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Jours tranquilles à Paris
etats unis
30 juillet 2018

Le patron du « New York Times » dénonce la « rhétorique anti-presse » de Donald Trump

Le président américain a révélé avoir discuté des « fausses informations » avec le directeur du quotidien new-yorkais. M. Sulzberger a fait valoir son inquiétude en retour.

Il ne devait sûrement pas s’y attendre, mais Donald Trump l’a contraint à prendre la parole et à assumer. Le patron du prestigieux quotidien américain New York Times a révélé, dimanche 29 juillet, avoir vigoureusement mis en garde Donald Trump sur ses attaques répétées contre la presse lors d’une rencontre à la Maison Blanche, qualifiant son discours sur les « fake news » de « dangereux et nuisible ».

C’est le président américain lui-même qui avait révélé, un peu plus tôt dans un tweet, avoir discuté de fausses informations avec Arthur Gregg Sulzberger, directeur de la publication du New York Times, que M. Trump prend régulièrement pour cible de ses critiques.

« Nous avons passé beaucoup de temps à parler de la quantité de Fake News qui sont publiées par les médias et comment ces Fake News se sont métamorphosées en une phrase, “Ennemi du peuple”. Triste ! »
Donald Trump qualifie régulièrement de « fake news » (fausses informations) les médias généralistes américains qui, pour la plupart, se montrent très critiques sur sa présidence. Ce tweet a conduit M. Sulzberger à publier un communiqué sur cette rencontre, qui était supposée rester confidentielle, comme toutes les réunions que les dirigeants des grands médias américains ont régulièrement avec les responsables du gouvernement.

Des attaques « dangereuses et nuisibles »

Le patron de 37 ans a précisé avoir rencontré le président septuagénaire le 20 juillet, à la demande de la Maison Blanche, accompagné du responsable des éditoriaux du journal, James Bennet. Il a ajouté avoir décidé de répondre publiquement au tweet de M. Trump, en se basant sur les notes détaillées prises par James Bennet et lui-même, après la façon dont le président américain a évoqué leur conversation.

« Mon objectif principal en acceptant cette rencontre était de soulever mes inquiétudes au sujet de la rhétorique anti-presse extrêmement troublante du président », a expliqué celui qui a succédé début 2018 à son père, Arthur Ochs Sulzberger, comme directeur de la publication du Times. « J’ai dit franchement au président que je pensais que son discours n’était pas seulement facteur de division mais qu’il était de plus en plus dangereux », a-t-il ajouté dans ce communiqué.

« Je lui ai dit que bien que l’expression “fake news” soit fausse et nuisible, j’étais beaucoup plus préoccupé par sa façon de caractériser les journalistes comme des “ennemis du peuple”. »
« Je l’ai prévenu que ce langage incendiaire contribuait à une augmentation des menaces contre les journalistes et allait inciter à la violence », a poursuivi le patron du Times, précisant avoir insisté sur le fait que « c’est particulièrement vrai à l’étranger ». « La rhétorique du président est utilisée par certains régimes pour justifier des répressions d’ampleur contre les journalistes », a-t-il encore dénoncé.

« Je l’ai imploré de revenir sur ses vastes attaques contre le journalisme, que je pense être dangereuses et nuisibles pour notre pays », a ajouté M. Sulzberger, tout en précisant que le président américain avait bien sûr le droit, comme ses prédécesseurs, de critiquer la façon dont la presse relate son action.

Les diatribes habituelles de Trump contre la presse

Le New York Times fait partie des médias les plus souvent attaqués par Donald Trump, avec notamment la chaîne CNN et le Washington Post, propriété du patron d’Amazon, Jeff Bezos. Le président américain l’a qualifié de « défaillant et corrompu », « quasi-lobbyiste » et « partial », ou encore de « vraiment l’un des pires journaux », ayant « la plus imprécise couverture ».

Les diatribes contre la presse font partie du cocktail idéologique de Donald Trump, qui cherche à décrire des élites, dont la presse, éloignées des préoccupations du pays. Une polémique a opposé la semaine dernière CNN à la présidence américaine, qui avait refusé à l’une de ses journalistes l’accès à la Maison Blanche pour une conférence de presse du président américain et du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.

Le New York Times occupe cependant une place à part pour Donald Trump. Né à New York, ville où il a construit son succès dans les affaires, c’est probablement le journal qu’il connaît le mieux. C’est à lui aussi qu’il avait accordé l’une de ses premières grandes interviews peu après son élection.

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17 juillet 2018

Vladimir Poutine domine la rencontre d’Helsinki face à Donald Trump

Lors d’une conférence de presse commune, lundi en fin d’après-midi, le président russe a surtout énuméré une longue liste de sujets sur lesquels il attendait une amélioration sensible des relations.

Par Isabelle Mandraud (Helsinki, envoyée spéciale) et Gilles Paris (Helsinki, envoyé spécial) - Le Monde

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Donald Trump et Vladimir Poutine à Helsinki, le 16 juillet.

