukraine.

Selon cet ancien combattant de la guerre en Irak, le transcript livré par la Maison Blanche de cette conversation, au cœur des investigations de la Chambre, a omis des mots et des phrases cruciaux. Trump aurait notamment affirmé qu’il existait des enregistrements de Joe Biden évoquant la corruption en Ukraine. Zelensky aurait, lui, explicitement mentionné Burisma Holdings, la compagnie gazière qui employait Hunter Biden. Alexander Vindman, aurait tenté, en vain, de faire rajouter ces éléments dans la retranscription de l’appel. Très «préoccupé» par cette conversation, il a affirmé dans sa déclaration liminaire avoir rapidement fait part de ses inquiétudes à l’avocat du Conseil de sécurité nationale. «Je ne pensais pas qu’il était approprié d’exiger qu’un gouvernement enquête sur un citoyen américain, j’étais inquiet des conséquences», a-t-il précisé.

A partir des informations obtenues lors de ces auditions, la Chambre des représentants pourrait voter en fin d’année sur des articles de mise en accusation de Donald Trump. Si son impeachment est approuvé, le Sénat devra ensuite organiser le procès du Président. Compte tenu de la majorité républicaine dans cette enceinte, il semble peu probable, à ce stade, qu’il soit destitué.

17 octobre 2019

Chronique - « Pour l’image des Etats-Unis, il y aura un avant et un après octobre 2019 »

Par Sylvie Kauffmann, Editorialiste

En abandonnant les Kurdes en Syrie et en tentant de corrompre le président ukrainien, Donald Trump a mis fin à l’idéal américain de la guerre froide, celui du pays exemplaire, souligne Sylvie Kauffmann, éditorialiste au « Monde », dans sa chronique.

Ce fut l’un des grands moments de l’éloquence reaganienne. Le 11 janvier 1989, le président républicain s’adresse à ses concitoyens pour la dernière fois depuis la Maison Blanche, où il achève son second mandat.

Revenant sur huit ans passés à la tête des Etats-Unis, Ronald Reagan fait un poignant éloge de la liberté, rend un ultime hommage à la démocratie et termine par une référence qui lui est familière, celle de la « ville qui brille sur la colline ». Cette lumière, c’est celle qu’imaginait le pèlerin John Winthrop en 1630, dans sa quête de l’Amérique idéale, à bord de l’embarcation qui le dirigeait vers ses rivages.

« Dans mon esprit, dit Ronald Reagan, c’était une ville haute et fière, (…) grouillant de gens de toutes sortes qui vivaient en harmonie et en paix, une ville avec des ports libres bruissant de commerce et de créativité. Et si elle devait avoir des murs, ces murs avaient des portes, et les portes étaient ouvertes à tous ceux qui avaient la volonté et le cœur d’y venir. » Cette ville, conclut-il tandis que la caméra zoome sur son visage ému, elle est toujours là, brillant de tous ses feux. « Elle reste un phare, un aimant pour tous ceux qui cherchent la liberté, pour tous les pèlerins des endroits perdus qui cinglent dans les ténèbres, vers leur foyer. »

C’était il y a trente ans et l’Amérique faisait parfois sourire, dans cette apparente naïveté qui pouvait aussi dissimuler une certaine dose d’hypocrisie mais allez, c’était si joliment emballé ! Lorsque le communisme rendit l’âme, quelques mois plus tard, Ronald Reagan n’était plus aux commandes ; il voulut bien en prendre sa part cependant, tant il avait célébré les valeurs qui triomphaient de cette guerre froide.

L’abandon des Kurdes de Syrie

Trente ans plus tard, la ville sur la colline ne brille plus et le mot « valeurs » a disparu du vocabulaire de la Maison Blanche. Le président des Etats-Unis ne fait plus ni rêver ni même sourire, il tweete « Bullshit » en lettres capitales et claque les portes de la cité.

Ses opposants sont des « traîtres », les journalistes « corrompus » et « falsificateurs ». Depuis une semaine, il a accroché un autre exploit à son tableau : l’abandon des combattants kurdes dont il s’était servi en Syrie, les amenant à conclure avec l’agresseur un pacte aux conséquences dramatiques. Au passage, Donald Trump abandonne aussi ses alliés français et britanniques, avec lesquels il n’a pas coordonné le départ des troupes américaines. Il cède la place aux Russes, renforce Damas et redonne de l’air à l’organisation Etat islamique (EI).

En l’espace de quelques jours, le locataire de la Maison Blanche a réduit à zéro la valeur de la parole de Washington. Il a montré qu’un engagement dont dépend la vie de centaines de milliers de personnes peut être rayé d’un tweet. « Ils nous ont fait confiance et nous avons trahi cette confiance, a confié au New York Times un officier américain qui avait travaillé aux côtés des Kurdes dans le nord de la Syrie. C’est une tache sur la conscience américaine. »

LES ETATS-UNIS N’ONT PAS SEULEMENT TRAHI LES KURDES, ILS ABANDONNENT TOUTE PRÉTENTION À LA MORALE ET À L’EXEMPLARITÉ, QUI FUT LEUR MARQUE DE FABRIQUE

Quels que soient les efforts de rétropédalage ou les manœuvres de rattrapage d’autres structures du pouvoir américain, on aurait tort de sous-estimer l’impact de cette volte-face : pour l’image des Etats-Unis, il y aura un avant et un après octobre 2019.

