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Jours tranquilles à Paris

26 août 2020

« Sexe et pouvoir » : la mort de Félix Faure, vaudeville à l’Elysée

Par Jean-Michel Normand

« Sexe et pouvoir ». En rendant l’âme dans les bras de sa maîtresse après une prise d’aphrodisiaques, en 1899, le président de la République a suscité des gauloiseries en tout genre. Mais il a aussi engendré un changement d’orientation politique en plein cœur de l’affaire Dreyfus.

CELIA CALLOIS

« Le président de la République a succombé alors qu’il était penché sur les affaires de l’Etat. » Publié par Le Petit Journal à côté d’une illustration montrant le chef de l’Etat étendu sur le canapé du salon bleu de l’Elysée, ce commentaire qui rit sous cape est l’un des plus sobres spécimens du feu d’artifice de gauloiseries qui accompagnent l’annonce de la mort de Félix Faure. Rendre l’âme dans les bras de sa maîtresse, la plantureuse Marguerite Steinheil, dite « Meg » mais qui passera à la postérité comme « la pompe funèbre », voilà qui s’inscrit bien en ligne avec les traditions d’un pays où le vaudeville est roi.

L’après-midi du 16 février 1899 avait paru bien long à Félix Faure, alors âgé de 58 ans. L’appariteur, qui devait faire tinter deux fois la sonnette lorsque sa bonne amie arriverait, était une tête en l’air et au lieu de Marguerite, c’est le cardinal Richard, archevêque de Paris, qui s’annonça. Trop tard : le président avait avalé une de ces pilules – à base de quinquina ou de cantharide officinale, on ne sait – qui lui donnaient du cœur à l’ouvrage. Son chef de cabinet l’avait, ensuite, rattrapé in extremis pour qu’il honore son rendez-vous avec le prince Albert Ier de Monaco, venu plaider la cause de Dreyfus.

Enfin débarrassé des importuns, Félix Faure aurait absorbé une seconde pastille aphrodisiaque, quitte à forcer la dose. Emporté par une hémorragie cérébrale, ce modéré, qui n’en était pas moins mégalomane et n’a guère brillé par ses qualités de visionnaire, aura droit, entre deux bons mots graveleux, à ce jugement de Clemenceau : « Faure est retourné au néant, il a dû se sentir chez lui. »

Défense républicaine

Cette disparition tragicomique intervient dans un contexte politique tendu. Destinataire du « J’accuse » de Zola en 1898, Félix Faure, conservateur fidèle à l’armée, n’a cessé de s’opposer à la révision du procès, malgré des doutes grandissants sur la culpabilité du capitaine Dreyfus dont atteste son journal, publié en 2009. Sa mort fait voler en éclats le statu quo. Organisée en seulement deux jours – un record –, l’élection de son successeur Emile Loubet, proche de la gauche, met en émoi la droite antisémite.

Certains soutiennent que le bon président Faure aurait été assassiné. L’activiste ultranationaliste Paul Déroulède improvise un coup d’Etat. De retour des funérailles présidentielles, il saisit la bride du cheval du général Roget, anti-dreyfusard notoire, alors que celui-ci regagne avec sa troupe la caserne de Reuilly. En vain, il l’exhorte à marcher sur l’Elysée. En juin, au lendemain de l’annulation de la condamnation de Dreyfus, le haut-de-forme du président Loubet est aplati par un coup de canne nationaliste lors d’un steeple-chase à Auteuil.

Pour sortir de la crise, se constitue un cabinet « de défense républicaine ». Présidé par Waldeck-Rousseau, ce gouvernement, qui établira le record de longévité (trois ans) de la IIIe République, va réhabiliter Dreyfus et accentuer la laïcisation de la société française. En trépassant en pleine pâmoison, Félix Faure a accéléré le cours de l’histoire.

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25 août 2020

Naomi Campbell, héroïne d’un portfolio exceptionnel

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Peter Lindbergh, Jean-Paul Goude, Richard Avedon, Steven Meisel, Helmut Newton, Paolo Roversi, Mert & Marcus… Publié à l’origine en édition collector dédicacée limitée à 1000 exemplaires, l’ouvrage “Naomi. Updated Edition” (TASCHEN) rassemble les plus belles photographies du mannequin star dans un format XL.

Le mannequin iconique Naomi Campbell est la star d'un portfolio exceptionnel publié par Taschen réunissant les photograhies des plus grands photographes : Peter Lindbergh, Jean-Paul Goude, Richard Avedon, Steven Meisel, Helmut Newton, Paolo Roversi, Mert & Marcus. Ce recueil contient aussi le récit autobiographique détaillé de Naomi, illustré de couvertures de magazines et de publicités. La panthère revient sur son enfance, les débuts de sa carrière de top model, son travail avec les plus grands stylistes de mode, comme Azzedine Alaïa, John Galliano, Marc Jacobs, Karl Lagerfeld, Gianni Versace, ainsi que sur son ascension fulgurante au rang de star mondiale.

Naomi. Updated Edition, de Josh Baker. TASCHEN.

Relié, avec pages dépliantes, 24,3 x 34cm, 522 pages, et volume complémentaire, 388 pages, dans une boîte.

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25 août 2020

Affaire Navalny : la piste du neurotoxique organophosphoré évoquée pour son empoisonnement

Par Hervé Morin - Le Monde

L’hôpital de la Charité à Berlin, où l’opposant russe est hospitalisé, estime qu’il a été empoisonné par un type de molécules déjà impliquées dans plusieurs attentats.

La thèse de l’empoisonnement d’Alexeï Navalny, l’opposant russe à Vladimir Poutine, prend une consistance supplémentaire. Lundi 24 août, l’hôpital de la Charité de Berlin (Allemagne), où il a été transféré samedi depuis la Sibérie après un malaise survenu l’avant-veille, a fait savoir dans un communiqué que « les résultats cliniques indiquent une intoxication par une substance du groupe des inhibiteurs de la cholinestérase ». En d’autres termes, d’une classe de molécules organophosphorées dont font partie des neurotoxiques puissants tels que le sarin, le soman, l’agent VX ou le « Novitchok ».

