Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

Jours tranquilles à Paris

30 août 2020

Le risque sismique est-il sous-évalué en France ?

seisme france

Article de Martin Vaugoude

Très superficiel et provoqué par une faille qu’on pensait inactive, le tremblement de terre qui s’est produit au Teil, en novembre 2019, pourrait conduire à une réévaluation du risque sismique en France.

Le 11 novembre 2019, un séisme de magnitude 5 frappe le village du Teil et ses environs, dans la vallée du Rhône, en Ardèche. La secousse ne fait pas de morts, mais marque les esprits par son intensité et les dégâts occasionnés. Des bâtiments se fissurent, des toits sont éventrés, l’église du XIe siècle et son clocher sont fragilisés. La proximité des centrales nucléaires de Cruas et de Tricastin ajoute à l’émotion.

« Une telle magnitude n’est pas si rare. La particularité de ce séisme, c’est son caractère très superficiel », explique le géologue Stéphane Baize, coauteur d’une étude parue jeudi dans la revue Communications, Earth and Environnement.

Les scientifiques estiment l’initiation du séisme (le foyer) autour d’un kilomètre de profondeur, contre cinq à dix kilomètres habituellement. C’est pour cette raison que les populations l’ont ressenti aussi fortement. « On a même vu sortir la faille en surface, c’est une des premières fois qu’on voit ça en France », raconte Stéphane Baize, actuellement sur le terrain pour mieux comprendre ce qui est arrivé, dans le cadre de la mission d’expertise coordonnée par le CNRS.

Si une origine humaine (l’exploitation d’une carrière) a été évoquée pour le déclenchement du séisme, les chercheurs ont depuis pu montrer que celui-ci est dû à la réactivation tectonique de la faille de La Rouvière, héritée d’une phase d’extension, il y a 20 à 30 millions d’années, avec un déplacement moyen du sol de dix centimètres verticalement et de l’ordre de dix centimètres horizontalement. Ce qui soulève pas mal d’interrogations et pourrait conduire à une réévaluation du risque sismique en France.

« Cette faille, on ne la connaissait pas comme active. Cela pose plein de questions sur l’état de nos connaissances. Nous cherchons à comprendre pourquoi elle nous avait échappé. Parce qu’elle était vraiment inactive ou par manque d’études ? », s’interroge Stéphane Baize.

Le risque zéro n’existe pas

D’autres failles anciennes risquent-elles de se réveiller et produire des dégâts comparables à ceux observés au Teil ? Pour mieux estimer cette probabilité, plusieurs équipes françaises ont entamé des investigations. Les recherches n’en sont qu’à leur commencement. Concernant l’ouest de la France, Stéphane Baize souligne que « la zone sud-armoricaine est au moins aussi active que la zone du Teil. La différence, c’est que les séismes y sont généralement moins superficiels ».

Impossible d’être catégorique cependant, car explique le géologue, « un des problèmes de l’étude des séismes, c’est qu’on a souvent beaucoup d’incertitudes sur leur profondeur, les instruments étant, la plupart du temps, en réseau trop lâche pour bien la mesurer ».

Certains gros tremblements de terre du passé (dans le marais breton vendéen en 1799 ou à Jersey en 1926…) sont là pour le rappeler. En matière de séismes, le risque zéro n’existe pas.

Publicité
30 août 2020

Glamour

jaime88

jaime89

29 août 2020

Meulière des Dupont de Ligonnès, chalet des Flactif, château de Fourniret…

Des maisons, des crimes, et des déboires immobiliers

Par Isabelle Rey-Lefebvre

Les faits divers sanglants collent souvent aux murs des maisons dont ils ont percuté l’histoire. Ces décors de crimes célèbres peuvent devenir de lourds fardeaux pour leurs propriétaires.

Maison des Dupont de Ligonnès à Nantes, chalet de la famille Flactif au Grand-Bornand (Haute-Savoie), château de Michel Fourniret dans les Ardennes… Les faits divers sanglants ont souvent une adresse.

Appartement, maison, rue, village conservent, avant que le temps ait mis le traumatisme à distance, le souvenir des drames. Les demeures qui ont été le décor d’un crime peuvent devenir d’encombrants fardeaux dont les propriétaires subissent la célébrité malsaine, quand elles ne sont pas, en plus, otages d’une procédure judiciaire sans fin.

« Les maisons ont une âme, en général belle, que l’on met en valeur en conservant, par exemple, des éléments d’architecture, des ornements du passé, témoins de la vie qu’elles ont abritée », estime Chantal Lenoan, conseillère en immobilier à Nantes, installée à quelques rues de la maison où résidait la famille Dupont de Ligonnès – le père, Xavier, est soupçonné d’avoir froidement assassiné sa femme et ses quatre enfants, début avril 2011, avant de les ensevelir sous la terrasse. « Il est évident que cette adresse a un gros passif. Moi, je ne pourrais pas y vivre… », ajoute-t-elle.

« Devoir de transparence »

La maison nantaise, d’allure classique, en meulière, de 100 m2 sur jardin, dans un quartier sagement bourgeois avec écoles privées et près du centre-ville, a été louée par la famille Dupont de Ligonnès jusqu’au drame. Restée inhabitée durant quatre ans, elle a été cédée une première fois en 2015 par ses propriétaires, au prix de 260 000 euros, bien inférieur au prix du marché, plus proche de 450 000 euros.

Remise en vente début 2019 après une rénovation complète, elle n’a pas tout de suite trouvé preneur, provoquant des désistements en série. « Un jeune couple avec un enfant s’était positionné pour l’acheter mais, ne se voyant pas lui expliquer toute l’histoire, dont forcément il aurait entendu parler à l’école par ses petits copains, ce couple a renoncé », se souvient Nicolas Retiere, conseiller du réseau Safti Immobilier, installé à proximité.

Et d’ajouter, amer : « De notre côté, nous devons dévoiler l’histoire aux clients, envers qui nous avons un devoir de transparence, a fortiori s’ils nous posent la question. Mais, selon moi, les journalistes, en médiatisant indéfiniment les affaires, notamment celle-ci, en se plantant devant la maison pour la photographier, harceler les voisins, sont aussi responsables de la persistance de sa mauvaise réputation. »

Cette affaire, loin d’être close, puisque le principal suspect n’a pas été retrouvé, revient en effet souvent sous le feu de l’actualité, suscite des émissions de télévision ou, plus récemment, une enquête remarquée du magazine Society, objet de plusieurs tirages cet été.

La vente du logement occupé par les Dupont de Ligonnès, proposé à 479 000 euros, a finalement été conclue, en juin 2019, au prix de 413 350 euros, selon les données publiques. « Ce type de maison bourgeoise avec jardin, dans ce secteur de Nantes, part d’habitude beaucoup plus vite, en quelques jours, et pour plus cher. Ce bien est compliqué à vendre… », résume Thomas Le Masson, agent immobilier basé dans le quartier.