Comme il y a eu, réalise-t-on aujourd’hui, un avant et un après août 2013, lorsque le président Barack Obama a renoncé à mettre à exécution sa menace de punir Bachar Al-Assad, dont le recours à l’arme chimique était avéré. C’était la première étape du renoncement américain – mais, au moins, celui-ci tentait-il de sauver les apparences, derrière un habillage de procédures démocratiques.

Donald Trump, lui, n’a que faire des apparences et des procédures démocratiques. Avec lui, les Etats-Unis n’ont pas seulement trahi les Kurdes, ils abandonnent toute prétention à la morale et à l’exemplarité, qui fut leur marque de fabrique pendant la guerre froide et l’après-guerre froide. Même lorsque Nixon et Kissinger fomentaient leurs basses œuvres contre Salvador Allende au Chili, ils le faisaient, officiellement, au nom de la défense du monde libre contre le communisme international. Donald Trump, lui, pratique le cynisme à l’état pur : America First. Seul compte pour lui son électorat.

Une politique reniée aussi en Ukraine

La Syrie n’est pas le seul écueil sur lequel s’abîme l’Amérique. En Ukraine, en essayant de corrompre Volodymyr Zelensky, un jeune président élu, précisément, pour vaincre le fléau de la corruption, Donald Trump a discrédité la démocratie américaine.

Pendant trente ans, les administrations américaines successives se sont vues comme le porte-drapeau, devant l’Union européenne, du soutien aux transitions démocratiques et à l’Etat de droit dans le monde post-communiste. Cette politique est aujourd’hui reniée. Que dire aujourd’hui aux militants démocrates ukrainiens qui s’engagent, parfois au péril de leur vie, pour bâtir un Etat de droit et éradiquer la corruption, lorsque le président des Etats-Unis se comporte avec leur propre président comme un vulgaire oligarque ?

Quel exemple offrent à la nouvelle génération de hauts fonctionnaires de ce jeune pays le sort de l’ambassadrice américaine Marie Yovanovitch, rappelée prématurément à Washington sous de fausses accusations, ou la démission de l’envoyé spécial pour l’Ukraine Kurt Volker qui, au lieu de favoriser les efforts de paix avec la Russie, servait d’entremetteur à Rudy Giuliani, avocat de Donald Trump, pour de sordides manœuvres de politique intérieure américaine ?

Lundi 14 octobre à Hongkong, des manifestants pro-démocratie se sont rassemblés pour demander l’aide des Etats-Unis, au bout de quatre mois de mobilisation sans faille. « Président Trump, aidez-nous à libérer Hongkong », implorait une banderole. Ce monde-là n’est plus, mais ils l’ignorent encore.

11 octobre 2019

ALERTE-USA-Turquie

ALERTE-USA-Turquie: Washington conseille à Ankara d’interrompre son intervention en Syrie. Le Pentagone conseille « fermement » à la Turquie d’interrompre son offensive militaire dans le nord-est de la Syrie.

11 octobre 2019

Chronique « Trump a déclaré la guerre (économique) à Xi. L’affrontement va au-delà de la bataille de tarifs »

Par Alain Frachon

Une partie de notre avenir est entre les mains d’un Donald Trump au bord de la crise de nerfs et d’un Xi Jinping qui semble menacé par l’hubris, s’inquiète, dans sa chronique, Alain Frachon, éditorialiste au « Monde ».

Les deux hommes les plus puissants au monde nous inquiètent. L’un, Donald Trump, paraît au bord de la crise de nerfs, l’autre, Xi Jinping, semble menacé par l’hubris, l’ivresse du pouvoir. Au moment où ce dernier célébrait, mardi 1er octobre, dans l’impériale vastitude de la place Tiananmen, à Pékin, l’accession de son pays au rang de géant militaire, le premier, sous le coup d’une procédure en destitution à Washington, affichait un comportement encore un peu plus erratique qu’à l’habitude. L’un trop fort, l’autre déséquilibré ? Une partie de notre avenir est entre les mains de ces deux-là.

La scène la plus étonnante de ces derniers jours a eu lieu jeudi 3 octobre à la Maison Blanche, devant la presse, quand le républicain Trump, élu d’une formation où l’on a toujours pourfendu les « rouges », a appelé le Parti communiste chinois (PCC) à son secours. La situation était d’autant plus baroque que les Etats-Unis sont engagés dans une guerre commerciale à la vie à la mort avec la Chine. Ainsi va Trump.

L’Américain demandait aux dirigeants chinois d’enquêter sur la famille de Joe Biden, le potentiel rival démocrate de Trump à l’élection de novembre 2020. Explication : le fils de Joe, Hunter Biden, a ouvert un bureau de consultant à Pékin quand son père était vice-président. Gros conflit d’intérêts, suggère Trump – qui, lui, n’a pas jugé bon, une fois élu à la Maison Blanche, de couper les liens avec son empire immobilier (confié à la gestion de ses enfants).