Cette dernière molécule avait été mise en cause dans la tentative de meurtre en mars 2018 de l’ex-agent double russe Sergueï Skripal et sa fille Ioulia à Salisbury (Royaume-Uni). Londres avait estimé qu’ils avaient été empoisonnés avec cet agent de conception soviétique. Le VX a, lui, été employé en 2017, lors de l’assassinat à l’aéroport de Kuala Lumpur d’un demi-frère du dictateur nord-coréen Kim Jong-un, Kim Jong-nam.

Le 20 mars 1995, un attentat au sarin dans le métro de Tokyo, fomenté par la secte Aum, avait fait 13 morts et plus de 6 000 blessés. L’utilisation de cette même molécule par le pouvoir syrien en 2013 dans des zones rebelles a été documentée par l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).

La famille des organophosphorés, dont sont tirés ces neurotoxiques, a été découverte par des scientifiques allemands après la première guerre mondiale et diffère de vésicants tels que le gaz moutarde ou l’ypérite utilisée pendant celle-ci. Les organophosphorés ne seront pas employés comme gaz de combat lors du second conflit mondial. Dans le monde civil, on en tirera des pesticides tandis que le développement d’agents innervants se poursuivra pendant la guerre froide.

Dangereux pour la cible et l’utilisateur

Leurs effets redoutables reposent sur l’inhibition quasi irréversible de l’activité d’une enzyme, l’acétylcholinestérase, impliquée dans l’influx nerveux et musculaire. Concrètement, son inactivation se traduit par une contraction musculaire irrépressible, « une excitation de tous les neurones et de tous les muscles », résume Julien Legros, directeur de recherche CNRS au laboratoire Cobra à Rouen, spécialisé dans l’étude des antidotes et des techniques de neutralisation d’éventuels stocks de tels agents. Avec, à la clé, le rétrécissement de la pupille, sécrétions diverses, faiblesse musculaire, paralysie, confusion, coma, apnée, convulsions… Jusqu’à la mort par asphyxie.

Deux anticonvulsivants, l’atropine et le diazépam, peuvent alléger les symptômes, en complément de la pralidoxime, molécule réactivatrice des cholinestérases. Faute d’une réaction rapide, dans les dix minutes qui suivent l’empoisonnement, la barrière hématoencéphalique est franchie et les dégâts neurologiques, en fonction de la dose, peuvent s’avérer irréparables.

De tels agents sont aussi dangereux pour ceux qui veulent en faire usage que pour leur cible. « Une goutte de VX sur la peau tue un homme de 100 kg », rappelle Julien Legros. Leur fabrication nécessite des installations et des moyens gouvernementaux – la secte Aum avait dépensé des millions de dollars pour s’en procurer. « Il faut pouvoir travailler avec des combinaisons avec respirateurs intégrés dont aucun laboratoire académique ou même industriel ne dispose », précise Julien Legros.

En France, seuls les laboratoires militaires sont autorisés à manipuler ce type de produits, dont le développement est interdit depuis une convention internationale de 1997. Les études du laboratoire Cobra sont conduites « sur des analogues qui ont une toxicité moindre, mais qui donnent les mêmes sous-produits », explique Julien Legros.

Saura-t-on précisément quel produit a intoxiqué Alexeï Navalny ? Plus le temps passe, plus les métabolites présents dans son organisme seront dégradés et la piste difficile à remonter. « Si Navalny s’en remet, c’est que ce n’était pas un tel agent neurotoxique. Sinon, c’est sûr qu’il y aura des séquelles », estime Julien Legros.

25 août 2020

Laetitia Casta

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25 août 2020

L’Allemagne confirme l’empoisonnement d’Alexeï Navalny

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Par Benoît Vitkine, Moscou, correspondant, Thomas Wieder, Berlin, correspondant

Le principal opposant au président russe Vladimir Poutine, hospitalisé à Berlin depuis samedi dans un état grave, dispose désormais d’une protection exceptionnelle.

Les médecins allemands ont livré leur diagnostic, et celui-ci confirme la thèse de l’empoisonnement avancée depuis le début par les proches d’Alexeï Navalny : « Les résultats cliniques révèlent une intoxication par une substance du groupe des inhibiteurs de la cholinestérase », a annoncé, lundi 24 août, l’hôpital berlinois de la Charité, deux jours après que le principal opposant au président russe Vladimir Poutine y eut été transféré depuis la ville sibérienne d’Omsk, à bord d’un avion médicalisé affrété par l’ONG allemande Cinema for Peace.

M. Navalny « se trouve dans une unité de soins intensifs et il est toujours dans un coma artificiel », précise le communiqué de l’hôpital, ajoutant que « son état de santé est grave » mais que « sa vie n’est pas en danger ». Pour la suite, les médecins restent toutefois très prudents. Indiquant que la substance précise qui a intoxiqué le malade « n’a pas encore été identifiée », ils reconnaissent que « des séquelles à long terme, en particulier dans le domaine du système nerveux, ne peuvent être exclues à ce stade ». Son coma dure depuis plus de cinq jours.

Le gouvernement allemand n’a pas attendu le verdict des médecins berlinois, rendu public lundi après-midi, pour se prononcer sur la cause de l’état de M. Navalny, victime d’un malaise, jeudi 20 août, à bord d’un vol commercial en Sibérie. « Le soupçon ne porte pas sur le fait que M. Navalny se soit empoisonné lui-même, mais que quelqu’un a empoisonné M. Navalny, et le gouvernement prend ce soupçon très au sérieux », a ainsi déclaré Steffen Seibert, le porte-parole de la chancelière Angela Merkel, lundi matin, face à la presse.

Signe supplémentaire du « sérieux » avec lequel Berlin considère cette affaire : la mise à disposition d’agents de l’Office fédéral de police criminelle (BKA) pour assurer la protection de M. Navalny. « Etant donné qu’il s’agit vraisemblablement d’une attaque au poison, sa protection est nécessaire », a justifié M. Seibert.

