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Jours tranquilles à Paris
30 janvier 2020

Dans un Royaume-Uni divisé, la réconciliation commence au pub

brexit28

PROSPECT (LONDRES)

Vendredi 31 janvier, un pays meurtri par près de quatre années d’attente vivra son dernier jour dans l’Union européenne. Ardent promoteur du Brexit, Tim Martin réussit pourtant l’improbable pari de réunir les Britanniques de tous horizons, europhiles et eurosceptiques, riches et pauvres, étudiants et étrangers, dans ses pubs Wetherspoon. Avec quelle recette ?

À 17 heures en ce morne mercredi soir de novembre, à la sortie des bureaux, c’est la ruée au Shakespeare’s Head, dans le centre de Londres, l’un des 875 établissements de la chaîne de pubs JD Wetherspoon disséminés dans tout le pays. Il y a là des étudiants américains buvant des pintes de Coca-Cola avec des nachos, deux grandes tablées de patriarches en costume sombre sirotant leurs bières, un métallo polonais dégustant un filet de rouget accompagné d’un cocktail, trois Asiatiques tirés à quatre épingles en pull léger et coupe de cheveux élégante, des bobos en pantalon 7/8 mordant dans des hamburgers, un couple d’Espagnols tirant timidement ses valises à roulettes dans le brouhaha, et un vendeur de journaux passé faire un tour aux toilettes…

Entre les trois machines à sous, le tapis rouge légèrement défraîchi à volutes et motifs fougères et les banquettes de chêne isolées de panneaux vitrés rustiques, des éclats de rire fusent de toutes parts. Il ne reste plus une seule table de libre. Au beau milieu de tout ce monde, on reconnaît au premier coup d’œil Tim Martin devant le bar, avec sa crinière argentée et son 1,95 mètre. En jeans et polo, il plaisante avec une serveuse légèrement crispée, qui se demande si elle doit vraiment facturer son café au président et fondateur de la chaîne. “Vous n’avez même pas droit à la remise employé ?” le taquine-t-elle. “Même pas, réplique-t-il sèchement. Il n’y a aucune justice dans cette boîte !”

Un logo Wetherspoon indique la présence d’un pub de la chaîne, dans le centre de Londres.  REUTERS/Toby MelvilleUn logo Wetherspoon indique la présence d’un pub de la chaîne, dans le centre de Londres.  REUTERS/Toby Melville

L’enseigne Wetherspoon est une présence familière dans les centres-villes britanniques depuis déjà un certain temps, mais ces dernières années ses pubs ont acquis une nouvelle dimension, bâtie autant sur la renommée que sur la polémique. Ce qui s’explique à la fois par les prix défiant toute concurrence des consommations que par la personnalité de Tim Martin, l’un des hommes d’affaires les plus célèbres de Grande-Bretagne, archétype du patron de pub revêche, incarnant à lui seul une armée de Brexiters. À l’heure où les villes se gentrifient irrésistiblement et où les pubs ferment les uns après les autres, sa chaîne est un peu devenue le dernier bastion de la sociabilité ouvrière et en même temps un rendez-vous culte des étudiants et de la jeunesse branchée. Elle ne fait certes pas l’unanimité, mais elle n’en est pas loin, en ceci qu’elle fédère des individus extrêmement divers dont les chemins n’auraient jamais dû se croiser.

Plus à son aise au pub qu’à la bibliothèque

Il est désormais banal d’entendre dire que la Grande-Bretagne est en proie à de déplorables guerres d’usure culturelles qui déchirent le pays. Le Brexit aurait achevé de briser une nation déjà divisée par des décennies de thatchérisme, d’austérité et d’inégalités. Ces gens-là ne sont pas censés fouler les mêmes tapis. Or la cohue bigarrée qui se retrouve dans un pub Wetherspoon reflète une tout autre réalité. Comment une chaîne de pubs a-t-elle pu réussir pareil exploit ?

Pour Tim Martin, l’aventure a commencé en 1979 dans un pub et un pays totalement différents. Margaret Thatcher venait d’être élue et Martin, qui avait alors 24 ans, révisait sans grand enthousiasme ses partiels de droit. Ayant passé toute son enfance à voyager pour suivre son père, représentant pour Guinness, il se sentait plus à son aise dans un pub qu’à la bibliothèque de la fac de droit. Il en découvrit un qui brassait une vraie bière tout à fait honorable, le Marler’s, à Londres, et y prit ses habitudes. Quelques mois plus tard, le patron vendit l’établissement au jeune entrepreneur en herbe et, le 9 décembre 1979, le Martin’s Free House ouvrit ses portes, pour être rebaptisé quelques mois plus tard Wetherspoon.