Toujours devant les journalistes, le président répétait mot pour mot ce qui a conduit la majorité démocrate à la Chambre des représentants à ouvrir une enquête aux fins de le destituer. C’est vrai, avoue-t-il, il a bien demandé, le 25 juillet, à l’Ukraine d’enquêter sur les affaires de Hunter à Kiev – et sur le rôle que le père de celui-ci, Joe Biden, a pu y jouer. Curieuse contre-attaque qui, consistant à reconnaître les faits, relève d’une sorte « d’autodestitution », écrit l’excellente Susan Glasser dans l’hebdomadaire The New Yorker. La Constitution américaine interdit à tout candidat à une élection de solliciter la moindre assistance à l’étranger.

Trump dégrade la démocratie américaine

La procédure en cours fait ressortir ce qu’il y a de pire chez Donald Trump : insultes renouvelées contre les institutions, accusations répétées de « trahison » ou « d’espionnage » contre ses adversaires, fantasme sur un « coup d’Etat » ou un complot fomenté par « l’Etat profond », début de paranoïa et langage de guerre civile – l’ensemble de la panoplie verbale qui précède en général la violence physique. Trump dégrade la démocratie américaine, dont il se refuse par ailleurs à promouvoir les valeurs.

La même semaine, à Pékin, Xi fêtait le 70e anniversaire de la République populaire de Chine en organisant un défilé militaire sans précédent. La vedette, tout en noire rondeur, en était un missile intercontinental, porteur de dix têtes nucléaires, capable de frapper en trente minutes n’importe quel objectif aux Etats-Unis. L’engin s’appelle le Dongfeng 41. Son exhibition place Tiananmen était une façon d’adresser un message de force au monde entier et de rivalité aux Etats-Unis. « Aucune force ne pourra ébranler le statut de notre puissante nation, aucune ne pourra arrêter sa marche en avant », a dit le président Xi.

Il a salué, à juste titre, la performance, sans égale dans l’histoire, réalisée par la Chine : en moins d’un siècle, le passage de la plus abjecte pauvreté au rang de grande puissance économique, scientifique, technologique et militaire. La vérité imposerait de dire que cette transition est le fait de la période courant de 1976 à aujourd’hui – de 1949 à 1976, le PCC, sous la houlette de Mao, a martyrisé et éreinté la Chine.

Xi a terni l’image de la Chine à l’étranger

Mais Xi, patron du PCC, cultivant une étrange nostalgie maoïste, sacralise le parti et l’investit de tous les pouvoirs pour placer près d’un milliard et demi de Chinois sous une cloche idéologique aussi hermétique qu’étouffante. On sait les caractéristiques de l’ère Xi : recrudescence de l’autoritarisme à l’intérieur et affichage à l’extérieur de l’impérieuse puissance montante de la Chine, l’ensemble sur fond de lutte idéologique contre la démocratie libérale « à l’occidentale ».

Cette vision monolithique de la Chine – de l’être chinois – est depuis quatre mois défiée à Hongkong. Xi a eu beau rappeler, le jour du défilé, son attachement à la formule dite « un pays, deux systèmes », censée préserver les libertés des Hongkongais, il n’a cessé depuis son arrivée au pouvoir, en 2012, de les rogner. Jusqu’où ira-t-il pour soumettre le « rocher » ? La deuxième île chinoise, Taïwan, est concernée. Dans la « pensée Xi Jinping », le « rêve chinois » suppose la réunification avec Taïwan d’ici à 2049. Comment ?

Xi a terni l’image de la Chine à l’étranger, où une peur diffuse l’emporte sur l’admiration. Sur une base de reproches un peu caricaturaux mais pas injustifiés – non-respect des règles du commerce international, attaques de hackeurs pilotées par l’Etat, pratiques déloyales en matière d’investissements –, Trump a déclaré la guerre (économique) à Xi. L’affrontement va au-delà de la bataille de tarifs.

Les Etats-Unis appellent à boycotter un nombre croissant d’entreprises chinoises, du chemin de fer à la 5G, et envisagent de les interdire de cotation à New York. Forcené du tweet intempestif, Trump, dans un moment de déprime, a qualifié la Chine de « menace pour le monde ». C’était quelques jours avant que Xi, devant son défilé de missiles, ne dresse l’éloge de la puissance chinoise. Entre la Chine de Xi et les Etats-Unis de Trump, le niveau de conflictualité monte dangereusement.

PS : Pointu et didactique, le mensuel Pour l’Eco, que pilote Stéphane Marchand, consacre sa livraison d’octobre à l’affrontement sino-américain.

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5 octobre 2019

Washington et Pyongyang reprennent leurs discussions

Par Gilles Paris, Washington, correspondant, Philippe Mesmer, Tokyo, correspondance

Les négociations devaient recommencer samedi à Stockholm, malgré le lancement par la Corée du Nord d’un nouveau missile balistique.

