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Jours tranquilles à Paris

21 février 2020

Marisa Papen

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21 février 2020

De 1950 à aujourd'hui : L'évolution du mannequinat | ARTE

21 février 2020

La lettre politique de Laurent Joffrin - Danse avec les coups

La chorégraphie un peu ridicule organisée par un groupe de militantes et de députées de LFI ou des Verts devant l’Assemblée nationale ne méritait certes pas les insultes proférées sur Twitter par Meyer Habib, parlementaire français au verbe musclé proche de la droite israélienne. Dans une tenue qui évoque une affiche patriotique américaine de 1943 incitant les ouvrières à retrousser leurs manches pour contribuer à l’effort de guerre et devenue un emblème féministe, ces militantes ont détourné le tube d’un duo féminin belge, A cause des garçons, écrit par Alain Chamfort, et rebaptisé pour les besoins de la cause A cause de Macron. La danse est devenue un must des manifestations contre la réforme des retraites. Jusque-là rien à dire contre cette parodie un peu potache, même si elle est en l’occurrence exécutée le plus souvent à contretemps.

Plus gênant : le numéro se termine par l’apparition d’un Macron en effigie, boxé par la petite foule, tombant à terre aux pieds des manifestantes qui l’entourent et font mine de continuer à le frapper. Maladresse ? Geste volontaire ? On pense immanquablement à un simulacre de lynchage. De l’humour, dit-on. Oui et non. Le fait de frapper symboliquement un homme à terre a peu de choses à voir avec l’humour. Il renvoie plutôt, même involontairement, à la violence émeutière dirigée contre un individu piétiné par la foule. Funeste symbole, agité par des parlementaires, pour l’une en écharpe tricolore.

Déjà pendant les manifestations de gilets jaunes, on avait guillotiné en effigie le même Macron. La colère des manifestants pouvait expliquer le dérapage. Elle ne change pas la nature de la parodie, qui met en scène une violence symbolique aux connotations peu civilisées. Et on quitte le symbole quand des manifestants s’attaquent physiquement aux permanences des élus et parfois à leur personne, ce qui renvoie au lointain souvenir des «journées révolutionnaires» organisées par les sections parisiennes contre les élus Girondins, qui ont conduit à des votes sous la menace du canon et à une nouvelle fournée de guillotinés.

Décapitation symbolique d’un côté, lynchage simulé de l’autre, cette fois par des parlementaires de la République. Tout le contraire d’un débat rationnel et régulier. La méthode des coups mimés sur un homme à terre eût-elle été employée par des militants de droite ou d’extrême droite, que la gauche se serait levée comme un seul homme, ou une seule femme, pour stigmatiser le dérapage antirépublicain. On n’ira pas jusqu’à ces trémolos indignés. Mais à coup sûr, ces simulacres ne traduisent guère un progrès dans la qualité du débat démocratique.

21 février 2020

Les Inrockuptibles

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21 février 2020

Reportage - Coronavirus : partir ou rester, le dilemme des étudiants étrangers en Chine

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THE NEW YORK TIMES (NEW YORK)

500 000 étudiants étrangers sont inscrits dans les universités chinoises. Ceux qui ont décidé de partir ne savent pas s’ils pourront retourner en Chine, ceux qui veulent rester le font contre l’avis de leur famille.

Sur tous les campus du pays, les étudiants ont reçu des messages pressants de leurs familles à l’étranger : il faut quitter la Chine immédiatement. Dexter Lensing s’est plié à cette recommandation. La Chine venait d’être touchée par un nouveau coronavirus qui, début février, avait fait plus de 1 300 victimes [près de 1 900 morts au 18 février], paralysant nombre d’activités sur l’essentiel du territoire. Ce doctorant est l’un des 500 000 étudiants étrangers qui fréquentent les universités chinoises et qui ont dû choisir entre rester et partir.

Depuis des décennies, des étudiants comme lui surmontent les obstacles linguistiques, politiques et culturels pour contribuer au rapprochement de la Chine avec le reste du monde. La Chine intéressait particulièrement Dexter Lensing en raison de son système politique opaque, où les décisions sont prises dans l’ombre et où les personnes au pouvoir vont et viennent au rythme des intrigues de palais à Pékin. Aujourd’hui, Dexter fait partie des milliers de jeunes qui se demandent si ou quand ils pourront finir leur cursus en Chine.

Les partenariats universitaires mis à rude épreuve

“Je n’ai jamais été si déçu”, confie-t-il de retour en Caroline du Nord chez sa sœur. En dernière année à l’université d’État de Géorgie, il craint de ne pas avoir l’occasion de retourner en Chine. Ses biens les plus précieux, précise-t-il, sont encore dans un dortoir à Harbin, une ville du nord-est du pays.

Le coronavirus, qui continue de faire des morts en Chine, a coupé beaucoup de liens entre le pays et la communauté internationale. De nombreux Chinois qui étudient à l’étranger s’inquiètent pour leur famille et sont parfois la cible d’une attention dont ils se passeraient bien. Pour beaucoup d’étudiants étrangers en Chine, l’épidémie a suspendu, voire interrompu une occasion de se plonger dans un pays vaste et complexe. Cette crise survient à une période où les relations sont tendues entre la Chine et le reste du monde, Pékin cherchant à contrebalancer l’influence mondiale des États-Unis.

Esma Dallakyan, étudiante en master à Pékin, le 31 janvier 2020. Photo Yan Cong pour The New York Times.Esma Dallakyan, étudiante en master à Pékin, le 31 janvier 2020. Photo Yan Cong pour The New York Times.

L’impact de la situation actuelle pourrait se faire sentir tout particulièrement aux États-Unis. Nombre des jeunes Américains qui sont allés en Chine dans les années 1980, quand le pays a commencé à s’ouvrir, sont devenus des journalistes, patrons ou responsables politiques et ont contribué à créer des liens entre les deux puissances.

En revanche, le nombre d’échanges universitaires était en baisse avant l’épidémie actuelle et les partenariats entre établissements sont notamment mis à l’épreuve par les questions géopolitiques et de liberté d’expression. Le nombre d’étudiants américains en Chine était d’environ 11 600 en 2018, soit un recul de plus de 2 % par rapport à l’année précédente. Orville Schell, directeur du Centre des relations sino-américaines au sein d’un organisme éducatif aux États-Unis, l’Asia Society, analyse cette évolution :

C’est une métaphore de la dissociation qui s’opère dans les secteurs des hautes technologies, du commerce et de l’investissement, même si les raisons sont complètement différentes, Toutes ces tendances indiquent que le tissu d’une Chine plus cosmopolite est en train de s’effilocher.”

