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Jours tranquilles à Paris
etats unis
9 mai 2018

Donald Trump se retire de l’accord iranien et s’isole encore un peu plus de ses alliés

Par Gilles Paris, Washington, correspondant - Le Monde

Le président américain a annoncé sa décision mardi et promis le « plus haut niveau de sanctions économiques » contre Téhéran. Le choix diplomatique le plus conséquent depuis le début de son mandat.

Donald Trump a spectaculairement renoncé à un accord forgé par son propre pays, mardi 8 mai, en retirant les Etats-Unis de l’accord nucléaire iranien conclu en 2015.

Le président américain n’a pris personne par surprise. Contempteur infatigable du « pire » accord selon lui jamais conclu par Washington, il n’avait cessé d’agiter la menace d’un départ. Faute d’obtenir une improbable réécriture en profondeur du texte exclue par les autres signataires, l’Allemagne, la Chine, la France, la Russie et le Royaume-Uni, comme par l’Iran, Donald Trump n’avait d’autre choix que le retrait, conforme à l’une de ses promesses électorales. « La décision d’aujourd’hui envoie un message crucial. Les Etats-Unis ne font plus de menaces vides de sens. Quand je fais des promesses, je les tiens », a assuré le président.

Parce qu’elle concerne une région déjà couturée de crises et de guerres, cette décision unilatérale est la plus conséquente prise jusqu’à présent par le président des Etats-Unis, même si elle se situe dans la droite ligne du retrait du projet de libre-échange avec des pays riverains du Pacifique, le 23 janvier 2017, ou de celui de l’accord de Paris, le 1er juin de la même année.

Comme les précédentes, elle place en porte-à-faux les Etats-Unis avec leurs principaux alliés à l’exception des ennemis régionaux de Téhéran, Israël et l’Arabie saoudite. Elle constitue pour la relation transatlantique une nouvelle épreuve, sur fond de tensions pour l’instant sans réponses sur le commerce.

« Un accord horrible »

Comme il en a l’habitude, Donald Trump a mis mardi en cause la compétence des négociateurs américains d’alors, incapables selon lui de tirer profit du rapport de forces favorable créé à l’époque par l’imposition d’un régime de sanctions particulièrement dures pour l’économie iranienne. « Un accord constructif aurait facilement pu être conclu à ce moment-là, mais cela n’a pas été le cas », a-t-il déploré, balayant d’un revers de mains deux ans de négociations ardues.

En octobre 2017 et encore en janvier, lors de ses premières prises de distance vis-à-vis de l’accord obtenu par son prédécesseur démocrate, Barack Obama, que le retrait de mardi parachève, M. Trump avait déjà multiplié les attaques frontales.

Il a récidivé en dénonçant « un accord horrible » qui « n’a pas apporté le calme », ni « la paix » et qui « ne le fera jamais ». Il a dressé un état des lieux accablant mais partial, lorsqu’il a par exemple dénoncé la poursuite de l’enrichissement de l’uranium, sans préciser qu’il s’agit d’un taux incompatible avec un projet militaire, ou critiqué les failles supposées du régime de contrôle le plus sévère de l’histoire de la lutte contre la prolifération. Les services de renseignement américain considèrent d’ailleurs que l’accord est respecté.

De même, le président des Etats-Unis a repris sans la moindre nuance la théorie d’un mensonge d’Etat iranien exposé une semaine auparavant par le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, un adversaire déterminé de l’accord, à l’occasion de la présentation d’un programme militaire secret cependant antérieur à l’accord de 2015.

« Régime meurtrier »

Donald Trump a également mis en cause l’accord pour des questions auxquelles il n’était pas censé répondre comme les activités balistiques de l’Iran ou son influence régionale. « Il est clair pour moi que nous ne pouvons pas empêcher une bombe nucléaire iranienne en restant dans la structure délabrée et pourrie de l’accord actuel. [Il] est fondamentalement défectueux. Si nous ne faisons rien, nous savons exactement ce qui va se passer. Dans un court laps de temps, le principal soutien de la terreur dans le monde sera sur le point d’acquérir les armes les plus dangereuses », a-t-il assuré avant d’opposer un « régime meurtrier » à la « fière nation » iranienne que ce dernier prend en « otage » selon lui.

Pour éviter l’Iran nucléaire qu’il redoute, Donald Trump veut désormais négocier « en position de force » selon la formule de son conseiller à la sécurité nationale, John Bolton, un « faucon » présent aux côtés du président depuis un mois et qui avait rédigé pour le New York Times, en mars 2015, une tribune intitulée « Pour stopper la bombe iranienne, bombardons l’Iran ». Le président des Etats-Unis escompte obtenir cet avantage en rétablissant les sanctions suspendues depuis 2015.

Il n’est pas question d’un simple retour en arrière. « Nous allons imposer le plus haut niveau de sanctions économiques », a assuré M. Trump qui s’est montré également menaçant en assurant que « toute nation qui aide l’Iran dans sa quête d’armes nucléaires pourrait également être durement sanctionnée par les Etats-Unis ».

Pour le locataire de la Maison Blanche, qui y a fait explicitement référence, l’heure est venue des « pressions maximales » qui ont contraint le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, selon Washington, à se tourner vers la négociation.

« Mettre autant de pression que possible sur l’Iran »

« Alors que nous sortons de l’accord, nous allons travailler avec nos alliés pour trouver une solution réelle, globale et durable à la menace nucléaire iranienne. Cela inclura des efforts pour éliminer la menace du programme de missiles balistiques [de Téhéran], pour arrêter ses activités terroristes dans le monde entier et pour bloquer son activité menaçante à travers le Moyen-Orient », a assuré Donald Trump.

Cet optimisme s’est immédiatement heurté à la réaction unanime des autres signataires de l’accord qui ont tous déploré la décision unilatérale américaine, à commencer par ceux qui en sont historiquement à l’origine : l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni.