Une relation sur un pied d’égalité, c’est ce que Vladimir Poutine semble avoir récolté de ses entretiens avec Donald Trump, lundi 16 juillet, à Helsinki, au terme d’une tournée de ce dernier en Europe, marquée par des échanges sans précédent avec les alliés des Etats-Unis. Au cours d’une conférence de presse commune, très amicale, tenue par les deux présidents en fin d’après-midi, M. Poutine a qualifié les pourparlers avec son homologue de « très réussis et très utiles ».

M. Trump, qui avait exprimé au début de la rencontre son désir de parvenir à « une relation extraordinaire » avec la Russie, a abondé en ce sens, au point de consacrer une partie de son intervention à une critique brutale de son opposition démocrate et des médias, jugés uniformément hostiles au rapprochement qu’il appelait de ses vœux. Ses félicitations adressées à son interlocuteur à propos de l’organisation de la Coupe du monde, qui s’est achevée la veille, ont été payées en retour par un exemplaire du ballon officiel de la compétition remis par Vladimir Poutine, que le président des Etats-Unis a promis de confier à son fils Barron, grand amateur de ce sport.

Précis, le président de la fédération russe a surtout énuméré, au cours de cet exercice commun, une longue liste de sujets sur lesquels il attendait une amélioration sensible des relations entre deux superpuissances nucléaires, voire entre deux puissances dans le domaine de l’énergie, comme il l’a aussi rappelé, insistant, à sa manière, sur cette notion d’égalité. Il a plaidé à chaque fois pour une coopération approfondie dans la lutte contre le terrorisme, le contrôle des armes nucléaires, la situation en Syrie ou en Crimée.

« Chasse aux sorcières »

Vladimir Poutine a été le premier à aborder le sujet sans doute le plus délicat entre les deux capitales : les interférences imputées à la Russie pendant la présidentielle américaine de 2016. Il les a niées froidement avant de proposer, également sur ce point, une collaboration entre la Russie et les Etats-Unis. Interrogé à ce sujet, Donald Trump a donné l’impression d’abonder dans son sens en dénonçant « un désastre » pour son pays. Il a préféré longuement s’étendre sur les zones d’ombre qui, selon lui, continuent d’entourer l’enquête aux dépens des démocrates, s’interrogeant comme il l’avait fait au cours de la campagne sur des courriers électroniques de son adversaire démocrate Hillary Clinton.

Quelques heures auparavant, Donald Trump affichait déjà une volonté de nouer un dialogue, qui le poussait à pointer du doigt tout ce qui pourrait faire obstacle à celle-ci. Il a ainsi dénoncé avec virulence, sur son compte Twitter, la « chasse aux sorcières truquée » que constitue, selon lui, l’enquête du procureur spécial Robert Mueller.

Quatre jours après l’inculpation de douze membres du renseignement russe par le procureur spécial, le président des Etats-Unis a estimé que cette enquête était en partie responsable de la détérioration des relations avec Moscou. « Elles n’ont jamais été pires », a-t-il assuré, ajoutant que « des années de bêtise et de stupidité américaines » y avaient également contribué. Le ministère des affaires étrangères russe a aussitôt partagé ce message agrémenté du commentaire « nous sommes d’accord ». La veille, M. Trump avait déjà insisté sur le fait que ces interférences étaient survenues sous « l’administration Obama », mise en cause pour sa passivité supposée.

Depuis l’annonce de ces inculpations, la Maison Blanche s’est abstenue de toute forme de critique visant la Russie. Un souci d’apaisement à la veille de la rencontre de lundi, qui a tranché avec l’agressivité déployée par le président américain à l’égard de ses alliés depuis le début de sa tournée en Europe, le 10 juillet. Celle-ci devait s’achever après les entretiens avec le président de la fédération russe.

« L’Union européenne est un ennemi »

Donald Trump est d’ailleurs revenu à la charge dimanche contre l’Union européenne. « Je pense que nous avons beaucoup d’ennemis. Je pense que l’Union européenne est un ennemi, avec ce qu’ils nous font sur le commerce. Bien sûr, on ne penserait pas à l’Union européenne, mais c’est un ennemi », a-t-il assuré à la chaîne CBS.

Au cours du même entretien, il a ajouté que « la Russie [était] un ennemi par certains aspects », un qualificatif également utilisé à propos de la Chine, présentée comme un « ennemi économique ».

La bonne volonté mise en scène lundi a fait l’économie de détails sur la Syrie, même si Vladimir Poutine a mentionné la priorité d’une stabilisation du sud du pays, qui bénéficierait, selon lui, à tous les pays frontaliers. A propos de la Crimée, le président russe a évoqué les accords de Minsk, tout en invitant son homologue à user également de son influence auprès du gouvernement ukrainien.

Comme l’ont montré les propos de Vladimir Poutine, la partie russe est attachée à trouver un terrain d’entente sur les armes, où les contentieux se sont accumulés. C’est l’un des sujets que le président russe a le plus travaillés avec son état-major avant de quitter Moscou. Les deux délégations devaient notamment aborder la question du renouvellement du New Start, un traité de réduction des armes nucléaires signé en 2010 par les deux pays, qui limite à 1 550 le nombre de têtes nucléaires chacun. Ce traité expire en 2021, mais il peut être prolongé pour une période de cinq ans. Autre sujet sur la table : le traité sur les forces nucléaires dissuasives à portée intermédiaire, signé en 1987.

