Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Jours tranquilles à Paris
30 janvier 2020

« Garde ton virus, sale Chinoise ! » : avec le coronavirus, le racisme antiasiatique se propage en France

Par Valentin Cebron, et Pauline Petit - Le Monde

Alors qu’un cinquième cas avéré sur le sol français a été confirmé mercredi, les propos stigmatisants à l’égard des personnes d’origine asiatique ou perçues comme telles connaissent une recrudescence.

« Garde ton virus, sale Chinoise ! T’es pas la bienvenue en France », crie un chauffard en accélérant sur une flaque d’eau pour l’éclabousser. Minh, qui relate l’épisode intervenu lundi 27 janvier, est d’origine vietnamienne. Depuis l’identification en France de plusieurs cas de patients contaminés par le coronavirus 2019-nCoV, apparu en décembre 2019 à Wuhan en Chine, les propos racistes à l’encontre des personnes de la communauté asiatique se multiplient. Elles sont les premières victimes de l’inquiétude suscitée par le virus.

La mère de John (le prénom a été modifié), d’origine philippine, en a fait les frais. « Elle faisait ses courses, rapporte le jeune homme, lorsqu’elle a entendu une voix dans son dos. Un homme mettait en garde son fils sur le virus et les Chinois, en la désignant. » La scène s’est déroulée dans un hypermarché à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne). A Lyon, dans une fromagerie, Elodie a été témoin d’une humiliation : « Un couple a refusé d’être servi par une dame d’origine asiatique. Elle s’est mise à pleurer. »

Avec la médiatisation de la crise sanitaire, de nombreuses personnes d’origine asiatique se sentent pointées du doigt. « A la fac, quand je tousse, on me dit que je vais contaminer tout le monde », raconte Julie, étudiante à Assas d’origine japonaise.

Dans les transports, ce sont des regards en coin. Marie (le prénom a été modifié), d’origine chinoise, le confirme : « Dans le métro, un homme a même caché son nez et sa bouche dans son pull devant mes parents. » Dans cette atmosphère paranoïaque, se faire dévisager parce qu’on est Asiatique n’est pas rare. « Une amie, aussi Coréenne, n’ose plus sortir », ajoute Sujin. Car certains se font insulter, voire expulser du métro.

garde ton vrus

Propos discriminants

Sous couvert d’humour, au travail, les discussions autour de l’actualité du coronavirus s’accompagnent parfois de propos discriminants. Employée dans une boutique de sacs à Paris, Mia (le prénom a été modifié), d’origine cambodgienne, témoigne : « J’ai à peine le temps de poser mon manteau que mon manager me dit en rigolant : “j’espère que ta famille n’a pas ramené le virus.” Devant mon sourire crispé, il lâche un “si on ne peut plus rien dire !” Tous les jours. C’est pesant. »

Une lassitude que ressent également Vincent, agent à la SNCF d’origine sud-coréenne. Toujours prêt à plaisanter, « même sur ses origines », il a perdu son sens de l’humour lorsqu’un collègue l’a interpellé gare de Lyon, d’un « alors, t’as pas mis ton masque ? »

Les pharmacies sont d’ailleurs dévalisées. « Je suis en rupture de stock, constate Corine, pharmacienne dans le 4e arrondissement de Paris, j’attends une livraison fin février. » Et à l’hôpital, l’amalgame continue. « Ce week-end, témoigne une urgentiste du SAMU à Marseille, un homme nous a demandé s’il pouvait être infecté après avoir mangé du riz cantonais ! »

Sur les réseaux sociaux, la parole raciste semble se déployer encore plus ouvertement, parfois sans même se cacher derrière du second degré. « Les Chinois ne mettent pas longtemps pour te ramener un virus en France… par contre pour un colis faut attendre trois mois », écrit une internaute sur Facebook. « A cause de soupe de chauve-souris de merde vous contaminez tout le monde », lit-on sur Twitter.

« Déchaînement »

Derrière l’incrimination des pratiques culinaires asiatiques ou du « manque d’hygiène des Chinois », c’est « tout un faisceau d’images stéréotypées de l’inconscient collectif qui s’exprime, observe Mai Lam Nguyen-Conan, spécialiste des questions interculturelles et invervenante en entreprise. Le virus exacerbe la peur d’être envahi par la Chine. »

En réaction au déferlement de propos haineux, lundi 27 janvier, la réalisatrice Amandine Gay a relayé un appel lancé sous le hashtag #Jenesuispasunvirus : « La crise sanitaire du coronavirus entraîne dans son sillage une libération de la parole raciste (…). Ce déchaînement vise les personnes “asiatiquetées” ». Le message a reçu des milliers de réponses de soutien. « Je suis contente qu’il ait permis une prise de conscience », confie Julie (le prénom a été modifié), la créatrice du hashtag, qui se dit surprise de l’engouement généré par l’appel.

