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Jours tranquilles à Paris

27 août 2020

Photo mondialement connue : « Le champignon atomique au-dessus de Nagasaki » du Lieutenant Charles Levy (1945)

monde7

Cela fait 75 ans que les bombes atomiques lâchées au-dessus d'Hiroshima puis de Nagasaki ont détruit les villes du Japon. C'est la toute première attaque nucléaire de l'histoire de l'humanité. Son effet de destruction massive a été notamment capturé par le lieutenant américain Charles Levy en 1945, alors que la position de l'armée japonaise était affaiblie à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les conséquences sont désastreuses, 74 000 personnes sont tuées à Nagasaki, des enfants se sont retrouvés orphelins et les survivants laissés avec des problèmes de santé à long terme à cause de leur exposition aux radiations.

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27 août 2020

Ambre Renard

ambre renard

27 août 2020

Tendance - Destinations de rêve pour télétravailleurs

THE NEW YORK TIMES (NEW YORK)

La Barbade, les Bermudes, la Géorgie : voici quelques-uns des pays qui proposent depuis cet été des visas spécifiques pour permettre aux télétravailleurs de vivre et de travailler sur place pendant six mois ou plus. Le New York Times fait le point sur ces nouveaux dispositifs.

Le mois dernier, une info circulant sur les réseaux sociaux sur la possibilité de s’expatrier à la Barbade pendant douze mois a retenu l’attention de Lamin Ngobeh, enseignant au lycée Freire Charter de Wilmington, dans le Delaware [nord-est des États-Unis]. Pour justifier son choix de s’expatrier provisoirement, il explique :

Le lycée ne reproposera sans doute pas de cours en classe avant février 2021 et je veux vivre dans un pays plus sûr – sanitairement parlant – tout en ayant une bonne qualité de vie. J’ai contacté la direction de l’établissement et elle m’a soutenu dans ma décision.”

Quand la Barbade a annoncé le lancement de son programme Welcome Stamp, à la mi-juillet, elle n’était que le premier d’une série de pays des Caraïbes et d’Europe de l’Est à proposer ce type d’arrangement aux télétravailleurs, des dispositifs qui reposent sur l’octroi de visas spécifiques ou qui assouplissent les critères existants en vue d’inciter certaines professions à s’expatrier temporairement. Parmi les pays proposant le même type d’offres, on trouve notamment l’Estonie, la Géorgie et les Bermudes.

À la Barbade, un “visa télétravail” de douze mois

Le net recul de la fréquentation touristique est une des principales raisons motivant la mise en place de ces programmes d’un nouveau genre. “Le tourisme, c’est ce qui fait vivre le pays”, reconnaît Eusi Skeete, directeur de l’Office du tourisme de la Barbade aux États-Unis. Selon les données de la Banque centrale de la Barbade, le tourisme représentait 14 % du PIB annuel du pays en 2019, soit 712 000 voyageurs internationaux – un record. Or, en 2020, le nombre de visiteurs a été proche de zéro aux mois d’avril, mai et juin.

Eusi Skeete explique que le nouveau programme de “visa télétravail” apportera un peu d’oxygène. “En leur proposant de rester douze mois, on permet à nos visiteurs d’avoir un bon aperçu du pays”, poursuit-il. Plus d’un millier de demandes arrivant du monde entier ont été déposées la première semaine, en provenance essentiellement des États-Unis, du Canada et du Royaume-Uni. La demande de Lamin Ngobeh a été acceptée lundi. L’enseignant prévoit de partir mi-septembre.

À Tbilissi, un bel appartement pour 400 euros par mois

Avant même la pandémie, le nombre de télétravailleurs allait croissant dans le monde : les enquêtes du cabinet MBO Partners montraient que le nombre de travailleurs indépendants s’établissait autour de 41 millions en 2019 aux États-Unis – un chiffre qui comprend les consultants, les free-lances et les intérimaires. Plus de 7,3 millions d’Américains se disaient “cybernomades” en 2019 : un mode de vie qui leur permet de voyager et de travailler à distance où bon leur semble.

David Cassar, directeur d’exploitation du cabinet MBO Partners, constate une nette augmentation du travail free-lance à l’international 

On s’attend à une explosion du nombre de cybernomades chez les travailleurs indépendants dans les années qui viennent. Le Covid-19 a accéléré l’essor du télétravail, et les indépendants seront parmi les premiers à profiter du mode de vie nomade que permet la technologie.”

Beaucoup choisissent le cybernomadisme pour des raisons financières. Originaire de Phoenix, Maggie Turansky vit actuellement en république de Géorgie. Elle y gère un site web, The World Was Here First, avec son conjoint, et loue, pour un peu plus de 400 euros par mois, un appartement flambant neuf à Tbilissi, où ils sont restés pendant la pandémie :

Je ne vois pas quelle autre grande ville pourrait m’offrir ça dans les pays occidentaux, observe-t-elle. Les charges dépassent rarement 40 euros par mois et le Wifi fonctionne à merveille. La Géorgie est un beau pays, il y a des tas de choses à voir et à faire, et on en est un peu tombé amoureux.”

[À la Barbade], Lamin Ngobeh confie qu’il a trouvé des appartements corrects proposant deux à quatre chambres à coucher pour 400 à 1 200 euros par mois.

Amanda Kolbye, une autre Américaine, travaille en ce moment en Malaisie, où elle est coach d’entreprise à distance. Elle vit et travaille à l’étranger depuis deux ans, et a posé ses valises dans cinq pays différents avant la Malaisie : la Thaïlande, le Vietnam, l’Indonésie, le Qatar et Taïwan. Elle explique :

Je ne prévois pas de rentrer aux États-Unis dans un avenir proche. J’envisage de gérer mon entreprise depuis un autre pays, comme l’Estonie, la Barbade ou les Bermudes, ce qui me rapprocherait de chez moi.”

Assurance maladie, test négatif au Covid… : les critères à remplir

Certains critères sont parfois identiques pour les candidats aux séjours prolongés. Si tous les pays exigent des attestations prouvant que vous avez souscrit une assurance maladie et que vous avez été testé négatif au coronavirus (avant l’arrivée ou à votre arrivée, voire les deux), certains facturent des frais de dossier et demandent un justificatif de salaire mensuel ainsi que des relevés de compte.