Tous ont indiqué qu’ils entendaient continuer à respecter l’accord, au risque de s’exposer à des sanctions américaines presque aussitôt agitées par le nouvel ambassadeur des Etats-Unis à Berlin, Richard Grenell. « Les entreprises allemandes faisant des affaires en Iran devraient cesser leurs opérations immédiatement », a-t-il assuré sur son compte Twitter.

Le sujet est d’autant plus critique que le tour de vis américain a précisément pour but de priver de ressources le régime iranien comme l’a revendiqué John Bolton au cours d’un briefing tenu juste après la déclaration de Donald Trump. « C’est quelque chose que nous devrions poursuivre vigoureusement, parce que nous voulons mettre autant de pression économique sur l’Iran que possible », a-t-il dit, sans préciser à quelle échéance les entreprises présentes sur le marché iranien seront susceptibles d’être pénalisées.

Obama déplore « une grave erreur »

La décision de Donald Trump n’a pas véritablement soulevé l’enthousiasme de son propre parti. De nombreux élus républicains qui s’étaient pourtant opposés à l’accord lorsqu’il avait été conclu, en 2015, avaient exprimé leurs plus grandes réserves à la veille de cette annonce, redoutant à la fois un saut dans l’inconnu et le coût à payer pour la crédibilité des Etats-Unis.

Le président iranien, Hassan Rohani a d’ailleurs réagi mardi en estimant qu’elle montre que « les Etats-Unis ne respectent jamais leurs engagements ». « Si (…) nous arrivons à la conclusion qu’avec la coopération de ces cinq pays [restants], les intérêts du peuple iranien sont assurés (…) l’accord nucléaire restera en vigueur », a-t-il indiqué. Il n’a pas exclu cependant une reprise des activités d’enrichissement d’uranium « sans limite », synonyme de fin de l’accord, si ce dernier s’avère « un papier sans garanties ».

L’artisan américain du compromis, Barack Obama, est sorti de la réserve à laquelle il s’astreint généralement depuis son départ de la Maison Blanche pour déplorer « une grave erreur ». « Les Etats-Unis pourraient se retrouver avec un choix perdant perdant, entre un Iran doté de l’arme nucléaire ou une autre guerre au Moyen-Orient », a estimé, pessimiste, l’ancien président.

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26 avril 2018

La diplomatie par attouchements

Le festival de papouilles qui a marqué la visite d’Emmanuel Macron, qui a parfois confiné au harcèlement sexuel de la part de Donald Trump, ne doit pas masquer une grande réussite de communication. Sur la scène internationale, le président français a pris des allures de rock-star. Sa jeunesse, sa maîtrise de l’anglais, son parler-franc peu diplomatique, son goût de la castagne verbale, l’aura acquise lors d’une élection aux rebondissements dignes d’une série américaine, entre The West Wing et House of Cards, tout cela en fait l’invité idéal des talk-shows de fin de soirée, comme l’orateur prisé des cérémonies plus solennelles. Quoi qu’en disent les grincheux pavloviens, c’est un atout de pouvoir se faire entendre à l’étranger. On aurait tort de s’en plaindre, même si les calculs de politique intérieure ne sont pas absents de cette tactique médiatique.

Reste le fond, qui obéit à une loi d’airain : l’audace est un atout, la présomption un handicap. La frontière entre les deux est floue par nature. La position affichée sur l’accord sur le nucléaire iranien en est l’exemple le plus net. Macron défend à juste raison le compromis obtenu en 2015 par cinq des grandes puissances du Conseil de sécurité de l’ONU avec le régime iranien. Trump ne cesse de le dénigrer en termes brutaux et risque fort de refuser de le reconduire le 12 mai. Pour surmonter le hiatus, Macron et Trump s’accordent pour proposer son dépassement, avec toute l’ambiguïté propre à ce genre de motion : le président français veut bâtir une maison neuve sur les fondations actuelles ; son homologue américain veut les raser pour bâtir sans contrainte. Synthèse oxymorique…

Du coup l’affaire devient très risquée. Pour renégocier, il ne suffit pas de s’asseoir à la table. Il faut que les autres y viennent. Or ni la Russie, ni la Chine, ni l’Union européenne ne le souhaitent. Quant aux Iraniens, ils opposent un niet à toute remise en cause de l’accord et se plaignent de son application trop lente. Situation dangereuse : ce sont les dirigeants les moins radicaux qui ont soutenu le processus, en espérant y gagner une relance économique favorisée par la levée des sanctions occidentales. Les plus durs tiennent la position symétrique de celle de Trump : non à un compromis trop conforme aux demandes des puissances signataires. Miner les bases de l’accord, c’est apporter de l’eau à leur moulin hostile. Si ces radicaux l’emportent, le risque d’embrasement supplémentaire dans la région s’accroît. Autrement dit, l’idylle Macron-Trump est une arme à double tranchant. Elle peut déboucher sur une modération de la p osition américaine. Mais elle peut aussi servir de caution aux éructations irresponsables du papouilleur en chef de la Maison Blanche.

LAURENT JOFFRIN

26 avril 2018

Devant le Congrès des Etats-Unis, Emmanuel Macron plaide pour l’environnement et la diplomatie

Par Gilles Paris, Washington, correspondant - Le Monde

Le président de la République a mis en garde, mercredi 25 avril, contre les périls qui menacent, selon lui, les fondements démocratiques sur lesquels les deux pays ont été bâtis.

La célébration de l’amitié franco-américaine par un président français devant les deux Chambres du Congrès des Etats-Unis réunies en joint session peut vite tourner au ressassement de valeurs communes et d’une histoire séculaire.

Mercredi 25 avril, les évocations obligées de Gilbert du Motier de La Fayette et de George Washington, des dettes de sang contractées pendant la Révolution américaine puis lors des deux conflits mondiaux, ont rapidement laissé la place, dans le discours d’Emmanuel Macron, à des mises en garde contre les périls qui menacent, selon lui, les fondements démocratiques sur lesquels les deux pays ont été bâtis.