« Bienvenue en terre de liberté de la presse »

A Helsinki, une campagne de presse a précédé l’arrivée des deux dirigeants. Dans toute la ville, les panneaux publicitaires, à l’initiative du principal quotidien finlandais, Helsingin Sanomat, affichaient le même message en anglais et en russe, « Bienvenue, Monsieur le président, en terre de liberté de la presse ». Impossible pour les cortèges présidentiels de ne pas les voir.

Dimanche, plus d’un millier de personnes ont manifesté contre les deux présidents, fédérés autour d’une même banderole, « Make Human Rights Great Again » – pastiche du slogan de campagne de Donald Trump « Make America Great Again ». Un autre petit cortège a défilé lundi dans la capitale finlandaise à bonne distance du périmètre sécurisé établi autour du palais de la présidence.

Des Ukrainiens et des Russes venus de Saint-Pétersbourg ont fait cause commune dimanche pour exiger la libération du cinéaste ukrainien Oleg Sentsov, condamné à vingt ans de colonie pénitentiaire en Russie pour « terrorisme » et aujourd’hui en grève de la faim depuis plus de soixante jours. Le Pen Club américain n’a pas été en reste, avec une grande banderole portant cette même revendication.

Lors de ce rassemblement festif et coloré, animé au cœur de la capitale finlandaise par un concert, beaucoup de pancartes « Non aux dictateurs » ont été brandies, les participants ne faisant pas de différence entre les deux dirigeants. Un « Non à la séparation des familles » a visé la politique migratoire de Donald Trump, pendant qu’un « Troll factory no » a fait allusion aux interférences reprochées à des pirates informatiques russes dans les élections occidentales.

17 juillet 2018

La « faiblesse » de Trump face à Poutine scandalise jusque dans les rangs républicains

Le président américain a refusé, lundi en Finlande, de condamner la Russie pour son ingérence dans l’élection qui l’a porté au pouvoir en novembre 2016.

Les réactions n’ont pas tardé à fuser, dans la classe politique américaine, après les propos tenus par Donald Trump lors du sommet d’Helsinki, lundi 16 juillet. Le président des Etats-Unis a obstinément refusé de condamner Moscou pour l’ingérence dans la campagne présidentielle américaine de 2016. Il a opté pour un ton résolument conciliant avec son homologue russe, Vladimir Poutine.

Le chef de l’opposition démocrate au Sénat américain, Chuck Schumer (Etat de New York), a accusé le président américain de s’être montré « irréfléchi, dangereux et faible » face à Vladimir Poutine. « La Maison Blanche est maintenant confrontée à une seule, sinistre question : qu’est-ce qui peut bien pousser Donald Trump à mettre les intérêts de la Russie au-dessus de ceux des Etats-Unis, a-t-il écrit sur Twitter après la conférence de presse commune des deux dirigeants dans la capitale finlandaise. Des millions d’Américains vont continuer à se demander si la seule explication possible à ce comportement dangereux est la possibilité que le président Poutine possède des informations nuisibles sur le président Trump. »

A Helsinki, le locataire de la Maison Blanche s’en est pris, aux côtés de l’homme fort du Kremlin, à l’enquête du procureur spécial Robert Mueller sur l’ingérence russe dans la présidentielle qui l’a porté au pouvoir, et il a semblé mettre sur le même plan les accusations du renseignement américain en ce sens et les dénégations de Vladimir Poutine.

« Erreur tragique »

« Dans toute l’histoire de notre pays, les Américains n’avaient jamais vu un président des Etats-Unis soutenir un adversaire de l’Amérique comme Donald Trump vient de soutenir le président Poutine », a déploré Chuck Schumer. Et d’estimer : « Pour le président des Etats-Unis, être du côté du président Poutine contre les forces de l’ordre américaines, les responsables américains de la défense et les agences américaines du renseignement est irréfléchi, dangereux et faible. »

La conférence de presse commune de Donald Trump et Vladimir Poutine a été « un des pires moments de l’histoire de la présidence américaine », a renchéri le sénateur républicain John McCain (Arizona). « Il est clair que le sommet d’Helsinki est une erreur tragique », a ajouté dans un communiqué l’élu de 81 ans.

Le chef de file des républicains au Congrès des Etats-Unis, Paul Ryan, a quant à lui appelé Donald Trump à « réaliser que la Russie n’est pas notre alliée ». « Il n’y a pas moralement d’équivalence entre les Etats-Unis et la Russie, [un pays] qui demeure hostile à nos idéaux et à nos valeurs fondamentales », a-t-il dit.

Trump tente d’éteindre l’incendie

Le directeur du renseignement américain, Dan Coats, a lui aussi réagi, défendant les évaluations « claires » de ses services sur une ingérence russe dans la présidentielle de 2016 et sur les « efforts en cours » de Moscou pour « saper » la démocratie américaine.