Des étudiants étrangers surpris par la crise sanitaire

Tous les étudiants n’ont pas quitté le territoire. Certains y sont restés coincés, notamment des étudiants et enseignants nigérians dans les universités de Wuhan, l’épicentre de l’épidémie. Le gouvernement du Pakistan a donné pour consigne à 800 de ses ressortissants de rester à Wuhan, par crainte que le système de santé national ne soit pas en mesure de les prendre en charge.

Certains, comme Kathy Song, sont restés par choix. Elle suit un double cursus de culture chinoise et sciences sociales sur le campus de l’université de New York à Shanghai, et elle s’est installée pour l’instant à Pékin avec son oncle, sa tante et un jeune cousin. Cette jeune femme de 19 ans parle mandarin et elle a pratiqué la langue pendant les étés passés dans sa famille en Chine. Elle a décidé d’y faire ses études car, en tant qu’Américaine d’origine chinoise, elle pense pouvoir faire la peau aux préjugés qui persistent dans ces deux pays. Elle explique :

La Chine est le plus grand pays en développement et je pense que sa relation avec les États-Unis sera parmi les plus cruciales au XXIe siècle.”

Kathy Song, étudiante sino-américaine sur le campus de l’université de New York à Shanghai, vit actuellement recluse chez son oncle, à Pékin. Photo Yan Cong pour The New York Times.Kathy Song, étudiante sino-américaine sur le campus de l’université de New York à Shanghai, vit actuellement recluse chez son oncle, à Pékin. Photo Yan Cong pour The New York Times.

Presque tout étant fermé à Pékin, Kathy Song sort très peu. Prenant exemple sur son oncle, elle s’est mise à la calligraphie. Elle découvre aussi que ses parents (à New York) et son oncle n’ont pas les mêmes méthodes d’éducation. “Mon oncle ne rigole pas avec les études, précise-t-elle. Il prend ça beaucoup plus au sérieux que mes parents.”

D’autres ont choisi de rester et se rendent compte que voir du monde leur manque beaucoup. Esma Dallakyan, étudiante en master à Pékin et originaire d’Arménie, passe l’essentiel de son temps dans sa chambre universitaire. Le quotidien sur le campus est de plus en plus solitaire :

Toutes les rues sont vides et il n’y a personne à qui parler. On se sent un peu seul.”

La jeune femme de 26 ans suit un cursus en santé publique et elle a travaillé dans l’administration arménienne, mais la situation actuelle est autrement formatrice : “Maintenant, en voyant ce que font les autorités en temps réel, j’ai l’impression de faire un stage sur le terrain.”

Quant à ceux qui ont quitté la Chine, ils n’ont plus qu’à patienter. “Je vis très loin, alors ce n’est pas évident d’acheter des billets d’avion et de programmer mon retour en Chine”, raconte Diego Rocha, 31 ans, en deuxième année de MBA dans le cadre d’un programme conjoint de l’université Tsinghua et du MIT.

Diego Rocha, qui est actuellement chez lui, à São Paulo, explique que si la remise des diplômes n’a pas lieu au printemps comme prévu, il sera compliqué pour lui d’obtenir un visa pour rester en Chine et y travailler. Pendant leur dernier semestre d’étude, les étudiants en affaires travaillent dans une entreprise locale et il n’est plus certain de pouvoir bénéficier de ce partenariat.

L’information étant strictement contrôlée, ces étudiants étrangers, dont Diego Rocha et Ryan Tombly (19 ans), ont été surpris par la panique soudaine, qui a renforcé leur sentiment de déracinement. “Ce qui est curieux, c’est que cette crise est sortie de nulle part pour beaucoup d’entre nous”, explique la jeune femme, en deuxième année à l’université Duke Kunshan, un nouveau partenariat entre l’université américaine Duke (Caroline du Nord) et l’université chinoise de Wuhan.

Le mauvais souvenir de l’épidémie de Sras

Une semaine avant que les autorités ne commencent à fermer des villes entières pour tenter de contenir l’épidémie, Ryan Tombly était en voyage universitaire à Nanjing, Shanghai et Hangzhou. “Quelques articles étaient parus à l’étranger, mais personne ne prêtait attention au virus en Chine, alors on ne portait pas de masque pendant ces déplacements”, raconte-t-elle.

Ryan avait prévu de rentrer chez ses parents, dans l’Arizona, pendant les vacances du nouvel an lunaire : le jour de son départ, le 24 janvier, il régnait dans la gare un calme qu’elle n’avait jamais connu.

Pékin, le 31 janvier 2020. Esma Dallakyan à l’entrée du campus de l’université Tsinghua : le masque est obligatoire. Photo Yan Cong pour The New York Times.Pékin, le 31 janvier 2020. Esma Dallakyan à l’entrée du campus de l’université Tsinghua : le masque est obligatoire. Photo Yan Cong pour The New York Times.

Ryan Tombly prévoit de retourner en Chine pour finir deux années supplémentaires d’études. En attendant, elle suit des cours en ligne. “Je sais que la Chine est en pleine ascension et jouera un rôle crucial dans le domaine qui m’intéresse, les relations internationales”, précise-t-elle.

Certains étudiants avaient connaissance des antécédents de la Chine en matière d’épidémies. Il y a dix-sept ans, les autorités avaient dans un premier temps dissimulé l’épidémie de Sras, aggravant ainsi la propagation de ce virus. Cet épisode avait suscité des interrogations sur la transparence et Pékin en matière de santé mondiale.

Kerrie Wong, 33 ans, est en deuxième année de MBA dans le programme Tsinghua-MIT, comme Diego Rocha. Elle aussi est restée en Chine à la fin de sa première année, même si ce n’était pas obligatoire. Mais le 1er janvier, sa mère l’a appelée de Boston après l’annonce des premiers cas de maladie. “Elle m’a dit que je devais partir immédiatement”, raconte Kerrie. Elle et ses parents vivaient à Hong Kong au moment de la crise du Sras, qui avait fait près de 300 morts dans la mégalopole. Elle a quitté Pékin en avion le 7 janvier.