Un personnage volontiers exubérant

En treize ans, Martin racheta 43 autres pubs. Il en possédait cinq cents en 2001, et une centaine de plus l’année suivante. Alors que, depuis vingt ans, de plus en plus de pubs mettent la clé sous la porte au Royaume-Uni, Wetherspoon n’a cessé de se développer. Quarante ans après l’achat du Marler’s, la chaîne possède 875 pubs, 50 hôtels, et compte 42 000 employés.

Elle envisage par ailleurs d’investir 7 millions de livres [8,2 millions d’euros] pour créer un musée Wetherspoon. Chaque établissement est décoré de photos historiques du quartier dans lequel il est implanté et de toute une panoplie d’objets locaux. Le personnage public de Martin, volontiers exubérant, contribue à démentir l’image de Wetherspoon, perçue par ses détracteurs comme une chaîne sans âme qui uniformise les centres-villes, dans un secteur d’activité où cette qualité insaisissable qu’est le “cachet” est essentielle.

“Les pubs doivent avoir une personnalité marquée, une authenticité, une âme, m’explique Martin autour d’un café au Shakespeare’s Head. La grande majorité des locaux que nous avons repris n’étaient pas des pubs, et nous nous efforçons donc de nous insérer dans le tissu du quartier, de trouver un lien avec le bâtiment, ou avec les gens du quartier.”

Le groupe rachète et restaure de pretigieux bâtiments

Pour ce faire, le groupe s’attache également à racheter, à restaurer et à transformer de prestigieux bâtiments historiques – dont beaucoup sont inscrits au patrimoine : de magnifiques salles de cinéma et de théâtre Art déco, l’ancienne salle des coffres d’une banque à Glasgow, un entrepôt (classé monument historique) des docks de Canary Wharf, plusieurs banques dans la City de Londres, une piscine victorienne et une ancienne station de pompage à Sheffield, et une église du XIXe siècle à Ayr, en Écosse.

Martin est le genre de patron pour le moins impliqué : le Shakespeare’s Head est le troisième pub qu’il vient visiter aujourd’hui. Il s’est donné pour objectif d’en inspecter au moins une dizaine par semaine – sans jamais se faire annoncer –, préparant ses tournées depuis chez lui, à Exeter, dans le sud-ouest de l’Angleterre, sur une carte présentant tous ses établissements.

Sur les murs de son bureau, Martin a placardé une série de maximes, tirées de livres de management ou de son invention. Sa préférée est celle de Rose Blumkin, une émigrée sans le sou qui, à la fin des années 1930, a fondé [la chaîne nord-américaine d’ameublement] Nebraska Furniture Mart : “Vendre bon marché et dire la vérité.” Force est d’admettre que la première partie de cette devise a plutôt réussi à Wetherspoon, mais qu’en est-il de la vérité ?

Tournée des pubs pour promouvoir le Brexit

L’entreprise est à n’en pas douter fidèle à la vérité de son PDG : presque personne n’ignore que la chaîne est dirigée par un farouche partisan du Brexit dur – outre ses passages réguliers dans les médias, Martin est monté à la tribune aux côtés de Nigel Farage, est intervenu dans les meetings du Parti du Brexit, a posé devant les objectifs avec Boris Johnson, et a donné 200 000 livres [243 000 euros] pour financer la campagne du “Leave” avant le référendum de 2016. Mais il se peut que seuls ses clients soient conscients de l’ampleur de la propagande antieuropéenne qu’il orchestre dans ses pubs. Même après le référendum, il martelait sur tous les supports son message en faveur d’une sortie de l’Europe : dans ses éditoriaux du Weatherspoon News, et sur des tracts et cartes plastifiés déposés sur toutes les tables de ses établissements, avec l’avertissement suivant : “Voici l’augmentation que subiront vos consommations si nous ne quittons pas correctement l’UE.”