Tentant d’éteindre l’incendie, Donald Trump a réagi sur Twitter, disant avoir une « immense confiance » dans le renseignement américain : « Comme je l’ai dit aujourd’hui et à plusieurs reprises auparavant, j’ai une IMMENSE confiance dans MES agents du renseignement. Toutefois, je dois aussi reconnaître qu’afin de construire un avenir meilleur, nous ne pouvons pas nous tourner exclusivement vers le passé – [la Russie et les Etats-Unis] étant les deux plus grandes puissances nucléaires mondiales, nous devons nous entendre ! »

Donald J. Trump

 

16 juillet 2018

A Helsinki, la tentation des zones d’influence

Par Isabelle Mandraud, Helsinki, envoyée spéciale, Gilles Paris, Helsinki, envoyé spécial - Le Monde

Moscou pourrait tirer profit de la remise en cause systématique par Trump des piliers de l’ordre mondial mis en place par Washington après la seconde guerre mondiale.

La perspective d’un départ américain de l’OTAN est restée à l’état de menace au cours du sommet organisé les 11 et 12 juillet à Bruxelles – un levier manifestement utilisé par le président des Etats-Unis pour obtenir un engagement plus consistant de ses alliés à augmenter leurs dépenses de défense. Donald Trump l’a revendiqué comme un succès personnel, renouvelant son attachement à une organisation qu’il a souvent critiquée.

Ces relations ambivalentes avec l’Alliance atlantique s’inscrivent dans une remise en cause systématique des piliers de l’ordre mondial mis en place par Washington après la seconde guerre mondiale. Aucune instance multilatérale n’échappe à ses diatribes. Aucun des alliés historiques des Etats-Unis n’est épargné par ses décisions, qu’il s’agisse de la sortie de l’accord sur le nucléaire iranien ou des taxes sur les importations, qui visent à rééquilibrer une balance commerciale lourdement déficitaire.

Son jugement sur l’Union européenne (UE), conçue selon lui pour nuire aux Etats-Unis, s’inscrit dans le même registre. Favorable au Brexit, le président américain préférerait des relations bilatérales avec chacun des pays européens.

Donald Trump n’a pas formulé pour autant une véritable alternative à cet ordre décrié. Il s’est contenté de revendiquer un très vague « réalisme basé sur des principes », rompant avec les idéaux jugés dévastateurs du néoconservatisme, et un recentrage sur les seuls intérêts américains, tournant le dos à l’interventionnisme des trois dernières décennies. Sa première véritable rencontre avec Vladimir Poutine, à Helsinki, lundi 16 juillet, va donc mettre à l’épreuve ces instincts unilatéralistes.

Un souci de recentrage

Sur au moins deux dossiers qui tiennent à cœur à son homologue – l’annexion de la Crimée et la Syrie –, Donald Trump a alimenté l’ambiguïté. Avant de quitter Bruxelles, jeudi, il a assuré « ne pas être content » d’une annexion qui a provoqué l’adoption de sanctions européennes et américaines, tout en semblant rejeter une part de la responsabilité sur son prédécesseur, Barack Obama, et en reconnaissant avec une dose de fatalisme que Moscou multipliait sur le terrain des faits accomplis.

Le lâchage par Washington des rebelles syriens de Deraa avant la chute de la ville, jeudi, a souligné la tentation du président des Etats-Unis d’un retrait, qui ferait les affaires de son homologue russe. Il a fallu la pression de son secrétaire à la défense, James Mattis, pour qu’il ne retire pas avant l’été les forces spéciales déployées dans le nord-est de la Syrie, tout comme le Pentagone avait dû longuement argumenter en août 2017 afin d’obtenir son feu vert pour un accroissement modeste du contingent déployé en Afghanistan.

Ce souci de recentrage sur les seuls intérêts américains est compatible avec la vision d’un monde divisé en sphères d’influence aux dépens des Européens. Le 28 avril, recevant le président du Nigeria, Muhammadu Buhari, Donald Trump avait rappelé que les Etats-Unis voulaient « de moins en moins être le gendarme du monde ». Cette posture le rapproche de deux anciens présidents américains, Thomas Jefferson (1801-1809) et Andrew Jackson (1829-1837), hostiles à tout engagement durable des Etats-Unis en dehors de leurs frontières.

Vladimir Poutine pourrait en tirer le plus grand bénéfice, lui qui n’a cessé de réclamer un « monde multipolaire » en vilipendant celui « d’un unique maître, d’un unique souverain », les Etats-Unis. Formé à l’école du KGB, le chef du Kremlin rêve d’un nouveau Yalta où les deux puissances de l’après-guerre se partageraient le monde. Il a, pour cela, troqué l’idéologie communiste disparue pour le rouski mir, le « monde russe ». La propagande, adaptée aux temps modernes, les centres culturels essaimés, la religion, en mission pour la « défense des chrétiens d’Orient », sont autant d’outils mis à contribution.

Le Kremlin, un interlocuteur incontournable

Exclu du club des pays les plus influents, le G8, devenu la réunion du G7 après l’annexion de la Crimée et le conflit dans l’est de l’Ukraine, le dirigeant russe est parvenu à briser son isolement avec l’intervention militaire en Syrie lancée en septembre 2015, en soutien à Bachar Al-Assad. Démonstration de force à l’appui, le Kremlin s’est s’imposé comme un interlocuteur incontournable. Et comme son homologue américain, dont il partage le goût prononcé pour les rencontres bilatérales, Vladimir Poutine a un objectif : affaiblir l’UE, perçue comme un obstacle à ses visées géopolitiques.