« Ce n’est pas notre histoire »

Diane Floch, 59 ans, habite depuis 2004 la maison de Prévessin-Moëns (Ain) où Jean-Claude Romand, faux médecin prétendant être employé par l’Organisation mondiale de la santé à Genève a, le 9 janvier 1993, tué sa femme et ses deux enfants – il a également assassiné ses parents, à environ 80 kilomètres de là, et tenté de tuer sa maîtresse, en région parisienne – puis déclenché un incendie.

« Cette ancienne fermette est dans ma famille depuis 1798, explique Mme Floch. Ma grand-mère y a vécu, mes arrière-grands-parents y tenaient un café à l’époque où Prévessin n’était qu’un petit village de 400 habitants. » Prévessin-Moëns en compte aujourd’hui 8 300 et est devenue une banlieue résidentielle de Genève, où se pressent travailleurs frontaliers et fonctionnaires internationaux – ce que prétendait être Jean-Claude Romand.

« C’est une population de passage, qui se renouvelle tous les trois ans et n’est guère attachée au pays de Gex, souligne Mme Floch, conseillère municipale très investie dans la vie de sa commune, dont elle connaît bien l’histoire. Je l’ai aussi habitée, cette maison, lorsque j’étais étudiante aux Beaux-Arts, avant que mon oncle la loue, brièvement et sans formalités, entre 1991 et 1993, à la famille Romand. Donc Romand, ce n’est pas notre histoire et j’en ai d’ailleurs ras-le-bol d’en entendre parler. »

Après le drame et l’incendie, le temps que la lente procédure s’achève par la condamnation de Jean-Claude Romand et sa mise en détention, en 1996, la maison est restée vide, mal bâchée, prenant l’eau. Diane Floch l’a rachetée en l’état à sa tante, en 1998.

« Nous avons, avec mon compagnon d’alors, réalisé les travaux à deux, triplé la surface en rendant les granges habitables. On a tout fait de nos mains, sauf le toit et l’électricité, et nous avons pu emménager en 2004, avec nos quatre enfants. Moi, je la défends cette maison, on s’y sent bien, je la trouve joyeuse. On a un grand jardin, dont 800 m2 accueillent un potager collectif ouvert aux gens du village », raconte-t-elle.

« ON EST ENQUIQUINÉ PAR DES JOURNALISTES OU PAR DES FOUFOUS QUI VEULENT BRÛLER LA MAISON, DES TOURISTES QUI VEULENT LA VISITER », S’AGACE MME FLOCH.

La sortie de prison, en juin 2019, de M. Romand a – tout comme le récit L’Adversaire d’Emmanuel Carrère paru en janvier 2000, aux éditions P.O.L, puis l’adaptation cinématographique de Nicole Garcia, sortie en 2002 – remis ce fait divers dans l’actualité et ravivé la curiosité. « A chaque fois, on est enquiquiné par des journalistes ou par des foufous qui veulent brûler la maison, des touristes qui veulent la visiter, voir si le cerisier qu’ils ont vu dans le film L’Adversaire est toujours là… Quand ce n’est pas un présentateur télé qui veut envoyer un médium ! », s’agace Mme Floch.

Les désagréments ne s’arrêtent pas là : « Les enfants aussi ont été questionnés par leurs copains d’école, certains ne voulaient pas venir dans cette “maison pleine de fantômes”… Moi, les fantômes, je les sens bienveillants, je vis en bonne intelligence avec eux. Dans toutes les maisons anciennes, forcément, il y a eu des morts ! »

Pour rassurer son entourage, Mme Floch a, pratique habituelle dans le pays, fait appel lors de son emménagement à un « guérisseur du Jura, un coupeur de feu qui a nettoyé la maison à la sauge et l’a déclarée saine », se rappelle-t-elle.

Déprécié de 25 %

A une heure et demie de route de là, dans les montagnes des Aravis, d’autres fantômes rodent. « Cet établissement n’est généralement pas disponible. Vous avez de la chance ! », indique le site de réservation touristique en ligne Booking.com, en réponse à une requête pour louer, à la dernière minute du 15 au 22 août, le chalet Les Laurencières, au Grand-Bornand (Haute-Savoie)

Tout de bois clair, luxueusement aménagé pour accueillir, dans ses 230 m2 et ses sept chambres, jusqu’à dix-huit personnes à la fois, avec sa grande terrasse et les vues sur la chaîne de montagnes des Aravis, la maison a vu le massacre, en avril 2003, de la famille Flactif, les parents et leurs trois jeunes enfants, par des voisins jaloux, rapidement identifiés et condamnés.

L’enquête close, les parents et héritiers de Xavier Flactif, promoteur qui avait fait construire ce chalet, l’ont récupéré et mis aux enchères, le 11 juin 2009. Expertisé 825 000 euros en 2006, puis déprécié de 25 % pour « faits criminels », il a été emporté à 315 000 euros par un couple de retraités belges.

« Nous prévenons bien sûr les locataires de ce qui s’est passé ici, mais ce beau chalet, qui a fait l’objet d’une rénovation complète, se loue très bien, 2 500 euros la semaine en été, 5 000 euros en hiver, plutôt à une clientèle internationale », rassure David Gidet, d’Aravis Holidays Immobilier, agence spécialiste des grands chalets, chargée de la gestion de celui des Laurencières.

Est-ce cependant une bonne affaire ? A consulter les plates-formes de réservation, Airbnb, Expedia, Abritel et le site d’Aravis Holidays, le gîte, bien que loué depuis 2011, suscite peu de commentaires de vacanciers, voire quelques réflexions dissuasives de personnes qui n’y ont pas séjourné : « Même gratuitement, on ne dort pas dans le chalet où une famille a été massacrée », lance une internaute.

« Les crimes, surtout de sang, suscitent dans un premier temps une émotion collective, des attroupements, une fascination liée à la violence, notamment s’ils se sont déroulés dans une maison, lieu d’intimité et de sécurité », observe Dominique Kalifa, historien. Cet auteur de nombreux ouvrages, dont Atlas du crime à Paris. Du Moyen Age à nos jours (avec Jean-Claude Farcy, Parigramme, 2015), voit cela comme un rite nécessaire : « Depuis le XIXe siècle et le développement de la presse grand public, les journaux parlent de “drame”, de “scandale”, retraçant en détail le parcours de l’assassin, croquis, dessins puis photos à l’appui. Cette médiatisation est nécessaire pour que le crime existe, et l’émotion peut durer longtemps, marquer les lieux comme lorsque Balzac, dans [son roman] Ferragus, désigne des “rues assassines”. »

« Un aléa de la vie »

Pour arriver au château du Sautou, il faut, depuis Donchery (Ardennes), parcourir des kilomètres de forêt avant de s’engager dans une longue allée privée de plus de 600 mètres. La bâtisse, flanquée de deux tourelles, a été érigée en 1871 par le maire et député radical-socialiste de Charleville-Mézières, Georges Corneau, qui en fit un rendez-vous de chasse au milieu de quinze hectares de forêt. C’est une des demeures du tueur en série Michel Fourniret, isolée à souhait pour y enterrer des victimes – au moins deux y ont été identifiées.