Pour la Barbade, les candidats au télétravail doivent remplir un formulaire de demande en ligne, y joindre des photos et produire un justificatif d’emploi ainsi qu’une déclaration de revenus attestant qu’ils gagneront au moins 40 000 euros par an pendant la durée de leur séjour sur l’île. Les frais de dossier de 1 700 euros par personne ne sont payables qu’après acceptation de la demande. Les familles devront pour leur part débourser 2 500 euros quel que soit le nombre de membres qui les composent.

Aux Bermudes, pas de salaire minimum exigé

Annoncé le 1er août, le programme des Bermudes est assorti de 222 euros de frais de dossier. En 2019, le tourisme de loisirs a rapporté 353 millions d’euros aux Bermudes, ce qui correspond à plus de 808 000 visiteurs – un record historique pour le pays. Sans surprise, la pandémie a plombé ces chiffres. Au premier trimestre 2020, les dépenses des touristes ont plafonné à 16,7 millions d’euros, contre 27 millions l’année précédente, et le nombre d’arrivées par avion a dévissé de près de 44 %.

“En avril, mai et juin, la fréquentation touristique était proche de zéro, soupire Glenn Jones, directeur de l’Office national du tourisme des Bermudes. Nous vivons du tourisme aérien. Or, en juillet, nos capacités aériennes – c’est-à-dire le nombre de places réservées sur les vols commerciaux à destination de l’île – n’étaient que de 10 % de ce qu’elles étaient en juillet dernier. En août, ce sera 20 %.”

Quelques jours seulement après l’annonce de leur programme, les Bermudes recevaient 69 demandes en provenance du monde entier. Contrairement à la Barbade, les Bermudes n’exigent pas de salaire mensuel minimum pour les télétravailleurs candidats à des séjours de longue durée.

En Estonie, des frais de dossier limités à 105 euros

Lancé le 1er août, le nouveau visa estonien destiné aux cybernomades, qui est une extension de son programme d’e-résidence, permettra aux visiteurs de séjourner légalement dans le pays et d’y travailler à distance pendant une période allant jusqu’à douze mois. Les frais de dossier se montent à 105 euros et les candidats doivent justifier d’un salaire mensuel de base de 3 500 euros ou plus.

Ott Vatter, directeur général du programme d’e-résidence estonien, observe :

Quand on regarde les pays qui proposent des visas télétravail, on s’aperçoit que ce sont ceux qui sont très dépendants du tourisme. Si l’Estonie est moins dépendante du tourisme que d’autres, les gens commencent malgré tout à se rendre compte du potentiel et de la nécessité d’avoir ce type d’offres. Depuis le Covid, cette nécessité se fait plus pressante.”

Le tourisme représentait environ 8 % du PIB estonien en 2019. Or, le ministère de l’Intérieur attend une contraction d’au moins 50 % des revenus du tourisme en 2020 par rapport à 2019.

En Géorgie, six mois de séjour autorisés et quarantaine obligatoire

Baptisé “Remotely from Georgia” [à distance depuis la Géorgie], le programme mis en place par la Géorgie autorise des séjours allant jusqu’à six mois. Comme les Bermudes, elle ne demande pas aux candidats de justifier d’un salaire mensuel minimum. Ils doivent néanmoins prouver qu’ils disposent des ressources nécessaires pour subvenir à leurs besoins.

Consule générale de Géorgie à New York, Diana Zhgenti précise que, si aucun critère de revenus n’est imposé aux candidats, le programme n’est cependant ouvert qu’aux ressortissants des 95 pays qui sont autorisés à s’y rendre sans visa. Les candidats aux séjours longue durée seront par ailleurs tenus d’observer une période d’isolement à leur arrivée, et ce à leurs propres frais.

Langue, scolarisation des enfants, risques divers : les limites du “visa télétravail”

Mais si le travail à distance séduit celles et ceux qui peuvent se contenter d’un ordinateur portable et d’une bonne connexion Internet, il ne se prête pas à tous les profils professionnels.

David Cassar précise également que le fait de vivre et de travailler à distance à l’étranger comporte certains risques. “Si je me déplace dans le pays, même si je suis salarié de l’entreprise, l’assurance accident ne me couvrira pas toujours. Même si je suis déclaré travailleur indépendant aux États-Unis, le fait que je bénéficie d’un statut de free-lance à responsabilité limitée ne sera pas nécessairement reconnu dans les autres pays.”

La langue peut également être une barrière. Cofondateur du cabinet d’avocats BSH en Géorgie, qui propose ses services aux expatriés et aux télétravailleurs, Ketevan Buadze confirme que le pays accueille les étrangers à bras ouverts, mais observe que, “si les jeunes parlent anglais, c’est moins souvent le cas de la génération qui les précède”.

Le fait d’avoir des enfants peut également compliquer les choses. Les familles qui prévoient de scolariser leurs enfants à distance risquent d’être confrontées au problème des fuseaux horaires. Et celles qui souhaiteraient mettre leurs enfants dans des écoles sur place n’auront qu’un choix limité : aux Bermudes comme en Estonie, les étrangers ne peuvent scolariser leurs enfants que dans certains types d’établissements. “Les familles internationales n’ont pas accès au public, mais uniquement au privé”, confirme David Burt, le Premier ministre des Bermudes. L’Estonie offre plusieurs possibilités aux étrangers, dont l’École européenne de Tallin et l’École internationale d’Estonie (des frais de scolarité s’appliqueront dans les deux cas).

Mais, au bout du compte, c’est peut-être tout simplement la sécurité qui pousse les gens à s’expatrier provisoirement à l’étranger.

Sadie Millard, une New-Yorkaise qui vit aux Bermudes depuis le début de la pandémie, explique ainsi qu’elle prévoit de demander un visa télétravail, la société de courtage pour laquelle elle travaille restant fermée. “Il y a eu une centaine de cas au total ici, dit-elle. Et même si la vie est aussi chère qu’à New York, je m’y sens beaucoup plus en sécurité. La seule chose à laquelle il va falloir que je m’habitue, c’est la conduite à gauche.”

Source : The New York Times

NEW YORK http://www.nytimes.com/

27 août 2020

Kate Moss pour LUI Magazine

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27 août 2020

« Dix petits nègres » d’Agatha Christie devient « Ils étaient dix »

Oubliez les « Dix petits nègres ». Le roman policier d’Agatha Christie, un des livres les plus lus et vendus au monde, change de nom, amputé du mot « nègre » dans sa version française, pour « ne pas blesser ».