L’Eurasie, ce projet d’alliance tournée vers l’Est, sur lequel il s’est appuyé avec plus ou moins de succès, n’est plus la priorité. Aujourd’hui, le Kremlin voit plus grand en concentrant son attention sur tout le Moyen-Orient ou sur le continent africain, comme en témoigne la récente tentative de médiation russe en Centrafrique entre le gouvernement et les groupes armés, finalement écartée par Bangui.

Vendredi, le conseiller diplomatique de M. Poutine, Iouri Ouchakov, a donné la liste des derniers invités de Moscou : le leader palestinien Mahmoud Abbas (qui succède ainsi au premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou), le président du Soudan, Omar Al-Bachir, son homologue du Gabon, Ali Omar Bongo, l’émir du Qatar Khalifa Al-Thani, la Croate Kolinda Grabar-Kitarovic et Emmanuel Macron.

Ce dernier « partagera ses pensées » et « nous informera des résultats du sommet de l’OTAN », a cru bon de préciser le diplomate. A l’Elysée, on souligne que cette rencontre au Kremlin avant la finale du Mondial visait « à impulser de nouveaux progrès » pour rapprocher les positions sur la crise syrienne. Le cas Oleg Sentsov, cinéaste en grève de la faim, a bien été évoqué. Et le dossier de l’Ukraine était aussi sur la table.

16 juillet 2018

Rencontre Trump-Poutine : le choix symbolique d’Helsinki

Par Marc Semo - Le Monde

Plus de quarante ans après les accords d’Helsinki, le 1er août 1975, le président russe a opté pour la capitale finlandaise pour rencontrer son homologue américain.

A vol d’oiseau par-dessus les eaux du golfe de Finlande, moins de 300 kilomètres séparent Helsinki de Saint-Pétersbourg. Vladimir Poutine, qui est né et a mené une bonne partie de sa carrière dans l’ex-Leningrad, vient donc à Helsinki en voisin. Le choix de cette ville pour sa rencontre avec Donald Trump, lundi 16 juillet, est plein de réminiscences « fleurant bon » la guerre froide.

A l’époque, le mot « finlandisation » signifiait, dans le jargon des relations internationales, une neutralité contrainte, voire une quasi-liberté surveillée pour un pays partageant 1 300 kilomètres de frontières avec la défunte Union soviétique. La Finlande est désormais membre de l’Union européenne et elle se rapproche de l’OTAN, inquiète des visées agressives de son puissant voisin, sans pour autant avoir osé jusqu’ici franchir le pas.

Etrange choix de la part de l’homme fort du Kremlin que celui de la capitale finlandaise. En 1990, elle hébergea le dernier sommet américano-soviétique entre George Bush et Mikhaïl Gorbatchev. Un an plus tard, l’URSS s’effondrait. Ce fut un traumatisme fondateur pour l’ex-officier du KGB qui n’eut de cesse, une fois devenu président, de vouloir rendre son rang à la Russie. « Celui qui ne regrette pas l’URSS n’a pas de cœur », aime-t-il à répéter, tout en précisant que celui qui veut la refaire comme elle était « n’a pas de cerveau ».

Moment-clé de la guerre froide

La capitale finlandaise est surtout le symbole d’un moment-clé de la guerre froide, avec la signature des accords d’Helsinki, le 1er août 1975, paraphés aussi par Gerald Ford et Leonid Brejnev, à l’issue de deux ans de Conférence sur la coopération et la sécurité en Europe, réunissant 35 pays. Tous les Européens de l’Ouest et de l’Est, à l’exception de l’Albanie – alignée à l’époque sur Pékin –, ainsi que les Etats-Unis et le Canada étaient autour de la table, et tous signèrent « l’Acte final ».

« La Conférence avait été voulue par les Soviétiques pour entériner le statu quo de la division de l’Europe et les frontières de 1945, mais ils acceptèrent sous la pression des Occidentaux un troisième panier sur les droits de l’homme estimant qu’il n’aurait pas de conséquence. Or, ce fut le début du processus qui entraîna la dislocation du bloc soviétique », relève Thorniké Gordadzé, enseignant à Sciences Po Paris. L’Acte final d’Helsinki devint en effet une base de référence pour les dissidents des pays du glacis qui, malgré les emprisonnements et la dépression, s’engagèrent dans ce combat en rappelant à Moscou ses engagements et sa signature.

Un échec pour Moscou

« Alors comme aujourd’hui, le Kremlin voulait à la fois conforter sa zone d’influence et diviser les Occidentaux », souligne M. Gordadzé. Mais ce fut un échec pour Moscou. Une bonne partie des travaux se polarisèrent sur les questions des frontières, de leur « intangibilité » comme le voulaient les Soviétiques, ou de leur « inviolabilité » comme le souhaitaient les Occidentaux. La différence sémantique est essentielle. Dans le premier cas, cela signifiait qu’elles ne pourraient jamais bouger, dans le second que c’était possible à condition que cela se fasse avec l’accord de toutes les parties. Ce fut mot retenu. Cela permit en 1990 la réunification de l’Allemagne. Jusqu’ici, le seul pays signataire qui a remis en cause ce principe est la Russie de Vladimir Poutine qui, au printemps 2014, annexa par la force la Crimée après l’arrivée au pouvoir en Ukraine d’un gouvernement réformiste pro-européen.