Elle devra retourner en Chine pour sa soutenance, qui devait avoir lieu en avril ou mai. Malgré tout, elle ne regrette pas sa décision :

Ce que je crains le plus en tant qu’étrangère, c’est qu’il y ait un décalage dans la transmission des informations, dans un contexte où l’actualité n’est pas traitée avec la transparence du journalisme occidental. Mieux vaut prévenir que guérir.”

Alexandra Stevenson

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Source

The New York Times

NEW YORK http://www.nytimes.com/

Avec 1 400 journalistes, 35 bureaux à l’étranger et 127 prix Pulitzer et plus d’un million d’abonnés, The New York Times est de loin le premier quotidien du pays, dans lequel on peut lire “all the news that’s fit to print” (“toute l’information digne d’être publiée”).

C’est le journal de référence des États-Unis, dans la mesure où les télévisions ne considèrent qu’un sujet mérite une couverture nationale que si The New York Times l’a traité. Son édition dominicale (1,1 million d’exemplaires) est distribuée dans l’ensemble du pays – on y trouve notamment The New York Times Book Review, un supplément livres qui fait autorité, et l’inégalé New York Times Magazine. La famille Ochs-Sulzberger, qui, en 1896, a pris le contrôle de ce journal créé en 1851, est toujours à la tête du quotidien de centre gauche.

Quant à l’édition web, qui revendique plus de 3,7 millions d’abonnés en octobre 2019, elle propose tout ce que l’on peut attendre d’un service en ligne, avec en plus des dizaines de rubriques spécifiques. Les archives regroupent des articles parus depuis 1851, consultables en ligne à partir de 1981.

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21 février 2020

Bruno Bozon - photographe

bruno bozon

21 février 2020

Nécrologie - Jean Daniel, fondateur du « Nouvel Observateur », est mort

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Par Franck Nouchi

Inlassable avocat de la paix au Proche-Orient, proche de Camus avant de se brouiller avec lui au sujet de l’Algérie, il aura consacré sa vie au journalisme.

Pour une fois, il s’était voulu modeste. A Martine de Rabaudy qui, dans Cet étranger qui me ressemble (Grasset, 2004), lui demandait s’il avait rédigé son épitaphe, il avait répondu : « Jean Daniel, journaliste et écrivain français ». « Point final », avait ajouté le fondateur du Nouvel Observateur.

Il fut en réalité bien plus que cela. « Jean Daniel s’est comporté dans le domaine du journalisme comme un homme d’Etat, a écrit Hubert Védrine dans Jean Daniel, observateur du siècle (éditions Saint-Simon, 2003). Voyez comme il parle du Proche-Orient, inlassablement, où chaque jour supplémentaire qui passe sans solution véritable est à la fois un scandale et une imbécillité politique. La façon dont Jean Daniel parle est au-dessus de ce que disent les hommes politiques les mieux inspirés, les plus courageux. C’est pour cette raison que je dis qu’il est dans son monde, une sorte d’homme d’Etat. »

Jean Daniel est mort mercredi 19 février, à l’âge de 99 ans, a annoncé L’Obs. Il était né le 21 juillet 1920, à Blida, « la petite fleur du Sahel », à une cinquantaine de kilomètres d’Alger. « Je ne suis pas né comme Camus sur les rivages de la Méditerranée mais au pied d’une montagne, écrira-t-il plus tard. La mer était une promesse à quinze kilomètres. Il me reste l’odeur du chèvrefeuille, le braiment de l’âne attelé à une carriole devant notre porte. »

« L’Algérie s’est arrachée de moi »

Blida, c’est aussi « la grande maison » dans laquelle, longtemps, il dormit dans la chambre de ses parents. « Onzième enfant, on ne m’attendait pas », disait-il.

Plus tard, son père lui raconterait comment il avait enlevé sa mère, alors âgée de 15 ans. Pour la séduire, il lui avait dit que « l’eau de nos sources était plus limpide, les raisins plus doux, les figues plus pleines ». « Rien, écrit-il dans Le Temps qui reste (Stock, 1973), pas même le désir que j’avais de garder pour moi seul une mère que ce patriarche lointain ne songeait pas à me voler, ne nourrissait une révolte contre notre père. » Il ajoutait : « L’Algérie de mon père, c’est évidemment la mienne, la seule. »

Ce père qu’il respectait et admirait tant présidait le Consistoire israélite de Blida. « Il a admis que six de ses huit garçons épousent des non-juives. Les enfants de ces couples ont été pour les uns juifs, pour les autres catholiques. » Quand il est mort, « il a en même temps emmené Dieu avec lui. J’ai été ensuite condamné à l’incroyance. Quand ma mère est morte, l’Algérie s’est arrachée de moi. »

Jean Daniel s’est souvent exprimé sur sa judéité :

« Je veux qu’on me laisse vivre mon judaïsme comme je l’entends. Je suis d’abord méditerranéen, ensuite français, ensuite juif. Ma composante juive passe après mon désir d’universalité. »

En classe de 3e, au collège colonial de Blida, le jeune Jean fait un exposé sur Jean-Christophe, de Romain Rolland (prix Nobel de littérature en 1915). « On croit mourir pour la patrie, on meurt pour des marchands de canons. » Dans cette petite ville de garnison où les fils d’officiers étaient nombreux, c’est un tollé. Première bagarre politique au jardin Bizot. « La France aux Français ! », crient ses « ennemis ».

Découverte de Gide

A la même époque, il découvre Gide. Pages de Journal. « J’avais besoin d’une foi. Gide me la donnait. Le maître remplaçait Dieu (…). Le pays dont il écrivait “Je te salue de tout mon cœur, pays du premier matin du monde” ne pouvait être que ma terre promise, celle de Romain Rolland et d’Henri Barbusse – l’Union soviétique. »

A 15 ans, il lit le premier numéro de Vendredi avec toutes ses signatures prestigieuses : Aragon, Breton, Gide, Malraux, Nizan, Guilloux… L’avant-garde intellectuelle du Front populaire mais aussi, à la faveur du Retour de l’URSS de Gide, la prise de conscience que la Russie stalinienne n’était pas cette patrie d’élection à laquelle le jeune Jean avait rêvé. Nouveau choc.