Sept mois auront été nécessaires pour dépasser l’échec. Après le sommet infructueux de février entre le président des Etats-Unis, Donald Trump, et le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, à Hanoï, au Vietnam, les deux parties vont enfin relancer leurs négociations.

La rencontre est organisée à Stockholm, en Suède, pays qui entretient des relations diplomatiques avec la Corée du Nord et qui sert, de facto, de représentation des Etats-Unis à Pyongyang. Les uns et les autres s’y étaient déjà retrouvés en janvier, dans le cadre des préparatifs du sommet de Hanoï. Après une prise de contact vendredi 4 octobre, les discussions doivent officiellement entrer dans le vif du sujet samedi.

Signe de la défiance nord-coréenne, l’annonce de cette reprise, le 1er octobre, a été aussitôt suivie du lancement, mercredi, d’un nouveau missile mer-sol balistique stratégique (MSBS) Pukguksong-3, pouvant être tiré d’un sous-marin. L’engin aurait parcouru environ 450 km à une altitude maximale d’environ 910 km. Pyongyang a procédé à une douzaine de tirs de missiles depuis l’échec du sommet de Hanoï. Il s’agissait cette fois du premier essai de MSBS depuis août 2016.

Eventuelle flexibilité

Ce tir a été présenté par l’agence officielle nord-coréenne KCNA comme « de grande importance car il constitue une nouvelle avancée pour contenir les menaces extérieures » et « pour renforcer encore la puissance militaire en matière de légitime défense ». Un missile de cette nature pourrait en effet élargir le rayon d’action de Pyongyang au-delà de la péninsule. Il permettrait en outre à la Corée du Nord de disposer d’une capacité de « seconde frappe » en cas d’attaques contre ses sites terrestres.

Les négociations étaient bloquées malgré les « lettres magnifiques » de Kim Jong-un reçues par Donald Trump et notamment une invitation à se rendre à Pyongyang adressée en août qui pourrait être évoquée à Stockholm. La rencontre du 30 juin dans la zone démilitarisée (DMZ) séparant les deux Corées, au cours de laquelle Donald Trump est devenu le premier président américain en exercice à pénétrer en Corée du Nord, n’avait pas permis non plus de relancer les discussions.

Pyongyang s’y refusait, reprochant aux Etats-Unis leurs exigences sur le dossier nucléaire. Washington veut parvenir à une dénucléarisation « complète, vérifiable et irréversible » alors que Pyongyang souhaite avancer par étapes, en échange d’une levée progressive des sanctions économiques qui lui sont imposées. La Corée du Nord a également vivement critiqué les manœuvres militaires conjointes menées en août par les Américains et les Coréens du Sud. Elle considère ces exercices comme une répétition de son éventuelle invasion.

Kim Jong-un a bénéficié au cours des derniers mois de la grande mansuétude de Donald Trump, déterminé à obtenir un accord avec Pyongyang. Lors d’une conférence de presse tenue à la fin du G7 à Biarritz, en France, le 25 août, emporté par son élan laudateur, le président des Etats-Unis a même assuré que sa femme, Melania, avait « appris à connaître » le dirigeant nord-coréen alors qu’elle ne l’avait jamais rencontré.

KIM JONG-UN A BÉNÉFICIÉ CES DERNIERS MOIS DE LA GRANDE MANSUÉTUDE DE DONALD TRUMP

Donald Trump, surtout, a constamment relativisé les tests balistiques nord-coréens. En août, il a ainsi estimé que son interlocuteur « n’était pas content des manœuvres militaires » conjointes. « Je ne les ai jamais aimées non plus », a-t-il ajouté. « Et vous savez pourquoi ? Je n’aime pas payer » pour ces exercices, s’est-il justifié. Interrogé jeudi à propos de la menace représentée par le tir survenu la veille, le président des Etats-Unis a une nouvelle fois éludé. « Ils veulent discuter et nous allons prochainement discuter avec eux », s’est-il contenté d’assurer.

Le 10 septembre, Donald Trump a ravi Pyongyang en limogeant son conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, bête noire du régime nord-coréen. Huit jours plus tard, il a à nouveau attiré l’attention de Pyongyang en estimant qu’une « nouvelle approche pourrait être très bonne », laissant entrevoir une éventuelle flexibilité.

« Très optimiste »

Son ancien conseiller s’est cependant rappelé le 30 septembre à son bon souvenir en critiquant sa stratégie nord-coréenne à l’occasion d’une conférence tenue au Center for Strategic and International Studies, un cercle de réflexion de Washington. A cette occasion, John Bolton a assuré que la Corée du Nord n’avait « pas pris la décision stratégique d’abandonner ses armes nucléaires ». « C’est plutôt le contraire », a-t-il ajouté. John Bolton n’a pas exclu des concessions de la part de Kim Jong-un pour obtenir en retour un allégement des sanctions, mais il a assuré que, « dans les circonstances actuelles, il n’abandonnera[it] jamais ses armes nucléaires de son plein gré ».

