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Jours tranquilles à Paris

31 août 2020

Ben Bernschneider

ben bernschneider

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31 août 2020

Chevaux mutilés : un expert évoque la piste de la sorcellerie

Article de Hervé Chambonnière

Historien des religions et spécialiste des mouvements sectaires, Jacky Cordonnier travaille régulièrement avec la Miviludes et les forces de l’ordre. Sollicité pour le dossier des chevaux mutilés, lui évoque plutôt la piste de la sorcellerie.

Vous avez travaillé sur de nombreux dossiers judiciaires liés au satanisme, notamment en Bretagne, en 2006 et 2008. Mais la série d’agressions et de mutilations de chevaux vous fait spontanément penser à une autre piste ?Oui. Les autorités viennent tout juste de me solliciter à ce sujet. Je n’ai pas encore tous les éléments en main, mais ceux en ma possession me font davantage penser à des rituels de magie noire ou de sorcellerie. Plusieurs éléments, comme l’ablation de l’oreille droite, d’organes génitaux ou de globes oculaires, ou encore la récupération du sang, renvoient à de vieilles pratiques. Mais c’est une piste explorée parmi d’autres.

Ces mutilations n’interviennent que dans certains des nombreux cas signalés depuis le début de l’année 2020 et plus spécifiquement depuis le début du mois d’août (notre édition de ce dimanche). La piste ne vous semble-t-elle pas un peu légère à ce stade ?

Elle a le mérite d’apporter une explication logique à cette série. Difficile de croire que, subitement, des gens perdent la tête et décident de s’en prendre à des chevaux ! Une partie des faits est peut-être l’œuvre d’un groupe ayant des croyances en sorcellerie. Vous savez, dans les mouvements sectaires, tout commence par une personne, qui en persuade d’autres. Il ne faut pas exclure des actes de mimétisme pour les autres faits.

Dans l’un des tout premiers cas suspects recensés en France, en décembre dernier, dans les Côtes-d’Armor (La Méaugon), un morceau de bois sculpté pouvant ressembler à une poupée vaudoue, avait été retrouvé près d’un poney mutilé. Quelle serait la signification de ces mutilations ?

Pour les adeptes de sorcellerie, le sang et certains organes peuvent être utilisés lors de rituels, pour des envoûtements par exemple. Ils peuvent aussi être des symboles de puissance et de sexualité.

Que savez-vous de ce monde de la sorcellerie ?

Il est extrêmement fermé et très secret. On a souvent en tête l’image du chamane ou du sorcier vaudou en tête, mais ses adeptes sont de tous milieux.

On peut porter le costume cravate et être adepte de sorcellerie… J’avais travaillé au début des années 2010 sur une longue série d’agressions et de mutilations de chevaux en Belgique et au Luxembourg. J’avais orienté les enquêtes dans cette direction. Mais, comme dans les centaines de cas survenus dans les années 1980-1990, en Allemagne ou au Royaume-Uni, ces affaires n’ont jamais été élucidées…

31 août 2020

Marisa Papen

marisa arbre

marisa et les oiseaux

marisa oiseaux

31 août 2020

Photo Shoot with Model Scarlet Begonias from Pixel Pinups on Vimeo.

31 août 2020

« L'Afghane aux yeux verts » de Steve MCurry (1984)

C'est peut-être le regard le plus célèbre au monde. En 1984, le photoreporter Steve McCurry se trouve dans le camp de réfugiés de Nasir Bagh, dans le nord du Pakistan. C'est ici qu'il croise le regard vert de Sharbat Gula, alors âgée de 13 ans. Ses parents ont été tués dans la guerre afghane et elle s'est réfugié avec sa grand-mère et son frère en parcourant des centaines de kilomètres à pied pour survivre. Un an plus tard, la photo apparaît en couverture du National Geographic. Les yeux de la jeune fille, dans lesquelles de multiples émotions transparaissent, captivent les lecteurs du magazine et font le tour du monde.

monde6

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30 août 2020

Lis maritime

lis maritime

lis maritime bis

lis maritime ter

30 août 2020

Condamnations unanimes après la représentation de la députée LFI Danièle Obono en esclave dans « Valeurs Actuelles »

Une large frange de la classe politique, de La France insoumise à Emmanuel Macron, a dénoncé samedi le « racisme » de dessins de la députée de Paris dans une fiction d’été du magazine conservateur.