Ces mises en garde ont souvent sonné comme des critiques à peine voilées de certains thèmes défendus avec insistance par son hôte, Donald Trump.

Comme devant les Nations unies (ONU), en septembre 2017, le président de la République française a ainsi plaidé pour un « multilatéralisme fort » qui « ne fera pas planer une ombre sur nos identités et nos cultures » : « un multilatéralisme fort permettra à nos cultures d’être protégées, de prospérer librement ensemble », a assuré M. Macron, rappelant qu’il appartenait aux Etats-Unis, parce qu’ils en avaient été les principaux artisans à la fin de la seconde guerre mondiale, d’être à nouveau les acteurs de sa réinvention. « Nous ne laisserons pas le nationalisme nous priver d’une plus grande prospérité », a-t-il ajouté, critiquant frontalement les « guerres commerciales », dont Donald Trump a évoqué l’hypothèse.

« Make our Planet Great Again »

Aux menaces représentées par les régimes « illibéraux » et « autoritaires », le président a opposé une série de convictions liées entre elles par une anaphore (« je crois à »), opposant ainsi à « l’ignorance » « l’éducation », à « l’inégalité » « le développement », et au « fanatisme » « la culture ».

Le président français a également quitté les rives paisibles du passé pour aborder les sujets de contentieux entre la France et les Etats-Unis. Tout d’abord avec le climat, et en répétant sa formule « Make our Planet Great Again » assenée après la décision de Donald Trump de retirer les Etats-Unis de l’accord de Paris, le 1er juin 2017, dans une allusion directe au slogan de campagne du président des Etats-Unis – « Make America Great Again ».

Salué avec fougue par les élus démocrates, alors que les républicains se montraient beaucoup plus réservés, le président a répété qu’il n’y avait pas de « planète B » qui dispenserait les Etats de s’attaquer aux périls liés à l’environnement. Il a assuré entendre ceux qui privilégient l’emploi et l’économie à la lutte contre le réchauffement climatique, avant de plaider ensuite pour une transition énergétique.

M. Macron s’est également attardé longuement sur le dossier iranien, suspendu désormais à une décision que son hôte doit rendre d’ici le 12 mai, à propos d’un accord conclu en 2015 par son prédécesseur, Barack Obama, avec l’Iran, l’Allemagne, la Chine, la France, le Royaume-Uni et la Russie. Tout en répétant avec force un « objectif » commun « clair » : « L’Iran n’aura jamais d’armes nucléaires. Ni maintenant, ni dans cinq ans, ni dans dix ans, jamais », réaffirmant l’attachement de la France au compromis en vigueur, régulièrement stigmatisé par Donald Trump.

L’expiration de l’accord en 2025

« Il y a un cadre existant, le JCPOA [Joint Comprehensive Plan of Action], qui contrôle et encadre les activités nucléaires de l’Iran. Nous l’avons signé, les Etats-Unis et la France. C’est pourquoi nous ne pouvons nous en débarrasser comme cela. Mais il est vrai de dire que cet accord ne couvre pas toutes les inquiétudes, toutes les questions. Y compris certaines cruciales. Mais nous ne devons pas l’abandonner avant d’avoir quelque chose d’autre qui traite le fond du sujet. C’est pourquoi la France ne se retirera pas », a-t-il assuré.

« Je crois que nous pouvons travailler ensemble pour faire émerger cet accord plus général, plus complet pour la région, nos pays et nos concitoyens », a affirmé le président de la République en référence à ce qui se passera après l’expiration de l’accord, en 2025, et aux dossiers du balistique iranien et de l’influence régionale du régime de Téhéran au Moyen-Orient. L’Iran, comme la Russie, a déjà réagi négativement à cette perspective d’accord plus large évoquée pour la première fois la veille par le président français à la Maison Blanche.

Comme sur l’environnement, Emmanuel Macron a reçu sur ce point des applaudissements plus nourris sur les bancs démocrates qu’auprès des républicains. Premier président français à s’exprimer en anglais depuis Valéry Giscard d’Estaing, en 1976, il a parfois donné l’impression de s’abstraire de ses notes pour tenter de se montrer plus convaincant. Les dix-neuf standing ovations récoltées mercredi, pas seulement lors des passages obligés de l’exaltation de l’amitié franco-américaine, ont attesté qu’il avait été entendu.

Macron n’envisage pas de rencontre avec le dalaï-lama Une rencontre avec le dalaï-lama sans concertation avec la Chine serait contre-productive, a estimé, mercredi 25 avril, Emmanuel Macron. « C’est un leader extraordinaire, je le respecte beaucoup », a dit le président français lors d’un échange en anglais avec des étudiants, à l’université George Washington, au troisième jour de sa visite d’Etat aux Etats-Unis. « Mais maintenant je suis président de la République française ; si je le rencontre, ça déclenchera une crise avec la Chine », a-t-il ajouté. « Si je n’en ai pas parlé avec [Pékin] avant (…), ça ne sert à rien », a-t-il souligné. « Est-ce que c’est bon pour mon peuple si la Chine prend des mesures en représailles ? Non. » « Si la France pouvait être utile dans le règlement de la situation entre le dalaï-lama et la Chine, je ferais de mon mieux (…). Mais là, si c’est juste pour envoyer un message, c’est contre-productif », a conclu M. Macron. Prix Nobel de la paix en 1989 et considéré comme un « dangereux séparatiste » par Pékin, le dalaï-lama vit en exil en Inde depuis 1959. Lors d’une rencontre avec le chef spirituel tibétain, en septembre 2016, M. Macron avait publié une photographie sur Twitter avec pour légende : « j’ai vu le visage de la bienveillance ».

25 avril 2018

Le rendez-vous du Congrès des Etats-Unis, un exercice prisé par les présidents français

Par Solenn de Royer, envoyée spéciale à Washington, Gilles Paris, Washington, correspondant - Le Monde

58 ans jour pour jour après Charles de Gaulle, Emmanuel Macron s’exprimera, mercredi 25 avril à Washington, devant les Représentants et les Sénateurs américains.