Voir débarquer une armada de gendarmes et d’experts venus, sur réquisition judiciaire, retourner le parc et la forêt alentour ne doit pas être un moment très joyeux pour les propriétaires », admet Didier Seban, avocat de plusieurs victimes du tueur. Il est, notamment, le conseil des parents de la jeune Estelle Mouzin, disparue depuis le 9 janvier 2003. Monique Olivier, l’ex-femme de Michel Fourniret, vient récemment de le désigner devant la justice comme le tueur.

Fourniret avait acheté la propriété en 1989 pour 1,2 million de francs (soit environ 292 000 euros, en tenant compte de l’inflation), payés en liquide avec une partie du trésor du « gang des postiches », dont il avait découvert la cachette grâce à la confidence d’un codétenu. Il l’a occupée peu de temps, redoutant, non pas la police qui n’était pas encore à ses trousses, mais les représailles des membres de ce gang. Elle fut revendue, dès 1991, à un couple d’Ardennais qui en a fait un gîte de luxe.

En 2003, le château est à nouveau cédé, pour 500 000 euros, à la société civile immobilière familiale d’un couple de pharmaciens belges habitant tout près, de l’autre côté de la frontière, près de Namur. A cette époque, nul ne se doute du parcours criminel de Fourniret ni n’imagine que ce coin de forêt des Ardennes recèle tant de secrets. « C’est un aléa de la vie qui nous est tombé dessus », confie, philosophe, la pharmacienne belge, qui ne veut pas en dire plus. Même discrétion à la mairie de Donchery et chez les agents immobiliers du cru.

Imbroglio juridique

Nul crime de sang, en revanche, au château Martel, près du joli village classé de Monflanquin (Lot-et-Garonne), mais un fait divers glaçant qui a marqué la mémoire collective. Un huis clos infernal où onze personnes d’une même grande famille de l’aristocratie bordelaise, les de Védrines, ont été, entre juin 2001 et octobre 2009, soumis, dans cette demeure puis dans une autre propriété familiale à Oxford (Angleterre), à l’emprise d’un gourou, Thierry Tilly. Ce dernier les a manipulés et spoliés, leur faisant vendre tous leurs biens pour un total estimé de 4,5 millions d’euros, dont ce château de 1 000 m2 et son parc d’agrément de 1,7 hectare.

Le tourmenteur a été condamné, le 4 juin 2013, à dix ans de prison ferme par la cour d’appel de Bordeaux et les de Védrines, rétablis, ont voulu racheter le château Martel, « berceau de la famille depuis 1732, précise leur avocat, Daniel Picotin. Le récupérer est donc une affaire d’honneur plus que d’argent ».

Mais la bâtisse est depuis dix ans au cœur d’un imbroglio juridique toujours pas dénoué. Estimée à 850 000 euros, elle a été vendue une première fois, en janvier 2008, au prix décoté de 460 000 euros, du fait de son occupation passée par la famille, à la SCI YIFE de Soufiane Besbes, sur ordre du gourou et selon « un montage juridique particulièrement déséquilibré, à la défaveur des consorts de Védrines », précisent les magistrats de la cour d’appel d’Agen dans leur arrêt du 17 décembre 2015, qui annule cette vente.

Mais entre-temps, le 20 juin 2009, le château a été cédé une seconde fois, pour 540 000 euros, à une jeune femme venue du Calvados et souhaitant s’installer à Monflanquin avec conjoint et enfant. Or, dans le même arrêt, la cour d’appel d’Agen non seulement n’annule pas cette seconde vente, mais la conforte, considérant la nouvelle propriétaire « de bonne foi », exonérant au passage de toute faute professionnelle le notaire des deux ventes, Me Jean-Jacques Boué.

Les de Védrines se sont donc pourvus en cassation. La décision est attendue en septembre. « Ma cliente, la propriétaire et occupante actuelle, regrette évidemment cet achat, explique son avocat, Basile Mery-Larroche, car elle est, depuis plus de dix ans, non seulement importunée par des journalistes, des touristes, des curieux, mais surtout bloquée dans ses projets, ne pouvant ni se lancer dans des travaux, ni revendre en raison de la procédure même, signalée aux hypothèques et qui risque de remettre en cause son statut de propriétaire. »

29 août 2020

Mario Testino - photographe

mario testino

29 août 2020

Récit - Emmanuel Macron ressuscite François Bayrou en haut-commissaire au Plan

Par Audrey Tonnelier, Olivier Faye

Le chef de l’Etat a annoncé, vendredi, la nomination le 3 septembre du président du MoDem à la tête du Haut-Commissariat au Plan et à la prospective, malgré sa mise en examen dans l’affaire des assistants du parti centriste.

C’est un morceau de l’ancien monde qui fait irruption dans le nouveau. Le Haut-Commissariat au Plan, vestige de l’après-guerre, créé en 1946, doit être ressuscité le 3 septembre en conseil des ministres, en même temps que la présentation du plan de relance pour le pays, a annoncé Emmanuel Macron devant l’Association de la presse présidentielle, vendredi 28 août. Une double renaissance, puisque le chef de l’Etat a confié à son allié François Bayrou le soin de réveiller cette institution mise en sommeil depuis le début des années 1990.

Le président du MoDem était sorti du gouvernement en juin 2017 à cause de l’affaire des assistants présumés fictifs de son parti au Parlement européen. L’annonce n’est pas que symbolique. Si la nomination du maire de Pau, dans les tuyaux depuis début juillet, s’est fait attendre tout l’été, c’est parce que cette fonction revêt un caractère transversal dans l’action de l’exécutif. La définition de son périmètre a donné lieu à d’intenses tractations avec le premier ministre, Jean Castex, désireux de ne pas voir le centriste se muer en chef du gouvernement bis.

Un ministre résumait, au cœur de l’été, le problème posé par ce retour de la planification au sommet de l’Etat. « Ce Commissariat au Plan interroge le rôle du premier ministre. Est-ce que cette institution est uniquement un organisme de réflexion, ou bien intervient-elle sur tous les ministères ? Si le Plan est impératif, ça veut dire que le commissaire au Plan est au niveau du premier ministre », estimait alors ce membre du gouvernement.

« Vision de long terme »

Or, François Bayrou ne cesse de répéter en privé qu’il veut rétablir la « philosophie d’origine » de la fonction. Jean Monnet, premier titulaire du poste en janvier 1946 sous l’égide de Charles de Gaulle, à l’époque président du gouvernement provisoire de la République française, avait pour mission de moderniser le pays et son économie sur la base de plans quinquennaux, en associant fonctionnaires, ingénieurs, chercheurs et partenaires sociaux. « Il avait un décret d’attribution très étendu. Le premier plan fut adopté en conseil des ministres », rappelle le secrétaire général du MoDem, Jean-Noël Barrot, qui a envoyé une note sur le sujet à l’Elysée.