Professeure de français, elle fait acte de pédagogie auprès des élèves qui partagent la vidéo devenue virale d’une femme asiatique cuisinant une chauve-souris : « Cette vidéo a été tournée dans le cadre d’une émission à sensation. » Auprès des adultes aussi, l’initiatrice du hashtag se sent obligée de calmer « la psychose ambiante ».

Dans son message, Julie dénonce par ailleurs un « processus de racialisation » du traitement médiatique du coronavirus. Dimanche, Le Courrier Picard a fait sa Une sur « l’Alerte jaune » et titrait son édito : le péril jaune. Le quotidien régional a présenté ses excuses. Renaud André, fondateur de l’association antiraciste Asia 2.0 n’est pas étonné de revoir surgir l’expression. « On a beau alerter, elle revient dans les médias, déplore-t-il. On qualifie de virus chinois un coronavirus qui n’a pourtant aucune identité ethnique. »

Sinophobie latente

Au-delà de la dénonciation des blagues racistes liées à l’épidémie apparaît le récit d’une stigmatisation banalisée. Evoquant les « gestes à la Bruce Lee » ou les « Ni hao » quotidiens, Vincent ne cache pas sa tristesse : « J’ai 38 ans, plus 15, je n’ai plus envie de me prendre ce genre de réflexions. On a envie de s’exiler à l’autre bout du monde, de raser les murs pour ne pas se faire embêter. »

Pour les associations, le virus n’est qu’un élément qui condense une sinophobie latente. « On a reçu encore plus d’alertes de personnes d’origine asiatique assimilées à des Chinois, et donc associées au coronavirus », déplore Laetitia Chhiv, présidente de l’Association des jeunes Chinois de France. « Il faut porter plainte, qu’il y ait des traces, affirme Renaud André. Tant qu’on n’a pas ces statistiques, les politiques ne se rendent pas compte de la réalité. »

Une sensibilisation à ces questions émerge cependant. Ancien vice-président du Conseil représentatif asiatique de France, Valéry Vuong assure que « la nouvelle génération de Français d’origine asiatique ne se laisse plus faire ». D’une certaine façon, le coronavirus pourrait même servir la lutte contre le racisme, selon Mai Lam Nguyen-Conan : « Les associations ont intérêt à se saisir de ce genre de phénomènes pour essayer de faire passer des messages différents sur les Asiatiques. »

Publicité
30 janvier 2020

Bouche de métro art déco

metro bouche art deco

30 janvier 2020

Le Louvre

louvre33

30 janvier 2020

Ce soir à la télévision : François Fillon, la vie après le crash

Par Solenn de Royer, Vanessa Schneider - Le Monde

Le candidat malheureux de la droite à la présidentielle de 2017, qui doit être jugé du 24 février au 11 mars devant le tribunal correctionnel de Paris, sort de sa réserve : il est l’invité, jeudi 30 janvier, de « Vous avez la parole », sur France 2.

Il tend sa carte d’embarquement à l’hôtesse d’Air France et s’installe dans la cabine business. Ce 17 avril 2019, François Fillon vient de passer trois jours au Liban pour sa fondation Agir pour les chrétiens d’Orient. En attendant le décollage, il repense avec tristesse à Notre-Dame de Paris, dont il a suivi l’incendie dévastateur deux jours plus tôt, alors qu’il dînait sur le port de Beyrouth. Son officier de sécurité le sort brutalement de sa rêverie : « Robert Bourgi est dans l’avion ! » M. Fillon racontera plus tard à un ami : « A cet instant, je me suis dit : “Si je le croise, pas sûr que je sois capable de ne pas lui mettre ma main dans la figure.” »

Par le plus mauvais des hasards, l’avocat franco-libanais, proche de Nicolas Sarkozy, qui avait achevé de plomber sa campagne en révélant à la presse avoir offert à M. Fillon de coûteux costumes, se trouvait dans le même hôtel que lui, à Beyrouth. Les deux hommes ne se sont pas croisés. Cette fois, François Fillon se sent coincé. Quand une hôtesse vient lui proposer un surclassement en première, à côté d’un siège encore vide, il hésite : « C’est gentil, mais je préfère ma place seule en business. » L’hôtesse sourit et murmure élégamment : « Soyez tranquille, M. le premier ministre. M. Bourgi se trouve en business. »

Près de trois ans après le fiasco présidentiel, le candidat malheureux de la droite reste hanté par la tragédie politico-judiciaire qui, pense-t-il, lui a coûté l’Elysée. Il sera jugé, du 24 février au 11 mars, devant le tribunal correctionnel de Paris, dans l’affaire des emplois présumés fictifs dont aurait bénéficié son épouse, Penelope, quand il était député. L’ancien premier ministre devra notamment répondre de « détournement de fonds publics », « complicité et recel » de ce délit, « complicité et recel d’abus de biens sociaux », ainsi que de « manquement aux obligations déclaratives de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ».