A l’époque, en 1975, les Occidentaux avaient su faire bloc. Aujourd’hui, Vladimir Poutine mise sur les divisions entre l’Europe et les Etats-Unis, attisées par le président américain. L’homme fort du Kremlin n’est pas superstitieux et compte bien faire de la rencontre d’Helsinki un moment de revanche.

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15 juillet 2018

Président Trump, an II : l’oncle d’Amérique

Par Gilles Paris, Washington, correspondant - Le Monde

Cette semaine, à l’occasion d’une tournée à Bruxelles et à Londres, le locataire de la Maison Blanche s’est montré aigri, capricieux et déterminé à semer le désordre.

La formule avait été divulguée par WikiLeaks. Hillary Clinton, alors secrétaire d’Etat d’une Amérique plongée dans la crise des subprimes, s’était interrogée en 2010 au cours d’une conversation privée avec le premier ministre australien Kevin Rudd, sur la difficulté qu’elle éprouvait à hausser le ton face aux ardeurs nouvelles de Pékin, détenteur d’une part non négligeable de la dette américaine. « Comment peut-on parler durement à son banquier ? », s’était-elle interrogée, selon des câbles diplomatiques rendus publics.

Les interlocuteurs européens de Donald Trump se sont sans doute posé le même genre de questions à l’occasion d’une tournée éprouvante du président des Etats-Unis à Bruxelles et à Londres. Eprouvante notamment pour la chancelière allemande Angela Merkel et pour la première ministre britannique Theresa May.

Ces deux femmes, sans doute pas par hasard, ont eu droit au traitement spécial que le locataire de la Maison Blanche réserve à ceux qu’il n’aime guère : une attaque préventive à l’improviste, parfois doublée par des louanges à leurs propres adversaires politiques, suivie, en leur présence, par des formules présentées comme apaisantes, voire des démentis ponctués si nécessaire par une mise en cause de médias responsables de la quasi-totalité des malheurs du monde. La vénérable Alliance atlantique (OTAN) a été soumise cette semaine à un traitement identique, comme l’avait été avant elle le G7, en juin. Série en cours.

La force érigée en droit

Peut-on parler durement à Donald Trump ? Un autre Donald le pense, le président polonais du Conseil européen. Donald Tusk avait estimé publiquement, le 16 mai – à la suite de menaces de Washington sur les exportations européennes vers les Etats-Unis d’acier et d’aluminium qui se sont depuis concrétisées – qu’« avec des amis comme ça, on peut se passer d’ennemis ». Il est probable que le président américain, qui confond parfois les fonctions de l’intéressé avec celles du président de la Commission européenne, s’en soucie comme d’une guigne. Et pour qui dépend des Etats-Unis pour sa défense ou sa balance commerciale, la réponse est autrement moins évidente.

Les chefs d’Etat et de gouvernement européens présents à Bruxelles à l’occasion du sommet de l’OTAN ont bien compris désormais pourquoi Donald Trump tient tant à enterrer l’Union européenne (UE), pour nouer avec chacun d’entre eux des relations bilatérales. Elles lui permettraient de mettre en pratique une formule assez efficace de la négociation dans laquelle le rôle de l’interlocuteur de Washington se réduit à la signature de sa reddition.

Sûr de sa force érigée en droit, Donald Trump s’est donc comporté cette semaine avec le sans-gêne d’un oncle d’Amérique aigri et capricieux, déterminé à semer le désordre.

La reine Elizabeth II, qui l’a reçu à Windsor vendredi, a échappé de justesse à la catastrophe lorsque son visiteur, oublieux du protocole qui interdit de précéder la monarque, lui a brûlé la politesse en passant en revue des militaires alignés au cordeau, avant de lui faire obstacle de toute sa hauteur.

A petits pas prudents de nonagénaire, la reine a contourné le président pour reprendre sa place à ses côtés dans une saisissante allégorie de la relation transatlantique.

Gille Paris (Washington, correspondant)

Donald Trump se voit réélu en 2020 Donald Trump a annoncé dans un entretien à l’hebdomadaire britannique Mail on Sunday du 15 juillet son intention de briguer un second mandat, lors de l’élection présidentielle américaine de 2020. Il estime en outre que le camp démocrate n’est pas en mesure de le battre. « Je ne vois pas qui pourrait me battre en 2020, je les connais tous et je ne vois personne », a-t-il déclaré.

8 juillet 2018

Président Trump, an II : faire table rase du passé

Trump Nra

Par Gilles Paris, Washington, correspondant - Le Monde

Aucun de ses prédécesseurs de l’époque moderne n’est sollicité par l’actuel locataire de la Maison Blanche comme source d’inspiration. Comme si leurs ombres lui étaient insupportables.