« Nous ne devons plus utiliser des termes qui risquent de blesser », s’est justifié sur RTL, qui a révélé cette info, l’arrière-petit-fils de la romancière, James Prichard, dirigeant de la société propriétaire des droits littéraires et médiatiques des œuvres d’Agatha Christie.

Dès 1940 aux États-Unis

Le nouveau titre français, sorti mercredi, est « Ils étaient dix ». Mais il ne s’agit pas que de cela. Le mot « nègre », cité 74 fois dans la version originale du récit, n’apparaît plus du tout dans la nouvelle édition, traduite par Gérard de Chergé. « L’île du nègre », où se déroule l’intrigue machiavélique imaginée par Agatha Christie, est devenue, dans la nouvelle version, « l’île du soldat ».

« Les éditions du Masque ont opéré ces changements à la demande d’Agatha Christie Limited, afin de s’aligner sur les éditions anglaise, américaine et toutes les autres traductions internationales », a précisé l’éditeur. « La traduction a été révisée selon les dernières mises à jour de la version originale, mais l’histoire en elle-même ne change pas », a souligné ce dernier. « Quand le livre a été écrit, le langage était différent et on utilisait des mots aujourd’hui oubliés », a expliqué, de son côté, James Prichard.

Le célèbre roman d’Agatha Christie (1890-1976), dont le titre original est « Ten Little Niggers » (« Dix petits nègres »), fut écrit en 1938 et publié en 1939 au Royaume-Uni où son titre a été modifié dans les années 1980. Aux États-Unis, c’est sous le titre  « And Then There Were None » (« Et soudain il n’en restait plus ») qu’il sortit, avec l’accord de la romancière, au début de l’année 1940. La France était l’un des rares pays (avec l’Espagne et la Grèce) à conserver le titre « Dix petits nègres ».

« Mon avis, c’est qu’Agatha Christie était là pour divertir et n’aurait pas aimé l’idée que quelqu’un soit blessé par une de ses tournures de phrases .Je ne voudrais pas d’un titre qui détourne l’attention de son travail », a insisté son arrière-petit-fils.

Ce changement de titre intervient après qu’en juin, aux États-Unis, la plateforme de streaming HBO Max a fait polémique en retirant temporairement de son catalogue le film « Autant en emporte le vent », arguant que ce film de 1939 « dépeint des préjugés racistes qui étaient communs dans la société américaine ». Le film a, depuis, été remis en ligne, avec une introduction présentant le contexte.

« Politiquement correct »

L’annonce du changement de titre du roman d’Agatha Christie a provoqué de nombreuses réactions. « Désormais, l’inculture triomphe et règne », s’est ému le philosophe Raphaël Enthoven, sur Twitter. Pour Le Figaro, il s’agit d’« un nouveau triomphe du politiquement correct ». Interrogé sur France Inter, François Busnel, présentateur de « La grande librairie », sur France 5, a jugé « absurde » ce changement de titre. « On peut tout lisser mais un livre se replace dans son temps (…). Au lieu de juger, on devrait lire », a-t-il dit.

Il y a quelques mois encore, on était des milliers à rire de bon coeur des incultes qui s'indignaient de ce titre.

Désormais, l'inculture triomphe et règne. #dixpetitsnègres https://t.co/MlG7UQyZw3— Raphaël Enthoven (@Enthoven_R) August 26, 2020

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27 août 2020

Vu sur internet

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27 août 2020

Deneuve et Truffaut, secrets partagés

Par Raphaëlle Bacqué

« Catherine Deneuve, derrière l’écran » (4/6). L’actrice et le réalisateur avaient noué une relation particulière, notamment pour l’inoubliable « Dernier Métro », en 1980. Un film où affleurent, sans que le public s’en rende compte, des silences communs.

« Dans cette histoire, tout le monde a quelque chose à cacher. » C’est ainsi que François Truffaut a résumé pour Catherine Deneuve Le Dernier Métro, en lui tendant son scénario. Il en a écrit l’intrigue avec sa complice Suzanne Schiffman, à l’été 1979, et il sait très bien qu’en lisant ces quelque 300 pages, parfaitement dialoguées, l’actrice en devinera toutes les allusions et les clés.

Truffaut n’a pas seulement imaginé le rôle de Marion Steiner pour elle. Il a puisé dans sa propre histoire mais aussi dans celle de l’actrice, au cœur de la famille Dorléac, de quoi nourrir ces personnages projetés en 1942, dans le Paris occupé. Qui le sait ? Le cinéaste n’en a parlé ni à ses proches ni, surtout, à la presse. Seule Catherine doit pouvoir comprendre les indices qu’il a déposés tout au long de son récit. Ce sera leur secret intime, dans cette histoire qui n’en manque pas.

Le tournage du Dernier Métro doit débuter le 28 janvier 1980, et Truffaut a déjà imaginé d’en bannir la lumière du jour : l’Occupation et ses ambiguïtés ne s’accordent qu’avec la nuit. L’action débutera par l’arrivée de Bernard Granger, que doit jouer Gérard Depardieu, au Théâtre Montmartre où se monte une nouvelle pièce, La Disparue. Il est engagé par Marion Steiner (Catherine Deneuve). C’est elle qui a repris la direction de l’établissement depuis que son mari, le metteur en scène juif Lucas Steiner, interprété par l’Allemand Heinz Bennent, a fui le nazisme en Amérique du Sud. En vérité, Steiner se dissimule dans la cave, juste sous la scène.

Le film doit fonctionner comme une série de poupées russes : Marion Steiner cache son mari ; Bernard Granger, son engagement dans la Résistance ; le metteur en scène, Jean-Louis Cottins (Jean Poiret), planque son homosexualité ; la jeune première, ses amours avec l’habilleuse ; la fille qui fait du marché noir, ses coucheries avec des officiers nazis. Le Dernier Métro, c’est le monde des doubles vies et des doubles jeux, un univers de mensonges obligés dans une période où la vérité peut tuer.

Le film lui-même est double. Il y a celui que l’on voit à l’écran ; et l’autre. Dans ce dernier, Lucas Steiner (le mari caché) est le porte-parole de Truffaut. « Qu’est-ce que c’est avoir l’air juif ? », questionne le metteur en scène confiné dans sa cave.