Tous les présidents de la République française invités à s’exprimer devant le Congrès des Etats-Unis, un exercice auquel seul François Hollande a dérogé, ont eu à méditer la formule de William Shakespeare, « le passé est un prologue », rappelée par Valéry Giscard d’Estaing en 1976. Tous se sont en effet appuyés sur plus de deux siècles d’histoire commune pour tracer la voie d’un avenir commun aux deux pays, ou insister sur leurs intérêts partagés.

A son tour, Emmanuel Macron s’exprimera mercredi 25 avril pendant une demi-heure environ. En anglais, une première. Il évoquera les relations bilatérales entre la France et les Etats-Unis, des liens « ancrés dans une longue histoire d’amitié de près de 250 ans » qui furent marqués par les « combats communs pour la liberté et les valeurs démocratiques ». Une histoire qui s’est ensuite « enrichie » de divers échanges, sur le plan culturel, scientifique, économique ou encore politique.

Face à la multiplication des défis, comme la dégradation de la planète, le terrorisme ou la montée des nationalismes, énumère-t-on à l’Elysée, le chef de l’Etat dira que les deux pays alliés « n’ont d’autre choix que de travailler ensemble, plus étroitement et intensément que jamais, pour réinventer l’ordre mondial du XXIe siècle ».

Emmanuel Macron, qui sera accueilli par Paul Ryan, « speaker » à la Chambre des représentants, interviendra cinquante-huit ans jour pour jour après Charles de Gaulle, qui avait alors rendu hommage à l’histoire commune de la France et des Etats-Unis et insisté sur l’importance des liens entre les deux pays dans un contexte de fortes tensions entre l’Est et l’Ouest. « C’est grâce à l’organisation d’un ensemble européen de l’Ouest (qui comprend l’Allemagne fédérale), face au bloc construit par les Soviétiques, que pourra s’établir de l’Atlantique à l’Oural l’équilibre entre deux zones comparables par le nombre et les ressources », avait plaidé le Général.

De Gaulle se réfère à peine à son texte

Dans son compte rendu, daté du 27 avril 1960, Le Monde avait noté que « rarement le Capitole avait pris un pareil air de fête pour accueillir un hôte étranger ». « Quand le général de Gaulle, en complet gris foncé, fit son entrée à 12 h 30 dans la grande salle rectangulaire où se réunissent pour les grandes occasions les deux Chambres du Parlement, toute l’assistance debout applaudit frénétiquement », note l’envoyé spécial du journal, Jean Knecht.

Ce dernier précise que De Gaulle se réfère à peine à son texte, à la grande surprise d’une assistance « d’ordinaire plutôt blasé(e) », dont des journalistes américains « endurcis ». Lesquels, ajoute drôlement Le Monde, « ne sont évidemment pas aussi gâtés par l’éloquence de leurs hommes politiques ».

Avant Emmanuel Macron, c’est Nicolas Sarkozy qui s’était exprimé devant le Congrès des Etats-Unis, le 7 novembre 2007. « Avec ses amis, on peut avoir des divergences, on peut avoir des désaccords, on peut avoir des disputes. Mais dans la difficulté, dans l’épreuve, on est avec ses amis, on est à leurs côtés, on les soutient, on les aide », déclare-t-il alors. Il s’agit pour le président élu six mois auparavant de réparer une relation endommagée par le refus français de s’engager dans l’aventure irakienne, quatre ans plus tôt.

Le successeur d’un Jacques Chirac pourtant précédé d’une réputation d’américanophile avant l’épreuve de l’Irak, ne ménage pas sa peine. « Chaque fois que dans le monde tombe un soldat américain, je pense à ce que l’armée d’Amérique a fait pour la France », déclare-t-il après un hommage appuyé à une culture américaine présentée comme universelle.

Nicolas Sarkozy assure à la satisfaction de l’administration de George W. Bush que « la France restera engagée en Afghanistan aussi longtemps qu’il le faudra, car ce qui est en cause dans ce pays, c’est l’avenir de nos valeurs et celui de l’Alliance atlantique », l’OTAN. Son discours est interrompu plus d’une fois par une standing ovation.

Les responsabilités liées à la puissance

Alors qu’une crise financière menace, qui explosera un an plus tard, le président français met pourtant son auditoire en garde. « Ceux qui aiment la nation qui a le plus démontré au monde les vertus de la libre entreprise attendent de l’Amérique qu’elle soit la première à dénoncer les dérives et les excès d’un capitalisme financier qui fait aujourd’hui la part trop belle à la spéculation », assure-t-il.

Onze ans plus tôt, le 1er février 1996, Jacques Chirac s’était appuyer sur l’intervention décisive de l’administration de Bill Clinton en Bosnie pour en souligner la portée : « Comme hier, les Etats-Unis considèrent que l’Europe est vitale pour leur sécurité. Je salue la constance et la fermeté de cet engagement ». Le président français en profitait pour faire part de sa disponibilité pour un retour de la France dans le commandement intégré de l’Alliance atlantique, quitté en 1966 à l’initiative de Charles de Gaulle. « Il nous faut imaginer (…) ce pilier européen au sein de l’Alliance qu’évoquait déjà le président Kennedy et qui doit devenir peu à peu une réalité avec l’Union de l’Europe occidentale. La France, dans cette situation nouvelle, est prête à prendre toute sa part à cette entreprise de rénovation. »

Ce jour-là, Jacques Chirac rappelle également aux Etats-Unis les exigences liées à leur statut de superpuissance. « Le champ de nos intérêts communs ne se borne pas à l’Europe. Partageant les mêmes valeurs, nous partageons une même aspiration à la paix et au progrès dans le monde. Nous sommes exposés aux mêmes menaces et aux mêmes risques. Et sur nos épaules reposent les mêmes responsabilités. Rien de ce qui affecte le “village planétaire” ne saurait nous être indifférent. Nul n’est à l’abri de ce qui se passe ailleurs, fût-ce à l’autre bout du monde », assure-t-il.