De son côté, Jean Castex voit le Haut-Commissariat au Plan comme un moyen de « rééclairer l’action publique d’une vision de long terme ». « Il faut recréer des outils de prospective », a-t-il défendu, le 8 juillet, en assurant que sa « seule préoccupation, c’est l’action face à la crise qui arrive ». Une vision partagée par le chef de l’Etat. « On a besoin d’avoir au service du président de la République et du gouvernement une instance qui réfléchit à plus long terme et avec moins de contraintes, en connaissant le pays », a souligné Emmanuel Macron, vendredi.

Après l’abandon des plans quinquennaux au début des années 1990 – le dernier s’acheva en 1992 –, le Commissariat a vu son influence décroître ces dernières années, son rôle étant recentré sur une fonction d’expertise. Baptisé, en 2006, Centre d’analyse stratégique, puis, en 2013, France Stratégie, il a connu un bref regain de notoriété à la faveur du passage à sa tête (2013-2017) de l’économiste Jean Pisani-Ferry, avant que ce dernier ne rejoigne l’équipe de campagne du candidat Macron à la présidentielle.

« Une guerre Castex-Bayrou »

Aujourd’hui, François Bayrou souhaite que les différentes agences chargées de la prospective lui soient rattachées. Le secrétariat pour l’investissement ou encore le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), successeur de la Datar, sont aujourd’hui sous l’autorité de Matignon. Un conseiller ministériel résume la chose crûment : « Il y a une guerre Castex-Bayrou. Castex ne peut pas accepter un Etat dans l’Etat. »

LE MAIRE DE PAU A DÉJÀ OBTENU GAIN DE CAUSE SUR UN POINT CRUCIAL : SON POSTE SERA RATTACHÉ DIRECTEMENT À L’ELYSÉE, ET PAS À MATIGNON

Le Béarnais pourrait devenir un rival potentiellement encombrant, aussi, aux yeux du ministre de l’économie, Bruno Le Maire, chargé de conduire la relance.

Le maire de Pau a déjà obtenu gain de cause sur un point crucial : son poste sera rattaché directement à l’Elysée, et pas à Matignon. Une manière, plaide-t-il, de ne pas apparaître comme une instance gouvernementale et de battre en brèche toute idée de concurrence avec le premier ministre. Dans son esprit, le président de la République est celui qui définit le temps long, là où le chef du gouvernement s’attache à la gestion quotidienne des affaires de l’Etat. Rien de plus logique, donc, que de rendre des comptes au premier, et pas au second. D’autant que cette renaissance du Plan est avant tout une volonté du chef de l’Etat.

L’idée est réapparue à la faveur de l’épidémie de Covid-19. Au printemps, l’Elysée faisait valoir que cette crise inédite rebattait les cartes de la mondialisation et ébranlait les fondements du libre-échange. Le manque de masques ou de médicaments, produits pour la plupart en Chine, a remis au centre du débat les sujets de souveraineté économique et de relocalisation industrielle.

Besoin de déconcentration

Les critiques à l’égard de la gestion de la crise par l’Etat central, par ailleurs, auraient illustré selon l’exécutif le besoin de déconcentration et de plus grande proximité entre les citoyens et leurs services publics. Une demande déjà présente parmi les doléances des « gilets jaunes ».

« Cette crise a révélé des fragilités en termes d’adaptabilité de l’Etat et des collectivités territoriales. Nous avons besoin de voir à moyen et long terme. C’est ce qui donne tout son sens à la création d’un Haut-Commissariat au Plan », indiquait le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, le 16 juillet, dans une interview aux Echos.

Est-il possible pour autant, dans la France de 2020, de ressusciter cette institution à l’identique ? « Les raisons pour lesquelles le Plan a disparu au début des années 1990 sont toujours là : l’acceptation de la mondialisation, l’économie de marché, la multiplication des contraintes budgétaires, mais aussi le fait que la plupart des grands investissements (TGV, autoroutes…) sont aujourd’hui derrière nous », avertit Philippe Martin, ancien conseiller économique d’Emmanuel Macron, aujourd’hui patron du Conseil d’analyse économique, un think tank rattaché à Matignon. Celui-ci voit néanmoins matière à réflexion pour le futur haut-commissaire dans des domaines comme le changement climatique, la question territoriale, ou encore la démographie, avec le vieillissement de la population.

Le risque est grand, néanmoins, de voir se multiplier les instances. Fin mai, Emmanuel Macron a déjà installé une commission d’experts sur les grands défis économiques, sous l’égide de Jean Tirole, prix Nobel d’économie 2014, et d’Olivier Blanchard, ancien chef économiste du Fonds monétaire international (FMI), censée livrer des recommandations autour des thèmes du « climat », des « inégalités » et du « vieillissement ».

Mis en examen

Toujours est-il que, sur le plan politique, le choix de confier ce poste à François Bayrou, qu’il pourra cumuler avec sa mairie de Pau, suscite des critiques dans l’opposition. « François Bayrou y a beaucoup réfléchi, c’est une conviction qu’il porte », a défendu M. Macron, prenant soin de préciser que pour l’ancien triple candidat à la présidentielle, « c’est tout sauf un lot de consolation, c’est une responsabilité importante ».

« Qui imagine le haut-commissaire au Plan mis en examen ? », ironise néanmoins le secrétaire national d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), Julien Bayou, alors que M. Bayrou est placé sous ce statut depuis décembre 2019 pour « complicité de détournement de fonds publics » dans l’affaire des assistants de son parti.

« On prend les mêmes qui échouent depuis quarante ans et on recommence ! », dénonce de son côté le Rassemblement national, pointant du doigt le fait que l’ancien ministre de François Mitterrand et de Jacques Chirac, âgé de 69 ans, a commencé sa carrière d’élu en 1983.

Un argument balayé par l’intéressé devant ses proches ces dernières semaines. « Si j’ai besoin de traverser l’Atlantique à la voile, et que je dois choisir entre Titouan Lamazou, qui a traversé l’Atlantique cent fois, et un petit jeune très bien qui ne l’a jamais fait, qui je prends comme skippeur ? L’expérience est nécessaire », plaide-t-il en petit comité. Les récifs placés sur sa route sont nombreux.