La question taraude le cinéaste depuis qu’il a retrouvé, en 1970, la trace de son véritable géniteur. Ce n’est pas l’architecte Roland Truffaut, comme il l’a cru jusqu’à l’âge de 12 ans, mais Roland Lévy, un dentiste contraint d’abandonner son cabinet parisien pour fuir, en 1941, les lois du régime de Vichy sur le statut des juifs. C’est là l’un des tiroirs secrets de son scénario. L’autre concerne Deneuve.

Le sens caché

A un mois du début du tournage, juste avant Noël, Maurice Dorléac est mort, à 78 ans. Le père de Catherine ne verra pas ce film qui raconte pourtant en partie son histoire. Car les comédiens du Théâtre Montmartre, que dirige Marion Steiner, ressemblent follement aux parents de l’actrice. On l’ignore, mais Truffaut, à dessein, a parsemé son film de références à cette famille de comédiens. Celle qu’évoque l’habilleuse du Dernier Métro, en trinquant un soir de première – « elle est souffleuse à l’Odéon ! » –, c’est la grand-mère maternelle, qui faisait ce drôle de métier et dont Catherine a hérité les yeux verts. Le petit Jacquot qui répète sa réplique « Maman, tu crois qu’il va revenir, M. Carl ? » pour les besoins de La Disparue, c’est Renée, la mère de Catherine, recrutée enfant au Théâtre de l’Odéon et qui, tous les soirs, déclamait sur scène : « Est-ce qu’ils ont des ailes, maman ? »

Il y a surtout beaucoup de Maurice Dorléac dans Nadine Marsac, cette jeune actrice jouée par Sabine Haudepin. Arrivée au théâtre dans une voiture allemande, on la voit justifier ainsi son retard à la répétition : « Je faisais une synchro… J’fais tout ce qu’on me propose… J’fais des émissions de radio le matin ; à l’heure du déjeuner, j’fais des doublages et le soir, je frime à la Comédie-Française ! » On croirait entendre le père de Catherine qui jamais, pendant toute la guerre, n’a cessé de jouer pour subsister.

Qui peut comprendre, hormis Truffaut et son interprète principale, le sens caché de cette scène où Marion/Deneuve se penche vers le metteur en scène/Poiret pour excuser avec indulgence Nadine/Maurice d’un « elle aussi, elle a besoin de travailler » ?

C’est à peu près ce qu’a plaidé Maurice Dorléac, le 27 novembre 1944, lorsqu’il a été entendu par les comités d’épuration de la Libération. Démobilisé en août 1940, bientôt père de famille nombreuse, l’acteur avait alors fait comme des centaines de cinéastes, comédiens et techniciens : il avait repris son métier. Des petits rôles dans une demi-douzaine de films et, surtout, dans 72 pièces radiodiffusées sur Radio-Paris, l’antenne de propagande de l’occupant, voilà ce qui lui est reproché à la Libération. « L’Union des artistes dramatiques recherchait des interprètes pour assurer des émissions dramatiques à Radio-Paris. Je me suis présenté et j’ai été engagé. Ma collaboration à Radio-Paris a commencé en septembre 1940 et s’est poursuivie jusqu’en mai 1944. Toutes ces émissions ont été, à mon sens, artistiques et j’ai touché des cachets allant de 300 à 1 500 francs », peut-on lire sur le procès-verbal de son audition, désormais déposé aux Archives nationales.

Un chef d’accusation grave

Contre lui, le chef d’accusation est grave : « Avoir, soit sciemment apporté en France ou à l’étranger, une aide directe ou indirecte à l’Allemagne ou à ses alliés, soit porté atteinte à l’unité de la nation et à la liberté et à l’égalité des Français. »

C’est la formulation qui figure sur les quelque 300 000 dossiers jugés, depuis la Libération, parmi lesquels figurent quelques milliers d’artistes. Celui de Maurice Dorléac serait anodin s’il n’avait aussi enregistré pour Radio-Paris quelques pièces dont les seuls titres, L’Angleterre a forfait, Un espion anglais, font figure de propagande. « Ce n’est pas par conviction politique que je suis entré à Radio-Paris, mais uniquement pour subvenir aux besoins de ma femme et de mes trois enfants », a-t-il plaidé pour sa défense. Moyennant quoi, le 22 décembre 1944, il a été frappé d’indignité nationale et d’une interdiction de travailler pendant six mois.

Si le public n’en sait rien, Truffaut, lui, ne l’ignore pas. Non seulement il connaît les Dorléac, mais Catherine lui a raconté leur histoire. C’est un enfant de la guerre (il est né en 1932), et il se souvient parfaitement de ces pièces de théâtre qu’on écoutait en famille sur Radio-Paris, lorsqu’il avait 12 ou 13 ans. Plus intéressé par les ambiguïtés de la collaboration que par les gloires de la Résistance, il a gardé de l’indulgence pour les artistes de ces années-là.

Le Dernier Métro n’est pourtant pas seulement sa vision nuancée de cette période noire. Il est le témoignage de son intimité profonde avec Catherine Deneuve. Comme une dernière preuve de tendresse à l’intention de celle qu’il a autrefois passionnément aimée. C’est l’ultime clé du film.

Un secret jalousement gardé

Depuis dix ans, le cinéaste n’en finit pas de glisser dans son œuvre de discrets rappels de cette histoire sentimentale dont l’un et l’autre gardent pourtant jalousement le secret.

Impossible, pourtant, de comprendre un pan majeur de sa filmographie sans la confronter à cette relation avec Deneuve. Onze ans auparavant, il a offert à Catherine La Sirène du Mississippi (1969) face à la grande star de l’époque, Jean-Paul Belmondo. Belle au possible et pourtant vénéneuse, elle y incarnait une jeune intrigante s’introduisant par subterfuge auprès de Louis Mahé (Belmondo), un riche industriel, afin de lui voler sa fortune. Fou amoureux d’elle, Mahé finit par accepter son sort, allant même jusqu’à se laisser empoisonner.