La reprise des contacts va mettre en scène un nouvel acteur côté nord-coréen : Kim Myong-gil. Il est le nouveau responsable de l’équipe chargée des négociations qui était auparavant dirigée par Kim Yong-chol. Cet ancien bras droit de Kim Jong-un a été démis de ses fonctions en raison de l’échec du sommet de Hanoï.

Diplômé de la prestigieuse université Kim Il-sung, Kim Myong-gil est entré au ministère des affaires étrangères en 1982, où il s’est spécialisé sur les Etats-Unis. Il a participé aux discussions sur le nucléaire en 1994 avec les Américains, puis dans les années 2000 aux pourparlers à six (Etats-Unis, Corées, Chine, Russie, Japon), avant d’être nommé à New York au siège de l’ONU, où il est resté jusqu’en 2009. Il entretient des relations avec certaines personnalités américaines, comme l’ancien gouverneur du Nouveau-Mexique, Bill Richardson, qui fut très impliqué dans les négociations avec Pyongyang.

En retrait par la suite, il a été nommé ambassadeur au Vietnam en 2015. Il a, à ce titre, accueilli Kim Jong-un lors du sommet de février. En partance pour la Suède, le négociateur nord-coréen a profité d’une escale à Pékin pour déclarer le 3 octobre : « La partie américaine ayant envoyé un nouveau signal, j’attends beaucoup de ces discussions et suis très optimiste. » Le temps va cependant commencer à être compté pour Washington compte tenu du calendrier électoral.

24 septembre 2019

La difficile recherche à l’ONU d’une désescalade entre Washington et Téhéran

trump iran

Par Marc Semo, New York, envoyé spécial

« Il est clair pour nous que l’Iran porte la responsabilité de l’attaque » du 14 septembre contre l’Arabie saoudite, ont assuré, lundi à New York, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, Emmanuel Macron, Angela Merkel et Boris Johnson.

La médiation est un exercice délicat. Le président français s’est activé toute la journée du lundi 23 septembre pour tenter de concrétiser une rencontre entre Donald Trump et Hassan Rohani à New York, en marge de la 74e Assemblée générale des Nations unies (ONU) à laquelle il croit encore. Emmanuel Macron a eu « une première rencontre informelle » lundi matin avec le président américain et dans la soirée il a rencontré son homologue iranien, à peine arrivé de Téhéran.

Prés de deux heures de discussion « directe » durant lesquelles le chef de l’Etat a rappelé à Hassan Rohani que « la voie de la désescalade était étroite mais plus que jamais nécessaire ». Le visage fermé d’Emmanuel Macron et de ses conseillers à l’issue de la rencontre semblerait montrer qu’une poignée de main historique entre les présidents américain et iranien reste encore pour le moins aléatoire.

En début d’après midi, le chef de l’Etat s’était entretenu avec la chancelière allemande, Angela Merkel, et le premier ministre britannique Boris Johnson, les dirigeants des deux autres pays européens signataires de l’accord de Vienne de juillet 2015 – ou Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA) –, mettant sous contrôle international le programme nucléaire iranien en échange d’une levée des sanctions économiques. Il devrait à nouveau parler avec Donald Trump dans la matinée de mardi.

Relâcher la pression des sanctions

« Je ferai tout pour que les conditions de discussions se créent, à la fois pour qu’il n’y ait aucune escalade et pour qu’on construise une solution utile, durable pour la sécurité dans la région », a affirmé le président français. Il veut croire à une « ouverture avec des conditions » de la part du ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif. Ce dernier a, de fait, affirmé la veille à la chaîne CNN que Téhéran ne fermait « pas la porte à des discussions » avec les Etats-Unis, à condition que Washington relâche la pression des sanctions.

La montée des tensions après le bombardement en Arabie saoudite, le 14 septembre, d’installations pétrolières de l’Aramco Saudi complique la donne. L’attaque a été revendiquée par les rebelles houthistes du Yémen soutenus par Téhéran mais elle est attribuée directement à l’Iran, aussi bien par Washington que Ryad.

« Il est clair pour nous que l’Iran porte la responsabilité de cette attaque. Il n’y a pas d’autre explication plausible », assure aussi le communiqué commun publié après la rencontre des trois dirigeants européens. « Ces attaques ont été dirigées contre l’Arabie saoudite, mais elles concernent tous les pays et renforcent le risque de conflit majeur », souligne le communiqué appelant Téhéran à revenir au respect du JCPOA, et de s’engager dans une négociation sur son rôle dans la sécurité régionale ainsi que sur la limitation de son programme balistique.

Avec le poids symbolique d’une position commune, Londres, Paris et Berlin veulent marquer le coup mais aussi rappeler leur volonté d’une issue diplomatique à la crise.

Washington joue la retenue se limitant pour le moment à un durcissement des sanctions contre Téhéran et à un déploiement « modéré » de renforts militaires dans le Golfe. Le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, pourtant réputé être un « faucon » face à l’Iran, insiste sur la nécessité d’une « solution pacifique ». De son côté, la République Islamique a aussi fait un geste à la veille de l’Assemblée générale de l’ONU en laissant repartir un pétrolier battant pavillon britannique arraisonné un mois plus tôt.