Pendant l’hiver enfiévré de 2018, il s’est lancé dans une tournée de ses pubs, enchaînant cent dates pour défendre directement auprès de ses clients un Brexit sans accord. C’était, de son propre aveu, ce qu’il a fait de plus difficile dans sa vie. “J’étais hanté par cette impression qu’en allant parler dans un pub où tout le monde ne serait pas nécessairement d’accord avec moi, j’empiétais sur la sphère privée des gens.” Cette inquiétude l’a poussé à s’entourer d’agents de sécurité pour ses trente dernières réunions, mais dans l’ensemble la clientèle, qu’elle fût favorable ou non à la sortie de l’UE, a plutôt apprécié. “Je pense que les bonnes décisions sont fondées sur le débat – et c’est d’ailleurs ce qui fait le succès des démocraties. Les démocraties ont l’air bien mouvementées, me diriez-vous, mais regardez ce qu’il se passe ici : malgré tous ses défauts, le Royaume-Uni est un pays sacrément prospère.”

Les milennials mal payés séduits par les petits prix

Avec un patron aussi notoirement pro-Brexit que Martin, ou pourrait s’étonner que les Wetherspoon soient aussi courus des milléniaux et des jeunes de la génération Z, nés à partir de 1997. L’explication évidente tient aux prix défiant toute concurrence. Mais l’attrait qu’exercent ces pubs sur la jeunesse britannique va bien au-delà des prix et des menus : il y a quelque chose dans leur apparente authenticité – cette version universelle et uniformisée de l’authenticité au rabais – qui tranche avec le côté artisanal des restaurants éphémères et les bars alternatifs branchés qui ont saturé le secteur de la restauration dans les grandes villes et les villes universitaires. Cela étant, on ne saurait ignorer l’argument économique : les bobos de la génération Y [nés entre les années 1980 et le milieu des années 1990] ont beau avoir fait des études supérieures, être de gauche et plaider pour le maintien dans l’Europe, comme la “clientèle ouvrière traditionnelle” de la chaîne, ils sont mal payés et louent de minuscules appartements.

La portée politique des blagues de la jeunesse de gauche appelant à “nationaliser Weatherspoon” a trouvé une expression plus concrète en octobre 2018, quand les employés de deux pubs de Brighton ont voté la grève pour protester contre les bas salaires. Un mois plus tard, ils brandissaient en trophée une augmentation du salaire horaire – qui n’atteignait toutefois pas les 10 livres [11,75 euros] qu’ils revendiquaient. Martin, qui avait alors accusé les grévistes de pratiquer la “diplomatie de la canonnière”, est aujourd’hui plus conciliant. “Les pubs étaient peut-être confrontés à des problèmes qui n’avaient pas été identifiés, concède-t-il. Les gens sont libres de faire grève s’ils le souhaitent – je ne pourrai légitimement pas trouver grand-chose à y redire. Mais je pense que tout ce qui oblige une entreprise à se regarder dans la glace ne peut lui faire que du bien.”

Un fossoyeur des petits pubs ?

L’un de ces grévistes, Alex McIntyre, 20 ans, assure que les conditions de travail sont maintenant meilleures et que la direction est plus attentive aux problèmes, comme les pannes de climatisation qui ont provoqué des malaises chez plusieurs employés lors de la canicule de l’été dernier. Mais son salaire ne lui permet toujours pas de joindre les deux bouts, ajoute-t-il : dans une ville aussi chère que Brighton, il dépense les deux tiers de sa paie en loyer, comme beaucoup de ses collègues. “Ce n’est pas tenable, d’autant moins que l’entreprise engrange de coquets bénéfices.” Il reste néanmoins attaché à son pub et à son travail. “C’est un lieu de rencontre pour la communauté, pour toutes sortes de gens qui travaillent. Tous mes amis de gauche se retrouvent tous les jours au Whetherspoon”, s’amuse-t-il.

Selon un rapport de 2018 du Bureau britannique de la statistique (ONS) intitulé Les Économies de la bière, le nombre de bars et de pubs au Royaume-Uni est passé de 52 500 en 2001 à 38 815 l’an dernier. Un pub mettrait la clé sous la porte toutes les douze heures. Wetherspoon a inversé cette tendance. Par sa politique de prix modiques, elle a certainement accru la pression sur les petits pubs indépendants, mais Martin nie catégoriquement que sa chaîne soit en train de les tuer. Selon lui, c’est surtout dans les banlieues et les petits villages que les pubs ferment, alors que Wetherspoon axe son marché sur les centres-villes. La réalité est un peu plus compliquée. Dans toutes les grandes villes, sous l’effet conjugué de la gentrification et de l’interdiction de fumer, on voit de plus en plus de pubs ouvriers traditionnels où se réunissaient les “vieux du quartier” transformés en gastropubs exorbitants, lorsqu’ils ne sont pas tout bonnement fermés pour être reconvertis en logements.