Berlin en première ligne

Lundi après-midi, de nouveaux renforts policiers ont ainsi été déployés autour de l’hôpital de la Charité, s’ajoutant à ceux déjà présents depuis samedi matin. Un tel dispositif est exceptionnel : selon une loi de 2017, seuls les membres des « organes constitutionnels » allemands – gouvernement et Parlement – peuvent jouir d’une protection du BKA, ainsi que, « dans des cas très particuliers » des personnalités étrangères « invitées » par l’Etat fédéral.

Sans surprise, la confirmation par les médecins berlinois de l’empoisonnement de M. Navalny a conduit les autorités allemandes à appeler de nouveau Moscou à faire la lumière sur cette tentative d’assassinat et d’en juger les responsables.

« Compte tenu du rôle éminent joué par M. Navalny dans l’opposition politique en Russie, les autorités sur place sont désormais invitées de manière urgente à enquêter sur ce crime dans les moindres détails et ce, en toute transparence », a déclaré Mme Merkel dans une déclaration conjointe avec son ministre des affaires étrangères, Heiko Maas, lundi soir. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a rapidement fait de même.

En recueillant Alexeï Navalny, l’Allemagne se retrouve toutefois en première ligne pour gérer les conséquences de cet empoisonnement. A ce stade, les suites diplomatiques de l’affaire n’en restent pas moins difficiles à mesurer.

« Soutien symbolique aux forces libérales en Russie »

Celle-ci s’ajoute certes à d’autres contentieux très lourds entre Berlin et Moscou, quelques mois seulement après que l’Allemagne eut accusé la Russie d’avoir été à l’origine d’une cyberattaque contre le Bundestag, en 2015, et d’avoir ordonné le meurtre d’un citoyen géorgien d’origine tchétchène dans un parc de Berlin, en août 2019.

« Comme à chaque fois, l’Allemagne réagit en rappelant son attachement aux règles de l’Etat de droit et en apportant un soutien symbolique aux forces libérales en Russie, mais elle se garde de s’immiscer trop directement dans les affaires intérieures russes, car au fond ni Berlin ni Moscou n’ont intérêt à une escalade », tempère Alena Epifanova, chercheuse à la DGAP, un think tank berlinois spécialisé dans l’étude des relations internationales.

Les conclusions de l’hôpital de la Charité sont toutefois un démenti cinglant non seulement aux médecins russes, mais aussi aux manœuvres dilatoires menées par Moscou pour tenter de contenir l’affaire. Un fait significatif : après avoir été saisie dès le matin du 20 août par les proches de M. Navalny, la justice n’a toujours pas ouvert la moindre enquête. Une grande partie de l’énergie déployée par les autorités russes dans les premiers jours suivant l’empoisonnement a consisté à tenir à l’écart la famille et les proches de l’opposant et à diffuser, dans la presse, une multitude de versions alternatives des faits.

« Cela veut dire qu’Alexeï aurait pu être sauvé beaucoup plus vite, a réagi l’une de ses médecins personnels, Anastassia Vassilieva. Nous avions évoqué avec les médecins l’hypothèse des inhibiteurs de la cholinestérase. »

Plusieurs sources, confirmées par le témoignage d’un des médecins envoyés en renfort de Moscou, affirment toutefois que M. Navalny a été traité dès les premières heures avec de l’atropine, soit précisément l’antidote que les médecins allemands ont depuis indiqué utiliser. L’hôpital d’Omsk a toutefois refusé de communiquer à la famille de M. Navalny les traitements utilisés.

Silence du ministère russe des affaires étrangères

Le silence assourdissant gardé par la partie russe est le signe d’un embarras profond, et du caractère inédit des derniers développements. Les députés ou sénateurs qui réagissent d’ordinaire avec célérité aux moindres développements de l’actualité internationale restaient muets, lundi soir. Le silence était aussi de mise du côté du ministère des affaires étrangères.

Les médias, dont certains avaient diffusé ces derniers jours des théories fumeuses sur l’alcoolisme d’Alexeï Navalny ou son régime minceur, jouent désormais les équilibristes. « Navalny s’est finalement empoisonné », titre Vesti, pendant que l’agence RIA fait preuve d’une pudeur singulière en signalant que Berlin demande la lumière « sur la dégradation de l’état de santé d’Alexeï Navalny ».

La réaction la plus ferme est venue des médecins qui se sont occupés de M. Navalny à Omsk. Lundi soir, ils ont assuré avoir cherché sur leur patient « un large éventail de stupéfiants, substances synthétiques, psychodésiques et médicinales, y compris les inhibiteurs de la cholinestérase », et que les résultats avaient été négatifs. Plus tôt dans la journée, ils avaient déjà assuré n’avoir subi « aucune pression » extérieure au cours de leur travail.

Si cette position, qui revient à traiter de manière suspecte les résultats obtenus à Berlin, était reprise au niveau officiel, cela risquerait d’ajouter encore à la tension née de cette affaire dans les relations entre Berlin et Moscou. Lundi soir, la directrice de la chaîne RT, estimait ainsi que « la clinique de la Charité ne pouvait pas dire autre chose que ce qu’on attendait d’elle ».

Un autre article a été très remarqué en Russie, paru celui-là dimanche dans le quotidien Moskvski Komsomolets. Il présente de manière extrêmement détaillée l’emploi du temps d’Alexeï Navalny à Tomsk, où il aurait pu être empoisonné. La divulgation de ces informations, qui n’ont pu être compilées que par les services de sécurité, a été interprétée par les observateurs comme une façon pour ces derniers de clamer leur innocence.

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25 août 2020

Festival Photo de La Gacilly

Festivla Photo La Gacilly (20)

Festivla Photo La Gacilly (21)

Festivla Photo La Gacilly (22)

Festivla Photo La Gacilly (23)

Festivla Photo La Gacilly (24)

25 août 2020

« Je crois que de Ligonnès a refait sa vie ailleurs »

Article de Jacques Chanteau

Auteure d’un livre consacré à l’affaire Dupont de Ligonnès, Anne-Sophie Martin revient sur les révélations des deux numéros de Society portant sur cet incroyable fait divers.