Une échéance majeure, qui l’a décidé à sortir de sa réserve : jeudi 30 janvier, il est l’invité de « Vous avez la parole », sur France 2. M. Fillon a préparé ce retour avec sa communicante, Anne Méaux, l’influente patronne d’Image 7, sa plume et conseiller depuis trente ans, Igor Mitrofanoff, et son avocat, Antonin Lévy. Une réunion de stratégie a eu lieu le 16 janvier, dans les bureaux de l’agence. « Il y a une impatience chez lui de pouvoir s’expliquer directement et non face à un juge, dont certains propos fuitent sans qu’il puisse se défendre, explique Me Lévy. Il veut parler sans intermédiaires, dire sa vérité. »

La page est tournée

Depuis son effondrement, l’ancien premier ministre s’est fait discret. Sa première apparition publique, après l’« affaire », date du 3 juillet 2018. Impeccable dans un costume bleu marine à rayures, il a croisé ce jour-là le Tout-Paris des médias, de la politique et des affaires dans les jardins du Cercle Interallié, où Image 7 fêtait ses 30 ans. « Il avait l’air très tranquille, s’étonne encore un invité. Il a choisi de faire de l’argent dans le privé. Ce qu’il a fait à la droite ne semble pas l’empêcher de dormir… »

« BEAUCOUP L’ONT MAUVAISE. ILS DISENT : “IL NOUS A CONDUITS AU CIMETIÈRE, ON N’IRA PAS FLEURIR LA TOMBE.” »

BRICE HORTEFEUX, ANCIEN MINISTRE DE L’INTÉRIEUR

Tous ceux qui l’ont aperçu depuis le décrivent en effet « détaché », ayant « tourné la page de la politique », « heureux de sa nouvelle vie » comme senior partner dans la société de gestion et d’investissements Tikehau Capital. C’est Anne Méaux qui l’a présenté aux deux fondateurs du fonds, Antoine Flammarion et Mathieu Chabran.

Depuis l’automne 2017, l’ex-chef du gouvernement travaille au neuvième étage d’un immeuble chic et aseptisé, près du parc Monceau. Pour le compte de cette société cotée en Bourse, qui pèse 3 milliards d’euros, il parcourt le monde à la recherche d’investisseurs potentiels. En octobre 2019, il se trouvait à Milan pour séduire des industriels de l’automobile dans lesquels Tikehau veut investir. L’an passé, il a œuvré à la création de l’International Advisory Board, auquel il a associé son ami l’ancien premier ministre italien Enrico Letta. « Il s’est remis à niveau en anglais et s’est reformé de A à Z pour son nouveau métier, raconte Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains (LR) au Sénat. Il voulait se prouver à lui-même qu’il y avait une vie après la politique, en s’immergeant complètement dans son job. »

M. Flammarion et M. Chabran ont demandé à leur associé de bannir toute incursion dans le champ politique. « Dès qu’il y a un article sur lui, ils grimpent aux rideaux », raconte un proche des deux dirigeants, qui ne sont guère enthousiastes à l’idée de voir leur nouvelle recrue sur un plateau de télévision. L’arrivée de l’ex-candidat à la présidentielle, mis en examen en pleine campagne, n’aurait d’ailleurs pas été du goût de tous les clients de la société. Mais « nous en avons 60 000 », relativise-t-on rue de Monceau. « M. Fillon apporte son expérience, ses connexions, sa connaissance du tissu économique et son envergure internationale », explique-t-on chez Tikehau.

« Maintenant, j’ai mes week-ends »

Après cette campagne « cauchemar », François Fillon s’est recentré sur sa famille, son clan. Son frère, Pierre, président de l’Automobile Club de l’Ouest, qui a la charge des 24 Heures du Mans, a épousé Jane Clark, la sœur de Penelope. Les deux couples sont inséparables, se retrouvent parfois le week-end à Solesmes, dans la Sarthe, où François et Penelope ont acquis, en 1984, le ravissant manoir de Beaucé ; l’été, ils louent des maisons voisines en Toscane. Il est aussi très lié à son frère Dominique, musicien de jazz. « Ils ont fait bloc, constate Igor Mitrofanoff. La douleur était telle, dans et autour de la famille, qu’ils ont géré cela ensemble dans le silence, en dressant une muraille avec le monde extérieur. »

fillon

A ceux qu’il croise désormais, il assure qu’il est heureux d’avoir retrouvé sa liberté. « Tu sais, maintenant, j’ai mes week-ends », a-t-il ainsi glissé cet automne au député (LR) du Bas-Rhin Patrick Hetzel, lors d’un déjeuner au Divellec, restaurant de poissons du 7e arrondissement de Paris. Celui qui a laissé sa famille politique en lambeaux, déçu ses amis et déboussolé ses soutiens semble décidé à profiter de la vie, de la sienne surtout.