Les Iraniens exigent des gestes très concrets

Pour sa médiation Emmanuel Macron a un certain nombre d’atouts en main et notamment la crédibilité acquise par la diplomatie française depuis 2003 sur le dossier du nucléaire iranien. En outre le président français est à même de parler à tous les protagonistes du dossier, aussi bien à Donald Trump qu’à Hassan Rohani, et le réchauffement des relations avec la Russie lui permet aussi de compter sur le soutien de Vladimir Poutine, même si Moscou, pourtant aussi signataire du JCPOA et allié de l’Iran, ne fait pas grand-chose.

Déjà lors de l’Assemblée générale de l’ONU de septembre 2017, Donald Trump avait demandé à Emmanuel Macron de jouer les intermédiaires pour une rencontre avec M. Rohani refusée alors par Téhéran. Un an plus tard, c’étaient les Iraniens sous le coup du retrait de Washington de l’accord et du rétablissement des sanctions américaines qui sondaient le président français pour une éventuelle rencontre sous condition avec le locataire de la Maison Blanche que ce dernier refusa estimant que sa politique de « pression maximale » n’avait pas encore porté tous ses effets. Cette fois pourrait donc être la bonne.

« Si c’est juste pour une photo sans résultat concret, cela ne fera qu’accroître les difficultés économiques des Iraniens », a déjà averti le ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif. Téhéran exige des gestes très concrets et en premier lieu le rétablissement des exemptions dont bénéficiaient jusqu’en mai les huit principaux acheteurs de brut iranien. En échange, les Iraniens devraient revenir à leurs engagements dans le JCPOA. « Cette procédure de désescalade, amorcée à Biarritz [lors du sommet du G7] est toujours sur la table. Il faut que des actes soient posés et que la partie iranienne dise ce qu’elle veut faire dans cet environnement-là », a insisté le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.

Avant de s’envoler pour New York, le président Hassan Rohani a déclaré que l’Iran présenterait à l’ONU un plan de coopération régionale destiné à assurer la sécurité des eaux du Golfe. Patelin et bien rôdé à l’exercice de parler à la tribune de l’ONU, il a déjà bien préparé ses éléments de langage : « Les actions cruelles qui ont été engagées contre la nation iranienne, ainsi que les problèmes compliqués auxquels notre région est confrontée doivent être expliquées aux peuples et aux nations du monde. »

24 septembre 2019

Iran : pour Macron, « quelque chose peut se passer à New York »

Par Marc Semo, envoyé spécial à New York

Le président français veut mettre à profit l’Assemblée générale des Nations unies, qui s’ouvre lundi 23 septembre, pour apaiser les tensions entre Washington et Téhéran.

Un mois après le sommet du G7 de Biarritz, où il avait réussi à faire – un peu – bouger les lignes, créant un espoir de désescalade dans le golfe Arabo-Persique et mobilisant ses hôtes sur l’Amazonie, le président français tente de transformer l’essai lors de l’Assemblée générale des Nations unies (ONU) qui s’ouvre lundi 23 septembre.

« Cela nous permet de mettre en œuvre la dynamique entamée au G7 », a confié Emmanuel Macron dans l’avion qui l’emmenait à New York, parlant à un petit groupe de journalistes.

Ce sont les deux priorités du chef de l’Etat, qui cherche à conforter sa nouvelle stature internationale en affichant son engagement sur le climat, un thème politiquement porteur, mais aussi l’efficacité de sa diplomatie pro-active. Une gageure alors que la réunion des chefs d’Etats et de gouvernement des 193 Etats membres de l’ONU s’ouvre dans climat international particulièrement lourd.

La tension entre Washington et Téhéran a encore monté ces deux derniers jours avec l’annonce de l’envoi de renforts américains et les mises en garde de la République islamique affirmant par la voix de son ministre des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, que « la guerre ne sera pas limitée ». Mais, parlant à la chaîne américaine CNN dans l’après-midi du 22 septembre, le ministre iranien, nettement plus mesuré, a affirmé que le président Hassan Rohani était prêt à rencontrer son homologue Donald Trump « si [ce dernier] est prêt à faire le nécessaire », c’est-à-dire à lever les sanctions en échange « d’inspections permanentes des sites nucléaires iraniens ». Quelque chose semble donc bouger.

« Unité de lieu »

« Il y a un enjeu à New York. Les deux protagonistes de la crise sont là. Il y a une unité de lieu et pas tout à fait une unité d’action car nous ne sommes pas en Arabie saoudite mais quelque chose peut se passer », a affirmé Emmanuel Macron tout en admettant qu’après l’attaque contre les installations pétrolières saoudiennes attribuées à l’Iran « les chances d’une rencontre n’ont certes pas augmenté ».

Et d’en rappeler toutes les difficultés, y compris en raison des approches diamétralement opposées entre Washington et Téhéran, qu’il a pu vérifier lors de ses nombreux entretiens téléphoniques avec MM. Trump et Rohani.