Avant lui, le 22 mars 1984, trois mois avant la commémoration du cinquantenaire du Débarquement, François Mitterrand avait déjà dit que « dans ce monde où votre pays joue le rôle majeur, personne – ami ou adversaire – ne peut agir sans tenir compte des Etats-Unis d’Amérique. Et cette puissance confère à vos décisions une importance, une résonance qui donnent la mesure de votre rôle dans les affaires de la planète ».

Appel vibrant de Mitterrand pour l’aide au développement

Le premier président de gauche de la Ve République était considéré initialement avec circonspection par les Etats-Unis du républicain Ronald Reagan. « Entre pays libres, une alliance suppose sincérité, franchise, consultation permanente, mais aussi acceptation de points de vue différents. C’est en restant eux-mêmes que les Etats-Unis et la France se comprennent et se respectent. L’essentiel est que nos deux pays puissent compter l’un sur l’autre », assure le Français devant les élus américains, avant de plaider pour un dialogue avec l’Union soviétique pour garantir la paix et limiter la course aux armements.

François Mitterrand lance également un appel vibrant pour l’aide au développement à laquelle son successeur fera écho. « J’ai la conviction que bien des révolutions ou des guerres dans le tiers-monde trouvent d’abord leurs racines dans la pauvreté, dans l’exploitation économique qui exacerbent les affrontements traditionnels entre ethnies, religions et partis, assure-t-il, il ne sert à rien de s’acharner à construire la paix en laissant prospérer les causes profondes et permanentes de la guerre. Voilà pourquoi le développement d’une prospérité commune est, à mes yeux, une urgence et une priorité. »

Le 25 février 1970, Georges Pompidou, avait également plaidé en ce sens. « Il y a autour de nous des continents entiers où le sous-développement entretien la misère. Nous n’avons pas de devoir plus impérieux que de les aider à progresser sans chercher à les soumettre : la décolonisation doit s’accompagner d’une coopération active par laquelle les plus riches apportent leur concours aux plus démunis sans empiéter sur leur indépendance. La pauvreté est fière. Respectons-la comme telle, mais aidons-la », avait-il déclaré.

Alors que Richard Nixon a amorcé le retrait des troupes américaines du Vietnam du Sud et que les négociations s’éternisent à Paris, le président français aborde ce sujet douloureux. « Permettez à mon amitié de vous dire que la fin de la guerre du Vietnam sera pour les Etats-Unis la plus précieuse des victoires, celle que l’on remporte d’abord sur soi-même », assure-il.

Plaidoyer de VGE en faveur de la construction européenne

Son successeur, Valéry Giscard d’Estaing, le 18 mai 1976 – c’est l’année du bicentenaire de la Révolution américaine –, est le premier à s’exprimer en anglais devant les élus du Congrès. Une performance saluée par le Washington Post qui juge le discours « compréhensible malgré l’accent ». Le président français en profite pour prononcer un vibrant plaidoyer en faveur de la construction européenne.

« Nous nous employons en Europe à bâtir une confédération d’Etats libres et démocratiques, résolus à assurer ensemble leur prospérité et leur avenir. Les Etats-Unis ont encouragé, dès ses débuts, l’effort d’unification européenne. Qu’ils considèrent son achèvement sans réticences et sans appréhension ! Vous ne redoutez pas la liberté pour vous-mêmes. Ne la redoutez pas chez vos amis et vos alliés ! Une communauté européenne indépendante, organisée, prospère, sera pour les Etats-Unis le meilleur partenaire, et pour le monde, une garantie de stabilité, de développement et de paix », proclame Valéry Giscard d’Estaing. Un engagement répété depuis avec constance devant le Congrès par les présidents français.

25 avril 2018

Macron et Trump évoquent « un nouvel accord avec l’Iran »

Par Gilles Paris, Washington, correspondant, Marc Semo, Washington, envoyé spécial - Le Monde

Les divergences sur ce sujet entre les deux chefs d’Etat ont été manifestes dès les premiers échanges, mardi, dans le bureau Ovale de la Maison Blanche.

L’évolution n’est-elle que sémantique ? « Nous souhaitons pouvoir désormais travailler sur un nouvel accord avec l’Iran », a lancé le président de la République Emmanuel Macron lors de la conférence de presse qui a suivi ses entretiens avec son homologue Donald Trump, mardi 24 avril, au deuxième jour de sa visite à Washington.

Après avoir fait le constat de leur désaccord sur l’accord sur le nucléaire iranien (JCPOA) conclu en juillet 2015 par les cinq membres permanents du Conseil sécurité des Nations unies (ONU), l’Allemagne et l’Iran, ils ont tous les deux évoqué leur volonté d’aboutir à un nouveau texte. Ils sont néanmoins restés évasifs sur les contours et la portée des nouvelles négociations qu’ils appellent de leurs vœux pour y parvenir, mais qui devraient se heurter à la vive opposition de Téhéran.

« On ne déchire pas un accord pour aller vers nulle part, on construit un nouvel accord plus large », a précisé le président français soulignant sa volonté d’aborder « tous les sujets de la région », dont la stabilisation de la Syrie et les activités balistiques de l’Iran.

Les autorités françaises partagent pour l’essentiel les préoccupations de Washington ; la différence est avant tout tactique : elle porte sur les moyens d’y répondre. Une équipe animée par Brian Hook, le directeur de la planification politique au département d’Etat, discute depuis des mois avec les Français, les Britanniques et les Allemands – les autres européens signataires de l’accord – pour trouver un moyen de le compléter.

Intégrer la question syrienne

Le président français a répété les quatre points défendus par Paris : maintenir l’accord de 2015 qui gèle le programme iranien pour dix ans, mais lui ajouter d’autres mesures pour le prolonger au-delà de cette date, parvenir à un nouvel accord à propos du programme balistique lancé par Téhéran, et surtout établir les conditions d’une stabilité régionale en contenant l’influence de la République islamique.