Dès le lendemain de son échec au premier tour de la présidentielle, le 24 avril 2017, il a appelé son ami le financier Arnaud de Montlaur, qui avait levé des fonds pour sa campagne : « Il faut voir le bon côté des choses, lui lance-t-il, ça fait des années que tu me parles de moto, maintenant, je peux venir avec toi. » A la fin de l’été, Fillon part désormais chaque année faire des excursions de moto-cross dans les Pyrénées ou le Massif central. L’ex-premier ministre, qui s’est initié à la photo à Matignon, est aussi devenu le photographe attitré du petit groupe d’amis.

Il n’a pas délaissé sa passion pour les courses automobiles pour autant. En 2017, le patron de la Fédération internationale de l’automobile (FIA), Jean Todt, lui a proposé la présidence de la « commission constructeurs » de l’institution. Début janvier, l’ancien patron de Ferrari a dîné avec M. Fillon et M. Flammarion et leurs épouses respectives. Heureux de voir son ami, Jean Todt n’a pas osé insister sur le procès qui vient. « Je ne l’ai jamais vu se plaindre. Il est fier », confie M. Todt, qui le croise parfois sur les circuits.

Ni remords ni regrets

Décidément bien loin des tourments qui agitent ses anciens amis politiques, François Fillon a décidé de s’adonner à un nouveau hobby, la chasse. C’est Henri de Castries qui l’y a initié. L’ancien patron d’Axa l’a invité une première fois à chasser le gros gibier en Ecosse, le week-end du 13 mai 2017, pour lui changer les idées. Au même moment, à Paris, le vainqueur de la présidentielle descendait les Champs-Elysées. Le groupe de chasseurs, parmi lesquels l’avocat d’affaires Antoine Gosset-Grainville, ex-bras droit de M. Fillon à Matignon, n’a vu aucune image du triomphe d’Emmanuel Macron, leur hôtel étant dépourvu de télévision.

« J’essaye de vivre de façon agréable, confortable, a récemment confié M. Fillon à un proche. On a pu dire que j’étais hédoniste, ce n’est pas totalement faux. Je fais des trucs que j’aime, qui m’amusent. Je n’ai pas de remords. »

Ni remords ni regrets, une posture d’apparente indifférence qui a laissé un sentiment d’amertume et de colère à ceux qui ont fait sa campagne. L’ancienne ministre Roselyne Bachelot, qui avait toujours une anecdote amusante à raconter sur son « ami François », ne veut plus en parler. Le président (LR) du Sénat, Gérard Larcher, serait encore « ulcéré, profondément blessé », raconte l’ancien directeur de campagne du candidat LR, Patrick Stefanini, qui a quitté l’équipe au lendemain du meeting du Trocadéro et ne veut plus le voir.

Chez LR, François Fillon a disparu des conversations. « Qui sème le vent, récolte la tempête, puis l’indifférence », soupire un membre de la nouvelle direction du parti. « Il a disparu du jour au lendemain de la politique, du parti, de ses amis, observe l’ancien ministre sarkozyste Brice Hortefeux. Beaucoup l’ont mauvaise. Ils disent : “Il nous a conduits au cimetière, on n’ira pas fleurir la tombe.” »

Impavide, perçu comme « perso », solitaire, l’ancien premier ministre n’a pas hésité à brutalement couper avec le monde politique, sans se retourner. Bruno Retailleau est le seul qu’il revoit vraiment. Un appel tous les quinze jours, un dîner de temps en temps. « C’est un grand brûlé de la politique, ça reste très douloureux pour lui, mais il ne dit rien, assure le sénateur de Vendée. On sent qu’il cherche à enfouir tout ce qui s’est passé. »

Affronter ses fantômes

Même Jérôme Chartier, l’un de ses derniers soutiens, ne l’a pas revu depuis un an. « Le temps a fait son œuvre », confie sans amertume l’ex-député du Val-d’Oise, qui a connu une période difficile après la défaite. Mais avec ce fidèle lieutenant, qui semblait aller si mal, François Fillon s’est montré prévenant. Il l’a appelé, emmené déjeuner. Un an après, M. Chartier lui a envoyé un SMS, en guise d’au revoir : « Je me sens en pleine forme. Je te remercie d’avoir été là. » Depuis, ils ne se sont plus revus.