Les deux numéros de Society se sont écoulés à 300 000 exemplaires, contre 47 000 en moyenne habituellement. Pourquoi l’affaire de Ligonnès suscite-t-elle toujours un tel engouement ?C’est une histoire dont on ne connaît pas la fin. Il y a aussi cette famille dorée bon chic bon genre, où tout d’un coup survient l’horreur.

Cela devient fascinant, car les faits divers ne se produisent pas dans ce genre de famille, mais plutôt dans les milieux socialement difficiles.Les deux meilleurs amis de Xavier Dupont de Ligonnès, Michel Rétif et Emmanuel Teneur (lire par ailleurs), ont-ils joué un rôle dans la fuite du tueur  ?

Bien sûr que non. J’ai passé de nombreuses heures avec Michel Rétif, qui était atterré et démonté par ce crime. Quant à Emmanuel Teneur, il m’avait confié : « Je préfère que Xavier se soit suicidé, sinon j’aurais eu envie de le tuer ».

La moitié des policiers, qui ont travaillé sur le dossier, estiment que Xavier Dupont de Ligonnès est mort, tandis que l’autre moitié pense qu’il est encore en vie. Quel est votre sentiment ?

J’ai souvent dit qu’il n’y a pas que la moitié des policiers qui croient qu’il n’est pas mort mais la moitié de tous les gens concernés par le dossier : les magistrats, les avocats, les amis, la famille…

J’ai rencontré plusieurs fois la mère de Xavier Dupont de Ligonnès qui ne pouvait pas croire une seconde à son suicide. Personne de son entourage le plus proche ne pense qu’il a mis fin à ses jours. Même son meilleur ami, Michel Rétif, était sûr qu’il était vivant.

À la fin de leur dossier, les journalistes annoncent que « des enquêteurs vont bientôt mener une opération inédite dans cette affaire et qu’un voyage à l’étranger est prévu ». Savez-vous dans quel pays ?

Non. Je ne vois pas bien d’ailleurs le sens que ça a de laisser ouverte l’enquête puisqu’ils ne trouvent rien et qu’il n’y a pas plus de pistes.

Et continuez-vous à croire qu’il est toujours en vie et peut-être en Argentine, comme vous l’aviez évoqué dans nos colonnes, en septembre 2016 ?

Oui, je crois qu’il est toujours vivant et qu’il a refait sa vie ailleurs. Il a pu se faire une petite cagnotte de quelques milliers d’euros et s’installer quelque part. Il ne se serait pas donné autant de mal s’il avait été dans un état suicidaire. Je crois sa sœur aînée quand elle dit que son frère souhaitait qu’on ne connaisse jamais la vérité et que l’on ne puisse jamais mettre le mot fin, car il ne voulait pas salir le nom de famille.

J’avais cité l’Argentine car je cherchais un endroit où un être intelligent pouvait chercher à se planquer.

Mais aujourd’hui, les spécialistes des services secrets affirment que c’est désormais en Algérie qu’il est plus facile de disparaître. Je pense qu’il n’est pas aux États-Unis car son visage est trop connu. En Europe, il fait l’objet d’un mandat Interpol. Et je ne crois pas qu’il ait fait appel à de la chirurgie esthétique pour changer de visage, car ce n’est pas le genre de personnage à le faire.

Le retrouvera-t-on un jour ?

Je l’espère mais ce n’est pas très bien parti. Je pense qu’ils ont sous-estimé l’adversaire.

« Le Disparu », d’Anne-Sophie Martin (Ring Éditions), sorti en 2016.

xavier dupony

« Ce que vous n’avez jamais lu », promet Society

1 Ses deux meilleurs amis

Emmanuel Teneur et Michel Rétif étaient les deux meilleurs amis de Dupont de Ligonnès. Le premier était amoureux du tueur présumé, mais aurait été éconduit. Les deux hommes s’étaient rencontrés sur l’île de Bréhat (22). Le second aurait participé à « des parties à trois », en compagnie de Xavier de Ligonnès et d‘Agnès, la femme du tueur présumé. Des scènes que ce dernier filmait. Après la disparition du fugitif, Michel Rétif, se suicide, le 2 mars 2018, et Emmanuel Teneur décède d’une crise cardiaque, le 18 janvier 2020.

2 L’église de Philadelphie

Fondée par Geneviève Dupont de Ligonnès, la mère du fugitif, l’Église de Philadelphie a, selon les écrits d’un prêtre repris dans la revue, « toutes les caractéristiques d’un petit groupe sectaire manipulé par une personne malade ». La fille de la fondatrice, Christine, aurait été désignée pour porter dans son ventre le « Sauveur » afin que ses disciples soient protégées « de l’apocalypse ». En 1995, dans un château d’Illifaut (22), Christine, âgée de 29 ans, se serait offerte à tous les hommes présents afin que naisse « Le Sauveur ». Au mois de janvier 2020, le parquet de Versailles a ouvert une enquête pour abus de faiblesse, visant l’Eglise de Philadelphie, dirigée désormais par Christine.

3 Le monastère

Selon le magazine, « les enquêteurs ont toujours cru à la possibilité que Ligonnès se soit réfugié dans un monastère du Var. Ils ont envisagé de les fouiller un par un avant de comprendre qu’il existe des dizaines de confréries et de fraternités. Le juge d’instruction a vite décrété l’opération impossible ».

4 Une « opération inédite » à l’étranger ?

Selon les journalistes de Society, les policiers vont bientôt mener une opération inédite dans cette affaire : « un voyage à l’étranger ».

25 août 2020

Viki Fehner

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25 août 2020

Enquête - Catherine Deneuve et son double

Par Raphaëlle Bacqué

« Catherine Deneuve, derrière l’écran » (2/6). La carrière de l’actrice est indissociable de celle de sa sœur Françoise Dorléac, morte dans un accident de voiture en juin 1967. « A nous deux, nous ferions une femme parfaite », ont-elles coutume de dire au début des années 1960.

Cela fait déjà une bonne heure que Jean-Paul Rappeneau patiente dans ce restaurant de la rue Lincoln où le milieu parisien du cinéma a ses habitudes, à deux pas des Champs-Elysées. A la table voisine, son ami le jeune réalisateur Claude Sautet déjeune avec le documentariste Marcel Ophuls. Plus loin se tiennent des producteurs et des scénaristes. Des amis de la Nouvelle Vague et des gens du « cinéma de papa », comme les premiers disent des seconds.