« Les Iraniens sont flexibles sur les paramètres mais inflexibles sur le rendez-vous qui, à leurs yeux, ne doit venir qu’à la fin du processus alors que l’objectif des Américains est d’avoir ce rendez-vous à court terme », explique-t-il, précisant que « Donald Trump décide vite et seul. Il a des logiques très transactionnelles et il n’est pas très difficile à convaincre. Hassan Rohani lui a besoin pour négocier de se caler avec tout un système et quarante ans d’histoire. »

Sur l’Iran, tout s’est encore compliqué depuis un mois. L’accord de principe obtenu à Biarritz auprès de Donald Trump et auprès du président iranien pour une rencontre que M. Macron espérait organiser lui-même a été balayé depuis le bombardement revendiqué par les rebelles houthistes – soutenus par Téhéran – du site de la Saudi Aramco le 14 septembre. Comme Riyad, les Etats-Unis ont accusé l’Iran d’avoir organisé l’attaque mais ils déclarent vouloir éviter un conflit armé tout en annonçant un nouveau durcissement des sanctions. La France, elle, a dépêché des experts sur place.

« Ne pas faire de politique-fiction »

« Il faut être très prudent dans l’attribution ; il y a pour le moment des faisceaux d’indices mais ce bombardement est un fait militaire de nature nouvelle qui change l’écosystème dans lequel était la région et qui crée une nouvelle donne », analyse Emmanuel Macron affirmant « ne pas vouloir faire de politique-fiction sur cette escalade et sur le rôle de l’Iran entré sur le chemin d’une montée en tension qui est une erreur stratégique majeure aussi bien pour lui-même que pour toute la région ».

Le programme new-yorkais d’Emmanuel Macron consacré à la question iranienne pour le 23 septembre est dense. Il doit rencontrer à la fois le premier ministre britannique Boris Johnson et la chancelière allemande Angela Merkel, les dirigeants des deux pays européens signataires de l’accord de Vienne de juillet 2015 (JCPOA), mais aussi Donald Trump et Hassan Rohani. Et il n’avait toujours pas décidé la veille dans quel ordre il rencontrerait les présidents des Etats-Unis et de l’Iran.

Depuis le début de la crise entraînée en mai par un nouveau durcissement des sanctions américaines et par la fin des exemptions dont bénéficiaient les huit principaux clients du brut iranien – dont la Chine, le Japon et l’Inde – le président français tente de se poser en médiateur entre Washington et Téhéran.

En mai 2018 les Etats-unis s’étaient retirés du JCPOA qui gelait et mettait sous contrôle international pour dix ou quinze ans selon les points le programme nucléaire iranien. Depuis juillet la République islamique a commencé à revenir sur ses engagements reprenant l’enrichissement de l’uranium au-delà du taux maximum autorisé de 3,67 % et elle annonce de nouvelles entorses pour le 6 novembre.

Agir sur quatre points

« Je ne suis pas un fétichiste du JCPOA et l’on est forcé de constater que ses deux principaux protagonistes l’ont quitté ou sont en train de le quitter », reconnaît Emmanuel Macron qui n’en estime pas moins nécessaire de préserver l’accord en le complétant.

« Alors même que les Etats-Unis en avaient été le moteur leur retrait affaiblit la position américaine d’autant qu’ils n’offrent pas d’alternative », insiste le président français, rappelant la nécessité affirmée par Paris avant même la décision de Donald Trump de le renforcer en agissant sur quatre points – la consolidation du traité lui-même, le fait de le compléter pour l’après 2025, la nécessité de contrôler les activités balistiques de l’Iran et d’arrêter ses actions de déstabilisation régionale.

« Ces deux ans depuis le retrait américain n’ont permis ni de résoudre la question du programme nucléaire iranien ni de réduire la conflictualité dans la région », relève Emmanuel Macron soulignant que « les discussions se focalisent sur le nucléaire (…) alors même que la grammaire dans laquelle nous rentrons est un peu différente ; elle a été imposée par les Iraniens et pas seulement sur le nucléaire ». Le président français évoque les attaques de pétroliers dans le détroit d’Ormuz, l’abattage d’un drone américain auquel Washington n’a pas répondu, les tensions régionales et ce dernier bombardement des installations pétrolières saoudiennes.

Appelant à « un multilatéralisme robuste et agile », Emmanuel Macron veut montrer à la fois l’importance et les limites du multilatéralisme pour gérer des crises. « Le cadre du multilatéralisme s’est affaibli par exemple pour le JCPOA remis en cause par certains de ses garants qui ont décidé d’en sortir ce qui a entraîné une remontée des tensions ; cela montre que quand on sort de ce cadre il y a le risque de l’escalade », a noté le président français relevant « qu’un multilatéralisme faible récompense les Etats voyous – comme on l’a vu en Syrie en 2013 quand les lignes rouges fixées à Bachar Al-Assad n’ont pas été respectées ce qui donné deux gagnants dans la région, l’Iran et la Russie – ; en revanche, un multilatéralisme robuste, comme celui qui a été montré avec les Etats-unis en avril 2018 pour répondre à une attaque chimique a donné des résultats ».