Le 12 décembre 2019, clôturant au Sénat un colloque sur les chrétiens d’Orient, la voix du candidat défait s’est légèrement voilée au moment d’évoquer publiquement le crash, pour la première fois depuis la présidentielle : « J’ai tout donné. J’aurais voulu faire mieux et plus encore… Il ne faut pas ruminer le passé. »

Le perdant nie toute nostalgie. « Ce n’est peut-être pas bon signe, d’ailleurs, a-t-il admis devant un proche. Certains peuvent me le reprocher… le fait que je n’ai pas envie de continuer le combat. Mais quarante ans, c’est long… Faire autre chose, c’est bien ! »

Enrico Letta, qui a, lui aussi, changé de vie en devenant le doyen de l’Ecole des affaires internationales de Sciences Po Paris, abonde : « Parmi les ex-premiers ministres que je connais, c’est celui qui a tourné la page le plus nettement. Sans regrets, sans volonté de retourner en arrière. » L’intéressé soupire parfois : « S’il n’y avait pas les sujets judiciaires, la vie serait parfaite. »

Dans un mois, François Fillon va en effet devoir affronter ses fantômes. « L’approche du procès ravive la blessure », admet une proche. Ses amis sont inquiets pour lui. Lui s’inquiète pour Penelope. « Elle n’arrive pas à dépasser cette histoire », répète-t-il à ses interlocuteurs, qui sentent bien qu’il « culpabilise ». « Il ne peut pas dire : “J’ai mal”, alors il dit : “Penelope va mal” », analyse l’un de ses amis, en décrivant cette dernière – qui comparaîtra à ses côtés – comme « réservée, mais plus costaud qu’on ne croit ».

Me Lévy le dit « concentré », « combatif » : « Il sait que le procès va être un moment compliqué. » « Il y allait comme un mouton à l’abattoir, ajoute l’un de ses amis. Il a finalement décidé de s’exprimer avant le procès. Car s’il est condamné, il ne pourra plus parler. Il a quarante ans de vie politique derrière lui. Il ne pouvait pas s’en aller comme ça. »

30 janvier 2020

Coronavirus : réunion d'urgence à l'OMS, un avion français affrété à Wuhan

virus34

COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

Un nouveau bilan des autorités sanitaires chinoises, mercredi soir, fait état de 170 morts liées à l’épidémie et plus de 7 700 cas de contamination dans le pays.

Selon un nouveau bilan des autorités sanitaires chinoises mercredi, relayé jeudi 30 janvier par le Global Times, le nombre de morts liées à l’épidémie de coronavirus qui s’est déclarée en décembre est désormais de 170 dans l’ensemble du pays, et 7 711 cas de contamination ont été recensés au total.

Parmi les deniers décès comptabilisés, 37 sont survenus dans la province du Hubei, l’épicentre de la contagion, où les autorités ont fait part jeudi de 162 victimes au total depuis le déclenchement de l’épidémie. Dans cette province, 1 032 nouveaux cas d’infection ont été enregistrés, soit 4 586 cas au total.

L’OMS appelle le “monde entier à agir”

C’est dans ce contexte, et alors qu’une vingtaine d’autres États dans le monde ont annoncé environ 80 cas confirmés au total sur leur sol, que doit s’ouvrir une nouvelle réunion d’urgence de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Il y a une semaine, l’autorité sanitaire avait estimé qu’il était “trop tôt” pour déclarer l’alerte internationale face à l’épidémie. Elle examinera de nouveau la question jeudi à son siège de Genève, en Suisse. Lors d’une conférence de presse mercredi, le directeur des programmes d’urgence à l’OMS, Michael Ryan, avait appelé la communauté internationale à l’action  :

Le monde entier doit être en alerte, le monde entier doit agir.”

Pour le Financial Times, qui note que la position adoptée la semaine dernière par l’OMS avait été qualifiée d’”erreur” par “de nombreux experts internationaux de la santé”, “déclarer une urgence de santé publique ne ferait pas une grande différence dans la pratique, étant donné l’ampleur de l’action internationale déjà en cours, mais ce serait une déclaration symbolique importante.” Le quotidien économique rappelle qu’“une telle mesure a été annoncée cinq fois au cours de la dernière décennie, notamment lors de l’épidémie d’Ebola” l’an dernier.

Un avion affrété depuis Paris

Les évacuations de ressortissants étrangers en Chine ont débuté mercredi. Dans la soirée, un premier vol devait quitter l’hexagone pour rapatrier de Chine les Français qui le désirent. Cet avion à destination de Wuhan, “un A340 Esterel militaire” comprenant à son bord “une équipe médicale d’une vingtaine de personnes”, doit ramener quelque “200” ressortissants français, selon la ministre française de la santé Agnès Buzyn. “Ces personnes”, dont le retour est prévu “vendredi dans la journée”, seront “transférées dans un lieu où elles seront mises en confinement pendant 14 jours”.