Ce drame romantique et sombre déguisé en intrigue policière a été l’un des plus cinglants échecs de la carrière du réalisateur. La sirène s’appelait Marion – déjà – et comme pour mieux souligner la parenté entre les deux films, Truffaut a injecté dans Le Dernier Métro la même réplique : « Tu es belle, si belle que te regarder est une souffrance. – Hier, tu disais que c’était une joie ! – C’est une joie et une souffrance… » Même la scène d’amour, avec ces mains qui remontent le long des bas et ce « oui, oui, oui » soupiré, est semblable d’un film à l’autre.

C’est au cours des dix-huit jours de tournage à La Réunion de La Sirène du Mississippi, en décembre 1968, que s’est nouée l’histoire d’amour entre le cinéaste et l’actrice. Ce n’est pas la première fois que Truffaut tombe amoureux d’une interprète. Mais, il s’agit alors de bien autre chose que d’une liaison de tournage, plutôt une passion mêlée d’un parfum d’interdit. Quelques années auparavant, le réalisateur avait entretenu une courte relation sentimentale avec la sœur de Catherine, Françoise Dorléac, son héroïne de La Peau douce. Aimer sa sœur, dix-huit mois après la mort dans un accident de la route de celle qu’il appelait « Framboise », c’est à la fois un tabou et une façon – incompréhensible pour l’extérieur – de faire revivre la jeune disparue.

Est-ce pour cela que Truffaut et « Kate de Neuve », comme il la surnomme, vivent leur amour comme s’il devait rester caché ? On les voit ensemble lors des premières, il est venu à Tolède, en Espagne, lorsqu’elle tournait avec Buñuel, elle a passé l’été dans le Massif central où il réalisait L’Enfant sauvage. Cependant, Catherine attaque systématiquement les journaux qui osent la moindre insinuation. Si Truffaut y fait allusion, dans un entretien au New York Times, en France, le sujet relève de l’interdit.

Même le milieu du cinéma n’a pas été mis dans la confidence. Gilles Jacob, alors journaliste aux Nouvelles littéraires, se souvient très bien d’être arrivé chez Deneuve pour y recueillir une interview et d’avoir découvert avec surprise Truffaut revenant d’une partie de golf. « Je n’ai rien dit, raconte-t-il aujourd’hui, et c’est sans doute pour cela qu’ensuite elle a bien voulu m’accorder deux entretiens, comme un remerciement tacite de ma discrétion. »

Messages codés

Truffaut a donc aimé les deux sœurs et n’en souffle rien. Ce sont ses films qui en parlent pour lui. « Ann et moi, nous aimons le même homme, c’est tragique, pas extraordinaire », fait-il dire à Muriel, dans Les Deux Anglaises et le continent (1971). Ce drame est aussi celui d’un homme – interprété par Jean-Pierre Léaud, le double cinématographique du réalisateur – usé et dévoré par sa liaison avec deux sœurs. Ce n’est que le début d’une longue série de messages codés à l’attention de Deneuve.

Jamais, sans doute, Truffaut n’a trouvé comme avec elle quelqu’un qui lui ressemble autant. Jeanne Moreau, sa mythique interprète de Jules et Jim ou de La mariée était en noir, avait été pour lui une initiatrice plus qu’une semblable.

Avec Catherine Deneuve, il partage non seulement l’amour du cinéma, mais aussi un certain nombre de traits de caractère : « Une grande pudeur, le désir farouche de préserver sa vie privée, une forte ambition et un irrépressible besoin de séduire », énonceront plus tard Antoine de Baecque et Serge Toubiana, les biographes du cinéaste (François Truffaut, Gallimard, 2001). Et aussi « une fragilité et une angoisse à fleur de peau, une blessure encore vive due à la disparition de certains proches, la peur du contact public, un certain pessimisme face à la société et une humeur cyclothymique ».

C’est Truffaut qui est à l’origine, en 1969, de la rencontre de Deneuve avec Alfred Hitchcock, ce maître en cinéma avec lequel il a publié, trois ans plus tôt, une série d’entretiens exceptionnels. Le réalisateur d’origine britannique cherche alors une interprète pour The Short Night, un film d’espionnage qui doit se passer en Norvège.

La blonde Catherine, avec sa froideur apparente d’iceberg et son mystère niché dans les neuf dixièmes de glace immergée, ne peut que lui plaire. « Elle se prête admirablement aux rôles qui comportent un secret, une double vie, explique Truffaut comme s’il faisait la promotion de son actrice. Catherine Deneuve ajoute de l’ambiguïté à n’importe quelle situation, n’importe quel scénario car elle donne l’impression de dissimuler un grand nombre de pensées secrètes qui se laissent deviner à l’arrière-plan. »

Un appétit commun de cinéma

Elle semble hésiter, cependant. Il lui écrit alors ses arguments dans une longue lettre : « Hitchcock/Deneuve ! Vous sentez bien que cette association donnera d’avance au film un retentissement énorme. Tous les gens qui n’y ont jamais pensé vont sursauter : “évidemment… ça s’imposait… Elle était faite pour lui… etc.” Si l’on vous cite Joan Fontaine, vous pensez Rebecca, Soupçons et vous vous cassez la tête pour vous rappeler ses autres films. Même chose pour Ingrid Bergman, Grace Kelly, Kim Novak, Eva Marie Saint… » Le film ne se fera pas. Mais ces conseils montrent comme il y a, entre eux, un appétit commun de cinéma.

Avec lui, elle affine son jeu. « Je n’aime pas les acteurs qui apprennent leur texte par cœur. Je veux qu’ils le disent dans la chaleur du moment », professe Truffaut. Parfois, lorsqu’elle juge qu’un dialogue n’est « pas naturel », que « ce n’est pas comme ça que l’on parle dans la vie ordinaire », il lui rétorque : « Mais si l’on voulait qu’un personnage parle comme dans la vie, on prendrait des gens dans la rue et non pas des acteurs ! »

La vie avant le cinéma

En amour, surtout, Truffaut et Deneuve partagent la même langue. Ce passage du « vous » au « tu » selon les moments d’intimité. Catherine correspond au fétichisme érotique, à la fois complexe et classique, que l’on retrouve dans les films du cinéaste, et aussi chez Yves Saint Laurent que Catherine lui a présenté pour qu’il l’habille dans La Sirène : les jupes fluides, les bas couleur zibeline et ces robes à boutons longues à défaire. Catherine est belle, « à tel point qu’un film dont elle est la vedette pourrait se passer de raconter une histoire », confie le réalisateur.