Tout le restaurant devine qui ce grand escogriffe de Rappeneau espère. Pour le rôle principal de son premier long-métrage, La Vie de château, ce fan de comédie américaine clame partout qu’il n’imagine personne d’autre que « la Katharine Hepburn française : Françoise Dorléac ! ». Nous sommes au tout début de l’année 1964, et le 7e art ignore encore notre héroïne, Catherine Deneuve. Il n’y en a que pour sa sœur.

Depuis le 5 février, les spectateurs font la queue devant les salles pour voir les cascades de Jean-Paul Belmondo dans L’Homme de Rio, un film signé Philippe de Broca, mais dont Rappeneau a coécrit le scénario. L’actrice de 22 ans qui donne la réplique à Belmondo, c’est Françoise Dorléac et le moins que l’on puisse dire, c’est que les critiques et le public l’ont remarquée. Elle est ravissante, drôle, pétulante dans les scènes d’action, avec ce petit quelque chose de moderne et d’émancipé qui plaît tant aux jeunes femmes des années 1960.

Rappeneau adore son débit de mitraillette et son côté très « fille », lui qui a quatre sœurs. Il cherche un rythme à son histoire, celle d’une famille de châtelains partagés entre la séduction d’un beau résistant et la soumission aux officiers nazis occupant leur demeure. Françoise Dorléac sera parfaite.

D’ailleurs, la voilà enfin. Il faut voir cette entrée théâtrale dans le restaurant ! Essoufflée, en jean blanc, les cheveux savamment décoiffés, un minuscule chien sur le bras, juste au-dessus de son sac Kelly, comme Grace Kelly… « Je ne peux pas rester… On m’attend… Cinq minutes à peine… Je suis désolée… C’est fou, cette vie parisienne… » On croirait tout à fait que Cary Grant, James Stewart et tout le Hollywood des comédies dont raffole Rappeneau vont surgir dans son sillage. Françoise s’assied à peine. Réclame un café crème et des chips pour tremper dans le café, de l’eau pour son chien. Annule sa commande. « Dans le scénario, votre Marie, c’est une fille proche de la nature… Moi je la vois pieds nus… Bon, il faut que je me sauve… » Elle est déjà partie.

Avant même de faire connaissance avec Catherine, il faut donc se laisser étourdir par Françoise. Et d’abord descendre à l’Epi Club, une minuscule boîte de nuit tenue par Jean Castel, boulevard du Montparnasse. Au rez-de-chaussée, une épicerie vend des fruits et légumes. Au sous-sol, un bar et une piste de danse. En ce début des années 1960, Rappeneau y va souvent avec ses copains Claude Sautet, Alain Cavalier et Pierre Schoendoerffer, qui rêvent tous de percer dans le cinéma. C’est là, bien avant qu’elle n’explose sur grand écran, que la petite bande a découvert Françoise Dorléac. « C’était une danseuse sensationnelle, se souvient Rappeneau, presque toujours accompagnée de Jean-Pierre Cassel, le seul acteur de sa génération qui sache enchaîner bossa-nova, rock ou madison. »

Avec son air mutin et sa voix grave, on ne voit et on n’entend qu’elle. Françoise n’est pas seulement jolie. Elle est aussi spectaculaire. Extravagante, elle rit trop fort, parle trop haut, cherche le grand amour, la célébrité, la fête et des amis. Pas tout à fait le même genre que Catherine, d’un an et demi sa cadette, qui préfère fumer sur une banquette, à deux pas du bar, plutôt que de se jeter sur la piste du night-club.

Une jeune brune réservée

C’est donc cela, le point de départ. Une jeune brune réservée qui laisse sa sœur sur le devant de la scène. Personne ne peut douter que Françoise Dorléac rêve d’être actrice. « Pas la deuxième ou la troisième… la première ! », a-t-elle lancé à la radio, dès ses débuts. Mais Catherine ? Veut-elle vraiment faire carrière au cinéma ? Partout, elle répète qu’elle a fait ses premiers pas devant la caméra à 17 ans, en 1960, pour une seule et unique raison : le réalisateur Jacques Poitrenaud cherchait pour Les portes claquent une actrice capable de jouer la sœur… de Françoise.

Dans l’aventure, elle a abandonné le lycée Lafontaine, dans ce 16e arrondissement où elle a passé son enfance. « De toute manière, la plupart des gens oublient ce qu’ils ont appris à l’école, c’est ça qui me console. Les femmes surtout… », explique-t-elle benoîtement à Ciné Télé Revue qui vient de publier, en 1962, sa première interview. Ce n’est pas Françoise qui se présenterait ainsi ! Elle est tellement plus affirmée. D’ailleurs, c’est elle qui a conservé le patronyme de la famille, Dorléac. Puisqu’il était convenu que Catherine n’était que de passage dans le cinéma, leur mère, Renée, a proposé pour nom de scène le sien : Deneuve.

« Dès qu’elle sort de la piste de danse, elle devient transparente. Les regards convergent tous vers sa sœur, passant à travers elle comme si elle était transparente », a immédiatement noté Roger Vadim, en croisant Catherine, un soir de septembre 1960, à l’Epi Club. A l’époque, Catherine n’a pas encore 17 ans. Le réalisateur en affiche le double et semble fait pour séduire toutes les femmes.

Attardons-nous un instant sur la longue silhouette de cet homme aux yeux gris, alors qu’il descend sur la piste de danse. De tous ceux qui se pressent ce soir-là dans la boîte du boulevard du Montparnasse, il est sans aucun doute le plus célèbre. Pour le cinéma français, Roger Vadim est une sorte de compagnon frôlant la Nouvelle Vague sans en être. Aux yeux du grand public, il est bien mieux que cela : le découvreur et accessoirement l’ex-mari de Brigitte Bardot, starifiée en quelques pas de mambo par le film qu’il lui a dédié, Et Dieu créa la femme. Avec ses vestes en daim et son regard rieur, il semble incarner l’insouciance des « trente glorieuses », la liberté sexuelle avant Mai 68, la dolce vita version Saint-Tropez.