Un autre vol, prévu jeudi ou vendredi, accueillera d’autres Français et des ressortissants d’autres pays européens, dans le cadre d’un processus de coopération, toujours d’après la ministre. Politico Europe, qui décrypte “la réponse européenne face à ce virus mortel”, précise :

L’UE financera en partie des vols pour ramener chez eux quelque 600 Européens des régions de Chine touchées par le coronavirus mortel, à la suite d’une demande d’assistance de la France. Le centre d’intervention d’urgence de l’UE est en contact avec les gouvernements pour coordonner les arrivées, a déclaré mercredi un fonctionnaire de la Commission.”

200 Américains vont être maintenus en quarantaine

Un avion devant ramener de Wuhan au Royaume-Uni quelque 200 ressortissants britanniques n’a pour sa part pas encore été en mesure de décoller, selon la BBC jeudi.

Mercredi, environ 200 Américains et 206 Japonais avaient été les premiers à être évacués de Wuhan. Aux États-Unis, les “201 Américains fuyant l’épidémie” sont arrivés mercredi dans une base militaire de Californie, relate le Los Angeles Times. Ils vont être maintenus à l’isolement pendant au moins 72 heures, ont annoncé les autorités. Quant aux 206 Japonais, arrivés mercredi à Tokyo comme le rapporte Japan Times, trois parmi eux sont contaminés, a annoncé jeudi matin le gouvernement japonais. Ces trois cas s’ajoutent aux huit déjà recensés précédemment.

virus39

virus61

virus64

Publicité
30 janvier 2020

COURRIER INTERNATIONAL - À la une de l’hebdo

courrier inter

Ces femmes qui changent le monde

COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

Chaque semaine, Courrier international explique ses choix éditoriaux, les hésitations et les débats qu’ils suscitent parfois dans la rédaction. Plutôt que de céder à l’emballement autour du coronavirus, nous avons choisi cette semaine de maintenir notre dossier sur les femmes qui changent le monde. L’épidémie et ses conséquences occupent toutefois une place de choix dans ce numéro.

Jusqu’au dernier moment (mardi 28 janvier à midi), nous aurons hésité. Fallait-il bouleverser la une et titrer plus fortement sur la propagation du coronavirus en Chine et ailleurs, ou en rester à notre première option, privilégier le dossier intitulé “Ces femmes qui changent le monde” ?

Nous avons finalement choisi de maintenir le titre principal sur les femmes dont le Spiegel nous dit qu’elles seront bien plus nombreuses cette année à accéder durablement à des postes clés de gouvernement, qu’elles devraient de ce fait changer l’exercice du pouvoir, et qu’à ce titre 2020 marque bien un point de basculement. En décembre, en Finlande, Sanna Marin, 34 ans, est ainsi devenue l’une des plus jeunes Premières ministres du monde, à la tête d’un gouvernement majoritairement féminin, qui, pour les Finlandais, sonne comme une victoire pour l’égalité des genres en politique. La Grèce vient quant à elle d’élire pour la première fois une présidente ; en Amérique latine, les villes de Bogota et de Mexico ont toutes deux porté à leur tête une femme…

Autre personnalité, véritable phénomène politique, que nous avons choisi de mettre en avant dans ce dossier : Alexandria Ocasio-Cortez (AOC), 30 ans, la plus jeune députée à être entrée à la Chambre des représentants aux États-Unis. En un an au Congrès, nous explique le New York Magazine dans un portrait passionnant, elle a totalement rebattu les cartes au sein du Parti démocrate et ressuscité la campagne de Bernie Sanders. Elle est celle qui fait bouger les lignes parce qu’elle refuse les compromis et aussi parce qu’elle connaît parfaitement ses dossiers. On l’a vue démonter précisément les arguments de Mark Zuckerberg lors de son audition au Congrès. C’est elle encore qui a su imposer au camp démocrate l’idée d’un “New Deal vert”. AOC semble partie pour être une figure majeure de la politique aux États-Unis dans les prochaines années.

Pour illustrer cette une, nous avons fait appel à l’illustratrice Michelle Thompson, qui avait déjà réalisé une couverture pour Courrier international l’an dernier sur Jacinda Ardern, la Première ministre néo-zélandaise. Le résultat visuel va au-delà de nos espérances. À partir de là, il devenait difficile de renoncer à cette une.

Quelle place donner à l’épidémie ?

Et puis l’actualité s’est emballée le week-end dernier avec des informations de plus en plus alarmantes en provenance de Wuhan. Le problème, dans ce genre de crise sanitaire, c’est que les chiffres, dans un pays comme la Chine, sont très difficiles à vérifier. Et que tout autant que la maladie, la peur est contagieuse, comme l’écrivait récemment le South China Morning Post.