Ce que n’a pas saisi Truffaut, c’est que pour elle, contrairement à lui, la vie passe avant le cinéma. Il n’a pas pris garde à cette interview, donnée en 1969, au magazine américain Life. « Une femme possède trois soupapes de sécurité, expliquait-elle, un homme, un enfant, un travail. Dans ma tête, ces priorités devraient suivre cet ordre ; dans ma vie réelle, l’ordre est exactement inverse. » Elle veut un enfant. Déjà père de deux filles, Truffaut n’en veut pas. Dans ses films, d’ailleurs, si les enfants sont toujours présents, ses héroïnes n’en ont jamais, comme si elles étaient tout entières disponibles pour l’amour.

Leur rupture, à Noël 1970, le laisse anéanti. Pendant des semaines, à Paris, il ne quitte plus la suite de l’hôtel George-V où il s’est réfugié. Sombre dans la dépression. Entreprend une cure de sommeil, exactement comme Louis Mahé, l’industriel de La Sirène du Mississippi, lorsque Marion/Deneuve l’abandonne. Le personnage a été imaginé deux ans plus tôt. Comment Truffaut ne croirait-il pas que le cinéma est la vie même ?

Le temps qu’a duré le nouvel amour de Catherine Deneuve avec Marcello Mastroianni, né quelques mois après leur rupture, Truffaut est resté invisible. On ne rivalise pas avec le plus charmant des latin lovers. Avec Marcello, elle a fait cet enfant désiré et des films, appris l’italien et des chansons d’amour – Ho capito che ti amo (« J’ai compris que je t’aime ») –, vécu un peu à Rome. Puis, en 1974, Catherine a mis fin au plus beau couple du cinéma franco-italien. « Ne pas avoir la même éducation, les mêmes racines, la même langue, oui que d’écueils… », a-t-elle seulement dit en guise d’explication publique. L’actrice, qui traversait un passage à vide professionnel, a alors rappelé Truffaut et leur relation a repris, amicale cette fois. Les messages codés aussi.

Prenons L’homme qui aimait les femmes, sorti en salle en 1977. A une amie qui croit la reconnaître sous les traits de Véra (Leslie Caron à l’écran), l’ex-épouse et amie fidèle de Truffaut Madeleine Morgenstern rectifie aussitôt : ce grand amour qui fait encore trembler Bertrand Morane, l’alter ego de Truffaut interprété par Charles Denner, c’est Catherine Deneuve. Dans le film, Véra et Bertrand se retrouvent un jour par hasard, dans un vestiaire d’hôtel. Elle est en robe du soir et boa de plumes, exactement comme la robe et le boa dessinés par Yves Saint Laurent que portait Catherine lorsque Truffaut l’a vue au Gala de l’Union des artistes, au bras de Mastroianni.

Extrait de la scène : Véra : « J’ai été obligée de faire ce que j’ai fait. C’était ça ou devenir folle… Evidemment, je ne m’attendais pas à ce que vous alliez souffrir autant… Vous aviez tellement bien caché vos sentiments… Mais je n’ai pas regretté ma décision. Je savais que vous alliez lutter pour vous en sortir ». – Bertrand : « C’est vrai, j’ai lutté et je m’en suis sorti. Au départ, grâce à toutes sortes de médicaments, des gouttes pour dormir, des cachets pour rester calme… Il y avait même des pilules pour devenir joyeux. Ce n’est pas très romantique, mais je trouve cela amusant, l’idée que les histoires d’amour qui finissent mal peuvent se guérir avec de la pharmacie. »

Comme toujours, le cinéaste a laissé un indice à Catherine. Alors que Véra s’en va, Bertrand tourne légèrement la tête vers les vêtements suspendus au vestiaire. Là, sur un cintre, il regarde longuement un manteau en daim à col de fourrure, rappel subliminal de celui qu’avait dessiné Yves Saint Laurent pour La Sirène du Mississippi…

SA CINÉPHILIE, SON OBSERVATION FINE DES PLUS GRANDS RÉALISATEURS LUI ONT DONNÉ UN SAVOIR-FAIRE QUE BEAUCOUP DE CINÉASTES POURRAIENT LUI ENVIER

Même pour La Femme d’à côté (1981), Truffaut dira : « Je pourrais donner des droits d’auteur à Catherine Deneuve. » Il a rédigé les premiers contours de ce drame passionnel en 1972, dans un synopsis de cinq pages. On y retrouve l’amour fou, les retrouvailles des années plus tard, la dépression ; la passion qui ne peut s’éteindre et qui, ne pouvant être vécue, devient souffrance. Ni avec toi ni sans toi.

En somme, avec Le Dernier Métro, il ne s’agit plus de se parler par écran interposé mais de retrouver cette utopie professionnelle qui les unit encore. Sur le tournage, début 1980, le réalisateur fait à Deneuve une confiance absolue. Lorsqu’il est trop fatigué ou occupé à régler mille soucis, c’est elle qui regarde les rushs, suggérant ensuite telle modification ou tel plan supplémentaire. L’actrice n’a jamais été tentée de passer derrière la caméra, comme une Nicole Garcia ou nombre de comédiennes des générations suivantes. Mais sa cinéphilie, son observation fine des plus grands réalisateurs lui ont donné un savoir-faire que beaucoup de cinéastes pourraient lui envier.

Le dernier cadeau de Truffaut à Deneuve tient au rôle de Marion Steiner lui-même, cette femme forte qui mène de front son théâtre et ses amours. L’actrice a 37 ans et le cinéaste n’ignore pas que la quarantaine est un cap difficile pour les comédiennes. Dans son scénario, il a abordé le sujet d’une manière qui ne peut que lui plaire : « Elle est encore belle », dit Bernard Granger de Marion Steiner et il tombe amoureux d’elle. En ce début des années 1980, l’idée qu’une femme puisse séduire un homme plus jeune – en réalité Gérard Depardieu n’a que cinq ans de moins que Deneuve – est encore rarissime à l’écran. Mais un couple de cinéma est né : Depardieu et Deneuve feront dix films ensemble.