Il est inscrit en licence de philosophie à Alger lorsque le décret Crémieux, qui, en 1870, donnait la citoyenneté française aux « israélites indigènes » d’Algérie, est aboli. C’est à cette époque que celui qui deviendra un grand résistant et un grand chirurgien, José Aboulker, lui dit ceci qui, toujours, comptera : « Je n’aime pas laisser à l’adversaire le soin de déterminer mon combat ou ma mort. Ils veulent que nous mourions simplement parce que nous sommes juifs. Je mourrai parce que je suis antinazi et comme je l’aurai voulu. »

« Camus devenait mon héros »

Incorporé dans l’armée de Giraud, Jean Daniel déserte pour rejoindre la deuxième division blindée de Leclerc en Tripolitaine, près de Sabratha. Baptême du feu en Normandie. Démobilisé à Paris, il s’inscrit en Sorbonne pour finir sa licence. Lecture de Combat et découverte de Camus, seul dans la presse française à protester contre la bombe d’Hiroshima. « Camus devenait mon héros, Combat ma Bible… Vendredi, c’était les intellectuels au pouvoir. Combat, les philosophes jugeant l’histoire. »

1946 : à 25 ans, Jean Daniel devient la plume du président du Conseil, Félix Gouin. « La grande comédie commençait. » Il rencontre Léon Blum – « un génie ». Refuse un poste de sous-préfet que lui propose Louis Joxe. Découvre le spectacle des phénomènes de cour, la servilité et la corruption de ceux qu’il côtoie.

1947 : avec des amis, il fonde la revue Caliban, dont la formule consistait à publier, à la fin de chaque numéro, le texte intégral d’une œuvre méconnue ou injustement oubliée. Y collaboreront des écrivains comme André Chamson, Etiemble, Jules Roy ou Emmanuel Roblès, sans oublier certains proches parmi lesquels sa compagne d’alors, Marie Susini, et son cousin, Norbert Bensaïd.

Coup de foudre

Après le sixième numéro, Jean Daniel reçoit un coup de téléphone. Albert Camus se permet de lui faire une suggestion : pourquoi ne pas publier La Maison du peuple, de Louis Guilloux ? Jean Daniel accepte, mais à condition que Camus en écrive la préface. Rendez-vous est pris à la NRF. « Il me parut, ce jour-là, particulièrement beau : Humphrey Bogart jeune, avec un masque un peu plus japonais, et un goût de vivre plus expansif. » Coup de foudre.

La préface de Camus déclenche une polémique à cause d’une phrase qui, dit Daniel, « impatienta tous les intellectuels de gauche » : « Nous sommes quelques-uns à tolérer avec gêne qu’on puisse parler de la misère autrement qu’en connaissance de cause. »

« Romancier du réel »

En 1951, après avoir atteint un tirage de 150 000 exemplaires, Caliban disparaît. Sans ressources, Jean Daniel trouve un emploi de professeur à Oran, au cours Descartes, que dirigeait un ami de Camus, André Bénichou.

Deux ans plus tard, toujours grâce à Camus, il entre à la Société générale de presse où il couvre les affaires coloniales. Rencontre Pierre Viansson-Ponté et K.S. Karol. Fait la connaissance, à Paris, de Bourguiba. Houleux : « Vous voulez donc que ce soit un pays exsangue et décapité de ses élites qui obtienne l’indépendance ? Vous voulez donc toujours vous mêler de nos affaires, la droite pour nous exploiter, la gauche pour nous donner des leçons ? Qu’est-ce vous connaissez de nous ? (…) Vous savez ce qu’ils sont, ces hommes de gauche, eh bien, moi, Bourguiba, je vais vous le dire, ce sont des impérialistes idéologiques ! » Ce mot, Jean Daniel s’en souviendra toute sa vie.

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1er novembre 1954 : c’est le début de la guerre d’Algérie et le premier article signé Jean Daniel dans L’Express. Le journal de Jean-Jacques Servan-Schreiber et, surtout, de Mendès France, cet autre héros de Jean Daniel (avec Camus et Malraux), dont il dira plus tard : « Il a anobli la politique, non pas par la grandeur, mais par la vertu. » L’Express, c’était aussi Françoise Giroud et « l’équipe des amis » – Léone Nora, Pierre Viansson-Ponté et K.S. Karol. Premiers reportages en Algérie, « l’occasion pour moi d’assouvir enfin et spontanément toutes ces velléités de “romancier du réel” que j’avais réprimées en renonçant à la littérature ».

Le 6 février 1956, Robert Lacoste est nommé gouverneur général de l’Algérie par Guy Mollet, les ultras d’Alger triomphent. Lucide et accablé, pressentant le désastre à venir, Camus décide de ne plus écrire sur l’Algérie, ni à L’Express ni ailleurs.

Devant Jean Daniel, à des étudiants algériens, il explique : « La réparation que l’on vous doit est immense, considérable, peut-être surhumaine. Mais la solution passe aussi par les Français d’Algérie. Il y a une patrie algérienne et deux peuples qui y sont enracinés avec désormais la même intensité. Une Algérie exclusivement arabe sacrifierait l’un des deux peuples. Ce serait répondre à une injustice par une injustice. Il y a des hommes qui s’y résignent au nom de l’histoire. Je ne crois pas à la nécessaire coïncidence entre l’histoire et la justice. Eux non plus d’ailleurs. Mais, en ne le disant pas, ils abandonnent leur qualité d’intellectuels. » Jean Daniel n’est pas d’accord. Pour lui, il faut traiter avec le FLN. « Ce fut ma ligne. Et ce fut avec Camus une terrible rupture. »

Dans une lettre à Camus, Jean Daniel écrit : « Vous êtes la seule personne qui, ayant tort à mes yeux, me conduit à m’interroger sur la justification de ce que je pense. » Camus répondra : « L’important, c’est que vous soyez, comme moi, déchiré. » « S’il a tort, au fond de moi, je n’ai pas raison d’avoir raison. Il me met dans le malaise de me sentir en déséquilibre avec moi-même », écrira plus tard Jean Daniel.

« Maghreb Circus »

Le FLN s’étant installé à Tunis, Jean Daniel s’y rend constamment. Haï à Alger, menacé de mort par l’OAS, il est à l’origine de presque toutes les saisies dont est victime L’Express.

Dans Le Temps qui reste, il fait le portrait de tous ces confrères qui, avec lui, formaient ce qu’il appelle le « Maghreb Circus ». Il y a là, outre son grand ami Tom Brady, du New York Times, Boris Kidel (The Observer), Edward Behr (Time), Marcel Niedergang (France Soir), Philippe Herreman (Le Monde), Albert-Paul Lentin (France Observateur), Jean-François Chauvel (Le Figaro). Sans oublier le truculent correspondant du Monde à Tunis : Guy Sitbon. Avec Brady, Jean Daniel découvre l’un des hauts lieux de la volupté, où plus tard il achètera une maison : Sidi Bou Saïd.