Plus que le nombre de cas, qui semblent se multiplier de façon exponentielle, c’est l’ampleur de la réaction des autorités chinoises qui a surpris : confinement de dizaines de millions de personnes dans les grandes villes de la province du Hubei, célébrations du nouvel an annulées… Déjà mis à mal par la crise à Hong Kong, par la réélection d’une présidente “anti-Pékin” à Taïwan, le régime de Xi Jinping a choisi de mettre en scène une certaine “transparence”. Simple propagande ? Nous avons choisi en tout cas de privilégier les articles issus de la presse chinoise et hongkongaise pour comprendre la crise d’un point de vue différent.

Et si nous consacrons huit pages à l’épidémie sans en faire la couverture, c’est qu’il nous paraît de notre responsabilité de ne pas alimenter la panique. Certes, l’OMS a relevé le niveau d’alerte mondiale de modéré à élevé, partout des chercheurs se mobilisent, la course au vaccin est lancée. En 2003, le Sras avait fait quelques centaines de victimes et infecté près de 8 000 personnes. Mais il est trop tôt aujourd’hui pour établir une comparaison avec le taux de mortalité (encore inconnu) du virus 2019-nCoV.

Claire Carrard

30 janvier 2020

Extrait d'un shooting - Le petit Livre Rouge - Photo : Jacques Snap

shoot18

Les Citations du Président Mao Tse-Toung (毛主席语录 pinyin : Máo Zhǔxí Yǔlù), parfois aussi appelé Les Plus Hautes Instructions (最高指示, pinyin : zuì gāo zhǐshì), plus connu en français sous le nom de Petit Livre rouge, est un livre de propagande communiste publié par le gouvernement de la république populaire de Chine à partir de 1964, dont la distribution est organisée par Lin Biao, le ministre de la défense et le chef de l’Armée populaire de libération (APL). Traduit en 64 langues, ayant donné lieu à 500 éditions différentes diffusées dans 150 pays, ce livre est un recueil de citations extraites d'anciens discours et écrits de Mao Zedong. L'appellation Le Petit Livre rouge découle de son édition en format de poche, mais ce nom n'est jamais utilisé en Chine.

30 janvier 2020

POP ! à la Galerie Willy Rizzo

pop10

pop11

pop12

pop13

Galerie Willy Rizzo

Jusqu'au 8 février 2020

10 ans de photo de stars

Pop ! C’est le doux bruit que produit l’envol d’un bouchon de champagne, prélude sonore à une explosion de bulles. C’est également le titre de la nouvelle exposition du Studio Willy Rizzo, qui célèbre son dixième anniversaire. Pop ! offre une plongée pétillante dans l’œuvre de Willy Rizzo, photographe et designer italo-français disparu en 2013. Les plus grandes stars sont passées devant son objectif, de Marilyn Monroe à Jack Nicholson en passant Jean Seberg, César et Jane Fonda.

Les attitudes, les gestes, les couleurs, le ton évocateur et provocateur… Tout est pop dans l’œuvre de Willy Rizzo. Pop comme Dennis Hopper posant avec décontraction devant l’une de ses œuvres, à Venice Beach dans les années 1990. Pop comme Jean la coiffeuse, travesti glamour tout droit échappé d’un cabaret qui chouchouta le cuir chevelu du tout Saint-Germain des Prés. Pop comme Zouzou et Anda, égéries des nuits parisiennes qui incarnèrent la sensualité des sixties. Pop comme Elsa Martinelli, muse du photographe, défilant à moitié nue sur un circuit automobile. Autant de portes d’entrée dans l’univers original, amusé et coloré de Willy.

Willy Rizzo captured the essence of the sixties and much more on his pop and glamorous pictures.

Studio Willy Rizzo

Jusqu'au 8 fév. 2020

12 rue de Verneuil, 75007 – M° Rue du bac (12)

Du lun. au sam. 10h30-18h30

Entrée libre

pop14

pop15

pop16

30 janvier 2020

Culture

pourinsta21

30 janvier 2020

Ce que MeToo a changé dans la mode

inrock

Article de Alice Pfeiffer

Dans la foulée du mouvement de libération de la parole contre le harcèlement sexuel et les normes imposées, l'industrie de la mode commence à remettre en question son fonctionnement. De quoi faire bouger les lignes dans un milieu aux fondations sexistes.

Un tag aura suffi à soulever un tollé. Kim Kardashian poste un portrait d’elle et de sa fille North sur Instagram, où elle crédite l’auteur du cliché, Mario Testino. Le hic ? Ce photographe a récemment été au cœur d’un scandale puisqu’il est accusé, comme ses collègues Bruce Weber et Terry Richardson, d’abus sexuels à répétition sur des mannequins.