Le succès extraordinaire du Dernier Métro (3,5 millions d’entrées en France) ouvre pour Catherine Deneuve une longue série de rôles où elle incarnera des maîtresses femmes. « Truffaut trouvait que mon physique m’avait beaucoup servi, expliquera-t-elle plus tard dans Une certaine lenteur. Entretien Catherine Deneuve-Arnaud Desplechin (Rivages, 2010). Il pensait que ce pouvait être un poids et un inconvénient. Il voulait me donner un rôle de maturité, le rôle d’une femme active, brusque, virile, une femme qui a à prendre une décision, une femme un peu brutale. » C’est ce qu’a tout de suite compris Gérard Depardieu. Il résume l’affaire en une phrase : « Elle est le seul homme que j’aurais voulu être », lors du dîner au Fouquet’s qui suit la cérémonie des Césars 1981. Le Dernier Métro y a remporté dix prix, dont ceux du meilleur film, du meilleur réalisateur, du meilleur scénario et pour le duo Depardieu-Deneuve, les prix du meilleur acteur et de la meilleure actrice.

AVEC LE PERSONNAGE DE MARION STEINER, CATHERINE DENEUVE REPREND LE LEADERSHIP DES FEMMES ÉMANCIPÉES RÉUSSISSANT CARRIÈRE ET AMOUR

Deneuve n’est plus seulement une belle héroïne, elle est devenue la patronne. Cela paraît incroyable aujourd’hui, mais en cette année 1980, il est encore rare que les femmes de pouvoir s’en sortent bien au cinéma. Médecin débordée, dans Docteur Françoise Gailland (1976), de Jean-Louis Bertuccelli, Annie Girardot était frappée d’un cancer et ne trouvait que dans son retour au foyer un espoir de rémission. La même année que Le Dernier Métro, Romy Schneider est La Banquière (de Francis Girod), mais elle termine assassinée… Avec le personnage de Marion Steiner, Catherine Deneuve reprend le leadership des femmes émancipées réussissant carrière et amour.

C’est la dernière fois qu’elle tourne pour le cinéaste. Cela ne les empêche pas de déjeuner presque chaque mois ou d’aller au cinéma ensemble. « Elle a longtemps eu la nostalgie de ne plus être l’égérie de Truffaut », confie Bertrand de Labbey, ex-compagnon de l’actrice qui fut aussi longtemps son agent. Puis, un jour, à l’été 1983, François Truffaut est pris de violentes migraines pendant ses vacances avec l’actrice Fanny Ardant, sa dernière compagne. C’est une tumeur cérébrale. Opérations, convalescence. Catherine Deneuve a arrangé un rendez-vous avec un grand ponte de la médecine, mais le cinéaste est condamné. Il meurt le 21 octobre 1984.

Depuis, l’actrice n’a jamais voulu vraiment raconter ce cinéaste dont elle hante pourtant tant de films. En 1997, elle a attaqué les auteurs de la superbe biographie de Truffaut éditée par Gallimard et, bien qu’ils aient produit devant le tribunal les notes et lettres du réalisateur, a obtenu la suppression de sept passages et une amende de 30 000 francs (elle en réclamait 600 000).

Le réalisateur Arnaud Desplechin, subtil disciple du réalisateur de La Sirène, qui a longuement interrogé l’actrice sur le cinéma, en 2010, reconnaît pour sa part aujourd’hui : « Je n’ai pas osé lui parler de Truffaut. » Vie privée et cinéma sont pourtant, dans cette affaire, intimement mêlés. Mais elle préfère rester The Figure in the Carpet (Le Motif dans le tapis), de la nouvelle d’Henry James qu’affectionnait Truffaut. Ce secret qui permet d’expliquer le récit et dont la quête ne doit jamais se terminer car elle constitue le secret lui-même.

27 août 2020

IMPLIED Magazine

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27 août 2020

Reportage - Wuhan, la ville vitrine de la propagande chinoise

Par Frédéric Lemaître, Wuhan, envoyé spécial

Techno Parade géante, sites touristiques gratuits… Un air de liberté souffle sur la capitale de la province du Wuhan, après soixante-seize jours de confinement, malgré une situation économique dégradée.

Alors que le monde entier redoute une deuxième vague de Covid-19, un pays fait exception : la Chine. Tant à Shanghaï qu’à Pékin, la vie reprend peu à peu son cours normal. Dans la capitale, le Musée national présente même, depuis le 1er août, une exposition sur la lutte contre le virus. Etrangement, seuls les titulaires d’une carte d’identité chinoise ont accès à ce grand moment d’autocélébration.

Mais c’est à Wuhan que l’amélioration est la plus spectaculaire. Hier, symbole d’un monde contraint de se confiner comme au Moyen Age pour résister à l’assaut d’un nouvel ennemi, la capitale du Hubei est aujourd’hui la vitrine de la victoire chinoise contre l’épidémie.

On y fait à nouveau la fête comme nulle part ailleurs en Chine, voire dans le monde. Une vidéo tournée par l’Agence France-Presse montrant des milliers de participants dansant sans la moindre protection, lors d’une fête techno géante organisée samedi 15 août dans une vaste piscine, à l’est de la ville, a suscité d’innombrables réactions internationales. Manifestement, après soixante-seize jours de confinement, la jeunesse du Hubei se lâche. Dès l’ouverture du parc le 25 juin, le magazine Hubei illustré publiait des photos de jeunes Chinoises en bikini – un phénomène pas si fréquent dans le pays − agglutinées au bord des plages artificielles.

Désormais, les organisateurs de cette fête sont sur la défensive et refusent de parler à la presse étrangère. Pourtant, leur initiative ne doit rien au hasard. Elle fait partie d’une stratégie des autorités nationales et régionales destinée à montrer aux Chinois que « Wuhan est de retour ».

Depuis le 8 août, environ 400 sites touristiques du Hubei sont accessibles gratuitement et ce, jusque la fin de l’année. Parmi eux, plusieurs sites de Wuhan dont la célèbre tour de la Grue jaune. La « Vallée heureuse », immense parc de loisirs, à l’est de la ville, où se trouve le désormais fameux parc aquatique de Maya Beach, fait partie des attractions à prix bradés.

Un air de liberté

En principe, pour la plupart de ces attractions, des prises de température sont imposées à l’entrée, et le nombre de personnes présentes est limité à environ 50 % de la capacité d’accueil du lieu. Surtout, il faut réserver la veille, en inscrivant, là aussi, le numéro de sa carte d’identité.