20 juillet 1961, journée de forte tension en Tunisie. Avec Charles Guetta, son compagnon d’armes de la division Leclerc, et Bechir Ben Yahmed, qui à l’époque dirigeait l’hebdomadaire Afrique Action, Jean Daniel traverse Bizerte quand un petit avion les repère. Tirs nourris. Il est gravement touché. Sauvé par ses deux amis, Daniel est opéré à l’hôpital de Bizerte avant d’être évacué vers Tunis puis une clinique de Neuilly-sur-Seine.

C’est là qu’il apprend la mort de sa mère, et que l’Algérie lui « [devient] soudain étrangère ».

Le premier grand fait d’armes journalistique de Jean Daniel eut pour cadre Washington et La Havane. Son idée ? Rien de moins que de faire dialoguer, par son truchement, Kennedy et Castro. Le 24 octobre 1963, avec l’aide de Ben Bradlee, qui devint par la suite le légendaire patron du Washington Post, il passa vingt-cinq minutes dans le bureau Ovale avec JFK. Un mois plus tard, il passa deux jours entiers dans la capitale cubaine à écouter Fidel Castro.

« Como ? Un attentado ? »

Coïncidence extraordinaire : Jean Daniel se trouvait avec le Lider Maximo lorsque Osvaldo Dorticos, le président de la République cubaine, lui annonça par téléphone la nouvelle de l’assassinat de Kennedy. « Como ? Un attentado ? » Fidel ajouta : « Es una mala noticia » (« Voilà une mauvaise nouvelle »). La veille, il expliquait à Jean Daniel que « Kennedy était responsable de tout, mais que tout autre que lui aurait fait pire… » Dans L’Express du 6 décembre 1963, puis dans Le Temps qui reste, Jean Daniel raconte longuement ces entretiens qui lui valurent une certaine notoriété des deux côtés de l’Atlantique.

Cette célébrité soudaine n’est pas du goût de Jean-Jacques Servan-Schreiber. D’autant qu’à cette époque il projette de transformer L’Express en « vrai magazine d’information », sur le modèle de Time ou de Newsweek. Jean Daniel, qui n’est pas d’accord, saisit l’occasion et quitte le journal avec quelques amis (K.S. Karol et Michel Bosquet – nom de plume d’André Gorz – en particulier).

Quelques mois plus tard, à l’automne 1964, Gilles Martinet annonce que France Observateur, l’hebdomadaire dont il est le directeur, devient Le Nouvel Observateur. Jean Daniel en sera le rédacteur en chef et Claude Perdriel, un jeune industriel roulant en Jaguar, l’actionnaire principal. Pierre Mendès France, qui s’est éloigné de L’Express, parraine le nouveau journal. Une augmentation de capital laisse 30 % des actions à l’ancienne équipe ; 30 % vont à Claude Perdriel, 8 % au groupe de Jean Daniel, les 32 % restants étant assurés par une souscription.

Spécialiste et acteur du Proche-Orient

Le premier numéro sort le 19 novembre 1964, avec deux contributions, l’une de Jean-Paul Sartre, l’autre de Mendès. Dans son éditorial, Jean Daniel précise la ligne éditoriale : « Si la gauche se cherche, notre simple ambition est de l’aider à se trouver en favorisant des débats, en ne refusant aucune analyse et aucune information gênante pour nos principes, en resituant les anciens problèmes dans le contexte moderne. C’est ainsi que nous pouvons le mieux, pensons-nous, réconcilier la gauche avec elle-même et lui donner les véritables armes de l’action. »

C’est le début d’une extraordinaire aventure de presse. Et pour Jean Daniel l’occasion d’exercer un véritable magistère sur la gauche française et européenne. Hubert Beuve-Méry avait trouvé en de Gaulle un interlocuteur à sa mesure. « Vous êtes l’homme qui dit non », avait dit un jour le Général au fondateur du Monde. Ce reproche en forme de compliment, ni Mendès, évidemment, ni Rocard et Delors, qu’il soutint toujours, ni même Mitterrand, avec qui les relations furent parfois plus compliquées, ne l’adressèrent à Jean Daniel.

Outre la situation de la gauche française, Jean Daniel consacre nombre d’éditoriaux au Proche-Orient. Il en devient même très vite l’un des meilleurs spécialistes. Et l’un des acteurs. Ainsi, en juin 1970, dans le plus grand secret, il organise une rencontre entre Nahum Goldmann, le président du Congrès juif mondial, et le roi Hassan II du Maroc.

Deux ans plus tard, après l’attentat de l’aéroport de Lod-Tel-Aviv, il écrit un éditorial appelant à la « formation de deux Etats, l’un palestinien, l’autre israélien, qui coexisteront d’abord, coopéreront ensuite, fusionneront enfin. Cela deviendra une nécessité évidente le jour où les peuples en auront assez du malheur et de la mort ».

C’est peu de dire que les relations entre Jean Daniel et le Parti communiste français furent compliquées, parfois même orageuses. La publication de L’Archipel du Goulag, l’ouvrage d’Alexandre Soljenitsyne, déclencha une interminable polémique entre Georges Marchais, L’Humanité et Le Nouvel Observateur accusé d’être « un professionnel de la division de la gauche ». Alors premier secrétaire du Parti socialiste, François Mitterrand tenta de calmer les choses. Sans grand succès… Même La Pravda y alla de ses accusations contre Jean Daniel, « cet antisoviétique de gauche qui cherche à ébranler le régime politique des pays du socialisme en ayant recours aux services de dissidents ».

Sous le charme de Mitterrand

En 1981, Le Nouvel Observateur soutient sans réserve le candidat de l’union de la gauche. Une fois élu, Mitterrand confiera certaines missions diplomatiques à Jean Daniel, en Algérie ou au Portugal, par exemple.

« Ce qui m’attache à François Mitterrand, disait Jean Daniel, c’est qu’il me parle de la politique avec la distance d’un historien et de la littérature avec l’intimité d’un écrivain. » En 1988, il lui consacre un ouvrage, Les Religions d’un président (Grasset). Il prend sa défense au plus fort de l’affaire Bousquet, lorsqu’un autre éditorialiste du Nouvel Obs, Jacques Julliard, demande au chef de l’Etat d’avoir le courage de donner sa démission. « Jamais Pétain n’a été aussi solennellement condamné par un président de la République », réplique alors Jean Daniel.