Des plaintes et accusations de victimes qui ont mené Condé Nast, le groupe de presse qui édite Vogue, à cesser toute collaboration avec eux. Quant à la starlette des internets, Diet Prada (compte Instagram qui passe la mode au crible) l’accuse de soutenir Testino, “ce qui discrédite les expériences des victimes et autorise potentiellement plus de comportements abusifs”.

Si le cinéma a été le point de départ du mouvement MeToo, c’est au tour du milieu fermé de la mode de dévoiler les abus qui lui sont propres. L’actrice et mannequin Kate Upton accuse le pdg de la marque Guess, Paul Marciano, de harcèlement ; la top Sara Sampaio dévoile la décision du magazine Lui de publier des photos d’elle nue sans son consentement ; le label Lululemon annonce la démission de son directeur Laurent Potdevin, car il “n'a pas été à la hauteur de (se) normes de conduite”.

Des exemples tristement peu surprenants pour les initiés. “Quand j'ai débuté dans la mode il y a treize ans, tout le monde était parfaitement au courant que certains photographes agressaient les mannequins, mais les chef·fes de rubrique mode et les directeur·rices de casting les envoyaient quand même ; ils préféraient préserver leurs amitiés et leurs liens privilégiés que la sécurité des modèles”, note Marta Represa, critique de mode pour le magazine en ligne Nowfashion.

Une histoire d’abus

L’oppression sexuelle est ancrée dans l’histoire de la mode et se retrouve au cœur des tendances ces dernières décennies. On pense à la vague porno chic des années 1990, à la campagne Gucci de 2003, où une mannequin laissait apparaître des poils pubiens taillés en "G", ou encore aux campagnes American Apparel inspirées de films X amateurs, où des jeunes femmes posaient les cuisses écartées ou à quatre pattes pour accompagner des jeux de mots potaches.

“De nombreux aspects de la mode actuelle jouent sur une culture d'objectification et d’exploitation, ce qui a flouté les frontières entre l’acceptable et ce qui est toléré. Le comportement de prédateur fait partie intégrante du système, qui rapproche de très jeunes femmes et des hommes dangereux en puissance”, souligne Morwenna Ferrier, rédactrice de mode pour The Guardian.

Récemment, plus de cent mannequins ont signé la pétition du syndicat de mannequins Model Alliance appelant Victoria’s Secret, connue pour ses shows hypersexualisés, à rejoindre la lutte contre le harcèlement sexuel, le viol et le trafic de mannequins. Si bien que, fin 2019, la marque de lingerie olé olé a annoncé qu’elle annulait son show annuel pour faire “évoluer son marketing”.

Il était temps : en 2018, le directeur marketing Ed Razek décrétait ainsi qu’il ne casterait jamais une mannequin transgenre et insistait sur le fait que son public n’avait aucun intérêt pour les mannequins grande taille. A l’heure du mouvement body positive et de la prise de conscience sur le sujet de la diversité hors des carcans sexistes classiques, une grande partie de l’industrie semble néanmoins encore avoir du chemin à parcourir.

Mode Post #MeToo

Pourtant, à travers ses créations mêmes, le luxe commence à prendre la parole. Pour l’hiver 2019, Dior dévoilait un pull arborant le slogan “C’est non, non, non et non !”, en rappel à l’importance du consentement trop souvent ignoré. Selon The Guardian, on peut désormais parler d’une mode post-Me Too, d’un refus des codes obéissant au male gaze, ce regard masculin omniprésent, pour des coupes et une intellectualisation d’une esthétique égalitaire.

L’empire de l’éphémère serait, selon Alice Litscher, professeure à l’Institut français de la mode (IFM), symbolique d’une histoire d’oppression sociale. Si la mode est le miroir des mouvances et des maux de l’époque où elle s'inscrit, il n'est donc pas étonnant qu'une longue histoire d’abus continue d’être écrite. “La mode est concomitante d’un patriarcat capitaliste, elle s'appuie sur un ensemble de normes qui définissent le masculin et le féminin, qui est précisément ce que fait le patriarcat : une fabrique des normes hiérarchiques et abusives qui n’ont rien de naturel.”

Pour Alice Litscher, le changement se fait particulièrement sentir auprès de jeunes marques qui allient une philosophie en interne à une vision esthétique se libérant d’un système binaire et sexiste. Eckhaus Latta, Etudes, Koché, pour ne citer qu’elles, délivrent un regard éduqué et féministe sur les corps – de vrais manifestes pour une mode plus juste. Espérons un effet boule de neige.

Illustration : Capture d'écran du compte Instagram de Dolly Parton

Publicité
<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 20 30 40 > >>
Publicité