Jeudi, Donald Trump était en campagne électorale à Great Falls, dans le Montana. Le président des Etats-Unis était venu appuyer le candidat républicain qui défiera un sortant démocrate, Jon Tester, coupable d’un crime de lèse-majesté. Ce dernier avait en effet contribué en avril à l’échec de la nomination du médecin de la Maison Blanche pour piloter le département des anciens combattants, la deuxième administration du pays. Le médecin en question, Ronny Jackson, était dépourvu de la moindre expérience de management.

Donald Trump ne s’est pas contenté d’accabler des démocrates, ce soir-là. Il s’en est pris aussi à l’un de ses prédécesseurs républicains, George H. W. Bush (1988-1992). Le milliardaire déteste ce clan, qui le lui rend bien, mais il concentre d’ordinaire ses critiques sur son fils, George W. Bush (2000-2008), dont le passage à la Maison Blanche a été entaché par la décision d’envahir l’Irak en 2003.

Comme il est difficile pour Donald Trump de trouver à redire dans le bilan en politique étrangère de ce héros de la deuxième guerre mondiale qui avait géré avec succès l’implosion de l’Union soviétique et l’invasion du Koweït par les troupes de Saddam Hussein, il s’en est pris à un détail, l’ode au volontariat entonné pendant sa campagne présidentielle de 1988. A l’époque, George H. W. Bush avait évoqué « mille lumières qui rayonnent comme des étoiles » pour encenser cette forme de don de soi.

« Au fait, mais c’était quoi ces mille lumières ? Qu’est-ce que ça voulait dire ? Est-ce que quelqu’un avait compris », s’est interrogé Donald Trump avant de citer ses propres slogans. « Je sais une chose : “Rendre l’Amérique grande à nouveau”, ça, on comprend. “L’Amérique d’abord”, on comprend. Mais mille lumières, je n’ai jamais vraiment compris ça », a-t-il asséné. Les anciens collaborateurs du 41e président, 94 ans et affaibli par la maladie comme par la disparition de son épouse, en avril, se sont récriés, sans s’étonner.

Attaque prémonitoire

Le président républicain attache en effet le plus grand soin à faire table rase du passé. Sa première tentation présidentielle, en 1987, avait été marquée par des critiques contre celui qui allait devenir pendant une génération l’icône du Grand Old Party, Ronald Reagan. « Certains commencent à se demander s’il y a quelque chose derrière son sourire », était-il écrit dans le livre signé cette année-là par Donald Trump, The Art of the Deal.

Une attaque prémonitoire. Car il se garde bien de mentionner aujourd’hui l’ancien gouverneur de Californie et il évite comme la peste sa description optimiste de l’Amérique comme « la ville qui brille en haut de la colline ». Ronald Reagan n’est pas le seul à subir pareil traitement. Aucun de ses prédécesseurs de l’époque moderne n’est sollicité par Donald Trump comme source d’inspiration. Comme si leurs ombres lui étaient insupportables.

Moins de cinq mois après son arrivée à la Maison Blanche, le 12 juin, il assurait déjà, torturant les faits, qu’« aucun président, à de rares exceptions, a fait voter plus de lois et a fait plus de choses que nous ». Cette emphase a toutes les chances de grandir avec la proximité des élections.

Dans son discours d’adieu, le 11 janvier 1989, Ronald Reagan avait ajouté des détails à la description de la « ville sur la colline ». « S’il y avait des murs autour, il y avait aussi des portes, ouvertes à tous », avait assuré le président, avant de quitter le bureau Ovale. Des portes que Donald Trump se glorifie aujourd’hui de fermer.

23 juin 2018

Donald Trump

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21 juin 2018

Melania Trump

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La première dame Melania Trump arrive à la base aérienne d'Andrews le 21 juin 2018, après avoir visité un centre accueillant des enfants migrants à McAllen, au Texas. Gaffe ou provocation? Le message sur sa veste fait polémique : «I really don’t care, do u ?» (Je m’en fiche complètement, et vous ?).

21 juin 2018

Séparation des familles de migrants : Trump contraint de reculer

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Par Gilles Paris, Washington, correspondant - Le Monde

Devant le tollé provoqué par la mise en œuvre de la « tolérance zéro », le président américain a signé un décret disposant que parents et enfants seront détenus ensemble.

Depuis son entrée en politique, il y a trois ans, Donald Trump s’était toujours montré capable de défier les lois de la politique. Jusqu’au mercredi 20 juin. En milieu de matinée, le président des Etats-Unis a pris acte d’une ligne rouge : l’instrumentalisation d’enfants à des fins électorales. Face au tollé croissant suscité par le choix de séparer les familles de sans-papiers arrêtées après le franchissement illégal de la frontière avec le Mexique, Donald Trump a battu en retraite en signant dans la précipitation un décret présidentiel disposant que les enfants et les parents seront désormais détenus ensemble pendant la durée des poursuites judiciaires.