Sans appartenir au premier cercle de la Mitterrandie, Jean Daniel est sous le charme du monarque républicain. « Il était difficile d’aimer cet homme, écrira-t-il, mais comme je l’ai aimé. » Autre formule, bien caractéristique du bonhomme : « Je ne voulais pas être ministre de Mitterrand, mais j’étais enchanté qu’il y pense. »

D’une manière générale, Jean Daniel n’était pas insensible aux honneurs. Souvent moqué, et parfois même caricaturé, pour son narcissisme, il fut ainsi croqué par Bernard Frank dans Solde en 1980 : « Quand Jean Daniel admire, il importe que l’objet de son admiration se le tienne pour dit et ne s’avise pas de les compromettre, lui et son journal, par des fantaisies de langage intempestives. »

« Je mourrai à gauche »

Dans un entretien accordé au Monde en mai 1995, Jean Daniel résumait sa pensée politique. De gauche : « Je partage aujourd’hui la position de Camus qui disait : malgré elle et malgré moi, je mourrai à gauche… » Il ajoutait : « Il y a constamment une tension entre la volonté d’universalité, qui risque de porter à la dissolution de la nation dans le monde, et l’exigence de particularité, qui expose cette même nation au repli complaisant et stérile sur elle-même. »

Pointant le fait que la machine à intégrer ne fonctionne plus – « nous avons perdu les grands mécanismes intégrateurs qu’étaient l’armée, l’école, l’Eglise, les syndicats et le Parti communiste » –, il disait, un brin provocateur : « Il n’est ni absurde, ni révoltant de demander à une jeune fille ou à un jeune homme nés en France de parents étrangers de confirmer leur volonté de devenir Français. Cela ne me choquerait aucunement d’avoir à faire cette confirmation moi-même. »

Scènes de ménage avec Claude Perdriel

Avec Claude Perdriel, ses rapports furent à la fois complices et conflictuels. Leur pacte professionnel était clair : à Perdriel l’entreprise, à Daniel la rédaction. Il n’empêche : les scènes de ménage entre eux furent nombreuses. D’autant plus que leurs vies sentimentales s’entrecroisèrent parfois… Lors de la vente du Nouvel Observateur – qui n’allait pas tarder à devenir L’Obs – aux actionnaires du Monde (Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse), Jean Daniel ne fut pas associé directement aux discussions.

Il n’eut à proprement parler pas de successeur, même si quelques journalistes peuvent revendiquer une certaine filiation avec lui (Franz-Olivier Giesbert, Bernard Guetta, Laurent Joffrin, en particulier). Sous son règne, Le Nouvel Obs demeura, vaille que vaille, le lieu des débats de la gauche française. Mendésiste et camusien, social-démocrate revendiqué, inlassable avocat de la paix entre Israéliens et Palestiniens, Jean Daniel fut un irremplaçable veilleur du monde.

21 février 2020

Keith Haring

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21 février 2020

Affaire Griveaux : ce qu’Alexandra de Taddeo a dit aux policiers

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Par Raphaëlle Bacqué, Ariane Chemin

Alexandra de Taddeo et Piotr Pavlenski, à l’origine de la diffusion des vidéos à caractère sexuel qui ont poussé Benjamin Griveaux à renoncer à la Mairie de Paris, ont été entendus par la police.

« Niet. » « Niet. » Devant la juge d’instruction, mardi 18 février, Piotr Pavlenski refuse de répondre autre chose que « non ». L’homme qui a fait « tomber » Benjamin Griveaux en mettant en ligne les sextos de l’ancien porte-parole du gouvernement d’Emmanuel Macron a décliné son identité, « Pavlenski, Piotr », né le 8 mars 1984 à Saint-Pétersbourg, Russie, et donné une adresse où il était certain de recevoir son courrier et ses convocations : le réfugié russe n’a pas de domicile fixe et établi en France.

Visage anguleux, crâne rasé, yeux gris-vert un brin exaltés qui auraient pu être peints par un primitif italien, bout d’oreille en moins (stigmate d’une « performance » sur le mur d’enceinte de l’institut psychiatrique Serbski, à Moscou, où il s’était automutilé pour protester contre les internements de dissidents) : le jeune activiste qui a déclenché « l’affaire Griveaux » semble prêt à toutes les épreuves. Mais, pour le moment, il refuse de s’étendre davantage devant la magistrate. Il parle mal le français et se méfie du traducteur russe assermenté.

En garde à vue, Alexandra de Taddeo s’est montrée plus coopérative que son compagnon. « Etes-vous une escort girl ? », lui ont demandé les policiers qui cherchent à éclaircir sa relation avec Benjamin Griveaux. Une escort ? La question la fait presque rire. Non, en aucun cas. D’ailleurs, explique-t-elle, c’est l’ancien porte-parole du gouvernement qui a commencé, en mai 2018, leur dialogue sur Instagram : elle le suit, il l’ajoute à sa liste d’abonnements, flatté par l’enthousiasme de ses commentaires politiques. Puis ils échangent en privé.

Une vraie rencontre suit leurs envois de messages et vidéos, bien qu’« il ne [lui] plaisait pas physiquement », dit l’étudiante. Le face-à-face a lieu dans l’appartement du 16e arrondissement d’Alexandra de Taddeo. « Un rendez-vous dont elle est sortie pas contente », selon son compagnon Pavlenski, cité par L’Obs. Me Noémie Saidi-Cottier, qui a interrogé sa cliente Alexandra de Taddeo dément toute violence ou conflit.

Aucune volonté de vengeance

Premier mystère : pourquoi avoir enregistré les vidéos sexuelles échangées entre eux ? « Au cas où, répond Alexandra de Taddeo, énigmatique. Si jamais ça se savait. » Elle assure n’avoir aucunement eu l’intention de les diffuser. Elle n’a d’ailleurs aucun grief contre M. Griveaux, insiste-t-elle, et n’est animée d’aucune volonté de vengeance.

L’étudiante explique en outre que ce n’est pas elle, mais son compagnon, qui a copié les vidéos dans son ordinateur portable et pris l’initiative de mettre en ligne deux d’entre elles sur le site Pornopolitique. S’y est-elle opposée ou pas, elle refuse de le dire, mais laisse son avocate indiquer qu’elle n’en « voulait pas » à son compagnon.