D’où l’idée d’intégrer la question syrienne dans un éventuel nouvel accord au risque de le rendre encore plus problématique. Emmanuel Macron défend depuis le début de son mandat sa volonté de créer les conditions d’une solution politique inclusive en Syrie, en y associant aussi la Turquie et la Russie. C’est aussi une réponse directe à Donald Trump qui dénonce la main de Téhéran derrière toutes les crises du Moyen-Orient et veut rompre l’accord s’il n’est pas durci.

Sans rejeter l’offre de son homologue français, le président américain est resté évasif quant à sa décision de maintenir ou non la levée provisoire des sanctions contre Téhéran, scellant le sort de l’accord. « Personne ne sait ce que je vais faire le 12 mai », a-t-il déclaré. « Je pense que nous aurons une super-occasion de faire un bien plus gros accord, peut-être. »

Emmanuel Macron se veut néanmoins optimiste. « Si l’heure ou un peu plus que nous avons passée ensemble avait eu pour conclusion de dire : les Etats-Unis sortiront du JCPOA et la France veut le défendre, alors à ce moment-là notre amitié ne servirait à rien », a-t-il précisé.

Souci d’apparaître constructif

Les divergences sur l’Iran entre les deux chefs d’Etat ont été manifestes dès les premiers échanges, mardi. Dans le bureau Ovale de la Maison Blanche, assis côte à côte, les deux présidents – tout en prenant la pose devant les photographes avec une longue poignée de main – ont répondu à quelques questions.

Et aussitôt Donald Trump s’est enflammé, pourfendant l’accord de juillet 2015. « Un désastre », a-t-il martelé. Interrogé sur les menaces formulées par les Iraniens de relancer leur programme si les Etats-Unis sortaient de l’accord, il s’est montré menaçant à son tour, affirmant que « si l’Iran recommence son programme, le pays aura des problèmes comme jamais il n’en a eu ». Emmanuel Macron n’a guère apprécié cet échange qui a énervé Donald Trump avant même que ne commence leur entretien. « Il faut intégrer le problème de l’Iran dans l’ensemble des défis régionaux, dont notamment la Syrie ; il faut éviter une escalade et la prolifération nucléaire ; toute la question est de trouver le meilleur chemin pour y arriver », a nuancé le président français.

Plus tard, au cours de la conférence de presse, M. Macron a évoqué, avec le même souci d’apparaître constructif, les autres contentieux qui opposent la France aux Etats-Unis – celui sur le climat, après le départ de Washington de l’accord de Paris, il y aura bientôt un an, et celui qui porte sur le commerce international.

Donald Trump, pour sa part, n’a pas répondu à une question portant sur les taxes visant des importations d’acier et d’aluminium sur le territoire américain dont l’Union européenne (UE) est provisoirement exemptée. Dans le bureau Ovale, il avait critiqué « les barrières commerciales inacceptables » de l’UE, ajoutant qu’il préférerait négocier directement avec la France alors que ce dossier est de la compétence de la Commission européenne.

Contexte international tendu

Comme lors de leurs précédentes rencontres, les deux hommes ont tenu à mettre en scène de manière insistante leur relation particulière, quitte à la surjouer lorsque le président des Etats-Unis a épousseté l’épaule de son visiteur pour en retirer selon lui des traces de pellicules. Après s’être dit admiratif de son homologue français pour sa détermination en matière de politique migratoire, un sujet qui lui tient à cœur, M. Trump a assuré que son invité s’avérerait « un président exceptionnel ».

Plus tôt dans la matinée, la cérémonie d’accueil avait célébré l’amitié franco-américaine avec force drapeaux américains et français, fanfares et piquet d’honneur militaire sur la grande pelouse de la Maison Blanche. Un hommage à « la fière nation française, le plus ancien allié des Etats-Unis », a insisté Donald Trump. Un exercice très encadré, similaire aux visites d’Etat précédentes de présidents français.

Mais cette fois, en raison du lien personnel entre les deux hommes et du fait d’un contexte international tendu, les discours ont fait sens. A propos des défis communs posés aux deux pays, notamment le terrorisme, Donald Trump a longuement salué la figure du lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, le gendarme tué le 24 mars par un djihadiste près de Carcassonne après avoir pris la place d’un otage dans un supermarché. « Il a regardé le mal dans les yeux et il n’a pas vacillé : ce fils de la France a rappelé au monde la véritable dimension de notre force », a assuré le président américain.

Son homologue a insisté sur ces mêmes thèmes et sur le rendez-vous avec l’Histoire. « Nous sommes porteurs d’un multilatéralisme fondé sur la défense d’un pluralisme fort et de la démocratie alors que des vents mauvais se lèvent », a lancé M. Macron, évoquant notamment la montée des « nationalismes agressifs ». Et de clamer : « L’Histoire nous appelle et impose à nos peuples de retrouver la force d’âme qui nous a inspirés dans les moments les plus durs. »

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24 avril 2018

Visite d'Etat d'Emmanuel Macron aux Etats Unis

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24 avril 2018

La presse américaine décrypte le pari de Macron sur Trump

Par Stéphanie Le Bars, Washington, correspondance - Le Monde

Le président français a entamé lundi une visite de trois jours outre-Atlantique. Un déplacement que les médias scrutent avec attention.

Emmanuel Macron, le « Obama français » est arrivé lundi 23 avril après-midi à Washington pour la première visite d’Etat organisée par le président des Etats-Unis, Donald Trump, depuis son accession à la Maison Blanche. La presse américaine scrute avec intérêt la « relation particulière » qui unirait les deux hommes aux profils si différents. Elle s’interroge surtout sur les bénéfices, pour le président français, d’afficher sa proximité avec M. Trump.

Ainsi la radio publique NPR estime que l’enjeu de cette visite « pourrait être plus grand pour M. Macron que pour le président américain », car « le dirigeant français devra montrer que sa relation avec Trump produit des résultats », notamment sur l’accord nucléaire iranien, le climat ou la guerre commerciale. Or pour l’heure, comme l’affirme le New York Times, le locataire de l’Elysée « prend le risque de courtiser Trump mais il n’a rien obtenu », si ce n’est « le voyage à Washington ».