Une diversité réjouissante

Dans la mythologie officielle de Wetherspoon, Martin se serait inspiré du pub idéal tel que l’avait imaginé George Orwell, le fameux “Moon Under Water” – nom que se sont approprié plus d’une douzaine d’établissements de l’écurie Wetherspoon. Bien sûr, l’article romantique d’Orwell publié en février 1946 dans l’Evening Standard a un peu vieilli. De nos jours, un pub n’est plus tenu d’aménager des espaces distincts pour “le bar public, le bar de salon, le bar pour dames, la salle à manger à l’étage et une bouteille et une cruche pour ceux qui sont trop timides pour acheter leur bière en public.” Mais à ce détail près, Martin a repris à son compte les grands principes d’Orwell – à commencer par l’absence de musique – et l’idée selon laquelle le pub de quartier est un bien commun.

On pourrait aisément accuser Wetherspoon de dénaturer une institution culturelle éminemment britannique qui se meurt. Aisément reprocher à Martin, aussi, de mener sa propagande acharnée pour un Brexit sans accord à chaque table de chacun de ses 900 établissements. Et tout aussi aisément rappeler que les employés de Wetherspoon devraient pouvoir payer leur loyer, le dîner et le coiffeur.

Au-delà de ces critiques, force est de reconnaître que, depuis quelques années, quelque chose de singulier est apparu – par hasard ou à dessein – au sein de cette chaîne de pubs. Si l’on part du principe que l’espace du pub reflète la société qui l’entoure, la diversité réjouissante et de plus en plus rare de la clientèle de Wetherspoon est un point positif. Une simple virée dans n’importe quel pub de la chaîne suffirait à nous convaincre que les guerres culturelles dont on nous dit qu’elles déchirent la Grande-Bretagne ne sont que superficielles. À moins que ce ne soit la bière bon marché qui me monte à la tête.

Dan Hancox

Source

Prospect

LONDRES http://www.prospect-magazine.co.uk/

Fondée en octobre 1995, cette revue indépendante de la gauche libérale britannique offre à un lectorat cultivé et curieux des articles de grande qualité, avec un goût marqué pour les points de vue à contre-courant et les analyses contradictoires. Preuve du succès de cette formule, la diffusion du titre augmente régulièrement depuis près de dix ans pour s’établir à 44 700 exemplaires par en 2018. Un record.

Prospect se démarque particulièrement par la qualité de ses articles culturels. Leurs critiques littéraires et celles consacrées aux arts du vivant sont fort appréciées des lecteurs.

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30 janvier 2020

Action Hybride

hybride

30 janvier 2020

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30 janvier 2020

Reportage : Agnès b. inaugure sa fabuleuse Fab à Paris, sa « troisième maison »

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Par Roxana Azimi

La styliste a choisi de réunir sa collection d’art contemporain, sa galerie et une librairie dans un immeuble du 13e arrondissement de Paris. La Fab, espace sobre et épuré à l’image de ses lignes de vêtements, ouvre ses portes au public le 2 février.

Agnès b. le répète à l’envi : il n’y a pas de coïncidence, il n’y a que des signes. Pas de hasard donc, si la styliste, grande amatrice de street art, a choisi le 13e arrondissement de Paris, où la création s’étale librement sur les murs des tours et autres grands immeubles, pour ancrer La Fab., un nouveau lieu regroupant sa collection d’art contemporain, sa galerie (qui quitte donc la rue Quincampoix), ainsi qu’une librairie. Autre clin d’œil du destin, ce site hybride, qui ouvrira ses portes le 2 février, a pour adresse la place Jean-Michel-Basquiat, du nom de l’artiste américain dont la styliste s’était entichée en 1985, trois ans avant sa mort.

Depuis le trottoir, les larges baies vitrées permettent de se faire une première idée de l’espace de 1 400 mètres carrés, distribué sur deux niveaux. A droite, la librairie ; à gauche, une banquette marocaine en zellige, ainsi que le comptoir de la billetterie donnant accès à la partie collection. En face, un escalier mène à la galerie située à l’étage. Tout est sobre, simple, neutre. Presque trop.