Représentation « abjecte et inacceptable », « apologie du racisme » : la « politique fiction » du magazine conservateur Valeurs Actuelles sur la députée La France insoumise (LFI) Danièle Obono, dépeinte en esclave, a suscité, samedi 29 août, une vague de condamnations, jusqu’au chef de l’Etat.

Dans ce récit fiction de sept pages publié dans le cadre d’une série d’été où des personnalités politiques « voyagent dans les couloirs du temps », la députée de Paris, à la peau noire, « expérimente la responsabilité des Africains dans les horreurs de l’esclavage » au XVIIIe siècle, selon la présentation qu’en fait le magazine. Des dessins de Danièle Obono, collier en fer au cou, accompagnent ce « roman de l’été ».

Le chef de l’Etat Emmanuel Macron, qui avait accordé un entretien à Valeurs Actuelles fin 2019, a appelé la députée en fin de matinée pour lui faire part de sa « condamnation claire de toute forme de racisme », a indiqué l’Elysée à l’Agence France-Presse.

Le premier ministre avait déjà réagi plus tôt dans la journée : « Cette publication révoltante appelle une condamnation sans ambiguïté », a tweeté Jean Castex, qui « partage l’indignation de la députée » et « l’assure du soutien de l’ensemble du gouvernement ». « La lutte contre le racisme transcendera, toujours, tous nos clivages », a ajouté le chef du gouvernement.

« Le racisme est un mal nocif. Il détruit. Il est un délit », a aussi rappelé la ministre déléguée à la ville, Nadia Hai, sur le réseau social. « On est libre d’écrire un roman nauséabond, dans les limites fixées par la loi. On est libre aussi de le détester. Moi je le déteste et suis [aux] côtés » de la parlementaire, a écrit pour sa part le ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti.

Une « souillure qui ne s’effacera pas »

Dénonçant « une insulte à [ses] ancêtres, sa famille » et « à la République », Danièle Obono a dit samedi soir sur BFM-TV « réfléchir » à porter plainte. Cette publication est selon elle « une souillure qui ne s’effacera pas », mais surtout « l’aboutissement d’un acharnement médiatique » contre elle. La députée demande « des actes ». « Ça fait trois ans qu’on alerte sur le fait qu’il y a un processus de racialisation, de racisme dans ce pays », a-t-elle ajouté.

Dès vendredi, la députée avait évoqué sur Twitter une « merde raciste dans un torchon ». « L’extrême droite, odieuse, bête et cruelle. Bref, égale à elle-même », avait-elle ajouté. Le leader de LFI, Jean-Luc Mélenchon, s’était élevé contre un « harcèlement nauséabond » envers la députée.

Réprouvant vivement un « cortège de haines, comme l’ont déjà expérimenté beaucoup de responsables politiques noirs ou d’origine maghrébine ces dernières années », l’association SOS Racisme a indiqué dans un communiqué étudier « les suites judiciaires envisageables ».

Le président de l’Assemblée, Richard Ferrand (LRM), a critiqué une « ignoble représentation d’une parlementaire ». « Tout mon soutien personnel et celui de l’Assemblée nationale face à ces abjections », a-t-il tweeté, suivi par de nombreux députés de tous bords. Depuis Malo-les Bains (Nord), lors de la journée d’été du PCF, son numéro un Fabien Roussel a lui aussi épinglé un écrit « particulièrement scandaleux ». Tout comme son homologue du PS Olivier Faure ou l’ancienne ministre écologiste Cécile Duflot.

A l’extrême droite, un responsable du rassemblement national, Wallerand de Saint-Just, a également condamné, toujours sur Twitter, la publication « d’un mauvais goût absolu » de Valeurs Actuelles : « Le combat politique ne justifie pas ce type de représentation humiliante et blessante d’une élue de la République », selon lui.

« Valeurs actuelles » présente ses excuses

Mais, a répondu le magazine d’opinion, « il s’agit d’une fiction mettant en scène les horreurs de l’esclavage organisé par des Africains au XVIIIe siècle », « terrible vérité que les indigénistes ne veulent pas voir ».