Il fait le pari, « malgré l’impopularité » du républicain, que son image n’en pâtira pas et espère même apparaître comme un leader « si fin psychologiquement qu’il parviendra à avoir l’oreille de Trump ». Et qu’au final, cette stratégie permettra à la France d’occuper une position d’influence auprès des Etats-Unis. Avoir choisi de s’exprimer dimanche sur Fox News, la chaîne favorite du président américain, démontrerait même que le dirigeant français a compris quel était « le meilleur moyen de s’adresser à Trump », souligne encore le quotidien.

Des visions antagonistes

Des craquements sont pourtant déjà apparus dans la relation entre les deux hommes, notamment sur les suites à donner aux frappes américaines, françaises et britanniques en Syrie, rappelle NPR. De même, rien n’indique que M. Macron sera en mesure de faire changer d’avis M. Trump sur l’intérêt de conserver l’accord sur le nucléaire iranien, que le président américain doit prolonger ou dénoncer le 12 mai. « Il n’y a pas de plan B », a prévenu le chef de l’Etat français sur Fox News. Mais l’Iran n’est pas le seul sujet de possible discorde entre le Français et l’Américain. Le Washington Post a établi la liste des dossiers (commerce, climat, multilatéralisme…) sur lesquels les visions sont très différentes pour ne pas dire antagonistes.

Tout en reconnaissant la place particulière qu’occupe pour l’heure le Français dans l’estime de Trump – « il ne l’a jamais publiquement critiqué » –, Vox dresse la liste des autres « amis » du président américain. Le magazine décrit certes M. Macron comme « celui qui murmure » à l’oreille du locataire de la Maison Blanche, mais il présente aussi le premier ministre japonais Shinzo Abe ou le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed Ben Salman, comme les autres prétendants au titre de « meilleur ami ».

Le faste et l’attention portés à la visite de M. Macron à Washington contrastent en tout cas avec la discrétion autour de l’arrivée de la chancelière allemande, Angela Merkel, prévue vendredi, quelques heures après le départ du président français. Une différence de traitement que la Süddeutsche Zeitung explique par l’absence d’alchimie personnelle entre M. Trump et Mme Merkel et par les relations commerciales entre les Etats-Unis et l’Allemagne, que le président américain juge à son désavantage.

23 avril 2018

Mount Vernon, clin d’œil à l’histoire franco-américaine

Par Gilles Paris, Washington, correspondant - Le Monde

Donald Trump a choisi la demeure de George Washington, pour un dîner privé, au premier jour de la visite d’Etat d’Emmanuel Macron aux Etats-Unis.

Une visite d’Etat à Washington d’un président français peut difficilement faire l’économie d’un hommage à l’Histoire. En 2014, reçu par Barack Obama, François Hollande avait eu les honneurs de Monticello, la demeure de Virginie de l’un des plus francophiles Pères fondateurs américains, Thomas Jefferson, ambassadeur à Paris de 1785 à 1789. Lundi 23 avril, leurs successeurs se recueilleront devant la tombe de George Washington, dans sa plantation de Mount Vernon, au sud de Washington.

Les deux couples présidentiels auront partagé auparavant une visite des lieux suivie d’un dîner intime à l’heure américaine depuis la terrasse de la maison du premier président des Etats-Unis (1789-1797) qui domine majestueusement un large méandre du Potomac. Un rappel du repas qui les avait rassemblés au sommet de la Tour Eiffel à la veille du 14-Juillet, à l’occasion de l’invitation de Donald Trump à Paris pour le centenaire de l’entrée en guerre des Etats-Unis aux côtés de la France, en 1917.

Clef historique

La propriété de Mount Vernon où George Washington passa une bonne partie de ses deux mandats (les institutions de la jeune république étant alors installées à Philadelphie) avait reçu en 2007 une autre paire de présidents, George W. Bush et Nicolas Sarkozy. Ils y avaient tenu une réunion de travail.

Les deux hommes s’étaient évidemment attardés devant la pièce la plus évocatrice de la France que recèle la demeure : la clef d’une des principales portes « de la forteresse du despotisme », la Bastille, expédiée par le marquis de Lafayette après le début d’une révolution qu’il considérait comme la continuité de son aventure américaine. Il s’agissait de « l’hommage d’un missionnaire de la liberté à son patriarche », précisait le Français dans sa missive, reçue en août 1790 par le président américain dont il se disait le « fils adoptif ».

Cette clef historique n’est pas la seule à évoquer les liens qui unissent les Etats-Unis à la France dans la plantation, comme le rappelle Melissa Wood, la directrice de communication de l’association des Dames du Mount Vernon qui gère le domaine depuis 1860. Il abrite également des bustes de Jean-Antoine Houdon et des peintures de Claude Lorrain ainsi que des pièces de mobilier et de vaisselle achetées en 1790 à un ambassadeur de France, le marquis Eléonor François Elie de Moustier, rappelé brutalement à Paris après le début de la révolution française.

Le président de la République française aurait pu également profiter de son voyage aux Etats-Unis pour célébrer le tricentenaire de la fondation de la Nouvelle-Orléans par le gouverneur de Louisiane, Jean-Baptiste Le Moyne de Bienville, en 1718. L’agenda contraint de la visite d’Etat, mardi, et l’invitation à s’exprimer devant le Congrès, le lendemain, ne l’ont pas permis.

23 avril 2018

Les enjeux de la visite d’Emmanuel Macron à Washington

Par Marc Semo - Le Monde

Le président français, qui se rend aux Etats-Unis lundi évoquera le terrorisme, l’Iran et le commerce international avec son homologue Donald Trump.