Néanmoins, vendredi 21 août, il était possible d’entrer sans le moindre contrôle à la fête de la bière organisée dans un parc de Wuhan. Une semaine auparavant, lors de la première journée de cette « Beer Fest », la police a dû, selon deux témoignages de commerçants, bloquer les entrées du parc en raison de la foule estimée à plusieurs dizaines de milliers de personnes. Deux grandes allées de stands de bière et de nourriture amènent les visiteurs consommateurs devant une scène où ils peuvent écouter et voir des spectacles à la fois traditionnels et patriotiques, le tout dans une ambiance familiale et bon enfant.

De fait, pour un Pékinois, un air de liberté souffle sur Wuhan. Contrairement à ce qui se passe dans la capitale, on peut désormais entrer dans la plupart des commerces de la ville sans le moindre contrôle sanitaire. Les chauffeurs de taxi ne portent plus de masque et, pour prendre le bateau qui fait la navette entre les deux rives du Yangtze, on passe désormais sous un simple portique de sécurité. Les caméras thermiques ont été débranchées. Il est vrai que toute la population, soit environ 11 millions de personnes, a été testée fin mai et qu’on n’entre dans la ville qu’après avoir montré, via son téléphone portable, qu’on vient d’une zone « à faible risque ».

Rigueur et laisser-aller

Est-ce à dire que la situation est revenue à la normale, comme l’affirme la propagande ? Pas tout à fait. « Dans la vie quotidienne, il y a une certaine normalité et je ne critique pas la Techno Parade. Les gens sont contrôlés et dans le pire des cas, si un participant est porteur du virus, on peut désormais facilement retrouver les personnes avec qui il a été en contact. En revanche, dans les hôpitaux, nous continuons à relever la température à l’entrée et le port du masque est obligatoire. De plus, nous faisons un test de dépistage systématique pour tout malade, quelle que soit la raison de son hospitalisation. Nous ne prenons aucun risque », témoigne un docteur.

Autre secteur surveillé de près : les universités. Avec plus d’un million d’étudiants répartis dans environ 83 campus et établissements d’enseignement supérieur ou technique, Wuhan est l’un des principaux centres universitaires chinois.

La rentrée doit s’y effectuer progressivement à partir du 6 septembre. Les premiers étudiants qui retrouvent le campus après avoir prouvé qu’ils sont en bonne santé ne pourront en sortir que s’ils ont de bonnes raisons de le faire. Des restrictions critiquées sur les réseaux sociaux par des étudiants qui pointent la contradiction entre cette rigueur et le laisser-aller de la rave-party du 15 août.

« Les gens n’ont plus d’argent »

Surtout, sur le plan économique, la situation est loin d’être satisfaisante. « Avant, j’avais quinze cours par semaine avec plus de dix élèves par cours. Maintenant je n’ai plus que cinq classes avec six élèves. J’ai perdu environ 50 % de mon chiffre d’affaires. Heureusement que je suis propriétaire du studio », témoigne M. Dong, professeur de danse.

Selon lui, deux raisons expliquent la situation : « Les gens n’ont rien gagné pendant au moins deux mois et n’ont plus d’argent et ils redoutent la promiscuité. J’ai un ami qui donne des cours de gymnastique, son chiffre d’affaires mensuel est passé de 200 000 yuans [environ 24 000 euros] à 10 000 yuans [1 200 euros]. Comment voulez-vous qu’il s’en sorte ? »

La plupart des commerçants interrogés évoquent une baisse du chiffre d’affaires comprise entre 35 % et 50 %. « Avant je gagnais 300 yuans [36 euros] par jour. Je pouvais économiser un peu. Maintenant je n’en gagne plus que la moitié. C’est très juste », déplore un chauffeur de taxi. En dépit des rabais consentis, les hôtels tournent au ralenti. 20 % environ. « Pourtant, Pékin envoie pas mal d’argent pour soutenir les entreprises publiques et les grands groupes privés », ajoute un observateur.

Les autorités sont tellement soucieuses de l’image de la ville qu’elles semblent plus désireuses que jamais de faire taire toute voix supposée dissidente.

L’écrivaine Fang, autrice d’un journal de Wuhan, n’a pas été autorisée à rencontrer un journaliste étranger. Une militante féministe, qui avait accepté de recevoir Le Monde, a décommandé après avoir reçu la visite de son comité de quartier – informé on ne sait comment – lui « déconseillant » de donner une interview. « C’est la première fois que cela m’arrive », confie-t-elle seulement avant de raccrocher.

Confiance envers le gouvernement

Pourtant, tout semble indiquer que le Parti communiste a vu sa légitimité croître auprès des Chinois depuis la crise. « Je soutenais le gouvernement avant, mais maintenant je le soutiens de tout cœur. Fermer Wuhan était une décision difficile à prendre. Il a fait le bon choix », explique le père de M. Dong, qui aide son fils au cours de danse.

Le cas de Mme Feng est significatif. Mariée à un homme d’affaires, cette femme élégante de 37 ans ne faisait pas vraiment confiance au gouvernement. Le 23 janvier, jour de la fermeture de Wuhan, elle s’en est voulu d’avoir fait revenir quelques jours auparavant son fils, étudiant à Toronto, pour les fêtes du Nouvel an lunaire. Craignant que les communistes ne sacrifient Wuhan pour sauver le reste de la Chine, elle a même tenté de quitter la ville en voiture avec son mari et leur fils. Mais la famille Feng s’y est prise trop tard et a dû rebrousser chemin.

Craintive, Mme Feng n’est pas sortie de chez elle avant le 1er mai, trois semaines après la fin du confinement. Encore aujourd’hui, dès qu’elle rentre chez elle, elle passe systématiquement ses vêtements à la machine et prend une douche. Certes, elle trouve que le gouvernement « aurait dû nous dire de porter le masque dès la fin décembre », mais elle est « rassurée » sur la capacité de la Chine à gérer la crise. Et elle approuve la décision de son fils d’interrompre ses études à Toronto pour s’engager durant deux ans dans l’Armée populaire de libération. Rien ne la conforte plus que de le savoir rester en Chine « Même s’il y a une deuxième vague, on sait maintenant comment la contrôler. » Elle attend le vaccin avec impatience : « Quel qu’en soit le prix, je serai la première à me faire vacciner », affirme-t-elle.

27 août 2020

Iris Brosch - photographe

iri brosch

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