Publicité
29 août 2020

Le Turk - photographe

le turq28

29 août 2020

Catherine Deneuve, du manifeste des « 343 salopes » à #metoo

Par Raphaëlle Bacqué - Le Monde

« Catherine Deneuve, derrière l’écran » (6/6). En 2018, en pleine vague #metoo, la star du cinéma français figure parmi les signataires d’une tribune retentissante dans « Le Monde ». L’occasion de s’interroger sur la manière dont elle a toujours gardé ses distances avec le combat féministe, tout en affirmant sa totale liberté

Janvier 2018. La critique d’art Catherine Millet appelle le chef de service des pages Débats du Monde, Nicolas Truong : « Nous sommes plusieurs femmes à avoir écrit un texte, en réaction au climat idéologique qui s’est installé dans la mouvance de #metoo. » L’autrice de La Vie sexuelle de Catherine M. (Seuil, 2001), récit clinique de ses multiples aventures, ne cache pas son agacement. Depuis la chute du producteur de cinéma américain Harvey Weinstein, quatre mois plus tôt, c’est un déferlement de témoignages de femmes racontant viols, attouchements et sexisme ordinaire. « Elles exagèrent très largement le harcèlement sexuel », juge cette libertine affirmée, issue de cette génération qui eut 20 ans en 1968.

Le texte proposé au Monde a déjà été paraphé, assure-t-elle, par quelques dizaines de femmes en vue, parmi lesquelles l’écrivaine Catherine Robbe-Grillet et l’actrice Ingrid Caven. Cependant il circule encore, et ses initiatrices attendent la signature de la plus célèbre de toutes : Catherine Deneuve.

Ecrit à plusieurs mains – Millet et Robbe-Grillet, donc, mais aussi la romancière Sarah Chiche, l’essayiste Peggy Sastre et la réalisatrice Abnousse Shalmani –, ce texte dénonce la « justice expéditive » et le « puritanisme » d’un néo-féminisme exprimant « la haine des hommes ».

« Une femme peut, dans la même journée, diriger une équipe professionnelle et jouir d’être l’objet sexuel d’un homme, sans être une “salope” ni une vile complice du patriarcat, affirme la tribune. Elle peut (…) ne pas se sentir traumatisée à jamais par un frotteur dans le métro, même si cela est considéré comme un délit. » D’ailleurs, soutiennent les signataires, « la liberté de dire non à une proposition sexuelle ne va pas sans la liberté d’importuner ».

Si le texte indique d’emblée que « le viol est un crime », il souligne aussi que « les accidents qui peuvent toucher le corps d’une femme n’atteignent pas nécessairement sa dignité et ne doivent pas, si durs soient-ils parfois, nécessairement faire d’elle une victime perpétuelle ». « Nous ne sommes pas réductibles à notre corps. Notre liberté intérieure est inviolable, conclut la tribune. Et cette liberté que nous chérissons ne va pas sans risques ni sans responsabilités. »

Un texte qui divise

Au sein même de la rédaction du Monde, le texte divise. Mais c’est la tradition des pages Débats de publier des points de vue contradictoires.

La veille de la publication, Catherine Millet rappelle le journal : « Ça y est, Catherine Deneuve a signé ! » Avec une caution aussi emblématique, la tribune promet d’avoir un impact dans le monde entier. Pour être certain du soutien de l’actrice, le quotidien prend tout de même la précaution de réclamer une confirmation : c’est vrai, affirme son agente Claire Blondel, Catherine Deneuve figure parmi les signataires. Mesure-t-elle bien l’effet qu’aura son nom au bas de cette charge anti-#metoo ?

Le 9 janvier, paraît donc la tribune, au milieu d’une double page où figurent d’autres textes critiques de cette nouvelle libération de la parole des femmes. Dans son édition papier, Le Monde a choisi une publication très sobre, sans photo de « une », annonçant seulement sur une colonne : « Un collectif de plus de cent femmes, dont Catherine Deneuve, s’inquiète du “puritanisme” apparu après l’affaire Weinstein ». Le site Internet du journal, de son côté, a titré le texte d’une phrase : « Nous défendons une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle ». En quelques heures, la tribune fait le tour du monde.

« Deneuve contre #metoo ». Des Etats-Unis au Brésil, de l’Europe à la Chine, partout le même émoi. La photo de l’actrice illustre des milliers d’articles. Le scandale Weinstein a ébranlé jusqu’aux fondations d’Hollywood. Qu’une star française aussi emblématique puisse s’afficher à contre-courant de bon nombre d’artistes stupéfie et, parfois, réjouit des groupes avec lesquels Deneuve n’a jamais voulu frayer.

« Il faut y voir une anomalie sociologique apparue dans d’obscurs cercles parisiens – ceux de femmes riches et cultivées qui voient la sexualité transgressive comme une source d’inspiration artistique », analyse le Financial Times, le 11 janvier 2018. Deneuve, c’est la France. Après l’affaire Strauss-Kahn, en 2015, la presse anglo-saxonne croit déceler dans cette séquence la nouvelle preuve d’une « complaisance typiquement hexagonale ».

Paratonnerre

C’est la rançon de la gloire internationale dont Catherine Deneuve peut se prévaloir : elle est la signataire la plus connue. La voici donc devenue le paratonnerre qui concentre toutes les foudres ainsi suscitées.En France aussi, le choc est profond. Il l’est d’autant plus que certaines des signataires en rajoutent sur les radios et les télés : « Si mon mari ne m’avait pas un peu harcelée, peut-être que je ne l’aurais pas épousé », s’amuse l’entrepreneuse Sophie de Menthon. « Le type qui fume un gros cigare à côté de moi peut m’importuner autant que celui qui met sa main sur mon genou », badine Catherine Millet sur France Inter. Quant à l’ex-actrice porno et animatrice radio Brigitte Lahaie, elle déclare, sur le plateau de BFM-TV, qu’« on peut jouir lors d’un viol ».

Catherine Deneuve ne s’attendait certainement pas à susciter pareil scandale. En mars 2017, sa défense de Roman Polanski, poursuivi aux Etats-Unis pour une accusation de viol remontant à 1977, avait pourtant déjà provoqué une avalanche de critiques. Pressenti pour présider la cérémonie des Césars, le réalisateur avait dû renoncer devant les protestations, et l’actrice s’en était émue : « Je trouve extrêmement choquant que, quarante ans après, des femmes puissent faire sortir cet homme de sa réserve. C’est une affaire qui a été jugée, il y a eu un accord entre Polanski et cette femme, elle a demandé à ce que l’on arrête d’en parler. »

Invitée de Yann Barthès sur le plateau de Quotidien, cette émission où elle aime être reçue comme une icône branchée de la jeunesse, elle avait maladroitement osé des arguments d’un autre âge : « J’aime beaucoup les femmes, mais je ne suis pas d’accord avec toutes les féministes. C’est vraiment abusif. C’était une jeune fille qui avait été amenée chez Roman par sa mère qui ne faisait pas son âge. Il a toujours aimé les jeunes femmes. J’ai toujours trouvé que le mot viol était excessif. »

« Elle est l’homme que j’aurais voulu être »

Peut-elle ignorer que l’époque a changé ? Depuis la parution de la tribune dans Le Monde, jamais ses proches ne l’ont vue si « furieuse » ni si « blessée » des commentaires à son encontre. Toujours, elle a incarné un modèle de femme libre et puissante. A la fois mère, amante, star, la réussite sur tous les tableaux. Un rêve de féministe… Sans l’être vraiment. « Féministe », du reste, est un mot qu’elle ne revendique pas. Elle juge « virile » sa façon tranchante de décider, prétend vivre « comme un homme ». Rien ne l’a plus enchantée que le mot de Gérard Depardieu : « Elle est l’homme que j’aurais voulu être. »  Un autoportrait par Deneuve ressemble toujours à celui d’un garçon déguisé en idéal féminin.