Cette action diplomatique qu’il mène à New York, Emmanuel Macron la voit aussi en résonance directe avec le quotidien des Français. « La sécurité régionale dans le Golfe, c’est le prix de l’essence avec de rapides répercussions sur le pouvoir d’achat, a indiqué le chef de l’Etat, mais c’est aussi notre sécurité tout court car s’il y a un embrasement il y aura des effets dominos très difficiles à maîtriser. »

23 septembre 2019

Ghosn-USA: La SEC accuse Carlos Ghosn d’avoir dissimulé plus de 140 millions $ en rémunération et indemnités de retraite

La SEC, le gendarme américain de la Bourse, accuse Carlos Ghosn d'avoir dissimulé plus de 140 millions de dollars (127 millions d’euros) de rémunération qui devaient être versés à l'ancien PDG de Renault-Nissan au moment de son départ en retraite.

Sans reconnaître ni nier ces accusations, Carlos Ghosn a conclu un accord à l'amiable avec la SEC. Cet accord prévoit l’interdiction pour Carlos Ghosn l'ancien PDG de diriger une entreprise cotée en Bourse pendant 10 ans.

11 août 2019

Président Trump, an III : balles dans le pied

Par Gilles Paris, Washington, correspondant

Au lieu d’endosser le rôle de consolateur en chef, le locataire de la Maison Blanche a suscité le malaise lors de ses déplacements dans l’Ohio et au Texas, deux Etats endeuillés par des fusillades meurtrières.

Donald Trump était en mission, mercredi 7 août. Il lui fallait contenir la peine de deux villes endeuillées quelques jours plus tôt par des fusillades de masse. Dans de telles circonstances, le président des Etats-Unis endosse ordinairement le rôle de consolateur en chef. Il apporte avec lui la compassion du pays et l’empathie qu’il répand alors autour de lui est celle de la nation tout entière.

Cette dernière a pu se sentir flouée au terme d’une journée gâchée par ce que les plus indulgents considéreront comme une maladresse crasse, et tous les autres comme la nouvelle manifestation d’un égocentrisme totalement désinhibé.

La presse avait été tenue à distance pendant le déplacement pour que la Maison Blanche mette en scène à sa façon les visites à l’hôpital de Dayton, dans l’Ohio, puis quelques heures plus tard à celui d’El Paso, au Texas. A en juger par le résultat, l’équipe du président aurait sans doute beaucoup gagné à n’en rien faire.

Un accueil digne d’une « rock star »

Le responsable des réseaux sociaux du président, Dan Scavino, son ancien caddie, a tiré le premier en déplorant sur Twitter, après l’étape de l’Ohio et alors que l’avion présidentiel volait vers le Texas, que les deux élus démocrates qui avaient accompagné Donald Trump aient selon lui livré un récit inexact de sa visite dans une conférence de presse.

Il n’en était rien, les élus en question s’étant au contraire montrés élogieux à propos de l’attitude du président sur place, tout en déplorant par ailleurs son inaction à propos des armes à feu. L’éloge ayant été jugé trop court, Dan Scavino a assuré que Donald Trump avait reçu à l’hôpital un accueil digne d’une « rock star ».

Il ne s’agissait plus de deuil, ni de la douleur des blessés, mais de Donald Trump, posant souvent tout sourire, les pouces levés comme après un bon résultat sportif, avec des policiers ou du personnel soignant en arrière-plan.

La Maison Blanche a diffusé après ces visites de courtes vidéos dans lesquelles le président est omniprésent (pendant 95 des 135 secondes que totalise leur durée).

Une photo qui suscite le malaise

Le compte Twitter de la First lady a pris le relais en publiant notamment une photo qui a vite suscité le malaise. Sur celle-ci, prise à El Paso, un Donald Trump souriant, le pouce de la main droite une nouvelle fois levé, pose à ses côtés alors qu’elle tient dans ses bras un bébé de deux mois. Il n’est pas le fils de l’homme et de la femme qui encadrent le couple présidentiel. Ses parents à lui ont été tués dans la fusillade de samedi. Il est orphelin.

Aucun des blessés encore hospitalisés dans cette ville située à la frontière avec le Mexique n’avait voulu recevoir le président mercredi. Heureusement pour lui, deux autres qui étaient déjà rentrés chez eux avaient accepté de revenir à l’hôpital pour le rencontrer. Le père disparu, comme l’a raconté son frère – l’homme qui apparaît sur la photo – était au contraire un fervent supporteur du républicain. C’est donc en sa mémoire qu’il a fait la démarche de rencontrer Donald Trump, mais le cliché n’en est pas moins dévastateur.

Il est accompagné deux jours plus tard par la publication d’une vidéo privée réalisée à l’intérieur de l’hôpital d’El Paso dans laquelle on voit le président vanter ex abrupto la foule qui était venue l’applaudir à un meeting électoral organisé dans cette ville au début de l’année. Le débat sur la prévention de ces tragédies pouvait attendre.

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