« Comme un bernard-l’hermite »

On pourrait facilement peindre ce fils de Russes blancs en play-boy un peu fat, avec sa Ferrari 250 GT couleur argent et sa façon de laisser dire qu’il « façonne » les actrices pour en faire des stars. En réalité, le Pygmalion de « BB » vaut mieux que les caricatures. Il est beau, intelligent, drôle. Observateur, aussi. C’est ce qui plaît tant aux femmes : comme Don Juan, il sait leur parler d’elles-mêmes, en faisant mine de s’oublier. Vadim s’est d’ailleurs choisi deux amis de la même étoffe : l’acteur français Christian Marquand et la plus grande star hollywoodienne du moment, Marlon Brando. Lorsque leur trio déambule nonchalamment boulevard Saint-Germain, on croirait de jeunes loups en repérage. Avec eux, la vie paraît facile et pleine d’aventures dont le cinéma offre le fabuleux décor.

Quand il a aperçu Catherine, Roger Vadim n’a pas seulement été frappé par sa façon de se tenir en retrait, presque recroquevillée « comme un bernard-l’hermite ayant perdu sa coquille ». « J’ai aussi été le seul à la trouver plus belle que sa sœur », écrira-t-il plus tard dans ses Mémoires du diable (Stock, 1975). Sur les photos de l’époque, elle est d’une délicatesse absolue en effet avec sa peau diaphane sous une masse de cheveux bruns, son nez fin et droit de statue antique, ses yeux verts pailletés d’or. La pureté divine d’un Botticelli, parfaite et inatteignable. Dès qu’on voit les sœurs « en vrai », cependant, Françoise a indéniablement plus d’éclat, paraît plus vivante.

Seule Catherine peut savoir combien sa sœur, qui entre deux essais joue les mannequins chez Féraud, est complexée. Des heures durant, Françoise Dorléac s’examine devant les miroirs, toujours déçue de ce qu’elle y voit. Son œil gauche est trop petit, sa bouche trop grande, ses cheveux impossibles à coiffer. Elle peut parfaitement renoncer à une soirée parce qu’elle « ne peut vraiment pas sortir avec cette tête-là ! ». Son corps sublime, elle l’affame, le talque soigneusement mais ne le juge jamais à son goût. Catherine affirme l’avoir vue s’évanouir d’angoisse dans la salle de bains tant elle se trouve « épouvantable ». A Pascal Thomas, le futur cinéaste des Zozos, Françoise avoue un jour : « De ma sœur, on disait toujours “Oh, qu’elle est ravissante !” et de moi jamais rien, bien entendu. Un vrai pou, un pou dansant. »

Il y a parfois un peu d’agacement entre elles. Mais pas de vraie jalousie. D’ailleurs, dans la famille, les quatre sœurs sont soudées, surtout les trois dernières. Leur aînée, Danielle, née en 1936 d’une précédente union de Renée avec le comédien Aimé Clariond, est partie dès ses 18 ans vivre dans un studio du boulevard Exelmans, dans le 16e, mais Françoise, née en 1942, Catherine, en 1943, et Sylvie, trois ans plus tard, ont vécu dans la même chambre. Il y a entre elles des milliers de confidences, échangées depuis les lits superposés, dans cet appartement HLM qu’une amie de la famille leur a trouvé, boulevard Murat, à deux pas de la porte de Saint-Cloud.

Jamais Maurice et Renée Dorléac n’auraient cru que les difficultés viendraient de Catherine, habituellement si pondérée. Françoise, oui, leur paraît rebelle. Du reste, elle a été virée du lycée. Catherine, même lorsqu’elle a voulu se fiancer à 15 ans avec un garçon de Seine-Port, cette petite station au bord de la Seine où la famille part se baigner l’été, a toujours été la plus retenue. Et voilà soudain qu’elle menace de se tuer s’ils ne la laissent pas vivre avec Roger Vadim…

La réputation amoureuse de Vadim

Ce n’est pas le saltimbanque qui inquiète les Dorléac. Maurice est lui-même comédien, directeur de doublage des films de la Metro-Goldwyn-Mayer distribués en France. Quant à Renée, elle fait encore de la « synchro » pour la télévision et le cinéma. Non, leur inquiétude tient avant tout à la réputation amoureuse de Vadim.

S’il a épousé Bardot dès qu’elle a eu 18 ans, en 1952, Vadim en a divorcé au bout de deux ans : Brigitte était tombée amoureuse de son partenaire d’Et Dieu créa la femme, Jean-Louis Trintignant. Nouveau mariage avec Annette Stroyberg, une charmante Danoise, lancée dans une adaptation moderne des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos. Deux ans plus tard, elle l’a quitté. Un soir de première, alors qu’un dîner était prévu chez Maxim’s, elle s’est levée de table avant le dessert, a demandé discrètement son manteau et a rejoint son amant, le chanteur Sacha Distel, qui l’attendait au coin de la rue Royale, dans une voiture de sport blanche.

Tous les magazines à sensation de l’époque racontent que les deux jeunes femmes, BB et Annette Stroyberg, s’étaient lassées des multiples aventures de leur mari. Comment leur sage Catherine pourrait-elle donc être heureuse avec un tel séducteur ?

Lorsqu’on plonge dans les journaux de l’époque, Françoise Dorléac apparaît dans les pages théâtre dès 1960 – elle joue alors Gigi, de Colette – et dans la foulée à la rubrique cinéma. « La fiancée numéro trois de Roger Vadim », c’est ainsi que la presse surnomme au même moment la jeune Deneuve. On ne la remarquait pas derrière sa sœur si extravertie. Cette fois, elle disparaît carrément derrière une ombre plus écrasante encore. Car ce « numéro trois » dont elle se retrouve affublée dissimule la véritable gageure : succéder à la numéro une, Brigitte Bardot. Déjà, Annette Stroyberg était constamment comparée à celle qui l’avait précédée.