Le 15 janvier, sa réponse dans Libération aux critiques suscitées par la fameuse « liberté d’importuner » se termine sur cette dualité : « Je suis une femme libre et je le demeurerai. Je salue fraternellement toutes les victimes d’actes odieux qui ont pu se sentir agressées par cette tribune parue dans Le Monde, c’est à elles et à elles seules que je présente mes excuses. » « Fraternellement », a-t-elle écrit. Cette fille élevée dans une famille de filles ignore volontairement la « sororité » des féministes.

Ce n’est pas seulement une question de génération. C’est aussi un choix qui s’est exprimé d’emblée, même lorsque autour d’elle des femmes s’engageaient pour les femmes. Deneuve n’est pas une militante. Elle craint que cela ne fige son image, alors qu’elle voudrait jouer tous les personnages. Toujours dans Libération, elle rappelle : « J’étais une des 343 salopes, avec Marguerite Duras et Françoise Sagan, qui ont signé le manifeste “Je me suis fait avorter” écrit par Simone de Beauvoir [en 1971]. L’avortement était passible de poursuites pénales et d’emprisonnement à l’époque. » C’est parfaitement vrai.

La réalisatrice Nadine Trintignant se souvient fort bien de ce soir du printemps 1971 où Marcello Mastroianni et Catherine Deneuve étaient venus dîner dans l’appartement familial parisien. Quelques mois auparavant, c’est sur le tournage de Ça n’arrive qu’aux autres, le film le plus personnel de la cinéaste, que l’acteur italien et Catherine étaient tombés amoureux. Le film raconte le drame vécu par les Trintignant quelques années plus tôt : la détresse d’un couple face à la mort subite de son bébé.

Marcello y joue Jean-Louis Trintignant, Catherine interprète Nadine. « Un film de femmes », a dit la critique. « Indécent », ont affirmé sottement les plus sévères. Il a fallu que Catherine Deneuve monte au créneau pour ce beau film : « Il y a beaucoup de metteurs en scène qui parlent de choses très personnelles et parfois très indécentes et on ne dit rien. Nadine ne dit rien d’indécent, elle raconte quelque chose de très cruel, la chose la plus injuste qui puisse arriver. » Leur amitié s’est scellée là.

Autonome ou soumise ?

Ils sont donc ensemble ce soir-là, ces deux couples-phares du cinéma français, les Deneuve-Mastroianni et les Trintignant. « Je venais de signer la tribune en faveur du droit à l’avortement, écrite par Simone de Beauvoir, et je cherchais d’autres signataires », témoigne Nadine Trintignant. Parmi les actrices, Stéphane Audran, Françoise Fabian, Bernadette Lafont, Jeanne Moreau, Bulle Ogier, Marie-France Pisier, Micheline Presle, Delphine Seyrig ou Marina Vlady ont déjà apposé leur nom au bas de ce manifeste qui veut faire abolir l’interdiction d’avorter. Mais Catherine Deneuve hésite. Tenue par ce désir farouche de pas dévoiler sa vie privée, elle hésite à signer cette proclamation qui commence ainsi : « Un million de femmes se fait avorter chaque année en France (…) Je déclare que je suis l’une d’elles. » Echange d’arguments, puis, se remémore Nadine Trintignant, « elle s’est tournée vers Marcello et il a dit, avec son charmant accent italien : “Ma, si Nadine té dit dé signer, signe !” »

La voilà embarquée dans ce que Charlie Hebdo appellera, pour choquer le bourgeois, « le Manifeste des 343 salopes », premier coup d’éclat qui aboutira, quatre ans plus tard, à la loi Veil encadrant la dépénalisation de l’IVG.

Cela n’est pas sans conséquences. « Beaucoup de signataires qui n’étaient pas célèbres ont été convoquées au commissariat de police, interpellées dans des termes d’une très grande vulgarité », a souvent rappelé l’avocate Gisèle Halimi.

Les actrices en vue, elles, ne risquent pas d’être interpellées, mais certains producteurs n’aiment pas « les emmerdeuses », comme ils disent. « Catherine n’est pas du genre à regretter ses décisions, se remémore Nadine Trintignant, mais j’ai su plus tard par sa sœur, Sylvie Dorléac, qu’elle était furieuse parce que la liste des signataires avait été publiée dans Le Nouvel Observateur, ce qui lui avait ensuite valu des ennuis, lors d’un tournage aux Etats-Unis. »

Alors qu’elle vient de signer, Catherine expose d’ailleurs, comme par prudence, dans l’hebdomadaire Jours de France, l’ampleur de ses paradoxes. « J’ai une situation privilégiée : j’ai beau me sentir femme et très femme, je vis un peu comme un homme, dans la mesure où je travaille, où je me débrouille et où mon enfant dépend de moi seule. Pourtant, j’ai mes idées sur ces problèmes : je suis plutôt pour la femme soumise, déclare-t-elle à Léon Zitrone. Ceci posé, les femmes ont certaines aspirations qui m’intéressent, et que je trouve normales, d’autres puériles et dérisoires qui me mettent hors de moi, telles les revendications sur le plan de l’égalité. L’égalité entre un homme et une femme, c’est un mot vide de sens, qui ne veut rien dire ; en revanche, quand une femme veut toucher le même salaire qu’un homme pour le même travail, je trouve cela absolument normal. » Autonome ou soumise ? Egale pour le salaire mais pas pour le reste ? Que veut-elle dire, au fond ?

ELLE SE TIENT PRUDEMMENT ÉLOIGNÉE DES MILITANTES QUI AURAIENT RÊVÉ DE L’ENRÔLER

Catherine Deneuve ne tourne pas dans les films féministes de l’époque. Ne participe pas aux réunions enfumées où l’on débat des droits des femmes. Elle élève seule son fils, Christian Vadim, et sans doute cela compte-t-il dans sa réticence à militer. Mais elle est, quoi qu’il en soit, moins engagée que ses amis Agnès Varda et Jacques Demy, et bien moins encore que Delphine Seyrig, avec laquelle elle vient de tourner Peau d’âne (1970). Deneuve et Seyrig. La princesse et la fée sa marraine. L’héroïne de Buñuel et l’égérie de Marguerite Duras, toutes deux intelligentes et belles, voix chic pour l’une, phrasé poétique pour l’autre.