« J’invite chacun à lire le texte et à voir ce qu’il contient, a ensuite fait valoir au Parisien Tugdual Denis, directeur adjoint de la rédaction. Il vise à expliquer que l’esclavage n’est pas uniquement le fait des Européens mais également d’Africains. » Ce dernier reconnaît auprès du quotidien que le dessin représentant l’élue en esclave est « violent » : « C’est une image horrible car la thématique est horrible, assume Tugdual Denis, mais ce n’est pas du racisme. » Il reconnaît toutefois « comprendre que Danièle Obono se sente choquée, mais ce n’était pas l’intention ».

Samedi, dans l’après-midi, l’hebdomadaire a publié un communiqué, relayé sur Twitter, présentant ses excuses à la députée. « Si nous contestons fermement les accusations (…), nous avons aussi suffisamment de clairvoyance pour comprendre que Danièle Obono ait pu se sentir personnellement blessée par cette fiction. Nous le regrettons et lui présentons nos excuses. »

Des militants de la Ligue de défense noire africaine se sont introduits, samedi soir, dans les locaux de Valeurs Actuelles pour dénoncer « l’incitation à la haine anti-Noirs », selon une vidéo qu’ils ont diffusée sur Twitter. Les locaux étaient désertés par les employés du magazine pendant l’intrusion, selon ce mouvement qui se présente comme défenseur des « droits des Afrodescendants et des Africains ».

30 août 2020

Chien orange...

chien orange

30 août 2020

Enquête - Il était une fois… La vie d’esclave d’Aziza, 7 ans, au Pakistan

Par Patrice Claude

Trésors du « Monde ». Chaque dimanche, nous exhumons de nos archives un article marquant. Aujourd’hui, la destinée misérable d’une fillette d’origine afghane, contrainte de mouler des briques depuis l’âge de 3 ans puis d’être vendue à un homme de passage.

Cet article est paru dans Le Monde du 24 octobre 2001

Aziza n’a pas de chaussures. Aziza n’a jamais eu de chaussures de sa vie. Eté comme hiver, elle va nu-pieds. C’est une « esclave ». Au front, profondément imprimée dans la peau, elle porte la marque de sa condition, deux taches sombres laissées par de mauvais abcès infectés. Aucun médecin, jamais, n’a examiné Aziza. Trop cher. En arabe, Aziza veut dire « la précieuse ». Mais, sur le grand marché globalisé du monde, « la précieuse » ne vaut rien, pas une roupie. Aziza est une esclave et son corps porte les signes de son état. Les mains, par exemple, cela ne trompe jamais. Elles doivent être sèches comme un désert sur le dos, calleuses comme l’écorce d’un chêne dans la paume, striées d’anciennes blessures mal soignées un peu partout. Les menottes crottées d’Aziza correspondent parfaitement. De même, la tuberculose qui dévore ses poumons, l’anémie chronique qui grignote sa vie. Et puis les plaies sur les pieds.

Elle a mal parfois, « la précieuse ». Mais elle ne se plaint jamais. Elle ne se plaint jamais, la petite esclave afghane. Elle sait, c’est écrit dans ses yeux, que sa vie sera une sorte d’enfer et que nul n’y peut rien. Aziza a 7 ans. Dans son immense bonté, Allah le Miséricordieux lui a accordé un maintien de reine, une épaisse tignasse de jais, deux grands yeux noirs pétillant d’une intelligence grave. Sous le tchadri bleu, le voile obligatoire, le visage d’Aziza est pur comme une aube sur l’Hindu-Kush. Beau, tragiquement beau, comme un appel au secours, un cri muet. « Aidez-moi, je vous en supplie. »

Là-bas, à quelques kilomètres, derrière les montagnes pelées du col de Khyber, de grands oiseaux de mort bombardent son pays, et sa ville, Jalalabad. Aziza ne sait rien de tout cela. Elle a vu le jour ici, directement sur le tapis pourri du gourbi familial, à Achar, misérable faubourg de Peshawar (Pakistan), la ville-frontière, la ville-radeau qui coule inéluctablement sous le poids des milliers d’Afghans qui s’échouent là, depuis un mois, un an, une éternité. Un quart de siècle que la guerre, la sécheresse, la faim s’acharnent sur le fier et malheureux pays des moudjahidin.