Le jeu des ressemblances reprend avec la « nouvelle découverte de Vadim ». Catherine, elle-même, a décidé « par amour », dit-elle, de se teindre en blonde et d’adopter la coiffure « choucroute » lancée par BB. Comment mieux proclamer que pour Vadim toutes les femmes sont interchangeables, pourvu qu’elles ressemblent à Bardot ?

En ce début des années 1960, presque toutes les filles de son âge se coiffent ainsi et adoptent les robes vichy. Mais tout de même. Françoise affirme sa personnalité, quand Catherine brouille son identité. « Vous avez un handicap, tout le monde vous compare à quelqu’un d’autre… », note cruellement le journaliste François Chalais qui interroge en 1962 pour la télévision ce « petit personnage », comme il l’appelle méchamment. Elle proteste, bien sûr. Alors, il lui assène de sa voix légèrement traînante cette vérité terrible : « Ce qu’il y a avec vous, Catherine Deneuve, c’est qu’on a l’impression que vous cherchez un style. On voit beaucoup de photos de vous et vous n’êtes jamais pareille. Pardonnez-moi l’expression, mais vous n’êtes pas tout à fait finie. »

Encore dans sa chrysalide

Françoise Dorléac n’aime pas Vadim justement pour cette raison. « Jamais je ne lui pardonnerai ce qu’il lui a fait. Il lui a enlevé l’âme du corps et il l’a remplacée par une autre. Maintenant, elle ressemble plus à Brigitte Bardot et à Annette Vadim qu’à elle-même », confie-t-elle devant un journaliste. C’est vrai, Deneuve est encore dans sa chrysalide. Vadim l’a propulsée en 1963 dans son nouveau film, Le Vice et la vertu, adaptation libre des œuvres du marquis de Sade, coécrit avec l’écrivain Roger Vailland.

C’est un navet d’un érotisme kitsch où des jeunes filles sont livrées aux désirs d’officiers nazis. Annie Girardot y incarne le vice, Catherine, la pureté vertueuse. A l’écran, elle est raide comme une jolie poupée. « J’ai fait de Brigitte et d’Annette ce qu’elles sont et je ferai la même chose pour Catherine. J’agis ainsi en partie pour m’affirmer moi-même et en partie pour affirmer mon amour pour elles », proclame Vadim dans Ciné Revue comme s’il parlait d’un cheptel… Moyennant quoi, seule Annie Girardot, déjà sacrée en 1960 par Rocco et ses frères de Visconti, paraît émouvante. « Catherine Deneuve est une “vertu” plutôt pâlotte », juge le critique du Monde. « Positivement inexistante tant elle est fade », assènent Les Lettres françaises.

Nous en sommes donc là. Des deux sœurs, l’une multiplie les rôles au théâtre et au cinéma pour bâtir la carrière dont elle rêve, l’autre saisit en dilettante les chances qui passent. C’est peu de dire que le destin est généreux avec elle en mettant sur sa route Jacques Demy. Depuis 1961, le réalisateur de 29 ans travaille avec son « frère de création », le compositeur Michel Legrand, sur un projet de comédie musicale.

L’histoire doit se dérouler à Cherbourg, sur fond de guerre d’Algérie, et mettre en scène une jeune fille, Geneviève, et son amoureux, Guy, bientôt appelé du contingent dans les Aurès. Enceinte de lui, Geneviève renonce à l’attendre pour un mariage de convenance qui légitimera son enfant. Autant dire que Demy entend aborder deux des tabous de la société : cette guerre dans laquelle la France s’enlise, et les contraintes qui pèsent sur la plupart des jeunes gens dans ce pays conservateur où la pilule n’est pas autorisée et l’avortement proscrit. Une sorte d’anti-Vadim…

L’apprentissage des injustices de la vie

Alors que la critique a rangé Catherine Deneuve dans la catégorie des jolies utilités, Jacques Demy l’a repérée dans un film aujourd’hui oublié, L’Homme à femmes (1960) de Jacques-Gérard Cornu. Elle y jouait un tout petit rôle, mais c’était celui de la nièce de Danielle Darrieux, l’idole du cinéaste. Pour sa Geneviève, il a d’abord pensé à la chanteuse Sylvie Vartan, mais en 1963, maintenant qu’il a réuni l’argent nécessaire, il revient vers Catherine Deneuve.

Plus de maquillage trop appuyé, a-t-il insisté. Sur la suggestion de son épouse, la cinéaste Agnès Varda, il a aussi demandé à Catherine d’abandonner sa frange et sa coiffure choucroute. Elle doit redevenir ce qu’elle est, une fille de 20 ans qui ne ressemble pas à Bardot mais aux demoiselles de province rêvant d’amour.

Comme son personnage, Catherine est enceinte, justement. Avoir un enfant hors mariage, même Bardot n’avait pas osé. « Une fille dans votre position ne devrait-elle pas se préoccuper de régulariser sa situation ? », lui demande-t-on en interview. C’est dire si le scénario des Parapluies raconte l’époque… Le 18 juin 1963, « mademoiselle Deneuve », comme le souligne la presse, a accouché d’un garçon que Roger Vadim a tenu à prénommer Christian, comme son ami Marquand et comme le fils de Brando. Deux mois plus tard, le tournage des Parapluies de Cherbourg a débuté.

Pareil projet aurait pu faire peur à Catherine Deneuve : après tout, on n’y entend jamais sa voix, elle est entièrement doublée. Il faut minuter chaque scène afin que les acteurs et leur doublure « chant » soient synchrones. Mais le tournage est un enchantement. « Un état de grâce », d’après Catherine. La productrice, Mag Bodard, n’est pas seulement intelligente et audacieuse. Elle est aussi la maîtresse tout ce qu’il y a de plus officiel de Pierre Lazareff, le très influent patron de France-Soir, le plus puissant quotidien de l’époque. Grâce à lui, les problèmes de financement ont été réglés en quelques mois, et Demy et son actrice principale bénéficient de la meilleure exposition médiatique possible.