POURQUOI AVOIR ENREGISTRÉ LES VIDÉOS SEXUELLES ? « AU CAS OÙ, RÉPOND ALEXANDRA DE TADDEO. SI JAMAIS ÇA SE SAVAIT »

Enregistré le 23 novembre 2019 et hébergé à l’étranger, le site Internet, créé via la plate-forme israélienne Wix, est tout à fait commun. Il affiche une fresque érotique des plus kitsch qui hésite entre Playboy et un faux Dali. Un manifeste qui sent la mauvaise traduction mais donne le ton : « Citoyens de France et d’autres pays ! Correspondez ! Faites, inspirez le porno ! Politiciens, fonctionnaires, représentants politiques – ils sont parmi nous, et ils sont nombreux ! Chacun de nous peut être auteur et réalisateur. N’ayez peur de rien. C’est notre seul moyen de sortir des marécages du puritanisme et de l’hypocrisie ! » Une adresse mail cryptée recueille dons et contributions.

Le 16 janvier, Piotr Pavlenski et Alexandra de Taddeo signent ensemble un entretien avec la Cicciolina, cette ancienne actrice porno devenue députée italienne. Ces deux-là s’aiment depuis l’automne 2018, « après » la relation essentiellement virtuelle avec Benjamin Griveaux, insiste l’étudiante de 29 ans. Lui a vécu à Saint-Pétersbourg et à Moscou, se dit anarchiste et manifeste un vif intérêt pour les mises en scène, la violence et la pornographie. Elle a grandi à Metz où son père, Francis de Taddeo, entraîneur de football, a hissé naguère le FC Metz en Ligue 1 avant de devenir le directeur sportif du centre de formation du Montpellier Hérault Sport Club.

Après des études de droit, d’art, de science politique (elle est actuellement inscrite à Sciences Po Toulouse en master 2 gouvernance et action internationales dans le cadre d’un cursus « à distance »), la jeune femme, qui peine à arrêter ses études, se passionne pour la Russie. Elle a assisté à des conférences données par Pavlenski en France, en 2017, et a cherché à le contacter en prison où il était détenu – onze mois durant – après avoir incendié en octobre 2017 l’entrée de la Banque de France à Paris.

Elle rêve de travailler sur les « performances » politiques de cet « artiste » qui, en Russie, a mis en scène ses automutilations pour dénoncer « l’oppression » du régime de Vladimir Poutine. Sait-elle que son héros s’est coupé d’une partie des milieux d’opposition russes après avoir été accusé de viol sur une actrice et d’agression contre le mari de cette dernière, un metteur en scène du Teatr.doc, haut lieu de la dissidence au régime ?

Quelques semaines après le début de leur liaison, elle assiste, carnet à la main, au procès pour l’incendie de la Banque de France qui vaut au Russe trois ans de détention dont deux avec sursis, couverts par sa détention provisoire.

PIOTR PAVLENSKI S’ATTENDAIT À ÊTRE EMPRISONNÉ ET « N’EN EST PAS REVENU » D’ÊTRE REMIS EN LIBERTÉ

On est loin de l’univers familial des Taddeo. « Ma sœur n’a absolument rien d’une fille politisée ou d’une anarchiste », affirme son frère, mardi, au Parisien. Et sa mère : « On se demande comment elle peut se retrouver dans cette histoire alors que ce n’est pas du tout son style. » « Soit elle est inconsciente, soit elle s’est fait manipuler », confient encore les parents de la jeune femme. Ils insistent : « Ce garçon n’est pas notre tasse de thé. »

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 Photo ci-dessus : Benjamin Griveaux

Durant l’année 2019, Piotr et Alexandra ne se quittent guère. Dans un long article que lui consacre le New York Times, le 11 juillet 2019, le performeur russe évoque spontanément sa relation avec la jeune Française : « mon antithèse », « une icône de la prudence bourgeoise », dit-il. « Bonnie and Clyde », résume « l’avocat » Juan Branco, qui fait leur connaissance au début de cet hiver et les observe échanger, mi en français, que Piotr parle mal, mi en russe, qu’Alexandra ne maîtrise pas parfaitement.

Quels liens avez-vous avec la Russie ? demandent les enquêteurs à la jeune femme en garde à vue. C’est l’un des autres mystères de cette affaire, où flotte le soupçon d’une manipulation de Moscou, attisée par les accusations d’ingérence russe proférées par Emmanuel Macron à Munich, le 15 février. A nouveau, l’étudiante sourit devant son avocate, et balaye ces suspicions d’une plaisanterie.

« Un code est préférable »

Oui, elle a appris le russe. Oui, son mémoire de maîtrise portait sur la politique de la Fédération russe en Arctique. Sur Fréquence protestante, le 30 mai 2017, elle a convié Alexandre Makogonov, deuxième secrétaire à l’ambassade de Russie.

Devant cet ancien attaché culturel un brin affolé, elle évoque le mouvement des Pussy Riot, ces féministes punks qui, à Moscou, organisent des performances pour défendre les droits des femmes, mais aussi « l’artiste » Pavlenski. L’idée qu’on puisse la prendre pour une Mata Hari la fait sourire.

Benjamin Griveaux n’y a pas songé non plus. Lors de leurs échanges sur Instagram, en mai 2018, il explique avoir « débranché Killian » – Killian Bourgouin, l’attaché de presse gérant les comptes du ministre sur les réseaux sociaux –, mais c’est plutôt Alexandra de Taddeo qui s’inquiète : « Un code est quand même préférable. Mieux vaut prévenir que guérir », lui écrit-elle. Le porte-parole du gouvernement, rassuré par la bonne éducation de l’étudiante, son nom et son allure de jeune fille bien née, n’imagine pas une seconde qu’elle puisse enregistrer les nombreuses vidéos éphémères ou les photos qu’il lui envoie. Elle le répète aux enquêteurs : elle ne nourrit aucun esprit de vengeance contre Benjamin Griveaux.

Cela n’empêche pas la presse russe de suivre l’affaire avec délectation. Dimanche, lors des « Nouvelles de la semaine », l’émission préférée de Vladimir Poutine sur Rossiya 1, l’animateur Dmitri Kisselev – « le propagandiste du Kremlin », disent les opposants au régime – consacre à Piotr Pavlenski un reportage intitulé « L’ange déchu ». Dix minutes pleines d’ironie sur celui qui était autrefois l’une des figures de la dissidence russe devenu… l’empêcheur de tourner en rond d’une France qui lui a offert l’asile politique, à la veille de l’élection d’Emmanuel Macron. Dans le même sujet, on voit aussi Benjamin Griveaux claquer la bise à Emmanuel Macron, ou le chef du gouvernement Edouard Philippe et le ministre de l’intérieur Christophe Castaner soutenir l’ex-candidat à la Mairie de Paris. « Voilà bien une manifestation de la solidarité masculine », conclut le petit film.