Les jours précédents, la Maison Blanche, à commencer par le président lui-même, avait pourtant défendu sans ciller la politique de « tolérance zéro » instaurée par le ministère de la justice avec sa bénédiction qui obligeait depuis le mois de mai la police des frontières à séparer les enfants de leurs parents incarcérés avant d’être jugés, faute de pouvoir légalement emprisonner les premiers. Au moins 2 342 enfants et jeunes migrants auraient ainsi été séparés de leurs familles.

Contre toute évidence, la secrétaire à la sécurité intérieure, Kirstjen Nielsen, avait nié l’existence d’une telle politique, alors que Donald Trump prétendait dans le même temps qu’il ne faisait qu’appliquer une disposition législative héritée d’administrations démocrates, ce qui est faux.

Elections de mi-mandat

Les défenseurs de cette mesure lui trouvaient deux avantages : un effet dissuasif sur les candidats au départ des pays d’Amérique centrale qui alimentent désormais majoritairement l’immigration illégale et un moyen de pression sur le Congrès pour le forcer à adopter des mesures restrictives, y compris concernant l’immigration légale. S’ajoutant aux témoignages d’élus démocrates scandalisés après la visite de centres de rétentions, les images pourtant contrôlées par le département de la sécurité intérieure montrant des mineurs placés à l’intérieur d’espaces grillagés, ainsi qu’un enregistrement de pleurs d’enfants en très bas âge réclamant leurs parents, ont rendu progressivement cette position intenable.

Les premiers sondages montraient qu’une majorité d’électeurs républicains soutenait cette politique, alors que les deux tiers de l’ensemble des Américains interrogés s’y opposaient. Mais de nombreux membres du Congrès ont redouté que la polémique ne finisse par peser sur les prochaines élections de mi-mandat. Le sénateur du Texas Ted Cruz, qui se représente en novembre, a illustré cette crainte grandissante. Après avoir initialement soutenu la politique de « tolérance zéro », il a fait spectaculairement machine arrière en s’exprimant avec force mardi contre les séparations des familles.

Le même jour, rencontrant au Congrès des élus républicains, Donald Trump avait sans doute pris conscience de ce malaise, qui s’ajoutait aux critiques grandissantes de responsables religieux et de figures de son propre camp. Son épouse, manifestement choquée par ces mêmes images, n’était pas restée inerte, comme il l’a avoué lui-même. L’avocat qui avait suivi la procédure de naturalisation de Melania Trump a ainsi haussé la voix, manifestement avec l’assentiment de sa cliente.

Découverte des contraintes du pouvoir

Le lendemain matin, recevant à la Maison Blanche une délégation de sénateurs et de représentants, Donald Trump a semblé découvrir avec candeur les contraintes du pouvoir. « Le dilemme est que si vous êtes faible, ce que les gens aimeraient que vous soyez (…), le pays va être envahi par des millions de personnes. Et si vous êtes dur, vous semblez n’avoir aucun cœur. C’est un dilemme difficile. Peut-être que je préférerais être dur, mais c’est un dilemme difficile », a philosophé le président.

Quelques heures plus tard, il a signé un décret présidentiel interdisant les séparations de familles, dans une telle précipitation que le mot incriminé a été tout d’abord mal orthographié. « Je n’aimais pas voir des familles être séparées », a affirmé celui qui l’avait décidé. Cette signature lui a permis de se poser une nouvelle fois en homme d’action, y compris en se démentant lui-même : il avait assuré à la presse, cinq jours plus tôt, que le problème ne pouvait être réglé que par le Congrès et non de cette manière.

Ce moyen de parer au plus pressé est loin cependant de régler tous les problèmes posés par les séparations de familles. Le décret ne tourne pas le dos, en effet, à la politique de « tolérance zéro ». il implique seulement que les incarcérations toucheront désormais les familles tout entières, ce qui va poser rapidement des problèmes logistiques tout autant que juridiques.

Prélude à une bataille juridique

Le plus évident concerne la période de détention maximum qui peut s’appliquer aux enfants de sans-papiers emprisonnés. Selon une règle découlant d’un très long contentieux juridique, ces enfants ne peuvent en effet être incarcérés plus de vingt jours. Compte tenu de l’engorgement des tribunaux qu’a provoqué la politique de « tolérance zéro », la perspective de nouvelles séparations imposées n’est qu’une affaire de semaines. Sans compter qu’il faudra obtenir parallèlement la réunification des familles déjà séparées, que le décret de mercredi ne mentionne pas.

La responsable de la minorité démocrate à la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, a immédiatement vu le danger. « Au lieu de protéger les enfants traumatisés, le président a ordonné à son procureur général d’ouvrir la voie à l’emprisonnement à long terme de familles dans des conditions carcérales », a-t-elle déploré. Autant dire que le décret présidentiel, qui a fait l’objet d’intenses discussions internes mercredi matin, selon le Washington Post, est sans doute le prélude à une vigoureuse bataille juridique, comparable à celle qui s’était ouverte au lendemain de l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, en janvier, avec la publication précipitée d’un décret anti-immigration immédiatement bloqué par des juges fédéraux.

Le salut, pour la Maison Blanche, ne peut venir aujourd’hui que du Congrès. Ce dernier, compte tenu notamment des divisions internes entre républicains, s’est montré cependant incapable jusqu’à présent de parvenir au moindre compromis sur l’immigration.

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