Douze heures de travail, chaque jour

Espérance d’une vie afghane : quarante-sept ans. Aziza en a déjà consumé quatre au labeur. Dès 3 ans, à l’âge où les enfants de France ou d’Amérique entrent en pleurs à la maternelle, Aziza est au travail, en silence. De l’aube au crépuscule, sous les étés brûlants comme dans les grandes froidures des hivers de l’Asie centrale, chaque jour que Dieu fait – sauf quand « je suis trop malade », précise-t-elle –, la petite « précieuse », agenouillée dans la poussière d’une carrière, malaxe la boue. Une boue noire, granuleuse, qui blesse la peau. Une boue avec laquelle on fait les briques dans la région.

SELON LE CODE D’HONNEUR DES MONTAGNARDS, LE « PACHTOUNWALI », ICI, LES FEMMES SONT DES OMBRES

Pour 100 roupies, moins de 2 euros, de quoi mal nourrir une famille de sept personnes pour la journée, il faut mouler mille briques. Ce matin, avant d’attaquer ses douze heures de besogne, Aziza a avalé un thé vert et un demi-nan, la galette de pain locale. Ce soir, il y aura un potage, peut-être une pomme de terre ou une assiette de riz, avec un autre demi-nan. C’est sa pitance. « La précieuse » est une esclave. Dans quelque temps, si ses poumons empoussiérés ne la lâchent pas, elle sera mariée, vendue plutôt, à un homme de passage. Ce sera un pauvre, un riche, un jeune ou un vieux, elle n’en sait rien. Elle acceptera son sort, comme, avant elle, sa mère et ses trois grandes sœurs, cédées vers 14 ans pour 10 000 roupies chacune (170 euros environ).

Talibans ou non, ainsi va la vie des femmes, depuis des siècles, dans l’islam des Shinwaris, l’une des grandes tribus pachtounes de la frontière. De part et d’autre de la « ligne Durand », qui serpente entre montagnes afghanes et pakistanaises, c’est la même rengaine, la même règle d’airain, le même intangible code d’honneur des montagnards, le « pachtounwali ». Ici comme là-bas, les femmes sont des ombres, des fantômes enfermés dans la burqa traditionnelle, la vue emprisonnée derrière des barreaux de tissu. Ici comme là-bas, à condition que les parents le puissent, les garçons – moins d’un tiers, selon une organisation non gouvernementale (ONG) – vont à l’école le matin. L’après-midi, c’est le chantier, l’atelier, le champ ou la carrière de briques. Il faut bien manger. Sauf exception – environ 6 % dans la province selon la même source –, les filles n’ont pas droit à l’éducation.

Une région dominée par les mollahs

Là-haut, du côté de Dir, dans les lointaines vallées perdues de la North West Frontier Province, Ibrash Pasha, le patron local de Khwendo Kor – « la maison des sœurs », en pachtou –, nous a expliqué comment il avait dû fermer trois écoles de filles péniblement ouvertes deux ans plus tôt dans les villages de Qaziabad, Latcha et Satcha. Il avait fallu des mois de salamalecs avec les mollahs et les anciens du cru. Il avait fallu expliquer et expliquer encore que, non, l’apprentissage des chiffres et des lettres ne corrompt pas les filles. Il avait fallu les convaincre que le travail éducatif des ONG n’en ferait pas automatiquement des rebelles au sacro-saint « pachtounwali ». Le plus ardu fut de les assurer qu’il n’était pas question de convertir leurs filles aux croyances impies des kafir, les infidèles. Promesses d’un autre âge pour une peuplade d’un autre âge.

Les vieux « sages » avaient fini par craquer. Et puis, un autre mollah, plus influent, plus puissant, plus obscurantiste encore que ses homologues de campagne, a déboulé dans la région. Soufi Mohammad, c’est son nom, est en quelque sorte le fondamentaliste du fondamentalisme. Un authentique fanatique qui rêve de ramener le « pays des purs » au Moyen Age et d’imposer partout sa version, la plus dure, de la charia, la loi islamique. Allah est grand. Dans les zones tribales qu’il écume, Soufi Mohammad et ses adeptes ont déjà obtenu que les mains des voleurs soient coupées, que les femmes soupçonnées d’adultère soient lynchées et les traîtres au « pachtounwali » pendus.