EMPÊCHÉ DE DÉFENDRE PAVLENSKI, « HOMME AU COURAGE BORDANT LA FOLIE », JUAN BRANCO SUIT NÉANMOINS L’AFFAIRE DE PRÈS

En France, le site RT (anciennement Russia Today) affichait mercredi à sa « une » Pavlenski expliquant, lors de sa remise en liberté : « Je pensais que la France était le pays de la liberté d’expression. » Une page d’accueil plutôt rare pour un média d’ordinaire peu enclin à célébrer les opposants du président Vladimir Poutine. La patronne de RT et Sputnik en Russie, Margarita Simonian, reprend elle aussi la vidéo de Pavlenski dénonçant le manque de liberté d’expression en France. Quant à l’ambassade de Russie en France, elle semble abandonner toute réserve sur cette affaire, « likant » sur son compte Twitter officiel un message expliquant que « Benjamin Griveaux a été placé sous protection policière. En effet, la police veut s’assurer qu’il ne se masturbe plus devant une caméra… »

Mis en examen

Pour les Russes, Piotr Pavlenski est le principal protagoniste de l’histoire. Mais en France, Juan Branco a associé Alexandra de Taddeo à la démarche de son compagnon.

Le 16 février, sur Twitter, l’auteur du best-seller Crépuscule (Au diable vauvert, 2019) se réjouissait de « l’innocente folie » du « couple » formé par Taddeo et le performeur russe, capables de « se jouer de tous pour révéler à quel point cette société sombre dans la plus scabreuse inanité ». Au Monde, l’« avocat » du couple pour le site Pornopolitique, comme le nomme Alexandra de Taddeo, expliquait aussi que c’est la jeune femme qui l’avait prévenu d’une « importante action » à venir. Sur Twitter, il célèbre « la sauvage liberté d’un couple d’anarchistes ». « J’ai vu Piotr Pavlenski et Alexandra de Taddeo séparément, écrivait-il encore mercredi soir. Ils sont très heureux et très amoureux »…

Placés sous contrôle judiciaire, Piotr Pavlenski et Alexandra de Taddeo ont interdiction de se retrouver l’un l’autre et de rencontrer Benjamin Griveaux. Après deux jours de garde à vue, ils sont désormais tous deux mis en examen pour « atteinte à l’intimité de la vie privée » et « diffusion sans l’accord de la personne d’un enregistrement portant sur des paroles ou images à caractère sexuel et obtenues avec son consentement ou par elle-même ». Piotr Pavlenski s’attendait à être emprisonné et « n’en est pas revenu » d’être remis en liberté, rapporte son avocat, Me Yassine Bouzrou.

Empêché de défendre Pavlenski, « homme au courage bordant la folie », Juan Branco suit néanmoins l’affaire comme le lait sur le feu. Sur Twitter, l’avocat du « gilet jaune » Maxime Nicolle, alias Fly Rider, exulte : « En France, un homme politique tombe parce qu’il a montré son sexe, et non parce qu’il a menti, pillé, éborgné. Pavlenski n’a agi qu’en révélateur de notre absurdité, avec un énorme succès. » Et distille informations, confidences et analyses.

« Vous allez tout savoir ! », avait d’ailleurs promis lundi Cyril Hanouna, ravi de recevoir l’avocat sur le plateau de son émission « Touche pas à mon poste ». Attente. Suspense. « Retenu par les bâtonniers » du palais de justice de Paris, a expliqué C8, Branco lui a finalement fait faux bond. Trop de rendez-vous et de sollicitations. Au Figaro, qu’il recevait au Café de Flore, il a lâché cet aveu : « Je suis au milieu du gué et je ne sais pas ce qui va m’arriver. Soit je me fais exploser, soit je deviens le roi du monde. »

21 février 2020

Man Ray et la mode, l'exposition à voir au Musée du Luxembourg

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Après avoir investi les murs du Musée Cantini à Marseille, l'exposition itinérante “Man Ray et la mode” ouvre en avril prochain au Musée du Luxembourg à Paris.

Après le Musée Cantini à Marseille, l'exposition Man Ray et la mode pose ses valises au Musée du Luxembourg à Paris.

Man Ray et la mode

C’est un aspect méconnu du travail de Man Ray, qui a pourtant contribué à l’invention même de la photographie de mode. Lorsque l’artiste emménage à Paris dans les années 20, il fait la connaissance du couturier Paul Poiret, pour qui il commence à travailler sur commande, en tant que photographe, afin de subvenir à ses besoins et poursuivre son activité de peintre. Une première incursion dans la mode dont le résultat est jugé sans intérêt, jusqu’à ce que Man Ray fasse la rencontre de Carmel Snow et d’Alexey Brodovitch, respectivement rédactrice en chef et directeur artistique du magazine Harper’s Bazaar. En appliquant à la photographie de mode les techniques et astuces qu’il utilise pour son travail artistique, Man Ray contribue à enrichir considérablement le traitement de l’image de mode. Jusqu’alors purement documentaire, elle devient terrain d’expérimentation artistique, où décor, mannequin et lumière sont magnifiés autant que le vêtement. Après l'exposition marseillaise qui s'achèvera le 8 mars prochain au Musée Cantini, Man Ray et la mode investit les murs du Musée du Luxembourg au printemps prochain. S'offrent au regard des créations Schiaparelli, Worth, Jean Patou ou encore Jeanne Lanvin mises en dialogue avec les photographies de mode, certaines très rares, de Man Ray.

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Man Ray Autoportrait 1932 épreuve gélatino argentique 8,5 x 5,5 cm Collection particulière © Man Ray 2015 Trust / Adagp, Paris 2020

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Man Ray La chevelure 1929 épreuve gélatino argentique, tirage tardif 28,7 x 19,5 Milan, Fondazione Marconi © collection particulière, courtesy Fondazione Marconi © Man Ray 2015 Trust / Adagp, Paris 2020

Man Ray et la mode, du 9 avril au 26 juillet 2020, Musée du Luxembourg, 19 Rue de Vaugirard, 75006 Paris, réservation sur le site billetterie.museeduluxembourg.fr

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