Construit sur pilotis

Un détail dans l’entrée retient tout de même l’attention : une colonne dont la base repose sur un coffrage. Laissé ouvert, il dévoile la structure de l’immeuble, construit sur pilotis au-dessus d’un tunnel de la SNCF, à la manière des bâtiments antisismiques japonais. Autre surprise, le complexe abrite, en plus de La Fab, une crèche et 75 logements sociaux. Nous voilà loin des plans égotiques de beaucoup de musées privés. « M’inscrire ici, dans ce paysage, participe d’un engagement de gauche », martèle Agnès b., consciente des poches de pauvreté persistantes dans le quartier.

Cela faisait dix ans que la styliste cherchait un lieu pour réunir les activités culturelles et solidaires de son fonds de dotation. Quelque chose de « pas trop grand, ni arrogant », une « maison où tout serait à vendre », sauf sa collection de 5 000 œuvres portée sur la photographie, l’Afrique et les personnalités singulières comme Harmony Korine ou Roman Cieslewicz. Encore fallait-il trouver un contexte conforme à son goût hors cadre, indifférent aux modes, cotes et signatures, et à son credo : « partager sans imposer ». L’Ouest parisien où s’est arrimée la Fondation Louis-Vuitton ? Trop bourgeois, trop cossu pour cet esprit rebelle qui, jeune, a fui l’harmonie des jardins versaillais où elle a grandi pour embrasser les contre-cultures urbaines.

Prendre la tangente

Elle n’était pas plus tentée par le centre de Paris, où François Pinault s’installera en juin prochain à la Bourse de commerce, à deux pas des Halles et de la rue du Jour où elle avait ouvert sa galerie en 1984. Comme à son habitude, Agnès b. préfère prendre la tangente. Pendant dix ans, ses équipes ont visité plus d’une dizaine de sites en banlieue nord, principalement en Seine-Saint-Denis. « On ne voulait pas se coller aux galeries du Marais mais aller à la rencontre de publics éloignés », explique Sébastien Ruiz, secrétaire général du fonds de dotation. Malheureusement, les bâtiments proposés exigent chaque fois de longues et coûteuses réhabilitations.

Le projet patine jusqu’à ce que, en 2017, l’équipe du Point Ephémère, qui venait de créer dans le quartier une « guinguette numérique » (un café-restaurant culturel consacré à la création numérique), leur parle de ce local commercial vacant au rez-de-chaussée d’un bâtiment flambant neuf au cœur de la zone d’aménagement concerté (ZAC) Paris Rive Gauche. Pas exactement la friche industrielle en périphérie dont rêvait la styliste !

Jeu de cloisons mobiles

Mais à défaut du Grand Paris, il s’agit d’un « Nouveau Paris », celui des grands ensembles des années 1970-1980, et du laboratoire de l’architecture d’aujourd’hui, à quelques jets de pierres de la Bibliothèque François-Mitterrand de Dominique Perrault et des futures tours Duo de Jean Nouvel. L’architecte Augustin Rosenstiehl l’admet, son immeuble en briques, dont la blancheur tranche avec le monolithe noir érigé juste en face par Rudy Ricciotti, ne s’inscrit pas dans « la nouvelle tendance du quartier pour des édifices fins, vitrés et transparents ». Le rez-de-chaussée, qui devait initialement être occupé par Uniqlo, n’était alors pas folichon.

Il a fallu un an et demi de travaux pour le transformer en espace culturel. Avec ses dénivelés de 30 à 80 centimètres, la construction sur pilotis a tout d’un casse-tête. Pas simple, dans la première salle d’exposition, de composer avec l’enfilade de neuf colonnes renfermant les ressorts du bâtiment. « Il a fallu inventer, moduler », admet Augustin Rosenstiehl, qui a atténué l’aspect « temple » donné par les colonnes grâce à un jeu de cloisons mobiles, et construit un escalier circulaire pour mener à l’étage – « un sujet en soi », se souvient-il.

« PRENDRE POSSESSION D’UN LIEU, ÇA PREND DU TEMPS, C’EST ANIMAL, IL FAUT S’Y FOURRER, PLANTER SA TENTE, LE FAIRE SIEN. » AGNÈS B.