Dans sa Constitution, la République islamique du Pakistan a pourtant inscrit le droit à l’éducation pour tous. Mais elle tolère. A l’instar de ses anciens alliés talibans qui ne s’y sont guère frottés, là-bas, de l’autre côté de la « ligne Durand », le pouvoir militaire du général Pervez Musharraf tient à avoir la paix dans les régions semi-autonomes des Pachtounes. Pas question de bousculer des tribus frontalières de plusieurs millions d’individus à 90 % analphabètes que même les forces coloniales britanniques du siècle dernier n’ont jamais pu soumettre. En juin, le gouvernement a quand même essayé de les désarmer. Des primes ont été offertes à qui accepterait de se défaire de son fusil, pistolet, mitraillette et autres joujoux dangereux.

Togarah, le père, squelette ambulant

« Eh ! Eh ! Les ateliers de Dara ont fait fortune », ricane un confrère pakistanais. Dara, petit village tribal planté comme un Far West au cœur d’une vallée oubliée, est célèbre. C’est qu’ici, de mémoire d’homme et de père en fils, on fabrique des armes. A toute heure du jour, dans les arrière-cours, éclatent des détonations. « Il faut bien faire des essais », nous dira-t-on. Un pistolet-mitrailleur Uzi ? Un pistolet Makarov ? Un fusil d’assaut M16, un mortier, un lance-grenades ? Les prix ont un peu monté, ces temps-ci : il faut 10 000 roupies pour acquérir une kalachnikov. Mais, à Dara, à l’exception des plus sophistiquées, on trouve d’efficaces copies de toutes les armes du monde. On peut aussi y acheter du haschich et de l’opium au quintal, mais ça, c’est une autre histoire.

LE BON TEMPS DE JALALABAD EST MORT DEPUIS LONGTEMPS. LA FERME FAMILIALE DÉTRUITE PENDANT LA GUERRE CIVILE, IL Y A DIX ANS

En juin, ce sont des commandes groupées de plusieurs milliers de calibres que les géniaux armuriers de Dara ont vu arriver. « Les familles pachtounes se sont cotisées pour acheter des copies usagées qu’elles ont ensuite revendues, parfois plus cher, à l’Etat », ironise le confrère. « L’arme du Pachtoune, prétend un dicton, c’est comme un bijou pour la femme », il est interdit de s’en séparer. Combien, parmi les milliers de jeunes tribaux qui s’engagent depuis dix jours dans le djihad aux côtés des talibans afghans, le font uniquement pour mettre la main sur un calibre ? Seuls les Pachtounes éduqués, dans les villes, et les plus misérables dans les montagnes en sont démunis. C’est le cas de Togarah, le père d’Aziza, « la précieuse ».

Bouche édentée, verrue sur le front, mais bon regard doux sous le topi maculé, la calotte des bons « croyants », Togarah n’est pas méchant homme. Plutôt une sorte de squelette ambulant qui consume ses dernières années dans la carrière, parce qu’il faut bien nourrir les marmots qui se succèdent au gourbi. Quatorze heures par jour, pour 100 roupies, on connaît. Seulement, Togarah est fatigué, perclus de rhumatismes, fiévreux souvent. Alors, comme ceux de tous les autres hommes-poussière de la carrière, les enfants, Aziza comprise, sont obligés de trimer avec le vieux. Pas le choix. « Sans eux, je n’arriverais pas à mon quota », se désole le bonhomme. Le bon temps de Jalalabad est mort depuis longtemps. La ferme familiale détruite pendant la guerre civile, il y a dix ans, Togarah a pris sa couvée sous le bras. Ils ont marché des jours et des jours pour arriver jusqu’ici. Et puis, ils n’ont plus bougé.