Seulement, Delphine Seyrig est très en pointe dans les mouvements féministes. En 1972, c’est dans son appartement que des militantes filment le premier avortement selon la méthode de Karman, qui s’imposera peu à peu. La même année, elle dépose en faveur de la défense, au tribunal de Bobigny, où Gisèle Halimi plaide avec succès en faveur de Marie-Claire, une jeune fille qui s’est fait avorter après un viol et se retrouve sur le banc des accusés avec quatre autres femmes, dont sa mère, qui l’ont aidée. Pendant ce temps, Deneuve tourne le provocant Liza, de Marco Ferreri : l’histoire d’une femme qui tue le chien de son amant et prend peu à peu sa place…

Deneuve est issue d’une famille de comédiens. Seyrig est une fille d’intellectuels bourgeois, père archéologue directeur des Antiquités de Beyrouth, mère navigatrice lettrée, spécialiste de Jean-Jacques Rousseau. « A partir du moment où mon bonheur dépend d’un homme, je suis une esclave et je ne suis pas libre, déclare-t-elle tout de go à la télévision. Mais à partir du moment où je m’en rends compte et où je le dis, je deviens quelqu’un de très antipathique pour les hommes. » Ce n’est pas Catherine qui prendrait le risque d’être « antipathique » aux yeux des hommes.

Delphine Seyrig a-t-elle raison lorsqu’elle se convainc peu à peu que le cinéma lui fait payer son militantisme, que les producteurs la bannissent de leurs projets ? « J’ai rejeté, je suis rejetée, c’est sans doute normal », soupire-t-elle. En 1981, elle signe avec Carole Roussopoulos un documentaire percutant, que l’on peut voir aujourd’hui sur le site La Cinetek, fondé par un groupe de réalisateurs. Sois belle et tais-toi rassemble les témoignages d’une vingtaine d’actrices françaises et américaines. Rôles stéréotypés, transformations physiques, dialogues mièvres, elles racontent la misogynie habituelle. Delphine Seyrig n’a pas songé à y faire figurer Catherine Deneuve. Mais le récit de l’intelligente Jane Fonda est édifiant. Fonda et Deneuve ont toutes deux connu la célébrité jeune, elles ont Roger Vadim en commun, ce pygmalion qui croyait les façonner comme des statues d’un introuvable idéal féminin, l’une est engagée, l’autre pas.

En somme, Catherine Deneuve peut bien mener sa vie en femme libre et indépendante, elle se tient prudemment éloignée des militantes qui auraient rêvé de l’enrôler. Jamais dans les manifestations, sûrement pas dans les partis et si peu dans les grands débats qui agitent – et parfois divisent – les hommes et les femmes de l’époque.

CINQUANTE ANS APRÈS L’ÉCLOSION DU MLF, CATHERINE DENEUVE JUGE AUSSI EXCESSIVES ET INCOMPRÉHENSIBLES LES FÉMINISTES RADICALES D’AUJOURD’HUI

Comment, dans ces conditions, la fondatrice du MLF Antoinette Fouque a-t-elle bien pu l’apprivoiser ? La psychanalyste semble avoir approché l’actrice dès la fin des années 1970. « Clouée dans un fauteuil roulant, toujours entourée de très belles femmes – elle qui était laide –, cette fille du Panier à Marseille déployait mille séductions pour amener vers elle les gens célèbres sur lesquels elle pratiquait parfois une sorte d’analyse sauvage », rappelle l’historienne de la psychanalyse Elisabeth Roudinesco.

Pour les Editions des femmes, fondées par Antoinette Fouque, Deneuve enregistre pendant une dizaine d’années une série de livres audio de romancières, Marguerite Duras, Françoise Sagan, Duong Thu Huong, dont elle contribuera à populariser l’œuvre. Bien sûr, au bout de quelque temps, la psychanalyste s’est mise à enregistrer en retour de longs entretiens avec Deneuve. Elle veut en faire un livre. Une sorte d’introspection inédite de la star. Contrat en bonne et due forme. Puis, recul de l’actrice : le livre ne verra jamais le jour…

Cinquante ans après l’éclosion du MLF, Catherine Deneuve juge aussi excessives et incompréhensibles les féministes radicales d’aujourd’hui. Puissante assez tôt, elle n’a pas vécu les violences que #metoo dénonce. Les humiliations et le sexisme ordinaire ? Elle les a balayés. Combien de fois a-t-elle dû répondre à ces questions posées uniquement aux femmes : « Etes-vous une bonne mère ? » ou « Avez-vous peur de vieillir ? »

Oh, des petits Weinstein, elle en a vu passer ! Des réalisateurs entreprenants, des acteurs persuadés d’être irrésistibles. Le succès très jeune lui a évité de dépendre d’eux. Sur le tournage du Sauvage (1975), de Jean-Paul Rappeneau, Yves Montand glissait chaque soir un petit mot sous sa porte. Puis, lorsqu’il vit qu’elle restait indifférente, raconte Rappeneau, fit une scène au réalisateur parce qu’il craignait qu’il ne la filme mieux que lui : « Je ne suis pas là pour servir la soupe à mademoiselle Deneuve ! » C’était elle, la plus forte.

Souvent, elle a dû lutter contre ce cliché qui veut que les actrices soient systématiquement des rivales. Comme si les acteurs ne l’étaient jamais entre eux… En 1994, le producteur Alain Terzian, membre du jury du Festival de Cannes qu’elle coprésidait avec Clint Eastwood, avait fait courir le bruit que Deneuve avait manœuvré afin que l’italienne Virna Lisi remporte le prix d’interprétation féminine pour sa composition de Catherine de Médicis dans La Reine Margot, tandis qu’Isabelle Adjani y tenait le rôle-titre. « Un fantasme pur et simple », assure aujourd’hui la journaliste Marie-Françoise Leclère, alors membre du jury. Tant que Terzian a présidé les Césars, Catherine Deneuve les a boudés.

Le cinéma, voilà son champ d’action. « J’ai pris des positions pour les femmes, mais c’est toujours très égoïste », a-t-elle reconnu un jour. Elle est l’une des rares actrices françaises, peut-être même la seule, à avoir si longtemps joué des patronnes, des chefs de famille, des amoureuses, surtout. Car c’est sur ce dernier terrain que se joue l’inégalité hommes-femmes au cinéma. Hollywood célèbre les victimes d’Harvey Weinstein une fois que celui-ci est tombé, mais continue de faire peser sur les actrices ses diktats esthétiques, qui ravagent leurs visages à coups de bistouri.