Comme pour ses lignes de vêtements simples et astucieux, Agnès b. ne voulait rien d’ostentatoire. « Ce qui compte, ce sont les œuvres », insiste-t-elle. Mais elle se méfiait tout autant d’un minimalisme trop froid. Aussi l’architecte a-t-il travaillé sur quatre nuances de blanc, celui du sol en béton ciré, des murs, de l’appareillage métallique et du faux plafond.

Le chantier avance à pas comptés, jusqu’à ce qu’une inondation sous le bâtiment retarde l’ouverture de quatre mois. « J’aime les contraintes, sourit Agnès b. Prendre possession d’un lieu, ça prend du temps, c’est animal, il faut s’y fourrer, planter sa tente, le faire sien. » C’est ainsi qu’elle s’est lentement approprié sa demeure de Louveciennes, dans les Yvelines, et ses bureaux parisiens de la rue Dieu. Mais déjà, assure-t-elle, La Fab est devenue sa « troisième maison ».

La Fab, 1, place Jean-Michel-Basquiat, Paris 13e.

30 janvier 2020

Pierre et Gilles

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30 janvier 2020

Le nouveau musée de la Libération de Paris

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Musée de la libération de Paris

Collections permanentes

Raconter l'histoire sous un regard neuf

Inauguré officiellement le 25 août à l’occasion du 75e anniversaire de la Libération de Paris, le nouveau musée totalement gratuit prend place au cœur de la capitale, après avoir vécu pendant vingt-quatre ans au-dessus de la gare Montparnasse.

Accessible gratuitement sur réservation en ligne, le musée vous dévoile l’un des lieux les plus secrets de la capitale : au bout de 100 marches à descendre vous pénétrez dans le sous-sol du pavillon, abritant le poste de commandement de résistance parisienne du PC dirigé par le colonel Rol-Tanguy, chef des Forces françaises de l’intérieur (FFI) d’Île de France.

Ce site historique mythique, QG de la Libération, ayant permis d’organiser la résistance du 20 au 26 août 1944 est pour la première fois ouvert au public ! En tout, plus de 300 objets authentiques, documents originaux et photographies, ainsi que des vidéos d’archives et des témoignages seront présentés. De l’entre-deux-guerres à la Résistance, des campagnes d’Afrique et des plages normandes, de la France à terre vaincue en 1940, obligée de se confiner dans les sous-sols et les puits à celle qui se relève dans la lumière du jour des verrières, c’est cette page de l’Histoire unique et pleine d’espoir qui se raconte ici. Des casques de réalité mixte vous permettent de revivre en direct les événements aux côtés des résistants de l’époque. Clou du spectacle : un abri de défense antiaérien.

Après avoir traversé une large porte destinée à protéger l’abri des attaques au gaz, on pénètre dans un couloir étroit et humide, où résonnent le bruit des alertes et des messages téléphoniques venus des alliés. Sur les murs gris restent encore des inscriptions de l’époque : « PC Rol-Tanguy », « Direction générale », « Secrétariat » – qui témoignent de l’organisation du repaire resté intact. Le lieu ne permet d’accueillir qu’un groupe de 20 personnes maximum. Sensation garantie !

Des objets oubliés mis en lumière

Ce sont d’abord des objets glaçants qui refont surface : des affiches de propagande et des lettres de dénonciation anonyme contre des voisins « anglo gauchistes judéo » évoquant la période de Vichy, puis la Résistance entre en scène avec d’abord Jean Moulin. Des objets très personnels comme une boîte d’allumettes qui cachait des microphotographies, sa fausse carte d’identité, mais aussi sa paire de skis ou sa boîte de pastels, montrent que le chef de la Résistance, mort sous la torture était aussi un épicurien. Le revolver de Rol-Tanguy est un autre objet authentique qui permet de raconter cette Libération de l’intérieur, à une époque où la réalité virtuelle nous fait perdre en authenticité.

Ramenez votre petit bout de mémoire

De nombreux particuliers viennent enrichir les collections du musée. Vous aussi, venez partager votre petit bout de mémoire parisienne en déposant votre objet, témoignage, photo ou lettre, le 28 septembre au sein du musée. On vous attend nombreux pour cette journée de partage riche en émotion ! Certaines vitrines vides attendent encore la reconstitution du puzzle qui réunit la France libre de Leclerc et De Gaulle à celle des combattants de l'ombre.

A brand-new museum dedicated to World War II has just opened in Paris, on the occasion of the 75th anniversary of Paris' liberation from the Nazi regime. Over 7000 original documents, items and other photographs, including archive videos and testimonies are displayed to the visitors. From Resistance to the African campaign and Landings to the Liberation of Paris, follow Jean Moulin’s and Général Leclerc’s path for a total immersion in History.