Shegarah, 7 ans, arpente les déchetteries

Moalem Rahimuddine, le voisin de tranchée du vieux, est dans la même situation. Dans une autre vie, ce solide quadragénaire pachtoune était prof d’histoire-géo à l’école Fakrullah de Jalalabad. Aujourd’hui, il moule des briques et il remercie Allah de lui avoir procuré cette sinécure. « Ce sont les Russes qui ont détruit ma maison, il y a treize ans. » A l’époque, Moalem était seul. Il a trouvé une femme en exil, une jeune cousine à présent âgée de 23 ans, mais déjà épuisée par sept grossesses successives. Ils sont tous là, les marmots, tannés par le soleil, à tirer des brouettes plus lourdes qu’eux, à malaxer la boue pour aider papa. Il y a tant d’esclaves impubères qui mendient dans les rues déglinguées de Peshawar, tant de mômes abandonnés qui s’échinent dans les briqueteries, les fabriques de tapis, les échoppes, les ateliers de mécanique, chez les ferrailleurs, que plus personne ne les remarque.

DANS CETTE SOCIÉTÉ TRIBALE OÙ LA PÉDOPHILIE SUR LES GARÇONS EST PLUS COURANTE QUE LE VIOL DES FILLES, SHEGARAH AURAIT PU TOMBER PLUS MAL

Au bazar de Shobah, à quelques coudées de l’enfer d’Achar, nous sommes tombés sur un frère de misère d’Aziza. Shegarah a 7 ans, le front buté et le regard dur. Pieds nus dans la crasse du marché, l’enfant sale porte un grand sac de jute sur l’épaule. A l’intérieur, en vrac, il y a une timbale de plastique rouge, un verre publicitaire ébréché marqué Pepsi, une vieille seringue à bestiaux, une ampoule électrique usagée, un peigne édenté, une boîte, vide, de jus de tomate et deux petits morceaux de croûton de pain maculés de terre. Il est 15 heures. En neuf heures d’errance sur les tas d’ordures, c’est tout le butin du marmot. La concurrence est rude, mais Shegarah ne se plaint pas. Dans cette société tribale où la pédophilie sur les garçons est plus courante que le viol des filles – pour combattre ce phénomène « non islamique », les talibans ont pendu plusieurs moudjahidin pachtounes qui se battaient parfois à l’arme lourde pour la possession de quelque éphèbe kidnappé dans un village –, il aurait pu tomber plus mal.

« Dis-moi, demande tout à coup Majid Baber, le confrère pakistanais qui nous pilote en ces enfers, tu crois vraiment que la mondialisation est en train de préparer une génération d’adultes apaisés dans cette région du monde ? » Euh, écoute, Majid, qu’est-ce qu’on peut y faire, hein ? Tiens, voilà que ça recommence. Aziza est prise d’une nouvelle quinte de toux. Son chétif petit corps en est tout commotionné. Les anneaux dépareillés que la coquette a dénichés dans les ordures pour s’en parer les oreilles battent ses joues. Aziza crache dans la poussière. Elle couvre sa bouche, gênée. Il y a des mois qu’elle ne dort plus, « la précieuse ». « Avant, dans ma nuit, c’était bien, parfois. J’étais avec mon papa dans une belle voiture, nous avions tous de beaux habits, et même j’allais à l’école. Mais, maintenant, à cause de ma toux, je ne peux plus rêver. »

Pour Majid Baber, papa de deux enfants, c’en est trop. Le confrère s’éloigne écraser ses larmes. Attends, je sais quoi faire, ami ; nous allons emmener Aziza à l’hôpital, nous allons exiger qu’on la soigne, régler la facture et suivre son sort. Qui sait, peut-être allons-nous sauver une enfant esclave, aujourd’hui ?

Après la publication de cet article, des lecteurs du Monde s’étaient manifestés pour envoyer des dons destinés à aider Aziza. Ce soutien financier, ainsi que la mobilisation de l’épouse du confrère pakistanais qui avait accompagné notre journaliste, avaient permis d’inscrire la fillette dans une école et de créer un petit dispensaire dans son quartier. Puis, les années passant, l’auteur de cet article, Patrice Claude, n’a plus eu de nouvelles d’Aziza.

30 août 2020

A Paris, un rassemblement « anti-masques » aux multiples revendications

anti masques

antimasques

Par Lucie Soullier

Entre 200 et 300 personnes se sont retrouvées place de la Nation samedi. Peu après 16 h 30, 123 personnes avaient été verbalisées pour non port du masque.