La visite d’Etat d’Emmanuel Macron, lundi 23 avril à Washington, est la première d’un dirigeant étranger depuis l’installation de Donald Trump à la Maison Blanche. Le président américain a ainsi voulu souligner l’importance qu’il accorde à sa relation avec son « ami » Emmanuel Macron. Ce dernier l’avait reçu avec faste pour le défilé du 14-Juillet et il ne veut pas être en reste.

Les trois jours de la visite d’Emmanuel Macron et de sa femme se dérouleront en grande pompe. Entretien dans le bureau Ovale à la Maison Blanche, dîner à Mount Vernon, la maison de George Washington, adresse au Congrès comme pour tous ses prédécesseurs de la Ve République, à l’exception de François Hollande. Comme Valéry Giscard d’Estaing en 1976, il s’exprimera en anglais pendant une trentaine de minutes. Un discours pour « rappeler les valeurs communes et la volonté de continuer à écrire l’histoire ensemble », souligne l’Elysée. Il a accordé également un grand entretien, diffusé dimanche, à Fox News, la chaîne réactionnaire qu’affectionne Donald Trump. Le président français, accompagné lors de cette visite par Jean-Yves Le Drian (affaires étrangères), Florence Parly (armées) et Bruno Le Maire (économie) abordera dans ses entretiens avec son homologue tous les grands sujets internationaux.

Terrorisme

Il y a une évidente convergence dans le caractère prioritaire de la lutte contre le terrorisme, y compris contre ses financements, alors que se tiendra à Paris une conférence internationale sur le sujet les 25 et 26 avril. La France comme les Etats-Unis veulent finir d’éradiquer l’organisation Etat islamique (EI) de son ancrage territorial syro-irakien, mais Emmanuel Macron espère aussi convaincre son interlocuteur de maintenir les quelque 2 000 hommes, notamment des forces spéciales, déployés au nord-est de la Syrie dans le territoire contrôlé par les FDS (Forces démocratiques syriennes) à dominante kurde. Soumis à la pression de son électorat et fidèle à ses promesses de campagne, Donald Trump voudrait au contraire pouvoir rapatrier les « boys » dès que possible.

Ils parleront aussi du Sahel. L’intervention au Mali, en 2013, a convaincu le Pentagone de la détermination française, et la présence, aux côtés d’Emmanuel Macron, de Jean-Yves Le Drian, passé de la défense aux affaires étrangères, est un atout. D’où le soutien américain, désormais affirmé, à la force militaire du G5 Sahel, initiée par la France et réunissant le Tchad, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et la Mauritanie.

L’Iran

La lutte contre la prolifération nucléaire et chimique sera aussi au cœur des discussions et notamment le dossier du nucléaire iranien sur lequel Paris et Washington ont de sérieuses divergences d’approche, malgré des préoccupations communes, notamment sur le programme balistique développé par Téhéran. Donald Trump n’a jamais caché son hostilité « à l’horrible accord » de juillet 2015 entre les « 5 + 1 » (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, plus l’Allemagne, et Téhéran), gelant pour dix ans le programme nucléaire iranien.

Le 13 octobre, le président américain avait refusé de certifier, comme la loi américaine le lui demande, que l’accord avec l’Iran est conforme aux intérêts américains, et de proroger la levée des sanctions contre Téhéran. Donald Trump a posé la date du 12 mai comme ultimatum à ses alliés européens pour qu’ils s’entendent avec l’Iran, afin de « remédier aux terribles lacunes » du texte. Il réclame davantage d’inspections et, surtout, des gages pour l’après alors que l’accord limitant l’activité nucléaire de Téhéran est censé expirer entre 2025 et 2030.

La France s’emploie, avec les autres signataires européens, l’Allemagne et le Royaume-Uni, à le compléter avec des « recommandations fortes », y compris la menace de nouvelles sanctions à propos des missiles balistiques, afin d’augmenter la pression sur Téhéran et de donner des gages au président américain. Le retrait des Etats-Unis donnerait en effet le coup de grâce à l’accord de 2015, même si les autres signataires, à commencer par les Européens, continueraient à en respecter les termes.

Le limogeage du secrétaire d’Etat Rex Tillerson et son remplacement par « le faucon » Mike Pompeo, combinés à la nomination de John Bolton comme conseiller à la sécurité nationale, sont perçus comme un durcissement de la politique américaine de mauvais augure pour l’accord iranien. « Même si le président américain n’a pas encore arrêté sa décision, les signaux reçus ne sont guère encourageants », reconnaît l’Elysée.

Les négociations commerciales

C’est, avec le climat, l’autre grande pomme de discorde, depuis que, le 8 mars, l’administration Trump a relevé de 25 % les taxes douanières sur l’acier et de 10 % sur l’aluminium, tout en épargnant – seulement provisoirement – les intérêts des Européens. Ceux-ci ont jusqu’au 1er mai pour négocier des exemptions permanentes. « On espère que cette visite va être utile pour mieux expliquer nos positions, mais on n’espère pas de “deal”, on ne prévoit pas d’engranger d’accord lors de ces trois jours », explique l’Elysée, soulignant que « ce n’est pas vraiment l’objet de cette visite, c’est une visite très politique ».

Ces sujets seront aussi abordés deux jours plus tard par la chancelière allemande qui arrive à Washington le 27 avril. Mais ses relations avec Donald Trump sont très mauvaises depuis le début. Le président américain s’en est pris, avant et après son élection, à l’Allemagne en général et à la chancelière en particulier pour dénoncer les excédents commerciaux du pays, menacer le secteur de l’automobile de droits de douanes accrus et critiquer l’accueil des réfugiés depuis 2015.

« Pour les Etats-Unis, le numéro de téléphone de l’Europe, sa figure de référence, était Angela Merkel. Désormais, c’est Emmanuel Macron », relève Yves Bertoncini, de l’institut Jacques Delors. Un constat partagé par Célia Belin, chercheuse à la Brookings Institution qui, dans Foreign Affairs, relève que « la France, désormais, est le meilleur interprète des intérêts européens aux Etats-Unis ».

22 avril 2018

Emmanuel Macron en visite d'Etat aux Etats Unis

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