Combien d’acteurs sexagénaires distribués dans des rôles d’amants séduisants, quand les femmes du même âge ne jouent plus que des grands-mères sans sexualité possible ? « C’est un stéréotype terrible aussi dans le cinéma français, souligne avec humour l’actrice Emmanuelle Devos. Les rôles de femmes de plus de 60 ans sont soit des miséreuses, soit des désespérées ou encore des sorcières. A 30 ans, vous croquiez encore la pomme empoisonnée, ensuite les films ne vous proposent plus que de la fabriquer… »

Deneuve, elle, a préparé avec soin son entrée progressive dans cette autre période de sa vie. En 1992, Régis Wargnier l’a splendidement conduite vers la cinquantaine, avec Indochine, saga romanesque et politique sur fond de décolonisation. « J’avais dit aux scénaristes : concevons ce rôle comme si on l’écrivait pour un héros masculin. Elle n’est pas forcement sympathique, mais elle survit dans la tempête », se souvient le réalisateur. Ils ont bâti pour Deneuve ce personnage de patronne d’une plantation d’hévéas, qui fouette ses coolies, aime en vain un homme plus jeune qu’elle, et aide sa fille malgré son engagement pour les nationalistes vietnamiens.

Sa façon de défendre la liberté des femmes

C’est le début d’une longue série qui a amené Deneuve à jouer des femmes avec de jeunes amants (Le Vent de la nuit, de Philippe Garrel, 1999) – auparavant, elles n’existaient quasiment pas au cinéma –, des épouses d’industriels prêtes à reprendre avec succès l’entreprise de leur mari et à retrouver un amour de jeunesse (Potiche, de François Ozon, 2010), des grands-mères qui séduisent encore (Elle s’en va, d’Emmanuelle Bercot, 2013).

Marlène Dietrich s’était retirée du cinéma et vivait quasi cloîtrée dans son appartement de l’avenue Montaigne, à Paris, parlant à ses visiteurs cachée derrière une porte pour qu’ils ne la voient pas. Ce n’est pas Catherine Deneuve qui se retirerait ainsi de la vie et du cinéma. Sur les plateaux, elle arrive toujours avec son armada personnelle : coiffeur, maquilleur, costumières. Elle connaît les cadrages et les lumières qui lui conviennent, préfère ne plus tourner les matins où elle se croit moins à son avantage. Mais elle ne renonce à aucun rôle, accepte d’avoir les cheveux blancs (La Dernière Folie de Claire Darling, de Julie Bertuccelli, en 2020) ou d’évoquer face caméra son âge (comme dans La Vérité, de Hirokazu Kore-eda, en 2019).

C’est sa façon à elle de défendre la liberté des femmes. Et, paradoxalement, après avoir suscité tant de passions masculines, c’est à cet univers féminin qu’elle est restée fidèle. Au duo irrésistible et indissociable formé avec sa fille, Chiara Mastroianni. A ses souvenirs de fille parmi trois sœurs. Lorsqu’elle rêvait d’amour sans s’imaginer encore en divinité du cinéma.

29 août 2020

IRK Magazine

IRK Magazine

29 août 2020

Libération de ce samedi

libé samedi 29 aout

29 août 2020

Biélorussie - Poutine prêt à intervenir pour Loukachenko mais appelle au dialogue

COURRIER INTERNATIONAL (PARIS)

Le président russe s’est dit prêt jeudi à déployer des forces en Biélorussie si la contestation post-électorale devait y dégénérer, tout en appelant les parties à un règlement négocié.

La Russie a mobilisé, “à la demande d(u président biélorusse) Alexandre Loukachenko”, des forces qu’elle est prête à déployer chez son voisin si la contestation post-électorale devait y dégénérer, a annoncé Vladimir Poutine jeudi 27 août.

Dans une interview à la chaîne de télévision publique Rossiya 24, relayée en Biélorussie notamment par le site Charter 97, le président russe a expliqué qu’il était disposé à intervenir si la situation devenait “incontrôlable”.

Alexandre Loukachenko m’a demandé de former une certaine réserve d’agents des forces de l’ordre. Et je l’ai fait. Mais nous avons également convenu qu’elle ne sera pas utilisée jusqu’à ce que la situation soit hors de contrôle et que des éléments extrémistes (…) franchissent certaines limites : qu’ils mettent le feu à des voitures, des maisons, des banques, tentent de saisir des bâtiments administratifs.”

“Avertissement menaçant”

Si Vladimir Poutine a dans la foulée exhorté “tous les participants à ce processus” à “trouver une issue” à la crise, le New York Times voit dans ces propos un “avertissement menaçant aux manifestants en Biélorussie”, descendus en masse dans la rue pour dénoncer la réélection jugée frauduleuse de M. Loukachenko avec 80 % des voix le 9 août, “afin qu’ils ne fassent pas trop d’efforts pour renverser le président de leur pays, en difficulté”.

Car M. Poutine – dont “les taux d’approbation ont chuté à leur plus bas niveau depuis son arrivée au pouvoir à la fin de 1999”, dans le contexte de la crise sanitaire due au coronavirus – “détesterait assister à la disparition d’un compagnon autoritaire qui semblait lui-même invincible jusqu’à ce mois-ci. Cela pourrait donner des idées aux Russes”, commente l’article.

M. Loukachenko, lui, “va certainement interpréter” les mots de M. Poutine “comme une approbation”, analyse auprès du journal américain Andreï Kortunov, le directeur général du Conseil russe des affaires internationales, un think tank proche du Kremlin. Et pour se maintenir, le chef de l’État, à la tête de la Biélorussie depuis 1994, pourrait facilement “brûler quelques voitures pour déclencher une intervention russe”, anticipe l’expert. Reste que M. Poutine est face à un “dilemme périlleux”, met en garde le New York Times, puisqu’un tel déploiement en Biélorussie “risquerait de créer un autre foyer anti-russe, comme en Ukraine.”

“Forces extérieures”

Lors de son allocution, M. Poutine a assuré que les Biélorusses devraient décider de leurs propres affaires, mais a dit que la Russie ne pouvait pas être indifférente en raison des liens ethniques, culturels et économiques entre les deux pays. Le dirigeant a argué que Moscou avait répondu à la contestation biélorusse avec plus de “retenue et de neutralité” que les États-Unis et l’Europe. Et a accusé “les forces extérieures” de tenter “d’influencer la situation en Biélorussie”, retient l’agence de presse étatique biélorusse Belta.

Enfin, “interrogé indirectement sur les brutalités policières” en Biélorussie, “M. Poutine a détourné l’attention, comme il le fait souvent, sur la violence aux États-Unis”, raconte encore le New York Times. “Si nous regardons objectivement, je pense que les forces de l’ordre biélorusses agissent avec retenue, quoi qu’il arrive” par rapport à “ce qui se passe dans certains pays”, a-t-il déclaré. Des “commentaires” qui “vont consterner l’opposition”, réagit The Times, au Royaume-Uni. Le quotidien rappelle que “les manifestants ont décrit les sévères traitements infligés par la police et le personnel pénitentiaire, de nombreuses victimes montrant les coupures, les ecchymoses et les blessures par balles en caoutchouc .”

Publicité
Publicité