Jusque-là, jamais les deux sœurs ne s’étaient vraiment retrouvées en compétition. Mais en cette année 1964, Les Parapluies de Cherbourg remporte la Palme d’or au Festival de Cannes. Catherine est partout, sur la Croisette et dans les journaux. A l’inverse, La Peau douce, de François Truffaut, dont Françoise Dorléac est l’héroïne avec Jean Desailly, est éreinté par la critique. Françoise n’a pourtant jamais eu de rôle si profond. Truffaut, qui, comme souvent avec les actrices, en est tombé amoureux, n’a pas seulement filmé sa sensualité et son exubérance, il a aussi saisi un peu de la fêlure de son âme.

C’est l’apprentissage des injustices de la vie. Que Catherine connaisse le succès sans l’avoir voulu provoque chez Françoise une meurtrissure profonde. « Cela a terni mon plaisir », confiera plus tard Catherine Deneuve. Mais ce chagrin ne les fâche pas. Trop de complicité et de souvenirs d’enfance les lient. Et puis, si Deneuve est heureuse professionnellement, sa vie privée bat de l’aile. « J’aime les chenilles, pas les papillons », reconnaît Roger Vadim, comme s’il ne supportait pas le triomphe de sa compagne. Le cinéaste ne cache plus qu’il aime ailleurs. Françoise Dorléac, qui jouait un rôle mineur dans son nouveau film, La Ronde, n’a pu que le voir s’éprendre de la belle Américaine Jane Fonda.

« Elle est la tête, moi les jambes »

Est-ce elle, Françoise, qui a rapporté à sa sœur la rumeur du tournage ? Quoi qu’il en soit, cette humiliation les a rapprochées. A nouveau, elles sortent ensemble dans les boîtes de nuit, l’une sur la piste de danse, l’autre fumant sur une banquette. « On était comme un couple, j’étais comme son mari », a dit Catherine Deneuve, interrogée par Laure Adler pour « A voix nue », sur France Culture. « Elle, c’est la tête, moi, les jambes », s’amuse à l’époque Françoise Dorléac. « A nous deux, nous ferions une femme parfaite », rient-elles de concert. Elles ne croient pas si bien dire : c’est comme si le cinéma était tombé amoureux des deux sœurs. Michel Deville, Roman Polanski, Philippe de Broca, François Truffaut, les réalisateurs ayant engagé Dorléac se tournent désormais également vers Deneuve et réciproquement.

Jean-Paul Rappeneau, lui, n’a jamais réussi à revoir Françoise après le fameux rendez-vous expédié de la rue Lincoln. Nicole Stéphane, sa productrice pour La Vie de château, lui propose alors : « Et pourquoi pas sa cadette ? Elle est jolie, parle avec le même débit de mitraillette et depuis Les Parapluies, c’est elle qui a du succès. » Lorsque le réalisateur appelle Françoise Dorléac pour lui apprendre la nouvelle, elle rétorque simplement : « Si c’est ma sœur, ça va. » Pour la première scène, où Catherine apparaît, étendue dans un hamac, le réalisateur se souvient cependant du conseil de Françoise qui voyait son héroïne jouer pieds nus : « Pourriez-vous enlever vos espadrilles ? » C’est comme si l’esprit de Dorléac flottait sur Deneuve…

Evidemment, le subtil Jacques Demy ne peut qu’être frappé par la complicité de leur duo et cette façon qu’a l’une de terminer la phrase commencée par l’autre. Après le succès des Parapluies, il s’est lancé dans l’écriture d’une autre comédie musicale. Sa première version des Demoiselles de Rochefort devait s’intituler Boubou, le nom du petit frère des jumelles du film, mais plus il voit les sœurs Dorléac-Deneuve, plus il est clair qu’elles domineront son histoire. Tous les dialogues ont été écrits pour le rythme et le phrasé si particulier du duo.

Un moment précieux

Ce tournage est un moment précieux. Après avoir passé plusieurs semaines à répéter ensemble à Londres, sous la direction du chorégraphe irlandais Norman Maen, Catherine et Françoise se sont installées dans le même hôtel, au bord de la mer, à la sortie de Rochefort. C’est presque comme si elles se retrouvaient dans les lits superposés de leur chambre d’enfant, au temps où elles étaient les filles Dorléac. Des moments d’autant plus précieux qu’ils seront les derniers et éclatants témoignages de leur tendresse partagée.

Que ce serait-il passé si, le 27 juin 1967, dix mois après la fin du tournage des Demoiselles, Françoise n’était pas morte à 25 ans, dans un terrible accident de voiture ? Aurait-elle plu « de plus en plus », comme le prédisait Truffaut, qui voyait en « Framboise », comme il l’appelait, « un visage et un corps construits en dur et pour durer » ? Catherine aurait-elle mené la même carrière ? « Si elle était là, il y a des films que je n’aurais pas faits… », a-t-elle dit un jour, comme si les cinéastes l’avaient parfois choisie pour « remplacer » son aînée, ce double d’elle-même.

Pendant longtemps, cette douleur, ce sentiment d’usurpation qui pèse sur les épaules des survivants ont littéralement rendu impossible toute évocation de Françoise par Catherine. Elle était comme assommée. Incapable de parler de cette « déchirure » au cœur même d’un duo si soudé. Sur les photos prises sur le tournage de Benjamin ou les mémoires d’un puceau, le réalisateur Michel Deville voit encore aujourd’hui les marques d’« infinie tristesse » sur le visage de Catherine Deneuve. C’est là qu’elle a appris la mort de sa sœur. « Le deuil est asphyxiant, et les impératifs de production ne lui ont pas laissé le temps de reprendre son souffle. Elle ne l’a d’ailleurs pas demandé, se souvient le cinéaste. Peut-être que les contraintes du tournage et l’obligation de jouer l’ont tenue au bord du précipice. »

Deneuve s’est noyée dans le travail. La longue liste de films des dix années suivantes – 26 longs-métrages, enchaînés les uns à la suite des autres –, c’est le deuil de Françoise. Quelques mois après le drame, son agente, Giovannella Zannoni, lui avait demandé : « Ne pensez-vous pas que vous pourriez reprendre votre nom ? » Elle y a renoncé. Sur ses papiers d’identité figure bien le nom de la famille. Mais pour le cinéma, Catherine reste Deneuve. Dorléac désigne à jamais sa sœur.

24 août 2020

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