« Le masque, c’est la porte d’entrée vers la dictature mondiale. » Masque sous le menton, Christelle prêche des « anti » convaincus devant une affiche « Je suis libre et maître de moi-même » : « On utilise le masque comme symbole de la muselière, c’est un test de soumission du peuple. Depuis des mois, on voit que les politiques en profitent pour faire passer des lois liberticides. » La jeune femme est l’une des animatrices du groupe Facebook « Nous sommes la deuxième vague », qui a relayé l’appel au rassemblement des « anti-masques », samedi 29 août à Paris. Très loin de la marche ayant rassemblé des milliers de personnes à Berlin pour la deuxième fois en un mois, ce sont entre 200 et 300 personnes qui se sont retrouvées place de la Nation, brassant presque autant de revendications différentes.

Le tee-shirt de Christelle refusant la 5G et les vaccins « forcés » côtoie ainsi ceux de quelques « faucheurs volontaires » ; des masques Anonymous frôlent un fourre-tout complotiste dénonçant le milliardaire américain d’origine hongroise George Soros – cible habituelle des complotistes – et les « Big Pharma » ; des insultes envers les « collabos » cohabitent avec des méthodes plus tempérées, comme celle de cet homme s’arrêtant devant chaque policier pour tenter de le convaincre poliment que verbaliser ceux qui ne portent pas de masque serait « illégal ». « Merci de m’avoir écouté et bonne journée. » Peu après 16 h 30, 123 personnes avaient été verbalisées pour non-port du masque et une interpellée pour outrage et rébellion, selon la préfecture de police.

« Liberté, liberté »

Dans les rangs démasqués, les uns se font la bise en se rencontrant pour la première fois – « Tu m’as reconnue ? J’ai pas la même tête sur Facebook ! » – quand d’autres s’échangent des conseils militants. Tous se retrouvent aux mêmes cris de « liberté, liberté ».

« Mais enfin, porter un masque ne restreint pas votre liberté », s’étonnent deux jeunes curieux auprès d’une manifestante. Quant à la nasse policière qui se forme « c’est comme ça dans toutes les manifs », croient-ils savoir. « Vous êtes trop jeunes, mais ça ne finissait pas toujours comme ça, avant. »

Les discours se suivent à la tribune, commentés en direct depuis le parterre de la place de la Nation jusqu’aux réseaux sociaux. Un avocat pointant « le déficit de représentation populaire » se voit interrompu par plus revendicatif que lui : « On ne veut pas plus de représentation, on veut être souverains ! » Quant à la requête d’un « gilet jaune » venu demander « qu’on se fasse tous embarquer, on aura notre revanche ! », elle ne récoltera que quelques refus interloqués : « Ah non mais là, faut pas tout mélanger. »

Indifférent au micro hurlant à la « dictature sanitaire » à deux pas de lui, un jeune homme enlève son masque et déploie une banderole sur la tribune, laissant apparaître une citation de la philosophe Hannah Arendt, tellement actuelle qu’elle se retrouve brandie par tous les camps : « Quand tout le monde vous ment en permanence, le résultat n’est pas que vous croyez ces mensonges mais que plus personne ne croit plus rien. Un peuple qui ne peut plus rien croire ne peut se faire une opinion. Il est privé non seulement de sa capacité d’agir mais aussi de sa capacité de penser et de juger. Et avec un tel peuple, vous pouvez faire ce que vous voulez. »

Protestations des « anti-masques » à Berlin, Londres et Zurich. La journée a été marquée par une grosse manifestation à Berlin. Selon le ministre allemand de l’intérieur de la ville, Andreas Geisel, environ 200 manifestants ont été interpellés devant l’ambassade russe, après avoir lancé des pierres et bouteilles sur les policiers, et la plupart remis en liberté ensuite. Il n’y a pas eu de blessés. Au total, quelque 38 000 personnes selon les autorités ont participé en majorité dans le calme à un meeting au cours duquel les organisateurs ont appelé « à la fin de toutes les restrictions en place » pour combattre le nouveau coronavirus. Auparavant, la police avait interrompu un défilé, faute de respect des gestes barrières. A Londres, un millier de manifestants appelant à « la fin de la tyrannie médicale » se sont retrouvés sur le Trafalgar Square. A Zurich, ils étaient plus d’un millier selon la police à réclamer « un retour à la liberté ».

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