MUSÉE DE LA LIBÉRATION DE PARIS

Collections permanentes

4, Avenue du Colonel Henri Rol-Tanguy, 75014 Paris

HORAIRES

Ouvert

Du mardi au dimanche de 10:00 à 18:00

Fermé

Le lundi

TARIFS

Billets expositions temporaires

Entrée libre : gratuit

Billets combinés

Entrée libre : gratuit

Billets collections permanentes

Entrée libre : gratuit

ACCÈS

MÉTRO          M4 M6            Denfert-Rochereau

M4      Mouton-Duvernet

30 janvier 2020

Vu sur internet

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30 janvier 2020

Actuellement au Centre Pompidou

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Pourquoi il faut aller voir l'expo de Christian Boltanski au Centre Pompidou 

Au Centre Pompidou, la rétrospective “Faire son temps” consacrée au plasticien français parcourt cinquante années de création réunies dans une scénographie immersive invitant à effectuer sa propre traversée initiatique.

A l'instar de la pollution lumineuse qui masque les étoiles depuis les grands centres urbains, le bain perpétuel d'images oblitère le mystère éternel de l'existence humaine. Et pourtant, quelque chose palpite encore. Quelque chose de primordial. Des peurs enfouies, des émotions fragiles, des mythes ancestraux. Qui, pour peu que l'on ose regarder sous la surface, et au plus profond de soi, persistent comme au premier jour, révélant un substrat d'humanité ténu comme une lueur vacillante aperçue au creux de l'obscurité, ou encore comme le battement sourd d'une pulsation cardiaque.

Pour les retrouver, ces sensations enfouies sous la carapace de l'homme moderne bardé d'extensions technologiques, il suffit de peu. De franchir un seuil, à partir duquel serait conclu un pacte : nul ne pénètre ici s'il n'est disposé à se retrouver seul avec soi-même, à accueillir sa part d'ombre, et les spectres et fantômes qui la peuplent. D'ailleurs, la mise en garde est explicite.

Au-dessus de l'accueil de l'exposition de Christian Boltanski au Centre Pompidou, le début du parcours est épelé en ampoules rouges : "DEPART". Il y aura une "ARRIVEE" (ampoules bleues), mais avant cela, avant de revenir à la lumière ordinaire, il faudra s'être immergé dans le royaume des ombres, se soumettre au périple initiatique. Se souvenir, dériver, plonger, flotter, mourir un peu.

Fil d'Ariane

Faire son temps, le titre de l'exposition, réunit quarante œuvres du plasticien français déjà consacré par Beaubourg il y a trente-cinq ans. Le parcours est chronologique, ou s'ouvre du moins par ses toutes premières œuvres. L'une des rares peintures que l'on connaisse de l'artiste, La Chambre ovale (1967), rappelle son parcours d'autodidacte. A l'époque où il réalise cette toile, il a 23 ans et tourne définitivement le dos à la peinture. Déjà, on reconnaît certaines de ses obsessions.

Sur une étendue lunaire baignée d'une lueur rouge est assise une figure noire oblongue, seule, pensive. Plate comme une poupée de chiffon, elle ne peut marcher, enfermée dans l'antichambre de la mémoire. L'introspection peut commencer.

En vis-à-vis, quelqu'un dans la vidéoL'homme qui tousse (1969) éructe bruyamment. Le périple ne sera pas simple, mais pour l'instant, c'est un homme qui se fait le passeur, et le guide. La série de photographies en noir et blanc 27 Possibilités d'autoportraits (2007) le rappelle, il sera d'abord question d'emboîter le pas à l'artiste, de suivre sa propre quête initiatique, lui dont les battements de cœur semblent résonner tout au long du parcours comme un fil d'Ariane.

Il y a, en effet, dans la production de plus d'un demi-siècle de l'artiste, trois grandes périodes. La première commence par les bricolages et reconstitutions du tournant des années 1970, les Essais de reconstitution ou les Vitrines de référence qui touchent à sa propre enfance.

ChristianBoltanski-2.jpg“Animitas Blanc”, 2017, Christian Boltanski © DR/Adagp, Paris, 2019

Dans des vitrines grillagées, Christian Boltanski s'y livre à des tentatives de gripper la disparition de ses premiers souvenirs, en pâte à modeler (un train électrique, une bouilloire) ou en rassemblant de menus objets (brindilles, photos, gribouillages). De ce musée individuel, il augmente peu à peu l'ampleur. Parler de soi certes, mais pour parler des autres, et de tous. En cherchant le commun, l'artiste élague, précise, synthétise son vocabulaire.

Rapidement, on perd le fil chronologique, emporté par la scansion des motifs qui font de son parcours artistique non pas une ligne droite, mais un cycle. A se perdre, à tourner en rond, à errer parmi les voiles de gaze (Les Regards, 2011) et les théâtres d'ombres (Théâtres d’ombres, 1984-1997), la scénographie y invite. Plongé dans la pénombre, on suit la lumière ronde et douce qui provient des œuvres elles-mêmes.

En 1989, après la mort de ses parents, l'artiste entre dans une seconde phase de création, centrée autour de la généalogie. A celle-ci succédera une troisième, élargissant encore, par cercles concentriques, à l'invention de mythes et de paraboles. Sans surprise, Christian Boltanski ne cite pas ou peu d'artistes plasticiens parmi ses sources d'influence, préférant inscrire ses recherches sous l'égide des arts de la scène : la danse (Pina Bausch) et le théâtre (Tadeusz Kantor).

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La cohorte des disparus

Au Centre Pompidou, chacune des œuvres vaut moins par elle-même qu'elles n'appellent ensemble une ritournelle. Des photographies de l'artiste, de sa famille ou de celle de ses proches on passe aux noms et visages des mineurs qui travaillaient entre 1920 et 1940 au Grand-Hornu (Les Registres du Grand-Hornu, 1997) et aux cohortes des disparus, nazis et victimes de la Shoah réunis par la mort (Menschlich, 1994).

Visages, regards, lueurs d'ampoules, registres administratifs de vies vécues, boîtes de biscuits à souvenirs, mais aussi une montagne de vêtements empilés, ici d'un noir charbon (Le Terril Grand-Hornu, 2015), rappelant ceux de Personnes de la Monumenta au Grand Palais en 2010 ou de Take Me (I'm Yours)à la Monnaie de Paris en 2015.

Peu à peu, on s'oublie, et l'on se réhabitue à imaginer l'autoportrait sans le selfie, la mémoire sans le moteur de recherche, la mort sans le transhumanisme. Il est alors presque temps de se reconnecter au monde réel, tel qu'il va ici-bas, aujourd'hui, dehors. Mais pas avant de s'être accordé un ultime moment de grâce, par l'entremise du point d'orgue ménagé par les deux œuvres les plus récentes de l'artiste : les Animitas (2014 et 2017), tournées l’une dans le désert d’Atacama, au Chili, l’autre dans nord neigeux du Québec, où tintent doucement les clochettes d'âmes disparues.

Faire son temps jusqu'au 16 mars au Centre Pompidou, Paris

bol21

Voir et lire mes précédents billets sur Christian Boltanski : http://jourstranquilles.canalblog.com/tag/christian%20boltanski

 

30 janvier 2020

Milo Moiré

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Photos : Peter Palm

30 janvier 2020

PHOTOGRAPHIE - « Claudia Andujar, la lutte Yanomami »

claudia

La photographe Claudia Andujar, d’origine suisse et installée au Brésil, a consacré sa vie et son œuvre aux Indiens yanomami, qu’elle a rencontrés dans les années 1970. Elle a non seulement cherché, en manipulant ses images, à transmettre visuellement la richesse de leur culture et de leurs rites chamaniques, mais elle s’est aussi transformée en une activiste enragée lorsque la dictature brésilienne a décidé que les Indiens étaient un obstacle à la modernité. Son combat, aujourd’hui remis en cause par le gouvernement Bolsonaro, a été essentiel pour la reconnaissance d’un territoire yanomani. La Fondation Cartier aborde, dans une grande rétrospective, à la fois les aspects esthétiques et politiques d’une œuvre où les Indiens ne sont jamais considérés comme des créatures exotiques, mais comme des individus dont elle tente de capter l’intériorité. Claire Guillot

Fondation Cartier pour l’art contemporain, 261, boulevard Raspail, Paris 14e. Du 30 janvier au 10 mai. Du mardi au dimanche de 11 heures à 20 heures, nocturne le mardi jusqu’à 22 heures.

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